• Le #règlement européen sur l’IA n’interdira pas la #surveillance_biométrique de masse

    Le 8 décembre 2023, les législateurs de l’#Union_européenne se sont félicités d’être parvenus à un accord sur la proposition de #règlement tant attendue relative l’intelligence artificielle (« #règlement_IA »). Les principaux parlementaires avaient alors assuré à leurs collègues qu’ils avaient réussi à inscrire de solides protections aux #droits_humains dans le texte, notamment en excluant la #surveillance_biométrique_de_masse (#SBM).

    Pourtant, malgré les annonces des décideurs européens faites alors, le règlement IA n’interdira pas la grande majorité des pratiques dangereuses liées à la surveillance biométrique de masse. Au contraire, elle définit, pour la première fois dans l’#UE, des conditions d’utilisation licites de ces systèmes. Les eurodéputés et les ministres des États membres de l’UE se prononceront sur l’acceptation de l’accord final au printemps 2024.

    L’UE entre dans l’histoire – pour de mauvaises raisons

    La coalition #Reclaim_Your_Face soutient depuis longtemps que les pratiques des SBM sont sujettes aux erreurs et risquées de par leur conception, et qu’elles n’ont pas leur place dans une société démocratique. La police et les autorités publiques disposent déjà d’un grand nombre de données sur chacun d’entre nous ; elles n’ont pas besoin de pouvoir nous identifier et nous profiler en permanence, en objectifiant nos #visages et nos #corps sur simple pression d’un bouton.

    Pourtant, malgré une position de négociation forte de la part du Parlement européen qui demandait l’interdiction de la plupart des pratiques de SBM, très peu de choses avaient survécu aux négociations du règlement relatif à l’IA. Sous la pression des représentants des #forces_de_l’ordre, le Parlement a été contraint d’accepter des limitations particulièrement faibles autour des pratiques intrusives en matière de SBM.

    L’une des rares garanties en la matière ayant apparemment survécu aux négociations – une restriction sur l’utilisation de la #reconnaissance_faciale a posteriori [par opposition à l’utilisation en temps réel] – a depuis été vidée de sa substance lors de discussions ultérieures dites « techniques » qui se sont tenues ces dernière semaines.

    Malgré les promesses des représentants espagnols en charge des négociations, qui juraient que rien de substantiel ne changerait après le 8 décembre, cette édulcoration des protections contre la reconnaissance faciale a posteriori est une nouvelle déception dans notre lutte contre la #société_de_surveillance.

    Quel est le contenu de l’accord ?

    D’après ce que nous avons pu voir du texte final, le règlement IA est une occasion manquée de protéger les #libertés_publiques. Nos droits de participer à une #manifestation, d’accéder à des soins de #santé_reproductive ou même de nous asseoir sur un #banc pourraient ainsi être menacés par une surveillance biométrique omniprésente de l’#espace_public. Les restrictions à l’utilisation de la reconnaissance faciale en temps réel et a posteriori prévues par la loi sur l’IA apparaissent minimes et ne s’appliqueront ni aux entreprises privées ni aux autorités administratives.

    Nous sommes également déçus de voir qu’en matière de « #reconnaissance_des_émotions » et les pratiques de #catégorisation_biométrique, seuls des cas d’utilisation très limités sont interdits dans le texte final, avec d’énormes lacunes.

    Cela signifie que le règlement IA autorisera de nombreuses formes de reconnaissance des émotions – telles que l’utilisation par la police de systèmes d’IA pour évaluer qui dit ou ne dit pas la #vérité – bien que ces systèmes ne reposent sur aucune base scientifique crédible. Si elle est adoptée sous cette forme, le règlement IA légitimera une pratique qui, tout au long de l’histoire, a partie liée à l’#eugénisme.

    Le texte final prévoit également d’autoriser la police à classer les personnes filmées par les caméras de #vidéosurveillance en fonction de leur #couleur_de_peau. Il est difficile de comprendre comment cela peut être autorisé étant donné que la législation européenne interdit normalement toute #discrimination. Il semble cependant que, lorsqu’elle est pratiquée par une machine, les législateurs considèrent de telles #discriminations comme acceptables.

