• Characteristics of Health Care Personnel with COVID-19 — United States, February 12–April 9, 2020 | MMWR
    https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/69/wr/mm6915e6.htm

    During February 12–April 9, [..,] 49,370 [COVID-19 cases] included data on whether the patient was a health care worker in the United States; including 9,282 (19%) who were identified as HCP. Among HCP patients with data available [...] 1,779 (38%) reported at least one underlying health condition. Among HCP patients with data on health care, household, and community exposures, 780 (55%) reported contact with a COVID-19 patient only in health care settings.

    [...] Most HCP with #COVID-19 (6,760, 90%) were not hospitalized; however, severe outcomes, including 27 deaths, occurred across all age groups; deaths most frequently occurred in HCP aged ≥65 years. These preliminary findings highlight that whether HCP acquire infection at work or in the community, it is necessary to protect the health and safety of this essential national workforce.

    #soignants #etats-unis

  • « Nous ne reverrons jamais le monde que nous avons quitté il y a un mois » | Stéphane Audoin-Rouzeau, historien
    https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/120420/stephane-audoin-rouzeau-nous-ne-reverrons-jamais-le-monde-que-nous-avons-q

    Stéphane Audoin-Rouzeau, historien de la guerre de 1914-1918, juge que nous sommes entrés dans un « temps de guerre » et un moment de rupture anthropologique.

    Stéphane Audoin-Rouzeau est directeur d’études à l’EHESS et président du Centre international de recherche de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne. Il a publié de nombreux ouvrages consacrés à la Première Guerre mondiale et à l’anthropologie historique du combat et de la violence de guerre. Nous l’avions reçu pour son dernier livre, Une initiation - Rwanda (1994-2016), publié aux Éditions du Seuil.

    Quel regard porte l’historien de la Grande Guerre que vous êtes sur la situation présente ?

    Stéphane Audoin-Rouzeau : J’ai le sentiment de me trouver plongé, soudainement et concrètement, dans mes objets d’étude ; de vivre, sur un mode évidemment très mineur, quelque chose de ce qu’a été la Grande Guerre – pour les civils naturellement, pas pour les combattants –, cette référence si présente aujourd’hui. La phrase la plus frappante d’Emmanuel Macron, lors de son second discours à Mulhouse, a été celle qui a été la moins relevée : « Ils ont des droits sur nous », pour parler des soignants. C’est le verbatim d’une phrase de Clemenceau pour parler des combattants français à la sortie de la guerre. La référence à la Grande Guerre est explicite, d’autant plus quand on sait que l’ancien directeur de la mission du Centenaire, Joseph Zimet, a rejoint l’équipe de communication de l’Élysée. De même, pour le « nous tiendrons ». « Tenir », c’est un mot de la Grande Guerre, il fallait que les civils « tiennent », que le front « tienne », il fallait « tenir » un quart d’heure de plus que l’adversaire…

    Ce référent 14-18 est pour moi fascinant. Comme historien, je ne peux pas approuver cette rhétorique parce que pour qu’il y ait guerre, il faut qu’il y ait combat et morts violentes, à moins de diluer totalement la notion. Mais ce qui me frappe comme historien de la guerre, c’est qu’on est en effet dans un temps de guerre. D’habitude, on ne fait guère attention au temps, alors que c’est une variable extrêmement importante de nos expériences sociales. Le week-end d’avant le confinement, avec la perception croissante de la gravité de la situation, le temps s’est comme épaissi et on ne s’est plus focalisé que sur un seul sujet, qui a balayé tous les autres. De même, entre le 31 juillet et le 1er août 1914, le temps a changé. Ce qui était inconcevable la veille est devenu possible le lendemain.

    Le propre du temps de guerre est aussi que ce temps devient infini. On ne sait pas quand cela va se terminer. On espère simplement – c’est vrai aujourd’hui comme pendant la Grande Guerre ou l’Occupation – que ce sera fini « bientôt ». Pour Noël 1914, après l’offensive de printemps de 1917, etc. C’est par une addition de courts termes qu’on entre en fait dans le long terme de la guerre. Si on nous avait dit, au début du confinement, que ce serait pour deux mois ou davantage, cela n’aurait pas été accepté de la même façon. Mais on nous a dit, comme pour la guerre, que c’était seulement un mauvais moment à passer. Pour la Grande Guerre, il me paraît évident que si l’on avait annoncé dès le départ aux acteurs sociaux que cela durerait quatre ans et demi et qu’il y aurait 1,4 million de morts, ils n’auraient pas agi de la même façon. Après la contraction du temps initiale, on est entré dans ce temps indéfini qui nous a fait passer dans une temporalité « autre », sans savoir quand elle trouvera son terme.

    On parle déjà de déconfinement, est-ce une illusion comparable à ce qu’a été l’idée que la guerre serait bientôt terminée ?

    Je suis fasciné par l’imaginaire de la « sortie » tel qu’il se manifeste aujourd’hui dans le cas du déconfinement, sur le même mode de déploiement déjà pendant la Grande Guerre. Face à une crise immense, ses contemporains ne semblent pas imaginer autre chose qu’une fermeture de la parenthèse temporelle. Cette fois, on imagine un retour aux normes et au « temps d’avant ». Alors, je sais bien que la valeur prédictive des sciences sociales est équivalente à zéro, mais l’histoire nous apprend quand même qu’après les grandes crises, il n’y a jamais de fermeture de la parenthèse. Il y aura un « jour d’après », certes, mais il ne ressemblera pas au jour d’avant. Je peux et je souhaite me tromper, mais je pense que nous ne reverrons jamais le monde que nous avons quitté il y a un mois.

    Pourquoi concevoir une telle rupture alors que, précisément, on n’est pas dans un moment de brutalisation et de violence comparable à ce qu’a été la Grande Guerre ?

    Je le dis en tant qu’historien et avec une franchise qui peut paraître brutale : l’ampleur du choc économique et social, mais aussi politique et moral, me paraît nous mener vers une période tout autre. Sur le plan politique, le conservateur que je suis se sent un peu comme un pacifiste à la fin du mois de juillet 1914, qui croit encore aux progrès de l’humanité, à l’entente entre les peuples, à la bonne volonté du gouvernement. Qui pense que les diverses internationales (catholique, protestante, ouvrière…) empêcheront la guerre, perçue comme une absurdité anachronique.

    Aujourd’hui, peut-on croire comme avant à l’Union européenne, à la libre circulation des individus, des idées ou des biens, au recul continu des souverainetés nationales ? En une semaine, sont réapparus les Nations et leurs États, avec le sentiment que plus l’État-nation est puissant, mieux il s’en sort. C’est aussi l’heure des chefs : on écoutait de moins en moins les chefs d’État, me semble-t-il, et là, nous voici suspendus à leurs lèvres. Les germes d’une crise politique grave étaient déjà présents avant le Covid-19, mais je crains que demain, la crise politique soit terrible, avec une reddition des comptes potentiellement meurtrière pour la classe politique.

    Mais à cela, il faut ajouter, d’un point de vue plus anthropologique, les risques d’une crise morale comparable à celle qui s’est produite après chacune des deux guerres mondiales. La Première a été un choc pour l’idée de progrès, qui était consubstantielle à la République. La fameuse phrase de Paul Valéry, « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », dit quelque chose de très profond sur l’effondrement de la croyance en un monde meilleur : un effondrement sans lequel on ne peut pas comprendre le développement des totalitarismes au cours de l’entre-deux-guerres. La Seconde Guerre mondiale a constitué un second choc anthropologique, non pas tellement par la prise de conscience de l’extermination des juifs d’Europe, bien plus tardive, mais avec l’explosion de la bombe atomique qui ouvrait la possibilité d’une autodestruction des sociétés humaines.

    À mes yeux, nos sociétés subissent aujourd’hui un choc anthropologique de tout premier ordre. Elles ont tout fait pour bannir la mort de leurs horizons d’attente, elles se fondaient de manière croissante sur la puissance du numérique et les promesses de l’intelligence artificielle. Mais nous sommes rappelés à notre animalité fondamentale, au « socle biologique de notre humanité » comme l’appelait l’anthropologue Françoise Héritier. Nous restons des homo sapiens appartenant au monde animal, attaquables par des maladies contre lesquelles les moyens de lutte demeurent rustiques en regard de notre puissance technologique supposée : rester chez soi, sans médicament, sans vaccin… Est-ce très différent de ce qui se passait à Marseille pendant la peste de 1720 ?

    Ce rappel incroyable de notre substrat biologique se double d’un autre rappel, celui de l’importance de la chaîne d’approvisionnement, déficiente pour les médicaments, les masques ou les tests, mais qui fonctionne pour l’alimentation, sans quoi ce serait très vite la dislocation sociale et la mort de masse. C’est une leçon d’humilité dont sortiront peut-être, à terme, de bonnes choses, mais auparavant, il va falloir faire face à nos dénis.

    De même qu’on avait prévu la Grande Guerre, on avait prévu la possibilité d’une grande pandémie. Par exemple, le Livre blanc de la Défense de 2008 inscrivait déjà les pandémies comme une des menaces à envisager. Mais, comme pour la guerre, il existe toujours une dissonance cognitive entre l’événement imaginé et l’événement qui survient. Ce dernier ne correspond jamais à ce que l’on avait prévu. Ceci nous a rendu incapables de profiter des capacités d’anticipation dont nous pensions disposer.

    Même si, comme chercheur, je trouve que ce confinement généralisé et interminable constitue une expérience sociale du plus haut intérêt, je crains donc que nous devions nous préparer à une sortie de temps de guerre très difficile.

    De quoi dépendra que l’après soit plus difficile ou porteur d’espoir ?

    Cela dépendra sans doute des modalités de la « victoire ». Je pense qu’il y aura victoire, car le virus a vocation à s’éteindre, comme s’est éteint celui de la grippe espagnole en 1918-1919. Mais le virus disparaîtra-t-il « naturellement » ou sera-t-il vaincu par nos capacités techniques et organisationnelles ? Et quel sera le prix de la victoire ? Si le bilan est très lourd, je crains alors que l’après-coup ne soit terrible. À cela s’ajoute le fait que certaines régions du monde pourront avoir le sentiment d’avoir vaincu la maladie, tandis que d’autres seront défaites, je pense notamment aux pays les plus pauvres.

    Pendant la Première Guerre mondiale en France, on n’imaginait pas vraiment le monde de l’après-guerre. Il fallait gagner, refermer la parenthèse, et puis « l’Allemagne paierait ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, les choses ont été différentes puisque la construction de la société d’après-guerre a commencé bien avant que les combats ne se terminent.

    Cette fois, on a le plus grand mal à penser « l’après », même si on s’y essaie, parce qu’on sait qu’on ne sera pas débarrassés de ce type de pandémie, même une fois la vague passée. On redoutera la suivante. Or, rappelons que le Covid-19 a jusqu’ici une létalité faible par rapport au Sras ou à Ebola. Mais imaginons qu’au lieu de frapper particulièrement les plus âgés, il ait atteint en priorité les enfants ?… Nos sociétés se trouveraient déjà en situation de dislocation sociale majeure.

    Je suis, au fond, frappé par la prégnance de la dimension tragique de la vie sociale telle qu’elle nous rattrape aujourd’hui, comme jamais elle ne nous avait rattrapés jusqu’ici en Europe depuis 1945. Cette confrontation à la part d’ombre, on ne peut savoir comment les sociétés et leurs acteurs vont y répondre. Ils peuvent s’y adapter tant bien que mal, mieux qu’on ne le pense en tout cas, ou bien l’inverse.

    Je reste sidéré, d’un point de vue anthropologique, par l’acceptation, sans beaucoup de protestations me semble-t-il, des modalités d’accompagnement des mourants du Covid-19 dans les Ehpad. L’obligation d’accompagnement des mourants, puis des morts, constitue en effet une caractéristique fondamentale de toutes les sociétés humaines. Or, il a été décidé que des personnes mourraient sans l’assistance de leurs proches, et que ce non-accompagnement se poursuivrait pour partie lors des enterrements, réduits au minimum. Pour moi, c’est une transgression anthropologique majeure qui s’est produite quasiment « toute seule ». Alors que si on nous avait proposé cela il y a deux mois, on se serait récriés en désignant de telles pratiques comme inhumaines et inacceptables. Je ne m’insurge pas davantage que les autres. Je dis simplement que devant le péril, en très peu de temps, les seuils de tolérance se sont modifiés à une vitesse très impressionnante, au rythme de ce qu’on a connu pendant les guerres. Cela semble indiquer que quelque chose de très profond se joue en ce moment dans le corps social.

    L’ouvrage que vous aviez dirigé avec Christophe Prochasson en 2008, intitulé Sortir de la Grande Guerre (Tallandier), montrait notamment que la sortie de guerre n’avait pas le même sens dans chaque pays. Pensez-vous que dans un monde confronté au coronavirus, la sortie du confinement sera très différente selon les pays ?

    Nous ne sommes pas dans le même type d’événement. En 1918, il y avait des vainqueurs et des vaincus, des nations humiliées et d’autres triomphantes. Mais la gestion différentielle de la crise peut entraîner une dissociation qu’on voit déjà se profiler en pointillé. Entre les États qui s’en seront relativement bien sortis, comme peut-être l’Allemagne, et ceux qui auront été touchés de plein fouet, à l’instar de l’Italie. Entre les États qui se seront organisés en supprimant les libertés publiques, comme la Hongrie, et ceux qui auront essayé de les maintenir au moins en partie.

    Peut-on aussi imaginer des changements de statut selon les professions confrontées très inégalement à la crise ?

    La reprise de la phrase de Georges Clemenceau par Emmanuel Macron était discutable, mais elle dit quelque chose de vrai : les soignants vont sortir de là un peu comme les poilus en 1918-1919, avec une aura d’autant plus forte que les pertes seront là pour attester leur sacrifice. Le sacrifice, par définition, c’est ce qui rend sacré. On peut donc tout à fait imaginer la sacralisation de certaines professions très exposées, et une démonétisation de beaucoup d’autres (les métiers universitaires, par exemple ?). En termes de capital symbolique, comme aurait dit Bourdieu, les statuts sociaux vont se trouver modifiés. Pour parler de mon domaine, les sciences sociales, il se peut que des domaines entiers se trouvent démonétisés et que d’autres émergent, avec une nouvelle hiérarchie des centres d’intérêt et des priorités. Il n’est malheureusement guère possible de donner des exemples, car les sciences sociales sont dénuées de toute capacité prédictive y compris dans le champ qui leur est propre !

    Peut-on déterminer la durée d’une sortie de crise ou d’une sortie de guerre ?

    Il ne me semble pas. La notion d’après-guerre suggérait une date déterminant un avant et un après : l’armistice du 11 novembre par exemple ou le traité de Versailles de juin 1919. Mais la notion de « sortie de guerre », plus riche, suggère en réalité un glissement. À la limite, on peut ne jamais sortir complètement d’un événement guerrier… Certaines en sortent, d’autres pas. On peut faire l’hypothèse que les sociétés française et britannique, par exemple, ne sont jamais sorties complètement de la mort de masse du premier conflit mondial. La notion de sortie de guerre suggère une direction, pas un segment chronologique avec un début et une fin. N’en sera-t-il pas de même pour une « sortie de pandémie » dont on ne peut connaître ni les effets ni la durée ?

    Est-ce que, dès le début de la Grande Guerre, les responsabilités ont été recherchées, comme elles le sont aujourd’hui ?

    Pas vraiment. En raison de l’Union sacrée, l’inventaire des erreurs commises a été remis à plus tard. Cette fois, on sent bien qu’il y aura inventaire, mais on s’accorde globalement pour estimer qu’il n’est pas temps de le dresser au cœur de l’action. Mais « l’Union sacrée », selon l’expression du président Poincaré, le 4 août 1914, n’est qu’une suspension du combat politique. Elle ne consiste pas à dire qu’il n’existe plus d’affrontement, mais que chaque acteur a intérêt à y renoncer momentanément tout en pensant, plus tard, ramasser la mise.

    De ce point de vue, les accusations actuelles me semblent n’être rien par rapport à ce qui va suivre. À la sortie, le combat politique a de bonnes chances d’être plus impitoyable que jamais, d’autant qu’on ne manquera pas de déclarations imprudentes et de décisions malvenues pour alimenter la machine. Rappelons au passage qu’en France, les unions sacrées s’achèvent en général en profitant aux droites, voire à l’extrême droite. Cette seconde hypothèse, je la redoute beaucoup pour notre pays.

    Une couche du palimpseste de la chefferie nationale, la photo qui ouvre l’article


    Georges Clemenceau en 1904. © Paul Nadar

    #histoire #temporalité #communication #temps_de_guerre #heure_des_ chefs #soignants (aura des) #tragique #anthoropologie #solitude_des_mourants (augmentée) #société_d'abandon #droite

    • C’est la première fois que je vois apparaitre un peu de cette question qui me hante sur la remise en cause de notre rapport (déni) à la mort et à notre temporalité.

      La fameuse phrase de Paul Valéry, « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », dit quelque chose de très profond sur l’effondrement de la croyance en un monde meilleur : un effondrement sans lequel on ne peut pas comprendre le développement des totalitarismes au cours de l’entre-deux-guerres. La Seconde Guerre mondiale a constitué un second choc anthropologique, non pas tellement par la prise de conscience de l’extermination des juifs d’Europe, bien plus tardive, mais avec l’explosion de la bombe atomique qui ouvrait la possibilité d’une autodestruction des sociétés humaines.

      À mes yeux, nos sociétés subissent aujourd’hui un choc anthropologique de tout premier ordre. Elles ont tout fait pour bannir la mort de leurs horizons d’attente , elles se fondaient de manière croissante sur la puissance du numérique et les promesses de l’intelligence artificielle. Mais nous sommes rappelés à notre animalité fondamentale, au « socle biologique de notre humanité » comme l’appelait l’anthropologue Françoise Héritier.

      (…)

      Je reste sidéré, d’un point de vue anthropologique, par l’acceptation, sans beaucoup de protestations me semble-t-il, des modalités d’accompagnement des mourants du Covid-19 dans les Ehpad. L’obligation d’accompagnement des mourants, puis des morts, constitue en effet une caractéristique fondamentale de toutes les sociétés humaines.

  • Avec sa gestion de court terme, « le gouvernement affaiblit notre capacité collective à lutter contre le virus » - Basta !
    https://www.bastamag.net/test-systematique-depistage-immunite-infection-temps-de-travail-contaminat

    Est-ce qu’il y a une particularité française dans la gestion de la crise ?

    J’insiste : pour les maladies infectieuses, il faut dépister, isoler et traiter, on sait cela depuis très longtemps. C’est ainsi qu’on arrête la chaîne de contamination. En refusant de se mobiliser dans ce sens, c’est comme si la France décidait que les 50 ans d’expériences et de luttes contre les maladies infectieuses n’avaient aucune valeur, aucun sens. Je trouve que c’est terrible. La carence de réactifs, qui manqueraient selon le gouvernement pour fabriquer des tests, est une explication qui ne me satisfait pas.

    Nos dirigeants avancent là une raison technique, alors qu’ils ont clairement fait un choix stratégique : le choix de ne pas tester. Les laboratoires privés et les laboratoires vétérinaires ont dit très tôt qu’ils pouvaient se mobiliser pour fabriquer des tests. L’État aurait aussi pu réquisitionner Sanofi et d’autres entreprises pharmaceutiques. On aurait eu très rapidement les millions de tests dont nous avons aujourd’hui tellement besoin, notamment pour protéger nos soignants.

    Au lieu de cela, notre président se contente de les qualifier de héros...

  • Masques : après le mensonge, le fiasco d’Etat | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/100420/masques-apres-le-mensonge-le-fiasco-d-etat

    Des livraisons en retard, des opportunités ratées, des interlocuteurs fiables méprisés et, in fine, des importations plus efficaces pour les entreprises que pour les soignants : une nouvelle enquête de Mediapart, étayée par des témoignages et des documents confidentiels, démontre les choix stratégiques catastrophiques du gouvernement dans l’approvisionnement du pays en masques.

    Alors que le gouvernement vient d’ajuster son discours sur l’usage des masques face au Covid-19, une nouvelle enquête de Mediapart montre que la France n’arrive toujours pas, trois mois après le début de l’épidémie sur son territoire, à importer suffisamment de matériel pour faire face à ses besoins les plus élémentaires, à commencer par l’équipement des soignants au contact du virus.

    A minima, près de 3 000 personnels soignants ont à ce jour été infectés par le Covid-19, selon les estimations du site spécialisé Actusoins.com portant sur quelques villes seulement.

    Étayées par de nombreux témoignages et documents confidentiels, émanant de sources au cœur de l’État et d’entreprises privées, ces révélations montrent que :

    En termes de livraisons de masques, les annonces ne sont pour l’heure pas suivies d’effets, avec des objectifs seulement remplis à 50 %. Et au rythme où vont les choses, il faudrait en théorie deux ans à la France pour acheminer les 2 milliards de masques promis par le ministère de la santé. 

    En mars, alors que l’épidémie faisait déjà des ravages, le gouvernement a raté l’importation de dizaines de millions de masques, y compris les précieux FFP2 pour les soignants, avec des entreprises pourtant jugées fiables par l’État lui-même.

    La stratégie gouvernementale apparaît toujours aussi incohérente. Alors que les soignants continuent de manquer cruellement de protection, des dizaines de millions de masques arrivent aux entreprises… avec l’aide de la puissance publique.

    Voici notre enquête.

    Des importations ratées
    Les boîtes mails des conseillers du ministre de la santé Olivier Véran détiennent un trésor d’une valeur aujourd’hui inestimable : des millions de masques, dont des FFP2, ce matériel protection qui fait aujourd’hui tant défaut aux soignants, contaminés par milliers par le Covid-19.

    Selon nos informations, plusieurs membres du cabinet du ministère ont en effet reçu de la part d’entreprises françaises, dans le courant du mois de mars, des propositions d’importations rapides et massives de matériel. Ils ont choisi de ne pas y donner suite. Et ils ont de quoi s’en mordre les doigts aujourd’hui. 

    À ce jour, les masques FFP2, les seuls qui protègent leurs porteurs (les masques chirurgicaux empêchent seulement de contaminer les autres), sont une denrée extrêmement rare. Les stocks d’État sont exsangues et le marché international sous haute tension. L’État n’en avait plus que 5 millions en stock le 21 mars, alors même que leur distribution est, aujourd’hui encore, rationnée de façon drastique. De nombreux soignants (hospitaliers, médecins de ville, pompiers) n’en disposent pas. Ils sont pourtant en contact quotidien avec des patients infectés par le Covid-19 (lire notre précédente enquête ici).

    L’entreprise de Lucas* aurait sans doute pu résoudre une partie du problème si son offre avait seulement été traitée en haut lieu. « À l’époque, j’étais capable de livrer 20 millions de FFP2 par mois, il n’y avait pas encore le rush d’aujourd’hui », explique cet importateur, qui a écrit à plusieurs conseillers d’Olivier Véran dans la première quinzaine du mois de mars. 

    Dans l’un des courriels consultés par Mediapart, Lucas donne toutes ses références et certifications. L’usine chinoise avec laquelle il travaille peut sortir 3 millions de masques par semaine, qu’il peut livrer en France huit jours plus tard. Lucas dit n’avoir reçu aucune réponse du ministère de la santé.

    Dans notre précédente enquête, nous avions déjà révélé la situation ubuesque de plusieurs entrepreneurs, dont un expert français en sourcing industriel en Chine, Julien*. Il s’était fait éconduire par le cabinet d’Olivier Véran, le 17 mars, après envoyé deux jours plus tôt une proposition détaillée pour fournir 6 à 10 millions de masques chirurgicaux par semaine (dont 1 million de FFP2). 

