• Face à l’intensification du travail, les jeunes plongent dans un malaise profond : « Je m’enfonçais dans le travail, je n’avais plus de distance »


    PAUL BOUTEILLER

    Tâches absurdes, rythme intense, précarité de l’emploi, absence de seniors pour les guider… les transformations du monde professionnel génèrent de la souffrance chez les jeunes salariés. Le nombre d’arrêts-maladie explose chez les moins de 30 ans.

    Lorsque Robin (certains prénoms ont été modifiés) se rend chez son médecin, courant 2022, il ne pense pas en ressortir avec un #arrêt_de_travail. A seulement 27 ans, cette option ne semble même pas pouvoir traverser l’esprit de ce chef de projet dans une agence de création de sites Web. « J’avais poussé la porte de son cabinet pour avoir des somnifères, dans l’espoir de retrouver le sommeil et de continuer à fonctionner au boulot. » Mais le fait est qu’il ne peut plus continuer, l’alerte alors le professionnel de #santé. Robin a été essoré par le surcroît de travail dans la start-up où il est salarié, qui connaît alors une croissance fulgurante, au point d’avoir vu ses effectifs tripler en quelques mois et son portefeuille clients s’étoffer plus encore.

    Face à la pression mise sur son équipe, très jeune comme lui et peu accompagnée par des seniors, il a développé des symptômes d’anxiété professionnelle de plus en plus invalidants. Sans « les outils adéquats » et surtout « sans le temps nécessaire » pour répondre aux demandes grandissantes de #clients au profil nouveau, il passe ses nuits à se repasser les difficultés éprouvées dans la journée, et se rend le matin au travail la boule au ventre. Avant son arrêt, il se surprend à fondre en larmes à plusieurs reprises après des rendez-vous clients. « Dans le bureau du médecin, j’ai mesuré que la situation avait vraiment dérapé », souffle Robin, qui a dû être arrêté durant un mois.

    Etre contraints de se mettre sur pause dès le début de leur vie professionnelle : de nombreux jeunes diplômés y sont désormais confrontés. La santé au travail se dégrade ces dernières années, et en particulier pour les plus jeunes. Alors que le nombre d’arrêts-maladie atteignait un niveau record en 2022, comme le constataient deux études parues cet été, la progression la plus frappante concerne en effet les moins de 30 ans. Selon l’une d’elles, publiée par le cabinet de conseil WTW en août à propos du secteur privé, le taux d’absentéisme – un indicateur RH qui prend (notamment) en compte les #arrêts-maladie, les #accidents_de_travail, les #absences_injustifiées – dans cette tranche d’âge a augmenté de 32 % en quatre ans, avec un bond important chez les cadres.

    Si aucune de ces études ne détaille les motifs de ces absences, la Sécurité sociale note que les premières causes des arrêts longs prescrits en 2022 relevaient de troubles psychologiques, comme l’anxiété, la dépression ou l’épuisement. Et, en la matière, d’autres enquêtes concordent : les jeunes sont bien touchés de plein fouet par une dégradation. Chez les 18-34 ans, les arrêts liés à la souffrance au travail ont ainsi bondi de 9 %, en 2016, à 19 %, en 2022, selon un baromètre du groupe mutualiste Malakoff Humanis. La consommation de somnifères, d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs par les salariés de moins de 30 ans a également doublé entre 2019 et 2022, précise cette étude.

    https://www.lemonde.fr/campus/article/2023/10/30/face-a-l-intensification-du-travail-les-jeunes-plongent-dans-un-malaise-prof
    https://archive.ph/yNJPw

    #précaires #présentéisme #management #intensification_du_travail #sous-effectifs #télétravail #concurrence #isolement #travail #précarité_de_l’emploi #emploi #santé_au_travail #violence_économique

  • « Les pertes de chances se multiplient pour la prise en charge des AVC en Ile-de-France » : l’avertissement des soignants

    Plusieurs soignants alertent sur les conditions de prise en charge dans leurs hôpitaux des patients souffrant d’un accident vasculaire cérébral. Le manque de lits et de personnel est en cause.

