• La Grèce bâillonne la parole dans les camps de migrants

    Signe d’un durcissement du discours à l’égard des #ONG qui accueillent les réfugiés, un #décret impose une #clause_de_confidentialité aux humanitaires.

    Un bâton dans les roues, en plein rebond de la vague migratoire. Le gouvernement grec a émis un décret resserrant un peu plus l’étau sur les #humanitaires qui accueillent les migrants. Publié au journal officiel local le 30 novembre, il empêche « toutes les personnes » qui travaillent dans les camps de réfugiés de révéler toute « information, document ou données » sur leurs résidents.

    Le document menace directement les ONG de poursuites légales si elles ne respectent pas cette clause de confidentialité, suffisamment vague pour dépasser le règlement européen sur la protection des données.

    Un moyen de réduire les humanitaires « au silence », selon Manos Moschopoulos, de la fondation Open Society. « Une partie du rôle des ONG est d’assister aux opérations d’accueil des migrants pour remplir les vides laissés par les autorités sur le terrain. Et une autre partie de leur rôle est d’obliger le gouvernement à rendre des comptes en cas de manquements. Cette nouvelle règle les empêche de pouvoir le faire. »

    Une simple file indienne de distribution de nourriture qui prend trop de temps ne pourrait pas être dénoncée. « Ça empêche tout lien entre le camp et l’extérieur, s’inquiète Manos Moschopoulos. Alors que ce sont ces liens avec la population qui permettent de s’insérer, de donner des habits ou de la nourriture. »

    Sur place, à Lesbos, principale porte d’entrée des embarcations en Mer Égée, une volontaire (qui requiert l’anonymat) s’inquiète d’un texte « jamais vu ». « Je ne sais même pas si c’est légal, explique-t-elle, apprenant tout juste la nouvelle. Plus rien ne m’étonne. Ça fait des mois qu’on fait tout pour nous empêcher de faire notre boulot. »

    L’exécutif grec en campagne contre les ONG

    Ce n’est pas la première fois qu’Athènes prend les humanitaires en grippe. Cette nouvelle règle pour les #camps s’inscrit dans un contexte d’efforts constants du gouvernement pour limiter l’implication des civils dans l’accueil des réfugiés. Dernier épisode en date, le ministre grec des migrations Notis Mitarachi a accusé, mardi, des ONG d’acheter des visas turcs pour faciliter le passage de migrants somaliens, nombreux à échouer sur les côtes grecques en novembre.

    « L’agenda politique prime sur la politique migratoire, décrypte Michael Maietta, ancien responsable humanitaire et spécialiste des questions de solidarité. Nous sommes dans une période de l’année où les flux qui passent par la Grèce et les Balkans sont très forts. Le gouvernement veut rassurer son électorat et montrer qu’il maîtrise ses frontières. »

    Cet automne, les autorités grecques ont multiplié les attaques contre les #organisations_humanitaires accusées d’« espionnage » et de complicité avec les passeurs. Plusieurs d’entre elles dénoncent la récurrence des refoulements illégaux de réfugiés vers les côtes turques. Si Athènes a toujours nié l’existence de telles pratiques, l’agence européenne Frontex, qui dispose de 600 agents pour aider les garde-côtes de la péninsule, a ouvert une enquête interne sur ces allégations.

    https://www.la-croix.com/Monde/Grece-baillonne-parole-camps-migrants-2020-12-09-1201129173

    #asile #migrations #réfugiés #camps_de_réfugiés #silence #confidentialité #solidarité #criminalisation_de_la_solidarité

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  • ‘Competition Is for Losers’ : How Peter Thiel Helped Facebook Embrace Monopoly
    https://onezero.medium.com/competition-is-for-losers-how-peter-thiel-helped-facebook-embrace-mo

    The roots of Big Tech’s antitrust problem can be found in his bestselling 2014 business book, ‘Zero to One’ “Only one thing can allow a business to transcend the daily brute struggle for survival,” Peter Thiel wrote in his bestselling 2014 book, Zero to One. That one thing, Thiel stated outright, is “monopoly profits.” In the book, which was embraced as a business bible in Silicon Valley and beyond, Thiel made the case for monopoly as the ultimate goal of capitalism. Indeed, “monopoly is the (...)

    #Palantir #Facebook #domination

  • Du malaise en milieu étudiant

    Seul un étudiant sur dix parvient encore à suivre ses #cours_en_ligne. Non, le problème n’est pas individuel. Arrêtez de nous envoyer vers des psychologues tout en prolongeant notre #isolement.

    Tous les cours se ressemblent. Se lever une demi-heure avant à grand-peine (rythme de sommeil complètement déstructuré), s’asseoir et ouvrir l’ordinateur, le connecter à la 4G instable du téléphone, chercher le lien de la visioconférence, couper le micro, et malaise.

    #Malaise des professeurs qui monologuent devant une galerie de portraits ennuyés et silencieux, au mieux, devant une grille de prénoms muets la plupart du temps. Mosaïques sinistres de visages qui en disaient davantage derrière un masque. Les professeurs disent : Je sais que les temps sont difficiles mais nous n’avons pas le choix, vous lirez cet article pour la fois prochaine, rendez-moi le travail pour mi-décembre. Ils disent aussi, sur un ton angoissé ou agacé – sûrement conscients du ridicule de la situation – Est-ce que ça va ? Vous m’entendez ? Quelqu’un veut répondre à la question ? Bon, s’il n’y a pas de remarque alors je poursuis. Malaise des étudiants, notre malaise. Il n’y a pas de questions parce qu’il n’y a rien à questionner ; on ne sait pas exactement ce qui vient d’être dit et on s’en fout, aussi. Trop difficile de rester concentré, les écrans finissent par brûler et fatiguer les yeux, la tête bourdonne des bruits de micros saturés. Malaise parce que ça ne rime à rien, parce que c’est complètement irréel, parce qu’on ne voit plus pourquoi on continuerait. Ça avait du sens lorsque c’était encore pris dans des relations sociales, lorsqu’il y avait un rapport entre le professeur et les étudiants, un jeu de regards, des interventions spontanées, des corps et des attitudes, un ancrage dans le réel. Ce n’est plus le cas. Et, pire, l’irréalité n’a plus de bornes depuis que le professeur donne cours dans nos chambres ; il n’y a plus guère de séparation spatiale entre vie étudiante et vie personnelle, et la première – celle qui déjà occupait et préoccupait beaucoup – envahit totalement la seconde. Avant, on refermait le cahier ou l’ordinateur portable, on faisait son sac, on discutait quelque temps avec des camarades ou un professeur, on prenait le métro, le bus, le vélo ou on marchait jusqu’à chez soi. Maintenant, on quitte la réunion Zoom et on reste sur la même chaise, dans la même chambre, avec la même solitude, à faire ce que l’on faisait de creux ou de sans intérêt pour passer le temps pendant le cours qu’on n’écoutait pas vraiment. Toujours ce sentiment d’irréalité, d’absurdité ; ce malaise.

    Les symptômes de ce malaise s’expriment partout, dans des circonstances plus ou moins terribles. Le premier confinement a été difficile, le second confinement est un coup de grâce. Nous sommes dans un sale état, toutes les enquêtes réalisées le prouvent : Article 1, dans une enquête datant du 16 novembre mené parmi 700 étudiants issus de milieux populaires, relève que 73.5 % d’entre eux se disent stressés et épuisés. À Sciences Po Paris, l’Association de l’École d’Affaires Publiques rapporte dans les résultats de son sondage (environ 1200 réponses) que les états dépressifs ont actuellement un taux de prévalence de 41 % parmi les étudiants, en plus de l’anxiété qui touche 61 % des interrogés (les moyennes françaises en octobre étaient respectivement autour de 15 % et 19 %). 91 % des étudiants affirment avoir des difficultés à suivre les cours en ligne. Dans le sondage réalisé dans notre spécialité de M1, on retrouve des chiffres similaires : onze personnes sur dix-huit (soit 61 %) rapportent des sentiments de tristesse ou de mélancolie, et seuls trois élèves sur dix-huit se disent capables de suivre correctement les cours. Les troubles du sommeil et les troubles alimentaires ont également des taux de prévalence particulièrement inquiétants. L’épuisement et la fatigue sont omniprésents, et concernent quinze étudiants sur dix-huit. On comprend aisément comment la charge de travail accrue, l’angoisse, l’exposition intensive aux écrans, les états dépressifs et l’isolement peuvent expliquer cette lassitude. Nous attendons les résultats d’enquêtes plus larges, mais rien ne laisse présager de meilleures conclusions.

    Malaise, donc : des professeurs font cours à des étudiants en souffrance qui ne les écoutent pas. Quel sens est-ce que ça peut bien avoir, pour nous comme pour nos enseignants ? Les professeurs et les administrations envoient les étudiants vers des psychologues, dans des messages pleins de bienveillance et de take care, parce qu’ils ne savent pas comment répondre autrement. Les tribunes et les articles qui paraissent ces dernières semaines sur le sujet ont beau faire ce même constat terrible, ils demandent également plus d’aide psychologique pour les étudiants. Ils se trompent : nous n’avons pas besoin de psychologues. Il est impossible de croire que le problème que nous rencontrons est individuel, alors qu’il concerne une majorité écrasante d’entre nous. Le problème n’est pas psychologique et ne se règle pas avec des séances chez un psy, des antidépresseurs ou des anxiolytiques. Ce n’est pas non plus une preuve de paresse des étudiants, et pas davantage un défaut d’adaptation que le temps corrigera. Nos études nous intéressent, nous voulons réussir et nous nous en savons capables : voilà pourquoi notre malaise est aussi dérangeant. Si le problème est aussi massif, c’est bien qu’il ne relève pas de fragilités individuelles et qu’un encouragement à s’accrocher ne suffit pas. Le problème, c’est que notre vie quotidienne est devenue insupportable et que tout le monde prétend ne rien voir parce que c’est plus simple.

    Il faut briser le silence et affronter ce malaise-là maintenant, parce que nous en payons les conséquences beaucoup trop cher. Affronter le fait qu’en moyenne sur Zoom, dans une classe de trente personnes, il n’y a que trois personnes qui écoutent effectivement. Affronter le fait que nous sommes envahis par les cours, les travaux à rendre et l’angoisse à l’idée de ne pas y parvenir. Affronter le fait que nous n’avons pour la plupart pas besoin d’un soutien psychologique, mais d’un changement matériel, réel de nos conditions d’étude. Affronter le fait que c’est pour la majorité d’entre nous un cauchemar qui n’en finit pas : si le déconfinement est prévu le 15 décembre, que tous les commerces sont ouverts et que les offices religieux peuvent se tenir à plus de trente personnes depuis le 28 novembre, les étudiants ne peuvent même pas rêver de retourner en cours avant mi-février – dans l’hypothèse plus que fragile qu’aucun nouveau confinement ne soit décrété. Le covid-19 ne nous a presque pas touchés, mais nous sommes écrasés par ses conséquences dans le déni général.

    Jusqu’à présent, chaque fois que nous avons osé parler, on nous a systématiquement répondu que dans les circonstances actuelles, on nous comprend mais que c’est une impasse et que tout le monde fait déjà au mieux. On nous répond – avec la facilité que cela comporte – qu’effectivement la période est difficile et frustrante, mais que les professeurs doivent bien évaluer leurs cours, qu’ils ne sont pas compétents en psychiatrie et qu’il faut consulter, et qu’on n’a pas le choix. Tous ces arguments sont audibles, mais aussi sans pertinence face à ce que nous vivons. Il n’y a pas d’impasse. Il n’y a d’impasse que parce qu’on refuse de toucher aux murs, parce qu’on se dit que les étudiants trouveront bien un moyen de tenir, qu’on notera gentiment leurs travaux médiocres, et que tout ça ne sera pas éternel ; comme on a toujours fait. Et on continue à faire des cours Zoom – au moins on ne se rend pas compte que personne n’écoute – en ignorant ce qui se passe de l’autre côté des écrans.

    Voilà ce qu’il y a, derrière les écrans, derrière les têtes fatiguées-ennuyées, les caméras éteintes et le mode muet : il y a nous qui ne tenons pas, nous qui arrivons de moins en moins à rendre des travaux même médiocres, nous pour qui l’horizon est complètement bouché. Alors il n’y a pas d’autre possibilité que de remettre en cause ce à quoi on refusait de toucher, dans sa totalité.

    https://blogs.mediapart.fr/maina-catteau/blog/051220/du-malaise-en-milieu-etudiant

    #ESR #étudiants #confinement #distanciel #enseignement #université #facs #enseignement_à_distance #témoignage #silence #interaction #concentration #relations_sociales #vie_étudiante #vie_personnelle #espace #séparation_spatiale #solitude #dépression #sondage #épuisement #fatigue #lassitude #souffrance #angoisse #conditions_d'étude #cauchemar #déconfinement #déni #covid-19 #coronavirus

    Déjà signalé ici : https://seenthis.net/messages/889944
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  • Documenter la douleur des autres : #souvenirs, #identités et #appartenance dans les imaginaires diasporiques des #Teochew

    La #mémoire_traumatique est un héritage avec lequel les descendants des #rescapés du #génocide_cambodgien doivent négocier pour trouver leur place dans une #histoire rompue, celle de leurs parents, et en France, pays où ils sont nés. Pour certains d’entre eux, l’#art et la #littérature sont un moyen de réparer les #blessures.

    La #migration s’accompagne invariablement d’une expérience de bouleversement, mais les circonstances du déplacement des #réfugiés du Cambodge – dont un nombre important de Chinois originaires du sud de la #Chine, les Teochew – équivaut à une réelle rupture. Le génocide mené par les #Khmers_rouges qui a anéanti près d’un quart de la population a laissé une génération dépourvue d’anciens et une fracture qui n’a pas été refermée quatre décennies plus tard. Pour les #réfugiés_cambodgiens, cette #séparation forcée est accentuée par l’apparente permanence de l’#exil. Comme pour tous les réfugiés et survivants cambodgiens, cette expérience du génocide est au cœur de la #mémoire_diasporique des Teochew, une mémoire déjà compliquée par l’histoire de #déplacements répétés (de la Chine au Cambodge et du Cambodge à la #France) et par un rapport ambivalent non seulement envers le Cambodge et son passé génocidaire mais aussi envers la Chine qui est restée silencieuse face à la persécution de ses diasporas.

    Comme mes recherches l’ont montré, ces histoires sont largement cryptées dans le #silence qui hante les familles de réfugiés, projetant les ombres du passé génocidaire à travers les générations. Les réflexions sur le travail de mémoire sino-cambodgien éclairent la relation entre lieux – de vie et d’appartenance –, mémoire et identité diasporique. Elles éclairent les conditions qui facilitent ou entravent la #transmission_intergénérationnelle ainsi que les luttes des générations post-réfugiées – celles qui n’ont pas vécu les #traumatismes mais qui sont néanmoins hantées par eux – pour récupérer cette histoire, et, à travers elle, leur place et leur appartenance à de multiples espaces de connexion.

    Ce texte fait référence aux prises de paroles de descendants de réfugiés cambodgiens (Jenny Teng, Mathieu Pheng et Lana Chhor) lors de la conférence « Générations Post-refugié.e.s » organisée à Sciences Po en décembre 2018. L’analyse de leur parole démontre à quel point le silence autour de la mémoire du génocide des Khmers rouges est un élément constitutif des identités des descendants nés et éduqués en France.

    Les générations post-génocide face au silence

    Dans ses réflexions sur le silence « post-génocide », Jenny Teng, cinéaste française d’origine cambodgienne Teochew, souligne qu’il existe « une culture du récit, de l’histoire, de la transmission des mots, qui est fondatrice de la diaspora et la culture juive » qu’on ne retrouve pas chez les Sino-cambodgiens, ce qui rend le témoignage encore plus difficile. Liant le silence à la honte et la culpabilité des survivants face à de telles violences et de telles pertes, elle note : « Les témoignages viennent ouvrir quelque chose qui était très secret. Et c’est peut-être parce que, dans ce secret, il y a une forme de culpabilité et une honte que ces enfants, que cette deuxième génération porte depuis l’enfance. » Pour Lana Chhor, auteure d’origine sino-cambodgienne, le silence engendre des effets dévastateurs non seulement « pour celui qui porte le silence mais aussi pour ceux à qui il est imposé. » Soulignant l’effet du silence qui, de manière simultanée, lie et fracture, elle compare la famille enveloppée par le silence à une « prison » où « chacun [se trouve] dans des cellules individuelles ». Les générations suivantes se retrouvent ainsi sans les outils nécessaires pour reconstruire et comprendre ces histoires et ces récits non seulement au sens linguistique mais aussi culturel et expérientiel. Comme le note Lana Chhor, « il est douloureux de grandir dans le silence car les mêmes questions reviennent, mais toujours sans réponses. »

    « Quelle place on donne aux disparus, aux défunts qui n’ont pas reçu de sépultures ? Les survivants ont en mémoire et au quotidien gardé une place, quelle est cette place ? »

    #Jenny_Teng, cinéaste et chercheure

    Le credo républicain de l’assimilation en France ne laisse pas de place à la pluralité des histoires, ce qui invisibilise non seulement les histoires des communautés diasporiques en France mais aussi les enchevêtrements de ces histoires avec l’histoire coloniale et post-coloniale de la France. Cet effacement permet à la France de ne considérer les réfugiés que comme des personnes à sauver et les politiques d’asile comme une action humanitariste plutôt que comme une responsabilité. Pour beaucoup, comme l’exprime Jenny Teng, le vide créé par l’inconnu et le non reconnu provoque un questionnement existentiel : « où se sent-on chez soi, physiquement, symboliquement ? » Pour les générations post-réfugiées, historiciser leur identité est donc un moyen d’affirmer leur humanité et individualité (personhood) et, comme le dit Lana Chhor, « d’enlever les étiquettes que la société nous met malgré nous ». En récupérant ces histoires enfouies et désavouées, ils récupèrent un lien avec un passé, et à travers ce passé une place dans le présent – au Cambodge, en Chine, en France – et une identité collective qui s’oppose à l’invisibilisation, à l’altérité, et à un « entre-deux » qui signifie essentiellement être à l’extérieur.
    Les générations post-génocide face à la mémoire

    Comme pour d’autres histoires traumatiques, avec le passage des générations, les questions de transmission et de conservation de la mémoire acquièrent une certaine urgence. Écrivant sur la transmission de la « tutelle de l’Holocauste », l’écrivaine Eva Hoffman décrit la deuxième génération comme « la génération charnière dans laquelle les connaissances reçues et transférées des événements sont transformées en histoire ou en mythe1. Comment les générations « postmémoire », ainsi que les appelle une autre écrivaine, Marianne Hirsch, reçoivent-elles et négocient-elles ces « expériences puissantes, souvent traumatisantes, qui ont précédé leur naissance mais qui leur ont pourtant été si profondément transmises qu’elles semblent constituer des souvenirs pleins ? » Comment raconter et aborder la « douleur des autres sans se l’approprier » comme la philosophe Susan Sontag l’a si bien décrit ? Et comment faire cela avec seulement des fragments de souvenirs, glanés ici et là, et à distance depuis son perchoir générationnel ? Quelles sont, le cas échéant, les négociations entre éthique et esthétique de la mémoire ?

    « Le credo républicain de l’assimilation en France ne laisse pas de place à la pluralité des histoires, ce qui invisibilise non seulement les histoires des communautés diasporiques en France mais aussi les enchevêtrements de ces histoires avec l’histoire coloniale et post-coloniale de la France. »

    Khatharya Um

    Significativement, à partir de leur « proximité distanciée », les générations post-réfugiées peuvent s’engager dans cette histoire traumatisante d’une manière impossible pour les survivants de la première génération. Les « entre-deux » spatiaux, temporels et générationnels, des lieux que #Mathieu_Pheng, documentariste d’origine franco-cambodgienne, décrit comme « les endroits où ça frictionne » – ne sont pas seulement des espaces de tension mais aussi de possibilité, où la distance générationnelle offre de nouvelles perspectives, un sentiment d’urgence renouvelé, où le créatif et le critique peuvent émerger des ruines de la guerre, du génocide et de l’exil. Pour Jenny Teng, qui centre ses œuvres sur cette notion d’« entre », la création est un pont entre le passé et le présent, et la caméra une fenêtre vers un passé douloureux qui « permet à la personne qui témoigne, de se constituer en témoin dans le sens premier, c’est-à-dire qu’elle va dire ce qu’elle a vu, ce qu’elle a connu pour l’inscrire dans l’histoire. Le documentaire a cette force-là, qui est de sortir du cercle familial et de l’affect, peut-être trop chargé, pour s’adresser à la fenêtre qu’ouvre la caméra. » Les documentaires offrent également une opportunité de dialogue intergénérationnel et de co-création qu’elle considère comme ouvrant la voie « pour sortir du tabou familial » même si cela prend du temps.