    Julien avait aussi pu échanger avec le professeur Jérôme Salomon, le directeur général de la santé, qui lui avait confirmé les besoins urgents de l’État : « Je vous garantis que nous cherchons tous azimuts [des masques – ndlr] », lui écrivait-il, le 13 mars.

    Interrogé par Mediapart sur le refus opposé à Julien mais aussi à d’autres importateurs, le ministère de la santé avait alors remis en question leur « fiabilité ». « S’autodésigner comme un interlocuteur sérieux n’a jamais constitué une preuve en soi que c’est bien le cas », ajoutait même le cabinet d’Olivier Véran, visiblement sur de son fait, dans la réponse adressée à Mediapart le 1er avril (à relire ici). 

    Il s’agissait d’un nouveau mensonge. Si ce n’est pas le cas de Julien, plusieurs autres importateurs qui nous ont dit avoir été ignorés par l’État ont été officiellement référencés, depuis la fin du mois de mars, par le ministère de l’économie et des finances comme des importateurs fiables pour les entreprises françaises qui veulent acheter des masques, d’après des documents que nous avons consultés.

    Mediapart a pu retracer, en plus de Lucas, les situations de trois autres entreprises françaises, également référencées dans les listings officiels de Bercy, mais dont les offres pour les établissements de santé ont été ignorées au mois de mars par le ministère de la santé. La plupart ont requis l’anonymat, vu la sensibilité du sujet.

    C’est par exemple le cas de Fernand*. Dans la première quinzaine du mois de mars, cet importateur est très inquiet de la situation dans les hôpitaux. Il sollicite, par mail lui aussi, un conseiller du cabinet d’Olivier Véran dont il a obtenu les coordonnées.

    Fernand travaille avec la Chine dans le domaine médical depuis plusieurs années. Il peut livrer des millions de masques chirurgicaux pour les soignants dans les trois semaines. Mais son mail ne reçoit pas la moindre la réponse, ni même un accusé de réception. « J’étais surpris, j’ai essayé plusieurs tentatives sans succès. » Peut-être le ministère a-t-il considéré qu’il n’était pas fiable. « Je fournis pourtant des grands groupes cotés en bourse », répond-il.

    C’est avec la plus grande volonté du monde que Bernard Malaise, à la tête de la société d’import ID Services, et qui travaille avec des fournisseurs industriels chinois depuis plus de dix ans, a lui aussi proposé son aide au ministère. Nous sommes le 21 mars et les masques continuent à faire défaut à la France. 

    Olivier Véran évoque même publiquement la pénurie en conférence de presse. « Lors de son allocution du samedi 21 mars, le ministre de la santé indiquait que les stocks de masques FFP2 en France n’étaient plus que de 5 millions », se souvient M. Malaise (lire ici les déclarations du ministre). 

    Or, la consommation pour les hôpitaux français est, malgré les nombreuses restrictions, passée à 40 millions de masques chirurgicaux et FFP2 par semaine. Bernard Malaise connaît bien le sujet, l’une de ses sœurs « travaille aux urgences à l’hôpital Cochin à Paris depuis plus de 30 ans » : « Ce qu’elle vit aujourd’hui avec ses pairs est inouï. Chaque jour, chaque nuit, j’y pense… »

    Le chef d’entreprise cherche ce week-end-là à contacter le ministère de la santé pour proposer d’importer des masques, mais ses appels restent vains. Deux jours plus tard, la société ID Services ouvre elle-même un canal d’importation. « Nous sommes une PME semblable à des milliers d’autres en France : sans aucune assistance ni aide externe, nous sommes en train de réceptionner 5 millions de masques chirurgicaux et de FFP2 en moins de quatre semaines. »

    « Comme d’autres salariés d’ID Services », Bernard Malaise est « 24 heures sur 24 au bureau ». Il ne se « repose que quelques heures ici ou là » sur un lit de camp. Dans « moins d’un mois, nous dépasserons les 10 millions de masques importés pour la France » : « C’est peu par rapport aux besoins de notre pays, c’est énorme pour l’usage que nous en faisons. »

    ID Services approvisionne des PME et PMI qui ont besoin de protéger leurs salariés, mais donne aussi des milliers de masques à des professionnels de santé. « Force est de reconnaître qu’en matière d’importation de masques, tout particulièrement les masques FFP2, l’échec de l’administration et des grands groupes qui étaient proches ou non du pouvoir est patent », note Bernard Malaise.

    Les prénoms ont été modifiés à la demande des témoins.

    Un dernier importateur, Franck, lui aussi bien connecté à des producteurs chinois et référencé par Bercy, pouvait également fournir le ministère. Selon nos informations, un membre de la cellule interministérielle qui gère les commandes de l’État a même engagé des discussions très avancées avec lui pour une commande de plus de 20 millions de FFP2, avec un échéancier de livraison sur les semaines suivantes. Mais, pour des raisons inexpliquées, la commande a brutalement été stoppée, dans la dernière semaine de mars, juste avant sa signature. « Je ne veux pas jeter la pierre à l’État, je me suis dit qu’ils avaient un plan pour livrer plus vite le personnel soignant, ce qui est l’essentiel », explique Franck.

    Les embrouilles de la mégacommande 
    Après deux mois de gestion chaotique, le gouvernement pense en effet avoir enfin trouvé la martingale : le 21 mars, le ministre de la santé Olivier Véran annonce que la France a commandé 250 millions de masques, dont une bonne partie à des fournisseurs chinois. 

    L’exécutif est tellement sûr de lui qu’il publie le même jour au Journal officiel un décret daté de la veille, qui libéralise l’importation de masques pour les entreprises et les collectivités. Les importateurs qui ont fait des offres à l’État sont redirigés vers la toute nouvelle « cellule masques » de Bercy, chargée de référencer les importateurs sérieux capables de fournir les entreprises (lire plus bas).

    Bref, l’État signifie aux importateurs qu’il n’a plus besoin d’eux, car il a déjà commandé des masques à foison pour ses personnels soignants.

    À première vue, les annonces du ministre de la santé sont éblouissantes : le 28 mars, Olivier Véran claironne que la commande initiale de 250 millions « dépasse désormais le milliard ». Le 1er avril, à l’Assemblée, il indique que la commande a bondi à « plus d’un milliard et demi de masques », puis à « pas loin des deux milliards » trois jours plus tard, dans une interview à Brut.

    Il y a, en réalité, derrière cette surenchère de milliards, une opacité totale et plusieurs embrouilles. Le ministre de la santé n’a jamais donné, au fil de ses annonces, de chiffres comparables : il s’agit tantôt des commandes en Chine, tantôt des commandes totales incluant la production des usines françaises (8 millions de masques par semaine).

    Lors de sa réponse du 1er avril à notre précédente enquête, le cabinet d’Olivier Véran avait réussi à se contredire dans la même phrase en indiquant que le milliard du 28 mars correspondait uniquement aux achats chinois… et qu’il incluait la production française. 

    Il y a une seconde donnée cachée : le ministre n’a jamais annoncé le nombre de masques FFP2 commandés. Or, ce sont ces masques, les seuls qui protègent leurs porteurs, qui manquent le plus cruellement au personnel soignant. Selon une source anonyme à la Direction générale de la santé citée par France Info, il n’y en aurait que 74 millions dans le milliard annoncé le 28 mars.

    Contacté au sujet du nombre réel de masques commandés en Chine et de la proportion de FFP2, le ministère de la santé n’a pas répondu à nos questions. 

    Une chose est sûre : pour atteindre de tels volumes, le gouvernement a fait le choix risqué de mettre une grande partie de ses œufs dans le même panier. L’exécutif a choisi de passer ses commandes chinoises à quatre gros fournisseurs : Segetex EIF, Aden Service, Fosun et BYD. Cette liste figure dans des instructions écrites diffusées par le gouvernement et les préfets à l’attention des entreprises et des collectivités locales, pour leur demander d’éviter « si possible » de se fournir en masques auprès de ces « quatre fournisseurs privilégiés de l’État ».

    Segetex EIF est le seul groupe français de la liste : cette PME familiale possède une usine de masques près de Roanne (Loire) et une seconde, beaucoup plus grosse, en Chine. Pas de chance, elle est située à Wuhan, épicentre de l’épidémie de Covid-19. Résultat : alors que la plupart des fabricants chinois de masques ont été de nouveau autorisés à exporter fin février, l’usine de Segetex était toujours fermée lorsque l’État a passé commande en mars et n’a pu redémarrer sa production que le 2 avril. Vu l’urgence sanitaire, était-ce vraiment le meilleur choix pour fournir la France ? Segetex et le ministère de la santé n’ont pas répondu.

    Aden Services, le second fournisseur de l’État, est une success story franco-chinoise. Fondé en 1995 par Joachim Poylo, fils d’un armateur du Havre émigré à Shanghai, ce groupe chinois est devenu un mastodonte de 25 000 salariés, spécialisé dans les services aux entreprises (nettoyage, sécurité, restauration, etc.). Mais cette activité semble très éloignée du matériel médical. Aden ne figure d’ailleurs pas dans la liste des fabricants de masques autorisés à exporter, publiée début avril par le gouvernement chinois. Le groupe de Joachim Poylo a-t-il joué un simple rôle de courtier en sélectionnant des fournisseurs pour le compte de la France ? Aden et le ministère de la santé n’ont pas répondu. 

    Très peu connu en France, BYD est un géant industriel chinois, spécialisé dans les batteries et les automobiles, en particulier les voitures électriques. Lorsque l’épidémie a éclaté en Chine en janvier, BYD a reconverti en un temps record l’un de ses sites dans la fabrication de masques. Selon un communiqué de l’entreprise, ce serait aujourd’hui la plus grosse usine du monde, avec 5 millions d’unités produites par jour.

    Le dernier de la liste, Fosun, est le plus gros conglomérat privé chinois, présent dans la santé (hôpitaux, industrie pharmaceutique), la finance, le divertissement et le tourisme (il possède en France le Club Med). Fosun ne fabrique pas de masques. Mais à l’instar d’autres entreprises chinoises, Fosun s’est lancé à corps perdu dans la lutte contre le Covid, comme le détaille ce communiqué.

    Lorsque l’épidémie a touché la Chine en janvier et que le pays manquait de masques, le conglomérat en a acheté des millions à l’étranger, notamment en Europe. Maintenant que la situation s’est inversée, Fosun a lancé une opération de mécénat mondiale, symbolique de la volonté de la Chine de s’afficher en sauveur de la planète. Fosun a acheté à ce jour 2,6 millions de masques pour les offrir aux pays les plus touchés, dont les États-Unis, l’Italie, le Royaume-Uni et la France.

    Interrogé au sujet du rôle du groupe dans la mégacommande passée par la France, Fosun a refusé de nous répondre, nous renvoyant vers le ministère de la santé, qui n’a pas non plus répondu. Le groupe chinois s’est borné à nous confirmer qu’il ne « produit pas lui-même de masques », mais qu’il « essaye de mobiliser au mieux ses ressources globales pour aider les pays affectés par la pandémie ».

    L’exécutif entretient une opacité totale sur les contrats avec ces quatre fournisseurs. Aucune information n’a été communiquée sur les quantités commandées à chacun, les tarifs et les délais de production.

    Même silence sur les conditions de sélection de ces entreprises. Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’est vanté mardi sur BFMTV d’avoir été « le courtier d’Olivier Véran » en Chine, notamment pour y « identifier » les fournisseurs. Mais l’exécutif refuse de dire si la commande a été négociée en tout ou partie avec l’État chinois, et si Pékin a donné des garanties sur le rythme des livraisons. Interrogé par Mediapart, Jean-Yves Le Drian n’a pas répondu.

    Plusieurs importateurs interrogés par Mediapart jugent que la stratégie de l’État, qui a ignoré les « petits » fournisseurs déjà implantés sur le marché du matériel médical et presque tout misé sur quatre gros, est extrêmement risquée, voire absurde.

    Ces professionnels estiment qu’il aurait fallu rafler toutes les capacités de production disponibles au plus vite, même les plus modestes. 

    « Ce n’est pas quatre gros fournisseurs que l’État aurait dû prendre dans une telle situation d’urgence, mais vingt ! La demande est telle en Chine qu’il faut multiplier les canaux d’importation », explique à Mediapart un importateur de matériel médical, référencé par la « cellule masques » de Bercy. 

    Difficile de leur donner tort : trois semaines après l’annonce de la première mégacommande, les milliards de masques chinois ne sont livrés qu’au compte-gouttes. 

    Des « milliards » de masques introuvables

    Lorsque Olivier Véran a annoncé le 28 mars, aux côtés du premier ministre Édouard Philippe, « un pont aérien étroit et intensif entre la France et la Chine » pour acheminer la mégacommande de l’État, les personnels soignants ont dû se sentir rassurés. Souvent utilisé en situation de conflit armé ou de catastrophe humanitaire, ce terme imagé suggère l’idée d’allers-retours incessants pour ramener au plus vite les masques tant attendus.

    Deux semaines plus tard, la promesse du gouvernement a déjà du plomb dans l’aile.

    Selon Le Monde, l’État a commencé à chercher un prestataire le week-end du 21-22 mars, juste après l’annonce de la première commande de 250 millions de masques. C’est le transporteur Geodis, filiale privée de la SNCF, qui a été choisi, là encore dans la plus totale opacité. L’État et l’entreprise n’ont communiqué aucun élément sur la nature du marché public et le processus de sélection, et ont refusé de répondre à nos questions.

    Le 30 mars, deux jours après l’annonce du « pont aérien », un premier avion chargé de 8 millions de masques se pose à l’aéroport de Paris-Vatry, dans la Marne, à 150 km à l’est de la capitale, devant l’objectif des caméras et des photographes. Une belle opération de communication.

    Dans la foulée, Geodis détaille dans la presse les modalités du « pont aérien » opéré pour l’État. L’entreprise dit avoir trouvé en un temps record, grâce à un contrat passé avec la compagnie aérienne russe Volga-Dnepr, des Antonov 124, les deuxièmes plus gros avions cargos au monde, capables d’emporter plus de 10 millions de masques d’un coup. Geodis annonce quatre rotations par semaine, et seize vols au total d’ici la fin avril.

    Mais le compte n’y est pas. Comme l’a reconnu Olivier Véran, deux Antonov seulement se sont posés à Vatry la semaine dernière (le 30 mars et 1er avril), pour 21 millions de masques livrés. Selon nos informations, la situation est identique cette semaine, avec deux Antonov arrivés à Vatry mercredi et jeudi, ce qui correspond à environ 20 millions de masques. 

    « Entre le 30 mars et le 9 avril compris, nous avons reçu huit avions remplis essentiellement de masques », indique à Mediapart le responsable des cargos à Vatry, Yoann Maugran. Parmi eux, cinq ont été affrétés par Geodis, dont les quatre Antonov. Pour chaque Antonov, il estime « entre 8 et 10 millions le nombre de masques transportés ». Géodis travaillant à la fois pour l’État et le privé, on ignore à qui était destinée la cargaison du cinquième vol.

    Air France et CMA-CGM ont indiqué participer au « pont aérien », mais cette terminologie englobe l’ensemble des livraisons de masques depuis la Chine, y compris celles destinées aux entreprises (lire plus bas). Ces deux entreprises ont refusé de nous dire si elles livraient une partie des commandes de l’État. 

    Yoann Maugran n’a pas voulu nous donner de détails, mais indique que son aéroport a servi à acheminer 49 millions de masques, dont « environ 70 ou 80 % qui sont des commandes publiques ». Soit un total de quelque 40 millions de masques en deux semaines pour l’État livrés à Paris-Vatry, ce qui confirme notre estimation.

    Les vols du « pont aérien » opéré pour l’État par les Antonov de Geodis sont donc deux fois moins nombreux que prévu, pour des livraisons hebdomadaires de masques de seulement 20 millions, soit la moitié des besoins actuels. Depuis le 21 mars, l’État consomme en effet 40 millions de masques par semaine, alors même que leur distribution est strictement rationnée, en particulier en matière de masques protecteurs FFP2. 

    À ce rythme, il faudrait deux ans pour acheminer 2 milliards de masques. Le ministre des affaires étrangères Jean-Yves le Drian a pourtant déclaré le 7 avril sur BFMTV que « le pont aérien que nous avons mis en place se déroule et [que] les masques commandés arriveront […] d’ici la fin du mois de juin ».

    Reste à savoir si le problème vient de Geodis ou des quatre grands fournisseurs auxquels l’État a passé commande. Selon Olivier Véran, c’est la situation en Chine qui est en cause : « Parce que la Chine fait face à un risque de réémergence du virus sur son propre territoire, elle doit se préparer, a-t-il déclaré le 4 avril à Brut. Et donc c’est pas parce qu’on achète et qu’on commande des masques qu’ils vont forcément se retrouver livrés dans l’avion et ensuite qu’ils vont atterrir en France. C’est un enjeu du quotidien que d’être capables de faire en sorte que ces masques que nous avons commandés soient bien produits et qu’ils nous arrivent. […] C’est un travail diplomatique aussi qui est énorme. »

    Le ministre reconnaît ainsi que malgré les gigantesques montants commandés, la France n’a obtenu aucune garantie de ses fournisseurs en matière de volumes livrés chaque semaine, et dépend du bon vouloir du gouvernement chinois.

    Olivier Véran se défend en indiquant que vu la concurrence acharnée sur les achats de masques, tous les pays font face au même problème, et que « la France fait partie des pays qui ont commandé le plus tôt ». 

    Cette information est contredite par notre précédente enquête (à relire ici). Et l’exécutif, en refusant les offres que lui avaient faites plusieurs importateurs au mois de mars, a aggravé la pénurie. Ce choix est d’autant plus discutable que ces importateurs se sont mis au service des entreprises, à la demande de l’État et avec son soutien actif.

    Les entreprises mieux traitées que les hôpitaux 
    Tandis que les commandes d’État arrivent au compte-gouttes, c’est l’effervescence à Bercy. L’exécutif a fait, le 21 mars, un pari risqué. Alors même qu’il n’avait, à l’époque, aucune garantie sur ses volumes de livraison, le gouvernement a mis fin à la réquisition des masques et libéralisé presque totalement les importations. Seules les commandes de plus de 5 millions de masques sur un trimestre sont susceptibles d’être réquisitionnées, à condition que l’État le demande sous trois jours.

    Dès la parution du décret, le ministère de l’économie et des finances a créé, au sein de sa Direction générale des entreprises (DGE), une « cellule masques » chargée d’aider les entreprises à importer. Elle est autonome de la cellule interministérielle chargée d’approvisionner l’État pour le personnel soignant.

    Trois agents de la DGE sont mobilisés. Leur job ? Appeler les fournisseurs potentiels et vérifier leur sérieux avant de les référencer. Les hommes de Bercy n’ont aucun mal à en trouver, puisque le ministère de la santé leur a transmis les coordonnées des importateurs qui se sont manifestés avant le 21 mars. Depuis cette date, ceux qui contactent l’État pour fournir les soignants sont redirigés vers Bercy. 

    Le ministère de la santé leur envoie un courriel type, que Mediapart a consulté. « Considérant […] le nombre de contrats déjà signés par l’État pour assurer l’approvisionnement en masques des services de santé et d’autre part […] l’étendue des besoins à satisfaire hors personnel médical », les importateurs sont priés de contacter la cellule de la DGE. « De nombreuses entreprises sont à la recherche de fournisseurs pour répondre aux besoins qu’implique le maintien ou le redémarrage de leur activité », précise le ministère de la santé (notre document ci-dessous).

    Le message est clair : l’État a ce qu’il faut pour les hôpitaux, il faut désormais servir les entreprises pour limiter l’impact de l’épidémie sur l’économie française.

    Résultat : en moins d’une semaine, la cellule de Bercy est parvenue à dresser une liste de fournisseurs de confiance, compilés dans un tableur. Ce document, que Mediapart a récupéré, listait 32 importateurs dans sa version du 30 mars.

    Un second tableur concerne le « pont aérien avec la Chine » destiné aux entreprises privées. Il recense les contacts de commissionnaires de transport aérien, et a été réalisé pour faciliter les livraisons dans un contexte de forte diminution du trafic aérien. On y trouve les poids lourds français Bolloré Logistics, Ceva Logistics, filiale de CMA-CGM, mais aussi Geodis, qui assure des livraisons du gouvernement. 

    Ces documents ont été transmis par Bercy aux entreprises par l’intermédiaire des fédérations professionnelles, dont la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), qui regroupe les chaînes de supermarchés.

    Bercy y a ajouté un troisième avec ses instructions : il faut frapper vite et fort. Les commandes doivent être « massives », les « grands donneurs d’ordres » ayant pour mission de « commander des masques en très grandes quantités et au-delà de leurs propres besoins », pour les redistribuer au sein de leur filière. Comme les « capacités de production en Chine sont en train d’être saturées très vite, il y a urgence à commander et à mettre des flux réguliers », précise le ministère de l’économie (notre document ci-dessous).

    Consignes données par le ministère de l’Economie aux entreprises qui veulent importer des masques. © Document Mediapart
    Deux semaines après son lancement, la machine est aujourd’hui bien huilée. Selon un décompte effectué par Mediapart, les entreprises et les collectivités locales françaises, qui ont elles aussi passé de grosses commandes, ont déjà réussi à se faire livrer au moins 50 millions de masques, soit davantage que les 40 millions de livraisons à l’État que nous avons pu recenser, destinés au personnel soignant.

    Sollicités, les services du premier ministre, du ministère de la Santé et de Bercy n’ont pas souhaité commenter ces chiffres.

    Il y a eu par exemple l’atterrissage très médiatisé, le 30 mars à Roissy, de l’avion d’Air France affrété par Bolloré Logistics, avec à son bord 2,5 millions de masques offerts par LVMH à l’État, et 3 millions supplémentaires achetés par des entreprises comme Casino. L’aéroport de Paris-Vatry, où arrivent les masques de l’État, a réceptionné environ 10 millions de masques commandés par le privé. Et, selon nos informations, 13,5 millions de masques sont arrivés jeudi à l’aéroport de Roissy dans un avion de Qatar Airways Cargo.

    Et plusieurs dizaines de millions d’exemplaires supplémentaires sont attendus dans les prochaines jours. CMA-CGM a annoncé ce vendredi participer au « pont aérien » avec six vols par semaine, notamment affrétés auprès d’Air France, qui vont acheminer 20 millions de masques d’ici dimanche. Une partie de la cargaison serait destinée à l’État, selon Challenges. 

    Depuis le changement de discours des autorités sur la nécessité de porter un masque, toutes les entreprises en veulent, de la TPE au groupe du CAC 40, pour pouvoir reprendre leur activité à la sortie du confinement. Plusieurs importateurs de la cellule de Bercy tirent leur épingle du jeu par leur réactivité. Ces entreprises, dont plusieurs petites PME, sont pour la plupart bien introduites en Chine, où elles travaillent avec des fournisseurs depuis des années. Certaines y ont même développé des filiales au fil du temps.

    « Le masque est un dispositif médical, on l’oublie trop souvent. Et acheter ou importer des dispositifs médicaux depuis la Chine, ça ne s’invente pas. Des grands groupes français se sont fait bananer et viennent vers nous maintenant », explique Thibault Hyvernat, de la société Sterimed. « La puissance financière n’est vraiment pas le meilleur argument pour travailler dans la confiance avec les usines chinoises », appuie Bernard Malaise d’ID Services, en insistant sur la qualité des relations tissées au fil des ans avec ses fournisseurs chinois.