    Une seule chose positive était ressorti des travaux techniques menés à la suite des négociations finales du mois de décembre : l’accord entendait limiter la reconnaissance faciale publique a posteriori aux cas ayant trait à la poursuite de crimes transfrontaliers graves. Bien que la campagne « Reclaim Your Face » ait réclamé des règles encore plus strictes en la matière, cela constituait un progrès significatif par rapport à la situation actuelle, caractérisée par un recours massif à ces pratiques par les États membres de l’UE.

    Il s’agissait d’une victoire pour le Parlement européen, dans un contexte où tant de largesses sont concédées à la surveillance biométrique. Or, les négociations menées ces derniers jours, sous la pression des gouvernements des États membres, ont conduit le Parlement à accepter de supprimer cette limitation aux #crimes_transfrontaliers graves tout en affaiblissant les garanties qui subsistent. Désormais, un vague lien avec la « #menace » d’un crime pourrait suffire à justifier l’utilisation de la #reconnaissance_faciale_rétrospective dans les espaces publics.

    Il semblerait que ce soit la #France qui ait mené l’offensive visant à faire passer au rouleau compresseur notre droit à être protégés contre les abus de nos données biométriques. À l’approche des #Jeux_olympiques et paralympiques qui se tiendront à Paris cet été, la France s’est battue pour préserver ou étendre les pouvoirs de l’État afin d’éradiquer notre anonymat dans les espaces publics et pour utiliser des systèmes d’intelligence artificielle opaques et peu fiables afin de tenter de savoir ce que nous pensons. Les gouvernements des autres États membres et les principaux négociateurs du Parlement n’ont pas réussi à la contrer dans cette démarche.

    En vertu du règlement IA, nous serons donc tous coupables par défaut et mis sous #surveillance_algorithmique, l’UE ayant accordé un blanc-seing à la surveillance biométrique de masse. Les pays de l’UE auront ainsi carte blanche pour renforcer la surveillance de nos visages et de nos corps, ce qui créera un précédent mondial à faire froid dans le dos.

    https://www.laquadrature.net/2024/01/19/le-reglement-europeen-sur-lia-ninterdira-pas-la-surveillance-biometriq
    #surveillance_de_masse #surveillance #intelligence_artificielle #AI #IA #algorithme

    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/1037288

  • Mireille Delmas-Marty : « Nous basculons vers un droit pénal de la sécurité, qui traite le suspect en criminel »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/23/mireille-delmas-marty-nous-basculons-vers-un-droit-penal-de-la-securite_6057

    Nous savions que la démocratie était fragile, mais nous pensions que le triptyque « démocratie, Etat de droit, droits de l’Homme » qui la caractérise résisterait aux dérives. Or nous découvrons, depuis les attentats de New York en 2001, qu’il a pu facilement être détruit en quelques années dans la plupart des Etats occidentaux, y compris en Europe et dans notre propre pays : assassinats ciblés, société de surveillance, enfermement préventif, justice prédictive, internements de sûreté marquent un basculement vers un régime autoritaire. D’un droit pénal de la responsabilité, qui fonde la punition sur la preuve de la culpabilité et la proportionne à la gravité de la faute, nous basculons vers un « droit pénal de la sécurité », un droit policier, voire guerrier, qui traite le suspect en criminel et le criminel en ennemi hors la loi.

    Neutralisant la présomption d’innocence et remplaçant la responsabilité par une dangerosité indémontrable, ce droit sécuritaire ajoute à la punition une « mesure de sûreté » à durée indéterminée. Mis en place à propos des délinquants sexuels (2007), il s’est étendu depuis 2015 au terrorisme. Puis la pandémie a encore renforcé l’obsession sécuritaire, et la folie normative s’est emparée de nos sociétés de la peur, d’autant plus facilement que la combinaison « traçage, affichage, puçage… » permet de contrôler des « populations » humaines, assimilées à des produits dangereux. C’est dans ce contexte que la France avait adopté, pour lutter contre le terrorisme, plusieurs textes censurés par le Conseil constitutionnel en tout – loi relative aux contenus haineux sur Internet –, ou en partie – loi instaurant des mesures de sûreté qui s’ajoutent à l’exécution de la peine.

    Et voici que l’assassinat particulièrement barbare d’un professeur qui enseignait la liberté d’expression par un jeune réfugié tchétchène se revendiquant de l’idéologie islamiste incite certains courants à remettre en cause le pouvoir du juge constitutionnel, voire à durcir le droit des migrations.