    Si l’art et l’écriture ont leur rôle dans la promotion des liens intergénérationnels et de la guérison, ils ne peuvent ni consoler ni restaurer les pertes subies par les réfugiés. Pour Jenny Teng, la possibilité offerte par la création artistique n’est pas forcément la récupération, qu’elle juge impossible, mais un moyen de « permettre à la solitude d’être un petit peu apaisée… Donc c’est vraiment consoler la souffrance de la souffrance, pas la souffrance en elle-même. » Également investie dans la potentialité réparatrice de l’art, Lana Chhor voit les mots comme aidant à suturer le vide et la blessure engendrés par le silence spectral de l’histoire : « Autant qu’ils peuvent blesser, je suis intimement convaincue que les mots peuvent réparer. »

    http://icmigrations.fr/2020/11/18/defacto-023-03

    #diaspora #douleur #mémoire #Cambodge #génocide

  • Quand les Iraniennes font la loi

    Un collectif de militantes accumule des témoignages sur la violence conjugale, très répandue en Iran, pour pousser le Parlement à agir. Un combat obstiné capté par la réalisatrice Mina Keshavarz.
    « J’avais des bleus sur tout le visage et du sang coulait sur mon manteau. Nous sommes entrés dans le restaurant et les gens nous ont fixés du regard. Personne n’a appelé la police. » Les histoires comme celle de Bitta, battue par son mari sans possibilité de recours, sont légion en Iran. Selon la seule étude officielle menée à ce jour, 66 % des Iraniennes subiraient quotidiennement des violences conjugales. Mais dans ce pays régi par la charia, aucune loi ne punit ces abus et aucune structure d’accueil n’est proposée aux victimes. Aussi Bitta, désormais séparée de son bourreau, a-t-elle fondé avec d’autres femmes (victimes, avocates, militantes) une ONG, Soora, pour combattre ce fléau. Au travers d’une vaste campagne de sensibilisation, elles cherchent à briser le silence qui entoure la violence domestique, et à contraindre le Parlement à adopter une loi protectrice.
    « Nous construirons un monde plus juste avec l’entente et la solidarité féminines », chantent des militantes de Soora devant une prison où d’autres membres de l’ONG sont incarcérées pour leur activisme. Pendant un an, Mina Keshavarz a suivi leur combat pour recueillir la parole des victimes de violences conjugales ou de leurs proches. Des faubourgs de Téhéran aux villages isolés du nord et de l’ouest du pays, les récits, bouleversants, déroulent des destins souvent identiques, du mariage précoce aux coups parfois fatals. La réalisatrice capte aussi les réunions préparées en cachette, les débats houleux et la rencontre finale avec une députée. Une vibrante leçon de courage et de ténacité.

    http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/56988_1
    #film #film_documentaire

    #femmes #violences_conjugales #Iran #silence #résistance #campagne #mariage_forcé #violences_domestiques #violence #collecte_de_témoignages #emprisonnement #justice #impunité #Iran

  • La fantaisie des Dieux. #Rwanda 1994

    Une BD reportage sur le génocide des tutsis au Rwanda.

    Il n’y avait plus de mots. Juste ce silence. Épais, lourd. C’était un génocide, celui des Tutsis du Rwanda, le troisième du XXe siècle.

    Il faisait beau, il faisait chaud. Nous avions pénétré le monde du grand secret.

    Sur les collines de Bisesero, des instituteurs tuaient leurs élèves, des policiers menaient la battue. C’était la « grande moisson ».

    François Mitterrand niait « le crime des crimes ». Comment raconter ?

    http://www.arenes.fr/livre/la-fantaisie-des-dieux
    #BD #livre

    #génocide #crime_contre_l'humanité #France #François_Mitterrand #Mitterrand #silence #Opération_Turquoise #opération_humanitaire #extermination #Home_Saint-Jean #folie #organisation #déni #folie_raisonnée #Bisesero #Kibuye #Nyagurati #violence #guerre #guerre_civile #histoire

  • Le #Choix

    Pourquoi ces voyages en train qui l’emmènent toujours ailleurs, avec pour seule compagnie une valise et une carte famille nombreuse ? Pourquoi ce sentiment de n’être jamais à sa place ? Pourquoi ce slogan réclamant le droit à l’avortement semble-t-il lui être adressé ? Pourquoi ce prénom si peu approprié ? Les réponses à ces questions se trouvent au fond d’un carton oublié dans le grenier de la maison familiale.

    https://www.lavillebrule.com/catalogue/le-choix,44

    #BD #livre

    #avortement #contraception #Mouvement_pour_la_libération_de_l'avortement_et_la_contraception (#MLAC) #méthode_Karman #procès_de_Bobigny #planning_familial #France #Simon_Veil #loi_Veil #histoire #IVG #silence

  • Violences dans le judo : « Un papa ne devrait pas avoir à entendre des choses aussi effroyables »

    https://www.leparisien.fr/sports/violences-dans-le-judo-un-papa-ne-devrait-pas-avoir-a-entendre-des-choses
    Quel "drôle" de titre ! le pbl c’est pas que la gosse ai subit des violences sexuelles, le pbl c’est qu’un papa ai entendu des choses efforyables....

    Une belle illustration de comment on apprend aux survivantes de l’inceste à se taire.
    Ou peut-être une nuit 2/6 : « Apprendre à se taire »
    https://www.youtube.com/watch?v=DjasrY1UvJk

  • France attacks religion secularism radicalism blasphemy
    –-> article retiré:


    https://www.politico.eu/article/france-attacks-religion-secularism-radicalism-blasphemy-islam

    –—

    Copié ici:

    Another string of jihadist attacks has shaken France. The most recent, at a church in Nice, left three people dead, only two weeks after a teacher was beheaded on the outskirts of Paris after he displayed cartoons of the prophet Mohammed in his classroom.

    Why is France targeted, over and over again, by violent extremists? Germany, England, Italy and even Denmark — where cartoons of controversial Mohammed were first published — have not seen comparable violence.

    The reason is simple: France’s extreme form of secularism and its embrace of blasphemy, which has fueled radicalism among a marginalized minority.

    Specifically, the latest round of violence follows the decision earlier this month by the satirical newspaper Charlie Hebdo to mark the beginning of a trial over a murderous attack on its newsroom in 2015 by republishing the blasphemous cartoons of Mohammed that prompted the original assault.

    This duo — radical secularism and religious radicalism — have been engaged in a deadly dance ever since.

    Traditionally, French secularism requires the state to be neutral and calls for respect for religions in the public space, in order to avoid the rise of religious intolerance.

    In modern times, however, it has become something far more extreme. The moderate secularism that prevailed as recently as the 1970s has been replaced with something more like a civil religion.

    It’s a belief system that has its own priests (government ministers), its pontiff (the president of the republic), its acolytes (intellectuals) and its heretics (anyone who calls for a less antagonistic attitude toward Islam is rejected and branded an “Islamo-leftist”).

    One of the defining features of this new secularism is the promotion of religious blasphemy — and, in particular, its extreme expression in the form of caricatures like those of Mohammed.

    This embrace was on full display following the murder of the teacher who showed cartoons of Mohammed in his classes, when many French intellectuals came out in praise of blasphemy and defended the government’s unequivocal defense of the right to free expression.

    They should have considered their words more carefully.

    In Western Europe the right to blaspheme is legally recognized. But it is one thing to protect the freedom to blaspheme and another to enthusiastically exhort blasphemy, as is the case in France.

    Blasphemy is a non-argumentative and sarcastic form of free speech. It should be used, at best, with moderation in a country where between 6 percent and 8 percent of the population is Muslim, most of whose parents or grandparents emigrated from French colonies in North Africa.

    Defenders of blasphemy invoke freedom of expression, but what blasphemy does, in fact, is trap France in a vicious cycle of reactivity to jihadist terror that makes it less free and less autonomous.

    The immoderate use of caricatures in name of the right to blaspheme ultimately undermines public debate: It stigmatizes and humiliates even the most moderate or secular Muslims, many of whom do not understand French secularists’ obsessive focus on Islam, the veil, daily prayers or Islamic teachings.

    The result is a harmful cycle: provocation, counter-provocation, and a society’s descent into hell. As French secularism has become radicalized, the number of jihadist attacks in the country has multiplied.

    French secularists claim to be fighting for freedom of expression. As they do so, innocent people are dying, Muslims around the world are rejecting French values and boycotting the country’s products, and French Muslims are facing restrictions on their freedom of expression in the name of thwarting Islamist propaganda.

    France is paying a heavy price for its fundamentalist secularism, both inside and outside its own borders.

    https://www.1news.info/european-news/france-s-dangerous-religion-of-secularism-798875

    #Farhad_Khosrokhavar #terrorisme #religion #sécularisme #blasphème #extrémisme #France #violence #minorité_marginalisée #radicalisme #radicalisation #Charlie_Hebdo #radicalisme_religieux #sécularisme_radical #religion_civile #islamo-gauchisme #caricatures #liberté_d'expression #débat_public #provocation #contre-provocation #sécularisme_fondamentaliste

    ping @karine4 @cede @isskein

    • « On a oublié le rôle de l’#humiliation dans l’Histoire », par #Olivier_Abel

      Pour le philosophe, « en sacralisant les #caricatures, nous sommes devenus incapables de percevoir ce que les Grecs anciens désignaient par le #tragique ».

      Quel rapport entre les crimes abjects des djihadistes, le danger que représentent à certains égards les « réseaux sociaux » pour la démocratie et la civilité, la question de la liberté d’expression et du blasphème, le durcissement quasi-guerrier de la laïcité, les gilets jaunes, les majorités dangereuses qui ont porté Trump ou Erdogan au pouvoir, et qui poussent à nos portes ? Nous ne comprenons pas ce qui nous arrive, ces colères qui montent en miroir sans plus rien chercher à comprendre, nous ne savons et sentons plus ce que nous faisons. Je voudrais proposer ici une hypothèse.

      Nous avons globalement fait fausse route. Le drame des caricatures n’est que la partie visible d’un énorme problème. Nous nous sommes enfoncés dans le #déni de l’humiliation, de son importance, de sa gravité, de son existence même. Nous sommes sensibles aux #violences, comme aux #inégalités, mais insensibles à l’humiliation qui les empoisonne. Comme l’observait le philosophe israélien Avishaï Margalit, nous n’imaginons même pas ce que serait une société dont les institutions (police, préfectures, administrations, prisons, hôpitaux, écoles, etc.) seraient non-humiliantes. Dans l’état actuel de rétrécissement des ressources planétaires, on aura beaucoup de mal à faire une société plus juste, mais pourquoi déjà ne pas essayer une société moins humiliante ?

      Ni quantifiable, ni mesurable

      Il faut dire que l’humiliation est une notion – et une réalité - compliquée. L’#offense est subjective, et dépend au moins autant de ceux qui la reçoivent que de ceux qui l’émettent. Ce qui humiliera l’un laissera l’autre indifférent, et cela dépend même du moment où ça tombe. L’humiliation n’est pas quantifiable, mesurable, comme le sont les coups et blessures. D’où la tentation de dire que là où il n’y a pas de #dommage ni #préjudice il n’y a pas de #tort. Ce n’est pas une affaire de #droit mais seulement de #sentiment ou de #morale personnelle, donc circulez, il n’y a rien à dire.

      Et pourtant… Si les violences s’attaquent au #corps de l’autre, dans ses capacités et sa #vulnérabilité, l’humiliation fait encore pire : elle s’attaque au visage de l’autre, dans son #estime et son #respect_de_soi : elle le fait blanchir ou rougir, et souvent les deux en même temps.

      Car l’humiliation se présente de deux façons, en apparence contradictoires. Par un côté, elle porte atteinte à l’estime de soi, en faisant #honte à l’individu de son expression, de ce qu’il voudrait montrer et faire valoir, elle le rabroue et l’exclut du cercle de ceux qui sont autorisés à parler. Mais, par un autre côté, elle porte atteinte également au #respect et à la #pudeur, en dévoilant ce qui voulait se cacher, en forçant l’individu à montrer ce qui constitue sa réserve, en le surexposant au #regard_public, en lui interdisant de se retirer.

      L’humiliation s’attaque au sujet parlant. Les humains ne se nourrissent pas de pain et de cirques seulement, mais de #paroles_vives en vis-à-vis : ils n’existent qu’à se reconnaître mutuellement comme des sujets parlants, crédités comme tels, et reconnus dans leur crédibilité. L’humiliation fait taire le sujet parlant, elle lui fait honte de son expression, elle ruine sa confiance en soi.

      Quand le faible est trop faible

      Elle peut également atteindre des formes de vie, des minorités langagières, sexuelles, raciales, religieuses, sociales, etc. Il peut même arriver qu’une majorité endormie dans sa complaisance soit humiliée par une minorité active. Elle devient ce que j’appelais plus haut une majorité « dangereuse », pour elle-même et pour les autres.

      Une #parole_humiliée devient sujette à ces deux maladies du langage que sont la #dévalorisation ou la #survalorisation de soi. Ou, pour le dire autrement : la #dérision ou le #fanatisme. Commençons par la genèse du fanatisme. Simone Weil avait proposé d’expliquer les affaires humaines par cette loi : « on est toujours #barbares avec les faibles ». Il faudrait donc que nul ne soit laissé trop faible et sans aucun #contre-pouvoir, et que le plus fort soit suffisamment « déprotégé » pour rester sensible au faible, bon gagnant si je puis dire, et conscient qu’il ne sera pas toujours le plus fort.

      Mais quand le faible est trop faible pour infliger quelque tort que ce soit au plus fort, le pacte politique posé par Hobbes est rompu. Les faibles n’ont plus rien à perdre, ne sont plus tenus par le souci de la sécurité des biens et des corps, il ne leur reste que l’au-delà et ils basculent dans le #sacrifice_de_soi, dans une parole portée à la folie. Ici la #religion vient juste au dernier moment pour habiller, nommer, justifier cette mutation terrible.

      « C’est à l’humiliation que répond la #barbarie »

      La violence appelle la violence, dans un échange réciproque qui devrait rester à peu près proportionné, même si bien souvent la #violence s’exerce elle-même de manière humiliante, et nous ne savons pas ce que serait une violence vraiment non-humiliante. Avec l’humiliation cependant, le cercle des échanges devient vicieux, les retours sont longuement différés, comme sans rapport, et ils ont quelque chose de démesuré. Ils sont parallèles, mais en négatif, aux circuits de la #reconnaissance dont on sait qu’ils prennent du temps.

      C’est pourquoi les effets de l’humiliation sont si dévastateurs. Ils courent dans le temps, car les humiliés seront humiliants au centuple. Comme le remarquait #Ariane_Bazan, ils peuvent aller jusqu’à détruire méthodiquement toute scène de reconnaissance possible, toute réparation possible : la mère tuera tous ses enfants, comme le fait Médée rejetée par Jason. Lisant Euripide, elle concluait : « c’est à l’humiliation que répond la barbarie ». Les grandes tragédies sont des scènes de la reconnaissance non seulement manquée, mais écrabouillée.

      Pourquoi nos sociétés occidentales sont-elles collectivement aussi insensibles à l’humiliation ? Est-ce la différence avec ce qu’on a appelé les sociétés de honte, le Japon, le monde arabe ? Sans doute est-ce d’abord aujourd’hui parce que nous sommes une société managée par des unités de mesure quantifiable, la monnaie, l’audimat, et par une juridicisation qui ne reconnaît que les torts mesurables, compensables, sinon monnayables.

      Cette évolution a été accélérée par une #morale_libérale, qui est une #morale_minimale, où tout est permis si l’autre est consentant : or on n’a pas besoin du #consentement de l’autre pour afficher sa #liberté, tant que son expression n’est ni violente ni discriminante à l’égard des personnes, et ne porte aucun dommage objectif — les croyances n’existent pas, on peut en faire ce qu’on veut. Le facteur aggravant de l’humiliation, dans une société de réseaux, c’est la diffusion immédiate et sans écrans ralentisseurs des atteintes à la réputation : la #calomnie, la #moquerie, le #harcèlement.

      L’angle mort de notre civilisation

      Mais plus profondément encore, plus anciennement, notre insensibilité à l’humiliation est due à l’entrecroisement, dans nos sociétés, d’une morale stoïcienne de la #modestie, et d’une morale chrétienne de l’#humilité. Celle-ci, en rupture avec les religions de l’imperium, de la victoire, propose en modèle un divin abaissé et humilié dans l’ignominie du supplice de la croix, réservé aux esclaves. Le #stoïcisme est une sagesse dont la stratégie consiste à décomposer l’opinion d’autrui en des énoncés creux dont aucun ne saurait nous atteindre : l’esclave stoïcien n’est pas plus humiliable que l’empereur stoïcien.

      La dialectique hégélienne du maître et de l’esclave est d’ailleurs héritière de ces deux traditions mêlées, quand il fait de l’expérience de l’esclavage une étape nécessaire sur le chemin de la liberté. Cette vertu d’humilité a paradoxalement creusé dans le monde de la chevalerie médiévale, puis dans la société française de cour, et finalement dans le dévouement de l’idéal scientifique, un sillon profond, qui est comme l’angle mort de notre civilisation.

      Et cet angle mort nous a empêchés de voir le rôle de l’humiliation dans l’histoire : c’est l’humiliation du Traité de Versailles qui prépare la venue d’Hitler au pouvoir, celle de la Russie ou de la Turquie qui y maintient Poutine et Erdogan, c’est la manipulation du sentiment d’humiliation qui a propulsé la figure de Trump. Et cette histoire n’est pas finie. Les manipulations machiavéliques des sentiments de peur et les politiques du #ressentiment n’ont jamais atteint, dans tous nos pays simultanément, un tel niveau de dangerosité. Les djihadistes ici jouent sur du velours, car à l’humiliation ancienne de la #colonisation militaire, économique, et culturelle, s’est ajoutée celle des #banlieues et du #chômage, et maintenant les caricatures du prophète, répétées à l’envi.

      #Fanatisme et #dérision

      Car la genèse de la dérision est non moins importante, et concomitante à celle du fanatisme. On a beaucoup entendu parler du #droit_de_blasphémer : curieuse expression, de la part de tous ceux (et j’en suis) qui ne croient pas au #blasphème ! Réclamer le droit de blasphémer, s’acharner à blasphémer, n’est-ce pas encore y croire, y attacher de l’importance ? N’est-ce pas comme les bandes iconoclastes de la Réforme ou de la Révolution qui saccagent les églises, dans une sorte de superstition anti-superstitieuse ?

      Tout le tragique de l’affaire tient justement au fait que ce qui est important pour les uns est négligeable pour les autres. Il faudrait que les uns apprennent à ne pas accorder tant d’importance à de telles #satires, et que les autres apprennent à mesurer l’importance de ce qu’ils font et disent. Ce qui m’inquiète aujourd’hui c’est le sentiment qu’il n’y a plus rien d’important, sauf le droit de dire que rien n’est important.

      Une société où tout est « cool » et « fun » est une société insensible à l’humiliation, immunisée à l’égard de tout scandale, puisqu’il n’y reste rien à transgresser, rien à profaner. Or la fonction du #scandale est vitale pour briser la complaisance d’une société à elle-même. Pire, lorsque l’ironiste adopte un point de vue en surplomb, pointant l’idiotie des autres, il interrompt toute possibilité de #conversation. On peut rire, mais encore faut-il que cela puisse relancer la conversation !

      Sacralisation des caricatures ?

      Le différend tient peut-être aussi au fait que nous ne disposons pas exactement des mêmes genres littéraires. #Salman_Rushdie et #Milan_Kundera observaient que le monde musulman a du mal à comprendre ce que c’est qu’un « roman », comme une forme littéraire typique d’une certaine époque européenne, et qui met en suspens le jugement moral. Nous aussi, nous avons un problème : on dirait parfois que le genre littéraire éminent qui fonde notre culture est la caricature, la dérision, le #comique.

      Ce qui est proprement caricatural, c’est que les caricatures, le #droit_de_rire, soient devenues notre seul sacré. Serions-nous devenus incapables de percevoir ce que les Grecs anciens désignaient par le tragique ? N’avons-nous pas perdu aussi le sens de l’#épopée véritable (celle qui honore les ennemis), et le sens de quoi que ce soit qui nous dépasse nos gentilles libertés bien protégées ?

      Aujourd’hui, aux manipulations de la peur et de la xénophobie par les néonationalistes français, qui sacralisent la #laïcité comme si elle n’était plus le cadre neutre d’une #liberté_d’expression capable de cohabiter paisiblement avec celle des autres, mais la substance même de l’#identité française (une identité aussi moniste et exclusive que jadis l’était le catholicisme pour l’Action française), répond la manipulation cynique du sentiment d’humiliation des musulmans français par les prédicateurs-guerriers du djihadisme, qui n’ont de cesse d’instrumentaliser le ressentiment, dans le monde et en France.

      Liberté d’abjurer et laïcité réelle

      Aux organisations musulmanes françaises, nous dirons : demandez aux pays dominés par l’islam politique d’accorder à leurs minorités les mêmes libertés réelles qui sont celles des musulmans de France, et accordez solennellement à toutes les musulmanes et à tous les musulmans le droit d’abjurer, de se convertir, ou simplement de se marier en dehors de leur communauté.

      Aux néonationalistes, nous dirons : si la laïcité n’est plus que cette identité sacrée, c’est-à-dire le contraire de ce qu’elle a été dans l’histoire réelle (oui, enseignons d’abord l’histoire réelle dans son long cours, ses compromis complexes, et pas les histoires simplistes que nous nous racontons !), le #pacte_laïque sera rompu, et nous ferons sécession, il faudra tout recommencer, ensemble et avec les nouveaux venus.

      Car ce pacte est ce qui, au nom de notre histoire commune, et inachevée, autorise, au sens fort, la #reconnaissance_mutuelle. Il cherche à instituer un théâtre commun d’apparition qui fasse pleinement crédit à la parole des uns et des autres. C’est bien ce qui nous manque le plus aujourd’hui.

      https://www.nouvelobs.com/idees/20201122.OBS36427/on-a-oublie-le-role-de-l-humiliation-dans-l-histoire-par-olivier-abel.htm

    • Carrément !
      J’ai des mails qui disparaissent dans des trous intergalactiques de l’internet ! Il suffit que j’inscrive un nom de domaine précis dans le corps du texte, même pas en destinataire ou envoyeur donc. Domaine qui n’est rien de plus qu’une librairie indépendante en ligne, que j’envoie ce mail avec le smtp de free et hop blocage total, impossible de franchir, mon mail est déclaré en spam. Je ne sais pas depuis combien de temps, qui quoi comment, les mails n’arrivent même pas à la boite mail pour y être reconsidérés, ils sont éliminés en cours de route, pof, disparus sans laisser de traces.
      Après avoir insisté de nombreuses fois hier auprès de free qui ne comprenait pas ce que j’écrivais, même en suivant leur protocole d’envoi d’un mail que je ne peux pas envoyer (oui, c’est marrant ça) (ça a été assez rapide en fait, mais depuis quand ça plantait, mystère) je confirme que je reçois aujourd’hui les mails provenant de la dite librairie. Preuve qu’il y a eu levée d’un blocage. L’enfer.

