L’UNION EUROPÉENNE A DÉTRUIT SON PAYS ... NOUS SOMMES LES PROCHAINS - Yánis Varoufákis - Élucid
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#politique #économie #souveraineté #UE
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L’UNION EUROPÉENNE A DÉTRUIT SON PAYS ... NOUS SOMMES LES PROCHAINS - Yánis Varoufákis - Élucid
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L’UNION EUROPÉENNE A DÉTRUIT SON PAYS...NOUS SOMMES LES PROCHAINS - Yánis Varoufákis - 70 Mins. - 2024-09-21
▶ Yánis #Varoufákis est #économiste, il a été ministre des Finances de la #Grèce en 2015, durant la crise de la dette grecque, où il a mené des négociations tendues avec l’Union européenne [#EU #UE] et le #FMI [#IMF]. Fortement opposé aux mesures d’#austérité imposées par la #Troïka, il a finalement décidé de démissionner lorsque le « plan de sauvetage » européen a été accepté par son gouvernement. Il est l’auteur de nombreux ouvrages critiques sur le #capitalisme et l’#économie mondiale, dont récemment « Les nouveaux serfs de l’#économie » (LLL, 2024).
Il est également co-fondateur du mouvement politique européen #DiEM25, plaidant pour une démocratisation de l’#Europe.
Pour Élucid, Yánis Varoufákis revient sur ses années de combats contre le capitalisme mondialisé responsable de tant d’#inégalités, mais également sur la crise grecque, symptomatique de la nature profonde de l’Union européenne : austéritaire, dysfonctionnelle et antidémocratique.
Que faire de Gramsci ? (part. 1)
▻https://diasp.eu/p/17127368
Que faire de Gramsci ? (part. 1)
#politique #marxisme #souveraineté Maririta Guerbo, Marlène Rosano-Grange et Jean-Claude Zancarini
L’intervention de Marlène est très intéressante, elle fait ressortir le fait que si la bourgeoisie s’est constituée en classe transnationale, ce n’est pas le cas des travailleurs qui ne peuvent lutter qu’à l’échelle nationale.
▻https://www.hors-serie.net/En-acces-libre/2024-08-03/Que-faire-de-Gramsci-part-1-id601
(bientôt un extrait de l’émission en libre accès)
Antonio #Gramsci, dirigeant du Parti communiste italien, assassiné lentement dans les prisons de #Mussolini, a renouvelé la pensée marxiste et apporté une contribution décisive à la théorie révolutionnaire. Largement étudiée aujourd’hui dans le monde universitaire, son œuvre ne cesse d’inspirer de nouvelles recherches dans les domaines les plus divers du savoir. Sa réception est pourtant paradoxale, en particulier en France. Souvent citée et instrumentalisée par les forces les plus réactionnaires, elle reste mal connue, y compris parmi celles et ceux qui se réclament de son héritage politique, et perce difficilement au-delà des cercles académiques.
Face à une telle situation, comment se réapproprier sa pensée, et la remettre à disposition de ses destinataires naturels, les militant.e.s qui veulent changer le monde ? Comment l’actualiser, c’est-à-dire à la fois la transformer en fonction des spécificités de notre temps, et la traduire en acte ?
C’est à ces défis que Contretemps a voulu se confronter en organisant une journée de discussion, qui s’est tenue le 4 mai 2024, la première de ce genre à se tenir à Paris hors de l’enceinte universitaire. Elle prolonge un travail de publication entamé de longue date dans les publications en ligne de la revue.
Ces vidéos permettent de suivre l’ensemble des interventions de cette journée ainsi que la discussion qui a suivi. Elle s’organisent en deux séances. La première est consacrée à Gramsci comme ressource pour penser les rapports de domination, la seconde aux questions stratégiques de la politique émancipatrice que son approche a permis de remettre au centre de la discussion.
Stathis KOUVÉLAKIS
En accès libre , émission publiée le 03/08/2024
Durée de l’émission : 102 minutes
Les centres italiens pour migrants en Albanie sont prêts
Symbole de la politique migratoire de Giorgia Meloni, le projet inquiète les habitants, mais est soutenu par l’Exécutif albanais.
Des #préfabriqués gris protégés par des grilles métalliques prennent le soleil à côté des chalutiers qui mouillent dans l’Adriatique. Avec ses écriteaux en italien, le tout nouveau centre d’identification détonne dans le port de #Shëngjin, situé à 60 km au nord de Tirana. « Le centre est prêt à accueillir les migrants », assure Sander Marashi, le directeur du port. « Après leur débarquement, les personnes seront prises en charge par nos partenaires italiens. Dans ce centre, leurs données personnelles seront enregistrées et elles recevront une assistance médicale avant d’être acheminées vers le centre de #Gjadër. »
Signé en novembre 2023, l’accord bilatéral d’une durée de cinq ans prévoit le transfert vers l’Albanie de migrants secourus en Méditerranée par les navires italiens. Une résidence albanaise « temporaire » pour des personnes « non vulnérables », le temps de traiter leur demande d’asile, avant un possible renvoi vers leur pays d’origine. Près de 36’000 personnes par an pourraient séjourner dans deux centres albanais, selon les termes de l’accord. Gérés par les autorités italiennes, ces centres devraient ouvrir au 1ᵉʳ août.
Une dette envers l’Italie
La transformation de Shëngjin en « hotspot » de la question migratoire inquiète la plupart des habitants. Avec son front de mer bordé de pins maritimes et ses plages de sable, la cité balnéaire fait figure de poumon économique de la région. Chaque été, elle attire des dizaines de milliers de touristes, notamment les Albanais du Kosovo et la diaspora suisse. Les restaurateurs sont largement opposés au projet, mais personne n’ose critiquer ouvertement les choix du premier ministre albanais.
Soutien fidèle du projet de Meloni, Edi Rama a répété sa « fierté de pouvoir apporter notre aide » et mis en avant une « dette » albanaise envers l’Italie. Une référence à l’arrivée de l’autre côté de l’Adriatique de centaines de milliers de ses compatriotes fuyant la misère et le chaos politique qui ont suivi l’effondrement de la dictature stalinienne en 1991. L’évocation de ces années douloureuses fait mouche dans une société marquée par l’émigration.
« Quand je vois les réfugiés aujourd’hui, ça me rappelle mes débuts en Italie en 93 », raconte Besnik Sulaj, 63 ans, qui tient un hôtel familial à quelques pas du port. « Des années difficiles : je ne connaissais pas la langue et je n’avais pas à manger, rien. Et des Italiens m’ont aidé. L’arrivée des réfugiés ne me dérange pas et je ne crains rien pour mon business. D’ailleurs, on accueille déjà des réfugiés afghans depuis des années. Le peuple albanais ne fait pas de divisions religieuses, et on n’est pas racistes. On accueille tous les types d’immigrés ! »
Crainte de la population
Le ton se fait moins optimiste dans le village de Gjadër, situé à une vingtaine de kilomètres plus au nord. Depuis quelques semaines, le bruit des tractopelles résonne en continu, et des grilles et des barrières surveillées ont été installées le long de la rivière. C’est au milieu des champs de cette Albanie déshéritée que Giorgia Meloni esquisse un pan crucial de sa politique migratoire. Mais le centre de rétention pour migrants que la présidente du Conseil italien fait construire crispe les habitants de ce village aux maisons modestes et aux jardins vivriers.
« Personne ne nous a demandé notre avis. L’État décide tout seul, et il se fiche de l’avis du peuple », s’agace Armando, 31 ans. « Mais qu’est-ce qu’on a à gagner avec ces camps ? Tout le village est inquiet. Notre premier ministre n’est pas capable de nous aider, mais il veut aider des Africains et des gens du monde entier. Mais l’Italie n’a pas de terrains pour faire ça chez elle ? Elle en a plein ! »
Projet contesté
Giorgia Meloni présente déjà comme un modèle cette externalisation de l’asile dans un pays non membre de l’Union européenne. Pourtant, le projet albanais de la cheffe d’extrême droite est contesté. De nombreuses questions techniques et juridiques sur sa faisabilité restent en suspens, et le coût de sa mise en œuvre pourrait dépasser les 620 millions de francs avancés par les autorités italiennes.
À la tête du Parti socialiste albanais, Edi Rama est critiqué par la gauche européenne pour son appui aux projets de la droite radicale. Mais pour l’opposition locale, le premier ministre cherche surtout à faire oublier les accusations de collusion avec le crime organisé qui se multiplient contre son Exécutif. Récemment encore, des médias italiens présentaient l’Albanie comme un « narco-État ». « L’ensemble des institutions et des gens très proches du premier ministre sont impliqués dans le trafic de drogue », accuse Gjin Gjoni, le responsable du Parti démocratique de la région de Lezhë. « Les scandales s’accumulent, et c’est dans l’intérêt du gouvernement d’offrir tout ce qu’il peut aux partenaires étrangers pour assurer son maintien au pouvoir. »
Des ONG et de nombreux experts ont affirmé que cette externalisation de l’asile en Albanie n’était pas conforme au droit européen. Mais plusieurs gouvernants brandissent déjà cet accord, afin de prôner un nouveau durcissement de la politique migratoire de l’UE.
▻https://www.tdg.ch/albanie-les-centres-italiens-pour-migrants-sont-prets-378676069954
#externalisation #asile #migrations #réfugiés #Italie
–-
ajouté à la métaliste sur l’#accord entre #Italie et #Albanie pour la construction de #centres d’accueil (sic) et identification des migrants/#réfugiés sur le territoire albanais...
►https://seenthis.net/messages/1043873
En Albanie, les centres italiens de rétention de migrants n’ont pas l’adhésion du peuple
L’Italie construit depuis quelques mois des centres de rétention de migrants en Albanie. Giorgia Meloni en a fait un #symbole de sa politique contre l’immigration. Mais sur place, une partie de la population n’apprécie pas la collaboration du pouvoir albanais avec l’extrême droite italienne.
Signé en novembre 2023, un accord bilatéral d’une durée de cinq ans prévoit le transfert de l’autre côté de la mer Adriatique de migrants secourus en Méditerranée par les navires italiens, le temps de traiter leurs demandes d’asile, avant un possible renvoi vers leurs pays d’origine.