    Les tensions sur le marché sont telles que les prix ont été multipliés par 15 depuis le début de l’année, de 2 à 30 cents de dollar pour un masque chirurgical sorti d’usine. « Quand vous êtes en compétition avec des gens qui payent cash sans même prendre le soin de vérifier la marchandise, on est forcément perdants ! », expliquait Gian Luigi Albano, ancien responsable de la Consip, la plateforme d’achats publics nationale italienne, dans une enquête sur le « far west » de l’équipement médical diffusée sur Radio France (à retrouver ici). « Payer directement à la commande, les États acceptent de le faire pour leurs commandes, et, même ça, ça ne suffit plus ! », témoigne un importateur labellisé par Bercy.

    La situation autour des masques est si tendue en Chine que des policiers armés surveillent le chargement des camions à la sortie des usines. © D.R.
    Pour les importateurs interrogés, dont Olivier Colly, en capacité d’importer « 10 millions de masques ce mois », la « vraie problématique, c’est le transport ». « En temps normal, 80 % du fret se faisait dans les avions de ligne sous les passagers. Mais Shanghai, aujourd’hui, c’est un vrai champ de bataille. Un avion cargo complet, habituellement à 300 000 euros, vaut désormais 1 million d’euros, et les américains peuvent monter à 1,5 million ou 2 millions. »

    En plus des vols avec UPS ou Geodis, le fondateur de Medicofi s’est tourné vers une alternative inédite : le train. « Je ne l’avais jamais envisagé avant mais cela s’avère plus fiable, avec un délai de 19 jours entre la Chine et la France via la Russie, la Pologne et l’Allemagne », explique-t-il.

    Programmée dans dix jours, la prochaine livraison de 3 millions de masques de Thibault Hyvernat, qui a déjà « fait passer 2,5 millions de masques la semaine dernière », passera sur un appareil d’Air France qui « a enlevé des sièges dans un avion passager ».

    Difficulté supplémentaire : le marché chinois s’est encore durci depuis le 1er avril et l’instauration de nouvelles règles de contrôle à l’exportation. Après avoir largement subventionné la production de masques depuis janvier, le gouvernement chinois a restreint, pour mieux s’assurer de la qualité de la marchandise sortant du pays, à une liste de 500 noms le nombre d’entreprises autorisées à fournir le reste du monde.

    « Cela a remis à plat tous nos circuits d’approvisionnement. On court de tous les côtés pour trouver des solutions », explique Max Braha-Lonchant, du fournisseur Luquet-Duranton. Preuve de l’impact de la décision : les deux seuls vols Geodis prévus les 5 et 6 avril par Air France-KLM ont été annulés à cause « du changement de la réglementation des règles sanitaires en Chine ».

    « Les douanes chinoises sont de plus en plus tatillonnes. Avant il fallait trois-quatre documents à la douane, maintenant il en faut sept ou huit, note l’importateur Pierre-Michel Rogozyk. Il faut se mettre à leur place. Pour la Chine, c’est un enjeu de réputation mondiale. C’est un produit sanitaire que tout le monde veut, 130 pays ont besoin de masques en même temps. Les Chinois veulent que ce soit parfait. C’est l’heure H pour eux. » 

    Le président de la République Emmanuel Macron, le premier ministre Édouard Philippe et le ministre de la santé Olivier Véran, le 24 mars, à l’Élysée. © Ludovic MARIN/POOL/AFP
    Selon le porte-parole du ministère du commerce Gao Feng, en conférence de presse le 9 avril, pas moins de 130 pays et 14 organisations internationales ont signé des contrats de matériel médical avec des entreprises chinoises, ou sont en passe de le faire. Les statistiques des douanes chinoises indiquent que le pays a fourni 3,86 milliards de masques dans le monde entre le 1er mars et le 4 avril. « En deux mois, de janvier à mars, mon fournisseur a monté 33 lignes de production ! », explique Oliver Colly, de Médicofi.

    Ce vendredi 10 avril, les autorités ont annoncé, « avec effet immédiat », un nouveau durcissement des procédures de contrôle sur 11 produits médicaux à l’export, dont les masques, qui devront systématiquement être inspectés physiquement par les autorités avant le départ.

    Un importateur, qui souhaite rester anonyme, craint que le délai de passage en douane ne s’allonge et ne dure désormais « entre 7 et 14 jours ». « Entre le moment où la commande est passée et le moment où ça va arriver en France, il va se passer un mois. Il risque d’y avoir de grosses ruptures d’approvisionnement pour la France », redoute-t-il.

    Une stratégie gouvernementale incohérente 
    Interviewé le 4 octobre par Brut, le ministre de la santé Olivier Véran déclarait que l’ouverture des importations de masques aux entreprises et aux collectivités locales n’est « pas un grand succès, hélas ».

    Notre enquête montre exactement le contraire.

    Le succès des importations non étatique devient un problème politique majeur pour le gouvernement, qui voit des dizaines de millions de masques lui passer sous le nez, alors que sa mégacommande n’arrive que trop lentement. 

    Résultat : l’État a réquisitionné pour la première fois, le 2 et le 5 avril dernier, sur le tarmac de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, plusieurs millions de masques commandés par plusieurs collectivités, dont la région Bourgogne-France-Comté et le conseil départemental des Bouches-du-Rhône. Ce qui a provoqué la fureur des élus locaux, ces masques étant destinés aux personnels des Ehpad ou aux personnels d’aide à domicile.

    L’affaire illustre au passage la faiblesse de l’État. Sa région étant l’une des plus touchées par la pandémie, l’ARS Grand Est avait pris l’initiative de passer elle-même commande de 6 millions de masques, « en complément des stocks stratégiques nationaux, pour approvisionner les établissements sociaux et médico-sociaux, ainsi que les professionnels de santé libéraux », a-t-elle indiqué à Mediapart. 

    Mais la cargaison des deux avions qui ont atterri à Bâle-Mulhouse, chargés de masques destinés à la fois à l’ARS et à plusieurs collectivités, a été moins importante que prévu. La préfecture a donc fait saisir l’intégralité des masques, afin que l’ARS soit servie en premier.

    Le gouvernement aurait fini par reconnaître « une méthode inopportune » et aurait promis aux collectivités de ne plus se servir « sans prévenir », lors d’une vidéoconférence avec les présidents des trois grandes associations d’élus locaux – mairies, départements et régions, selon Le Monde.

    Dans le même temps, aucune réquisition de masques destinés aux entreprises privées n’a été dévoilée à ce jour. Le gouvernement a refusé de nous dire s’il avait déjà saisi des commandes privées.

    Cette incohérence apparente s’explique en partie par le seuil minimum de réquisition de 5 millions de pièces que le gouvernement a lui-même fixé et que plusieurs collectivités ont dépassé. Mais comme la majorité des commandes des entreprises sont en dessous du seuil, l’État s’est privé du moyen de les saisir. 

    C’est d’autant plus dommage que Bercy connaît très bien l’état des stocks privés : selon nos informations, la DGE demande à toutes les entreprises de lui rapporter chaque semaine, via un tableur informatique, le nombre de masques commandés et livrés.

    L’État ne devrait-il pas abaisser le seuil pour récupérer les commandes des entreprises, au lieu de déshabiller les Ehpad ? Le ministère de la santé et Bercy n’ont pas souhaité répondre. 

    Un importateur confie qu’il a « peur d’être réquisitionné » à l’avenir : « Ce n’est pas un problème en soi s’il y a un besoin urgent. Mais à aucun moment, le gouvernement ne nous a dit quand on serait ensuite payés et à quel tarif. Comment on fait si on a déjà payé la marchandise et un client à livrer ? » Interrogé, Bercy n’a pas répondu sur ce point non plus.

    Certains importateurs référencés par Bercy nous ont indiqué avoir renoncé à commander des FFP2 pour des raisons éthiques, limitant le stock privé qui pourrait éventuellement être réquisitionné à l’avenir par l’État pour les hôpitaux. « Je n’en importe pas, pour moi ils doivent être réservés au personnel soignant, qui n’en a pas assez », explique Christine Tarbis, de l’entreprise À pas de géant. 

    « Je pense qu’on pourrait ouvrir un centre d’approvisionnement unique pour tout le pays, avec une gestion par les plus gros logisticiens », suggère un autre professionnel référencé par le ministère de l’économie. Son plan : « On bourre cet entrepôt, qui approvisionne tout le monde ensuite, de la boulangerie de quartier qui doit reprendre son activité au plus grand des hôpitaux, en définissant des priorités. »

    L’importateur a suggéré l’idée à plusieurs conseillers ministériels par courriel mais ne veut pas les accabler : « Ils n’ont sans doute pas le temps d’organiser cela, ils font de leur mieux et doivent agir vite. »

    Au début de sa mise en place, la secrétaire d’État à l’économie Agnès Pannier-Runacher avait précisé que la « cellule entreprises » se fournissait auprès de fabricants chinois « de plus petite taille », les « volumes les plus importants » étant « fléchés » en priorité vers la cellule qui fournit l’État.

    Mais, là encore, cette approche est démentie par les faits. « On a des très grosses boîtes du CAC 40 qui sont sur des commandes de 7 millions de masques, et qui répartissent sur deux fournisseurs pour assurer. Un groupement de pharmaciens est venu nous voir pour 120 millions de chirurgicaux. On est en train de voir comment on pourrait faire », explique Pierre-Michel Rogozyk. 

    Et même les hôpitaux, pourtant censés être fournis par l’État, cherchent à acheter en direct via les fournisseurs sélectionnés par Bercy. « J’ai eu des demandes de la part d’hôpitaux, raconte l’importateur Mathieu Madec, gérant de la société angevine GMAD. Mais je n’ai pas pu les honorer, faute de solution sur les modalités de financement. Ces établissements ne sont pas en mesure d’avancer l’argent pour des millions de masques. » 

    L’entrepreneur s’est allié à un commissionnaire pour fournir aux établissements de santé une solution 100 % privée, hors du pont aérien : « J’ai la capacité à trouver les masques, il a des avions privés pouvant effectuer des rotations avec 6 millions de masques à bord par semaine. Et nous avons un groupement de dix hôpitaux intéressés. Nous allons peut-être y arriver. »

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    Boite noire

    Nous avons envoyé des questions écrites jeudi à 14 heures au ministre de la santé Olivier Véran, à la secrétaire d’État à l’économie Agnès Pannier-Runacher, au ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et au premier ministre Édouard Philippe, en leur donnant un délai de 24 heures pour répondre. Au regard des circonstances exceptionnelles, nous avons pris soin de limiter au maximum nos questions (10 séries de questions au maximum pour le ministère de la santé).

    Matignon et le Quai d’Orsay n’ont pas répondu.

    Jeudi à 16 h 50, le conseiller presse d’Agnès Pannier-Runacher nous a écrit qu’il ne serait possible de nous répondre que « dans le courant du week-end ». Nous avons accepté de retarder notre bouclage jusqu’à vendredi 18 heures, mais pas au-delà, en soulignant que nos questions étaient simples, peu nombreuses, ne nécessitaient pas de travail de recherche particulier et que Bercy et la secrétaire d’État connaissaient parfaitement le sujet des masques, sur lequel ils ont déjà communiqué. Après d’autres échanges, le conseiller presse d’Agnès Pannier-Runacher nous a répondu vendredi à 17 h 47 que le ministère de la santé centralisait « les réponses du gouvernement » et allait nous « répondre ».

    Le service de presse du ministre de la santé Olivier Véran a accusé réception de nos questions, jeudi à 15 h 20, tout en indiquant que notre délai « n’est pas envisageable vu la charge de travail de [ses] équipes ». Nous avons alors décidé, en soulignant l’importance de ce sujet d’intérêt public majeur, d’accorder un délai exceptionnel pour que le ministère puisse nous répondre. Nous avons ainsi décidé de décaler le bouclage de notre enquête au vendredi à 18 heures. Jeudi soir, à 19 h 45, le ministère nous a indiqué qu’il « essayer[ait] de [nous] répondre dans les meilleurs délais ». Vendredi à 21h45, nous n’avions toujours rien reçu.

    Étant donné cette situation, que nous regrettons, nous avons choisi de publier nos questions aux ministères et à Matignon dans l’onglet Prolonger. Nous intègrerons les réponses de l’exécutif à cet article si elles nous parviennent.

    Nous avons contacté jeudi par courriel les quatre gros fournisseurs de masques « privilégiés » par l’État pour sa mégacommande : Segetex EIF, Aden Services, BYD et Fosun. Seul Fosun nous a répondu, pour nous signifier son refus de répondre : « Pour plus d’informations sur les questions d’approvisionnement, merci de contacter le ministère français de la santé. Comme vous l’avez souligné, Fosun ne produit pas lui-même de masques. Cependant, Fosun est une entreprise mondiale ancrée en Chine, très impliquée dans les initiatives de responsabilité sociale et environnementale. Nous essayons de mobiliser autant que possible nos ressources mondiales pour soutenir les pays touchés par la pandémie. »

    Geodis, chargé d’organiser le « pont aérien » pour rapatrier les masques commandés par l’État en Chine, a refusé de nous répondre : « Comme c’est le cas pour l’ensemble de nos clients, nous ne sommes pas en mesure de partager de plus amples informations sur le contenu des contrats qui nous lient. »

    Contactée mercredi par courriel à deux reprises, la compagnie russe Volga-Dnepr, choisie par Geodis pour acheminer dans ses Antonov les masques commandés par l’État, n’a pas répondu. 

    Yoan Maugran, responsable de l’activité cargo à l’aéroport de Paris-Vatry, où atterrissent les Antonov affrétés par Geodis, nous a répondu jeudi par téléphone.

    L’ARS Grand Est nous a répondu vendredi par courriel.

    Nous avons pu nous entretenir avec neuf entrepreneurs qui ont fait des offres d’importation de masques à l’État au mois de mars, et dont six figurent aujourd’hui dans la liste des fournisseurs de confiance établie par la « cellule masques » de Bercy afin d’aider les entreprises à s’approvisionner. La plupart de ces importateurs ont souhaité rester anonymes. Ils nous ont fourni de nombreux documents attestant de leurs échanges avec l’État et de leurs relations avec des fournisseurs de masques chinois (courriels, photos, certificats de conformité, etc.).

    Afin de dresser un état des lieux des commandes privées de masques, Mediapart a contacté l’ensemble des importateurs listés dans le fichier de la Direction générale des entreprises, soit 32 sociétés. Dix-huit d’entre elles ont accepté de nous répondre, certaines en demandant l’anonymat et/ou à relire leurs citations avant publication. 

    Nous avons demandé à chacun le nombre (approximatif) de masques FFP2 commandés, et le nombre de masques déjà reçus et livrés à ce jour. Nous les avons interrogés sur la nature des commandes : privées ou publiques, sur les modalités de rapatriement des marchandises, ainsi que sur les difficultés qu’ils pouvaient rencontrer pour servir leurs clients.

    Certaines entreprises privées, telles que BNP Paribas, ont été jointes afin de connaître leurs modalités d’approvisionnement en masques mais n’ont pas souhaité s’exprimer.

    Nous avons contacté par SMS, puis par téléphone, les commissionnaires de transport sélectionnés par la « cellule masques » de Bercy pour aider les entreprises à transporter les masques qu’elles commandent en Chine. Ils ont pour la plupart refusé de s’exprimer, nous ont renvoyé vers les services de communication ou n’ont pas répondu.

    Le transporteur ACS France, qui a effectué au moins une livraison de masques à l’aéroport de Paris-Vatry, a refusé de s’exprimer sur les destinataires des cargaisons : « Ce sont les consignes que nous avons reçues, ne pas communiquer sur Vatry. » 

    Bolloré Logistics n’a pas répondu. L’attachée de presse du groupe nous a indiqué ne pas avoir pu recueillir les éléments que nous avions demandés.

    Ceva Logistics, filiale de CMA-CGM, nous a demandé de préciser nos questions par courriel, ce que nous avons fait. Nous n’avons reçu aucune réponse.

    Air France-KLM Cargo nous a répondu via son service de presse, avec lequel nous avons échangé à plusieurs reprises par téléphone et SMS mardi, mercredi et jeudi. 

    Le service de presse de Qatar Airways, qui ne fait pas partie des transporteurs aériens recommandés par Bercy mais a effectué des livraisons de masques en France, a été contacté par courriel mercredi. Nous avons reçu une réponse automatique indiquant que la compagnie avait du mal à traiter le grand nombre de demandes reçues, mais qu’« un membre de l’équipe [de communication] lira [n]otre courriel et [n]ous contactera […] s’il nous est possible de [n]ous aider ». Nous n’avons pas reçu de réponse à nos questions.

    #masques #soignants #économie #Olivier_Véran

    • « Masques pour tous : l’exécutif navigue à vue et comme le dit parfaitement #Ruffin, nous sommes confinés non à cause du virus mais en raison de leur nullité !!! »

      Masques pour tous : l’exécutif navigue à vue

      https://www.mediapart.fr/journal/france/100420/masques-pour-tous-l-executif-navigue-vue

      Peinant à renflouer ses stocks, le gouvernement continue de se retrancher derrière le « consensus scientifique » pour repousser l’obligation de porter un masque dans l’espace public. Cette mesure paraît inéluctable dans la perspective d’un déconfinement qui, faute de matériel, n’est vraiment « pas pour demain ». En attendant, le pouvoir cafouille.

      L’argument ne passe plus. Il a beau être répété sur tous les tons, dans les médias ou à l’Assemblée nationale, il ne passe plus. Jeudi 9 avril, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye s’est de nouveau attiré les foudres de l’opposition en déclarant sur France Info qu’il n’existait aucune « doctrine en France tendant à dire qu’il faut porter le masque en population générale ». Le gouvernement prendra une éventuelle décision en la matière « dès lors que nous pourrons la bâtir sur un consensus scientifique », a-t-elle ajouté.

      « Ce n’est pas le consensus scientifique qui manque, ce sont les masques ! Arrêtez de mentir aux Français ! Qu’attendez-vous pour planifier la production et la distribution ? », a questionné le député La France insoumise (LFI) Bastien Lachaud. « Nous savons que la pénurie n’est pas de votre seul ressort, mais s’il vous plaît, cessez de nous prendre pour des abrutis. Est-ce si difficile de s’abstenir de mentir ? Nous ne demandons pas de miracle, juste le respect de notre intelligence », a également commenté le député européen Raphaël Glucksmann.

      Deux jours plus tôt, au Palais-Bourbon, le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran expliquait déjà qu’il n’y avait « aucune décision de recommandation du port du masque, ni obligatoire, ni recommandé, en tout cas à ce stade, pour la population générale ». En tout cas à ce stade. Toute la stratégie de l’exécutif, qui navigue au jour le jour, au gré des inconnues qui se présentent à lui, est résumée dans cette formulation. « On adapte la doctrine en fonction de la disponibilité des stocks, reconnaît un conseiller. Il n’y a rien d’autre à comprendre. »

      Peinant à renflouer les stocks en question pour fournir du matériel aux soignants, le pouvoir se retranche depuis le début de la crise sur les divergences scientifiques afin de justifier ses propres tâtonnements. Les ministres citent ainsi régulièrement les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, selon les dernières déclarations de Sibeth Ndiaye, « ne recommande pas le port du masque dans la population en général ». En vérité, il s’agit là d’une conclusion un peu courte tirée des avis rendus par l’agence internationale.

      Certes, comme l’a récemment reconnu le directeur général de l’institution, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, « il n’y a pas de réponse binaire, pas de solution miracle ». Pour autant, « le port d’un masque médical est l’une des mesures de prévention qui peut limiter la propagation de certaines maladies respiratoires virales, dont le Covid-19 », peut-on lire dans cette notice de l’OMS, datée du 6 avril. Au mois de février, l’agence internationale indiquait effectivement qu’il n’était pas nécessaire que les personnes asymptomatiques en portent. Mais elle précisait alors que cette recommandation visait notamment à préserver le marché.

      Voilà des années que les scientifiques insistent sur le fait que le port du masque n’est pas un gage en soi. Il faut savoir l’utiliser correctement et associer cette utilisation à « d’autres mesures d’ordre général », dont les fameux « gestes barrières ». Mais jamais ils n’ont dit que les masques ne « ne servaient à rien », comme l’a souvent martelé l’exécutif pour éviter de parler de pénurie. « Il aurait sans doute été plus simple d’expliquer qu’il n’y a pas assez de masques pour 68 millions de personnes, souffle un conseiller ministériel. Aujourd’hui, ça paraît évident que cette communication était absurde. »

      D’autant plus évident que les enquêtes d’opinion, sur lesquelles le pouvoir garde les yeux rivés, l’attestent. « Ils sont très inquiets par les derniers sondages qui disent qu’une grande majorité des Français pensent qu’ils ont menti sur le sujet », indique un autre membre de cabinet. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Emmanuel Macron souhaite « reprendre la main » en s’exprimant lundi 13 avril au soir, dans une allocution que certains présentent comme « décisive ». Un exercice visant à clarifier la donne après des semaines de communication en zigzag, rythmées par un renouvellement du confinement tous les 15 jours.

      Ce qui a été fait jusqu’ici par le président de la République n’a pas franchement aidé à la compréhension. Une rhétorique guerrière critiquée dans ses propres rangs, des déplacements jugés inutiles, des images catastrophiques d’un bain de foule en Seine-Saint-Denis, une visite surprise au professeur Didier Raoult, interprétée comme un blanc-seing donné à ses études sur l’hydroxychloroquine, qui suscitent de vives controverses au sein de la communauté scientifique… Et derrière cette « politique spectacle », pour reprendre les mots du président de la fédération des Médecins de France Jean-Paul Hamon, une seule question, toujours en suspens : comment envisager un début de déconfinement en l’absence de masques et de tests ?

      La France a officiellement commandé 2 milliards de masques à la Chine, lesquels sont censés être livrés par « toute une série de vols qui vont s’échelonner d’ici la fin du mois de juin », a récemment indiqué le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, sur BFMTV. À ces importations s’ajoute la production française que le chef de l’État avait promue le 31 mars, depuis l’usine Kolmi-Hopen, dans le Maine-et-Loire. Mais cela ne suffira pas pour l’ensemble de la population. « Si on considérait que 100 % des Français devaient porter un masque en en changeant toutes les quatre heures, cela nous ferait 248 millions de masques par jour. Sur cent jours, il faudrait 24 milliards de masques… », notait Olivier Véran, dès le 24 mars

      Dans son avis du 2 avril, le conseil scientifique, présidé par Jean-François Delfraissy, soulignait la nécessité de préparer, dans le cadre de la stratégie post-confinement, « la disponibilité des protections matérielles comme les gels hydroalcooliques et les masques à l’usage des personnels soignants, des personnes en situation d’exposition au virus en priorité, puis à l’ensemble de la population, comme en Asie ». Pour l’heure, cette disponibilité, s’agissant des masques FFP2 et chirurgicaux, est loin d’être acquise. On comprend dès lors pourquoi Édouard Philippe répète que « le déconfinement n’est pas pour demain ».

      Faute de stocks et face à un marché international de plus en plus tendu, une autre option se profile : celle de l’utilisation de masques dits « alternatifs ». Actant la pénurie, l’Académie de médecine s’est prononcée en faveur du port obligatoire « d’un masque grand public anti-projection, fût-il de fabrication artisanale dans l’espace public », en période confinement et après. Dans la foulée, le directeur général de la santé Jérôme Salomon a lui aussi « encouragé le grand public, s’il le souhaite, à porter des masques alternatifs ».