      Et donc ce ne sont plus les spams qui bousillent internet mais les algorithmes aux logiques marchandes à #IA bas du front qui filtre n’importe quoi n’importe comment avec des critères totalement opaques. Je viens de consacrer plusieurs heures à décrypter le pourquoi d’un blocage sans avoir aucune réponse sauf absurde, par soustractions, essais variés et divers j’isole un problème énorme car j’imagine que la solution actuelle n’est que temporaire et un stade supplémentaire de l’anéantissement de l’internet ouvert à tout·es.

      #stupidité_artificielle

  • Loi sécurité globale : surveillance généralisée des manifestations – La Quadrature du Net
    https://www.laquadrature.net/2020/10/29/loi-securite-globale-surveillance-generalisee-des-manifestations

    Le 20 octobre, les députés de la majorité LREM ont déposé une proposition de loi de « sécurité globale ». Elle sera débattue par l’Assemblée nationale le 4 novembre, dans une urgence inouïe que rien ne justifie. Son article 21 veut déréguler l’utilisation des caméras mobiles portées par les forces de l’ordre. Son article 22 veut légaliser la surveillance par drone. Son article 24 veut interdire au public de diffuser l’image de policiers.

    • En 2004, dans Vivre Ensemble, on parlait déjà de ORS...
      Abri PC du #Jaun Pass :

      La logique de la dissuasion

      Le régime d’aide d’urgence imposé aux personnes frappées de non-entrée en matière (NEM) vise à déshumaniser l’individu. Tout est fait pour leur rendre le séjour invivable et les pousser à disparaître dans la clandestinité, comme le montrent les exemples ci-dessous relevés en Suisse allemande, où les personnes frappées de NEM et les requérants déboutés de la procédure d’asile sont placés dans des « centres d’urgence » ou « centres minimaux » (Minimalzentren). Petit tour des lieux dans les cantons de Berne et Soleure.

      Le canton de Berne, pionnier en la matière, avait déjà concrétisé le principe d’assignation à un territoire (art. 13e LSEE) bien avant l’entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2007, en ouvrant deux centres d’urgence, l’un sur le col du Jaun en juin 2004 et l’autre qui lui a succédé en 2005, sur l’alpage du Stafelalp : « Si notre choix s’est porté sur le Col du Jaun », expliquait la Cheffe de l’Office de la population lors d’une conférence de presse le 7 juin 2004, c’est notamment parce que cette solution « (…) n’incite pas à s’attarder en Suisse. » Et que : « D’autres personnes vont l’utiliser également. Il s’agit de personnes qui ont activement empêché leur renvoi ou qui dissimulent leur identité et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision de refus d’entrer en matière… ».

      L’abri PC du Jaun

      Un des journalistes présents le décrit ainsi dans le Journal du Jura du 8 juin 2004 :

      « A l’extérieur, des grillages ont été installés afin que le lieu soit un peu isolé, et pour protéger les requérants d’éventuels importuns. (…) Les gens sont répartis dans des chambres de quatre à douze personnes (…) les requérants ne touchent pas d’argent liquide, mais des prestations en nature. Ce sont des bons qu’ils peuvent échanger contre de la marchandise au kiosque tenu par l’ORS (Organisation pour mandats spéciaux et en régie SA) qui gère le centre (…) ».

      Très peu de requérants s’y rendirent ; d’autres s’enfuirent, telle une mère avec une petite fille de deux ans qui vint chercher de l’aide à… Soleure ! Une jeune femme fut hospitalisée, suite à une grève de la faim.

      Sur l’alpage

      A l’abri de protection civile du col du Jaun fermé en novembre 2004, succéda le centre d’urgence du Stafelalp. En 2005, les NEM et d’autres personnes désignées comme des « NIKOS », abréviation de « Nichtkooperativ », ont été logés dans une ancienne colonie de vacances isolée, située sur l’alpage de Stafelalp. Dans ce centre, comme auparavant dans celui du Jaun, les requérants ont été cantonnés dans un périmètre de 2 km autour du centre, avec interdiction formelle de franchir ces « frontières ». Le centre de Stafelalp plus fréquenté que celui du Jaun était considéré comme « trop attractif » pour les autorités, et la durée moyenne de séjour des NEM (52 jours) trop longue. Il fallait trouver autre chose.

      En janvier 2006, le centre fut fermé et les NEM ont été réintégrés dans un centre de transit. Ils ne touchent pas d’argent mais ont droit à trois repas par jour. Ils s’y déplacent plus librement, du moins à pied. Mais le fait qu’ils ne disposent d’aucun pécule pour payer les transports publics restreint leur liberté de mouvement aux alentours et dans la commune de Lyss où est situé le centre.

      Soleure ne fait pas mieux

      Depuis mai 2006 (auparavant ils bénéficiaient d’aide en espèce et aucun hébergement n’avait été mis à leur disposition), les « NEM » soleurois sont logés dans le centre d’accueil pour requérants d’asile situé sur la montagne du Balmberg, mais ils n’y sont pas nourris. Ils y touchent 8 fr. par jour pour leur entretien, versés sur place tous les jeudis par le responsable du centre. Le contrôle de présence est journalier et ceux qui s’absentent perdent leur pécule pour les jours d’absence, voire leur droit à l’hébergement en cas de récidive. Les occupants n’ont pas le droit d’y accueillir des amis pour la nuit. Le visiteur externe doit demander une autorisation au responsable (qui lui est parfois refusée sous divers prétexte) pour y entrer.

      Là-haut sur la montagne !

      Le lieu est isolé. On y trouve trois téléskis et un restaurant, mais aucun magasin, si bien que les requérants frappés de NEM sont obligés d’utiliser l’autobus circulant de Soleure au Balmberg (prix du billet aller et retour : 11 fr.!) pour faire leurs achats et se procurer le nécessaire. Si les requérants d’asile encore en procédure, également logés dans ce centre, bénéficient de tickets de bus gratuits, ce n’est pas le cas des personnes frappées d’une NEM. Ils n’ont le droit de consulter un médecin qu’en cas d’urgence et c’est un des responsables du centre, sans formation médicale, qui prend la décision. Depuis quelques mois, les NEM doivent débourser quelques centimes pour des comprimés : antidouleurs, aspirine etc. (obtenus gratuitement auparavant) distribués sur place par le préposé à la pharmacie.

      Une stratégie efficace

      Le régime drastique, l’isolement et le nombre de descentes de police qui les terrorisent fait qu’au bout de quelques semaines, les NEM soleurois « disparaissent » dans la clandestinité. La méthode, il faut le reconnaître, est efficace et la stratégie de découragement sur laquelle l’Office des réfugiés (actuellement l’Office fédéral des migrations) avait misé dans un rapport de mars 2000 pour se débarrasser des indésirables, a l’air de se réaliser. Les six NEM qui sont encore au Balmberg ne pèsent pas lourd, en regard des centaines de ces « disparus volontaires », soumis dans les centres d’urgence « à une pression psychique insupportable » au point qu’ils ont préféré la clandestinité. Beau résultat pour un pays qui se vante d’être un Etat de droit.

      https://asile.ch/2007/02/05/suisse-allemandecentres-d%e2%80%99urgence-pour-nemla-logique-de-la-dissuasion

    • RTS | Des voix s’élèvent contre la prise en charge des migrants par des entreprises privées

      Amnesty International dénonce la situation dans le centre de migrants de Traiskirchen en #Autriche. L’organisation pointe du doigt la surpopulation et les conditions d’hygiène déplorables qui y règnent. Or ce centre est géré par la filiale autrichienne de l’entreprise privée zurichoise ORS. Une nouvelle qui relance le débat sur l’encadrement des requérants par des privés.

      https://seenthis.net/messages/402089

    • The Corporate Greed of Strangers
      –-> ORS Service AG in Austria and Switzerland

      Other international players like the Swiss company ORS Service AG are also expanding into Germany. ORS in 2015 had five reception centres in Munich.

      ORS Service is based in Zurich in Switzerland and was set up as a private company to work with the Swiss federal government from 1991 to house asylum seekers. For twenty years, through to 2011, although the contract should have been retendered every five years the Swiss government did not put the contract out to tender.

      In 2011 ORS Service outbid European Homecare for the federal contract in Austria for reception centres under the responsibility of the ministry of interior. By the end of 2014, they were providing twelve reception centres including tent camps in Salzburg and Linz and being paid around 22 million euros by the federal government. ORS runs Austria’s main initial reception centre in the town of Traiskirchen, near Vienna, which was designed for around 1700 refugees. By the summer of 2015 over 3,000 refugees were living there, Amnesty International called the ORS camp ‘shameful’, with 1,500 people forced to sleep outside on lawns and nearby roads.

      On its home territory ORS Service works in partnership with the Swiss Securitas private security company in delivering a very controversial reception and accommodation policy which has included remote locations and housing asylum seekers underground in wartime military bunkers. Reception and detention policies have been influenced by Swiss politics which over the past few years have been dominated by the anti-immigrant Swiss People’s Party (UDC) which has become the largest party at the federal level. Currently refugees arriving in Switzerland have to turn over to the state any assets worth more than 1,000 Swiss francs (£690) to help pay for their upkeep, a practice that has drawn sharp rebukes for Denmark.

      https://seenthis.net/messages/465487

    • Quand l’accueil des personnes en exil devient un bizness

      A l’origine, il s’agit d’une agence d’intérim lausannoise créée en 1977 nommée ORS Services SA. En 1992, la société devient ORS Service AG et déménage à Zurich. En 2005, le fondateur de l’entreprise la revend à #Argos_Soditic qui la revend à #Invision en 2009, qui finalement la revend à #Equistone en 2013. Equistone Partners Europe est un fond d’investissement international avec des antennes dans 4 pays européens. ORS déclare un chiffre d’affaires de 65 millions de francs suisses pour 2014, essentiellement en provenance de fonds publics. Selon plusieurs médias, celui-ci atteint 85 millions en 2015 mais son bénéfice n’a jamais été divulgué. Alors quand Claude Gumy, directeur opérationnel à Fribourg dit dans le journal Le Temps « Notre but n’est pas de gagner de l’argent pour le compte d’investisseurs. Nous nous occupons avant tout d’êtres humains », de qui se moque-t-il ? Pour faire des économies l’État suisse délègue la gestion de « l’accueil » a des investisseurs qui après avoir spéculé sur les marchandises et dépouillé les pays pauvres spéculent sur les flux migratoires qu’ils ont ainsi engendrés. Leur entreprise est d’ailleurs réputée pour sa collaboration inconditionnelle avec les services étatique et la police dont les pratiques répressives ne font aucun doute.

      https://seenthis.net/messages/573420

    • Gestion de l’asile | ORS Fribourg : Quand l’État fait la sourde oreille. Business is Business ?

      Pour faire la lumière sur les agissements d’ORS, le mouvement solidaritéS et le collectif Droit de rester ont rédigé un rapport d’une trentaine de pages. Il recense les témoignages de quelques dizaines de personnes : usagèr.e.s d’ORS, bénévoles et travailleurs/euse sociaux/ales. Le groupe s’est confronté à la réticence de certain.e.s témoins potentiels. ORS interdit à ses employé.e.s de parler de l’entreprise à des personnes externes, sous peine de sanctions, même après la fin du contrat.

      https://seenthis.net/messages/786789
      #rapport

    • ODAE-romand | L’envers du décor dans les centres fédéraux

      Une demandeuse d’asile a passé près de six mois dans les CFA de #Zurich, #Boudry et de #Giffers. Dans le bulletin d’Augenauf de novembre 2020, elle raconte les #conditions_de_vie, les #brimades, #vexations et #violences quotidiennes qu’elle y a vécues. L’ODAE romand en publie quelques extraits.

      https://seenthis.net/messages/893672

      Texte original publié par Augenauf (en allemand) :
      https://www.augenauf.ch/images/BulletinProv/Bulletin_106_Nov2020.pdf

    • Lettre ouverte au SEM - Droits humains gravement violés au Centre Fédéral d’Asile de #Boudry : peut-on encore parler d’un centre “d’asile” ?

      Chères et chers journalistes et sympathisant·es,

      Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte que nous avons adressée ce jour au Secrétariat d’Etat aux Migrations, à travers Messieurs Mario Gattiker, Secrétaire d’Etat, et Pierre-Alain Ruffieux, responsable asile pour la Suisse romande. Elle a également été envoyée à Monsieur Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat neuchâtelois en charge du Département de l’Economie et de l’Action Sociale.
      Droits humains gravement violés au Centre Fédéral d’Asile de Boudry : peut-on encore parler d’un centre “d’asile” ?

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      Nous dénonçons depuis longtemps des situations inhumaines au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Boudry (NE)[1], mais les cas de réfugié·es subissant de #mauvais_traitements - le mot est faible - s’accroît de façon préoccupante. Ce qui se passe depuis plusieurs mois maintenant est intolérable et ne peut rester sans réaction de notre part.

      Selon nos informations et observations, nous ne sommes pas face à des cas isolés, mais devant un véritable #système_punitif, qui va au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. #Abus_de_pouvoir de certain·es agent·es de sécurité de l’entreprise #Protectas, #mépris et #comportements_racistes qui créent un climat de #peur et poussent à bout certain·es habitant·es du Centre. Visites impromptues du personnel de sécurité dans les chambres, sans frapper, ni dire bonjour, gestion catastrophique des #conflits, sans souci de calmer le jeu, ni d’écouter. "Ils ne savent pas parler, ils répriment”, raconte un habitant du Centre. Des requérant·es jugé·es arbitrairement et hâtivement comme récalcitrant·es sont enfermé·es pendant des heures dans des containers insalubres et sous-chauffés. Plusieurs témoignages attestent d’une salle sans aucun mobilier, avec des taches de sang et des odeurs de vomi et d’urine. Beaucoup en ressortent traumatisés. Une personne s’est récemment retrouvée en état d’#hypothermie [2].

      Les témoignages vont tous dans le même sens : peur de porter #plainte par #crainte des conséquences pour sa procédure d’asile ou par crainte de recroiser les mêmes agent·es de sécurité. Mais les faits sont là : utilisation abusive du #spray_au_poivre, #plaquages_au_sol, #insultes_homophobes, #harcèlement envers des personnes vulnérables et #hospitalisations suite à l’#enfermement dans des cellules. Plusieurs #tentatives_de_suicide sont attestées et il y a eu #mort d’homme : le 23 décembre, un requérant d’asile est décédé aux abords du Centre de Boudry. Il s’agissait d’une personne vulnérable, suivie en psychiatrie et qui avait déjà tenté de se suicider. Alors que cette personne avait besoin d’aide, à plusieurs reprises, le personnel de sécurité de Protectas lui a refusé l’accès au Centre, du fait de son état d’ivresse.

      A Boudry, la #violence est banalisée. Au lieu d’apaiser les conflits, les agent·es de Protectas les attisent. Des membres du personnel de sécurité abusent de leur pouvoir en faisant régner leurs propres lois. Ainsi, alors que les #cellules_d’isolement ne sont prévues que pour protéger les requérant·es d’asile et le personnel du CFA de personnes ayant un comportement violent et pour une durée n’excédant pas deux heures[3], on constate que la réalité est tout autre. Le moindre dérangement est réprimé par un #enfermement_abusif et qui dépasse souvent le temps réglementaire, allant jusqu’à un #isolement d’une nuit entière. Nous avons eu connaissance d’un mineur qui a été enfermé alors que le règlement l’interdit. De telles #privations_de_liberté sont illégales. Pour échapper à ces mauvais traitements, beaucoup quittent la procédure d’asile en cours de route.

      Les droits humains sont violés dans les CFA, en toute impunité, dans un #silence de plomb que nous voulons briser. Ce qui se passe à Boudry se passe aussi ailleurs[4] et c’est la conséquence d’une logique de camps. C’est tout un système que nous dénonçons et non pas des dysfonctionnements ponctuels.

      ***

      Face à cette gestion désastreuse et les drames humains qu’elle entraîne, nous demandons qu’une enquête indépendante soit ouverte établissant les faits en toute objectivité. En accord avec les personnes qui ont pris contact avec Droit de Rester, nous sommes prêt·es à témoigner.

      Nous demandons que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin à ce système défaillant, qui transforme les CFA en prisons. Il n’est pas normal que le budget alloué à l’encadrement sécuritaire par le SEM soit plus important que celui consacré à l’encadrement social et sanitaire dans les CFA. Il est nécessaire de renverser la vapeur en engageant des professionnel·les du travail social et de la santé en nombre suffisant et ayant pour mission de soutenir, d’écouter, de soigner et de répondre aux besoins spécifiques des requérant·es d’asile. Ceci dans l’optique de créer un climat de bienveillance, réparateur des traumatismes vécus sur la route de l’exil par les personnes dont ils-elles ont la charge. Actuellement, les agent·es de sécurité ont des prérogatives immenses qui ne devraient absolument pas leur être confiées en raison d’un manque de formation flagrant.

      Nous demandons la suppression immédiate de ces cellules-containers et la refonte complète du régime de sanctions.

      Nous exigeons la fin de la privatisation du domaine de l’asile ; l’arrêt de toute collaboration avec des entreprises de sécurité ou d’encadrement privées de surcroit cotées en bourse (telles que Protectas, Securitas ou ORS) dans le cadre des CFA et autres lieux d’hébergement. L’asile n’est pas un business. L’argent attribué à ces tâches par l’Etat doit revenir à des structures sociales et de soins publiques.

      Nous exigeons transparence et respect du droit suisse et international. Actuellement les CFA sont des boîtes noires : les règlements internes sont inaccessibles, les requérant·es d’asile n’obtiennent pas les rapports des sanctions prononcées à leur encontre, rapports rédigés par Protectas dont le contenu varie à leur guise afin de justifier les sanctions aux yeux du SEM. Toute sanction devrait être prononcée par du personnel cadre du SEM.

      Nous demandons l’introduction d’un organe de médiation indépendant de gestion des plaintes vers qui les requérant·es d’asile lésé·es pourraient se tourner. Finalement, il est nécessaire d’ouvrir les portes des CFA aux organisations et personnes de la société civile – comme c’est notamment le cas en Hollande, pays dont la Suisse s’est inspirée pour mettre en œuvre le système actuel – afin de rompre l’isolement et de cesser avec ces zones de non-droit.

      Nous demandons aussi la fermeture du Centre spécifique des Verrières, restreignant la liberté de mouvement de ses occupants de par son emplacement-même et conçu comme un centre punitif. C’est de soutien psychologique et de soins dont les requérant·es d’asile, y compris celles et ceux qui sont jugés récalcitrant·es, ont besoin à leur arrivée. L’équité des soins par rapport à ceux offerts à la population résidente doit être effective. Ce sont l’isolement, l’exclusion, la promiscuité et l’armada d’interdits qui accentuent les traumatismes, les addictions, le stress et les tensions. Stop à la logique de camp !

      C’est une alerte que nous lançons. Nous espérons qu’elle sera entendue et attendons qu’elle soit suivie d’effets dans les meilleurs délais.

      Contact médias :
      Denise Graf, 076 523 59 36
      Louise Wehrli, 076 616 10 85
      Caterina Cascio, 077 928 81 82

      [1] Voir par exemple ici : https://rester.ch/wp-content/uploads/2020/05/2020.05.28_Communiqu%C3%A9_de_presse_camp_nous_d%C3%A9non%C3%A7ons-1.pdf ou là : https://www.canalalpha.ch/play/minimag/episode/3819/risque-de-suicide-quel-soutien-psy-pour-les-migrants-a-boudry

      [2] Le 17 février, la radio RTN révèle un cas d’hypothermie survenue au centre de Boudry 2 jours plus tôt : https://www.rtn.ch/rtn/Actualite/Region/20210215-Etat-d-hypothermie-au-Centre-de-Perreux.html

      [3] Voir à ce sujet les p. 51-52 du Plan d’exploitation Hébergement : https://www.plattform-ziab.ch/wp-content/uploads/2020/10/SEM_PLEX_2020.pdf

      [4] A ce sujet, sur les violences au Centre de Giffers : https://asile.ch/2020/06/23/le-courrier-violences-a-chevrilles, sur celles au centre de Bâle : https://3rgg.ch/securitas-gewalt-im-lager-basel , témoignages récoltés par Migrant Solidarity Network (1 et 2), ici le rapport de la Commission Nationale de Prévention de la Torture : https://asile.ch/wp-content/uploads/2021/01/CNPT_CFA_DEC_2020-fr-1.pdf et là le communiqué de humanrights.ch : https://www.humanrights.ch/fr/qui-sommes-nous/commentaire-violences-cfa

      Lettre reçu via la mailing-list Droit de rester, le 12.03.2021

    • Les conséquences de l’asile au rabais

      Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) est enfin sorti de son mutisme. Mercredi, sous pression, après d’énième révélations sur des cas de mauvais traitements dans les centres d’asile, il a annoncé qu’il mandatait une enquête indépendante concernant plusieurs cas de recours excessif à la force.