    Dans la semaine du 10 décembre, un homme présente brutalement des difficultés pour parler et une paralysie de son côté gauche. Des signes évocateurs d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Il habite à 1,5 km de l’hôpital Bicêtre (Assistance publique-Hôpitaux de Paris, AP-HP), au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). Pris en charge par les pompiers, ils appellent immédiatement l’Unité neurovasculaire (UNV) de Bicêtre, puis les deux autres UNV les plus proches. Pas de place. Cet homme est finalement transféré dans une autre structure spécialisée à plus de 15 km.

    Pour les pompiers et le SAMU, de telles situations sont devenues quotidiennes. Et pour cause, en Ile-de-France, de nombreux lits d’UNV ont fermé. Considéré comme une urgence absolue, l’AVC – un toutes les 4 minutes – touche chaque année 150 000 personnes en France, c’est la première cause de handicap acquis. L’accident survient quand une des artères qui irriguent le cerveau se bouche (dans 80 % des cas), on parle d’« infarctus cérébral ».

    En pratique, en cas de suspicion d’AVC, les pompiers ou le SAMU adressent le patient directement dans une UNV, sans passer par les services d’urgence pour gagner le maximum de temps. Chaque minute compte. « Le bénéfice de ces unités spécialisées est clairement établi, permettant d’éviter 1 décès pour 20 patients hospitalisés et réduisant les complications de l’AVC », indique l’Inserm.

    « Procédures dégradées »

    Dans une lettre envoyée le 10 décembre, le service de neurologie de Bicêtre a interpellé les autorités sanitaires, le ministère et l’AP-HP. 34 lits de ce service (70 % du total des lits) sont fermés, dont 6 de soins intensifs, faute d’infirmiers, alors que cette UNV était jusqu’ici un service phare, avec 1 300 AVC pris en charge par an. « Nous sommes très inquiets, nous ne pouvons plus répondre à la demande », déplore le docteur Olivier Chassin, neurologue dans cet hôpital. « Les exemples de pertes de chances se multiplient depuis quelques semaines et ne cessent de s’amplifier », interpellent les soignants de Bicêtre dans cette lettre. Ils n’ont pas d’autre choix que de sélectionner les patients.

    Cette situation touche toute l’Ile-de-France. C’est un véritable cri d’alarme et de désespoir, faisant même dire à certains qu’« il vaut mieux ne pas faire un AVC à Paris ou en Ile-de-France ». Début novembre, les soignants des UNV franciliennes avaient dénoncé, dans Le Monde, l’impossibilité de maintenir ouverts de nombreux lits, faute de personnel suffisant – qui touche tous les services de l’hôpital. Un mois et demi plus tard, « la situation s’est aggravée et 50 % des postes infirmiers ne sont pas pourvus dans ces services », abonde Sophie Crozier, neurologue à l’UNV de la Pitié-Salpêtrière. Interrogée par Le Monde, la direction de l’AP-HP a répondu, mardi 21 décembre, que « l’alerte a été prise au sérieux dès le début », des réunions se sont tenues et vont se poursuivre, avec « des pistes de travail », notamment sur le recrutement.

    Selon les chiffres de l’ARS Ile-de-France, consultés le vendredi 17 décembre, 23 % des lits sont fermés (139 sur 585), dont 36 de soins intensifs fermés sur un total de 189, soit le double par rapport à début novembre (12 %). « Cela fait des années qu’on alerte, affirme Sophie Crozier, également membre du Collectif inter-hôpitaux. Il faut savoir qu’avant l’épidémie de Covid-19, le nombre de lits était déjà insuffisant. »

    « Au quotidien, la situation est devenue tellement complexe en Ile-de-France qu’on est obligés de mettre en place des procédures internes, qu’on appelle dégradées, pour anticiper la probabilité de ne pas prendre en charge le patient comme il le devrait », constate le professeur Eric Jouvent, responsable de l’UNV de l’hôpital Lariboisière, où 24 lits non intensifs sur les 36 sont fermés, faute de personnel. A l’hôpital Bichat, seuls 4 lits de soins intensifs sur 10 sont ouverts, et plus aucun en UNV… Conséquence : « Il est de plus en plus fréquent que des patients soient déposés aux urgences alors qu’ils devraient être gérés par nos équipes neurovasculaires », poursuit le professeur Jouvent.