      Ces propos ont laissé penser à un changement de doctrine du gouvernement, qui a été contraint de redresser le tir, alors que les tutoriels de confection artisanale fleurissaient sur Internet et que la mairie de Paris annonçait vouloir fournir deux millions de masques en tissu réutilisables à ses administrés. « C’était vraiment une phrase malheureuse… », regrette un conseiller. Pour le moment, l’exécutif s’en tient à l’avis rendu fin mars par la Société française des sciences de la stérilisation (SF2S) et la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H), selon lequel « il n’existe pas de preuve scientifique de l’efficacité des masques en tissu ». Les masques FFP2 et chirurgicaux sont les seuls dont il est aujourd’hui attesté qu’ils offrent une protection.

      Le problème reste donc entier : il n’y en a pas assez pour tout le monde. Mais au lieu de le dire clairement, le pouvoir continue de s’enferrer dans une communication inaudible, qui agace même ses soutiens. « Le masque est un “geste barrière”, c’est du bon sens. Ne tergiversons pas », a fait valoir l’ancien ministre de l’écologie François de Rugy. En masquant les difficultés qu’il rencontre pour obtenir du matériel de protection, le pouvoir ne fait pas qu’entretenir la confusion : il s’attire aussi les foudres des collectivités locales. Il y a quelques jours, ces dernières dénonçaient les réquisitions de leurs commandes personnelles, opérées par la préfecture du Grand Est, à même le tarmac de l’aéroport Bâle-Mulhouse.

      « C’est un manque de responsabilité absolu de la part du gouvernement », s’était énervée, dans un communiqué, la présidente Les Républicains (LR) du département des Bouches-du-Rhône Martine Vassal, évoquant « un nouveau scandale d’État ». Assurant qu’il n’était pas question de lancer une « guerre des masques », le ministre de l’intérieur Christophe Castaner a convenu que « la méthode [avait] été mauvaise ». « Il n’y a pas eu de réquisition », a-t-il toutefois juré devant le Sénat, en parlant de « droit de tirage prioritaire ». Cette dénégation n’a pas tardé à être mise à mal par L’Est Républicain, qui a publié un arrêté du préfet du Haut-Rhin « portant réquisition de masques chirurgicaux dans le cadre de la gestion du Covid-19 ».

      En Île-de-France, une partie des millions de masques commandés par la région a été donnée à l’Agence régionale de santé (ARS) pour qu’elle se charge de la distribution, notamment dans les Ehpad, qui rencontrent toujours de grandes difficultés. « L’État veut tout gérer tout seul, mais ils sont clairement embêtés, confie un cadre de la collectivité dirigée par Valérie Pécresse. Ils ne calculent pas les régions, c’est tout le problème du pouvoir de Macron depuis le début du quinquennat d’ailleurs. » Jeudi 9 avril, une réunion s’est tout de même tenue entre l’exécutif et les dirigeants d’associations d’élus pour calmer les esprits. Plusieurs participants ont souligné les difficultés de coopération avec les ARS, qualifiées de « baronnies », rapporte Le Monde.

      Côté appareil d’État, certains confirment que la « centralisation » des décisions et la « compétition » qui s’est engagée entre les différents services ralentissent les procédures. Ils décrivent « une instabilité totale du dispositif » de crise, des gens qui partent, des gens qui arrivent, des « bagarres » pour assurer le pilotage de tel ou tel dossier. Sans compter l’énergie folle dépensée par les uns et les autres pour préparer les argumentaires dans la perspective des futures commissions d’enquête. « Ils savent qu’on va déjà leur reprocher beaucoup, ils ne veulent pas en rajouter, explique un conseiller. Ils sont terrorisés par le code des marchés publics. »

      Parmi les soutiens d’Emmanuel Macron, d’autres en profitent pour pointer une nouvelle fois les lourdeurs de la technostructure et la nécessité d’un « reset » à l’issue de la pandémie – oubliant encore et toujours que le président de la République en est le pur produit. « Des commandes rapides et efficaces ? Ils ne savent pas faire », tranche l’un d’entre eux, visant « les technos de Matignon ». Dans les cabinets ministériels, les plus optimistes préfèrent souligner qu’« on est désormais dans une situation moins délicate qu’au début » de la crise. Moins délicate peut-être, mais délicate quand même.

  • « Après la réanimation, il faut réentraîner le cœur et les poumons à l’effort »- Journal de crise des blouses blanches, Episode 18 
    https://www.lemonde.fr/journal-blouses-blanches/article/2020/04/10/journal-de-crise-des-blouses-blanches-apres-la-reanimation-il-faut-reentrain

    « Le Monde » donne la parole, chaque jour, à des personnels soignants en première ligne contre le coronavirus. Ils racontent « leur » crise sanitaire.

    Ils travaillent à l’hôpital ou en médecine de ville, ils sont généralistes, infirmiers, urgentistes ou sages-femmes : une quinzaine de soignants, en première ligne contre la pandémie de Covid-19, ont accepté de nous raconter leur quotidien professionnel. Chaque jour, dans ce « journal de crise », Le Monde publie une sélection de témoignages de ces « blouses blanches ».

    Thomas Gille, pneumologue à l’hôpital Avicenne, Bobigny (Seine-Saint-Denis).

    « Globalement, le “plateau” observé ces derniers jours se confirme. Hier, durant ma garde, il y avait deux places disponibles sur les trente-deux en réanimation, et elles n’ont pas été pourvues de la nuit. Cela faisait plusieurs semaines que ce n’était pas arrivé. J’ai pu dormir deux heures. La dernière fois, c’était vingt minutes.

    La nuit dernière, en pneumologie, j’ai eu deux entrants : une octogénaire avec des comorbidités, chez qui il a été jugé déraisonnable de proposer une intubation ; et une autre patiente de 40 ans sans antécédents. On le constate de manière évidente depuis le début de la crise, nous avons en majorité des patients en surpoids ou obèses, voire très obèses, et on a aussi beaucoup de patients avec une hypertension ou un diabète.

    D’autre part, dans le 93, on a habituellement des patients de toutes origines, mais avec cette crise, on a l’impression que les patients noirs sont encore plus représentés. J’ai lu que c’était le cas aussi aux Etats-Unis. On ne sait pas si c’est un facteur génétique ou bien si c’est très corrélé au niveau social.

    Depuis le début de la semaine, on discute de la manière dont on va pouvoir reprogrammer, dans les jours à venir, des chirurgies repoussées et des plages de consultation ou d’hospitalisation pour des patients non infectés. Il faudra trouver le bon équilibre, surtout qu’on ne sait pas comment va s’effectuer la redescente. On ne peut pas fermer toutes les unités Covid. Le risque, c’est qu’on assiste à une sorte de stop and go. On est partis pour plusieurs mois de fonctionnement inhabituel, il va falloir rester souples et adaptables.

    Autre problématique : il ne faut pas que les patients non-Covid puissent être infectés, donc il faut réfléchir à des circuits différents. Il faudra aussi redoubler de vigilance pour les soignants, certains pouvant être porteurs asymptomatiques. La sérologie pourra nous aider afin de ne faire travailler que des soignants immunisés. Mais il y a encore beaucoup d’interrogations, de zones d’ombre : quelle est la protection conférée par l’immunité ? Et si elle protège, pendant combien de temps ? »

    Michel Carles, 59 ans, chef du service de réanimation du CHU de la Guadeloupe

    « Nous voyons arriver des patients à un rythme régulier. Parmi eux, certains n’avaient pas voulu être suivis à l’hôpital ou avaient été renvoyés à leur domicile, mais leur état s’est réaggravé dans un second temps. Le nombre de cas à venir reste donc une grande inconnue, parce qu’un grand nombre de malades, restés chez eux, sont susceptibles de revenir.

    On nous avait conseillé d’arrêter les visites dans le service de réanimation pour limiter le risque de contamination, mais face à la détresse des familles, nous avons décidé d’autoriser une personne par patient pendant une heure, un jour sur deux, en prenant toutes les précautions nécessaires. Cela ne nous paraissait pas acceptable de ne leur donner aucun accès.

    « J’ai été marqué par un patient en réa dont la mère, qui avait elle aussi attrapé le Covid, est morte pendant qu’il était inconscient »
    Quand il y a un décès, on autorise, de façon exceptionnelle, deux ou trois personnes à venir se recueillir auprès de leur proche. Le coronavirus étant bien compris comme un danger mondial, invisible et mortifère, il y a comme une fatalité.

    Certaines situations sont particulièrement douloureuses. J’ai été marqué par un patient que nous avons eu en réa et dont la mère, qui avait elle aussi attrapé le Covid, est morte pendant qu’il était inconscient. Quand il s’est réveillé, personne n’a eu le cœur de lui annoncer la nouvelle pendant plusieurs jours. Sa femme ne s’en sentait pas le courage non plus, alors elle nous a demandé de le faire – ce que j’ai fait. C’est difficile de devoir annoncer à ces personnes passées si près de la mort que d’autres n’ont pas eu leur chance. »

    Laurent Carlini, 33 ans, médecin généraliste et urgentiste à Ajaccio (Corse-du-Sud)

    « Cette semaine, les tout premiers patients sont sortis de réanimation. Ça fait du bien ! Ils sont trois, en bonne santé. C’est une victoire, on a la satisfaction d’avoir accompli une partie de notre mission, même si on reste très prudent. On ne sait pas encore si on a passé le pic épidémique, mais cela donne de l’espoir pour la suite.

    Ces patients sortis de réa étaient les premiers à y être entrés. Ils ne sont pas rentrés chez eux dès leur sortie : certains sont allés dans d’autres services de l’hôpital pour être stabilisés, d’autres dans un centre de rééducation et de réadaptation. Cette étape est cruciale, car un alitement prolongé entraîne une fonte musculaire, donc il faut réentraîner leur cœur et leurs poumons à l’effort, se réadapter à la marche, et faire de la rééducation cardio-pulmonaire. La durée de ces soins de suite dépendra de l’âge et des antécédents de chacun.
    L’autre bonne nouvelle, c’est qu’on a réussi à nouer très vite un partenariat entre l’hôpital et les médecins libéraux de la maison de santé attenante, dont je suis responsable. Ils pourront travailler à l’hôpital pendant un mois, car deux praticiens hospitaliers ont dû être arrêtés après avoir contracté le Covid-19. D’habitude, ce genre d’accord entre l’hôpital et les médecins libéraux prend un temps fou. Là, on a pu trouver une solution très vite pour s’adapter aux besoins. C’est quasiment du jamais-vu. »

    Ophélie Mauger, 25 ans, infirmière au CHU de Nantes (Loire-Atlantique)

    « Ces deux derniers jours, j’étais aux urgences. L’affluence y est beaucoup moins forte, c’est très frappant. On est à 50 % d’activité classique. On reçoit surtout des personnes âgées de plus de 75 ans – souvent des hommes – et parfois quelques jeunes femmes ou jeunes hommes.

    Malgré le fait que le virus est dans le pays depuis plus d’un mois, les patients sont toujours aussi anxieux à l’idée de le contracter. Dès qu’on leur dit qu’il y a une suspicion de Covid, ils s’inquiètent beaucoup sur la suite de leur prise en charge. Tout devient anxiogène, ils ont peur que ce soit grave et qu’ils aient pu contaminer leurs proches.

    Une chose m’a surprise depuis le début de la crise : alors que durant nos études on nous apprend à bien vérifier que chaque dispositif, chaque médicament, a une date de péremption conforme, là, aux urgences, on a des masques périmés depuis 2014. Je n’aurais jamais imaginé assister à de telles pénuries de matériel dans les hôpitaux français. Ni vivre une pandémie comme celle-ci, due à un virus. Je m’attendais davantage à une crise liée aux antibiotiques car on a de plus en plus de patients qui ont des bactéries résistantes. Il y a peu de recherche sur les antibiotiques. On risque, à un moment donné, de ne plus pouvoir soigner les infections car plus rien ne sera suffisamment efficace.

    Cette crise me permet aussi d’en apprendre plus sur le système respiratoire, sur la façon de surveiller plus étroitement nos patients. Notre médecine va devoir évoluer : nous allons être confrontés à de nombreux problèmes pour tous les patients chroniques qui ont été mal suivis pendant le confinement. On va peut-être développer nos compétences en télémédecine.

    Cette épreuve peut changer beaucoup de choses sur la façon dont on accueille les patients, sur les règles d’hygiène… On remet en question nos pratiques. Du positif sortira de cette crise. Elle nous aidera à évoluer dans notre manière de travailler. »

    Yann Bubien, 47 ans, directeur général du CHU de Bordeaux (Gironde)

    « Parmi les dix-sept patients venus du Grand-Est au CHU de Bordeaux, de moins en moins se trouvent en réanimation. Tous les jours, il y en a qui quittent la réa pour une hospitalisation dans un lit sans respirateur. Un premier patient venu du Grand-Est a pu rentrer en ambulance chez lui, en Alsace, après trois semaines de réanimation à Bordeaux. Il est guéri.
    Le retour vers le Grand-Est des patients hospitalisés chez nous, c’est un symbole fort. Ce patient venait de l’hôpital de Mulhouse, l’endroit où on a connu les pires tensions ces dernières semaines. Il était arrivé dans le coma, par avion militaire. Savoir qu’il est aujourd’hui chez lui, c’est extrêmement gratifiant. C’est très satisfaisant pour les soignants de voir que leurs efforts sont récompensés par la guérison des patients. On a des décès aussi, évidemment. Mais tous les jours, des patients guérissent. »

    Retrouvez tous les précédents épisodes du « Journal de crise des blouses blanches »
    https://www.lemonde.fr/journal-blouses-blanches

    Une série de Le Monde qui vaut réellement la peine au vu de la richesse effectivement experte (expérimentée) qu’elle propose, depuis le ras du terrain, par delà tel ou tel biais auto-satisfait (dans cet article l’exception ajaccienne de la coopération avec les structures privées, au titre des "bonnes pratiques" peu mises en oeuvre) ou occultations (la pénurie, évoquée, mais toujours au détour d’un accent mis sur le défi sanitaire relevé ; aucune mention des salaires horaires de diverses catégories impliquées ou de la réquisition quais gratuite des élèves sous la forme des stages obligatoires pour valider les formations, etc.). On y constate une formidable plasticité de l’hôpital (malgré tout) et on trouve des infos inédites (par exemple, dans cet épisode des éléments sur les sorties de #réanimation, les difficultés d’une #immunité dont on ne sait pas grand chose, dans d’autres, le 93). Un antidote à l’héroïsation du fait même de souligner l’existence d’une communauté soignante, informée (ça lit les papiers scientifiques et médicaux mais aussi les articles de presse, par exemple sur les Afro-américains pour en partage des synthèses avec les collègues).

    #Covid_19 #hôpital #soignants

    • Journal de crise des blouses blanches : « Comment va-t-on vivre après le 11 mai ? Quel sera notre été ? »
      https://www.lemonde.fr/journal-blouses-blanches/article/2020/04/23/journal-de-crise-des-blouses-blanches-comment-va-t-on-vivre-apres-le-11-mai-

      Il y a toujours des choses à glaner dans cette série en libre accès. Parfois les experts de terrain sont très cash, d’autres fois plus circonspects. Ainsi on ne sait toujours pas grand chose de ce qui dénote des limites des thérapeutiques mises en couvre à l’hôpital, et par exemple des 30% de patients mis en "ventilation intensive" qui survivent.

      Réa

      Chaque service a pris en charge ses patients en faisant de son mieux, mais il n’y a pas eu de consensus fort sur ce qu’il faut faire. Quand intuber les patients ? Comment gérer leur confusion au réveil ? Quel mode de sevrage ventilatoire adopter ? Quelle est la place des traitements d’oxygénation non invasifs ? Les réponses ont été assez empiriques jusque-là. Nous avons procédé par analogie avec les syndromes de détresse respiratoire aiguë que nous connaissons, mais nous voyons bien que la situation induite par le Covid est très différente. Certaines interventions sont peut-être délétères, mais seules des études rigoureuses permettront de le dire.

      « Je n’ai jamais pensé au risque d’infection pour moi-même » [dit un réanimateur jeune et en bonne santé, ndc]
      Les patients à qui on a le plus rendu service sont ceux qui n’ont pas eu besoin d’intubation, mais “seulement” d’oxygénation à haut débit. Ils ont eu la chance d’avoir une forme moins sévère de la maladie.

      Infirmière en ville

      Je me transforme de plus en plus en femme-orchestre. Ce matin, je retrouve une de mes patientes avec une rage de dents carabinée. Je préviens son fils : après avoir galéré comme un malade, il réussit à trouver un dentiste qui fait une consultation téléphonique, avec photo du visage et description de la douleur. Mais la prescription d’antibiotiques et de bains de bouche, c’est moi qui suis allée la chercher à la pharmacie. Une autre de mes patientes, qui voit très mal, doit envoyer en urgence des formulaires pour un changement de logement social. D’habitude, elle se fait aider par son assistante sociale, mais celle-ci est aux abonnés absents. Je me suis donc retrouvée à essayer tant bien que mal de gérer ses papiers.

      Se faire carotter, ou pas ?

      « Nos discussions tournent beaucoup autour de la fameuse prime de 1 500 euros pour les soignants, annoncée par le gouvernement. On est unis pour dire que c’est davantage une carotte, ou quelque chose pour nous faire taire, qu’une revalorisation. Cela revient à mettre de côté nos problématiques. [infirmière urgentiste, 26 ans, ]

    • Journal de crise des blouses blanches : « Dans les équipes, la prime individuelle ne plaît pas »
      https://www.lemonde.fr/journal-blouses-blanches/article/2020/04/25/journal-de-crise-des-blouses-blanches-dans-les-equipes-la-prime-individuelle

      Pneumologue à l’hôpital Avicenne, Bobigny (Seine-Saint-Denis)

      Nous sommes en train de réintégrer nos locaux habituels, avec l’idée qu’on fera peut-être à nouveau le chemin inverse dans quelques semaines. Ce n’est pas angoissant, mais il faut qu’on soit prêts. Lorsque chacun a dû arrêter son activité habituelle, c’était assez simple d’aller tous dans une même direction. La “redescente”, c’est un peu plus compliqué. Tout le monde a des patients qui avaient été mis en attente et qu’il faut revoir. Nous devons faire des arbitrages et prioriser, c’est parfois difficile d’arriver à des consensus.
      « Nous allons reconvoquer les patients qui ont fait une infection au coronavirus sévère afin de les contrôler. Une des séquelles redoutées, c’est la fibrose pulmonaire »
      Des rendez-vous sont reprogrammés pour nos patients avec des pathologies pulmonaires rares. On voit aussi revenir des asthmes, des tuberculoses et des bilans diagnostics de cancer. Nous allons aussi nous organiser pour reconvoquer les patients qui ont fait une infection au coronavirus sévère afin de les contrôler : est-ce qu’il reste des symptômes ? Est-ce que le scanner s’est normalisé ou bien y a-t-il des séquelles ?
      Une des séquelles redoutées, c’est la fibrose pulmonaire, une sorte de cicatrice sur le poumon. Soit elle n’est plus évolutive, soit il y a des phénomènes inflammatoires qui continuent à détériorer le poumon. Avec le Covid-19, on n’en sait rien. Etre face à une nouvelle maladie à comprendre, ça arrive assez rarement, tout le monde a des idées. Nous allons proposer à une partie des centaines de patients guéris de rentrer dans des protocoles de surveillance. Puis nous mettrons en commun nos résultats avec ceux d’autres hôpitaux. Cela permettra de soigner les gens de mieux en mieux.
      Outre la peur d’une deuxième vague, on craint qu’entre l’activité habituelle importante qu’il va falloir absorber et les patients guéris à revoir ce soit compliqué. Le fait de ne pas pouvoir se projeter médicalement et personnellement génère des interrogations.

      Mathilde Padilla, 21 ans, étudiante infirmière dans un centre de soins et de réadaptation pour personnes âgées à Rouen

      « Cela fait maintenant plus d’un mois et demi que les résidents sont confinés dans leur chambre sans avoir le droit de recevoir de visites de leurs proches. C’est évidemment très pesant, particulièrement pour ceux dont les familles étaient habituellement très présentes et dont les passages rythmaient le séjour.

      Depuis une semaine, nous réfléchissons à la manière de remettre du lien dans ces familles pour lesquelles la pandémie a accentué la séparation. Grâce au don de quatre tablettes tactiles, chaque étage de l’Ehpad dispose d’un appareil. Les familles ont été averties et ont été enthousiastes. Nous avons créé un agenda pour que chaque résident qui le souhaite organise un rendez-vous Skype avec ses proches. C’est une fenêtre vers l’extérieur.

      Mais cela ne peut pas suffire. Il faut casser ce sentiment de solitude très pesant et qui suscite de nombreuses questions : “Ils vont revenir quand ? Est-ce que ça se calme dehors ?” Nous envisageons de rouvrir les visites en respectant une distance physique. L’idée est que les rencontres se fassent entre un résident et un proche, chacun étant posté à chaque extrémité d’une table de deux mètres. Après tant d’attente, on ouvre un petit bonheur, celui de se revoir mais avec l’impossibilité de se toucher. Bien sûr, les sentiments passent surtout par le contact, mais je crois qu’ils passent aussi par le regard. »

      Michel Carles, chef du service de réanimation du CHU de la Guadeloupe

      « En réanimation, hélas, nous avons eu trois décès ces derniers jours, et nous en aurons sans doute encore trois ou quatre dans les jours à venir. Tout a été mis en œuvre pour tenter de les sauver, mais leur état de santé s’est malgré tout dégradé. Jusqu’ici, 45 % de nos patients placés en réanimation et sous ventilation artificielle sont morts. Cela atteindra sans doute 50 % à 60 % dans les semaines à venir.

      Pour autant, la tendance d’une diminution des cas de patients atteints du Covid-19 se confirme très nettement. Sur les deux unités Covid que nous avions ouvertes (de vingt lits chacune), l’une a été fermée, et l’autre ne compte que très peu de malades. La pression retombe. Le personnel soignant est épuisé.

      Au début, le coronavirus était un fantasme terrifiant pour les soignants, ils avaient très peur d’être contaminés. Maintenant, ils ont le sentiment d’avoir tenu la barre et de maîtriser le parcours de soins : ils ont constaté que les gestes barrières étaient efficaces et ne craignent plus de l’attraper. En réanimation, trois médecins ont été contaminés, mais aucune infirmière.
      En revanche, les soignants qui ont été confrontés de loin au Covid-19 sont très réticents à soigner les patients pourtant testés négatifs ou qui ne sont plus contagieux. La suspicion s’installe, car tout le monde a entendu parler des faux négatifs et des porteurs asymptomatiques.

      Ce qui est également très prégnant, sur l’île, c’est la crainte d’une deuxième vague liée à la reprise des trajets en avion et en bateau lors du déconfinement. Les précautions seront-elles suffisantes ? Cela génère un très gros stress. »

      Pierre Loisel, 59 ans, aide-soignant, groupe hospitalier Bretagne-Sud, Lorient (Morbihan)

      « Sur Lorient, cela reste plutôt calme. Une future deuxième vague ? En fait, on n’en sait rien. Certains services de médecine polyvalente qui avaient été réorientés Covid-19 vont retrouver dans les prochains jours leur destination première.

      Des modules de bloc opératoire qui avaient été transformés en réanimation pour les malades Covid-19 vont rouvrir pour des opérations en orthopédie ou viscérale. Mais se pose le problème de la désinfection de ces salles. On sait que le virus reste longtemps dans les systèmes de ventilation et les climatiseurs. Il y a aussi un souci pour les personnels qui seront chargés de cette désinfection.