      C’est une avancée car, jusqu’ici, l’institution n’avait jamais reconnu de dysfonctionnements. Alors que quatre plaintes avaient été déposées contre la société de sécurité #Protectas en juin dernier par des demandeurs d’asile blessés au centre de #Chevrilles, il n’avait pas bronché, déléguant d’éventuelles sanctions à la société privée. Plus d’un an après, justice n’a toujours pas été rendue. Certains plaignants ont été expulsés…

      Le SEM affirme avoir aussi suspendu 14 membres du personnel de sécurité impliqués dans différentes affaires, notamment pour un recours abusif à des « #salles_de_réflexion », que certain·es nomment « salles de torture ». Berne a été sommé de réagir suite à un enregistrement clandestin qui prouve que les agent·es n’hésitent pas à falsifier des rapports dans le but de justifier le recours à la violence. Le SEM a annoncé qu’il allait réexaminer les modalités de recrutement du personnel de sécurité et leur formation.

      C’est un premier pas, mais insuffisant. Quatorze suspensions pour combien d’incidents impunis ? « J’ai vu des gens se faire tabasser sous mes yeux… la plupart ne portent jamais plainte. Si tu te plains, tu peux être sûr que les sévices doubleront », nous confiait hier un homme qui a résidé au centre de #Boudry et de Chevrilles.

      Les associations actives dans le domaine de la migration dénoncent depuis des années le processus de #privatisation de l’asile. La Confédération recoure à des sociétés privées pour assurer la sécurité et l’encadrement dans ses centres. Or, ces entreprises ont pour objectif de faire du profit. Il n’est pas étonnant qu’elles lésinent sur les moyens. Recrutements à la va-vite, formations inexistantes et contrats précaires engendrent des situations explosives où le personnel est démuni face à une population au parcours extrêmement difficile.

      La Suisse doit faire mieux, elle en a les moyens. Alors que des personnes cherchent ici protection, elles rencontrent violence et mépris. Il est inacceptable que nos impôts continuent à financer un système arbitraire perpétuant une terreur que les personnes migrantes ont fuit au péril de leur vie.

      https://lecourrier.ch/2021/05/06/les-consequences-de-lasile-au-rabais

    • Documentation | Violences dans les centres fédéraux d’asile

      Depuis plusieurs mois en Suisse des cas de violences perpétrées dans et autour des centres fédéraux d’asile (CFA) ont été dénoncés. Sans changements significatifs opérés, d’autres sont à craindre. Pour que les personnes réfugiées ne soient pas à nouveau des victimes isolées, il est important d’apporter un regard externe sur ce qui se passe au sein des CFA. Ces questions touchent à la cohésion sociale. Le 5 mai 2021, les résultats d’une enquête de médias associés ont été présentés au public (https://www.rts.ch/info/suisse/12175381-bavures-et-rapports-trafiques-la-securite-derape-dans-les-centres-feder), révélant à nouveau des exactions commises par les employé.es des sociétés de sécurité envers des résident.es. Le Secrétariat d’État à la migration (SEM) a réagit par voie de presse (https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/sem/medien/mm.msg-id-83389.html) en annonçant l’amorce d’une enquête indépendante. Les médias et la société civile jouent un rôle essentiel pour faire la lumière sur des questions de sécurité publique et de respect des droits humains.

      Le 5 mai dernier les résultats d’une enquête de la RTS (https://www.rts.ch/info/suisse/12175381-bavures-et-rapports-trafiques-la-securite-derape-dans-les-centres-feder), SRF et la WOZ a été rendue publique. En s’appuyant sur des enregistrements et témoignages, elle documente plusieurs exactions commises par les personnes en charge de la sécurité dans différents centres fédéraux d’asile. “Des rapports sont parfois truqués par les agents de sécurité pour se couvrir. En réaction à ces révélations, le Secrétariat d’État aux migrations a fait suspendre 14 de ces employés de sociétés privées et lance une enquête externe” (RTS). Le téléjournal de midi, de 19h30 et l’émission Forum en ont parlé. Le matin même, le SEM a publié un communiqué annonçant avoir été informé du recours à des “mesures coercitives disproportionnées” de la part d’agent.es de sécurité. Demandé depuis plusieurs années par la société civile, il annonce avoir chargé l’ancien juge Niklaus Oberholzer d’une enquête indépendante et vouloir réfléchir au recrutement et à la formation de ces personnes . Le quotidien Le Courrier (https://lecourrier.ch/2021/05/05/quatorze-agent%c2%b7es-de-securite-suspendu%c2%b7es) est allé à la rencontre du collectif Droit des rester Neuchâtel qui doute de ces dernières mesures : « Nous demandons que ce soit des entités publiques à but non lucratif qui gèrent l’encadrement. Celles-ci doivent engager des professionnel·les de la médiation, du travail social, de l’interculturalité et de la santé. »

      Avant cela, le 28 avril 2021 le Secrétariat d’État à la migration (SEM) avait publié un communiqué (https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/sem/medien/mm.msg-id-83251.html) déplorant l’augmentation des menaces envers les centres d’asile fédéraux (CFA). Il y est fait état de déprédations faites aux bâtiments, mais également de menaces et de mises en danger d’employé.es du SEM. Dans le viseur, des « groupes de gauche radicale » qui feraient appel via leur site à des actes de vandalisme, ou même appel à la violence envers des employé⸱es. Les associations de défense du droit d’asile ont condamné de tels procédés. La Plateforme Société civile dans les centres fédéraux s’est positionnée (https://mailchi.mp/d2895a50615c/neuigkeiten-baz-nouveauts-cfa) en rejetant toute forme de violence. Le collectif bâlois 3RGG -auteur d’un rapport répertoriant les actes violents envers les personnes requérantes d’asile au sein du centre fédéral d’asile du canton de Bâle (BässlerGut) – se distancie également de ces méthodes (https://asile.ch/2021/04/30/3rgg-communique-violences-dans-les-camps-federaux-dasile) qui ne sont pas les leurs. Ses auteurs regrettent que leurs appels à se mobiliser contre les violences impunies du personnel de sécurité envers des résident⸱es isolé⸱es n’ait connu que peu d’échos dans les médias et dans la vie des centres en conséquent.
      Jusqu’ici ce sont d’autres types de dénonciations de violence en lien avec les CFA qui ont été exprimées. En 2021, au CFA de Boudry (NE) c’est un cas d’hypothermie (https://lecourrier.ch/2021/02/17/hypothermies-au-centre-dasile) pour une personne placée en « cellule de dégrisement » qui a servit de révélateur à ce que Droit de rester Neuchâtel décrit comme un « réel système punitif ». En 2020, dans le centre de renvoi de Giffers, quatre #plaintes (https://asile.ch/2020/09/22/solidarite-tattes-giffers-visite-aux-requerants-qui-ont-denonce-des-violences) ont été déposées contre la société de sécurité Protectas pour des exactions envers des résident.es. A BässlerGut, le travail d’enquête (https://asile.ch/2020/07/30/enquete-violences-au-centre-federal-de-bale-quand-le-systeme-deraille) poussé qu’avait publié le collectif 3 RGG faisait état de violences graves perpétrées par des personnes en charge de la sécurité envers les personnes résidentes, avec des processus de dénonciation inefficient à l’interne. La commission nationale de prévention de la torture (CNPT) après une visite au sein de plusieurs CFA en janvier 2021 suggérait elle aussi des améliorations (https://asile.ch/2021/01/20/cnpt-rapport-dobservation-des-centres-federaux-dasile-la-violence-pointee-du-d) concernant la gestion des conflits, la prévention de la violence et la gestion des plaintes. Une des réponses offerte par le SEM est celle de la réouverture du centre spécifique des Verrières pour accueillir les personnes qui « représentent une menace pour elles-mêmes ou pour autrui ». L’OSAR s’inquiète (https://www.osar.ch/communique-de-presse/centre-des-verrieres-les-requerants-dasile-doivent-beneficier-dune-representati) de cette mise à l’écart pour des personnes généralement fragilisées. Selon l’organisation, il vaudrait bien mieux miser sur la prévention de la violence et renforcer l’encadrement.

      Liées à des conditions structurelles, ces dénonciations de part et d’autres ne s’arrêteront probablement pas là. Dans ce jeu du chat et de la souris, les médias et la société civile jouent un rôle important pour faire la lumière sur des dynamiques en présence. L’éditorial du dernier numéro de la revue Vivre Ensemble le rappelait : ” […] les centres fédéraux réunissent les deux ingrédients de la violence institutionnelle : fermés d’accès au regard public, ils donnent au personnel un pouvoir énorme sur une catégorie de personnes. Or, les véritables garde-fous à l’impunité et à l’arbitraire se situent du côté de la transparence. Et la société civile est bien là, du côté des victimes, et ne manque pas de le lui rappeler. “

      https://asile.ch/2021/05/07/documentation-violences-dans-les-centres-federaux-dasile

    • Centres fédéraux | À l’écoute des victimes

      Le #déni des autorités intenable face à la médiatisation des violences

      Le mois de mai aura vu la question des violences dans les CFA tenir une belle place dans l’actualité. D’abord avec les enquêtes de la RTS, de la SRF et de la Wochenzeitung, puis avec le rapport d’Amnesty International qui relate des cas de maltraitances à l’égard de requérant·es d’asile qui pourraient s’assimiler à de la torture [1]. Des témoignages de victimes, mais également d’ancien·es employé·es des centres ont été recueillis et des enregistrements, effectués à l’insu du personnel de sécurité, ont permis d’établir que leurs rapports de sanction à destination du SEM sont truqués.

      Ces enregistrements proviennent du téléphone d’une femme enfermée dans un container-cellule. Le mobile lui avait été confisqué par le personnel de sécurité et a capté deux heures de leurs conversations. Cela se passe donc dans la loge des agent·es de sécurité de Protectas, il y a quelques mois au CFA de Boudry dans le canton de Neuchâtel. On y entend les agent·es discuter du contenu du rapport qu’ils doivent faire parvenir au SEM pour justifier leur mise en cellule. Une agente qui n’a pas assisté aux événements est chargée de le taper. Les cellules, ce sont donc ces containers sans aucuns meubles, dotés seulement d’une petite fenêtre, à l’odeur de vomi, d’urine et tâchés de sang au sol. Les requérant·es d’asile y sont enfermé·es, parfois pendant deux heures, parfois plus. Une caméra permet de les filmer.

      Ces pratiques, éminemment choquantes ne sont pas étonnantes. Elles sont davantage la conséquence d’un système, plutôt que le fait d’individus. Car les événements qui ont eu lieu dans différents CFA, à différentes dates, se ressemblent de façon troublante. À l’origine de ces actes de violence, il y a le plus souvent des événements que l’on pourrait qualifier d’incidents. Un téléphone volé, un masque sous le nez ou une perte de patience dans la longue file d’attente pour le repas. Et plutôt que d’apaiser les conflits de façon non violente et bienveillante, le personnel de sécurité les amplifie en usant de sa force physique et verbale, de ses gros bras et de son uniforme imposant. À cela s’ajoutent des mesures radicales comme ces mises en cellule appliquées de façon arbitraire et non conforme au règlement du SEM. Comme on l’a entendu, il suffit d’enjoliver le rapport pour le SEM pour maquiller ces imperfections. Le SEM doit d’ailleurs en être conscient, mais en déléguant ces tâches à des prestataires privés, il peut allégrement fermer les yeux. La responsabilité est dissoute dans la chaîne hiérarchique. Alors que légalement le SEM est pleinement responsable.

      Les dénonciations de nombreux collectifs dans différents CFA depuis plus d’une année et à de nombreuses reprises ont longtemps été traitées avec mépris par le SEM, qui a toujours nié ou prétendu avoir pris des mesures. Il aura fallu ces preuves irréfutables et un dégât d’image important pour le faire plier, un tout petit peu.

      Il a annoncé la suspension de 14 agent·es de sécurité, un audit interne, une enquête externe à Boudry par un ancien juge fédéral, la suppression des containers et une réflexion sur la mise en place d’un bureau externe chargé de recueillir les plaintes des requérant·es d’asile. On peut se réjouir de ce dernier point. Mais reste encore à voir quelle sera la mise en œuvre concrète. Pour le reste, ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas là d’une révolution, mais bien d’une communication bien rôdée.

      Car évidemment il ne suffira pas que les containers insalubres soient remplacés par de jolies salles de « réflexion » aux couleurs apaisantes. Parce que sales ou propres, cela restera des cellules. Il n’est pas suffisant non plus que les agent·es de sécurité impliqué·es dans les quelques affaires récemment médiatisées soient remplacé·es par d’autres. Tant que le cadre de travail sera le même, les mêmes violences se reproduiront. Il suffit de lire le rapport d’Amnesty et les témoignages d’anciens agents de sécurité ou d’assistants sociaux pour comprendre combien celles-ci font partie de la culture d’entreprise. On ne peut que redouter qu’un nouveau lieu à haut potentiel de violence systémique sorte de terre à Genève, dans le cadre du projet de construction d’un centre fédéral au Grand-Saconnex (lire ici).

      Tant que les requérant·es d’asile continueront à être considéré·es comme une catégorie de la population à part, rien ne changera. Il faudra continuer de dénoncer ce qui se passe derrière les portes de ces centres. Et d’écouter, sans mettre en doute, la parole des réfugié·es qui se seraient bien passé de subir de nouvelles violences, après avoir fui celles de leur pays et en avoir subi sur la route de leur exil. On peut ici souligner le rôle des médias qui ont, à travers leurs investigations, contribué à amener sur la place publique des pratiques dénoncées depuis de nombreuses années par des organisations de la société civile. Et contraint les autorités d’asile à sortir du bois.

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      INÉDIT | Immersion dans la loge des agent·es de sécurité du CFA de Boudry

      L’enregistreur vocal du smartphone était enclenché. Confisqué par des agent·es de sécurité du Centre fédéral de Boudry, le téléphone d’une requérante d’asile a enregistré par inadvertance durant près de deux heures les conversations qui se sont tenues dans leur loge. Nous publions la retranscription complète et inédite de cette capture audio, anonymisée.

      Discussions entre membres du personnel, interactions avec des requérant·es d’asile : les échanges sont révélateurs d’un climat latent d’irrespect et de violence ordinaire induite par le rapport de force et le choix de confier l’encadrement des résident·es des Centres fédéraux d’asile à des agents de sécurité démunis d’outils de médiation. La gestion uniquement sécuritaire des tensions, inévitables dans des lieux de vie collectifs, l’absence de prise en compte par le personnel d’une réalité évidente, celle que les personnes logées là sont dans une angoisse existentielle liée à leur demande de protection, l’impunité renforcée par des mécanismes visant à tout régler « à l’interne », ressortent de leurs propos. Dans la dernière édition de la revue « Vivre Ensemble », nous avons publié un extrait de cet enregistrement : celui-ci montre comment les agent·es trafiquent un rapport justifiant la mise en cellule d’isolement d’une femme, en accusant celle-ci d’acte de violence. La retranscription complète de l’enregistrement montre que celle-ci était venue solliciter l’aide de la sécurité pour que celle-ci aide un enfant (en pleurs) à récupérer un téléphone portable qu’il s’était fait voler par un homme hébergé au centre, et que face au refus de l’agent, elle avait voulu en référer à la direction du centre. La suite permet de s’immerger dans un huis clos quasi fictionnel.

      https://asile.ch/2021/08/23/centres-federaux-a-lecoute-des-victimes
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      Transcription d’un enregistrement audio réalisé au Centre fédéral d’asile de Perreux (Boudry)

      Date: mercredi 20 janvier 2021, en fin de journée

      Légende

      A : femme requérante d’asile, dont le téléphone a capté cet enregistrement
      AS 1 : agent de sécurité impliqué dans la scène de démarrage du conflit
      AS 2 : agent de sécurité qui vient rapidement en renfort du 1er. Il semble qu’il y ait deux personnes derrière AS 2. Les voix sont difficiles à identifier
      AS 3 : agente de sécurité avec une fonction qui semble supérieur à AS 1 et 2
      AS 4 : agente de sécurité avec une fonction dirigeante, ou en tout cas davantage administrative car elle rédige les rapports
      + autres agent·es non-distingués les un·es des autres
      Le téléphone d’un enfant vient d’être volé dans le centre par un requérant d’asile à qui il l’avait confié. « A » interpelle alors un agent de sécurité pour lui demander d’agir et de retrouver le téléphone. L’agent de sécurité pense que l’enfant est son fils, mais ce n’est pas le cas. A enclenche alors le mode enregistrement sur son téléphone.

      A : You’re the security and you should to take a look
      Agent de sécurité 1 : No, no security for look the child, look your phone there
      A : I’ll complain, I’ll complain about that interacting
      AS 1 : No, what what, the time where you put your phone here, no security must look, it’s your mission.
      A : You’ll not try to search, not at all ?
      AS 1 : No, no, no, that your responsability.
      A : But you’re security
      AS 1 : That your responsability. Look, your children, madame, your children, they go up. The time when something happens to up, you come see security ?
      A : But normally you’re accessing the doors without permission ?
      AS 1 : I ask you, you no see your children you (mot incompréhensible)
      A : I’ll complain about that. What is your name or number of the working ? Because you’re just not searching for this telling stuff but discussing about me
      AS 1 : Yes
      A : You don’t do that. So what is your name because I need to complain.
      AS 1 : For me ?
      A : Yes or number of working.
      AS 1 : My number ?
      A : Yes
      AS 1 : For what ?
      A : For working. Because you’re working here and you have the number. I’ll complain, believe me, you don’t do your work
      AS 1 : No. Madame, I’m telling you something, ok ? I know place you’re coming from, ok ?
      A : Poland
      AS 1 : Ok in Switzer… I don’t know.
      A : We’re complainig pretty much and we’ll complain, not to the SEM, but your boss I’ll complain, Protectas, and to the SEM, to the SEM, to the government and to the everyone.
      AS 1 : If you don’t take your responsability… (en s’adressant à un autre requérant d’asile) Brother, brother, come in please. Tell this woman, ok, « if you come here… »
      A : (également à l’autre requérant d’asile) He doesn’t want to check the stealing stuff but they’re accessing the doors and checking the people. But he can’t check the stealing stuff.
      AS 1 : Can you leave me talk with him ?

      Brouhaha car A et AS 1 parlent en même temps avec beaucoup de bruits en arrière-fond et notamment l’enfant qui s’est fait voler son téléphone qui pleure. On entend plusieurs autres requérants d’asile parler de ce qui s’est passé. AS1 finit par proposer à A de se rendre à la loge des agent.es de sécurité pour discuter de l’affaire.

      AS 1 : Can you go to the security office ?
      A : (A l’enfant qui pleure) Yes, we’ll look for you phone. (à AS 1) You still didn’t tell me your number !

      Echanges entre différents requérants d’asile avec l’agent de sécurité. A redemande le numéro de l’agent et insiste.

      AS 1 : Take my picture
      A : No, I don’t want to take your picture
      AS 1 : Take my picture
      A : Ok no problem

      A le prend en photo. On entend ensuite du bruit et on imagine que l’AS1 essaie de lui retirer son téléphone et user de la force. A commence à gémir « ahouaoua, ahouaha » (« aïe » à de multiples reprises).

      https://asile.ch/2021/06/30/inedit-immersion-dans-la-loge-des-agent%c2%b7es-de-securite-du-cfa-de-boudry

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      Violences | un arrière-goût de déjà-vu

      Une enquête est en cours pour déterminer si des mesures coercitives disproportionnées ont été utilisées à l’encontre de requérants d’asile dans certains centres fédéraux. Il s’agirait, selon certains, de dérives individuelles. Selon d’autres, l’autorité a tort de sous-traiter une tâche régalienne à des sociétés privées.

      En fait, le problème se pose depuis belle lurette. En 1993 déjà, l’aumônerie genevoise auprès des requérants d’asile (AGORA) relevait, dans une lettre à l’Office fédéral des réfugiés (ODR), le SEM d’alors, que le personnel mis en place dans le Centre d’enregistrement de La Praille, inauguré l’année précédente, « n’était ni assez nombreux ni suffisamment formé pour remplir sa tâche. » L’aumônerie ajoutait que ce personnel n’assurait pas « un minimum d’écoute permettant de désamorcer les tensions ».

      La gestion de ce centre avait été confiée à l’ORS Service SA et à Securitas. Le CHERANE (Conseil pour l’hébergement des requérants non-enregistrés) qui, avec le soutien d’associations et du canton, assurait depuis deux ans l’accueil des candidats à l’asile, avait été écarté. Le M. Réfugiés de l’époque, Peter Arbenz, avait déclaré « ne pas avoir besoin d’assistants sociaux avec une mentalité tiers-mondiste ». Le Conseil d’État genevois avait boycotté l’inauguration, expliquant le refus de l’offre du CHERANE par « la crainte d’introduire le loup des œuvres d’entraide dans la bergerie fédérale ». « Les locaux de la discorde », avait titré la Tribune de Genève (18.04.1992).

      L’aumônerie, qui pouvait, avec de strictes limitations, pénétrer dans le Centre d’enregistrement, a dénoncé maintes fois, au cours des années suivantes, ce qu’elle considérait comme des abus. Certes, des membres du personnel faisait preuve d’empathie envers les requérants, mais, dans l’ensemble, le système policier établi manifestait bien plus une méfiance, voire un rejet qu’un accueil de personnes en quête de protection.

      À mes yeux, cette attitude reflétait le regard de peur, ou même d’hostilité porté par une partie de la population et des autorités sur des requérants d’asile dont beaucoup venaient de subir moult épreuves et souffrances. J’ai peur qu’il en soit toujours de même.

      https://asile.ch/2021/08/23/violences-un-arriere-gout-de-deja-vu

      #violence #torture #maltraitance #Protectas #SEM #Boudry #responsabilité

  • La #RTS, #Darius_Rochebin et la loi du silence

    Gestes déplacés, propos salaces, utilisation de fausses identités sur les réseaux sociaux : de nombreux témoignages font état de dysfonctionnements au sein de la RTS. Parmi les figures épinglées, l’ancien présentateur phare Darius Rochebin

    Genève, décembre 2017. A l’intérieur de la tour de verre qui abrite la RTS, il est environ 20h. Dans un enregistrement transmis au Temps, deux journalistes discutent hors antenne de la bombe médiatique du moment : l’affaire Yannick Buttet (PDC/VS). En pleine vague #MeToo, le politicien valaisan quitte le parlement à la suite de l’ouverture d’une procédure pénale à son encontre après le dépôt d’une plainte pour harcèlement sexuel. La polémique est nationale.