    • Au stade actuel, le juge reste un rempart contre les dérives sécuritaires, mais un rempart qui s’affaiblit, au motif qu’en empiétant sur le pouvoir législatif, on instituerait un « gouvernement des juges » synonyme de « déficit démocratique ». Or la démocratie ne consiste pas seulement dans la majorité des suffrages, qui peut très bien conduire à des despotismes « légaux ». Elle suppose la résistance des droits de l’homme, et de l’Etat de droit, et le rôle du juge est d’autant plus important que la banalisation de l’état d’urgence légitime un transfert du pouvoir législatif à l’exécutif. Dans notre monde de rapports de force politiques, militaires, économiques, mais aussi médiatiques et culturels, le droit risque plus que jamais d’être instrumentalisé pour justifier le système, et les juges stigmatisés s’ils jouent leur rôle de gardiens des libertés.

      D’autant que la permanence des crises (terrorisme, pandémie, changement climatique, révoltes sociales, désastre humanitaire des migrations…) et l’imminence des catastrophes qu’elles annoncent (au plan national, européen, voire global) pourraient rapidement nous submerger si nous ne parvenons pas à unir nos efforts pour éviter, à la fois, le grand effondrement annoncé par les collapsologues et le grand asservissement préfiguré par le modèle chinois.
      Pour unir nos efforts, il n’est pas nécessaire de construire un Etat mondial, mais il ne suffit pas de juxtaposer les différences. Encore faut-il les ordonner, dans un processus d’humanisation réciproque, autour de valeurs communes inspirées par les diverses visions de l’humanisme. Et encore faut-il que le droit renforce les responsabilités et que des juges impartiaux et indépendants en garantissent la mise en œuvre, organisant les interactions entre acteurs et entre niveaux normatifs. Cela implique un rééquilibrage entre les libertés individuelles et les solidarités collectives ; entre l’esprit de responsabilité et le devoir d’obéissance ; entre l’indépendance et l’interdépendance. Or ce rééquilibrage, chacun de nous devra le faire d’abord en lui-même pour renoncer à certains excès auxquels le « productivisme-consumérisme » nous a habitués.

      Vers un totalitarisme doux

      Ce renoncement sera difficile – le mot est d’ailleurs absent du discours officiel –, tant sont fortes nos résistances, véritables addictions mortifères. En croisant les millions de données individuelles accumulées par les réseaux sociaux et les milliards de conversations enregistrées par les agences de renseignements, les démocraties se transforment en un totalitarisme doux, d’autant plus redoutable qu’il exploite notre désir illimité d’avoir accès à tout, tout le temps, sans attendre : obéissant à des pulsions narcissiques plus puissantes encore que le sexe ou la nourriture, nous passons d’une plate-forme et d’un appareil numérique à un autre « comme un rat de la boîte de Skinner qui, en appuyant sur des leviers, cherche désespérément à être toujours plus stimulé et satisfait » (Bernard E. Harcourt, La société d’exposition. Désir et désobéissance à l’ère du numérique , Seuil, 336 p., 23 €).

      Pour résister à nos désirs, à l’heure du numérique et des réseaux sociaux, la peur n’est pas bonne conseillère, surtout quand elle déshumanise en obéissant aux pulsions du paléo-cortex, notre vieux cerveau reptilien. En revanche, on peut combiner la peur-solidarité avec l’imagination, cette capacité jubilatoire du néocortex, particulièrement développée chez les humains, qui réassocie des éléments anciens pour faire du neuf. C’est le pari des « forces imaginantes du droit ». Des concepts nouveaux, comme « biens communs mondiaux », « droits des générations futures » ou écocides, montrent déjà que l’imagination, éclairée par la connaissance et stimulée par ce que le philosophe et naturaliste Baptiste Morizot appelle « l’émerveillement » « de faire partie de cette extraordinaire aventure du vivant » (Le Monde, août 2020), est notre meilleur atout pour changer de cap.

      #droit #sécurité #société_de_surveillance #enfermement_préventif #justice_prédictive #internements_de_sûreté

  • Coronavirus : les données de smartphones surveillées par les gouvernements
    https://www.lebigdata.fr/coronavirus-donnees-smartphones

    Les gouvernements du monde entier envisagent d’exploiter les données de géolocalisation des smartphones de leurs citoyens pour enrayer l’épidémie de COVID-19 liée à la propagation du Coronavirus SARS-CoV-2. De telles mesures sont déjà mises en place aux États-Unis, en Israël, en Italie… et bientôt en France ? Afin de lutter contre la propagation du coronavirus SARS-CoV-2, les gouvernements du monde entier envisagent d’exploiter les données des smartphones. Ainsi, selon le Washington Post, le (...)