    « Le Covid-19 a fait déborder le vase »

    Sur l’ensemble du territoire, la situation est très hétérogène. Au CHU de Bordeaux, 25 % des lits (8 sur 32) de post-AVC, dévolus à la pathologie neurovasculaire sont fermés, les 16 lits de soins intensifs n’étant pas concernés, note Igor Sibon, président de la Société française neurovasculaire (SFNV) et chef du service de l’unité neurovasculaire dans cet hôpital. « Les fermetures de lits en neurologie concernent également les CHU de Strasbourg, Lille, Nancy, Toulouse, et pourraient concerner un quart à un tiers des unités neurovasculaires de recours [dotées d’un centre de thrombectomie] » – il en existe une trentaine en France, hors Ile-de-France –, précise le professeur Sibon, qui a interrogé ses collègues. Environ deux tiers de ces UNV de recours ont des retards pour prendre les patients en soins intensifs et rencontrent aussi des difficultés pour que leurs patients puissent être admis dans des services de Soins de suite et de réadaptation, poursuit le spécialiste. Certains de ces lits sont, en effet, occupés par des « patients Covid ».

    Au CHU de Strasbourg, l’inquiétude est là : 30 % des 93 lits de neurologie (comprenant les différentes spécialités et l’UNV) sont fermés, précise le neurologue Mathieu Anheim. « Le déficit date de la première vague de l’épidémie et n’a jamais été résorbé, le Covid-19 a fait déborder le vase des problèmes de l’hôpital », observe-t-il. Heureusement, les patients sont pris en charge en urgence, mais ils sont parfois orientés vers des services non spécialisés, ce qui est loin d’une prise en charge optimale.

    Comment expliquer une telle situation ? Les raisons sont toujours les mêmes : un personnel paramédical pas assez rémunéré, en nombre trop restreint, de l’absentéisme et des directions qui veulent faire des économies, résument à grands traits les soignants.

    A cela s’ajoute la tension sur les urgences. « Ça ne va pas tenir dans les prochaines semaines », craint Mathieu Anheim. Constat partagé par le docteur Sébastien Harscoat, du service des urgences et du SAMU du CHU de Strasbourg, à l’origine de la deuxième minute de silence « pour la mort annoncée de l’hôpital », qui s’est tenue vendredi 17 décembre. Il regrette « le fonctionnement comptable de la direction de l’hôpital et des autorités sanitaires ». Tous sont inquiets au moment des fêtes de fin d’année, avec la vague de Covid-19 qui monte.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/24/les-pertes-de-chances-se-multiplient-pour-la-prise-en-charge-des-avc-en-ile-

    ah ben zut, même Pascale Santi, parfois pas pire, écrit "de l’absentéisme" (pour des rhumes ?) au lieu de "des arrêts de travail"

    j’ai tardé à le relayer, depuis la date de publication, le 24 décembre, les exemples se multiplient.

    #AVC #santé_publique #logique_comptable #hôpital

    • C’est pas les avertissements que manquent, mais personne ne répond.
      Santé : « Chaque minute compte à la phase aiguë d’un AVC », tribune, 2 novembre 2021
      https://justpaste.it/8o734

      Pendant des années, le manque de personnels a touché principalement les services de gériatrie, de psychiatrie, de soins de suite. Il touche aujourd’hui tous les secteurs du soin et nos UNV sont frappées de plein fouet. Nous assistons aujourd’hui à une situation sans précédent. En Ile-de-France, 12 % des lits d’UNV sont fermés, mais c’est particulièrement à Paris que la situation est explosive avec près de 30 % des lits fermés (71 lits fermés sur les 258) et 50 % des postes infirmiers non pourvus.

      Le nombre de lits était déjà insuffisant en temps « normal » pour accueillir tous les patients souffrant d’AVC. La situation est désormais critique. Les conséquences sont graves pour les patients en urgence : les délais de prise en charge s’allongent pour trouver une place, ce qui augmente le risque de handicap et de mortalité, car chaque minute compte à la phase aiguë.
      Par ailleurs, le rationnement conduit à faire des choix (implicites ou explicites) de priorisation des patients qui posent d’importantes questions éthiques, et à une perte de chance pour de nombreux patients.

      C’est la raison pour laquelle, il est de notre devoir d’informer que l’insuffisance de l’offre de soins et la dégradation de la qualité de soins du fait du sous-effectif chronique de personnels soignants dans nos UNV mettent en danger les patients.

      Nous tenons à rappeler que cette situation a déjà fait l’objet de signalements auprès de nos tutelles, notamment par la brigade des sapeurs-pompiers en 2018.