    « Je trouve que c’est l’arbre qui cache la forêt, dit une première voix, celle d’une présentatrice du service public. En tant que nana… on est là, on s’étonne. Tu te dis, excusez-moi, mais ici, c’est quand qu’on la fait, l’enquête ? » Son collègue rebondit : « C’est un autre débat, ça. Qui c’est qui plaque contre les murs ici ? » Elle rétorque : « Darius, il fait ça. »

    En une phrase, le mythe vacille. Darius Rochebin aurait-il outrepassé ses droits ? La suite de l’enregistrement laisse par ailleurs entendre qu’il n’est pas le seul. Le Temps a mené l’enquête. Fruits de plusieurs mois de travail, nos recherches ont permis de lever le voile sur des comportements pour le moins problématiques de la part de plusieurs collaborateurs du service public. Survenus à partir du début des années 2000, certains de ces faits étaient connus à l’interne mais n’ont jamais été révélés publiquement.

    Connivence entre cadres, personnalités influentes, taille de l’entreprise publique permettant à certains départements de déplacer les personnes mises en cause plutôt que de les sanctionner, crainte d’un dégât d’image dans le cadre de la votation « No Billag », peur de représailles professionnelles : les raisons du silence sont nombreuses.

    Pourquoi le briser maintenant ? A la faveur d’une libération historique de la parole ces dernières années et à la suite du départ en France de Darius Rochebin, une chape de plomb semble progressivement se lever à la RTS. A une exception près, les personnes qui apparaissent dans l’article ont toutefois souhaité que leur nom soit modifié. Certaines d’entre elles sont en effet encore en poste, tout comme celles qu’elles désignent.

    Lire aussi : Harcèlement sexuel au travail : de quoi parle-t-on ?
    1. Des dysfonctionnements depuis le début des années 2000

    Trois cas emblématiques témoignent de l’inaction aujourd’hui dénoncée. Le premier concerne un cadre toujours en poste – appelons-le Robert*. « Cette affaire représente environ dix ans de dysfonctionnement de la part d’un manager envers ses subordonnés en position de faiblesse et autant d’alertes ignorées par la direction », témoigne Pierre*, un collaborateur de la RTS.

    Entre 2005 et 2015, une quinzaine d’employés du service public se plaignent tour à tour de ce dernier : mobbing, harcèlement sexuel, envoi intempestif de lettres « vicieuses », SMS suggestifs pendant et en dehors des heures de bureau. Des subalternes affirment sortir « abîmés » de séances d’évaluation en sa compagnie. Le climat de travail est si mauvais qu’un collaborateur en vient presque aux mains avec lui au bureau. L’idée d’une plainte collective auprès de la police est même évoquée, avant que le front commun ne se délite. Pierre l’affirme : Robert est à l’origine de plusieurs burn-out et d’au moins deux démissions. « Il sait se rendre aimable avec ses égaux et ses supérieurs, dit-il. Mais une fois dans son pré carré, il réduit les gens en bouillie. »
    « Dans un placard doré »

    Pendant plusieurs années, la gravité de la situation est régulièrement signalée à la direction, sans effet. Au milieu des années 2010, un mail explosif parvient aux ressources humaines : une employée a récolté toutes les preuves (lettres, SMS) du harcèlement sur plus d’un an de la part de Robert à son encontre et demande des actes. La RTS tente de la raisonner et propose une médiation aux deux collaborateurs. Elle refuse. A sa demande, elle sera finalement mutée dans une autre ville. Selon une source proche du dossier, la RTS lui signifie en outre de « respecter la confidentialité la plus stricte » sur la situation. Robert aurait quant à lui reçu un simple avertissement.

    Quatre mois plus tard, il refait parler de lui : une autre de ses subalternes est mise en arrêt maladie à la suite de ce qu’elle estime être du mobbing. La direction est de nouveau interpellée et traite le problème à sa façon : en 2015, Robert est promu. « Placé dans un placard doré. » L’expression revient chez la demi-douzaine de personnes qui ont témoigné à son sujet. « Il n’a plus le droit d’avoir de subordonnés directs, mais jouit d’un statut confortable au sein de la hiérarchie, souligne Pierre. C’est malheureusement trop souvent ainsi que fonctionne la gestion des ressources humaines à la RTS. Tant qu’il n’y a pas de scandale public, les problèmes sont étouffés. »

    « De manière générale, il n’y a pas de prévention du harcèlement à la RTS, corrobore une autre de ses anciennes subalternes, qui a, depuis, changé d’employeur. J’ai essayé d’alerter mes supérieurs, mais personne n’a voulu m’écouter. Robert a été couvert et défendu par la hiérarchie. J’ai eu l’impression que le même profil du mâle alpha quinquagénaire se retrouvait à tous les échelons de la direction. La politique de management est rétrograde et ce type de comportement est protégé. »
    « La main baladeuse »

    L’enregistrement évoquant Darius Rochebin en début d’article mentionne un deuxième cas problématique : celui de Georges*, employé de longue date à la télévision romande, connu à l’interne pour avoir « la main baladeuse ». Son comportement est cependant allé plus loin. Selon nos informations, il a embrassé plusieurs fois l’une de ses anciennes subalternes sans son accord, avant d’insister par SMS à de nombreuses reprises. Cette dernière a confié son histoire au Temps, tout en souhaitant limiter l’exposé des détails afin de se préserver autant que possible.

    « J’aurais dû lui foutre une claque plus tôt, dit-elle. Mais il y avait une relation de pouvoir et j’avais honte. » Elle n’osera pas en informer ses supérieurs. Ceux-ci étaient-ils au courant ? Sans pouvoir le confirmer, cette ancienne employée de la RTS répond qu’après avoir raconté ce qu’il lui était arrivé à ses collègues, on l’avait avisée qu’il « avait déjà fait ce genre de choses auparavant ». Si ce n’est de la direction, l’affaire était connue d’un bon nombre d’employés. « La RTS est une maison où les collaborateurs se cramponnent à leur siège, juge cette ancienne collaboratrice. Certains sont là depuis trois décennies et se soutiennent les uns les autres. » Comme Robert, Georges est toujours en poste.

    Contactée par Le Temps, au sujet de ces deux collaborateurs, la direction de la RTS a fourni la réponse suivante : « Nous ne pouvons pas commenter les cas particuliers en raison de la protection de la personnalité. Lorsqu’un cas survient, nous le traitons toujours avec diligence et fermeté. »

    Les personnes qui se confient aujourd’hui sont nombreuses à évoquer la honte et la crainte que leur vécu ne soit ramené à une simple affaire de « drague lourde ». Pourtant, la loi est claire, comme le rappelle Sylvie Durrer, la directrice du Bureau fédéral de l’égalité : « Tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, relève du harcèlement sexuel, selon l’article 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes. » Il n’existe pas de définition exhaustive dudit harcèlement, qui peut se manifester sous diverses formes : « contacts physiques, attouchements non souhaités, avances ou encore pressions ». « Les comportements qui contribuent à créer un climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées, peuvent aussi représenter du harcèlement sexuel », précise la directrice.

    Les responsabilités de l’employeur sont également encadrées par la loi, souligne-t-elle : « En plus de son obligation d’instaurer des mesures de prévention contre le harcèlement sexuel, l’entreprise est tenue de prendre au sérieux les signalements de tels harcèlements et doit établir les faits. Les rumeurs et allusions doivent aussi donner lieu à une enquête. »

    Autour de Darius Rochebin, un silence assourdissant

    Des bruits de comportements déplacés, il en existe depuis des années au sujet d’un autre employé du service public : Darius Rochebin, présentateur phare de la RTS jusqu’à l’été 2020. Au-delà de ses compétences professionnelles incontestables, sa réputation, à l’interne, le précède : mains glissées sous les chemises de collègues masculins, allusions salaces récurrentes ou encore proximité avec de jeunes hommes sont régulièrement évoquées. Au sein de la chaîne publique, on raille volontiers sa conduite, sans toujours en mesurer les conséquences.

    Depuis que le présentateur a quitté la chaîne nationale pour LCI, plusieurs témoins commencent à évoquer ce qu’ils ont vécu, même si des craintes demeurent. Comme deux faces d’une même médaille, Darius Rochebin renvoie une image assurée à l’écran mais peut se comporter de manière inadéquate une fois les caméras éteintes. D’anciens ou d’actuels collaborateurs de la RTS rapportent ainsi le malaise, la sidération même, ressentis lors de conversations banales qui dérapent subitement sur le terrain sexuel ou intime. La parole a même fait place aux actes, comme en témoignent Aurore* et Clémence*.

    Un comportement « ahurissant et totalement déplacé »

    Avant l’incident, Aurore, employée de la RTS depuis une dizaine d’années, n’avait eu que des contacts épisodiques et toujours strictement professionnels, avec Darius Rochebin. « On se croisait dans les couloirs, parfois dans des séances, on s’échangeait un ou deux e-mails par année », précise la quinquagénaire. Un soir de 2014, elle quitte son bureau pour se rendre à une réunion. « J’ai croisé Darius Rochebin qui sortait de l’ascenseur, raconte-t-elle. On a fait quelques pas ensemble dans un couloir vide en discutant du boulot. Subitement, il a pris mon visage dans ses mains et a essayé de m’embrasser. Je l’ai immédiatement repoussé. Il est parti de manière furtive, sans me regarder ni présenter d’excuses. » Sous le choc, Aurore arrive « décalquée » à sa séance. « J’étais interloquée par son comportement que je jugeais ahurissant et totalement déplacé. J’ai pris ça pour un coup de folie. » Par la suite, leurs rares échanges professionnels se sont déroulés comme si de rien n’était. « J’ai voulu oublier cet épisode, confie Aurore, qui n’a jamais averti sa hiérarchie. Si ça s’était répété, j’aurais sans doute réagi différemment. »

    Collaboratrice de la RTS, Clémence relate des faits analogues. Au cours de sa carrière, cette mère de famille côtoie régulièrement Darius Rochebin. Peu après le Nouvel An 2006, à quelques heures du journal télévisé, c’est l’effervescence en salle de maquillage. « Tout le monde s’embrassait et s’échangeait des vœux pour la nouvelle année », se souvient Clémence. Darius Rochebin est là, aux côtés d’autres collègues. « Il s’est approché de moi, je l’ai pris par l’épaule pour lui faire la bise, il a saisi ma main libre et l’a fermement posée sur ses parties génitales », raconte Clémence. Les autres personnes présentes dans la salle ne réagissent pas. « Je ne sais pas si elles ont vu la scène », souligne la journaliste, qui relate l’incident à des collègues proches et à son mari, mais pas à sa hiérarchie de l’époque. C’est seulement à l’automne 2017, en pleine vague #MeToo, qu’elle en informe son supérieur. « Il est tombé des nues et a dit qu’il allait lui parler. Je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite, je n’ai plus jamais eu de nouvelles. Je crois que c’est allé plus haut, mais je n’ai pas eu d’écho direct, je n’ai plus voulu me mêler de cette histoire.
    Un « malaise » apparaît

    Un autre témoignage illustre la marge de manœuvre dont bénéficiait Darius Rochebin au sein de la RTS : celui d’Antoine*, 22 ans au moment des faits. En mai 2012, Darius Rochebin entame une conversation privée avec le jeune homme sur le réseau social Twitter. A l’époque, le Genevois est un étudiant en lettres qui tente de percer dans le journalisme et voit en Darius Rochebin « un mentor inespéré » dans un milieu très compétitif. « Les conversations ont commencé de manière anodine, raconte Antoine. J’étais flatté qu’une telle star s’adresse à moi. Le ton était ambigu et est rapidement devenu aguicheur. J’étais surpris, mais intrigué. »

    Quelques jours plus tard, Darius Rochebin propose à Antoine un café, puis un dîner. « Il me disait qu’il devait tester de grands restaurants pour des articles et payait à chaque fois pour nous deux, précise l’étudiant. J’étais impressionné par ce faste, et évidemment par son statut. Lors de notre troisième rencontre, quelques semaines après notre première conversation, nous sommes allés en voiture dans la campagne genevoise. Au restaurant, il m’a présenté comme un jeune journaliste prometteur. »

    C’est sur le trajet du retour qu’Antoine raconte avoir eu « de premières appréhensions », termes qu’il utilise pour retranscrire son malaise dans un journal intime. « Il s’est arrêté au bord de la route. Il a initié un rapport sexuel, je ne l’ai pas repoussé. Je n’avais pas envie d’aller plus loin, mais j’avais l’impression de ne plus pouvoir revenir en arrière. En partant, il a dit qu’il m’enverrait le contact d’un rédacteur en chef qui pourrait m’offrir un stage. Son mentorat prenait implicitement une dimension transactionnelle, et je m’y suis plié. » Peu après, le présentateur met comme promis l’étudiant en relation avec un éminent producteur de la RTS et lui propose une visite des locaux de la télévision publique.
    « Une mission sur mesure »

    Quelques mois après leur premier échange sur Twitter, Darius Rochebin intervient directement auprès de la direction de la RTS pour mettre en place une collaboration avec Antoine : « Il m’a créé une mission sur mesure en tant que photographe. Il m’emmenait partout, du Festival de Cannes aux conférences du dalaï-lama », se souvient l’étudiant.

    Interrogée au sujet de cette mission, la direction de la RTS répond qu’en 2012, « Darius Rochebin a collaboré avec un photographe free-lance. Cette collaboration ponctuelle n’était pas effectuée dans le cadre du mandat de production de l’émission Pardonnez-moi, mais a eu lieu à l’occasion d’un événement pour le 10e anniversaire de l’émission. Pour cette exposition uniquement, la RTS a rémunéré le photographe sur la base des tarifs de droits d’auteur. »

    Des documents en notre possession laissent pourtant supposer qu’Antoine n’a pas été rémunéré uniquement sur la base des droits d’auteur. Selon la facture adressée par le jeune homme à la direction de la RTS, la rémunération est par ailleurs arrêtée à 800 francs, avec mention « forfait indiqué par M. Darius Rochebin ».

    Au fil des mois, la relation entre la star et l’étudiant se tend. « Plus j’étais distant, plus il devenait jaloux, inquisiteur, raconte ce dernier. Je redoutais les conséquences de mes refus sur ma situation professionnelle. Je ne savais plus comment mettre fin à cette relation. C’était une lutte continuelle. J’ai pris peur. » Antoine finit par couper les ponts et ignorer les relances du présentateur, avec qui il n’a aujourd’hui plus aucun lien.

    Des aspirants journalistes fascinés

    Alexandre* et Hugo*, deux jeunes hommes qui ont travaillé directement avec le présentateur, racontent eux aussi ses multiples tentatives d’immixtion dans leur vie privée : allusions déplacées, questions lubriques pendant et en dehors des heures de bureau, rapports de pouvoir ambigus. Fascinés, les jeunes journalistes peinent à réagir.

    Le premier, Alexandre, 24 ans au moment des faits, a travaillé à la RTS lorsqu’il était étudiant. En 2014, Darius Rochebin lui propose un soir d’aller manger. « Au restaurant, on discutait de choses et d’autres, et puis, soudain, il m’a demandé : « Mais toi Alexandre, tu te branles souvent ? » Choqué, le jeune étudiant élude. « Sur le moment, j’ai paniqué, j’ai fait une petite crise d’angoisse », raconte-t-il. Par la suite, Alexandre reçoit régulièrement des messages de Darius Rochebin sur Facebook : « ah, mais tu es tellement beau », « tu m’avais manqué », « ta bizarrerie brillante est trop attachante », « on se refait un dîner ? » Des sollicitations auxquelles le jeune homme répond peu, tentant de contenir les rapports au niveau strictement professionnel.

    Le deuxième, Hugo, a également travaillé à la RTS durant ses études entre 2011 et 2015. Dès leur premier contact, Darius Rochebin l’ajoute sur Facebook. « Lorsque l’on est stagiaire et qu’il s’agit de la star de la rédaction, c’est flatteur », souligne Hugo, 22 ans à l’époque. Darius Rochebin lui envoie ensuite des messages privés ambigus puis à caractère sexuel sur les réseaux sociaux. Le jeune étudiant décrit un malaise : « C’est comme s’il avait une double personnalité : l’une brillante, l’autre pas assumée, perverse. Plusieurs autres journalistes m’ont parlé de leur gêne lorsqu’ils étaient seuls avec lui en plateau et qu’ils ne pouvaient plus vraiment le côtoyer sans y penser. J’ai été surpris de voir à quel point cette facette du présentateur était connue dans son environnement professionnel, mais pas hors de la RTS. Une omerta à la mesure de l’épaisseur du personnage. »
    2. De fausses identités sur les réseaux sociaux

    Des alertes, la direction de la RTS en a pourtant reçu. « Tout le monde sait, mais personne ne fait rien » : c’est l’intuition qui anime Thomas Wiesel en 2017 lorsque le mouvement #MeToo libère la parole des victimes d’abus. Le jeune humoriste a rencontré Darius Rochebin en 2015 alors qu’il débutait dans le métier. « Quand il m’a contacté professionnellement, il faisait des remarques sur mon physique, me proposait de se voir pour une émission ou un verre, voulait mon numéro de téléphone plutôt que mon e-mail. Plusieurs personnes m’avaient mis en garde. J’ai immédiatement mis des barrières et il n’a pas insisté. »

    S’il ne s’est pas senti lui-même en danger, Thomas Wiesel craint que d’autres personnes ne restent silencieuses par peur des conséquences ou par honte de s’être laissé amadouer. D’autant que le Vaudois s’interroge depuis longtemps sur l’utilisation des réseaux sociaux par Darius Rochebin : alerté par plusieurs personnes, il soupçonne le présentateur d’avoir créé de faux comptes de femmes sur Facebook pour entrer en contact avec de jeunes hommes, dont certains de ses amis. Pour en avoir le cœur net, l’humoriste commence à enquêter.
    Une campagne « No Billag » très sensible

    A l’automne 2017, peu avant la votation sur l’initiative « No Billag » qui visait à supprimer la redevance radio-TV, Thomas Wiesel contacte le nouveau directeur de la RTS, Pascal Crittin, en poste depuis quelques mois seulement, afin de l’interpeller sur le sujet. Que savait la direction de la réputation de Darius Rochebin et de l’alerte formelle lancée par Clémence ? « Affirmant n’être au courant de rien, Pascal Crittin a fait part de son étonnement, raconte l’humoriste. Il m’a toutefois assuré qu’il ferait toute la lumière sur l’affaire et que Darius Rochebin serait suspendu si une plainte contre lui était déposée. »

    La direction de la RTS confirme aujourd’hui ces échanges. « Nous avons pris très au sérieux les propos de Thomas Wiesel et l’avons invité à nous fournir des éléments concrets, ainsi qu’à inciter les personnes concernées à prendre contact avec la justice, souligne Pascal Crittin. Toutefois et à ce jour, nous n’avons reçu aucune preuve, aucun document, ni aucun témoignage direct. » Pour Thomas Wiesel, il est « surprenant que l’entreprise n’ait jamais cherché à enquêter elle-même en profondeur, suite aux rumeurs qui circulaient depuis des années et encore plus suite à ce signalement ».

    Après l’intervention de l’humoriste, le nouveau directeur convoque néanmoins Darius Rochebin, une information confirmée par la direction de la RTS : « Nous lui avons fermement et formellement rappelé nos règles professionnelles concernant la présence sur les réseaux sociaux. » Selon nos informations, l’intéressé aurait reconnu, lors de l’entretien, l’existence de ces comptes Facebook mais affirmé qu’ils étaient gérés par des amis. Aujourd’hui, ces comptes Facebook ont été nettoyés.

    Si l’éventualité que les faux comptes mentionnés par Thomas Wiesel aient été gérés par des personnes voulant nuire à la réputation de Darius Rochebin a longtemps été évoquée, Le Temps a aujourd’hui la preuve qu’il n’en est rien. C’est bien l’ancien présentateur de la RTS qui a usé de fausses identités créées de toutes pièces pour entrer en contact tant avec des collègues qu’avec des inconnus. Il s’en est notamment servi pour obtenir des informations sur leur vie privée et orchestrer des rendez-vous. Une dizaine d’entre eux, contactés par Darius Rochebin entre 2009 et 2017, nous ont livré leur récit. L’un était mineur au moment des faits. Par souci de concision, tous ces témoignages n’ont pas été reproduits ici.
    Les mystérieuses Laetitia Krauer et Lea Magnin

    Sur Facebook, le présentateur a créé au moins deux fausses identités formellement identifiées : Laetitia Krauer et Lea Magnin. La première ayant de loin été la plus active. Toutes deux sont supposées être étudiantes à l’Université de Genève. Sur leur photo de profil, dont on ignore la provenance, elles semblent très jeunes.

    Dans plusieurs conversations en ligne datant de 2012 que Le Temps a pu obtenir, Darius Rochebin évoque ouvertement son stratagème. « Tu veux voir l’un de mes avatars ? » questionne le présentateur, avant d’ajouter : « Regarde Laetitia Krauer, elle t’a envoyé un message », le tout accompagné d’une capture d’écran. « Sur Facebook, si Lea Magnin poste ça va ? Ou tu la trouves faux profil ? » poursuit Darius Rochebin dans une autre conversation. « J’ai aussi le code de mon ex mais je l’utilise pas trop, écrit-il encore. Les plus malins voient qu’il n’y a pas de vraie activité normale, mais si une fois tu veux sonder des gens (...) c’est génial comme les gens se livrent... » Le compte à travers lequel il s’exprime a été créé à partir de son ancienne adresse mail professionnelle de la RTS.