Exploités par les autorités italiennes elles-mêmes, ces centres de rétention devraient accueillir 36’000 personnes par année. Cette « externalisation de l’asile » dans un pays non-membre de l’Union européenne est une première sur le continent.
« Personne ne nous a demandé notre avis »
Le gouvernement albanais soutient l’accord au nom d’une relation historique particulière avec l’Italie. Le Premier ministre #Edi_Rama, un néolibéral souvent décrit comme autoritaire, a mis en avant la « #dette » de son pays : dans les années 90, l’Italie a accueilli des centaines de milliers d’Albanais fuyant le chaos politique et la misère.
Mais ce discours ne fait pas l’unanimité. Dans le modeste village de Gjadër, au milieu des champs du nord-ouest de l’Albanie, la construction de l’un de ces futurs camps irrite les habitants. « Personne ne nous a demandé notre avis », s’agace l’un d’eux dans l’émission Tout un monde. « L’Etat décide tout seul et se fiche de l’avis du peuple. Mais nous, qu’est-ce qu’on a à gagner avec ces #camps ? L’Italie a plein de terrains chez elle ! »
« Cet accord, ça me fait surtout du mal pour les réfugiés »
À 20km du village, le port de Shëngjin se prépare au transit de ces exilés. Des bâtiments préfabriqués gris protégés par des grilles métalliques ont déjà été installés à côté des chalutiers. Cette cité balnéaire, avec son front de mer bordé de pins maritimes et ses plages de sable, est un centre économique de la région. Les restaurateurs sont largement opposés au projet, mais personne ne critique ouvertement les choix du Premier ministre.
« Quand je vois les réfugiés aujourd’hui, ça me rappelle ma vie quand je suis arrivé en Italie en 1993. Des années difficiles : je ne savais pas la langue, je n’avais pas à manger, rien. Des Italiens m’ont aidé », témoigne le gérant d’un hôtel proche du port.
« Cet accord avec l’Italie, ça me fait surtout du mal pour les réfugiés. Mais ça ne va rien changer pour moi ni pour mon business », poursuit cet homme de 63 ans. « Le peuple albanais est le seul qui ne fait pas de divisions religieuses. On n’est pas racistes, on accueille tous les immigrés », ajoute-t-il.
Perte de #souveraineté de l’Albanie
Pour l’activiste Arlinda Lleshi, ces centres en Albanie ne sont que « pure #propagande_électorale ». « Ce serait évidemment plus facile et bien moins cher pour l’Italie de s’occuper de ces personnes sur son territoire », estime-t-elle.
La jeune femme de 27 ans a notamment organisé des manifestations pour dénoncer la perte de souveraineté de son pays. « Pourquoi devrions-nous accepter que l’Albanie soit toujours un vassal des pays étrangers en faisant le jeu de responsables politiques qui veulent rester au pouvoir ? », lance-t-elle. « C’est un accord qui n’a pas de sens et dont nous, les Albanais, n’avons aucun intérêt à tirer ! »
Critiques humanitaires
À la tête du Parti socialiste albanais, Edi Rama est aussi critiqué par la gauche européenne pour son soutien à l’agenda de l’extrême droite italienne. Pour l’opposition, le Premier ministre cherche surtout à faire oublier les accusations de collusion avec le crime organisé qui se multiplient contre son administration et à consolider son pouvoir en donnant des gages à des partenaires étrangers.
Selon de nombreux experts, cette politique de déportation des migrants ne respecte pas le droit international. Mais une quinzaine d’Etats membres de l’UE ont déjà proposé de multiplier ce type d’accord. En Suisse aussi, le Parlement a accepté en juin une motion du PLR qui souhaite qu’un tel « #accord_de_transit » soit conclu avec un pays tiers pour pouvoir y expulser les requérants d’asile érythréens déboutés.
▻https://www.rts.ch/info/monde/2024/article/en-albanie-les-centres-italiens-de-retention-de-migrants-n-ont-pas-l-adhesion-du
A Gjadër, in Albania, slitta l’apertura dei centri di detenzione dei migranti
Reportage dai luoghi dove il governo italiano aveva assicurato l’apertura di hotspot e Cpr prima a fine maggio e poi a inizio agosto. I lavori, pur su turni sfiancanti, devono ancora terminare. I residenti intanto si interrogano sull’impatto su una comunità di 200 anime, che a volte è senz’acqua ed elettricità. Tra speranze di lavoro e disagio per il destino di migliaia di persone.
Nella città costiera di Shëngjin, in Albania, la stagione estiva è nel pieno. I resort e gli hotel adagiati lungo la costa stanno infatti vivendo il picco. Il Rafaelo Resort, una delle strutture ricettive più grandi e lussuose della città, è zeppo di persone che frequentano bar, ristoranti, centri benessere.
Il personale di sicurezza, ben visibile all’ingresso, è lì per garantire la sicurezza di tutti gli ospiti, compresi i rifugiati afghani che entrano ed escono dai cancelli del resort. Sono migliaia le persone che, in fuga dal regime dei Talebani, dall’agosto 2021, sono state ospitate temporaneamente nella struttura in attesa del rilascio dei visti per gli Stati Uniti.
Questo spirito di ospitalità nell’accogliere i rifugiati afghani non sarà riservato, invece, per quelli che verranno portati dalle autorità italiane nel centro di prima accoglienza per migranti, compresi minori, donne e persone vulnerabili, all’interno del porto di Shëngjin, che funzionerà da hotspot. Lì i migranti saranno sottoposti alle procedure di screening prima di essere caricati su furgoni e rinchiusi nei centri di detenzione di Gjadër, a venti chilometri da Shëngjin.
Da quando la presidente del Consiglio italiana Giorgia Meloni ha inaugurato l’hotspot il 5 giugno 2024, ai giornalisti e ai non addetti ai lavori è severamente vietato entrare nel porto per visitarlo. Un muro di sette metri cinge le strutture prefabbricate della struttura per nasconderlo agli occhi di turisti e residenti mentre le telecamere installate ai bordi controllano quello che succede lungo il perimetro esterno. L’hotspot all’interno del porto è circondato da edifici residenziali e da un grande luna park sul lato sinistro.
Nelle scorse settimane, dopo gli annunci del governo italiano dell’imminente apertura, i titoli dei giornali si sono rincorsi con la notizia dell’apertura dell’hotspot il primo agosto, nonostante la costruzione dei centri di detenzione a Gjadër sia ancora lontana dall’essere terminata.
“Pensate davvero che gli italiani porteranno i migranti ora in mezzo a tutti i turisti? Nessuno arriverà qui fino alla fine della stagione estiva”, dice Altin, nome di fantasia di un anziano seduto in un bar accanto al porto. Ha ricevuto questa informazione da un amico ingegnere che lavorava a Gjadër.
“Ho sentito che stanno lavorando 24 ore su 24 per finire tutto in due o tre settimane. Le cabine sono situate nel porto di Shëngjin e hanno una capacità di 260 persone, ma chissà, forse questo accordo avrà lo stesso destino del piano Ruanda (del governo inglese, ndr)”, aggiunge.
A fine maggio il ministero dell’Interno italiano ha pubblicato una gara d’appalto da 13,5 milioni di euro per il noleggio di un’unità navale in grado di coprire la distanza “da 15/20 miglia nautiche a Sud/Sud-Ovest dall’isola di Lampedusa, al porto di Shëngjin in Albania”, a partire da metà settembre 2024.
“Un mio amico lavora vicino al porto -spiega un altro residente- e mi ha raccontato di una nave italiana ancorata lì, che sta misurando la distanza per trovare la rotta più adatta per le navi per far sbarcare i migranti”. Poi indica il Rafaelo Lake Resort, un hotel inaugurato a fine luglio, che dovrebbe ospitare il personale italiano e si trova un chilometro più a Sud del porto, insieme ad altri hotel vicino al lago Këndall.
L’uomo ci accompagna in un vecchio negozio vicino al porto per presentarci un’anziana signora che ha dei conoscenti che lavorano proprio a Gjadër. “Lo sposo sta lavorando lì, sta installando telecamere e internet, ma che cos’altro sappiamo? Chi ci dice niente?”, sospira facendo eco alla frustrazione di molti nella comunità.
Più tardi incontriamo Dorian Pali, avvocato e residente a Lezhë. Fa parte di un gruppo di attivisti che protesta contro l’accordo fin dal suo annuncio e ha espresso profonda preoccupazione per la privazione della libertà di tutti i migranti interessati dall’accordo. “Mi oppongo a questo accordo perché tutte le infrastrutture militari dovrebbero rimanere all’esercito e la base non può essere ceduta in questo modo per costruire centri di detenzione”, spiega.
La base aerea di Gjadër, considerata uno dei siti militari più segreti al mondo, è stata infatti costruita su una collina brulla a venti chilometri da Shëngjin, nel Nord dell’Albania, durante l’era comunista. All’inizio degli anni Novanta la Cia la usava per svolgere missioni di spionaggio nelle ex Repubbliche federali di Jugoslavia. L’ultimo jet è decollato da Gjadër nel 2004 e la base, con la sua ricca storia, è rimasta in gran parte inutilizzata dall’esercito albanese.
Per raggiungere Gjadër da Shëngjin è necessario noleggiare un’auto perché non ci sono mezzi pubblici. Prenotare un taxi costa circa venti euro per mezz’ora di viaggio. Quando ci avviciniamo alla strada dove si trova la base militare, all’orizzonte appaiono le strutture prefabbricate accatastate. Nonostante le temperature roventi, gli operai locali lavorano instancabilmente per terminare la costruzione. “Ci lavorano circa venti uomini di Gjadër”, dice un ragazzo che serve al bar del villaggio.
Una guardia di sicurezza di stanza al cantiere di Gjadër, che ha chiesto di rimanere anonima, racconta di come i lavori siano andati a rilento a causa dei disaccordi dell’esercito albanese con il protocollo. “La costruzione non è iniziata ed è rimasta ferma per un mese perché l’esercito non ha dato il permesso, poi concesso dopo molte difficoltà”.