      #soignants #sous-effectifs

  • Le système de santé suisse risque de tomber malade

    La population de la Suisse vieillit, le nombre de cas de maladies complexes augmente. C’est un #défi énorme pour le #système_de_santé du pays, réputé pour sa qualité. Un défi rendu plus sérieux encore par le manque de #professionnels qualifiés : le #personnel_soignant est souvent sous #pression, parfois jusqu’à l’explosion.

    Les coûts augmentent, les plans de réforme échouent et le #personnel_qualifié fait défaut : le système de santé suisse n’est pas au mieux de sa forme. Le personnel soignant avait déjà tiré la sonnette d’alarme avant le coronavirus. Il se plaint de mauvaises conditions de travail et d’un manque de reconnaissance. Après un an et demi de pandémie, il est physiquement et psychiquement à bout de forces (cf. « Revue Suisse » 4/2021). La pression sur les soins continue cependant de croître, car les évolutions démographiques et sociétales ne cessent d’aggraver la situation. D’après les pronostics, le pays manquera d’environ 65 000 infirmières et infirmiers d’ici 2030. Les associations du personnel et les experts mettent en garde contre une pénurie. L’initiative populaire « Pour des soins infirmiers forts » est censée éviter que cela ne se produise. Le peuple votera le 28 novembre 2021.

    Beaucoup jettent l’éponge

    En Suisse, près de 214 200 personnes travaillent dans le secteur des soins, la plupart en hôpitaux (45 %) et en EMS (41 %). 14 % sont employées par des organisations extrahospitalières. Et bon nombre d’entre elles travaillent à temps partiel : un 100 % serait trop lourd, disent-elles. L’état des lieux est le suivant : le travail par équipes se concilie mal avec les intérêts privés et les obligations familiales, le travail est dur physiquement et psychiquement et la pression des économies dans le système de santé fait que les services emploient un minimum de personnel et sont contraints à l’efficacité. Infirmières et infirmiers ont souvent peu de temps pour répondre aux besoins individuels des patients et discuter de choses et d’autres avec eux. Ils souffrent de ne pas pouvoir exercer leur métier comme ils le souhaiteraient. Un grand nombre d’entre eux le quittent avant l’heure. Un tiers de celles et ceux qui jettent l’éponge n’ont même pas 35 ans.
    Les travailleurs étrangers à la rescousse

    Les postes mis au concours sont plus nombreux que jamais dans le secteur des soins en Suisse. Les responsables du personnel ont de la peine à les pourvoir. Ils embauchent donc souvent du personnel étranger. À l’Ostschweizer Kinderspital à Saint-Gall, par exemple, 42 % des médecins sont suisses, 36 % allemands et 8 % autrichiens. Le personnel infirmier diplômé compte quant à lui 86 % de Suisses. Les hôpitaux universitaires de Zurich et de Lausanne emploient en revanche bien davantage de travailleurs étrangers dans le secteur des soins, soit respectivement environ 60 % et 50 %. Les ménages privés engagent eux aussi de plus en plus de soignantes d’Allemagne et d’Europe de l’Est. Ces femmes sont en service presque 24 h/24, ont des salaires inférieurs et rentrent dans leur pays après quelques mois.

    Le fait de compenser les #sous-effectifs par de la #main-d’œuvre_étrangère est problématique pour des raisons éthiques : la Suisse compte sur des personnes qui ont été formées à l’étranger et dont l’étranger a besoin. À l’avenir, il pourrait être plus difficile de recruter hors de nos frontières, car les pays d’origine de ces travailleurs font davantage d’efforts pour les retenir. En même temps, les besoins en personnel continueront d’augmenter fortement en Suisse, notamment en raison du vieillissement de la population.

    Grand savoir-faire, peu d’autonomie

    Si l’on observe le nombre d’#infirmières et d’#infirmiers pour 1000 habitants, la Suisse s’en sort bien par rapport à d’autres pays. Mais il serait faux d’en conclure que la situation du métier est plus confortable qu’ailleurs, souligne Rebecca Spirig, professeure à l’Institut des sciences infirmières de l’université de Bâle : « Il faut considérer toutes les personnes qui sont prises en compte dans ce chiffre et comment elles sont employées. » En Allemagne, par exemple, le traitement des plaies ne fait partie du secteur des soins que depuis quelques années. En Suisse, la pratique des injections et la pose de perfusions sont comprises dans la formation de base. Aux États-Unis, ce sont des nurse practitioners qui prodiguent les premiers soins à la population. Et la Hollande a mis en place le modèle buurtzorg (aide à domicile) avec des équipes de soins à l’organisation très autonome, qui consultent, décident, traitent, coordonnent et font appel, si nécessaire, à d’autres professionnels.