    Juriste en droit des technologies, Mikhaël Salamin précise que « l’utilisation d’une photo de profil – une donnée personnelle – pourrait être considérée comme une usurpation d’identité » puisque celle-ci est définie comme « l’usage abusif de données personnelles d’une tierce personne permettant son identification ». « L’usurpation d’identité en tant que telle ne figure pour l’instant pas dans le Code pénal suisse et ne peut donc être réprimée que si elle est liée à d’autres méfaits, comme l’atteinte à l’honneur, la violation de la personnalité, voire le harcèlement, détaille le juriste. Elle devrait néanmoins être introduite d’ici deux ans à la faveur d’une révision complète de la loi sur la protection des données, en l’absence d’un référendum populaire. »

    Une systématique précise

    Le procédé mis en place par Darius Rochebin obéit à une systématique précise, tant sur l’approche que sur les personnes ciblées. Ce sont, pour la plupart, de jeunes étudiants, stagiaires journalistes ou engagés en politique. Des individus qui, un jour ou l’autre, pourraient avoir besoin des médias et qui, de prime abord, ont toutes les raisons d’être flattés que Darius Rochebin s’intéresse à eux. Les conversations avec l’animateur débouchent d’ailleurs régulièrement sur des invitations à venir visiter les locaux de la RTS, voire à intervenir sur le plateau du téléjournal.

    Le premier contact intervient souvent après une première et modeste apparition à l’antenne, un événement ou encore un débat estudiantin auquel Darius Rochebin participe en tant qu’invité de marque. La plupart du temps, les internautes contactés croient parler à deux personnes distinctes : Darius Rochebin et une jeune étudiante – soit Laetitia Krauer, soit Lea Magnin. Ils ignorent que le présentateur mène en réalité ces deux discussions en même temps. Systématiquement, le présentateur star, dissimulé sous les traits de ces jeunes femmes, invite son interlocuteur à répandre des rumeurs à son propre sujet : « tu sais que Darius a une mini-bite ? », « son mini-kiki ne dépasse pas la taille de sa main en pleine action », « un dé à coudre » – et insiste sur la nécessité d’en parler.

    Une fois le domaine de la sexualité mis en avant, les questions de Laetitia Krauer ou de Lea Magnin au sujet de l’anatomie de leurs interlocuteurs s’enchaînent. Elles sondent les pratiques et les préférences sexuelles de ces derniers, demandent leur avis au sujet de Darius Rochebin. Sous les traits de Laetitia Krauer et de Lea Magnin, le présentateur cherche même à entraîner ses interlocuteurs sur le terrain de la critique insultante envers lui-même. Dans quel dessein tente-t-il de susciter de telles accusations ? Que fait-il des informations ainsi récoltées ? Ces questions restent ouvertes.

    Au fil des années, le procédé commence à éveiller des soupçons. Certaines cibles, alertées par d’autres, font rapidement le rapprochement entre Lea Magnin, Laetitia Krauer et Darius Rochebin et mettent un terme à la discussion. Pensant parler à une vraie femme, d’autres poursuivent en revanche l’échange et « se livrent ».

    A noter qu’une certaine Laetitia Krauer intervient également dans les médias pour saluer les performances de Darius Rochebin. Dans Télétop Matin en 2007 : « Merci à Darius Rochebin pour le merveilleux moment de « Pardonnez-moi » avec Mimie Mathy. A la fois drôle, piquant, émouvant à certains moments. » Idem en 2013, dans le guide TV et cinéma encarté dans La Liberté : « Sympa, l’initiative. J’adore Darius Rochebin qui est classe avec une pointe d’humour. »
    Un mineur trompé par un faux profil

    Plusieurs jeunes hommes révèlent avoir été visés par ces doubles approches en ligne. Samuel* a 16 ans lorsqu’il rencontre pour la première fois Darius Rochebin. Le collégien genevois s’intéresse à la politique, aux médias, et milite dans la section jeune d’un parti. A ses yeux, l’animateur est un modèle de réussite, une icône. En avril 2012, il est contacté sur Facebook par une certaine Laetitia Krauer qui lui parle immédiatement du petit pénis de Darius Rochebin, cherche à savoir ce qu’il pense de lui et lui demande son âge. Samuel répond qu’il a 17 ans – arrondissant son âge à la hausse, à quelques mois de son anniversaire. Le lendemain, l’adolescent reçoit une invitation Facebook de Darius Rochebin lui-même. Troublé par cette coïncidence, il en fait état au présentateur. Ce dernier lui répond que Laetitia Krauer est une « copine de son ex », « chaude comme la braise » et l’incite à tenter sa chance.

    Par la suite – la conversation durera plus d’un an – Darius Rochebin s’intéresse à la vie de Samuel, lui propose de visiter les coulisses de la RTS avec des camarades, promet de lui donner des conseils professionnels. « Il a instauré une forme de camaraderie entre nous, il adoptait le langage d’un pote, me donnait des conseils de drague », souligne Samuel, alors mis en confiance. En parallèle, Laetitia Krauer lui suggère de répandre les rumeurs précitées quant à l’anatomie de Darius Rochebin et s’évertue par tous les moyens à connaître la taille du sexe de Samuel, ce qu’elle n’obtiendra pas. Au fil du temps, Samuel commence à douter de l’identité de Laetitia Krauer qui l’inonde de messages, et s’en ouvre à Darius Rochebin. Le présentateur rassure immédiatement le collégien, tout en se distanciant de Laetitia Krauer : « Je pense qu’elle existe, mais elle est instrumentalisée par mon ex », dit-il.

    Samuel ne répondra plus aux sollicitations de Laetitia Krauer, mais acceptera trois rendez-vous avec Darius Rochebin. A deux reprises, le présentateur le convie au pied de la tour RTS. Le jour du premier rendez-vous, l’adolescent est impatient de partager un moment privilégié avec une star de l’audiovisuel. S’attendant à retrouver le présentateur pour un café à la RTS, il est étonné d’être invité à monter dans sa voiture garée dans un parking souterrain, après avoir marché quelques minutes dans la rue. « Je l’ai suivi mécaniquement sans poser de questions, raconte Samuel. J’étais intimidé, mais exalté. Avec le recul, je me dis que des alertes auraient dû sonner. » Ils roulent pendant quinze minutes avant que Darius Rochebin ne le dépose devant un hôtel proche de la gare. En rentrant chez lui, Samuel, « interloqué et un peu honteux », esquive les questions de ses parents, curieux de savoir comment s’est déroulée la rencontre avec celui qu’ils voient comme un modèle pour leur jeune fils.

    Le lendemain, Darius Rochebin s’excuse pour la brièveté du rendez-vous et lui propose un café. Lors de cette rencontre et de la suivante, le présentateur tient des propos salaces au jeune homme toujours mineur : « C’est vrai que les collégiennes sucent de bon cœur ? » « Tu baises qui en ce moment ? » Des questions qui achèvent de dérouter Samuel, au stade de ses premières expériences sexuelles. Avec le recul, il peine encore à mettre des mots sur ce qu’il a ressenti : un mélange de dégoût, de gêne, mais surtout le sentiment d’avoir été piégé.
    « J’ai l’impression d’avoir été manipulé »

    Dylan* et Sébastien* ont eux aussi été contactés par Darius Rochebin et son avatar Laetitia Krauer, respectivement en 2009 et 2011. Pour Dylan, 18 ans à l’époque, qui rêve de devenir journaliste, Darius Rochebin est un « modèle de réussite ». Lorsque le présentateur entame la discussion, l’adolescent déchante : « J’ai immédiatement senti une ambiguïté dans sa manière de me parler, il n’avait pas l’air détaché, mais au contraire très intéressé. » Très vite, Darius Rochebin lui propose un rendez-vous, que Dylan annule au dernier moment, prétextant une grippe. « Une star de son envergure qui invite un jeune étudiant à boire un verre, je ne le sentais pas, j’avais peur. J’en avais parlé à mes parents qui avaient aussi été intrigués par l’invitation et m’avaient conseillé de décliner. » A l’époque, un autre indice avait aussi alerté Dylan : les étranges conversations avec Laetitia Krauer qui ne cesse d’évoquer l’anatomie de Darius Rochebin. « J’ai discuté avec elle durant des mois, sans jamais la voir. Lorsque je proposais un rendez-vous, elle esquivait toujours, elle jouait à un jeu malsain. J’ai vraiment l’impression d’avoir été manipulé. »

    Avec Sébastien, Darius Rochebin évoque d’emblée Laetitia Krauer, « amie commune » sur Facebook, dont il se sert pour justifier un premier échange. « Il m’a dit qu’il avait appris que cette fille me parlait et qu’il ne fallait pas que je rentre dans son jeu. J’ai trouvé cette approche très bizarre. J’étais agacé par ces histoires qui ne me regardaient pas. » Alors qu’ils se connaissent à peine, Darius Rochebin lui propose d’intervenir dans le cadre d’un débat à la RTS. « Ça m’a semblé étrange comme proposition, se souvient Sébastien. Comme s’il mélangeait les casquettes privée et professionnelle. Par la suite, il m’écrivait souvent pour me proposer de boire des cafés. Il m’a recontacté quand j’ai commencé dans le métier, pour me reparler de Laetitia Krauer, parfois jusqu’à 3h ou 4h du matin. Au point que ma copine de l’époque l’a remarqué. J’ai fini par couper les ponts. En en parlant autour de moi, j’ai réalisé que d’autres jeunes étaient concernés, à Genève et au-delà. »
    Les médias, un monde comme les autres

    Entre les personnes contactées, le mot circule en effet largement. A tel point qu’à l’aube de la votation sur l’initiative « No Billag », en 2018, plusieurs médias romands s’intéressent de près aux mystérieux avatars de Darius Rochebin. Selon plusieurs sources concordantes, la direction va alors jusqu’à mettre en place une stratégie de communication de crise pour parer à l’éventualité d’un scandale. Sans que celle-ci doive, pour finir, être actionnée.

    Contacté, Darius Rochebin a répondu par l’intermédiaire de son avocat. Il « conteste fermement s’être livré à des actes pénalement répréhensibles » et précise n’avoir « jamais fait l’objet d’une plainte pénale, ni a fortiori d’une quelconque condamnation pénale ».

    Baiser de force, main placée sur les parties génitales, propos déplacés, allusions sexuelles : la direction de la RTS était-elle au courant de tels comportements ? « Tout comportement déplacé et blessant dans le cadre professionnel, de quelque nature que ce soit, est incompatible avec les valeurs de notre entreprise et la RTS les condamne avec force, précise Pascal Crittin. Lorsque des cas sont portés à notre connaissance, ils sont immédiatement traités, le cas échéant avec une enquête externe indépendante. Selon les conclusions de l’enquête, des sanctions sont prises allant jusqu’au licenciement immédiat. »

    En novembre 2017, Darius Rochebin saluait lui-même la « libération de la parole » liée au mouvement #MeToo. Née dans le monde du cinéma, la vague de dénonciations s’est étendue à tous les secteurs. Dans l’univers médiatique toutefois, certains tabous continuent de persister, mais comme partout ailleurs, des voix commencent à s’élever.

    https://www.letemps.ch/suisse/rts-darius-rochebin-loi-silence
    #Suisse #sexisme #me_too #harcèlement_sexuel #MeToo #silence #omerta #dysfonctionnement #mobbing #plainte_collective #harcèlement #confidentialité #main_baladeuse #Laetitia_Krauer #fausse_identité #Lea_Magnin #avatars

    • #MeToo : mis en cause dans une enquête, Darius Rochebin se met en retrait de #LCI « quelques jours »

      L’ex-présentateur phare du journal télévisé suisse est accusé de comportements déplacés par une enquête du Temps.

      Trois ans après l’affaire #MeToo, une enquête du média suisse Le Temps vient ébranler une nouvelle icône médiatique. Ce samedi 31 octobre, un article du quotidien a mis en lumière des comportements sexistes et troublants au sein de RTS, la Radio télévision suisse. Après plusieurs mois de recherches, les trois auteurs de l’enquête dénoncent « des comportements pour le moins problématiques de la part de plusieurs collaborateurs du service public ». Ces actions sont survenues « à partir du début des années 2000 » et certaines étaient connues par les équipes de RTS, ajoutent les journalistes.

      Le cas le plus frappant concerne une « star » du petit écran helvétique, Darius Rochebin. Le journaliste, ancien présentateur du journal télévisé de RTS et désormais sur LCI est soupçonné de comportements « inadéquats », dont des « mains glissées sous les chemises de collègues masculins, allusions salaces récurrentes ou encore proximité avec de jeunes hommes ».

      Une collaboratrice l’ayant croisé dans un couloir raconte : « subitement, il a pris mon visage dans ses mains et a essayé de m’embrasser. Je l’ai immédiatement repoussé. Il est parti de manière furtive, sans me regarder ni présenter d’excuses ». Une autre se souvient d’un moment survenu peu après le Nouvel an 2006 : « Il s’est approché de moi, je l’ai pris par l’épaule pour lui faire la bise, il a saisi ma main libre et l’a fermement posée sur ses parties génitales ».

      Le présentateur est aussi accusé d’utiliser son influence pour rencontrer des étudiants d’une vingtaine d’années, avec lesquels il a des relations ambiguës. Il aurait également créé de faux profils de jeunes femmes sur Facebook pour « entrer en contact avec de jeunes hommes ». Il se serait servi de ces profils pour « obtenir des informations sur leur vie privée et orchestrer des rendez-vous », révèle Le Temps. Les conversations pouvaient aussi prendre une autre tournure : « Sous les traits de [ces faux comptes], le présentateur cherche même à entraîner ses interlocuteurs sur le terrain de la critique insultante envers lui-même », ajoute l’enquête.
      Darius Rochebin se met à l’écart « quelques jours » de LCI

      Visé par ces accusations, Darius Rochebin a répondu aux journalistes par l’intermédiaire de son avocat, contestant « fermement s’être livré à des actes pénalement répréhensibles ». « Jamais je n’ai fait l’objet d’une plainte. Jamais je n’ai eu de relation non consentie ou illicite. Je me battrai donc contre les amalgames, les ragots ou les insinuations dont je suis victime et j’examine avec mon avocat la suite judiciaire que je donnerai », a-t-il réagi, se disant « choqué par le récit malveillant » du Temps, qu’il juge « émaillé de propos anonymes ». « Jamais je n’en ai fait une position de pouvoir. Je n’ai d’ailleurs jamais exercé d’autorité hiérarchique. C’est dire combien il est faux que j’ai pu obtenir des échanges de faveurs et imposer une loi du silence pour couvrir des comportements illicites, s’ils avaient existé », conteste-t-il.

      Actuellement présentateur d’une émission sur LCI, Le 20h de Darius Rochebin, diffusée du lundi au jeudi entre 20h et 21h15, le journaliste ajoute avoir « demandé à LCI de [le] libérer quelques jours pour être auprès de [sa] famille ». « L’expérience de l’actualité m’a appris que tout pathos est inutile mais je tiens à dire combien je suis blessé par des attaques injustes. J’en suis d’autant plus déterminé », conclut-il.

      De son côté, le groupe TF1 a expliqué au Figaro n’avoir eu connaissance d’« aucun incident de cette nature » signalé au sein de la rédaction de LCI à l’encontre du journaliste. Le média « rappelle être très attaché à la présomption d’innocence, suit très attentivement cette affaire et prendra les mesures qui s’imposent selon son évolution. L’entreprise, qui sensibilise régulièrement ses collaborateurs, rappelle mener une politique active contre toute forme de harcèlement ».
      La direction de RTS se dit « consternée par la gravité et l’ampleur des faits reprochés »

      Parmi les exemples repérés par les auteurs figure également « Robert », un cadre toujours en poste et accusé, entre 2005 et 2015, de nombreux actes répréhensibles par « une quinzaine d’employés du service public ». Harcèlement sexuel, SMS suggestifs, envoi de lettres « vicieuses »... Les actions de ce cadre entraînent une dégradation du cadre de travail, provoquent des burn-out d’employés et il finit par être écarté par sa direction dans un « placard doré », après qu’une employée assure avoir « récolté toutes les preuves (lettres, SMS) du harcèlement sur plus d’un an de la part de Robert à son encontre et demande des actes ».

      La direction de RTS, quant à elle, nous assure être « consternée par la gravité et l’ampleur des faits reprochés. Si ces faits sont avérés, la RTS les condamne avec la plus grande fermeté. » Elle ajoute : « La RTS rejette fermement toute accusation de laxisme dans la gestion des cas de harcèlement ou de protection de ses collaborateurs. Les cas portés à la connaissance de la direction sont toujours traités avec diligence et de manière professionnelle, y compris avec le recours à des enquêtes externes. »

      Concernant Darius Rochebin, la direction indique avoir été uniquement informée « des faux profils ». « Nous allons vérifier toutes les informations figurant dans cet article, réexaminer ses processus internes et prendre toutes les mesures nécessaires pour les améliorer le cas échéant », ajoute notre source, défendant les outils mis en place au sein de l’entreprise pour « libérer la parole (...) et signaler tous cas problématiques ».

      « Plusieurs rédactions ont travaillé ces dernières années sur les manquements de l’institution RTS au sujet d’affaires similaires, sans jamais toutefois aboutir. Si nous y parvenons aujourd’hui, c’est au prix d’un travail acharné et d’une minutieuse collecte de faits », explique Le Temps dans un édito cinglant. Le quotidien, qui défend ses « trois courageux journalistes », juge que leur enquête a un « intérêt public » : « tout a été fait pour mettre sous cloche des comportements inacceptables » au sein de RTS, et le journaliste Darius Rochebin, l’une des anciennes figures de proue du groupe, n’a « pas été à la hauteur » de sa réputation de « modèle pour la profession et le grand public ».

      https://www.lefigaro.fr/medias/plusieurs-figures-du-media-suisse-rts-accusees-de-comportements-deplaces-20

    • Entre Darius Rochebin et la France, la désillusion

      La presse française relaie avec stupéfaction l’enquête du « Temps » sur les agissements du présentateur vedette, aujourd’hui en poste à LCI. Il annonce se mettre en retrait « quelques jours »

      Après le concert de louanges, la stupéfaction. Samedi, la presse française a découvert avec effarement les révélations du Temps sur le présentateur vedette Darius Rochebin, accusé d’avoir eu des comportements déplacés pendant sa carrière à la RTS. « Il était la curiosité de la rentrée médiatique française », rappelle le quotidien Libération dans un article relatant les faits. De son côté, Le Parisien juge que cette enquête « va faire de gros remous à LCI », en référence à la chaîne française qui a réalisé le transfert surprise de l’intervieweur suisse.

      Prévue à 14 heures ce samedi, son émission de « grands entretiens » a été remplacée par une discussion entre David Pujadas et le professeur controversé Didier Raoult. LCI s’apprête-t-elle à tirer la prise ? Contacté par Le Figaro, le groupe TF1, propriétaire de la chaîne, assure n’avoir eu connaissance d’« aucun incident de cette nature » au sein de la rédaction de LCI.
      « Des attaques injustes »

      Le média français « rappelle être très attaché à la présomption d’innocence, suit très attentivement cette affaire et prendra les mesures qui s’imposent selon son évolution. L’entreprise, qui sensibilise régulièrement ses collaborateurs, rappelle mener une politique active contre toute forme de harcèlement ». Egalement sollicité par Le Figaro, Darius Rochebin indique se mettre en retrait « quelques jours ». « L’expérience de l’actualité m’a appris que tout pathos est inutile mais je tiens à dire combien je suis blessé par des attaques injustes. J’en suis d’autant plus déterminé », indique-t-il, examinant avec son avocat « la suite judiciaire » à donner.

      En septembre, son arrivée a au départ intrigué le landerneau médiatique parisien, peu habitué à intégrer de nouvelles recrues en provenance de l’étranger. L’animateur occupe la tranche du soir sur LCI. Son nom figure en majesté dans le titre de l’émission : Le 20H de Darius Rochebin. A une heure hautement concurrentielle, le journaliste reçoit des personnalités de premier plan pour commenter l’actualité. Dernier en date : l’ancien président socialiste François Hollande.
      Des compétences professionnelles reconnues

      Cette confiance, il la doit au patron de la chaîne d’information en continu, Thierry Thuillier, séduit par son intervention virale dans une émission de David Pujadas en novembre 2019. « Darius possède à la fois une immense culture politique et historique de notre pays et, en tant qu’étranger, il nous regarde avec beaucoup de décalage. On avait besoin de cette distance amusée qu’il nourrit sur nos querelles, nos passions », expliquait-il à Libération dans un portrait consacré au présentateur.

      Dans ce texte, le quotidien saluait son ton modéré, qui tranche avec le traditionnel désordre des plateaux de télévision français. Ce talent devait l’amener à suivre de près l’élection présidentielle de 2022. Libération l’imaginait alors en modérateur du débat de l’entre-deux-tours, moment décisif dans la vie démocratique du pays. L’enquête du Temps pourrait-elle mettre un coup d’arrêt à sa récente et fulgurante carrière française ?

      https://www.letemps.ch/monde/entre-darius-rochebin-france-desillusion

    • Suite aux révélations du Temps, la RTS « réfute toute accusation de laxisme »

      La direction de la chaîne publique a réagi samedi au contenu de l’enquête du jour faisant état de plusieurs comportements problématiques visant notamment l’ancien présentateur phare Darius Rochebin. Les collaborateurs ont par ailleurs été informés par un message interne

      « La RTS rejette fermement toute accusation de laxisme dans la gestion des cas de harcèlement ou de protection de ses collaborateurs. » Samedi matin, la direction du service public a réagi, par voie de communiqué, à l’enquête du Temps faisant état de comportements problématiques de la part de plusieurs collaborateurs dont l’ancien présentateur phare Darius Rochebin. Elle réfute fermement avoir eu connaissance des faits évoqués.