      Des nouveaux circuits de consultation vont être mis en place. Il faudra des masques pour les consultants, pour les visiteurs s’il y en a, mais d’ici au 11 mai, cela devrait être prêt. En attendant, je constate un certain relâchement dans le confinement. Les gens se déplacent de plus en plus, pour tout ou rien. Les masques ne sont pas bien portés, les distances mal respectées. Quant à la réouverture des écoles, beaucoup de parents, autour de moi, disent : “On a gardé nos enfants pendant deux mois, on préfère encore les garder le dernier mois.”

      Dans les équipes soignantes, la prime individuelle ne plaît pas. 1 000, 1 500 euros après tout ça, cela n’a pas de sens ! Son attribution dépendra de quoi ? Du département ? De la vitesse du vent, de l’âge du capitaine ? S’il n’y a pas une vraie revalorisation des #salaires, de 300 à 400 euros, on se retrouvera à la rentrée. »

  • Visite présidentielle à l’hôpital #Bicêtre : « Ce n’est surtout pas #Macron que les #soignants ont applaudi » - Le Parisien
    http://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/visite-presidentielle-a-l-hopital-bicetre-ce-n-est-surtout-pas-macron-que
    #com

    Visite présidentielle à l’hôpital Bicêtre : « Ce n’est surtout pas Macron que les soignants ont applaudi »
    Une vidéo de l’#Elysée montre les soignants applaudir lors de la visite surprise d’Emmanuel Macron pour rencontrer les équipes de recherches contre le Covid-19 jeudi matin. Isabelle Bernard, secrétaire de la section CGT de l’hôpital, revient sur cette séquence.

  • Manifestation à Tourcoing, appels aux dons... Les soignants réclament du matériel | Lille Actu, Publié le 2 Avr 20 à 16:41
    |Modifié le 2 Avr 20 à 18:46 (La vidéo n’est plus disponible dans l’article)
    https://actu.fr/societe/coronavirus/coronavirus-soignants-nord-multiplient-appels-dons-sur-facebook_32737412.html

    Sur Facebook, des soignants du Nord appellent aux dons de matériel de protection contre le coronavirus Covid-19. (©Adobe Stock/Illustration)

    En manifestation à Tourcoing ou sur les réseaux sociaux, les soignants des hôpitaux du Nord réclament de plus en plus ouvertement du matériel pour pouvoir agir contre le Covid-19.

    Si la solidarité s’organise, cette nécessité d’en appeler à la générosité interpelle. À Tourcoing, des soignants du CH Dron ont manifesté jeudi 2 avril 2020 pour exprimer leur ras-le-bol.

    « On a rien. Y en a marre »

    « On manifeste parce qu’on n’a pas de matériel », peut-on entendre sur une vidéo largement partagée sur Facebook. Dans ce court extrait, on peut voir des soignants en fin de service du CH Dron de Tourcoing, dans la métropole de Lille, manifester, jeudi 2 avril 2020, pour protester contre le manque de matériel pour se protéger du coronavirus Covid-19. « On n’a pas de personnel, on n’a pas de blouse, on n’a pas de masque, on a rien. Y en a marre », poursuit la soignante qui filme. 

    Selon l’UNSA et la CGT, à l’initiative de cette opération, 90 personnes ont manifesté à l’hôpital de Tourcoing. Les manifestants ont été reçus par la direction. « Pendant deux heures, elle dû entendre ce que les équipes ont sur le cœur », explique Christophe Charlon, aide-soignant, secrétaire de la section CGT. « On a dénoncé le problème d’organisation au sein des services ainsique le sous-effectif et les problèmes de matériel. »

    On manque de masques FFP2, on va manquer de surblouse, de surchaussures. On nous demande d’être des héros, mais on ne va pas à la guerre sans fusil !

    #Manifestation #confinement #soignants #matériel_sanitaire #matériel_de_protection

  • A l’Ehpad des Quatre-Saisons, la vie et la mort au jour le jour
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/31/coronavirus-a-l-ehpad-des-quatre-saisons-la-vie-et-la-mort-au-jour-le-jour_6

    Les Quatre-Saisons, où vivent 65 résidents, fait partie des quelque 7 000 Ehpad que compte la France. Dans cette maison de retraite de Bagnolet, en banlieue proche de Paris, le quotidien a été totalement bouleversé, à partir de la mi-mars, par les mesures de protection contre le virus. Les visites étant interdites, récit de la vie confinée.

    Florence Aubenas, grande reporter au « Monde », a passé les onze premiers jours de confinement avec des personnes âgées à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. Face à la progression du coronavirus, le personnel tente de faire face.

    « Vous seriez en droit de m’engueuler »

    Mardi 17 mars, 1er jour de confinement. Le couple s’est planté sur le trottoir, juste devant la façade. Ils doivent avoir la cinquantaine, et c’est elle qui se met à crier la première, mains en porte-voix : « Maman, montre-toi, on est là ! » Aux fenêtres, rien ne bouge. Alors le mari vient en renfort, mimant une sérénade d’une belle voix fausse de baryton : « Je vous aime, je suis sous votre balcon ! » Un volet bouge. « Maman » apparaît derrière la vitre ; ses lèvres remuent, mais elle parle trop doucement pour qu’ils l’entendent. « Tu as vu ? Elle a mis sa robe de chambre bleue », constate madame. Puis ils ne disent plus rien, se tenant juste par les yeux, eux en bas et elle en haut, qui agite délicatement la main, façon reine d’Angleterre. Quand le couple finit par s’en aller, elle fait pivoter son fauteuil roulant pour les apercevoir le plus longtemps possible.

    Cela fait près d’une semaine que les visites des proches sont interdites aux Quatre-Saisons, un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) public situé à Bagnolet, en Seine-Saint-Denis. Face à la pandémie, cette maison de retraite – un immeuble de trois étages construit dans les années 2000 – fonctionne désormais à huis clos, comme les 7 000 autres de France. Les animations extérieures – sophrologie, chorale, coiffeur ou pédicure – étaient déjà suspendues, mais le confinement général vient d’être déclaré de l’autre côté des portes aussi : plus de 60 millions de Français sont bouclés chez eux à travers le pays.

    Il est 11 heures aux Quatre-Saisons, la décision vient d’être prise de mettre maintenant les administratifs à distance. Même l’accueil sera fermé. « De toute façon, on n’accueille plus personne. » La gestionnaire remet son manteau, la responsable des ressources humaines aussi. Elles devraient déjà être parties, mais elles grappillent quelques instants encore. Sale impression d’abandonner le navire. Il faut presque les pousser dehors.

    Désert, le hall prend des sonorités de cathédrale. Réunion dans la salle à manger pour ceux qui vont se relayer auprès des 65 résidents : les soignants, la cuisine, l’entretien, la direction, soit une petite quarantaine de personnes par rotation. Au stade 3, le plus haut de la pandémie, un masque de protection est obligatoire en Ehpad. La raison est double : le coronavirus s’attaque aux voies respiratoires, et les personnes âgées sont les premières victimes.

    « Je ne vais pas vous mentir : je n’ai pas de quoi vous distribuer des masques. Il faudra se débrouiller sans », commence Laurent Garcia, cadre de santé et bras droit du directeur, Edouard Prono. Il lui en reste 200 en réserve, de quoi tenir trois jours s’il fallait appliquer les consignes. Lui-même n’en porte pas, le directeur non plus. Qui comprendrait que la hiérarchie soit seule à pouvoir s’équiper ? « Vous seriez en droit de m’engueuler. A votre place, je serais même tenté d’aller mettre le souk dans mon bureau », continue Laurent Garcia. On rit, tout paraît irréel. « Pas grave, M. Garcia », lâche l’une. Lui, désespéré : « Mais si c’est grave. »

    Tous ici se souviennent des gants, des masques ou du gel hydroalcoolique, royalement distribués à l’accueil il y a quinze jours à peine, comme par temps de grippe ou de gastro. C’était le début de la contagion sur le territoire français. Une ou deux soignantes s’étaient aventurées dans le bus avec leur masque. On les avait toisées comme des extraterrestres, elles l’avaient retiré avant la fin du trajet. « On nous expliquait que le risque était faible, on ne se rendait pas compte », explique Laurent Garcia. Lui venait de renouveler sa commande, 500 masques, histoire d’assurer. Début mars , coup de fil du fournisseur : l’Etat a préempté tout le stock , plus rien de disponible, priorité aux hôpitaux et à la région Grand-Est, la plus touchée. Pour les Ehpad, même réponse évasive à tous : « C’est en cours. » Une infirmière des Quatre-Saisons coupe net : « On voit bien ce qu’ils pensent. Là-bas, ce sont des vieux, ils ont déjà vécu. »

    Par la grande baie vitrée, les résidents regardent passer des familles à rollers, un monsieur qui porte un gâteau cérémonieusement. Les petits dealeurs du quartier font des slaloms en quad au bout de la rue. Plus loin, un match de foot commence au stade des Rigondes. Les premiers moments du confinement respirent l’insouciance candide d’un long dimanche ensoleillé.

    Dans les couloirs de l’Ehpad, Rosa, l’animatrice, tend par réflexe la main à tous ceux qu’elle rencontre. Le directeur sursaute : « Ne me touchez pas, Rosa. Pensez aux consignes, pas de contacts. » Elle : « Vous êtes sérieux, M. Prono ? » Rosa a du mal à se dire que c’est pour de vrai. La veille du confinement encore, elle faisait la queue dans un restaurant algérien bondé vers Ménilmontant et se noyait avec délice dans la cohue du marché de Romainville. « Nous sommes en guerre », a répété le président Emmanuel Macron, la veille, à la télévision. Dans la salle de pause, un agent d’entretien approuve : « C’est vrai, au Leclerc de Rosny-sous-Bois, les gens se battent ».

    « Le Désert des Tartares »

    Mercredi 18 mars, 2e jour de confinement. Pas un bruit ne sort du bureau d’Edouard Prono. Depuis le matin, il est en train d’essuyer un bombardement terrible, mais silencieux, venu de sa boîte mail. Un collègue fait savoir que 16 résidents sur 20 sont touchés par le virus dans son établissement. Près de Montpellier, ils sont 47 sur 86, 3 en sont morts. De leur côté, les pompes funèbres viennent d’envoyer une note détaillée sur les types de cercueil autorisés pendant la pandémie. Deux possibilités seulement : « l’hermétique, qui permet un enterrement classique, mais il n’y en aura pas forcément assez vu la demande ». Ou alors, « le modèle simple, destiné à la crémation ». Conseil aux Ehpad : commandez déjà vos housses mortuaires. « Vous en avez pris ? », se risque à demander Edouard Prono à la docteure Claire Bénichou, médecin-coordonnateur de l’établissement.

    Sur un forum professionnel, des vieux de la vieille échangent en boucle des messages, dans lesquels chacun assure n’avoir « jamais vu ça ». Edouard Prono traduit immédiatement : « On n’arrivera pas à accompagner tout le monde. » Lui, c’est un garçon timide et bien élevé, 34 ans, jeune comme beaucoup de directeurs d’Ehpad aujourd’hui. « Il y a une question de génération. Comment on fait quand on vient de sortir de l’école et qu’on se prend ça de plein fouet ? »

    La porte de son bureau s’entrouvre : Laurent Garcia, le cadre de santé, annonce que la pharmacie ne livrera pas les 15 litres de gel hydroalcoolique. La commande a été oubliée, et plus rien n’est disponible maintenant. Les gants ? Fini aussi, ou presque. D’heure en heure, les infos changent, ordres et contre-ordres se succèdent. Le ministère de la santé vient d’envoyer la troisième version de son guide méthodologique, très strict au départ, la doctrine officielle s’assouplit à mesure que les stocks fondent au niveau national. En Ehpad, les masques ne sont finalement plus obligatoires au stade 3 de la pandémie, sauf infection déclarée. « Bref, pas de masques, mais des housses mortuaires : vous voyez le message ? », s’étrangle Laurent Garcia.

    Assis à son bureau, très pâle et très droit, les mains sur le clavier de l’ordinateur, Edouard Prono se met à pleurer. « Excusez-moi, ça ne m’arrive jamais. » Les alertes de messages carillonnent l’une derrière l’autre sur son téléphone, mais il ne les entend plus. « On est dans Le Désert des Tartares, à attendre les mains nues que la catastrophe nous tombe dessus. »

    Au troisième étage, Mme X., 90 ans, vient de se mettre à tousser, un des symptômes les plus classiques du virus. L’accès à sa chambre est aussitôt limité. « On ne va pas se mentir : il faut se préparer à avoir des cas. Si ça vous stresse, je m’occuperai moi-même de Mme X. », annonce Laurent Garcia à l’équipe. Dans un coin, la télévision psalmodie le nombre de décès du jour, en France et à travers le monde. Zineb sent ses jambes se dérober. Elle doit s’asseoir : « Il faut déjà que je meure, moi qui n’ai jamais voyagé, jamais profité de la vie, même pas été à l’école. » Elle a 45 ans, elle est agent d’entretien. Mais déjà, elle se relève, son chariot cahote vers les chambres, dans un tintement de vaisselle. Par-dessus son épaule, elle lance à Stéphanie, son binôme : « Tu viens, ma bichette ? » Eternels oubliés d’un secteur médical lui-même en crise, les Ehpad ont toujours manqué de tout – personnel, salaires, budgets. « On est habitués à passer derrière, à prendre sur nous. »

    Dans la salle à manger, les résidents attaquent la paella. « Et mon verre de rouge ? Marre de cette baraque, marre de ce putain de virus », tonne Daniel, bretelles noires tendues sur le ventre. Un serpent tatoué ondoie sur son avant-bras gauche, Brigitte Bardot croise haut les jambes sur le mur de sa chambre, sous un drapeau tricolore souligné d’un « Vive la France ». Ça se met à chahuter. « M. Daniel est volontiers grossier, mais il faut reconnaître qu’il met de l’ambiance », commentent poliment deux dames très sages à la table d’à côté. Charlotte attaque le yaourt : « Un virus ? Ah bon ? Je l’ai pas vu passer. » Ici, elle mange à sa faim, et son mari, « un fêlé, du genre qui cognait », a enfin disparu du paysage. Maintenant, elle se sent tranquille. Un ange passe avant que Charlotte relance, faisant rouler son accent des faubourgs : « Trop tranquille, même. » Sa voisine hausse les épaules. « Moi, j’ai été privée de jeunesse avec la guerre. Alors, je vais pas me laisser piquer ma vieillesse par un virus. » Sous l’auvent de l’entrée, Laurent Garcia allume une cigarette. « Je crois que, ce soir, je vais prendre quelque chose pour dormir. Un whisky, peut être. »

    « Ni complotiste, ni franc-maçon »

    Jeudi 19 mars, 3e jour de confinement. « Bonjour, je ne suis ni complotiste, ni franc-maçon », annonce un petit bonhomme filmé en gros plan dans son salon. Sur une vidéo, il promet de prouver « par A plus B » que le coronavirus a été volontairement créé par des chercheurs français. Ça dure vingt-deux minutes, et l’infirmier de service aux Quatre-Saisons se repasse une nouvelle fois la démonstration sur son portable. Le monde scientifique l’a unanimement dénoncé comme la « fake news » en vogue du confinement. Mais l’infirmier ne croit plus les discours officiels. « On saura la vérité un jour, dans vingt ou trente ans. » Si ça se trouve, un antidote a déjà été mis au point. Il l’envisage. « Mais on ne nous le donne pas. » Pourquoi ? Sourire entendu, hochement de tête. « Faites fonctionner votre cerveau. » Il regarde sa montre. Bientôt la distribution de médicaments.

    Dans les couloirs, des rumeurs et des doutes ont commencé à s’insinuer doucement. Un chauffeur à la retraite feuillette le bulletin des anciens d’Algérie. « De toute façon, on ne nous dit pas la vérité. C’est le problème en France. » Son regard plonge dans la rue. En deux jours, elle s’est vidée. Une voiture passe au ralenti, un homme en costume seul au volant, mais affublé d’un masque et de gants comme pour se protéger de lui-même. Sur les trottoirs, personne, à l’exception des petits dealeurs, plus discrets sous les porches mais en panoplie intégrale de bloc opératoire. L’un s’est rajouté un flacon de gel hydroalcoolique à la ceinture. L’autre manie une béquille, « par solidarité avec les malades du corona », dit-il mystérieusement. Le troisième tient un chiot en laisse, en cas de contrôle de police. Un copain le lui a loué. La bête a été baptisée « #Attestation ».

    « En fait, il n’y a que nous à ne pas avoir de matériel », dit Laurent Garcia, le cadre de santé. Il doit passer chercher trois tubes d’aloe vera chez sa cousine pour fabriquer du gel dans la cave des Quatre-Saisons. Francis, le responsable maintenance, s’en chargera après la panne d’ascenseur et avant le coup de main en cuisine. Le commis aussi a arrêté de venir.

    « Vous avez combien de morts chez vous ? »

    Vendredi 20 mars, 4e jour de confinement. Dans une aile du bâtiment, Zineb et Stéphanie, agents de service, aménagent une zone fermée en cas de propagation, de grandes chambres où la lumière se déverse à flot. En nettoyant les tiroirs, un papier oublié leur tombe sous la main, au nom d’un résident, décédé l’été dernier. Soupir. « C’était avant, du temps où on mourait encore d’autre chose. »

    Plus la pandémie progresse, plus elle paraît mystérieuse. « On avance dans le brouillard », signalent les échanges entre médecins. La liste des premiers symptômes n’en finit pas de s’allonger : diarrhée, confusion, chutes inhabituelles ou rhinites sont désormais répertoriées comme des signes possibles avant que se déclenchent les problèmes respiratoires et la fièvre, caractéristiques d’une infection due au coronavirus. « Mais, dans un Ehpad, presque tous les résidents présentent au moins un de ces symptômes », s’alarme Karim, un infirmier.

    A faire le tour des chambres, le Covid-19 semble maintenant à chaque chevet. Des chiffres ont commencé à circuler en sous-main, d’autant plus alarmants qu’ils sont impossibles à vérifier : 170 Ehpad seraient touchés sur les 700 en région parisienne. « Vous avez combien de morts chez vous ? », demande un journaliste au téléphone.

    « Ça y est, la vague arrive : la semaine prochaine va être terrible », se dit Edouard Prono. Aux Quatre-Saisons, onze personnes sont préventivement placées à l’isolement, après avis de la docteure Bénichou. Une résidente regarde la feuille rose sur sa porte, qui décrète l’accès très restreint à sa chambre. « Le directeur est venu la coller en personne. Je ne me fais pas d’illusions. Je me suis condamnée moi-même. »

    Désormais, un seul soignant dans chaque équipe prendra en charge ces 11 résidents-là, afin de limiter les contacts. Qui s’en chargera parmi les soignants ? Passe un frisson. « Marie-Jeanne, j’ai pensé à vous », ose Laurent Garcia. Marie-Jeanne secoue la tête, lentement, et la mèche blonde de sa perruque balaie son visage en mesure. « Non, je le ferai pas », elle dit. Il y a quelques mois, des punaises de lit avaient envahi 25 chambres de l’Ehpad, notamment à l’étage dont elle s’occupe. Marie-Jeanne se revoit un dimanche à la messe, quand elle avait ouvert sa bible : des insectes s’étaient échappés d’entre les pages. Elle avait affronté la honte, les reproches de la famille – même ceux restés à Kinshasa –, la peur que l’école ou les voisins l’apprennent. « Non », répète Marie-Jeanne.

    La main d’Ephline se lève : « Moi je peux. » Ephline avait la vocation des chiffres, une formation de comptable pour travailler dans un cabinet juridique. Quand elle cherchait du travail dans son secteur, elle précisait toujours au téléphone : « Je suis noire. » Il y a vingt-cinq ans, « les gens refusaient carrément, on avait du mal à trouver des Noirs dans les bureaux. On me conseille souvent de ne pas le dire, mais c’est vrai ». Elle a fini par suivre Mylène, sa sœur, aide-soignante aux Quatre-Saisons.

    Dans l’autre équipe, c’est d’ailleurs Mylène qui s’est portée volontaire pour s’occuper des 11 « isolés ». Les deux sœurs se relaieront donc en tandem, affaire conclue sans une parole, ni entre elles, ni avec les autres. « Normal, ça ne pouvait être que nous », explique Mylène. Dans ce petit Ehpad familial, chacun sait tout des autres, les vies sont aussi transparentes que l’aquarium à l’entrée. Les deux sœurs ont des enfants déjà grands, elles sont les plus âgées du groupe, 47 et 49 ans. Or, une question obsède les salles de pause : les gamins. Les médecins ont beau se montrer rassurants sur la capacité des jeunes à résister au coronavirus, la méfiance domine. « Est-ce qu’on nous dit vraiment tout ? Qui s’occupera des petits au cas où ? »

    A la réunion, Taoufik, un aide-soignant, alpague une des deux sœurs. La gratitude le transporte : « Je te jure, si j’avais un masque, je te le donnerais. » Laurent Garcia s’est assis. Il y a des histoires qui le cassent en deux, celle des masques en est une. Il ne cherche pas à s’en cacher. Gorge étranglée, il lance : « Pardon, pardon. Et merci d’être là, je vous aime. Vous avez des questions ? » Une voix féminine se risque : « Est-ce qu’on va augmenter les salaires, surtout pour celles qui vont faire ça ? On est courageuses, tout de même. » Laurent Garcia ne répond pas. La tête dans la main, il s’est endormi sur sa chaise.

    Il est 15 h 30. Dans la salle à manger, Rosa commence l’animation de l’après-midi pour les résidents. C’est la dernière avant un nouveau confinement dans le confinement. Comme beaucoup d’Ehpad, les Quatre-Saisons ont dû s’y résoudre : les regroupements de résidents aussi vont être suspendus, y compris pour les repas, que chacun prendra désormais dans sa chambre. Pour combien de temps ? On ne sait pas. L’infirmier-stagiaire lance la musique, un vieux succès de La Compagnie créole, tandis que Rosa, en blouse rouge éclatante, un minuscule chignon piqué sur la nuque, se met à danser en saisissant le micro : « On y va, tout le monde chante avec moi. » Alors, d’un parterre de fauteuils roulants et de déambulateurs s’élève un chœur de voix frêles, certaines ne tenant que par un fil, mais toutes reprenant comme un cantique : « C’est bon pour le moral, c’est bon pour le moral… »

    « Au revoir, madame »

    Samedi 21 mars, 5e jour de confinement. Dans le hall de l’Ehpad, deux employés des Pompes funèbres ont étalé leur tenue : combinaison, trois paires de gants, charlotte, protège-pieds, lunettes. « T’es sûr qu’on n’oublie rien ? » Ils commencent à se harnacher, minutieusement, quand l’un s’arrête soudain, doigt pointé vers un personnel de l’Ehpad : « Vous ne portez pas de masque ?

    – On n’en a pas. »

    Sous sa charlotte, l’employé n’en croit pas ses oreilles : « Mais vous êtes un secteur à risque, avec des personnes âgées.

    – On n’en a pas », répète l’autre.

    L’employé insiste : « Moi, si j’ai pas au moins un masque, je le fais pas. Et c’est tout le monde pareil chez nous. »

    Aux Quatre-Saisons, une résidente est morte dans la nuit.

    Son état avait commencé à inquiéter une semaine plus tôt, mais les urgences avaient refusé de l’accueillir : elle n’entrait pas dans les critères instaurés avec la crise. Le médecin avait promis de passer vers minuit. Sur le coup de 4 heures du matin, toujours personne. Panique à l’Ehpad. La résidente est finalement transférée au petit jour. Un test de dépistage du Covid-19 est demandé par l’équipe des Quatre-Saisons. Réponse : « Ici, on ne teste pas, on applique la politique de l’autruche. » Qui leur en voudrait ? L’hôpital craque, qui ne le sait pas, services à bout, des lits rajoutés partout, y compris dans les couloirs, visites interdites, sauf quinze minutes parfois chez les malades en fin de vie. On espère qu’une clinique privée pourra accueillir certains convalescents pour éviter l’explosion. Finalement, le test est accordé : négatif. Selon le vœu de ses enfants, la résidente est rapatriée à l’Ehpad, où une disposition spéciale les autorise à passer du temps avec elle.