    Les médecins ont un rôle prépondérant

    « La Suisse n’est pas une pionnière », relève Rebecca Spirig. Son #système_de_soins repose largement sur l’#expertise_médicale : « Les infirmières et infirmiers ont un grand savoir-faire, mais prennent peu de décisions. » En effet, même des mesures élémentaires comme le port de bas de contention requièrent une ordonnance médicale. À cela s’ajoute un certain flou : les personnes ayant besoin de soins et vivant chez elles ont souvent affaire à plusieurs prestataires de soins. Le personnel d’aide et soins à domicile fournit de l’aide pour l’hygiène corporelle quotidienne, change les pansements et soigne les plaies ; les médecins posent des diagnostics, traitent et prescrivent des thérapies ; les physiothérapeutes et les ergothérapeutes les conduisent. « Les soins ambulatoires manquent de structures et de processus homogènes », note Ursula Meider, de la Haute école zurichoise des sciences appliquées (ZHAW). La concertation est souvent insuffisante, ce qui peut entraîner des doublons, des lacunes et des traitements inadéquats.

    De grands écarts de #qualité

    Comme de nombreux autres domaines du quotidien, le système de santé suisse possède une organisation fédéraliste. La Confédération fixe les grands axes et les cantons les mettent en œuvre, délégant à leur tour certaine tâches aux communes. Celles-ci sont responsables d’une partie des soins de longue durée et des soins ambulatoires prodigués aux personnes âgées. Ainsi, les services médicaux et sociaux et la manière dont ils collaborent diffèrent fortement d’un endroit à l’autre.

    On note des efforts visant à améliorer le réseau des soins de base et à le rendre plus efficace. Des cabinets communs apparaissent, surtout dans les campagnes, regroupant plusieurs groupes de métiers. Il existe aussi des modèles avec des structures extrahospitalières fortes et des transferts fluides vers les soins stationnaires, qui sont partiellement soutenus par les pouvoirs publics. « Nous avons évalué de bons exemples », souligne l’experte en soins infirmiers Rebecca Spirig. Mais il n’y a pas de volonté politique de les promouvoir et de les mettre en place à l’échelle suisse. La chercheuse de la ZHAW, Ursula Meidert, a la même impression : « De nombreuses autorités n’agissent que quand il n’est plus possible de faire autrement. »

    Certains acteurs défendent leurs propres intérêts

    La complexité du système fait qu’il est difficile d’établir des connexions et d’initier des réformes profondes à long terme. La politique nationale rechigne à prendre des décisions : elle se perd souvent dans des débats de principe et s’avère peu apte à trouver des compromis. Des idées d’amélioration ont déjà échoué plusieurs fois au seuil des Chambres fédérales, où des acteurs de poids – notamment le corps médical, les caisses-maladie et l’industrie pharmaceutique – ont une influence considérable. Mais le peuple aussi est souvent critique vis-à-vis des plans de réforme. En 2012, par exemple, il a rejeté un projet tendant à améliorer la coordination et la qualité des soins de base.

    Les adversaires de l’innovation agitent toujours la menace d’une hausse des coûts et se font ainsi l’écho d’une préoccupation largement répandue. Des études montrent toutefois que des structures homogènes et des processus efficaces aident à couvrir les coûts. Quand la collaboration entre les différents groupes de métiers s’améliore, les employés sont en outre plus satisfaits et restent plus longtemps dans le système de santé. Rebecca Spirig, qui fait partie du comité d’initiative, espère que celle-ci stimulera aussi une coopération accrue : « Un oui permettrait de lancer des réformes non seulement dans les soins, mais aussi dans tout le système de santé ».

    https://www.swisscommunity.org/fr/nouvelles-et-medias/revue-suisse/article/le-systeme-de-sante-suisse-risque-de-tomber-malade
    #pénurie #santé #travail #Suisse