      Comportements déplacés, allusions salaces, utilisation de fausses identités sur les réseaux sociaux : notre article rapporte plusieurs dysfonctionnements de la part du journaliste qui travaille aujourd’hui pour la chaîne française LCI. A son propos, la direction de la RTS poursuit : « Si les témoignages concernant les comportements de Darius Rochebin sont confirmés, la RTS fait part de sa consternation et condamne avec force tout manquement ou écart de conduite. »

      Trois outils pour « libérer la parole »

      La chaîne publique insiste par ailleurs sur sa politique en matière de gestion des cas de harcèlement : « Les cas portés à la connaissance de la direction sont toujours traités avec diligence et de manière professionnelle, y compris avec le recours à des enquêtes externes. » Par quels moyens un collaborateur peut-il effectuer une dénonciation ? « Outre la communication auprès de la hiérarchie directe, la RTS dispose de trois outils efficaces propices à libérer la parole, en vigueur depuis plusieurs années. » Le communiqué de presse mentionne d’une part une « plateforme de whistleblowing », d’autre part un « groupe de médiation interne » et, enfin, une « directive précise » qui concerne tout type de harcèlement.

      Un dispositif certifié

      Enfin, la direction de la RTS rappelle que cet arsenal fait l’objet de la certification Edge (certification de standard international Edge sur les entreprises favorisant l’égalité des genres). « La RTS invite toute personne concernée à utiliser ces différents moyens, en tout temps, afin qu’elle puisse agir rapidement et fermement, dans le respect de la protection de la personnalité et améliorer encore la gestion de tels cas. »

      Un message interne

      Les collaborateurs de la chaîne publique ont par ailleurs reçu ce matin un message à propos de ces révélations, dont la teneur est proche du communiqué de presse. Pascal Crittin, directeur de la RTS, sera présent à l’émission Forum de RTS La Première (18h-19h) et au 19h30, très probablement pour revenir sur l’affaire.

      https://www.letemps.ch/suisse/suite-aux-revelations-temps-rts-refute-toute-accusation-laxisme

    • La RTS réagit après l’annonce de cas de harcèlement dans ses murs

      Le quotidien Le Temps publie samedi une enquête sur de supposés cas de harcèlement au sein de la RTS. Les faits relatés concerneraient plusieurs collaborateurs, dont l’ancien présentateur du 19h30 Darius Rochebin. La RTS a réagi en prenant acte de l’enquête et en condamnant fermement les agissements décrits s’ils sont vérifiés.

      Selon les témoignages recueillis par le quotidien, l’ex-présentateur du 19h30 aurait eu des gestes déplacés envers des collègues hommes et femmes. Des cas de harcèlement impliquant d’autres collaborateurs de la RTS sont également mentionnés dans l’article du Temps.

      La RTS a réagi samedi en rejetant fermement toute accusation de laxisme dans la gestion des cas de harcèlement ou de protection de ses collaborateurs et collaboratrices. Les cas portés à la connaissance de la direction sont toujours traités « avec diligence et de manière professionnelle, y compris avec le recours à des enquêtes externes », explique-t-elle dans un communiqué.

      Interrogé dans l’émission Forum, le directeur de la RTS, Pascal Crittin, s’est dit « consterné » par ces révélations. « Si ces faits sont avérés, ils sont graves. Ces agissements sont totalement inacceptables et contraires aux valeurs et aux pratiques de la RTS », a-t-il expliqué.

      Concernant le cas de l’ancien présentateur du 19h30, « il y a eu beaucoup de rumeurs », concède Pascal Crittin. « Le problème pour nous, c’est de pouvoir agir sur des témoignages, et pas des rumeurs. Si nous avions eu un seul des témoignages parus dans Le Temps, nous aurions pu agir avec une enquête externe », développe le directeur de la RTS.
      Améliorer les outils

      La RTS précise qu’elle va vérifier toutes les informations figurant dans l’article du Temps, réexaminer ses processus internes et prendre toutes les mesures nécessaires pour les améliorer le cas échéant.

      Outre la communication auprès de la hiérarchie directe, la RTS rappelle qu’elle dispose d’outils « propices à libérer la parole ». Ainsi, la SSR a mis en place une plateforme anonyme d’annonce de cas. En outre, la RTS dispose depuis 1998 d’un groupe de médiation paritaire à l’interne et d’une directement certifiée concernant le harcèlement.

      Mais au regard des révélations du Temps, « on voit que tout le dispositif qui est en place ne fonctionne pas encore suffisamment bien », admet Pascal Crittin dans Forum.

      Le directeur de la RTS indique que ces procédures seront réexaminées et des mesures seront prises pour les améliorer.

      https://www.rts.ch/info/suisse/11717841-la-rts-reagit-apres-lannonce-de-cas-de-harcelement-dans-ses-murs.html
      #abus_de_pouvoir

  • Facebook’s Little Red Book | Office of Ben Barry
    https://v1.benbarry.com/display.php?id=4

    As the company of Facebook grew, we faced a lot of challenges. One of them was explaining our company’s mission, history, and culture to new employees. Over the years, a lot of formative company discussions and debates had happened in Facebook Groups, over email, or in person. Those who had been present at the time had context, but for new employees that information was difficult to find, even if you knew what you were looking for. We wanted to try to package a lot of those stories and ideas in one place to give to all employees.

    #Facebook #Little_Red_Book #Art #Silicon_Valley #Fred_Turner

  • Injustices - Ou peut-être une nuit
    Louie Media
    #TW #inceste

    Dans cette deuxième saison d’Injustices, « Ou peut-être une nuit », Charlotte Pudlowski décortique la fabrique du silence autour de l’inceste.

    Ou peut-être une nuit 1/6 : « Ce que ma mère ne m’avait jamais dit
    https://www.youtube.com/watch?v=K_btxsjH0gA

    Ou peut-être une nuit 2/6 : « Apprendre à se taire »
    https://www.youtube.com/watch?v=DjasrY1UvJk

    Ou peut-être une nuit 3/6 « L’Ampleur du problème »
    https://www.youtube.com/watch?v=AgAX2LJ2eZk

    Ou peut-être une nuit 4/6 : « Une histoire de haine et de domination »
    https://www.youtube.com/watch?v=SWXO-lw86Ig

    Ou peut-être une nuit 5/6 : « Les poupées russes du silence »
    https://www.youtube.com/watch?v=JbF424IRwd4

    Ou peut-être une nuit 6/6 : « Le monde que construit l’inceste »
    https://www.youtube.com/watch?v=dDoxMjfxlFI

    #viol #culture_du_viol #famille #silenciation #patriarche

  • Une place à soi

    – Madame… on a besoin de votre aide.

    Cela a commencé comme ça. Un petit groupe de six filles, à la fin d’un cours. J’ai mon sac prêt pour aller remplir ma bouteille d’eau et chercher un café, dans les dix minutes de récréation qu’il reste. Je leur dis avec un sourire que, s’il s’agit d’astuces pour leur devoir de physique-chimie, c’est pas gagné mais que je ferai mon maximum. Elles sourient. Trois autres filles, déjà parties dans le couloir, reviennent dans la salle.

    L’une d’elle regarde ses camarades et commence à m’expliquer en choisissant bien ses mots. Depuis plusieurs semaines, certaines d’entre elles subissent des « remarques ». Des « moqueries ». Des « blagues ». J’écoute, hoche la tête. Vous avez vu comme cela va vite ? Elles ont 14 ans au mieux et elles ont déjà si bien intégré comment, dans le langage, édulcorer la réalité. Car ceux qui ont subi « blagues », « moqueries » et « remarques » savent de quelle réalité ces mots sont lourds.

    Mais l’élève porte-parole tourne autour du pot : je lui dit que j’ai besoin d’exemples concrets pour comprendre ce dont il s’agit, ce qui se joue ici, et surtout clarifier ce qu’elles ne savent pas ou n’osent pas, plutôt, nommer. Elles dansent d’un pied sur l’autre, hésitent, l’une d’entre elles réajuste son sac sur l’épaule et se tournant vers la porte esquisse un « Nan mais c’est rien Madame, et puis vous n’avez pas le temps ».

    Je pose mon sac et ma bouteille.

    Je pose mes clefs de salle.

    Je pose ma voix.

    – J’ai tout mon temps. Et vous aussi.

    Alors, une des élèves me tend son téléphone : les captures d’écran de conversation sur une plateforme de chat, et me dit « Et encore, là, c’est rien. Remontez… ». « Là, c’est rien » : rien que ces mots, cette manière de minimiser ce qu’elle pense être suffisamment problématique pour en parler à une prof, est un indice : elle a déjà accepté que dans sa vie, elle devrait passer outre les micro-agressions, les accepter comme incontournables et les faire passer d’un geste de la main. Parce que « dans la vie, il faut avancer » et qu’« il y a des choses plus graves ». Nier les blessures, les contourner, les cloisonner, cliver. Tout simplement. Elles savent déjà faire.

    Je lis les phrases échangées entre plusieurs garçons et filles de la classe. Les répliques de ces dernières ne laissent aucun doute : « Mais oh comment tu parles ! », « Tu te crois où ? », « Mais on parle pas du physique des gens, ça va pas ? », et autres « Tu lui parles pas comme ça ! » et « Non je ne crois pas que c’était une blague ! ».

    – J’admire votre solidarité.

    Ancrer le collectif. Car il est ô combien nécessaire, et encore plus à 14 ans.

    La conversation navigue entre cours, devoirs, clips musicaux et blagues. Celles-ci émanent de tous, mais les blagues proférées par les garçons reviennent toujours aux capacités supposées des filles et à leur physique, cela n’y coupe pas. On sent une mélodie bien connue, un automatisme. Et les filles réagissent à chaque fois, la destinatrice puis les autres accourues à son secours, car les « remarques pour rire » d’un garçon sont appuyées par les « Haha ! » des autres venus confirmer le propos, et surtout, surtout, face aux réactions outrées des filles, pour minimiser le contenu et son impact. Edulcorer donc, voire se moquer de la réaction outrée. Toute cette mécanique bien huilée de la vanne balancée « comme ça », de la bande de copains qui rapplique quand la vanne va un peu trop loin avec comme mission plus ou moins inconsciente de minimiser l’insulte et de faire passer les filles légitimement en colère et demandant des excuses pour des pisse-froid. En un mot : des hystériques [j’emploie évidemment ce mot lourdement connoté à dessein].

    Je lis des « blagues » dirigées vers l’une ou l’autre, mentionnant leurs formes, seins et fesses, devenues objets dont on peut deviser publiquement, et reliées à leur intelligence et à leur réussite. J’écoute aussi les cours où les filles refusent d’aller au tableau parce que ce simple déplacement expose, EXPOSE !, le corps au regard du groupe de garçons gouailleurs de la classe qui en feront des gorges chaudes ensuite.

    Je réfléchis.

    Des ados. Des ados qui jouent aux petits mecs, des ados que j’affectionne et dont je sais qu’un par un ils seraient les premiers à dire que, tout ça, « ça ne se fait pas ». Il n’en reste pas moins que le nombre les a fait se sentir suffisamment en sécurité pour instaurer cette domination, palpable dans la crainte, la peur, évoquée par les filles. Peur qui se traduit par le coup de grâce final : « Non, mais on ne va quand même pas en parler au principal… Nan mais c’est pas si grave, on va s’en sortir, et puis… il y aurait des conséquences ! ».

    Elles ont 14 ans et on en est déjà là.

    Impressionnant, n’est-ce pas ?

    Alors je leur explique ce qui va se passer, parce que désormais ma responsabilité est engagée : alerter la direction de l’établissement qui réagira je le sais, le professeur principal et l’équipe. Et ça, ce n’est pas négociable. Mais aussi les informer, leur transmettre des astuces et des techniques pour recadrer rapidement ce type de situations et se protéger : je n’y suis pas du tout formée, j’ai seulement lu, écouté et vécu et en gros, j’y vais au feeling. Comme d’habitude dans ce métier.

    Leur apprendre à conserver des traces, et à en laisser en mettant les garants du respect du règlement, du droit, de la loi face à leur responsabilité et en leur demandant des comptes. Leur apprendre à ne transiger sur rien et les renforcer dans le sentiment d’être dans leur droit. Ne pas s’investir d’un sentiment de culpabilité inopportun et désigner clairement les responsables sans sourciller : « Il l’a dit ? il l’a écrit ? Il est assez grand pour formuler ça, c’est donc qu’il est assez grand pour en assumer les conséquences ».

    Je les laisse parler entre elles. Je les laisse éprouver leur solidarité et leur complémentarité, je les laisse apprendre à se protéger les unes les autres.

    Pendant ce temps, je regarde ma salle.

    Moi, à mon échelle, qu’est-ce que ce que je peux faire concrètement ? Ce sont des élèves que je connais bien, et je sais que le discours moralisateur sera un blabla de plus sans impact. Quels leviers infimes puis-je faire fonctionner pour que, au moins dans mes cours, un équilibre soit rétabli, que la domination et le sentiment d’impunité à l’exercer disparaissent… qu’est-ce que je peux pirater dans nos habitudes pour que…

    Les chaises, les tables, les murs, je revois un cours se dérouler et…

    J’ai dit aux filles de sortir et que dès le lendemain, j’allais modifier quelques petites choses. Minimes. Des détails. Sans en dire plus, je leur ai seulement demandé d’observer attentivement.

    J’ai commencé ce fameux cours par déplacer, comme je le fais régulièrement pour les travaux de groupes ou l’équilibre de la classe, des élèves. Telle fille par là, tel garçon par ici. Je fais surtout bien en sorte de ne rien laisser paraître de mon intention. Durant l’année, le plan de classe a évolué : totalement libre au début, je le recompose au gré de la participation, des bavardages ou des explosions. Et avec cette classe, au fur et à mesure des mois, une configuration qui désormais me saute aux yeux s’était mise en place involontairement : toutes les places périphériques sont occupées par les garçons, sur les côtés et au fond de la classe, c’est-à-dire avec un mur qui rassure et permet une assise stable. Les filles, elles, sont au centre : sans assise, sans appui, exposées de toutes part. Sous le regard de. Et ça, il en va de ma responsabilité : voir la classe comme un agrégat de personnes aux compétences variées, aux degrés de bavardage divers, et comme un système de dominations possibles. Au final, en peu de changements, j’arrive à un plan de classe tout à fait inédit : les filles en périphérie, encadrant les garçons assis au centre.

    Le cours commence et avec lui, je m’impose une nouvelle technique de calcul mental : 2 = 1. C’est une classe dont, dès le début de l’année, j’avais perçu qu’il me faudrait être attentive aux rapports de forces car composée aux deux tiers de garçons, et donc nécessairement le déficit de filles crée un déséquilibre à un âge de différenciation forte. Les garçons de cette classe sont dynamiques, prennent la parole sans attendre qu’on la leur donne, assez souvent à bon escient ; les filles, excellentes pour la plupart, ont une posture très scolaire parce qu’elles jouent parfaitement le jeu des codes scolaires et sociaux. Elles attendent d’obtenir la parole, elles se laissent couper la parole, elles se rebiffent peu.

    Donc, comme elles composent un tiers de classe, temporairement l’intervention d’un garçon impliquera deux interventions de filles. Sans le dire, et sans céder. Mains levées ou pas, chaque intervention compte et je persiste en relançant les filles : « Une idée ? », « Tu peux continuer sur la proposition de ta camarade ? ». Et elles s’en donnent à cœur joie, et tous profite des analyses pertinentes souvent dites à voix fluette.

    A la fin de ce cours, une atmosphère étrange flottait dans la classe. Les garçons à l’habitude exubérants, continuant de bavarder bien après la sonnerie en petit groupe au fond de ma salle, sont gênés. L’inconfort est palpable : il s’est passé un truc mais ils ne savent pas quoi. Les filles, elles, se regardent les unes les autres. Trois d’entre elles ont un large sourire.

    Elles ont compris. Elles n’ont pas besoin de dominer.

    Elles sont puissantes.

    Une semaine plus tard, au détour d’un chapitre, j’ai diffusé une vidéo sur le harcèlement de rue. Les garçons étaient scandalisés et dénonçaient les réflexions faites aux femmes dans la rue, sur leur morphologie, leurs vêtements, leur sexualité supposée. Ils étaient réellement sincères, mais à quel point se conformaient-ils au discours qu’ils savent attendu à l’école, à quel point avaient-ils compris comme on peut, facilement, basculer dans l’esprit de meute ? A une de leur question, savoir si on le vivait toutes, je leur ai raconté qu’à partir de leur âge, aller au tableau avait impliqué de me lever en tirant mon T-shirt le plus bas possible sur des jeans larges pour que mes formes soient imperceptibles. Que j’avais tellement bien intégré les réflexions sur les autres filles et sur moi que j’avais exclu vêtements moulants et robes. Qu’il m’avait fallu 20 ans pour m’en remettre et oser en porter, parce que désormais capable de faire front face à un mec dont les jambes écartées prennent deux places dans le métro, ou un autre qui ne change pas de trajectoire sur un trottoir parce que l’espace public est masculin. Eux qui me voyaient chaque jour en robe, dont un regard contient plus (je crois) d’autorité qu’une grande gueulante, ont ouvert de grands yeux.

    Ce groupe d’ados grandira et progresser sans aucun doute possible, chacun à son rythme. Je ne les fragiliserai pas en leur faisant subir une autre domination, mais je contribuerai à déstabiliser toutes ces certitudes qui s’installent si rapidement dans une classe : la certitude qu’avoir « de bonnes notes » c’est être « meilleur », la certitude qui, parce que l’on a un pénis, enjoint de croire que tout est dû et acceptable, la certitude qu’un système qui vous fait intégrer que vous êtes vulnérable parce que femme est légitime et ne peut être piraté.

    Et ces filles ? Elles ont fait du bruit. Elles ont pris de la place. Elles ont parlé fort et elles ont coupé la parole, elles ont fait des captures d’écran, elles sont montées au créneau, elles ont osé parler aux adultes et demandé de l’aide. Elles ont fait ce pas, gigantesque, à recommencer chaque fois et toujours aussi gigantesque, de surseoir au sentiment de honte, au sentiment de culpabilité et d’EXPOSER le problème et son auteur.

    Il faut beaucoup de courage pour cela.

    Elles sont admirables.

    http://www.chouyosworld.com/2020/07/23/une-place-a-soi

    #responsabilité #harcèlement #corps #école #filles #femmes #moqueries #mots #domination #impunité #configuration_de_la_classe #agencement #plan_de_classe #centre #périphérie #géographie #tour_de_parole #classe #déstabilisation #espace #honte #silence #culpabilité #éducation #sexisme #spatialité

    La partie sur l’#agencement de la classe :

    J’ai commencé ce fameux cours par déplacer, comme je le fais régulièrement pour les travaux de groupes ou l’équilibre de la classe, des élèves. Telle fille par là, tel garçon par ici. Je fais surtout bien en sorte de ne rien laisser paraître de mon intention. Durant l’année, le plan de classe a évolué : totalement libre au début, je le recompose au gré de la participation, des bavardages ou des explosions. Et avec cette classe, au fur et à mesure des mois, une configuration qui désormais me saute aux yeux s’était mise en place involontairement : toutes les places périphériques sont occupées par les garçons, sur les côtés et au fond de la classe, c’est-à-dire avec un mur qui rassure et permet une assise stable. Les filles, elles, sont au centre : sans assise, sans appui, exposées de toutes part. Sous le regard de. Et ça, il en va de ma responsabilité : voir la classe comme un agrégat de personnes aux compétences variées, aux degrés de bavardage divers, et comme un système de dominations possibles. Au final, en peu de changements, j’arrive à un plan de classe tout à fait inédit : les filles en périphérie, encadrant les garçons assis au centre.

    Ce billet a déjà été signalé sur seenthis, je le remets ici (car 3 fois vaut mieux que 2) et aussi parce que j’y ai ajouté des tags...
    https://seenthis.net/messages/872907
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    ping @isskein

  • Les #LGBTI au #Sénégal, une vie au secret

    L’homosexualité, punie de 5 ans de prison au Sénégal, est rejetée par les familles, les communautés et les confréries religieuses du pays. Afin de survivre, de continuer à avoir une vie sociale, familiale, et même professionnelle, les membres de la communauté LGBT sont contraints au silence.

    https://www.franceculture.fr/emissions/grand-reportage/les-lgbti-au-senegal-une-vie-au-secret


    #homosexualité #LGBT #rejet #emprisonnement #silence #invisibilité #invisibilisation

    #COI #asile #réfugiés

    ping @karine4 @isskein

  • Une rentrée à hauts risques : communiqué du #SNESUP-FSU de l’université de Strasbourg, 2 septembre 2020

    L’expérience douloureuse du confinement a montré qu’il n’y a pas de sécurité sanitaire sans anticipation, sans cohérence des politiques publiques et des décisions, sans concertation avec les acteurs de terrain et sans moyens spécifiques. Or, incapable de tirer tous les enseignements de la catastrophe humaine, sociale et économique provoquée par la crise sanitaire et aggravée par l’incurie du gouvernement, ce dernier n’a toujours pas transmis aux établissements d’enseignement supérieur un #protocole_sanitaire clair avant la rentrée, alors que celle-ci a lieu dans quelques jours et qu’elle se prépare depuis plusieurs semaines. Le retard pris par notre ministère est inacceptable. Tout aussi grave est le fait que le #gouvernement ne donne aucun moyen humain et financier supplémentaire aux universités et aux organismes de recherche pour assurer la santé et la #sécurité des personnels et des étudiants et n’a pas même compensé les millions dépensés par les établissements pendant la crise.