    Il est 10 heures quand le cercueil sort des Quatre-Saisons. A la fenêtre du premier étage, deux femmes regardent la scène.

    « Vous avez vu la tenue des employés ? On dirait des cosmonautes.

    – J’ai l’impression de ne rien reconnaître, comme si on était maintenant dans un pays étranger. »

    Le cercueil est chargé sur le corbillard.

    « Moi, j’ai 87 ans. Je m’en fiche de mourir du corona ou d’autre chose. Et vous ?

    – Je voudrais être enterrée dans le Jura, mais est-ce que j’aurais le droit avec cette histoire-là ? Dans le doute, je préfère attendre un peu. »

    Le convoi démarre.

    « Regardez, elle s’en va. Ça me fait quelque chose quand même.

    – Au revoir, madame. »

    « Tu l’as eu où, ton masque ? »

    Dimanche 22 mars, 6e jour de confinement. Ça y est, Myriam aura été la première à l’avoir. Elle vient d’arriver au boulot le visage barré d’un masque, un FFP2, plus protecteur encore que le modèle classique, généralement utilisé dans les Ehpad. Son mari lui a acheté au pied de l’immeuble, dans leur cité à Bagnolet, 50 euros la boîte de 20. L’infirmier de permanence esquisse une moue d’expert : « Pas excessif, le prix. » Il valait 1 euro pièce en pharmacie avant le coronavirus. D’un même mouvement, les collègues se penchent vers Myriam pour scruter la merveille de plus près. Ses yeux roulent comme des billes par-dessus le FFP2. Ici, le masque est devenu le symbole de la crise sanitaire : en avoir ou pas. « Aujourd’hui, si tu poses ton portable et ton masque, on te vole ton masque », lance quelqu’un.

    Myriam l’admet : « Je suis une meuf qui fait beaucoup d’arrêts maladie. » Quatre gamins pas bien grands, la maison à faire tourner, la vie, tout simplement. Mais, en ce moment, elle se découvre une énergie inépuisable pour partir au boulot. Il y a cette envie d’être là, tout le temps, l’adrénaline qui monte en traversant la ville déserte, l’impression que son boulot d’agent d’entretien a pris une autre dimension. Chez elle, les rôles se sont inversés avec le confinement : son mari reste à la maison et elle file travailler. L’autre jour, il s’est retrouvé à baigner les enfants, pour la première fois de sa vie. En douce, il pousse les petits à la supplier : « Maman, reste avec nous ! »

    Son portable sonne. C’est lui, le premier coup de fil de l’interminable série qu’ils échangent pendant la journée. « Tu ne lâches pas l’affaire ? », demande le mari. Elle se marre. « Arrête de psychoter. Comment les autres vont faire si je ne viens pas ? » Lui : « T’as mis ton masque au moins ? »

    Dans les étages, c’est l’heure du café au lait, des tartines beurrées et du jus d’orange. Non, pas de jus d’orange, la livraison n’a pas eu lieu. Manque aussi la charcuterie, dont M. Daniel raffole au petit-déjeuner. Il jaillit de sa chambre, en marcel et bretelles. « Qu’est-ce qui nous reste comme plaisir ? Donnez-moi un flingue directement, j’ai hâte de crever pour ne plus vous voir ! » Une résidente arpente le couloir en chemise de nuit, répétant toujours, sur la même note : « Maman, j’ai peur, il va me battre. » Derrière son FFP2, Myriam l’attrape par le bras, s’époumonant pour se faire entendre. « Qui va vous battre, ma chérie ? Montrez-le-moi et je le défonce. » Elle tombe nez à nez avec une collègue portant un masque, elle aussi. Moment de saisissement. Toutes les deux s’exclament en même temps : « Tu l’as eu où ? » La collègue fait des manières pour donner le prix. « Je ne peux pas le dire, c’est un cadeau de mon fils. Je le mets pour lui. » M. Prono, le directeur, s’en mêle. « Je vois des masques, mesdames ? Si vous avez un filon, n’hésitez pas à me le dire. »

    Rosa, qui n’est pas de service, est venue quand même après le marché de Romainville. Poches pleines de mandarines qu’elle distribue dans les chambres : les prix ont doublé après une semaine de confinement. Seuls trois vendeurs avaient dressé leur étal. « Ça dure toujours, cette histoire de virus ? », demande un homme, allongé sur son lit.

    Depuis le passage des Pompes funèbres, la rumeur s’est répandue d’un décès aux Quatre-Saisons. Les familles appellent, l’une derrière l’autre. « Le corona est là ? » Rosa, à pleine voix dans le combiné : « Non, non, on n’a pas de cas chez nous. »

    Un fils insiste : « Y a un problème ? Ma mère va bien ? Pourquoi vous criez ?

    – C’est l’habitude de parler fort aux résidents, monsieur. Maintenant, je parle comme ça même chez moi. »

    Dans le petit jardin de l’établissement – quelques massifs que surplombent les HLM voisins –, des filles fument, d’autres discutent. Myriam attend le moment pour appeler son mari. Elle lui dira : « Prépare-toi, j’arrive. » Et ce sera la même scène que tous les autres soirs. Elle ouvrira la porte et lancera aux enfants : « Mettez les mains devant vos yeux. » Puis, dès l’entrée, elle enlèvera ses habits, très vite, pour ne contaminer personne et courra toute nue vers la douche. Le portable sonne. C’est lui.

    « T’as entendu ?, demande le mari.

    – Quoi ? »

    Un urgentiste de Compiègne vient de mourir, le premier hospitalier à succomber. Grace écrase sa cigarette. Voix glacée. « Hier, ça touchait la Chine, aujourd’hui, nos collègues. Ça y est, le virus vient sur nous. »

    « Si elle l’a, je l’ai »

    Lundi 23 mars, 7e jour de confinement. Accroupie près de l’ascenseur, Sihem répare le déambulateur de Mme Dupont. Une toux secoue la vieille dame, et Sihem sent quelques postillons lui tomber sur le visage. « Cette fois, c’est fait, elle pense. Si elle l’a, je l’ai. » Sihem se relève. Se ressaisir. Empêcher le film catastrophe de lui envahir la tête. Continuer la tournée du matin en se disant : « On est l’armée, il y a une guerre, il faut être courageuse. »

    A l’étage, elle croise Tiana. L’infirmière regarde son thermomètre. « Attention, Mme Dupont est en train de faire un pic de fièvre à 39, 1 °C. » Sihem se sent vaciller. Même quand elle dort, sa tête reste ici, à l’Ehpad, depuis le confinement. Elle se demande : « Qui est malade ? Qui ne l’est pas ? Comment le savoir quand on entre dans une chambre ? » Les Ehpad n’ont droit qu’à trois dépistages pour les résidents, et aucun n’a été réalisé aux Qautres-Saisons, après avis de la docteure Claire Benichou et d’un infectiologue.

    Dans le hall, Arnaud Dubédat, le médecin de Mme Dupont, arrête Sihem.

    « Vous savez qui s’est occupé d’elle aujourd’hui ?

    – Moi.

    – Vous avez quel âge ?

    – 37 ans.

    – Des enfants ?

    – Une fille de 12 ans. »

    A la pensée de la petite merveille, quelque chose se gonfle dans la poitrine de Sihem. Elle la revoit la veille, quand elle lui avait proposé de descendre la poubelle. L’enfant avait voulu se coiffer, s’habiller, tout excitée à la simple idée de mettre le nez dehors. C’était sa première sortie en une semaine. Sihem ne veut prendre aucun risque. Sa propre mère est morte quand elle était petite. Sa hantise serait que sa fille vive la même situation.

    Le médecin la regarde. « Je vais vous dire la vérité : Mme Dupont a peut-être des symptômes du Covid-19. »

    Il est 14 heures quand deux soignantes sont envoyées pour se faire dépister. Toux, fièvres, fatigue intense. Le test a lieu dans un labo à côté, un fauteuil planté sur un coin de parking derrière des draps tendus. Un infirmier des Quatre-Saisons vient déjà d’y passer. Pas de réponse avant trois jours, le circuit est engorgé. Sihem demande à passer le test aussi, mais, là encore, le matériel manque. Il faut déjà présenter des symptômes pour avoir droit au dépistage. Pourtant indispensable auprès des résidents, le personnel d’entretien en a d’abord été exclu : il a fallu la protestation de plusieurs médecins, dont la docteure Bénichou, pour qu’il finisse par en bénéficier.

    Au bout de la rue, les petits dealeurs ont disparu. Rupture de stock, la marchandise n’arrive plus.

    « Vous voulez qu’on appelle votre fils ? »

    Mardi 24 mars, 8e jour de confinement. Il faut un certain temps pour comprendre à quoi tient le silence qui règne dans les étages. En fait, les télés sont éteintes, toutes ou presque. Il n’y a plus que M. Daniel encore planté devant Premier Baisers, sa série préférée, les tribulations amoureuses d’une bande de lycéens. « Pourquoi pas ? Voir des petits jeunes, ça fait du bien dans ce mouroir. » Les autres résidents ont coupé l’image et le son, malgré les mesures d’isolement. « Ça ne parle que de morts, j’en peux plus du virus », dit une infirmière à la retraite.

    Dans sa chambre, Mme X. regarde son plateau-repas sans comprendre. C’est la première à avoir été isolée. « Qu’est-ce que je dois faire ? », elle demande. Elle prend la fourchette, la repose, perdue, repères qui semblent s’effacer un à un à force de solitude. Selon Hervé, le cuistot, les résidents mangent moitié moins depuis le confinement. « Si ça continue, il faudra peut-être permettre à certains proches de venir », suggère Lorette, la psychologue.

    Elle passe de chambre en chambre.

    « Vous voulez qu’on appelle votre fils ?

    – Je ne sais pas si je vais trouver quelque chose à lui dire, c’est flou. Dites-lui que je ne suis pas maltraitée. »

    Une soignante commence les toilettes. Quel jour on est ? Elle n’arrive pas à le dire. Même pour l’équipe, le calendrier commence à se mélanger, temps en apesanteur que ne rythment plus l’école ou les activités. Les magasins autorisés ouvrent et ferment à leur guise. « Chaque minute est devenue un combat, dit la soignante. J’ai du mal à voir plus loin. »

    A la réunion du matin, Tiana l’infirmière ouvre le bal : « Je ne vous le cache pas, j’ai pleuré avant de venir. » Sara vient d’arriver, déposée en voiture par son fils. « Il ne veut pas que je me mette à côté de lui. Il me fait monter derrière comme une chienne. J’ai honte. » Elle est agent d’entretien, 56 ans. Pour la première fois depuis son mariage, son mari a appelé sa mère : « Votre fille préfère son travail à moi. » Lui est vigile, il devient fou à force de rester à la maison. Tous les soirs, il répète : « Tu vas me ramener le virus et on est dans le même lit. » Lui, le confiné, se réveille la nuit, secoué de toux. C’est nerveux, assure le médecin. Une autre dort sur le canapé. Chez une vacataire, un traversin sépare en deux le matelas conjugal. « Chez moi, on me traite comme une pestiférée. » Sa mère l’appelle tous les soirs pour la supplier de se mettre en arrêt maladie. Elle n’est pas sûre de pouvoir continuer à venir. « Je vous en demande beaucoup, vous pouvez me détester, explique Laurent Garcia. Personne ne vous en voudra si vous restez chez vous. Mais je vous en supplie, pour les résidents et les collègues, ne me prévenez pas au dernier moment. » Dans le hall, une banderole a été tendue et l’équipe pose derrière : « Merci à nos familles de nous laisser sortir. »

    « Tu crois que c’est vrai ? On m’applaudit aussi ? »

    Mercredi 25 mars, 9e jour de confinement. Pour rien au monde, Martine ne raterait le rendez-vous de 20 heures, quand les Français se mettent aux balcons pour applaudir ensemble le personnel de santé. Elle en a fait une fête avec ses filles, chacune se remaquille pour apparaître au mieux devant les voisins. Cette fois, un type l’a alpaguée à travers la chaussée, celui qui habite le pavillon en face et conduit une Volvo. « Dites-moi, vous ne seriez pas infirmière ou quelque chose comme ça ? » Martine a rougi. « Je suis aide-soignante. » Elle a encore baissé d’un ton pour préciser qu’elle travaille en Ehpad, aux Quatre-saisons, à Bagnolet. Quand le type a applaudi plus fort, en la regardant droit dans les yeux et en criant « Bravo ! », Martine a cru qu’il se moquait d’elle. Pas du tout. « C’est vous aussi qu’on remercie tous les soirs », a précisé le voisin. Elle n’y avait jamais pensé. Elle n’aurait pas osé. En général, ceux des Ehpad se trimballent une image de sous-soignants par rapport aux hôpitaux, où se ferait la « vraie » médecine. « Toi, tu torches le cul des vieux », a rigolé un jour une copine. Martine a l’habitude, à force. Elle dit même qu’elle s’en fout. A 20 h 5, en refermant la fenêtre, elle a demandé à sa grande fille : « Tu crois que c’est vrai ? On m’applaudit aussi ? »

    « Le virus, on l’a tous eu au moins cinq minutes »

    Jeudi 26 mars, 10e jour de confinement. Le gel hydroalcoolique vient d’être livré, les 15 litres à 130 euros au lieu de 75, de quoi tenir une semaine. En revanche, plus un thermomètre sur le marché. Mais la grande nouvelle est venue de M. Prono, le directeur. « A 14 heures, je vais récupérer une dotation de 350 masques. Désormais, on en aura toutes les semaines. » Il a lâché l’info à sa manière, voix contenue, l’air de ne pas y toucher, comme si c’était tout à fait normal. La docteure Bénichou et Laurent Garcia ont attendu de voir la caisse sur la table pour le croire.

    A 16 h 30 commence la première réunion où toute l’équipe porte un masque. Il y en aura deux par jour pour le personnel d’entretien et trois pour les soignants. Dommage que les embrassades soient interdites.

    Et puis, d’un coup, l’ambiance vire au tragique. Les résultats des dépistages viennent d’arriver : deux des collègues sur trois ont été testés positifs, les premiers aux Quatre-Saisons. Les yeux bougent par-dessus les masques, à toute vitesse, chacun se cherche du regard. On discute entre soi, à voix basse.

    « Tu vas le dire à ton mari ?

    – Je suis pas sûre.

    – Tu crois qu’on est obligée ?

    – En tout cas, on a franchi une étape. Qu’est-ce qui va se passer ? »

    Rosa, l’animatrice, se lève : « Je n’avais pas peur, mais oui, je vais le dire : maintenant, j’ai peur. » D’ailleurs, elle ne se sent pas très bien. « Vous me voyez ? Je pèse 90 kilos, mais j’ai une petite santé, en fait. » A bien y réfléchir, elle cumule même tous les signes du virus. La voilà qui se palpe le ventre, la tête, la gorge. « Arrêtez, Rosa : ce n’est pas la première fois que vous nous annoncez votre mort », plaisante Laurent Garcia, alias l’ambianceur – c’est son surnom depuis qu’il a abandonné sa blouse d’infirmier pour devenir cadre de santé, il y a douze ans. Lui aussi, comme tout le monde, a eu son petit coup de fatigue, un peu plus tôt dans la journée. D’une voix mourante, il a demandé à l’infirmière : « Vous pouvez me prendre ma température, s’il vous plaît ? » 36,4 °C. Retour du sourire. « Le virus, on l’a tous eu au moins cinq minutes. » Une aide-soignante le coupe. « Jurez-nous quelque chose, M. Garcia : chaque fois que quelqu’un sera touché, vous nous le direz ? »

    « Dommage, ma famille ne pourra pas venir »

    Vendredi 27 mars, 11e jour de confinement. Dans sa chambre, une résidente a mis ses photos sur ses genoux et, un à un, elle caresse les visages. Les moments lui reviennent, les mariages et les drames, la guerre aussi. Et alors ? Ils vivaient les uns avec les autres, tous ensemble. « Ne quittez pas votre chambre, vous êtes à l’isolement », lui a recommandé la soignante chargée de son étage. La résidente a pris un air penaud : « Dommage, ma famille ne pourra pas venir. » La soignante n’a rien dit. Toutes les deux savent très bien qu’elle n’a jamais aucune visite. La résidente se lève de son fauteuil. Elle monte dans l’ascenseur. Personne dans le hall en bas. Quelques pas seulement la séparent de la porte vitrée qui ouvre sur la rue. Si elle sortait ? Coups d’œil sur le trottoir. Désert aussi. C’est vrai, elle s’en souvient maintenant, la France entière est confinée. Elle l’a vu aux infos. De l’autre coté de la fenêtre, elle aperçoit une femme qui se hâte de rentrer. Une pensée lui traverse l’esprit. Et si tout le pays était devenu un gigantesque Ehpad, chacun chez soi, interdiction de sortir, rien à faire sauf manger ? Et elle se met à rire, comme elle n’avait pas ri depuis une éternité.

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    #vieux #Ehpad #société_d'abandon #le_travail_tue #masque_de_protection #gants #isolement #housses_mortuaires #soignantes #soignants #agents_d'entretien #premiers_de_corvée #Noirs #Arabes #soin #Soins_palliatifs #courage #torcher_le cul_des_vieux #in_retrospect

  • #Coronavirus : « Il est dangereux de faire endosser aux #soignants le costume du #héros »
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/03/26/coronavirus-il-est-dangereux-de-faire-endosser-aux-soignants-le-costume-du-h

    Bernard Granger : Les applaudissements sont appréciés comme une juste reconnaissance des efforts fournis actuellement par le personnel hospitalier. Mais si ces élans ne débouchent pas sur la décision, mais sur la seule promesse, de redonner des moyens à l’#hôpital une fois l’épidémie passée, ce sentiment de réconfort pourrait se muer en colère. En effet, le travail exceptionnel fourni aujourd’hui par les personnels ne doit pas faire oublier celui accompli le reste de l’année, dans une #pénurie et un dénuement ignorés depuis trop longtemps.

    Marie-José Del Volgo : Il est dangereux de faire endosser aux soignants le costume du héros. Etre un héros, cela signifie se sacrifier, souffrir en silence. Le héros ne demande ni aide ni moyens. Le héros est un surhomme. Cette approche fait peser sur les épaules des soignants une immense responsabilité, tout en leur interdisant de reconnaître leur propre #vulnérabilité. Or, comme tout être humain aux prises avec des circonstances aussi difficiles, les soignants auront besoin de faire appel à une écoute extérieure pour sortir de cette catastrophe et du confinement auquel ils sont, ne l’oublions pas, aussi contraints. Pour eux, c’est au moins la double #peine.

  • Une synthèse : Avant les commissions d’enquête et les procès, examinons dès à présent les responsabilités de l’exécutif dans la désastreuse gestion de la #crise_sanitaire liée au #Covid-19, par @Panda31808732, sur le volatile bleu

    https://threadreaderapp.com/thread/1244349636040671243.html

    Double avertissement :

    a) Ce fil est très long : 241 messages (~25 pages). On essayera de mettre un lien ThreadReaderApp à la fin.
    b) Si vous estimez qu’il est « trop tôt » pour parler de cela ou que c’est « trop polémique », ne le lisez pas.

    En ce qui nous concerne, la grosse ficelle de l’ « #union_sacrée » qui ne vise qu’à mettre un coup de chloroforme sur la critique : non merci.

    Ils disent que nous sommes dans le même bateau ? C’est faux — ou alors, disons qu’il y a une 1ère, une 2ème et une 3ème #classe

    Certains corps sont plus sacrifiables que d’autres. Certains obtenaient "miraculeusement" des tests en l’absence de symptômes graves, d’autres non (y compris des #soignants) ; certains prennent les décisions dans des bureaux, d’autres les subissent sur le terrain.

    Nous ne sommes pas en guerre, nous sommes au milieu d’un désastre sanitaire à cause de l’impréparation totale du gouvernement, de sa sous-réactivité et de ses choix passés. Une grande partie de ce désastre était évitable. On aurait pu et dû faire beaucoup mieux.

    On écrit aussi ce fil parce que le #gouvernement (a) n’a toujours pas pris certaines mesures nécessaires, (b) semble s’être persuadé qu’il a bien géré cette crise et donc (c) va persister dans l’erreur, tout en reportant avec cynisme la faute sur la population.

    On commencera par présenter rapidement ce qu’est une épidémie à croissance exponentielle.

    On continuera avec un rapide #historique de la crise, en s’appuyant notamment sur ce que disait l’Organisation Mondiale de la Santé et en partant d’un principe simple : ce que l’#OMS sait, le gouvernement le sait aussi (et donc doit pouvoir anticiper et agir en conséquence).

    On abordera ensuite la question des multiples pénuries, qui sont la marque la plus criante de l’incompétence gouvernementale. Enfin, on discutera de la stratégie de l’exécutif et, après avoir passé en revue quelques-unes de ses erreurs grossières, de ses priorités.❞

    Un résumé fourni et documenté sur l’(in)action du gouvernement qui complète fort bien cette chronologie de l’émergence du Covid-19
    https://seenthis.net/messages/834457

    #preuves #crime_d'État

    • C’est intéressant, mais à mon avis il y a une grosse difficulté : ça se base exclusivement sur un choix à charge d’avis d’experts (de l’OMS essentiellement). Pour un premier « acte d’accusation » des politiques, c’est bien, mais il va être nécessaire de retrouver, également, les déclarations et les positions d’autres experts et médecins, notamment ceux qui ont l’oreille du politique. (Dans le tas on pourrait aussi mettre la commentateurs médiatiques en général, puisque malheureusement dans une démocratie, les « influenceurs » fabriquent l’opinion publique, et donc influencent le politique.)

      Sinon il sera facile pour nos politiques, dans le futur procès, de plaider le manque d’information, et surtout les informations contradictoires.

      Parce que des spécialistes qui minorent, ou qui n’ont vraiment pas l’air de beaucoup s’inquiéter, ou au minimum qui à aucun moment ne suggèrent que, si l’épidémie se répand, alors le pays sera dans le dénuement le plus total (pas de masques, pas de tests, ehpad à l’abandon…)… c’est quasiment la seule chose qu’on va trouver en France si on fait des recherches entre le 1er et le 29 février…

      Je pense évidemment à l’éminent marseillais, mais là j’ai par exemple Yazdanpanah le 22 février, on écoute ça et on peine à percevoir le moindre risque que la situation dégénère :
      https://www.youtube.com/watch?v=18pzKtZ6TsE

      Le 28 février : Coronavirus : "Le virus ne va pas forcément disparaître" selon le professeur Eric Caumes
      https://www.francebleu.fr/infos/societe/coronavirus-le-virus-ne-va-pas-forcement-disparaitre-selon-le-professeur-

      « On ne sait pas où on va en fait, il suffit que les températures remontent de 15 degrés d’un seul d’un coup et le virus ne va plus se sentir très bien, on ne sait pas. Je pense que le virus ne va pas forcément disparaître, il va devenir endémique et évoluer à un bas niveau, comme d’autres coronavirus humains qui circulent parmi nous régulièrement. » Le Covid-19 pourrait faire partie de notre quotidien et revenir de façon récurrente, « c’est une possibilité qu’il faut envisager », mais sans inquiétude assure le professeur Eric Caumes.