In quest’area si stanno costruendo tre diverse strutture per i migranti in cui, secondo le promesse fatte dalla cooperativa sociale Medihospes, l’ente italiano che si è aggiudicato l’appalto da oltre 133 milioni di euro per gestire i centri, si svolgeranno numerose attività, laboratori, e sarà addirittura possibile guardare Sky e Dazn. La prima struttura, con 880 posti, dovrebbe ospitare i richiedenti asilo sottoposti alla procedura di frontiera, la cui detenzione dovrebbe durare al massimo 28 giorni. La seconda, con 144 posti, dovrebbe avere invece la funzione di Centro di permanenza per il rimpatrio (Cpr). La terza, con 20 posti, sarà di fatto un carcere e verrà utilizzato per l’applicazione di misure di custodia cautelare nei confronti di cittadini stranieri arrestati o detenuti.
L’esodo delle giovani generazioni in cerca di migliori opportunità ha trasformato Gjadër, che ora sconta l’inquietante silenzio di una città fantasma. Le strade e i parchi sono vuoti, con solo qualche uomo che passeggia o si siede al bar dell’ingresso.
“A volte esco per strada e questo silenzio mi fa venire i brividi. Una volta non era così, ma i giovani sono senza speranza e se ne vanno”, dice una signora che pulisce il tavolo in uno dei pochi bar della piccola cittadina. “Qui vivono solo 200 famiglie e la maggior parte degli abitanti rimasti sono anziani”, aggiunge Don Alberto Galimberti, parroco italiano che fa parte della missione cattolica di Blinisht e Gjadër.
Per coloro che sono rimasti nella comunità l’attenzione si è spostata sui centri per i migranti, visti come un’opportunità di lavoro. Alcuni aspettano aggiornamenti da settimane. “Delle donne della sartoria mi hanno detto che quando i centri apriranno, gli italiani cercheranno operatori sanitari. Il compenso offerto è di circa 1.200 euro”, spiega la commessa del mercato vicino all’ingresso della città. Racconta che, saputo dell’apertura dei centri, si è precipitata dall’amministratore del villaggio per dare il suo nome insieme al marito per lavorare lì, ma non hanno ricevuto risposta e nessuno li ha informati sulle procedure di assunzione.
Nelle scorse settimane sul sito di Medihospes, la “regina dell’accoglienza” in Italia con quasi 160 milioni di euro di fatturato nel 2023, sono apparse ben 379 posizioni lavorative aperte per i centri albanesi, tra cui mediatori, tecnici di laboratorio, medici, psicologi e assistenti sociali. Un esercito di persone ricercate anche tra i “locali”: gli annunci, infatti, sono scritti anche in albanese. Fa riflettere il fatto che la durata del contratto proposto sia di soli tre mesi.
Gimi, un residente locale seduto al bar, condivide il suo punto di vista sull’accordo. “Non ho paura dei migranti che verranno a Gjadër. Perché? Perché avere paura? Noi stessi abbiamo cercato rifugio e siamo stati picchiati e tenuti in prigione”. I pochi abitanti del bar hanno espresso le loro preoccupazioni per la mancanza di elettricità e di acqua nel villaggio, che deve far fronte a carenze quotidiane. Tuttavia c’è un barlume di speranza: alcuni credono che gli operai che installano le linee idriche e fognarie nei centri italiani potrebbero giovare anche al villaggio e risolvere la carenza di elettricità e acqua. “Spero che il centro non apra le porte -aggiunge Gimi poco prima di andarsene dal bar-. Sono prigioni e spero che nessuno venga trattenuto lì”.
▻https://altreconomia.it/a-gjader-in-albania-slitta-lapertura-dei-centri-di-detenzione-dei-migra
Communs numériques et souveraineté : sauver les logiciels libres
►https://laviedesidees.fr/Communs-numeriques-et-souverainete-sauver-les-logiciels-libres
Alors que la souveraineté #numérique est de plus en plus associée au potentiel du logiciel libre ou open source, les multinationales et leurs plateformes ont réussi à marginaliser les alternatives communautaires, voire à en épuiser les ressources, avec la complaisance de l’État.
#Société #souveraineté #commun
▻https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240625_communs.pdf
URSS repeinte en noir OU moment noir du communisme ? avec Norman Ajari
Avec dedans une discussion sur la notion de génocide, sur sa critique de la notion d’identité, sur le moralisme, aussi sa critique de la notion d’appropriation culturelle
Norman Ajari est venu nous présenter son Manifeste afro-décolonial, paru il y a quelques jours. Œuvre dont le sous-titre, Le rêve oublié de la politique radicale noir, annonce quelque chose comme un projet politique de refondation. Il y a un déjà-là de l’autonomie noire, qu’il s’agirait de ranimer. Quelle forme a-t-elle pris, quel visage nouveau pourrait-elle se donner ?
En 2019, le philosophe annonçait dans l’introduction de La dignité ou la mort. Ethique et politique de la race : « Ce livre fait l’hypothèse qu’il existe – transcendant le partage entre les Afriques et leurs diasporas – une condition noire et une histoire noire essentiellement modernes, définies par une surexposition structurelle à la violence sociale et politique, et par une constante invention contrainte de stratégies de survie. » Dans le Manifeste, il s’agit de « poser les bases d’une nouvelle idéologie panafricaine, sociale et révolutionnaire », destinée à fédérer ces « stratégies de survie » – pour les changer en une politique de l’autonomie noire qui serait à même d’en finir avec l’esclavage, la colonisation, la ségrégation raciale, ces passés qui ne passent pas.
D’abord, il faut poser un diagnostic à propos de cette violence négrophobe, analysée à partir de trois concepts : aliénation, expropriation, génocide. Puis il faut critiquer les options politiques antiracistes les plus en vue actuellement, qui nourrissent une forme de « libéralisme identitaire ». Et il reste enfin à annoncer les perspectives concrètes d’une politique d’autonomie noire. Celle-ci pourrait-elle véritablement prendre la forme d’un « Etat fédéral panafricain et communiste » ? Le concept de souveraineté peut-il encore connaître un horizon révolutionnaire ? Les politiques de l’identité méritent-elles d’être taxées de libéralisme ? Voilà les questions que nous soumettent la politique radicale noire.
▻https://www.youtube.com/watch?v=bO8uDJoCO7o
#Norman_Ajari #philosophie #panafricanisme #morale #génocide #appropriation_culturelle #souveraineté
Franc CFA : la nouvelle présidence sénégalaise donne le signal de la rupture
►https://www.mediapart.fr/journal/international/290324/franc-cfa-la-nouvelle-presidence-senegalaise-donne-le-signal-de-la-rupture
Même s’il dit vouloir être prudent, le nouveau président sénégalais est déterminé à abandonner le franc CFA. Attendue par les populations d’Afrique de l’Ouest, cette sortie a des contours encore flous. Le Sénégal va-t-il créer sa propre monnaie ou participer à une monnaie régionale ?
Ses premiers mots après l’annonce de son élection ont été sans ambiguïté. Son mandat sera marqué par « le choix de la rupture », a annoncé Bassirou Diomaye Faye, élu dimanche président du Sénégal dès le premier tour, avec plus de 54 % des suffrages. Parmi les nombreux sujets (constitutionnels, sociétaux, corruption) qu’il entend prendre à bras-le-corps, l’un d’eux risque de s’inviter rapidement dans les débats. Un dossier susceptible d’embraser les esprits bien au-delà du Sénégal, même si Faye entend l’aborder avec prudence et méthode : l’abandon du franc CFA.
Lors de la campagne bouleversée de la présidentielle, cette question s’est très vite invitée dans les débats entre candidats. Le nouveau président n’a pas caché ses intentions : retrouver une souveraineté monétaire par rapport à la France est pour lui une priorité. « Nous essaierons d’abord de mettre en œuvre une réforme monétaire au niveau sous-régional, a expliqué Ousmane Sonko, l’opposant historique au pouvoir de Macky Sall qui s’est effacé au profit du nouveau président élu. Lors de cette élection, si nous n’arrivons pas à impulser les réformes au niveau communautaire, alors nous prendrons la responsabilité de doter le Sénégal de sa propre monnaie. »
Le projet a effrayé tous ses adversaires politiques. « Sortir du franc CFA serait un non-sens économique », lui avait répliqué l’ancien premier ministre et ministre des finances sénégalais Amadou Ba. Une telle sortie « serait inopportune », avait renchéri l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, soutenant que « pour avoir une économie forte, il fallait une monnaie forte ». Cette décision, en tout cas, ne peut pas être « unilatérale », avait ajouté Idrissa Seck, autre candidat à la présidentielle.
Le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, qui rejettent ouvertement désormais toute présence française sur leur territoire, agitent régulièrement la menace d’abandonner le franc CFA. Mais ils n’ont jamais mis leur menace à exécution.
Le Sénégal, en revanche, est autrement crucial. Avec la Côte d’Ivoire, il est le pays de la zone franc le plus en capacité de prendre son indépendance monétaire rapidement. Par sa taille, sa démographie et son économie, il a un pouvoir d’influence et d’attraction sur tous ses voisins. Son choix va concerner directement ou indirectement les treize autres pays qui utilisent le franc CFA. « La monnaie, ce n’est pas une question technique, c’est d’abord un sujet politique », a rappelé le nouveau président sénégalais pendant sa campagne.
En finir avec la monnaie coloniale
Cantonnée pendant des années à des cénacles d’universitaires et d’économistes, la question de l’abandon du franc CFA et de la sortie de la zone franc est désormais reprise dans tous les pays de l’Afrique francophone par la population. Beaucoup moins par leurs dirigeants, qui se montrent beaucoup plus prudents sur la possibilité de couper les ponts avec l’ancienne puissance coloniale.
Alors que la présence et l’héritage français sont de plus en plus contestés dans les pays d’Afrique francophone, le maintien de cette monnaie est vu comme le symbole le plus manifeste de cette survivance coloniale, d’une mise sous tutelle permanente de la France. Même si l’acronyme a changé de sens pour devenir franc pour la communauté financière africaine, il reste marqué par la tâche indélébile et infamante de ses origines : franc des colonies françaises d’Afrique.