    Dans un contexte de diffusion accrue du virus et alors que nous accueillerons des milliers de nouveaux étudiants avec un #taux_d’encadrement en baisse constante, le SNESUP-FSU estime que les mesures et dispositions prises pour cette rentrée à l’Université de Strasbourg ne permettent pas à cette heure de garantir pleinement la #sécurité des personnels et des étudiants, ni des conditions de reprise et d’exercice du travail satisfaisantes. La « Note technique » qui sera soumise au CHSCT le 3 septembre est lacunaire et ne répond pas au niveau de prévention optimal que le SNESUP-FSU et les syndicats de la FSU exigent. Nous demandons la construction d’un #plan_sanitaire qui tienne compte des avis des personnels. Il n’est plus acceptable que la présidence attende des #directives_ministérielles souvent contradictoires et qui arrivent trop tardivement par rapport à l’évolution locale de l’épidémie. L’université a les moyens financiers et les capacités techniques de mettre en place un plan sanitaire qui repose sur l’anticipation et l’évaluation précise des risques. Ainsi, face à l’absence de vision programmatique de la présidence, nous ferons au CHSCT les propositions suivantes :

    1. Qu’une jauge soit définie pour tous les amphithéâtres et toutes les salles de l’université en fonction de leurs capacités d’aération et de ventilation : une salle ou un amphi sans possibilité d’aération ou avec une ventilation insuffisante ne devrait pas être utilisé ;

    2. Que des campagnes de tests soient proposées très régulièrement sur tous les campus pour les personnels comme pour les étudiants ;

    3. Que tous les personnels à risque et personnels vulnérables et tous ceux dont un membre de la famille est une personne à risque ou une personne vulnérable puissent disposer de masques FFP2, mis à disposition par l’université ;

    4. Que des solutions de gel hydroalcoolique, des sprays de nettoyage et des lingettes (ou serviettes papier) soient présents dans chaque salle et pris en charge par l’université : le nettoyage des tables pourrait être assuré par les étudiants à la fin de chaque cours, ce qui favoriserait leur sens civique et limiterait considérablement les risques de contamination ;

    5. Que des systèmes portables d’amplification de la voix soient mis à disposition des enseignants qui le souhaitent ;

    6. Que des règles d’utilisation et de nettoyage des micros et équipements informatiques soient mises en place ;

    7. Que la durée des cours soit aménagée pour autoriser aux enseignants une pause d’au moins 10 minutes par heure de cours, l’enseignement avec masque étant particulièrement éprouvant ;

    8. Que les conditions d’autorisation du télétravail pour les Biatss et de cours à distance pour les enseignants soient assouplies et que les demandes soient étudiées avec bienveillance.

    L’urgence sanitaire a mis cruellement en évidence un déficit récurrent des moyens humains et financiers accordés aux universités. Ce n’est malheureusement pas la Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR) qui permettra de répondre aux besoins criants de la Recherche et de l’Université. Profitant d’un contexte de mobilisation difficile en raison de la crise, la ministre Frédérique Vidal entend faire adopter au plus vite un texte législatif qui constitue une nouvelle attaque contre le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche et contre les conditions d’emploi de ses agents. Cette loi prévoit en effet pour les enseignants-chercheurs la création de nouveaux contrats de travail dérogeant aux dispositions statutaires, sous forme de « tenure tracks », l’accentuation de la précarité pour les personnels Biatss avec les CDI de chantier, la généralisation de la recherche sur projets fléchés au détriment de financements récurrents, pourtant seuls capables de garantir l’autonomie de la recherche.

    Le SNESUP-FSU ne veut pas plus de cette réforme que celle des retraites que Macron et son gouvernement ne renoncent pas à imposer malgré un rejet par une majorité de personnels de l’ESR et de citoyens. La grave crise sociale, économique et écologique que nous traversons appelle d’autres politiques et de nouvelles priorités, au sommet desquelles se trouvent la santé et la solidarité. Ce sont ces valeurs que le SNESUP entend défendre plus que jamais, avec tous les personnels qui partagent nos convictions.

    https://www.snesup.fr/article/une-rentree-hauts-risques-communique-du-snesup-fsu-de-luniversite-de-strasbou

    #ESR #rentrée_2020 #crise_sanitaire #université #facs #anticipation #communiqué_de_presse #MESRI #silence_radio #moyens #France

    Ici pour Strasbourg, mais évidemment... c’est valable bien au-delà, hélas...

  • VICTOIRE DE LA CAMPAGNE BDS SUR LE BOYCOTT DES PRODUITS ISRAÉLIENS : LA FRANCE CONDAMNEE PAR LA CEDH
    La Campagne BDS France, le 11 juin 2020
    https://www.bdsfrance.org/victoire-de-la-campagne-bds-sur-le-boycott-des-produits-israeliens-la-fra

    Condamnation des autorités françaises : selon la CEDH, l’appel au boycott des produits israéliens est protégé par la liberté d’expression.

    La campagne BDS France se réjouit de l’arrêt de la Cour européenne des droits humains (affaire Baldassi et autres c. France, requêtes n°15271/16 et autres) rendu le 11 juin 2020 qui condamne la France pour avoir violé le droit à la liberté d’expression de militant-e-s associatif-ve ayant appelé au boycott de produits israéliens dans des magasins.

    L’article 10 protège la liberté d’expression, qui peut être restreinte à certaines conditions. Les militant-e-s BDS affirmaient que ces conditions n’étaient pas remplies et que leur liberté d’expression avait été bafouée par la France. A l’unanimité, la CEDH dit que la France a violé l’article 10 de la Convention.

    La France est donc condamnée pour violation de l’article 10 de la CEDH (qui protège la liberté d’expression) : elle doit verser dans les trois mois 7 380 euros personnellement à chaque militant et 20 000 euros en plus à eux tous en commun.

    La campagne BDS France relève également que la Cour a bien pris en compte les spécificités des appels au boycott des produits israéliens lancés par les militant-e-s associatif-ve-s engagé-e-s contre l’apartheid israélien. L’arrêt énonce que « les propos reprochés aux requérants concernaient un sujet d’intérêt général, celui du respect du droit international public par l’État d’Israël et de la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés, et s’inscrivaient dans un débat contemporain, ouvert en France comme dans toute la communauté internationale » (§78).

    Ces propos relèvent de la liberté d’expression dans un régime démocratique et sont ainsi protégés. L’appel au boycott des produits d’un régime d’apartheid est bien un droit pour les mouvements mobilisés en faveur du respect du droit international, droit qui avait été exercé par les mouvements pacifiques qui ont lutté en Inde, aux Etats-Unis et en Afrique du Sud contre le colonialisme et la discrimination.

    L’arrêt de la Cour européenne des droits humains prouve, comme nous l’avons toujours dit, que les autorités françaises ont eu tort de vouloir criminaliser un mouvement non violent et responsable comme le nôtre, qui, tout en condamnant toute forme de racisme dont l’antisémitisme, réclame des mesures de boycott contre le régime israélien, ses entreprises et ses institutions, tant que cet Etat ne respecte pas le droit international. Cet arrêt met en lumière le caractère faux et malhonnête des tentatives de diffamation menées contre la campagne BDS, tentatives visant à museler celles et ceux qui demandent à agir contre l’apartheid israélien.

    Conséquemment à l’arrêt de la CEDH, nous demandons aux autorités françaises d’abroger immédiatement les circulaires Alliot-Marie et Mercier afin de reconnaître la légalité et la légitimité de nos modes d’actions non violents et d’entamer un dialogue avec nous afin de contribuer ensemble à exercer une pression sur l’Etat d’Israël en vue d’obtenir que le droit international soit respecté.

    Nous invitons les entreprises françaises à désinvestir d’Israël et aux institutions françaises à cesser toute collaboration avec les institutions publiques israéliennes.

    Nous sommes déterminé-e-s à continuer les actions de boycott des produits israéliens et des entreprises internationales complices de l’apartheid israélien. Nous réclamons également un boycott des universités et des institutions israéliennes complices, ainsi que des manifestations culturelles et sportives faisant la promotion de l’apartheid israélien.

    Israël, pays de l’apartheid, ne pourra pas indéfiniment empêcher la justice et la liberté pour le peuple palestinien de triompher !

    Nous invitons tou-te-s les citoyen-ne-s de bonne volonté et toutes les mouvements attachés au respect des droits humains et de la légalité internationale à rejoindre la campagne BDS. Notre mobilisation est plus que jamais légitime et indispensable au moment où les autorités israéliennes envisagent, en violation du droit international, d’annexer une partie de la Cisjordanie, poursuivant ainsi la dépossession du peuple autochtone palestinien, entérinée par le plan Trump.

    BDS pour la justice, la dignité et l’égalité !

    #France #BDS #Boycott #Palestine #Justice #Criminalisation_des_militants #Liberté_d'expression #CEDH #Cour_européenne_des_droits_humains

  • Antisémitisme. De David Icke à Alice Walker, épidémie conspirationniste, Samuel Blumenfeld
    https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/05/29/de-david-icke-a-alice-walker-epidemie-conspirationniste_6041199_4500055.html

    La célèbre auteure de « La Couleur pourpre » a relayé une vidéo du Britannique reliant la pandémie due au Covid-19 aux juifs, alors que Facebook et YouTube ont décidé de supprimer les comptes de celui-ci.
    David Icke est un ancien joueur de football, un ex-journaliste sportif à la BBC, autrefois affilié au Green Party, le Parti vert britannique. Cet homme a connu plusieurs vies, mais c’est sa plus récente incarnation qui lui vaut le plus ­d’attention. Il est, à 68 ans, l’une des vedettes de la sphère conspirationniste en Europe, un homme qui a cumulé jusqu’à 800 000 abonnés à sa page Facebook, et dont les différents ouvrages, publiés à compte d’auteur, attirent un public aussi nombreux que fidèle. On trouve ainsi parmi ces lecteurs laudateurs la romancière Alice Walker, auteur de La Couleur pourpre, l’un des romans les plus populaires de l’histoire de l’édition aux États-Unis, récompensé, en 1983, du prix Pulitzer et de l’American Book Award, avant de se trouver adapté au cinéma par Steven Spielberg en 1985.

    Comme tous les théoriciens du complot, David Icke est persuadé qu’une société secrète contrôle les intérêts de la planète. Et, comme beaucoup de théoriciens du complot, David Icke avance que cette société secrète est juive. Récemment, ce dernier affirmait que « le coronavirus avait été créé par la dynastie bancaire juive des Rothschild » et que l’État d’Israël mettait à profit la pandémie « pour tester sa technologie ». Des propos qui ont valu la mise à l’écart de cette figure de la complosphère anglophone. Ainsi, dans sa lettre hebdomadaire du 11 mai, le site Conspiracy Watch, l’Observatoire du conspirationnisme en France, annonçait que les propos outranciers de David Icke sur un supposé complot présidant à la propagation du Covid-19 avaient conduit à la suppression de ses comptes sur Facebook et YouTube, en attendant qu’Instagram et Twitter suivent cet exemple.

    « Dans les ouvrages d’Icke, expliquait Alice Walker dans le “New York Times” en 2018, c’est toute notre existence sur cette planète que nous devons reconsidérer. Comme si le rêve d’une personne curieuse se concrétisait. »

    Cette affaire n’est cependant pas soldée. Début mai, la romancière Alice Walker, ancienne militante des droits civiques, proche de Martin Luther King, a relayé sur son site officiel une des vidéos du Britannique. Celle qui se décrit comme une « féministe noire » dépeignait dans La Couleur pourpre la double oppression à laquelle est soumise la femme noire aux États-Unis, ­victime de la société blanche, puis des hommes noirs. C’est donc au nom d’une autre oppression, celle du supposé complot juif, que la célèbre écrivaine accompagnait la vidéo où David Icke résout le mystère de l’origine de cette pandémie de ces mots : « Rendez-vous compte, nous parvenons enfin à prendre la mesure de l’invisible ! »

    Positions antisionistes virulentes

    Reconnaissons à Alice Walker le mérite de ne pas avancer masquée. Interrogée en décembre 2018 par le New York Times, qui lui demandait quels ouvrages se trouvaient sur sa table de nuit, la romancière citait quatre livres, dont l’essai de David Icke, And the Truth Shall Set You Free, que l’on pourrait traduire par La Vérité te délivrera : « Dans les ouvrages d’Icke, explique Alice Walker, c’est toute notre existence sur cette planète que nous devons reconsidérer. Comme si le rêve d’une personne curieuse se concrétisait. » Le « rêve » d’Alice Walker s’avère un cauchemar. Le livre d’Icke recycle de vieilles antiennes. Avec l’idée force que Les Protocoles des Sages de Sion, un faux publié au début du XXe siècle dans la Russie tsariste, présenté comme un plan de conquête du monde ­établi par les juifs et les francs-maçons, constitue une grille de lecture toujours pertinente.

    La romancière est allée jusqu’à exiger que “La Couleur pourpre” ne soit en aucun cas traduit en hébreu.

    Entre autres délires, l’essayiste affirme que le Ku Klux Klan serait contrôlé par des organisations juives, les organisations d’extrême droite en Grande-Bretagne financées par les services secrets israéliens, alors que les actes antisémites, augmentant de manière exponentielle en Occident depuis le début des années 2000, seraient orchestrées par les juifs eux-mêmes. David Icke se révèle tout aussi fantaisiste sur d’autres dossiers : il est tout à la fois climato­sceptique, vaccinosceptique et hostile aux thèses officielles sur les attentats du 11 septembre 2001.

    Alice Walker n’a jamais fait mystère de ses positions antisionistes virulentes, et de son soutien actif à Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), une organisation appelant aux boycotts économique, académique et culturel de l’État d’Israël. La romancière est allée jusqu’à exiger que La Couleur pourpre ne soit en aucun cas traduit en hébreu. Attaquée pour antisémitisme, Alice Walker s’est défendue dans un post publié en novembre 2017 à l’aide d’un long poème intitulé C’est notre (terrifiant) devoir d’étudier le Talmuda. Les juifs, responsables des malheurs du monde, sont décrits comme les assassins du Christ. Depuis, le covid-19 est apparu. Un nouveau fléau dont les juifs s’avèrent, aux yeux d’Alice Walker, les propagateurs. Au point où l’on peut se demander comment une romancière aussi respectée a pu échapper aussi longtemps à l’opprobre.

    Cette source est douteuse (impliquée dans la défense d’Israël, et plus généralement protagoniste active de la disqualification et de la #démoralisation de diverses modalités de critique ou de contestation, ...), mais elle comporte des éléments factuels probants et je n’ai pas pris le temps de chercher des docs qui soient internes à l’anti-sionisme et/ou à l’anti-racisme étasunien, dont j’espère qu’ils existent.

    #complotisme #Alice_Walker #antisémitisme #littérature #lifestinks #tristesse

    • Alice Walker s’est défendue dans un post publié en novembre 2017 à l’aide d’un long poème intitulé C’est notre (terrifiant) devoir d’étudier le Talmuda. Les juifs, responsables des malheurs du monde, sont décrits comme les assassins du Christ. Depuis, le covid-19 est apparu. Un nouveau fléau dont les juifs s’avèrent, aux yeux d’Alice Walker, les propagateurs.

      Savez-vous si il existe dans l’aire #BDS un débat politique à propos de ce type de position ? de la manière dont la campagne BDS est utilisée comme abri par tel ou telle pour véhiculer des thèses antisémites ? des moyens d’y mettre fin ?

      #glissements_successifs #racisme #silence

  • CuriousCat : harcelées sur le réseau social, elles dénoncent une indifférence généralisée | Le HuffPost
    https://www.huffingtonpost.fr/entry/curiouscat-harcelees-sur-le-reseau-social-elles-denoncent-une-indiffe

    Vers une action judiciaire commune

    Les jeunes femmes se disent “en colère contre CuriousCat et la police qui ne fait rien malgré les plaintes”. “J’ai envie qu’on retrouve cette ou ces personne(s) et que justice soit faite”, insiste Marjorie. D’après elles, sept plaintes ont été déposées à ce sujet. “Au commissariat, on m’a dit que ça ne mènerait nulle part”, confie Léa, l’une des victimes.

    Contacté par Le HuffPost, le Service d’information et de communication de la police nationale (Sicop) précise que “la police judiciaire a été destinataire de 15 signalements concernant CuriousCat depuis le mois de janvier, ce qui est peu par rapport au flux reçu quotidiennement via la plateforme spécialisée Pharos” du ministère de l’Intérieur. Le Sicop conseille dans ce cas d’engager “une action commune auprès du procureur de la République”, ce que les jeunes femmes entendent faire. “Même si l’hébergeur sud-coréen refuse le retrait des messages, une fois que la personne est interpellée et son matériel saisi, le contenu sera effacé à la demande du magistrat”, indique-t-on.

    De son côté, CuriousCat se dit “terriblement désolé de la situation négative que ces femmes vivent collectivement”. “Pour des raisons légales qui dépassent notre contrôle, nous ne pouvons simplement communiquer des données personnelles à nos utilisateurs, aussi injuste que cela puisse être”, poursuit le message envoyé au HuffPost. “Nous avons toujours entièrement coopéré avec les forces de l’ordre et le ferons toujours lorsqu’elles se tournent vers nous”, assure encore le réseau social.

    Me Éric Morain, avocat de plusieurs victimes de cyberharcèlement, a lui-même interpellé CuriousCat sur Twitter. Le harcèlement sexuel en ligne est puni de deux ans d’emprisonnement, voire trois lorsqu’il est commis par plusieurs personnes. Les injures à caractère sexiste ou raciste peuvent être punies de six mois de prison.

    #Cyberharcèlement #Curious_Cat #Agression_sexuelle #Silence_policier

  • Une semaine de la lecture à distance avec « Silence, on lit » au CDI Virtuel du Caousou
    https://disciplines.ac-toulouse.fr/documentation/une-semaine-de-la-lecture-distance-avec-silence-lit-au-cdi-v

    C’est donc un CDI virtuel qui s’est ouvert pour les élèves comme pour les adultes au collège et au lycée pour un quart d’heure de lecture quotidien en partenariat avec « Silence, on lit ! ». A l’aide d’une image augmentée et interactive, chaque jour de la semaine s’est égrainé par la découverte d’un type de document, accessible en ligne et gratuit, comme proposition de lecture.

    #lecture #CDI #profsdocs #silence_on_lit

  • Le #monde_d’après : les #États-Unis « courent au précipice », avertit Noam Chomsky
    https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/202005/25/01-5274889-le-monde-dapres-les-etats-unis-courent-au-precipice-avertit-noam

    Q. : De nombreux pays utilisent la #technologie pour #surveiller leur population afin de combattre le #virus. Sommes-nous dans une nouvelle ère de #surveillance #numérique ?

    R : Il y a des sociétés qui développent des #technologies qui permettent aux employeurs de voir ce que leurs employés ont sur leur écran d’ordinateur, de vérifier vos frappes sur le clavier, et, si vous vous éloignez de votre écran, de comptabiliser ça comme une pause. L’« #internet_des_choses » est en marche. Tout objet domestique contient de l’électronique. C’est pratique […], mais l’information va aussi à Google, Facebook et au gouvernement. Cela donne un potentiel énorme de #contrôle et de #surveillance, et c’est déjà là, ce n’est pas dans le futur.

    Si on laisse ces géants technologiques contrôler notre vie, c’est ce qui se passera. Ça ressemblera à la Chine, où il y a des systèmes de +crédits+ sociaux, de la technologie de reconnaissance faciale partout. Tout ce que vous faites est surveillé. Vous traversez au mauvais endroit, vous pouvez perdre des crédits. 

    Ce n’est pas inévitable, de même que le changement climatique n’est pas inévitable. On peut laisser ça se produire, ou l’arrêter.

    #GAFA #silicon_valley

  • How Coronavirus Will Disrupt Future Colleges & Universities
    https://nymag.com/intelligencer/2020/05/scott-galloway-future-of-college.html

    [Scott] Galloway, a #Silicon_Valley runaway who teaches marketing at NYU Stern School of Business, believes the pandemic has greased the wheels for big tech’s entrée into higher education. The post-pandemic future, he says, will entail partnerships between the largest tech companies in the world and elite universities. MIT@Google. iStanford. HarvardxFacebook. According to Galloway, these partnerships will allow universities to expand enrollment dramatically by offering hybrid online-offline degrees, the affordability and value of which will seismically alter the landscape of higher education. Galloway, who also founded his own virtual classroom start-up, predicts hundreds, if not thousands, of brick-and-mortar universities will go out of business and those that remain will have student bodies composed primarily of the children of the one percent.

    At the same time, more people than ever will have access to a solid education, albeit one that is delivered mostly over the internet. The partnerships he envisions will make life easier for hundreds of millions of people while sapping humanity of a face-to face system of learning that has evolved over centuries. Of course, it will also make a handful of people very, very rich. It may not be long before Galloway’s predictions are put to the test.

    [...]

    What’s going to happen to campuses?
    I worry they’ll still exist, but they’ll be just filled with rich people. A four-year liberal-arts-campus experience is going to become something that’s largely relegated and positioned to the children of rich people.

    I want to be clear: There is some social good to this. You’re going to have a lot of good education, dispersed to millions and tens of millions of people who otherwise wouldn’t have access to computer science or Yale’s class on happiness. When I got into UCLA, about one in three, or 40 percent of students, got in. Now it’s something like one in seven. More kids are going to get into great schools. But just like any other space big tech enters, there’s going to be a reduction in humanity. Just as we’re on Instagram and we’re more socially connected, we’re definitely more isolated and more lonely.

    #éducation #études #GAFA