      Le 14 février, Denis Malvy en est déjà à annoncer à la presse un traitement « prometteur » : Un médicament efficace sur le patient touché par le Covid-19 à Bordeaux
      https://www.courrier-picard.fr/id69006/article/2020-02-14/un-medicament-efficace-sur-le-patient-touche-par-le-covid-19-bordeau

      Le patient de 48 ans infecté par le nouveau coronavirus et sorti du CHU de Bordeaux, jeudi, après 22 jours d’hospitalisation a été traité avec du remdesivir, un antiviral « prometteur », a indiqué vendredi son équipe médicale.

      Le remdesivir, de l’Américain Gilead, « agit directement sur le virus pour empêcher sa multiplication », a expliqué devant la presse le Pr Denis Malvy, responsable de l’unité maladies tropicales et du voyageur du CHU Pellegrin. C’est une « petite molécule capable de gagner l’ensemble des compartiments de l’organisme et dont on sait qu’elle diffuse parfaitement dans les poumons, organe cible de la maladie », a ajouté le médecin précisant que le médicament est administré par voie intraveineuse pendant dix jours et que le patient l’a « parfaitement toléré ».

      Et ça c’est une recherche rapide à l’instant. Je n’ai aucun doute qu’on se prend un peu de temps pour creuser, et on va trouver une pléthore de spécialistes qui minorent « la petite épidémie » que l’« Italie parviendra à maîtriser rapidement », le virus « qui va disparaître si la température augmente », les traitements « prometteurs » sur un unique patient (et je ne parle pas de « Fin de partie ! »), et malheureusement, je ne suis pas certain qu’il sera aussi facile d’incriminer les décideurs politiques.

    • 112. Gouverner, c’est choisir. L’Histoire retiendra que l’on n’a jamais manqué de balles en caoutchouc pour éborgner et terroriser les gens qui manifestaient pour réclamer une vie meilleure, alors qu’on était à poil au niveau des masques face à la pandémie du siècle.

      #LBD

      Puisse la crise du Covid-19 nous rappeler cette leçon historique : lorsqu’il s’agit de faire mourir des gens en masse, le plus prolifique des tueurs en série n’est rien face au bureaucrate autosatisfait. L’arme la plus meurtrière sur Terre reste un stylo tenu par un col blanc.

  • APPEL AUX COUTURIER(e)S VOLONTAIRES !
    10 000 blouses pour le CHU de Dijon
    https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSdIA-cQWDL8PHtsNPuNxdZ6s487ca9ECzoXK4KbHfFbpoUXZg/viewform?usp=sf_link&usp=embed_facebook

    La disponibilité des équipements individuels de protection est un enjeu majeur pour les professionnels de santé dans le contexte de l’épidémie de Covid-19.

    Actuellement, le CHU de Dijon utilise 30 blouses jetables par jour et par soignant. Pour palier les tensions sur l’approvisionnement, le CHU de Dijon a développé et testé un modèle de #blouse en tissu, lavable et réutilisable. Ce modèle a été mis au point par les équipes du CHU de Dijon, en partenariat avec des entreprises privées, avec l’aide de personnes volontaires et bénévoles. Pour répondre aux critères techniques et assurer la sécurité et l’hygiène, permettant aux soignants et aux patients d’être protégés, les blouses seront lavées à très haute température.

    Pour permettre une production rapide de 10 000 blouses, voici un appel à couturier(e)s bénévoles.

    Le nombre de #soignants morts en raison du manque de #matériel_de_protection sera difficile à établir. Mais l’heure de commencer à faire les comptes sonne chaque jour de façon répétée et avec insistance.

    #hôpital #on_en_est_là

  • High proportion of healthcare workers with #COVID-19 in Italy is a stark warning to the world: protecting nurses and their colleagues must be the number one priority | ICN - International Council of Nurses
    https://www.icn.ch/news/high-proportion-healthcare-workers-covid-19-italy-stark-warning-world-protecting

    Latest figures show that healthcare workers make up 9% of Italy’s COVID-19 cases.

    #soignants

  • Chez moi hors de moi
    Lor Zevan (statut FB, 28 mars 2020)

    J’attends de la revoir. Je n’applaudis pas les soignants tous les soirs à 20h. Le spectacle de l’hôpital en ce moment me donne envie de hurler, pas d’applaudir. Je suis subjective, là ? Je serai objective quand je serai un objet. Pour le moment je suis sujette à la peur et à la colère. Ma fille est parmi les soignants dans un hôpital public qui naufrage « grâce » à nos bons maîtres. Je n’ai pas envie d’applaudir. Les soignants ne sont pas des héros. Ils travaillent. Dans l’enfer où on les a mis, ils font leur travail. Ils ne veulent ni mourir ni laisser mourir. Depuis deux ans, ils sont dans la rue pour dire la détresse et le danger de l’hôpital « managé », l’hôpital à conférences budgétaires, l’hôpital amputé de lits, de matériel, de personnel pour accueillir et soigner tout le monde, l’hôpital à faire fric mais à salaires minables, l’hôpital amputé de sa vocation à soigner et faire vivre.

    Chez moi hors de moi. Si je branlais des hashtags je dirais ça. Chez moi hors de moi. Deux êtres que je chéris sont parmi les soignants : un médecin et une infirmière. L’ infirmière, c’est ma fille. Je n’applaudis pas les soignants tous les soirs à vingt heures à ma fenêtre. J’ai envie de hurler pas d’applaudir. Je ne dors pas et, dans la nuit, j’ai peur et je veux parler d’elle, un peu. Ma fille, voyez vous, est une jeune-femme remarquable. Elle est née artiste et, dès l’enfance, elle nous a cloué le bec en dessinant le monde d’un trait. Attentive et attentionnée. Rien, du vivant, ne lui échappe. Elle est comme ça. Magique. Attentive et attentionnée. Elle aime la vie, elle aime la protéger, l’embellir, la préserver, la soigner. Elle est diplômée en arts appliqués, bien, mais avec ou sans diplômes, elle est artiste et, en plus, elle est devenue une adulte d’une rare gentillesse. La vraie gentillesse, celle qui est une force. Rare. Un jour, elle a changé de cap. Pas facile. Elle l’a fait. Ma fille, aujourd hui, depuis un an, est infirmière en chirurgie. Ma fille est infirmière et j’ai peur. J’ai peur.
    J’attends de la revoir. Je n’applaudis pas les soignants tous les soirs à 20h. Le spectacle de l’hôpital en ce moment me donne envie de hurler, pas d’applaudir. Je suis subjective, là ? Je serai objective quand je serai un objet. Pour le moment je suis sujette à la peur et à la colère. Ma fille est parmi les soignants dans un hôpital public qui naufrage « grâce » à nos bons maîtres. Je n’ai pas envie d’applaudir. Les soignants ne sont pas des héros. Ils travaillent. Dans l’enfer où on les a mis, ils font leur travail. Ils ne veulent ni mourir ni laisser mourir. Depuis deux ans, ils sont dans la rue pour dire la détresse et le danger de l’hôpital « managé », l’hôpital à conférences budgétaires, l’hôpital amputé de lits, de matériel, de personnel pour accueillir et soigner tout le monde, l’hôpital à faire fric mais à salaires minables, l’hopital amputé de sa vocation à soigner et faire vivre. Les soignants crient depuis des mois : « Nous devons retrouver un hôpital humain. » Personne ne les a écoutés. Dans l’hôpital délabré, ils étaient là. Ils ont dit. Personne n’a applaudi, ni compris, ni agi. Aujourd’hui, en plein fléau, dans l’hôpital carrément naufragé, ils sont toujours là. Comme avant. Quand ça allait très mal mais pas pour tout le monde, on n’écoutait pas. Quand ça va très mal mais pour tout le monde, là on applaudit. Qu ’est-ce qui fait applaudir aujourd’hui ? La prise de conscience d’un danger dont on se croyait préservé mais qui déborde ? La peur d’être touché aussi ? C’est le nombril de quelle angoisse personnelle qui applaudit tous les soirs à 20 heures ? L’hopital débordé, ça fait des mois que les soignants le crient partout où ils peuvent. Les soignants ne sont pas des héros. Le héros étouffe l’ humain. Le héros, on l’applaudit et on l’oublie. Le héros est éjecté de l’humain. Je n’ai pas mis au monde une héroïne. Je n’ai pas mis au monde un sacrifice sur pattes. Ma fille est infirmière. Elle travaille à l’hôpital public. Elle a choisi l’hôpital public. Elle travaille. Elle ne se sacrifie pas. Elle travaille. Elle fait très bien son métier et, comme tous les soignants, et tous les malades, elle est mise en danger par le contexte de ce travail, hôpital délabré par des choix politiques délibérés, dans l’indifférence générale jusqu’à présent.
    Ce métier, elle l’a choisi pour sa dimension humaine. Elle est comme ça. Je n’applaudis pas, je l’aime infiniment. D’être si vraie, si vivante. Ça fait grandir encore. Ma fille me fait grandir encore. Je n’applaudis pas. Seul, le silence peut.
    Quand mes enfants étaient petits, souvent me revenait une phrase entendue dans un film de Théo Angelopoulos, « l’Apiculteur ». Une scène dans laquelle, autour d’un nouveau-né, chacun y va de sa prophétie « Il sera roi, il sera acteur, il sera un génie, un héros ! » et l’apiculteur les arrête d’une voix douce : « S’il vous plait, si vous devez lui apprendre une seule chose, apprenez-lui à être comme tout le monde. » J’ai essayé d’ apprendre, ça, à mes enfants, être comme tout le monde. Ça ne veut pas dire faire ou avoir les mêmes choses. Ça veut dire être. Comme tout le monde. C’est-à-dire essayer de retrouver encore et toujours, n’importe quand, n’ importe où, en n’importe qui, le chemin de l’humain en soi-même et dans les autres. Ne pas perdre le code du vivant. Ce n’ est pas si facile. Surtout dans un monde où certains expliquent à d’autres qu’il y a des gens qui réussissent et des gens qui ne sont rien. Et qui reviennent, un jour de grand désastre, dire « Je compte sur vous. » Y compris sur ceux-là qui « ne sont rien » ? Oui. Simplement parce qu’il n y a pas de gens qui ne sont rien. Parce que chacun est tout et rien. Tout le monde est tout et rien. Nous le mesurons en ce moment.
    Le monde n a pas besoin de héros. Le monde a besoin d’humanisme et d’honnêteté. Et ça ira.

    Lor Zevan

    #hôpital #coronavirus #covid19 #santé #infirmières #infirmiers #soignants #néolibéralisme #austérité #HP

  • Coronavirus : l’Allemagne se tourne vers les migrants pour anticiper une pénurie de soignants

    Bastion de l’AfD, le parti nationaliste et anti-migrants allemand, la région #Saxe se tourne vers ses #médecins_étrangers n’ayant pas encore obtenu de licence pour exercer afin de prévenir une #pénurie de #soignants en pleine pandémie de coronavirus. Plusieurs centaines d’entre eux se sont déjà portés volontaires pour aider.

    « Je suis extrêmement heureux de voir que je peux faire quelque chose pour le pays dans lequel je vis. » A 29 ans, Shadi Shahda se tient prêt à intervenir en pleine pandémie de coronavirus. Le jeune Syrien a expliqué à Reuters être arrivé en Allemagne en avril dernier avec un visa pour les demandeurs d’emploi hautement qualifiés et une expérience de trois ans comme médecin interne en ORL.

    Avant de pouvoir commencer à exercer en Saxe, sa province d’adoption, il ne lui restait plus qu’à passer un examen de langue ce moi-ci, lequel a été annulé pour cause de coronavirus. C’est donc tout naturellement que Shadi Shahda a répondu à une annonce du Sächsischen Landesärztekammer, le Conseil médical de la région de Saxe. « J’ai envoyé ma candidature, j’attends leur appel », s’est réjoui le jeune Syrien, soulagé de pouvoir mettre ses compétences à profit.

    Safwan aussi attend des nouvelles. Cet autre jeune migrant a fait des études de médecine générale en Syrie avant de s’installer à Leipzig, il y a trois ans. Il devait également passer son test de langue prochainement. « Je ne m’imagine pas rester les bras croisés, si j’ai voulu faire médecine, c’est avant tout pour aider les gens », explique-t-il à InfoMigrants.

    Alors que le gouvernement allemand se veut rassurant en affirmant notamment qu’il est en capacité de doubler son nombre de lits en soins intensifs et de produire davantage de respirateurs, le manque de #personnels_soignants apparaît comme le point faible de sa stratégie de lutte contre le coronavirus.

    C’est dans ce contexte que le Sächsischen Landesärztekammer a lancé, sur sa page Facebook, un appel aux migrants ayant des compétences de soignants. « Les docteurs étrangers qui se trouvent déjà en Saxe mais qui n’ont pas encore reçu leur licence pour pratiquer dans la région peuvent nous aider dans les soins pour combattre le coronavirus », a écrit l’organisme dans une publication datant du 17 mars.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/23691/coronavirus-l-allemagne-se-tourne-vers-les-migrants-pour-anticiper-une
    #réfugiés #intégration_professionnelle #travail #Allemagne #asile #migrations #médecins #soins #santé #pénurie

    ping @karine4 @isskein @thomas_lacroix @_kg_

    • Refugees to the rescue? Germany taps migrant medics to battle virus

      Five years ago the arrival of a wave of refugees caused much consternation and fuelled support for Germany’s far-right. Now, the country is turning to its migrant community to plug an anticipated shortage of medical staff battling the coronavirus.

      The German government says it can double its number of intensive care beds, and even produce more ventilators but a medical staffing crunch is shaping up as the Achilles heel of its strategy to fight the coronavirus.

      In Saxony, the heartland of the nationalist Alternative for Germany (AfD), the regional medical board is advertising for migrant doctors to help tackle an expected rise in cases.

      “Foreign doctors who are in Saxony but do not yet have a license to practice medicine can help with corona(virus) care,” read a Facebook appeal. here

      The push to tap migrant medics in Saxony comes despite the AfD enjoying a surge in support in a regional election there last year, harnessing voter anger over refugees to come second behind Chancellor Angela Merkel’s conservatives.

      Merkel’s 2015 decision to open Germany’s borders to some 1 million migrants fleeing war in the Middle East - the defining moment of her chancellorship - was widely criticised by the AfD and even many of her own conservatives.

      A new film, ‘Merkel - Anatomy of a Crisis’, also takes a critical look at her handling of the refugee influx.

      But the coronavirus epidemic means medics of all backgrounds are in demand.

      Saxony’s regional medical board reported on Monday that 300 volunteers had responded to its appeal for help, including “many foreign doctors whose licensing procedures are not yet completed, whose help is very welcome.”

      As of Tuesday, there were 31,554 cases of coronavirus in Germany, with 149 deaths, the Robert Koch Institute for infectious diseases said. The government says Germany is still at the beginning of the epidemic.

      Shadi Shahda, 29, is one migrant medic ready to help.

      He came to Germany last April on a visa for highly-qualified job seekers and with three years’ experience as an ENT (ear, nose, throat) medical resident in Syria. But a language exam he needed to take this month to work as a doctor in Saxony was cancelled due to the coronavirus.

      He jumped at the medical board’s Facebook post and says: “I am waiting for their call ... I was very happy when I saw that I could do something in the country where I am living.”

      https://uk.reuters.com/article/uk-health-coronavirus-germany-refugees/refugees-to-the-rescue-germany-taps-migrant-medics-to-battle-virus-idUKK

    • Berliner Behörde überlastet - Ausländische Mediziner trotz Coronakrise ohne Arbeitserlaubnis
      Von Claudia van Laak
      5-6 Minuten

      Allein in Berlin warten aktuell 1.058 ausländische Ärzte und 1.180 Pflegekräfte auf Anerkennung ihrer Berufsabschlüsse – manche sogar schon seit Jahren. Doch trotz Corona-Krise und dringend benötigten medizinischen Fachpersonal wird sich daran wohl so schnell nichts ändern.

      https://www.deutschlandfunk.de/media/thumbs/3/340e4ca5ae39e761de447f9c0a17f2a8v1_max_755x425_b3535db83dc50e27c1bb1

      „Notruf: Mehr von uns ist besser für alle!“ steht bei einer Demonstration von streikendem Pflegepersonal an der Berliner Charite - Campus Virchow Klinikum auf einem Transparent. (imago images / Seeliger)

      Bereits vor der Corona-Krise herrschte in Deutschland der Pflegenotstand. Doch ausländisches medizinisches Fachpersonal wartet hierzulande oft sehr lange, bis die Arbeitserlaubnis kommt.

      Wir brauchen jede helfende Hand, bitte melden Sie sich bei den Landesärztekammern. Dieser flehentliche Appell von Ärztekammerpräsident Klaus Reinhardt richtet sich an pensionierte Mediziner und an Studierende. Doch was ist mit den ausländischen Ärzten? Ihre Abschlüsse – und auch die der Pflegekräfte – müssen zum Beispiel im Land Berlin vom Landesamt für Gesundheit und Soziales anerkannt werden. Auf den Schreibtischen der Entscheider liegen nicht weniger als 1.058 Anträge ausländischer Ärzte sowie 1.180 Anträge von Pflegekräften. Und diese Anträge liegen dort nicht erst seit gestern. Die Verfahren dauern viel zu lange, sagt Catherina Pieroth, gesundheitspolitische Sprecherin der Grünen-Fraktion im Abgeordnetenhaus.

      „Die Anerkennungsverfahren dauern zum Teil ein Jahr oder länger. In Einzelfällen sogar drei bis vier Jahre.“

      Bereits vor Corona gab es einen Ärzte- und Pfleger-Mangel, trotzdem mussten diese Fachkräfte Jahr für Jahr länger auf ihre Berufserlaubnis warten. Die entsprechende Abteilung im Berliner Landesamt für Gesundheit und Soziales LaGeSo ist überlastet. Tim Zeelen, gesundheitspolitischer Sprecher der CDU-Fraktion im Abgeordnetenhaus.

      „Es gibt den Aufruf auch des Bundesministers Jens Spahn, Rentner zu reaktivieren, wir wissen, dass Medizinstudenten jetzt geschult werden sollen, um Aufgaben im Gesundheitswesen zu übernehmen. Das sind alles gute Belege dafür, dass wir jeden brauchen, der qualifiziert ist mitzuhelfen. Und das gilt für Menschen, die im Ausland ihre Abschlüsse erworben haben, umso mehr. Auch die könnten jetzt ganz konkret unserem Gesundheitswesen in Berlin helfen.“

      Wer in Polen seine Ausbildung gemacht hat, hat das Nachsehen

      Noch eine weitere Gruppe könnte helfen – das sind Ärztinnen und Ärzte, die vor kurzem im Nachbarland Polen ihren Abschluss gemacht haben, darunter auch viele Deutsche. Sie erhalten von den Berliner Landesbehörden keine Approbation, weil Polen seine Medizinerausbildung zuvor verändert hatte.

      Catherina Pieroth von den mitregierenden Grünen:

      „Aktuell sind 60 Ärztinnen und Ärzte aus diesem Kontingent arbeitslos. Dieses Jahr werden weitere 350 Ärzte in Polen fertig, die gerne nach Deutschland kommen würden, dabei handelt es sich auch um Deutsche, die in Stettin studieren, weil sie in Deutschland keinen Medizin-Studienplatz bekommen haben.“

      Vorläufige Anerkennung gefordert

      Die oppositionelle CDU fordert vom rot-rot-grünen Berliner Senat eine schnelle Entscheidung. Ausländische Ärzte und Pflegekräfte müssen eine vorläufige Anerkennung erhalten, um sofort mit ihrer Arbeit beginnen zu können, sagt Tim Zeelen.

      „Jetzt geht es darum, in einem Ad-hoc-Verfahren diese Genehmigung sehr sehr schnell möglich zu machen.“
      Berliner Gesundheitsverwaltung stellt sich quer

      Die zuständige, von der SPD geleitete Gesundheitsverwaltung und das ihr unterstellte Landesamt für Gesundheit und Soziales lehnen das rundheraus ab. Auch in Krisenzeiten dürfe man nicht von den Regeln abweichen, die der Bund festgelegt habe. Zitat:

      „Die Anforderungen können landesrechtlich nicht verändert oder temporär angepasst werden. Derzeit gibt es bundesweit Überlegungen, ob und wie die Anerkennungsverfahren vereinfacht oder beschleunigt werden können.“

      Und weiter: Aus Gründen des Patienten- und auch des Gesundheitsschutzes sei es unverantwortlich, ohne entsprechende Prüfungen vorläufige Berufserlaubnisse für Ärzte und Pfleger zu erteilen. Der CDU-Gesundheitspolitiker Tim Zeelen sieht dies anders, denn:

      „Von den Menschen, die mit einem im Ausland erworbenen Abschluss kommen, ist die Anerkennungsquote nahezu 100 Prozent.“

      1.058 ausländische Ärztinnen und Ärzte warten allein im Land Berlin auf die Anerkennung ihres Abschlusses. Bei manchen fehlt nur noch die bestandene Fachsprachenprüfung. Diese Prüfungen finden allerdings gerade nicht statt – wegen der Corona-Epidemie.

      https://www.deutschlandfunk.de/berliner-behoerde-ueberlastet-auslaendische-mediziner-trotz.1773.de.

    • Refugees to the rescue? Germany taps migrant medics to battle virus

      Five years ago the arrival of a wave of refugees caused much consternation and fueled support for Germany’s far-right. Now, the country is turning to its migrant community to plug an anticipated shortage of medical staff battling the coronavirus.

      The German government says it can double its number of intensive care beds, and even produce more ventilators but a medical staffing crunch is shaping up as the Achilles heel of its strategy to fight the coronavirus.

      In Saxony, the heartland of the nationalist Alternative for Germany (AfD), the regional medical board is advertising for migrant doctors to help tackle an expected rise in cases.

      “Foreign doctors who are in Saxony but do not yet have a license to practice medicine can help with corona(virus) care,” read a Facebook appeal. here

      The push to tap migrant medics in Saxony comes despite the AfD enjoying a surge in support in a regional election there last year, harnessing voter anger over refugees to come second behind Chancellor Angela Merkel’s conservatives.

      Merkel’s 2015 decision to open Germany’s borders to some 1 million migrants fleeing war in the Middle East - the defining moment of her chancellorship - was widely criticized by the AfD and even many of her own conservatives.

      A new film, ‘Merkel - Anatomy of a Crisis’, also takes a critical look at her handling of the refugee influx.

      But the coronavirus epidemic means medics of all backgrounds are in demand.

      Saxony’s regional medical board reported on Monday that 300 volunteers had responded to its appeal for help, including “many foreign doctors whose licensing procedures are not yet completed, whose help is very welcome.”

      As of Tuesday, there were 31,554 cases of coronavirus in Germany, with 149 deaths, the Robert Koch Institute for infectious diseases said. The government says Germany is still at the beginning of the epidemic.

      Shadi Shahda, 29, is one migrant medic ready to help.

      He came to Germany last April on a visa for highly-qualified job seekers and with three years’ experience as an ENT (ear, nose, throat) medical resident in Syria. But a language exam he needed to take this month to work as a doctor in Saxony was canceled due to the coronavirus.

      He jumped at the medical board’s Facebook post and says: “I am waiting for their call ... I was very happy when I saw that I could do something in the country where I am living.”

      https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-germany-refugees/refugees-to-the-rescue-germany-taps-migrant-medics-to-battle-virus-idUSKBN2

    • Germany calls on migrant medics to help tackle coronavirus

      Country has 14,000 Syrian refugee doctors waiting for qualifications to be approved.

      Germany’s health authorities are appealing to medically qualified migrants to help them tackle the coronavirus.

      As increasing numbers of doctors and nurses fall ill or are quarantined, the shortage of medical staff is putting pressure on a usually well-resourced health service.

