• Le Journal de confinement de Leïla Slimani est un conte cruel
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    Car, il faut le dire parce que c’est ce que l’on perçoit : le Journal de confinement ne peut prendre la vacance bourgeoise pour sujet, pas de nos jours en tout cas, pas en ce moment. Leïla Slimani regrette les inégalités mais elle ne les voit pas chez elle, elle ne voit pas qu’elle a la chance d’être chez elle, dans sa résidence secondaire, à la campagne, qu’elle et ses proches sont vivants et peuvent profiter les uns des autres. Pourtant elle veut nous donner à lire tout ce bonheur, mais là encore par des images d’Épinal : celle des enfants, forcément formidables. On n’est plus chez Gallimard ici mais chez Jean-Jacques Debout quand il écrit une chanson pour Chantal Goya – et encore Chantal Goya est au moins devenue une loubarde après sa prestation calamiteuse chez Patrick Sabatier.
    Journal du confinement Leïla Slimani (capture d’écran)

    Ce bonheur auquel Leïla Slimani veut nous faire croire est ce qui nous met très mal à l’aise depuis le début de son Journal et que nous refusons : cette logique du conte de fées, du registre merveilleux, celui qui donne le titre épouvantable aux heures que nous vivons « J’ai dit à mes enfants que c’était un peu comme dans la belle au Bois dormant. » Le merveilleux, porté jusqu’à un amour indécent, exhibe là encore tous ses signes irréalistes : la maison de campagne est un château de pain d’épices, le Coronavirus totalement absent est le Loup qui sommeille dans la forêt, le petit chaperon rouge est parti, et surtout ce que, sincère, elle attend, c’est le merveilleux de l’écriture. La Belle au Bois Dormant dort, et c’est le sommeil ou plutôt l’endormissement de ce conte qui est au cœur de l’écriture de Leïla Slimani et qui en trace la grande poétique d’indécence : endormir le lecteur pour un sommeil dont le temps est incalculable, comme si une coach en développement personnel ou une philosophe du Care (ce sont les mêmes) se chargeaient de nous relaxer. Ici il n’y a pas de monde extérieur : il est comme endormi à la lisière des fenêtres. La colère gronde dans le pays, les salariés ont peur d’aller au travail mais, sans aucune émancipation ni rien, comme le double positif de la nounou de Chanson douce, Leïla Slimani beurre les tartines, calcule les multiplications de ses enfants sur son convertisseur d’euros, et prépare une soupe, en bonne fée du logis, dont chaque livraison de son Journal dans Le Monde sera la lampée salvatrice.

    Et ce n’est qu’un extrait, tout est avec la même verve ! Johan Faerber est beaucoup plus drôle à lire que Mme #Slimani !

    #air_du_temps