Sous tutelle monétaire
Soucieuse d’affirmer son emprise, la France a créé la zone franc en 1939. Elle regroupe alors quinze pays d’Afrique francophones. Au moment de la signature des accords de Bretton Woods, le gouvernement français complète cette architecture par la création du franc CFA, « franc pour les colonies françaises d’Afrique », en décembre 1945.
Les principes qui régissent cette union monétaire sont restés intangibles depuis sa création : il s’agit d’assurer la stabilité monétaire et de lutter contre l’inflation ; toutes les actions monétaires étant supervisées par le Trésor français, qui centralise les réserves de change.
Quatorze pays partagent le franc CFA. Mais ils sont regroupés en deux blocs. Le premier regroupe le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Buissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Il a son propre institut d’émission, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) censée être indépendante des États membres mais où siègent des représentants français.
Le deuxième bloc rassemble le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, le Tchad, réunis au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Son institut d’émission est la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC). Elle est organisée de la même façon que son homologue.
Officiellement, tous les pays sont libres d’adhérer ou de quitter cette union monétaire, liée à l’ancienne puissance coloniale. Dans les faits, aucun pays n’a osé abandonner le franc CFA depuis sa création.
Le passage du franc à l’euro n’y a rien changé dans les rapports monétaires avec les pays de la zone franc. Pas plus que les projets de réforme signés en décembre 2019 en catimini entre Emmanuel Macron et le président ivoirien Alassane Ouattara.
Pour couper court aux critiques des pays francophones, le président français avait alors proposé une réforme qui est censée entrer en vigueur à partir de 2027. En utilisant l’un des subterfuges de communication dont il est familier, il avait alors proposé l’abandon du franc CFA pour le remplacer par l’eco : précisément la dénomination choisie par les pays africains membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en vue de créer une monnaie unique pour leur zone économique. Une façon de torpiller le projet, ce que n’avaient pas manqué de souligner nombre d’économistes africains.
En signe d’ouverture et de « nouveaux rapports » avec les pays africains francophones, Emmanuel Macron avait aussi annoncé le rapatriement des réserves de change, jusqu’alors centralisées en France dans les deux banques centrales de la zone franc. Quelque cinq milliards d’euros, soit la moitié des réserves, ont déjà été transférés en 2021, année de la fin de la représentation française au sein des deux instituts d’émission.
Mais pour le reste, rien n’avait réellement bougé, comme le remarquait l’économiste et écrivain sénégalais Ndongo Samba Sylla : « Non, le franc CFA n’est pas mort. Macron et Ouattara se sont seulement débarrassés de ses atours les plus polémiques », écrivait-il dès l’annonce de la réforme du franc CFA.
Le carcan du franc CFA
Depuis sa création, le franc CFA obéit au même schéma, comme le rappelle l’économiste Kako Nubukpo, professeur à l’université de Lomé : « La fixité de la parité entre le franc CFA et l’euro, la totale convertibilité du franc CFA en euro, la liberté de circulation des capitaux entre la zone franc et la zone euro, et la centralisation des réserves de change. » Le tout sous le regard vigilant du Trésor français.
Les défenseurs du maintien du franc CFA avancent que ce lien permanent avec le franc puis l’euro a apporté une stabilité monétaire aux pays de la zone franc, leur garantissant une moindre inflation et un accès aux capitaux étrangers, assurés de bénéficier d’une parfaite convertibilité.
Ce dernier aspect n’a pas échappé aux multinationales – en particulier extractives –, qui ont pu rapatrier pendant des années leurs bénéfices sans encombre hors du continent africain. Pas plus qu’à certains dirigeants des pays de la zone franc qui ont profité de cette liberté de circulation et de cette convertibilité pour aller cacher leur fortune en France et ailleurs.
Pour les partisans de l’abandon du franc CFA, ces avantages ne sont rien par rapport aux inconvénients de la zone franc. La dimension politique est essentielle, à leurs yeux : alors que l’écrasante majorité des pays dans le monde ont leur propre politique monétaire, pourquoi devraient-ils rester dans un rapport de sujétion avec la France et désormais la zone euro ?
Ce rapport de dépendance n’est pas qu’une figure de style. Si le Trésor français est garant de la zone franc et peut consentir des prêts à des pays en difficulté financière, il n’a que très rarement mis en œuvre cette possibilité. En revanche, les gouvernements français n’ont pas hésité à utiliser l’arme de la répression financière à l’égard de pays de la zone franc jugés trop récalcitrants par rapport aux vues françaises, comme en Guinée-Bissau.
Une surévaluation asphyxiante
Mais la dimension économique importe tout autant. Au moment de la décolonisation, les pays de la zone franc réalisaient 60 % de leurs échanges avec la France. Depuis, la part de ses échanges est tombée à moins de 20 %, comme avec l’Europe. Exportant surtout des matières premières, ces pays n’ont plus de relation privilégiée et particulière avec le continent européen en général et la France en particulier : ils commercent – même maigrement – avec le monde entier.
S’inscrire dans la sphère d’influence de la zone euro ne leur a pas facilité l’accès aux marchés de capitaux. Les investissements étrangers y sont faibles, davantage en tout cas que dans d’autres pays africains comme le Ghana. À rebours, la parité fixe avec la monnaie unique européenne, sur laquelle ils n’ont aucune prise puisque n’étant jamais associés à la moindre décision monétaire européenne, les amène à vivre en permanence avec une monnaie étrangère, qui contraint tous leurs choix politiques.
Pour tous ces pays, l’euro est une monnaie totalement surévaluée par rapport à leurs économies. Le débat sur ce point est vif depuis des décennies, jusqu’au sein du Fonds monétaire international. Sous pression de l’institution internationale, la France a dû concéder en 1994 une dévaluation du franc CFA par rapport au franc. Mais ce fut la seule et unique fois.
Pour faire face aux crises et aux chocs conjoncturels en tout genre – particulièrement importants pour ces économies liées aux cycles des matières premières –, les gouvernements n’ont qu’une seule arme à leur disposition : la dévaluation interne avec son cortège de plans d’austérité.
L’eco dans les limbes
Si la nécessité de sortir du franc CFA recueille un large assentiment parmi les économistes et les populations africaines, la question de son remplacement reste problématique : beaucoup redoutent qu’un abandon trop rapide, mal préparé, n’entraîne une période de chaos et de désordres économiques, préjudiciables à tout point de vue.
Discutée depuis plusieurs années, l’idée avancée par la Cedeao de créer une zone économique commune et une monnaie unique pour tous les pays de l’Afrique de l’Ouest, sur le modèle de la zone euro, est régulièrement avancée. C’est une des hypothèses que semble caresser le nouveau président sénégalais en remplacement du franc CFA. Mais le projet fait du surplace. Aucun des pays n’est à ce stade en mesure de remplir les critères de convergence fixés pour aller vers une monnaie unique.
Un autre facteur ralentit aussi cette avancée : le poids que le Nigéria pourrait exercer dans ce nouvel ensemble. Sans le dire ouvertement, beaucoup de ses voisins, notamment francophones, craignent d’abandonner un joug pour tomber sous un autre. Étant le pays démographiquement et économiquement le plus important, le Nigéria est une puissance indiscutable. Mais ses défaillances démocratiques, ses déboires économiques et le niveau de corruption de ses dirigeants dissuadent nombre de pays voisins à aller plus avant.
Le rêve d’une rente pétrolière
Pourquoi alors ne pas tenter la création d’une monnaie unique avec tous les pays actuels membres du franc CFA ? L’idée fait son chemin dans les pays africains francophones. Puisqu’ils sont déjà habitués à travailler ensemble, ont des instituts monétaires, abandonner le franc CFA pour le remplacer par une monnaie unique paraît être la voie la plus sûre.
L’économiste sénégalais Ndongo Samba Sylla n’est guère tenté par cette solution qui lui paraît trop compliquée. Il est désormais favorable à une monnaie nationale.
D’une part, explique-t-il, avoir une monnaie unique partagée entre plusieurs pays est l’exception plutôt que la règle : l’expérience de l’euro n’a pas été renouvelée par la suite. D’autre part, bien qu’ayant partagé pendant plus de soixante ans le franc CFA, les pays de la zone franc n’ont pas construit une zone économique commune.
Les échanges entre eux sont réduits à la portion congrue : ils s’élèvent à peine à 5 %. Dès lors, pourquoi penser que la création d’une nouvelle monnaie commune changerait la donne ? D’autant que les divergences de vue entre les pays de la zone franc sur la politique à mener, ou les relations avec la France, risquent de ralentir toute évolution, voire d’empêcher ce mouvement d’émancipation.
La tentation pour certains acteurs sénégalais de rompre seuls avec le franc CFA est d’autant plus grande qu’un renversement économique important est attendu dans le pays : le Sénégal est en passe de devenir un producteur d’hydrocarbures. D’importants gisements gaziers et pétroliers ont été découverts au large des côtes et doivent entrer en production dès cette année.
Si cette perspective inquiète les populations locales et notamment les pêcheurs, cette manne potentielle fait rêver jusqu’au sommet de l’État. Beaucoup espèrent qu’ils vont enfin obtenir les moyens financiers qui leur font tant défaut pour assurer leur développement et affirmer leur indépendance.
Sans attendre, le pouvoir s’est déjà préparé : il a réformé son code minier et changé sa fiscalité pour obtenir une part plus élevée des exploitations pétrolières et gazières. Et il envisage même de créer un fonds souverain pour placer les gains de cette rente.
Dans ce nouvel environnement, abandonner le franc CFA paraît beaucoup moins aventureux, selon certains économistes. Mais pour d’autres, il présente le risque de tomber dans un autre piège, celui du mirage de la rente pétrolière, dans lequel s’est enfoncé notamment le Nigéria. Et quid dans ce cas-là des projets de panafricanisme ?
Beaucoup de questions sont en suspens à l’aube de cette nouvelle présidence sénégalaise, qui entre concrètement dans l’ère des ruptures.
Martine Orange❞
« La vraie #souveraineté_alimentaire, c’est faire évoluer notre #modèle_agricole pour préparer l’avenir »
Professeur à l’université Paris-Saclay AgroParisTech, l’économiste de l’environnement #Harold_Levrel estime que le concept de « souveraineté alimentaire » a été détourné de sa définition originelle pour justifier un modèle exportateur et productiviste.