      Government initiatives have already increased the number of intensive care beds from about 24,000 to 40,000, most of them with ventilators. Staff are being retrained and non-essential operations across the country have been cancelled.

      But the health system still needs more medical personnel to care for patients, increase the levels of testing, and track down people who have been in contact with those who are sick. The Robert Koch Institute, which advises the government on public health, has said 2,300 doctors are believed to be off sick or in quarantine. But with no central collation of data, the real figure is believed to be much higher. In the state of Bavaria alone, 244 doctors’ practices have had to close because of coronavirus infections.

      Match4Healthcare, a website backed by medical authorities which was created by a volunteer team of students and hackers, seeks to match healthcare workers and volunteers – both citizens and foreigners living in Germany – to clinics and care homes needing support.

      The eastern state of Saxony is at the forefront of a campaign calling on foreign doctors, including the thousands of refugees who arrived in 2015, to help. According to the Facebook group Syrian Doctors in Germany there are 14,000 Syrian doctors waiting for their qualifications to be approved.

      “We are keen for anyone to get in touch who is in a position to help,” said a spokesman for the medical association in Leipzig (SLAEK), the capital of Saxony. “It could be someone who does not yet have their medical licence, but is on their way to getting it,” he said. “To date around 400 have been in touch.”
      Germany’s devolved logic is helping it win the coronavirus race
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      Saxony, with a population of just over 4 million, has not been as badly hit by the virus as other regions, but concern is growing. By Friday, there were almost 4,000 confirmed cases and 76 of them had died. “Right now the situation is still under control, but as it gets worse we need to prepare for that,” the spokesman said.

      In its Facebook appeal the medical association calls on German-speaking “foreign doctors already living in Saxony but who have not yet got their medical licence to help with coronavirus support”.

      What makes Saxony’s plea salient is that it is the home of Pegida, the anti-Islam protest movement, and the heartland of the far-right Alternative für Deutschland party. The AfD rose to prominence – becoming the largest opposition in parliament in 2017 – on the back of voter anger over Angela Merkel’s decision to allow almost 1 million refugees into the country in 2015.

      The chancellor’s resistance to closing Germany’s borders prompted a huge backlash against her Christian Democrats’ refugee policy, with many accusing Merkel of undermining national security. Now, although the government was initially reluctant to do so, closing the national border to most neighbouring countries is regarded as a matter of national safety, to prevent the spread of coronavirus.

      Opponents of the government’s open door policy argued refugees would be a drain on the economy and compromise national security. Those in favour said that, as the majority were young, they would help plug a growing skills shortage caused by an ageing population.

      Safwan Adnan Ali arrived from Syria in July 2016. He studied general surgery in Latakia for four years, then moved to Iraq to avoid military service, where he worked as a general practitioner for a year.

      Since arriving in Germany as a refugee, he has been learning the language and preparing for exams which will allow his qualifications to be recognised.

      “I was waiting for the exam for medical language use, but then the coronavirus came and everything has ground to a halt,” the 37-year-old said. “When the appeal was announced … I thought I’d really like to help. I need to do something useful, and I’d like to give something back to the country which has helped me so much, so I sent off my CV immediately.”

      He has also applied to help Bavaria, one of the worst-hit regions, which recently announced that doctors without medical licences would be given immediate permission to work there for a year. In recent days other states have announced easier access to exam procedures and a relaxation on qualification rules.

      Adnan Ali said: “I’m prepared to go anywhere I’m needed. Although as I have my wife and one-year-old daughter in Saxony, I’d prefer to work here close to them if I can.”

      His WhatsApp group of Syrian doctors living in Germany has been debating whether access to the medical system due to the pandemic will shorten their wait to enter the profession.

      “I really hope this will make it easier by maybe cutting down some of the unwieldy bureaucratic procedures,” he said.

      Ahmad Dahhan, 35, said when he arrived in Germany from Syria in December 2015 he hoped to be able to resume his medical career as soon as possible. “Everyone has their dreams,” he said, “but bureaucracy has made things very difficult and slow, and it has been an extremely frustrating time.”

      Dahhan studied biochemistry at the University of Aleppo before training as a gynaecologist at Damascus University. “They say they are in need of doctors, even when there isn’t a health crisis, but it’s not at all straightforward to get into the profession.”

      He has studied German, spent two months working alongside doctors at a gynaecology department in Leipzig, and attended courses of advanced training for foreign doctors, but since the coronavirus struck, he has been confined to his apartment.

      “It is extremely discouraging to know that I could be doing something far more useful,” he said. “So I welcome the opportunity to be able to do so and hope that will help Germany recognise we can also be helpful even when there is not a crisis on.”

      Germany’s health ministry said it was in the process of “investigating all possible legal options” to speed up the applications of qualified doctors, especially those who only required a medical language exam.

      https://www.theguardian.com/world/2020/apr/14/germany-calls-on-migrant-medics-to-help-tackle-coronavirus

    • Aux #Etats-Unis...

      Governor Murphy Signs Executive Order to Remove Barriers to Health Care Professionals Joining New Jersey’s COVID-19 Response and Provide Protections for Front Line Health Care Responders

      Governor Phil Murphy today signed Executive Order No. 112, authorizing the Division of Consumer Affairs to temporarily reactivate the licenses of recently retired health care professionals and grant temporary licenses to doctors licensed in foreign countries. The executive order also temporarily permits certain health care professionals to perform acts outside of their ordinary scope of practice and grants broad civil immunity to health care professionals and facilities providing services in support of New Jersey’s COVID-19 response efforts who are acting in good faith.

      “My Administration is working tirelessly with our hospital systems and the Federal Emergency Management Agency to expand bed capacities, reopen closed hospitals, and erect field medical stations to prepare for additional COVID-19 cases,” said Governor Murphy. “We need trained, experienced medical personnel to ensure proper staffing as we build out this new capacity, which is why we have put out the call to retired health care professionals to join our fight and support our existing workforce. By signing this executive order, we are removing bureaucratic roadblocks to quickly bring more health care professionals into our efforts and provide additional flexibility and protections for our front line responders to aid in New Jersey’s response to COVID-19.”

      The executive order supplements the State’s existing health care workforce by:

      Authorizing the Division of Consumer Affairs to temporarily reactivate the licensees of healthcare professionals previously licensed in the State within the last five years. This will enable doctors, nurses, and other healthcare professionals who have recently retired or have allowed their licenses to lapse to temporarily reactivate their license.
      Authorizing the Division of Consumer Affairs to grant temporary medical licenses to doctors who are licensed and in good standing in foreign countries.
      Temporarily waiving certain scope of practice restrictions on Advanced Practice Nurses (APNs) related to physician collaboration, including a rule requiring that an APN enter into a joint protocol with a collaborating physician and a rule requiring APNs to obtain authorization from a collaborating physician in order to dispense narcotic drugs.
      Temporarily waiving certain scope of practice restrictions on Physician Assistants (PAs) related to physician supervision, including a rule requiring PAs to obtain physician authorization prior to prescribing a controlled dangerous substance.

      This order will take effect immediately.

      https://www.nj.gov/governor/news/news/562020/20200401b.shtml
      #USA

  • Une colère qui résonne.
    #onnoublierapas
    https://www.liberation.fr/debats/2020/03/24/j-ai-la-rage_1782912

    Je suis en colère et j’ai la rage, quand ils défilent dans les médias, montrent leur trogne à la télévision, font entendre leur voix parfaitement maîtrisée à la radio, livrent leur discours dans les journaux. Toujours pour nous parler d’une situation dont ils sont un facteur aggravant, toujours pour pérorer sur la citoyenneté, sur le risque de récession, sur les responsabilités des habitants, des adversaires politiques, des étrangers… Jamais pour nous présenter leurs excuses, implorer notre pardon, alors même qu’ils sont en partie responsables de ce que nous vivons.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car en tant que psychologue dans l’hôpital le plus touché, celui de Mulhouse, je vois toute la journée des dizaines de personnes arriver en urgence dans nos locaux, et je sais que pour une bonne partie d’entre elles, elles n’en ressortiront pas vivantes, souriantes, insouciantes, comme ce pouvait être le cas il y a encore deux semaines.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car je sais que ces personnes, ces êtres vivants, ces frères et sœurs, pères et mères, fils et filles, grands-pères et grands-mères, mourront seules dans un service dépassé, malgré les courageux efforts des soignants ; seules, sans le regard ou la main de ceux et celles qui les aiment, et qu’ils aiment.

    Je suis en colère et j’ai la rage, devant cette situation folle qui veut que nous laissions nos aînés, nos anciens, ceux et celles qui ont permis que notre présent ne soit pas un enfer, ceux et celles qui détiennent un savoir et une sagesse que nul autre n’a ; que nous les laissions donc mourir par grappes dans des maisons qui n’ont de retraite que le nom, faute de pouvoir sauver tout le monde, disent-ils.

    Le deuil impossible des familles

    Je suis en colère et j’ai la rage, en pensant à toutes ces familles qui vivront avec la terrible douleur d’un deuil impossible, d’un adieu impossible, d’une justice impossible. Ces familles auxquelles on ne donne pas accès à leur proche, ces familles qui appellent sans cesse les services pour avoir des nouvelles, et auxquelles aucun soignant ne peut répondre, trop occupé à tenter une intervention de la dernière chance. Ces familles qui sont ou pourraient être la nôtre…

    Je suis en colère et j’ai la rage, quand je vois mes collègues soignants se battre, tous les jours, toutes les minutes, pour tenter d’apporter de l’aide à toutes les personnes qui se retrouvent en détresse respiratoire, y perdre une énergie folle, mais y retourner, tous les jours, toutes les minutes. Je suis en colère et j’ai la rage, devant les conditions de travail de mes collègues brancardiers, ASH, secrétaires, aides-soignants, infirmiers, médecins, psychologues, assistants sociaux, kinés, ergothérapeutes, cadres, psychomotriciens, éducateurs, logisticiens, professionnels de la sécurité… car nous manquons de tout, et pourtant, il faut aller au charbon.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car, lorsque je me rends à mon travail, et lorsque j’en pars, je croise en quelques minutes trois ou quatre véhicules d’urgence, transportant une personne pleine de l’espoir d’être sauvée… Comment ne pas avoir confiance dans nos hôpitaux ? Ils sont à la pointe, ils sont parfaitement en état de fonctionner, de protéger, de guérir… et pourtant, combien de ces ambulances mènent leur passager vers leur dernier lieu ? Combien de ces patients refranchiront la porte sains et saufs ?

    Je suis en colère et j’ai la rage, car cela fait des années que nous crions notre inquiétude, notre incompréhension, notre dégoût, notre mécontentement, devant les politiques de santé menées par les différents gouvernements, qui ont pensé que l’hôpital était une entreprise comme une autre, que la santé pouvait être un bien spéculatif, que l’économie devait l’emporter sur le soin, que nos vies avaient une valeur marchande.

    Je suis en colère et j’ai la rage quand je constate que nos services d’urgences demandent de l’aide depuis si longtemps, quand je pense que les personnes qui arrivent avec le Samu posent leur regard (souvent le dernier sur l’extérieur) sur ces banderoles disant « URGENCES EN GRÈVE », qu’elles se trouvent face à des médecins traitants à la retraite du fait du départ des urgentistes, ces spécialistes de l’urgence qui seraient tant nécessaires en ces jours sombres…

    De l’exploitation des étudiants infirmiers

    Je suis en colère et j’ai la rage devant la manière dont on exploite nos étudiants en soins infirmiers ou aides-soignants, qui se retrouvent à faire des travaux d’une dureté que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi, qui, a à peine 20 ans, doivent mettre les corps de nos morts dans des sacs mortuaires, sans préparation, sans soutien, sans qu’ils et elles aient pu se dire volontaires. Pourquoi demander ? Cela fait partie de leur formation, voyons ! Et ils devraient s’estimer heureux, ils reçoivent une gratification de quelques centaines d’euros, vu qu’ils interviennent en tant que stagiaires.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car la situation actuelle est le fruit de ces politiques, de ces fermetures de lits comme ils aiment le dire, oubliant que sur ces lits, il y avait des humains qui en avaient besoin, de ces putains de lits ! De ces suppressions de postes, parce qu’un infirmier, c’est cher, ça prend de la place sur le budget prévisionnel ; de ces externalisations de tous les métiers du soin, puisqu’un ASH en moins dans les chiffres du nombre de fonctionnaires, c’est toujours un fonctionnaire en moins dont ils peuvent s’enorgueillir.

    Je suis en colère et j’ai la rage, car celles et ceux qui sont au boulot tous les jours, malgré la peur ancrée au ventre, peur d’être infecté, peur de transmettre le virus aux proches, peur de le refiler aux autres patients, peur de voir un collègue sur le lit de la chambre 10 ; celles-ci et ceux-là se sont fait cracher dessus pendant des années dans les discours politiques, se sont retrouvés privés de leur dignité lorsqu’on leur demandait d’enchaîner à deux professionnels tous les soins d’un service en quelques minutes, bousculés dans leur éthique et leur déontologie professionnelle par les demandes contradictoires et folles de l’administration. Et aujourd’hui, ce sont ces personnes qui prennent leur voiture, leur vélo, leurs pieds, tous les jours pour travailler malgré le risque continu d’être frappées par le virus, alors que ceux qui les ont malmenés sont tranquillement installés chez eux ou dans leur appartement de fonction.

    Je suis en colère et j’ai la rage, parce qu’aujourd’hui, mon hôpital fait face à une crise sans précédent, tandis que celles et ceux qui l’ont vidé de ses forces sont loin. Parce que mon hôpital a été pris pour un putain de tremplin pour des directeurs aussi éphémères qu’incompétents qui ne visaient que la direction d’un CHU et qui sont passés par Mulhouse histoire de prouver qu’ils savaient mener une politique d’austérité bête et méchante… Parce que mon hôpital a été la cible d’injonctions insensées au nom d’une obscure certification, pour laquelle il semblait bien plus important de montrer une traçabilité sans faille plutôt qu’une qualité de soin humain.

    Parce qu’en gros, mon hôpital ne fut rien de plus qu’un cobaye pour des administrateurs dont seule l’autovalorisation égoïste avait de l’importance. Parce qu’au-delà de mon hôpital, ce sont les personnes qui y sont accueillies qui ont été considérées comme des valeurs négligeables, des chiffres parmi d’autres, des variables sur la ligne recettes/dépenses. Parce que dans l’esprit bêtement comptable de la direction générale de l’organisation des soins, patients et soignants sont tous dans le même panier d’un lean management des plus écœurants…

    Les premiers de cordée et leur respirateur

    Je suis en colère et j’ai la rage, quand je me souviens des premiers de cordée censés tenir notre pays, censés être le fer de lance de notre pays, censés nous amener, nous, petites gens, vers des sommets ; et que ce sont ces petites gens, ces caissières de supermarché, ces éboueurs dans nos rues, ces ASH dans nos hôpitaux, ces agriculteurs dans les champs, ces manutentionnaires amazone, ces routiers dans leurs camions, ces secrétaires à l’accueil des institutions, et bien d’autres, qui permettent aux habitants de continuer de vivre, de se nourrir, de s’informer, d’éviter d’autres épidémies… Pendant que les premiers de cordée lorgnent leur respirateur artificiel personnel, le prospectus de la clinique hi-tech dernier cri qui les sauvera au cas où, regardent les fluctuations de la Bourse comme d’autres comptent les cadavres dans leur service.

    Je suis en colère et j’ai la rage envers ces hommes et ces femmes politiques qui n’ont eu de cesse de détruire notre système social et de santé, qui n’ont eu de cesse de nous expliquer qu’il fallait faire un effort collectif pour atteindre le sacro-saint équilibre budgétaire (à quel prix ?) ; que « les métiers du soin, c’est du sacrifice, de la vocation »… Ces politiques qui aujourd’hui osent nous dire que ce n’est pas le temps des récriminations et des accusations, mais celui de l’union sacrée et de l’apaisement… Sérieux ? Vous croyez vraiment que nous allons oublier qui nous a mis dans cette situation ? Que nous allons oublier qui a vidé les stocks de masques, de tests, de lunettes de sécurité, de solutions hydroalcooliques, de surchaussures, de blouses, de gants, de charlottes, de respirateurs (de putain de respirateurs tellement primordiaux aujourd’hui) ? Que nous allons oublier qui nous a dit de ne pas nous inquiéter, que ce n’était qu’une grippe, que ça ne passerait jamais en France, qu’il ne servait à rien de se protéger, que même pour les professionnels, les masques, c’était too much ?

    Que nous allons oublier l’indifférence et le mépris pour ce qui se passait chez nos sœurs et nos frères chinois, chez nos sœurs et nos frères iraniens, chez nos sœurs et nos frères italiens, et ce qui se passera sous peu chez nos sœurs et nos frères du continent africain et chez nos sœurs et nos frères latino-américains ? Nous n’oublierons pas ! Tenez-le-vous pour dit…

    Je suis en colère et j’ai la rage, car je vis depuis une semaine avec cette satanée boule dans la gorge, cette envie de me prostrer, de pleurer toutes les larmes de mon corps, quand j’écoute la détresse et la souffrance de mes collègues, quand ils et elles me parlent du fait de ne pas pouvoir embrasser leurs enfants parce que personne ne peut être sûr de ne pas ramener le virus, lorsque s’expriment les moments de craquage dans la voiture avant et après la journée de travail, quand je pense aux ravages à venir, psychiquement parlant, lorsque tout ça sera derrière nous, et qu’il y aura le temps de penser…

    Je suis en colère et j’ai la rage, mais surtout un désespoir profond, une tristesse infinie…

    Je suis en colère et j’ai la rage, et je ne peux pas les laisser sortir pour le moment. Elles se tapissent au fond de mon âme, me consumant à petit feu. Mais sous peu, une fois que ce sera calme, je les laisserai jaillir, cette colère et cette rage, comme tous ceux et toutes celles qui les ont enfouies. Et croyez-moi, ce moment viendra. Elles flamberont, et nous exigerons justice, nous demanderons des comptes à tous ceux qui nous ont conduits dans ce mur terrible. Sans violence. A quoi bon ? Non, avec une humanité et une sagesse dont ils sont dépourvus. Entendez-vous cette petite musique ? Celle qui se murmure tout bas mais qui monte en puissance ? Ce refrain des Fugees : « Ready or not, here I come ! You can hide ! Gonna find you and take it slowly ! » Nous arrivons…

  • Lille : quatre Gilets jaunes, dont Alexandre Chantry, en garde à vue après s’être rassemblés avec des soignants du CHRU Quentin Vasseur - 22 Février 2019 - france 3 régions
    https://twitter.com/GiletsJaunesGo/status/1098988245071867906
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/nord-0/lille/lille-quatre-gilets-jaunes-dont-alexandre-chantry-garde

    Quatre Gilets jaunes ont été interpellés à Lille, dont la figure lilloise Alexandre Chantry ce vendredi après-midi, alors qu’ils manifestaient en compagnie d’une partie du personnel médical du CHU. 

    Le rassemblement était prévu sur le parvis de l’ICP et a démarré vers 13 heures. Plusieurs Gilets jaunes avaient appelé à se mobiliser dans le cadre de la visite conjointe de la ministre de la Santé #Agnès_Buzyn et de la Garde des Sceaux #Nicole_Belloubet

    Les faits se sont produits vers 14 heures, alors que les Gilets jaunes se trouvaient en nombre réduits sur le parvis, entre les CRS et un groupe de soignants plus nombreux.

    Sur une vidéo mise en ligne sur YouTube, on peut voir que les Gilets jaunes sont en nombre très réduits. Le personnel médical scande plusieurs fois « Pourquoi la police ? les soignants sont pacifiques ! » puis vers 5 minutes, les forces de l’ordre interviennent.

    https://www.youtube.com/watch?v=jfSmUYg2Kf0

    Cinq personnes avaient initialement été interpellées,mais la cinquième à été relâchée peu après. 

    Le parquet de Lille "confirme l’interpellation et le placement en garde à vue de 4 individus pour des faits de participation à une manifestation non préalablement déclarée, participation à un attroupement après les sommations d’usage et outrages à agent dépositaire de l’autorité publique. Les gardes à vue sont en cours."

    Une cinquantaine de Gilets jaunes s’est réunie en fin d’après-midi devant le commissariat de Lille. 

    Alexandre Chantry avait déjà été interpellé le 22 janvier alors qu’il s’était réuni avec une poignée de personnes devant le Grand palais où devait (supposément) venir le ministre Christophe Castaner. 

    #Lille #Hôpital #CHR #CHRU #Soignants #violences_policières #violences_judiciaires #en_marche #police #GiletsJaunes

  • Des patients et des soignants « furieux » de la couverture médiatique de leur journée d’action
    https://www.bastamag.net/Des-patients-et-des-soignants-furieux-de-la-couverture-mediatique-de-leur

    Le 22 janvier, des centaines de soignants de la psychiatrie et des membres d’associations de patients manifestaient à Paris pour demander des moyens et du personnel pour le soin psychiatrique. Cela fait des mois qu’un mouvement social d’ampleur secoue le secteur. Les initiateurs de ce mouvement se disent « furieux du traitement médiatique qui a été réservé à la manifestation nationale » du 22 janvier. Ils regrettent la mise en avant dans les médias de psychiatres partisans d’une psychiatrie centrée sur (...)

    #Débattre

    / #Luttes_sociales, Santé , #Services_publics

    #Santé_

  • Pour l’accueil de la folie, avec Jean Oury | Documentaires | Mediapart, avec un #paywall qui suppose de disposer d’un code d’accès, empruntable.
    https://www.mediapart.fr/studio/documentaires/culture-idees/pour-l-accueil-de-la-folie-avec-jean-oury

    "Le paradoxe c’est d’organiser, on peut dire pour l’éternel, quelque chose qui peut disparaître d’une seconde à l’autre, ça c’est Kierkegaard, le précaire. Et le précaire c’est la base de ce qu’on pourrait appeler l’organisationnel. Si dans une communauté, un hôpital, il n’y a pas de précaire, eh bien c’est un camp, ça peut arriver très vite. " (Jean Oury)

    Celui qui s’entretient avec Martine Deyres est un vieux monsieur. Il a créé, il y a 60 ans, la #clinique_de_La_Borde, lieu majeur de la psychiatrie du XXe siècle, là où Gilles Deleuze et Félix Guattari ou encore l’écrivaine Marie Depussé ont aussi travaillé. Aujourd’hui, elle compte 107 lits d’hospitalisation. Dans Le sous-bois des insensés, Jean Oury parle de l’accueil des psychotiques et des structures aliénantes, autant pour les patients que pour les #soignants. Décapant, à l’heure où les professionnels de la psychiatrie se mobilisent pour préserver une certaine qualité du soin.

    Le sous-bois des insensés a été tourné peu avant la mort de Jean Oury, décédé en mai 2014 à l’âge de 90 ans. Dans cet entretien d’une heure et demie (que nous vous proposons en partenariat avec le site de VOD Tënk), le psychiatre laisse courir sa pensée. Sautant de récits en métaphores, de colères en impertinences, il déroule librement ce qu’à ces yeux doit être un établissement dédié aux psychotiques : un endroit où se déploie une « polyphonie de #soins », où l’on « travaille l’ambiance » et où « l’important n’est pas ce qu’on dit, mais la manière dont on le dit ». Sans ce souci du lien entre les personnes, l’établissement « a très vite fait de devenir un camp », prévient Jean Oury. Un documentaire proposé en écho au débat que nous avons organisé récemment sur la crise que traversent actuellement les hôpitaux psychiatriques.

    #psychiatrie #fonction_d'accueil #psychothérapie_institutionnelle #Jean_Oury #vidéo