    #Google #Facebook #Apple #smartphone #géolocalisation #BigData #santé

    ##santé

  • David Forest, Abécédaire de la société de surveillance
    http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/273

    Spécialiste des technologies de l’information et docteur en science politique, David Forest propose un ouvrage qui s’inscrit dans l’actualité politique et numérique. Test adn, biométrie, puces rfid, vidéosurveillance, fichiers de police, géolocalisation sont autant d’exemples permettant de décrire les caractéristiques de ce que l’auteur appelle « la société de surveillance » (p. 3). Inévitablement, la lecture de cet ouvrage suscite une prise de conscience vis-à-vis d’une société obsédée par le contrôle et qui n’a de cesse de développer des dispositifs de surveillance tout en maintenant soigneusement le verrouillage du débat public, et en accordant implicitement une confiance inquiétante aux systèmes d’information. On y découvre les aspects les plus sombres du paradigme « techno-sécuritaire » qui s’étend via la globalisation numérique, au détriment d’un anonymat devenu obsolète et communément considéré comme illégitime, voire illicite (p. 14). La société de surveillance y est souvent décrite « comme l’envers diabolique d’une société de l’information » (p. 3) qui, pour justifier son existence, « évoque une menace omniprésente, tout à la fois proche et lointaine, impalpable et incarnée dans la panoplie jamais exhaustive d’un attirail sécuritaire sans cesse perfectionné » (p. 3).

  • #Le_Pistolet_et_la_Pioche S01E10 : Bienvenue en #dystopie – 2017 reloaded
    https://reflets.info/le-pistolet-et-la-pioche-s01e10-bienvenue-en-dystopie-2017-reloaded

    Cette émission a été réalisée à l’aide de talentueux artistes, sans qui rien ne serait arrivé. Ou pas. Bonne écoute, et surtout, n’abandonnez pas la construction de vos propres utopies… Télécharger l’émission au format MP3 […]

    #1984 #IA #l'armée_des_12_singes #le_meilleur_des_mondes #Matrix #SOciété_de_surveillance
    https://reflets.info/wp-content/uploads/LPLPS01E10.mp3


    https://reflets.info/wp-content/uploads/LPLPS01E10.ogg

  • Vidéo : « En Chine, des caméras devinent qui sont les passants dans la rue »
    http://lemonde.fr/asie-pacifique/video/2017/09/28/en-chine-des-cameras-devinent-qui-sont-les-passants-dans-la-rue_5193010_3216

    La Chine, où seraient installées 170 millions de caméras de surveillance, possède l’un des systèmes de vidéosurveillance les plus vastes au monde. Or depuis quelques années, le pays est également en pointe dans les technologies de reconnaissance faciale. Celles-ci permettent ainsi d’identifier les passants dans les rues ou les modèles de voitures avec un taux d’erreur extrêmement faible. Mais au-delà de la surveillance, la reconnaissance faciale peut désormais être utilisée pour déverrouiller un smartphone ou pénétrer dans un lieu sécurisé.

    #société_de_surveillance #vidéo #reconnaissance_faciale

    • On parle toujours de la Chine mais on oublie qu’en Occident aussi la vie privée est bafouée, et au pays de la liberté les Usa c’’est la NSA qui met toute la planète sous surveillance. On arrive a faire pire que ces pays là .

    • Je crois pas qu’on parle toujours ou trop de la Chine (et des multiples grèves et mouvements populaires qui y ont lieu, par exemple), bien qu’on échappe pas ici au topo : attention, la Chine, ex-atelier du monde, est en train de devenir une nation capitaliste moderne, apte à innover. Jusqu’à reprendre sans barguigner la promo de la boite qui a créée ce logiciel de reconnaissance faciale (0,001 % d’erreurs, disent-ils). En tout cas la vidéo est impressionnante. On constate d’ailleurs que les troubles sociaux en Chine sont dans la ligne de mire (logiciel permettant de détecter la formation de regroupements).

      #technologie