Hormis les denrées exotiques, dans la plupart des secteurs, la #production_agricole nationale pourrait suffire à répondre aux besoins des consommateurs français, sauf dans quelques domaines comme les fruits ou la volaille. Or, les #importations restent importantes, en raison d’un #modèle_intensif tourné vers l’#exportation, au risque d’appauvrir les #sols et de menacer l’avenir même de la production. D’où la nécessité de changer de modèle, plaide l’économiste.
Comment définir la souveraineté alimentaire ?
Selon la définition du mouvement altermondialiste Via Campesina lors du sommet mondial sur l’alimentation à Rome en 1996, c’est le droit des Etats et des populations à définir leur #politique_agricole pour garantir leur #sécurité_alimentaire, sans provoquer d’impact négatif sur les autres pays. Mais les concepts échappent souvent à ceux qui les ont construits. Mais aujourd’hui, cette idée de solidarité entre les différents pays est instrumentalisée pour justifier une stratégie exportatrice, supposée profiter aux pays du Sud en leur fournissant des denrées alimentaires. Le meilleur moyen de les aider serait en réalité de laisser prospérer une #agriculture_vivrière et de ne pas les obliger à avoir eux aussi des #cultures_d’exportation. Au lieu de ça, on maintient les rentes de pays exportateurs comme la France. Quand le gouvernement et d’autres parlent d’une perte de souveraineté alimentaire, ça renvoie en réalité à une baisse des exportations dans certains secteurs, avec un état d’esprit qu’on pourrait résumer ainsi : « Make French agriculture great again. » Depuis le Covid et la guerre en Ukraine, la souveraineté alimentaire est devenue l’argument d’autorité pour poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures.
Nous n’avons donc pas en soi de problème d’#autonomie_alimentaire ?
Ça dépend dans quel domaine. Les défenseurs d’un modèle d’exploitation intensif aiment à rappeler que notre « #dépendance aux importations » est de 70 % pour le #blé dur, 40 % pour le #sucre, et 29 % pour le #porc. Mais omettent de préciser que nos taux d’auto-approvisionnement, c’est-à-dire le rapport entre la production et la consommation françaises, sont de 123 % pour le blé dur, 165 % pour le sucre, et 99 % pour le porc. Ça signifie que dans ces secteurs, la production nationale suffit en théorie à notre consommation, mais que l’on doit importer pour compenser l’exportation. Il y a en réalité très peu de produits en France sur lesquels notre production n’est pas autosuffisante. Ce sont les fruits exotiques, l’huile de palme, le chocolat, et le café. On a aussi des vrais progrès à faire sur les fruits tempérés et la viande de #volaille, où l’on est respectivement à 82 et 74 % d’auto-approvisionnement. Là, on peut parler de déficit réel. Mais il ne serait pas très difficile d’infléchir la tendance, il suffirait de donner plus d’aides aux maraîchers et aux éleveurs, qu’on délaisse complètement, et dont les productions ne sont pas favorisées par les aides de la #Politique_agricole_commune (#PAC), qui privilégient les grands céréaliers. En plus, l’augmentation de la production de #fruits et #légumes ne nécessite pas d’utiliser plus de #pesticides.
Que faire pour être davantage autonomes ?
A court terme, on pourrait juste rebasculer l’argent que l’on donne aux #céréaliers pour soutenir financièrement les #éleveurs et les #maraîchers. A moyen terme, la question de la souveraineté, c’est : que va-t-on être capable de produire dans dix ans ? Le traitement de l’#eau polluée aux pesticides nous coûte déjà entre 500 millions et 1 milliard d’euros chaque année. Les pollinisateurs disparaissent. Le passage en #bio, c’est donc une nécessité. On doit remettre en état la #fertilité_des_sols, ce qui suppose d’arrêter la #monoculture_intensive de #céréales. Mais pour cela, il faut évidemment réduire certaines exportations et investir dans une vraie souveraineté alimentaire, qui nécessite de faire évoluer notre modèle agricole pour préparer l’avenir.
▻https://www.liberation.fr/environnement/agriculture/la-vraie-souverainete-alimentaire-cest-faire-evoluer-notre-modele-agricol
#agriculture_intensive #industrie_agroalimentaire
#Productivisme et destruction de l’#environnement : #FNSEA et #gouvernement marchent sur la tête
Répondre à la #détresse des #agriculteurs et agricultrices est compatible avec le respect de l’environnement et de la #santé_publique, expliquent, dans cette tribune à « l’Obs », les Scientifiques en rébellion, à condition de rejeter les mesures productivistes et rétrogrades du duo FNSEA-gouvernement.
La #crise de l’agriculture brasse croyances, savoirs, opinions, émotions. Elle ne peut laisser quiconque insensible tant elle renvoie à l’un de nos #besoins_fondamentaux – se nourrir – et témoigne du #désarroi profond d’une partie de nos concitoyen·nes qui travaillent pour satisfaire ce besoin. Reconnaître la #souffrance et le désarroi du #monde_agricole n’empêche pas d’examiner les faits et de tenter de démêler les #responsabilités dans la situation actuelle. Une partie de son #traitement_médiatique tend à faire croire que les agriculteurs et agricultrices parleraient d’une seule voix, celle du président agro-businessman de la FNSEA #Arnaud_Rousseau. Ce directeur de multinationale, administrateur de holding, partage-t-il vraiment la vie de celles et ceux qui ne parviennent plus à gagner la leur par le travail de la terre ? Est-ce que les agriculteur·ices formeraient un corps uniforme, qui valoriserait le productivisme au mépris des #enjeux_environnementaux qu’ils et elles ne comprendraient soi-disant pas ? Tout cela est difficile à croire.
Ce que la science documente et analyse invariablement, en complément des savoirs et des observations de nombre d’agriculteur·ices, c’est que le #modèle_agricole industriel et productiviste conduit à une #catastrophe sociale et environnementale. Que ce modèle concurrence dangereusement les #alternatives écologiquement et socialement viables. Que cette agriculture ne s’adaptera pas indéfiniment à un environnement profondément dégradé. Qu’elle ne s’adaptera pas à un #réchauffement_climatique de +4 °C pour la France et une ressource en #eau fortement diminuée, pas plus qu’à une disparition des #insectes_pollinisateurs.
Actuellement, comme le rappelle le Haut Conseil pour le Climat (HCC), l’agriculture représente le deuxième secteur d’émissions de #gaz_à_effet_de_serre, avec 18 % du total français, derrière les transports. La moitié de ces émissions agricoles (en équivalent CO2) provient de l’#élevage_bovin à cause du #méthane produit par leur digestion, 14 % des #engrais_minéraux qui libèrent du #protoxyde_d’azote et 13 % de l’ensemble des #moteurs, #engins et #chaudières_agricoles. Le HCC rappelle aussi que la France s’est engagée lors de la COP26 à baisser de 30 % ses émissions de méthane d’ici à 2030, pour limiter le réchauffement climatique. L’agriculture, bien que répondant à un besoin fondamental, doit aussi revoir son modèle dominant pour répondre aux enjeux climatiques. De ce point de vue, ce qu’indique la science, c’est que, si l’on souhaite faire notre part dans le respect de l’accord de Paris, la consommation de #viande et de #produits_laitiers doit diminuer en France. Mais la solidarité avec nos agriculteur.ices ainsi que l’objectif légitime de souveraineté et #résilience_alimentaire nous indiquent que ce sont les importations et les élevages intensifs de ruminants qui devraient diminuer en premier.
Côté #biodiversité, la littérature scientifique montre que l’usage des #pesticides est la deuxième cause de l’effondrement des populations d’#insectes, qui atteint 80 % dans certaines régions françaises. Les #oiseaux sont en déclin global de 25 % en quarante ans, mais ce chiffre bondit à 60 % en milieux agricoles intensifs : le printemps est devenu particulièrement silencieux dans certains champs…
D’autres voies sont possibles
Le paradoxe est que ces bouleversements environnementaux menacent particulièrement les agriculteur·ices, pour au moins trois raisons bien identifiées. Tout d’abord environnementale, à cause du manque d’eau, de la dégradation des sols, des événements météorologiques extrêmes (incendies ou grêles), ou du déclin des insectes pollinisateurs, qui se traduisent par une baisse de production. Sanitaires, ensuite : par leur exposition aux #produits_phytosanitaires, ils et elles ont plus de risque de développer des #cancers (myélome multiple, lymphome) et des #maladies_dégénératives. Financière enfin, avec l’interminable fuite en avant du #surendettement, provoqué par la nécessité d’actualiser un équipement toujours plus performant et d’acheter des #intrants pour pallier les baisses de production engendrées par la dégradation environnementale.
Depuis des décennies, les #traités_de_libre-échange et la compétition intra-européenne ont privé la grande majorité des agriculteur·ices de leur #autonomie, dans un cercle vicieux aux répercussions sociales tragiques pouvant mener au #suicide. Si la FNSEA, les #JA, ou la #Coordination_rurale réclament une forme de #protectionnisme_agricole, d’autres de leurs revendications portent en revanche sur une baisse des #contraintes_environnementales et sanitaires qui font porter le risque de la poursuite d’un modèle délétère sur le long terme. Ce sont justement ces revendications que le gouvernement a satisfaites avec, en particulier, la « suspension » du #plan_Ecophyto, accueilli par un satisfecit de ces trois organisations syndicales rappelant immédiatement « leurs » agriculteurs à la ferme. Seule la #Confédération_paysanne refuse ce compromis construit au détriment de l’#écologie.
