Les attentats à Paris révèlent les limites de Daesh, Olivier Roy
▻http://www.nytimes.com/2015/11/17/opinion/les-attentats-a-paris-revelent-les-limites-de-daesh.html?smid=tw-share
La France, peut-être elle seule, voudrait éradiquer #Daesh. Et elle essaye. Seulement elle n’a pas de quoi mener une telle guerre sur deux fronts, et dans le Sahel et au Moyen-Orient.
Mais si elle n’a pas les moyens de ses ambitions, heureusement pour elle, Daesh non plus. Après de remarquables et rapides gains territoriaux, les succès de Daesh résident de plus en plus, comme ceux d’Al Qaeda naguère, dans la manière que le groupe à de faire la une des journaux et d’occuper les réseaux sociaux. Le système Daesh a déjà atteint ses limites.
Il était fondé sur deux éléments : une expansion territoriale fulgurante et un effet de terreur qui visait à #sidérer l’ennemi. Daesh n’est pas un « état » islamique ; contrairement aux Talibans, il ne revendique pas de frontières ou de territoire précis. Il s’agit plutôt d’un califat dans une logique de conquête permanente — occupant de nouvelles terres, ralliant les musulmans du monde — à l’image de l’expansion musulmane au premier siècle de l’islam. Ceci aura valu à Daesh des milliers de volontaires, séduits par l’idée de se battre pour un #Islam_global plutôt qu’un morceau de Moyen-Orient.
Mais l’expansion de Daesh est bornée, parce que le mouvement a atteint la limite des zones où les populations arabes sunnites voient en lui un défenseur. Les Kurdes au nord, les Chiites irakiens à l’est, les Alaouites, maintenant sanctuarisés par les Russes, à l’ouest — tous résistent. Au sud, ni les Libanais, inquiets de la présence des réfugiés syriens, ni les Jordaniens, scandalisés par l’horrible exécution d’un de leurs pilotes, ni les Palestiniens ne sont tombés dans la fascination de Daesh. Bloqué au Moyen-Orient, Daesh se lance dans une fuite en avant : le #terrorisme_globalisé.
L’attentat de Beyrouth contre le Hezbollah, l’attentat de Charm El-Cheikh contre les Russes et les attentats de Paris ont le même objectif : maintenir l’effet de terreur. Mais de même que l’exécution du pilote jordanien a suscité le patriotisme au sein d’un peuple jordanien pourtant peu homogène, de même les attentats de Paris transforment la lutte contre Daesh en cause nationale. Daesh va tomber dans la même impasse que Al Qaeda : le terrorisme globalisé n’est pas plus efficace, en termes stratégiques, que des bombardements aériens sans support terrestre. Comme Al Qaeda, Daesh n’a aucun soutien populaire dans les populations musulmanes vivant en Europe ; il n’y recrute qu’à la marge.