Pourtant, des pratiques et des modèles alternatifs existent, réduisant significativement les émissions de gaz à effet de serre et préservant la biodiversité ; ils sont déjà mis en œuvre par des agriculteur·ices qui prouvent chaque jour que d’autres voies sont possibles. Mais ces alternatives ont besoin d’une réorientation des #politiques_publiques (qui contribuent aujourd’hui pour 80 % au #revenu_agricole). Des propositions cohérentes de politiques publiques répondant à des enjeux clés (#rémunération digne des agriculteur·ices non soumis aux trusts’de la grande distribution, souveraineté alimentaire, considérations climatiques et protection de la biodiversité) existent, comme les propositions relevant de l’#agroécologie, qu’elles émanent du Haut Conseil pour le Climat, de la fédération associative Pour une autre PAC, de l’IDDRI, ou encore de la prospective INRAE de 2023 : baisse de l’#élevage_industriel et du cheptel notamment bovin avec soutien à l’#élevage_extensif à l’herbe, généralisation des pratiques agro-écologiques et biologiques basées sur la valorisation de la biodiversité (cultures associées, #agro-foresterie, restauration des #haies favorisant la maîtrise des bio-agresseurs) et arrêt des #pesticides_chimiques_de_synthèse. Ces changements de pratiques doivent être accompagnés de mesures économiques et politiques permettant d’assurer le #revenu des agriculteur·ices, leur #accès_à_la_terre et leur #formation, en cohérence avec ce que proposent des syndicats, des associations ou des réseaux (Confédération paysanne, Atelier paysan, Terre de liens, Fédérations nationale et régionales d’Agriculture biologique, Réseau salariat, …).
Nous savons donc que les politiques qui maintiennent le #modèle_agro-industriel sous perfusion ne font qu’empirer les choses et qu’une réorientation complète est nécessaire et possible pour la #survie, la #dignité, la #santé et l’#emploi des agriculteur·ices. Nombre d’enquêtes sociologiques indiquent qu’une bonne partie d’entre elles et eux le savent très bien, et que leur détresse témoigne aussi de ce #conflit_interne entre le modèle productiviste qui les emprisonne et la nécessité de préserver l’environnement.
Une #convention_citoyenne
Si le gouvernement convient que « les premières victimes du dérèglement climatique sont les agriculteurs », les mesures prises démontrent que la priorité gouvernementale est de sanctuariser le modèle agro-industriel. La remise en cause du plan Ecophyto, et la reprise en main de l’#Anses notamment, sont en totale contradiction avec l’urgence de s’attaquer à la dégradation environnementale couplée à celle des #conditions_de_vie et de travail des agriculteur·ices. Nous appelons les citoyen·nes et les agriculteur·rices à soutenir les changements de politique qui iraient réellement dans l’intérêt général, du climat, de la biodiversité. Nous rappelons que le sujet de l’agriculture et de l’#alimentation est d’une redoutable complexité, et qu’identifier les mesures les plus pertinentes devrait être réalisé collectivement et démocratiquement. Ces mesures devraient privilégier l’intérêt général et à long-terme, par exemple dans le cadre de conventions citoyennes dont les conclusions seraient réellement traduites dans la législation, a contrario a contrario de la précédente convention citoyenne pour le climat.
▻https://www.nouvelobs.com/opinions/20240203.OBS84041/tribune-productivisme-et-destruction-de-l-environnement-fnsea-et-gouverne
#tribune #scientifiques_en_rébellion #agriculture #souveraineté_alimentaire #industrie_agro-alimentaire
Une vraie #souveraineté_alimentaire pour la #France
Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030.
Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du #lobbying habituel de la #FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute #réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.
La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.
Le mythe de la dépendance aux #importations
De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « #dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.
Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’#autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.
D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’#interdépendances : la #France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.
Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les #exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la #compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.
Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de #produits_agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.
Voir la #productivité de façon multifonctionnelle
S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de #productivité_alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en #eau pour produire les aliments, de la dépendance aux #énergies_fossiles générée par les #intrants de synthèse, de l’épuisement de la #fertilité des #sols lié à la #monoculture_intensive ou encore des effets du #réchauffement_climatique ?
Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du #travail_agricole (25 % des #agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du #gaspillage_alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des #besoins_nutritionnels et des #habitudes_alimentaires de la population ?
La #productivité_alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :
– la capacité de #rétention_d’eau dans les sols,
– le renouvellement des #pollinisateurs,
– le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une #eau_potable,
– le renouvellement de la #fertilité_des_sols,
– la régulation des espèces nuisibles aux cultures,
– ou encore la séquestration du carbone dans les sols.
Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.
La #diversification pour maintenir des rendements élevés
Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des #pratiques_agricoles permettent de répondre à ces objectifs de #performance_plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des #rendements élevés.
Les ingrédients de cette diversification sont connus :
– augmentation de la #rotation_des_cultures et des #amendements_organiques,
– renoncement aux #pesticides_de_synthèse et promotion de l’#agriculture_biologique à grande échelle,
- réduction du #labour,
- diversification des #semences et recours aux #variétés_rustiques,
- ou encore restauration des #haies et des #talus pour limiter le ruissellement de l’#eau_de_pluie.
Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les #services_écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les #rendements_agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.
Les sérieux atouts de l’agriculture biologique
Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.
C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des #légumineuses fixatrices d’azote dans le sol, utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux #parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un #paysage qui devient un allié dans la lutte contre les #aléas_naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs #bio.
C’est une question de #réalisme_économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de #fertilisant et de #carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du #prix du #pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.
Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un #faux_procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.
Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le #conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en #agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.
Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le #pouvoir_d’achat des consommateurs
Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le #revenu des #agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.
Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.
Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.
Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le #travail_agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de #main-d’oeuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).
Cette question du #travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.
Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.
Rien que le #traitement_de_l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses #impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux #pesticides ne sont plus tolérables.
Le bio, impensé de la politique agricole française
Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la #santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.
L’État a promu le label #Haute_valeur_environnementale (#HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle #PAC, au risque de créer une #concurrence_déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les #aides_publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.
La décision récente de l’État de retirer son projet de #taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.
Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de #subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des #charges_sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la #transition_agroécologique.
Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la #vente_directe et à des dispositifs tels que les #AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.
Les agriculteurs engagés pour la #transition_écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la #chaîne_de_valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.
Il ne s’agit pas d’une #utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.
▻https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560
#foncier #industrie_agro-alimentaire #alimentation #collectivisation
#à_lire #ressources_pédagogiques
Top du tas de #fumier, les cons qui croient que le monde ne va pas tourner sans eux
"Anti-écolo, anti-FNSEA : la #Coordination_rurale de mon cul, le syndicat qui attise la colère agricole
Courtisée par l’extrême droite, la Co. ru. est un des acteurs de la mobilisation en cours. Elle se bat contre la mondialisation et les mesures écologiques, avec des méthodes parfois violentes. Les appels à bloquer Paris lundi se multiplient. (...)) #OMG
Vous étiez où, les #culs_terreux, avec les #Gilets_Jaunes ?
:-D :-D :-D Au boulot, les #bouseux #politique #agricole #France #souveraineté #nombril #seenthis #vangauguin
►https://www.mediapart.fr/journal/politique/280124/anti-ecolo-anti-fnsea-la-coordination-rurale-le-syndicat-qui-attise-la-col
Maroc : « Le drapeau rouge frappé d’un pentagramme vert est le fruit de longues tractations avec la France »
▻https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/24/maroc-le-drapeau-rouge-frappe-d-un-pentagramme-vert-est-le-fruit-de-longues-
Dans son nouveau livre, l’historien Nabil Mouline retrace les origines de l’étendard marocain. Un emblème qui a évolué avec l’histoire du royaume chérifien.
Propos recueillis par Alexandre Aublanc (Casablanca), 24 janvier2024
De quoi le drapeau rouge frappé d’une étoile verte est-il le symbole ? Du Maroc, assurément. Mais encore ? Que nous raconte cet emblème de l’histoire du royaume et quelle est la part de vérité dans les polémiques qui entourent sa construction ? Ces questions sont au cœur de Drapeaux du Maroc, le dernier ouvrage de Nabil Mouline, chercheur au CNRS, avec lequel Le Monde s’est entretenu à distance.
Vous expliquez qu’il existait jusqu’au XIXe siècle une grande variété d’emblèmes au Maroc, avant que les puissances européennes ne décrètent le drapeau rouge comme unique étendard. Pourquoi ?
L’évolution des drapeaux au Maroc est étroitement liée aux tumultes politiques, religieux et économiques qui ont marqué la trajectoire du pays depuis l’émergence de l’Etat marocain avec les Almoravides, au XIe siècle. En tant que « regalia » [objets symboliques de royauté], ces instruments de pouvoir ont incarné les aspirations de chaque dynastie à travers leurs formes, leurs couleurs et leurs inscriptions. Noir au départ, l’étendard impérial devient blanc entre le XIIe et le XVIIe siècle. Puis la monarchie adopte deux nouveaux emblèmes entre le XVIIe et le XIXe siècle. Alors que le vert exprime son autorité religieuse, le rouge révèle son pouvoir politique.
Simultanément, en Europe, les évolutions vers la formation d’Etats-nations engendrent une transformation dans la conception des drapeaux. Chaque communauté politique doit désormais arborer son propre emblème, qui ne symbolise plus la centralité de la maison régnante, mais davantage les valeurs et les ambitions de la nation. L’Europe, en raison de sa supériorité idéologique et organisationnelle, impose petit à petit cette conception au reste du monde. Au Maroc, cette influence s’est manifestée par la consécration graduelle du drapeau rouge en tant que symbole étatique à partir des années 1870. D’abord indifférentes, les élites du sultanat, influencées par les idées européennes, finissent par l’adopter.
L’origine du drapeau actuel fait débat. Sa paternité revient-elle au premier résident général du protectorat, Hubert Lyautey ?
Depuis le début des années 1870 jusqu’en 1915, le drapeau étatique du Maroc est rouge, uniquement rouge. Mais après l’instauration du protectorat en 1912, un changement advient progressivement. En 1913, les employés de la douane imposent aux embarcations marocaines d’arborer un drapeau tricolore sur l’angle duquel se trouve un petit rectangle rouge chargé d’une étoile à cinq branches. Cette nouvelle marque distinctive déplaît profondément aux Marocains, car elle ne respecte pas la souveraineté théorique du pays. Pour éviter un conflit inutile, cette « innovation » est rapidement retirée.
Commencent alors de longues tractations entre l’administration française et le Makhzen. Les deux parties finissent par trouver un terrain d’entente : maintenir l’emblème rouge en y ajoutant un pentagramme vert. Le sultan Youssef entérine ce changement en promulguant un rescrit impérial [dahir] le 17 novembre 1915. En réalité, les autorités n’ont fait qu’officialiser en quelque sorte le choix des douaniers, qui n’ont eux-mêmes fait que reprendre un symbole bien connu dans l’espace social marocain depuis des siècles. Comme le montrent les sources disponibles, Hubert Lyautey a joué un rôle mineur dans ce processus, mais certains mythes ont la peau dure.
L’étoile présente sur le drapeau marocain est elle aussi sujette à polémique. Est-il vrai qu’elle était à l’origine à six branches, mais qu’elle a été remplacée par un pentagramme afin de se dissocier d’un symbole juif ?
Les étoiles, particulièrement le pentagramme, l’hexagramme et l’octogramme, constituent l’un des piliers de l’art décoratif marocain depuis de longs siècles. Appelées indistinctement « sceau de Salomon », elles figurent sur différents supports, notamment à partir du VIIIe siècle. Si des étoiles à six branches et à huit branches ont été brodées sur des bannières et des fanions secondaires depuis au moins le XIIe siècle, elles n’ont jamais figuré sur le principal étendard des différentes dynasties. Lyautey ne pouvait donc pas modifier quelque chose qui n’avait aucune existence préalable.
En réalité, ce mythe découle de ce qu’on appelle une confusion symbolique. Seuls quelques rares témoignages visuels nous permettent en effet de voir des drapeaux rouges étatiques portant des hexagrammes, après la promulgation du rescrit de 1915. D’ailleurs, l’usage de l’étoile à six branches, considérée jusqu’alors comme un symbole musulman, se perpétue tout au long de la première moitié du XXe siècle, particulièrement sur les pièces de monnaie. Ce n’est que quelques années après l’éclatement du conflit israélo-arabe que ce symbole disparaît des artéfacts marocains.
S’il est l’héritier d’une longue tradition impériale, le drapeau du Maroc doit, selon vous, toute sa popularité au mouvement nationaliste.
L’instauration du protectorat a engendré des transformations profondes au sein de la société marocaine. A partir des années 1920, le nationalisme surgit dans une partie de la jeunesse urbaine. Des organisations politiques émergent et cherchent, dès 1933, à exprimer et célébrer l’ancienneté, l’unité et la solidarité de la nation marocaine.
Pour symboliser sa quête d’indépendance, c’est le drapeau rouge frappé d’un pentagramme vert qui va être choisi, notamment à travers la Fête du trône, le premier rituel national et séculier au sens moderne du terme. Cette manifestation politique incontournable va jouer un rôle primordial dans la popularisation de cet objet. Grâce à ce processus de réinvention et d’appropriation, l’insigne étatique lointain devient un véritable emblème national, surtout après son adoption définitive par l’institution monarchique en 1947.
Drapeaux du Maroc, de Nabil Mouline, éd. Sochepress, 172 pages, 120 dirhams
« Faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère est devenu une nécessité vitale »
▻https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/08/faire-appel-a-davantage-de-main-d-uvre-etrangere-est-devenu-une-necessite-vi
« Faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère est devenu une nécessité vitale »
Gianmarco Monsellato
Président de Deloitte France et Afrique francophone
Alors que la loi française sur l’immigration adoptée le 19 décembre est très restrictive, l’avocat Gianmarco Monsellato explique, dans une tribune au « Monde », pourquoi la France a besoin des compétences étrangères pour préparer l’économie de demain.
Les débats actuels l’illustrent : l’immigration tend à être abordée exclusivement à travers un prisme social et politique, et beaucoup trop peu à travers un prisme économique. Parasitées par les débats sécuritaires et identitaires, les discussions qui ont entouré l’examen puis le vote du projet de loi au Parlement n’ont pas fait toute sa place à une question pourtant centrale : comment former et attirer les talents qui occuperont les emplois que va créer l’économie de demain ?
Nous nous trouvons face à un déficit de main-d’œuvre, sur fond de ralentissement démographique, avec une raréfaction de la ressource travail et une pénurie de compétences dont souffrent déjà les entreprises aujourd’hui. Une pénurie qui se constate à tous les niveaux : dans des grands groupes, mais plus largement sur l’ensemble du tissu économique.
Une étude récente du Lab de Bpifrance sur la pénurie de talents dans les PME et les ETI (entreprises de taille intermédiaire) industrielles posait ainsi les bases d’un débat serein sur l’immigration économique, de manière globale et chiffrée, en montrant les besoins colossaux d’emplois à pourvoir (400 000 emplois supplémentaires d’ici à 2035 dans l’industrie).
Faire appel à davantage de main-d’œuvre étrangère est devenu une nécessité vitale. On peut regretter que la discussion sur les fameux « métiers en tension » soit restée trop focalisée sur les emplois – souvent peu qualifiés – à pourvoir aujourd’hui. Mais les métiers en tension de demain, dont il faut se préoccuper vite, ce sont aussi tous ces emplois hautement qualifiés qui n’existent pas encore ! Ceux induits par les révolutions technologiques, par la mutation climatique, et ceux qui serviront à faire le lien entre toutes ces transitions, par leur capacité à synthétiser et mettre en perspective les nouvelles problématiques.
Nous sommes d’ores et déjà entrés dans une compétition mondiale pour attirer ces talents. Or, force est de constater que notre système actuel n’y parvient pas suffisamment.Deux indicateurs éloquents pour s’en rendre compte : d’après le Conseil d’analyse économique, seulement 10 % de l’immigration en France est liée aux compétences – un chiffre bien inférieur à celui de nos voisins européens. Et sur l’index mondial de compétitivité des talents publiée par l’Insead, la France figure au 19e rang, loin derrière l’Allemagne. Il y a donc bien un sujet fondamental d’attractivité !
La compétition est particulièrement marquée dans la tech. La transformation numérique et l’automatisation modifient la nature du travail, augmentant la demande pour des compétences en informatique, en analyse de données ou en intelligence artificielle. Il y a un écart entre les compétences enseignées et celles demandées par le marché du travail.
L’immigration de main-d’œuvre qualifiée peut et doit aider à combler cet écart. En 2050, la moitié des jeunes diplômés seront originaires d’Afrique ; le niveau des étudiants africains en mathématiques est souvent supérieur à celui observé en France au lycée… Ignorer ce réservoir de talents serait une erreur stratégique majeure pour notre économie.
L’enjeu devrait donc être de plus en plus de créer des régimes fiscaux et sociaux favorables, d’abaisser le coût du travail pour attirer cette main-d’œuvre étrangère. De nombreux pays l’ont fait. Les Etats-Unis, le Canada, l’Australie et l’Allemagne et même, récemment, le Japon, ont adopté des politiques ambitieuses en matière d’immigration. En France, ces politiques résolument volontaristes n’existent pas, ou peu. La question de l’immigration ne doit pas se limiter à un – légitime – débat politique. Elle est au cœur de la stratégie économique des Etats. Attirer des talents au-delà de ses frontières, c’est pour l’Europe une des conditions pour rester compétitive. L’apport des talents étrangers à l’économie française n’est pas seulement une question d’inclusion, c’est un levier de performance – et, in fine, une source de souveraineté.
#Covid-19#migration#migrant#loiimmigration#migrationqualifiee#economie#talent#strategie#souverainete#inclusion#maindoeuvre#metierentension#france
#Chowra_Makaremi : « Le #viol devient le paradigme de la loi du plus fort dans les #relations_internationales »
En #Ukraine, Poutine revendique de faire la guerre au nom du genre. En #Iran, le régime réprime implacablement la révolution féministe. Dans d’autres pays, des populistes virilistes prennent le pouvoir. Une réalité que décrypte l’anthropologue Chowra Makaremi.
IranIran, Afghanistan, invasion russe en Ukraine, mais aussi les discours des anciens présidents Donald Trump ou Jair Bolsonaro ou du chef de l’État turc, Recep Tayyip Erdogan : tous ont en commun de s’en prendre aux #femmes, comme l’explique l’anthropologue Chowra Makaremi.
L’autrice de Femme ! Vie ! Liberté ! Échos du soulèvement en Iran (La Découverte, 2023) fait partie des chercheuses sollicitées par Mediapart pour #MeToo, le combat continue, l’ouvrage collectif publié récemment aux éditions du Seuil et consacré à la révolution féministe qui agite le monde depuis l’automne 2017 et le lancement du fameux mot-clé sur les réseaux sociaux. Depuis, toutes les sociétés ont été traversées de débats, de controverses et de prises de conscience nouvelles. Entretien.
Mediapart : « Que ça te plaise ou non, ma jolie, il va falloir supporter. » Cette phrase a été prononcée le 7 février 2022 par le président russe, #Vladimir_Poutine, devant Emmanuel Macron. Elle était adressée à l’Ukraine et à son président, Volodymyr Zelensky, qui venait de critiquer les accords de Minsk, signés en 2015 pour mettre fin à la guerre dans le Donbass. Quelle lecture en faites-vous ?
Chowra Makaremi : Le viol devient le paradigme de la #loi_du_plus_fort dans les relations internationales. La philosophe #Simone_Weil souligne dans un texte combien la #guerre relève de la logique du viol, puisque sa matrice est la #force qui, plus que de tuer, a le pouvoir de changer l’être humain en « une #chose » : « Il est vivant, il a une âme ; il est pourtant une chose. [L’âme] n’est pas faite pour habiter une chose ; quand elle y est contrainte, il n’est plus rien en elle qui ne souffre violence », écrit-elle.
Cette comptine vulgaire de malfrats que cite #Poutine dit la culture criminelle qui imprègne sa politique. Elle me fait penser à ce que l’anthropologue Veena Das nomme la dimension voyou de la souveraineté étatique : la #truanderie comme n’étant pas seulement un débordement illégitime du pouvoir mais, historiquement, une composante de la #souveraineté, une de ses modalités.
On le voit avec le pouvoir de Poutine mais aussi avec ceux de #Narendra_Modi en #Inde (dont parle Veena Das), de #Donald_Trump aux #États-Unis, de #Jair_Bolsonaro au #Brésil, de #Recep_Tayyip_Erdogan en #Turquie. Quand Poutine a dit sa comptine, personne n’a quitté la salle, ni Emmanuel Macron ni la presse, qui a cherché, au contraire, à faire parler la symbolique de cette « remarque ». Tout le réseau de sens et de connexions qui permet à cette cruelle boutade de tenir lieu de discours guerrier intuitivement compréhensible et audible montre que le type d’#outrage dont elle relève est une #transgression qui appartient, à la marge, à l’#ordre.
On parle de la #masculinité_hégémonique au pouvoir avec Poutine, mais elle fait écho à celle de nombreux autres chefs d’État que vous venez de citer. Quelles sont les correspondances entre leurs conceptions de domination ?
Il n’y a pas, d’un côté, les théocraties comme l’Iran et l’Afghanistan, et, de l’autre, les populismes virilistes de Trump, Erdogan, Bolsonaro, qui s’appuient sur des « #paniques_morales » créées par la remise en cause des rôles traditionnels de #genre, pour s’adresser à un électorat dans l’insécurité. Bolsonaro, très lié à l’armée et à l’Église, s’est appuyé sur je ne sais combien de prêcheurs pour mener sa campagne. Dimension religieuse que l’on retrouve chez Poutine, Modi, Erdogan.
La #religion est un des éléments fondamentaux d’un #pouvoir_patriarcal très sensible à ce qui peut remettre en question sa #légitimité_symbolique, sa #domination_idéologique, et dont la #puissance est de ne pas paraître comme une #idéologie justement. Cette bataille est menée partout. Il y a un même nerf.
Quand l’anthropologue Dorothée Dussy parle de l’inceste et de sa « fonction sociale » de reproduction de la domination patriarcale, son analyse est inaudible pour beaucoup. C’est ainsi que fonctionne l’#hégémonie : elle est sans pitié, sans tolérance pour ce qui peut en menacer les ressorts – et du même coup, en cartographier le pouvoir en indiquant que c’est là que se situent les boulons puisque, précisément, la puissance de l’hégémonie est dans l’invisibilité de ses boulons.
Si on prend le #droit_de_disposer_de_son_corps, en Occident, il s’articule autour de la question de la #santé_contraceptive et du #droit_à_l’avortement et dans les mondes musulmans, autour de la question du #voile. De façon troublante, une chose est commune aux deux situations : c’est le viol comme la vérité des rapports entre genres qui organise et justifie la #contrainte sur les femmes à travers leur #corps.
En Occident, le viol est le cas limite qui encadre juridiquement et oriente les discussions morales sur l’#avortement. Dans les sociétés musulmanes, la protection des femmes – et de leur famille, dont elles sont censées porter l’honneur – contre l’#agression_masculine est la justification principale pour l’obligation du voile. Il y a de part et d’autre, toujours, cet impensé du #désir_masculin_prédateur : un état de nature des rapports entre genres.
C’est ce qu’assènent tous les romans de Michel Houellebecq et la plupart des écrits du grand Léon Tolstoï… « L’homme est un loup pour l’homme, et surtout pour la femme », dit un personnage du film Dirty Dancing. Cette population définie par ces rapports et ces #pulsions, il s’agit de la gouverner à travers l’#ordre_patriarcal, dont la domination est posée dès lors comme protectrice.
L’Iran et l’#Afghanistan figurent parmi les pays les plus répressifs à l’encontre des femmes, les régimes au pouvoir y menant un « #apartheid_de_genre ». Concernant l’Afghanistan, l’ONU parle même de « #crime_contre_l’humanité fondé sur la #persécution_de_genre ». Êtes-vous d’accord avec cette qualification ?
Parler pour la persécution de genre en Afghanistan de « crime contre l’humanité » me semble une avancée nécessaire car elle mobilise les armes du #droit pour désigner les #violences_de_masse faites aux femmes et résister contre, collectivement et transnationalement.
Mais il me paraît tout aussi important de libérer la pensée autour de la #ségrégation_de_genre. À la frontière entre l’Iran et l’Afghanistan, au #Baloutchistan, après la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022, les femmes sont sorties dans la rue au cri de « Femme, vie, liberté », « Avec ou sans le voile, on va vers la révolution ». Dans cette région, leur place dans l’espace public n’est pas un acquis – alors qu’il l’est à Téhéran – et elles se trouvent au croisement de plusieurs dominations de genre : celle d’un patriarcat traditionnel, lui-même dominé par la puissance étatique centrale, iranienne, chiite.
Or, en participant au soulèvement révolutionnaire qui traversait le pays, elles ont également renégocié leur place à l’intérieur de ces #dominations_croisées, chantant en persan, avec une intelligence politique remarquable, le slogan des activistes chiliennes : « Le pervers, c’est toi, le salopard, c’est toi, la femme libérée, c’est moi. »
C’est en écoutant les femmes nommer, en situation, la #ségrégation qu’on saisit le fonctionnement complexe de ces #pouvoirs_féminicides : en saisissant cette complexité, on comprend que ce n’est pas seulement en changeant des lois qu’on les démantèlera. On se trouve ici aux antipodes des #normes_juridiques, lesquelles, au contraire, ressaisissent le réel dans leurs catégories génériques. Les deux mouvements sont nécessaires : l’observation en situation et le #combat_juridique. Ils doivent fonctionner ensemble.
▻https://www.mediapart.fr/journal/international/040124/chowra-makaremi-le-viol-devient-le-paradigme-de-la-loi-du-plus-fort-dans-l
L’asile climatique proposé par l’Australie aux habitants des Tuvalu suscite la controverse
▻https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/11/24/l-asile-climatique-propose-par-l-australie-aux-habitants-des-tuvalu-suscite-
L’asile climatique proposé par l’Australie aux habitants des Tuvalu suscite la controverse
Par Isabelle Dellerba(Sydney, correspondance)
Publié hier à 08h00, modifié hier à 17h06
Ce pacte aurait pu représenter un modèle de bon voisinage. Vendredi 10 novembre, l’Australie et l’Etat du Tuvalu, dans le Pacifique Sud, ont dévoilé les termes d’un accord historique qui prévoit que Canberra s’engage à offrir l’asile climatique aux 11 000 citoyens du petit archipel à fleur d’eau, menacé d’être englouti par les flots avant la fin du siècle. Mais le texte, qui doit encore être ratifié par les deux parties pour entrer en vigueur, suscite des controverses dans cette région du monde où la crise climatique représente une menace existentielle pour tous les Etats insulaires de faible altitude.
Son volet migratoire ne pose pas particulièrement question. L’accord prévoit que, chaque année, 280 citoyens tuvaluans se verront offrir un visa spécial qui leur permettra de « vivre, étudier et travailler » en Australie, mais aussi d’« accéder aux systèmes éducatifs, de santé et aux principaux dispositifs de soutien aux revenus et à la famille dès leur arrivée ». Le gouvernement travailliste dirigé par Anthony Albanese a ainsi répondu à la demande de l’Etat polynésien. « Nous voulons négocier des accords d’amitié avec des pays partageant nos valeurs, tels que les Fidji, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, pour que nos citoyens puissent y vivre sans renoncer à leur nationalité et y bénéficier des mêmes avantages socio-économiques que le reste de la population », expliquait récemment au Monde le ministre des finances et du changement climatique des Tuvalu, Seve Paeniu.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Kioa, une île refuge pour les habitants des Tuvalu menacés par la montée des eaux
Il s’agit du premier accord bilatéral conclu spécifiquement axé sur la mobilité climatique. Il a été salué par le chef du gouvernement de l’archipel, Kausea Natano, comme « une véritable lueur d’espoir » pour son pays, composé de récifs coralliens et d’atolls d’une hauteur moyenne de deux mètres au-dessus de la mer et déjà fréquemment inondés par des vagues-submersion. « Pour les Tuvaluans, ce pacte, c’est un peu comme un masque à oxygène dans un avion. Vous espérez qu’il ne tombe jamais, mais si vous en avez besoin, vous êtes très content qu’il soit là », abonde Jane McAdam, directrice du Centre Kaldor pour le droit international des réfugiés, qui évoque un texte « fondateur ».
Le problème réside dans l’autre volet de l’accord. Après l’article 3, consacré à « la mobilité humaine dans la dignité », l’article 4 porte sur les questions de sécurité. Si l’Australie s’y engage à venir en aide aux îles Tuvalu en cas d’agression militaire, de catastrophe naturelle ou encore de pandémie, elle obtient aussi son mot à dire sur « tout partenariat, accord ou engagement » que l’archipel voudrait conclure avec d’autres Etats ou entités sur les sujets de sécurité et de défense. « Ces questions comprennent, mais ne se limitent pas à, la défense, la police, la protection des frontières, la cybersécurité et les infrastructures critiques, y compris les ports, les télécommunications et les infrastructures énergétiques », énonce le texte.« En échange de ces 280 places par an, l’Australie a obtenu un pouvoir de veto sur nos priorités de sécurité. Elle a abusé de sa position de force, c’est injuste. Et notre population n’a même pas été consultée », déplore notamment Maina Talia, un militant pour le climat tuvaluan reconnu sur la scène régionale. Les pays occidentaux « traitent les nations insulaires comme des pions pour contrer l’influence de la Chine », a dénoncé le Global Times, un quotidien proche du pouvoir chinois, le 14 novembre.
Dans ce Pacifique Sud, où Pékin et Washington se livrent une lutte d’influence sans merci, Canberra a donné l’impression d’être davantage motivé par ses intérêts stratégiques que par une volonté sincère de soutenir son minuscule voisin rongé par l’océan. Cet accord est d’autant plus critiqué que l’Australie, troisième plus grand exportateur de combustibles fossiles au monde, n’a rien du bon élève en matière de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. « Le nouveau pacte signé par l’Australie avec Tuvalu n’est qu’une solution de fortune qui n’aborde en rien la crise climatique alimentée par les combustibles fossiles », a dénoncé Lagi Seru, membre du bureau régional de Greenpeace, dans un communiqué publié le 11 novembre. Les Etats insulaires demandent à l’Australie, qui souhaite organiser la COP31, de renoncer à accorder de nouvelles licences pour l’exploitation du charbon, du pétrole et du gaz.
Si ce pacte n’est pas perçu comme un modèle, il n’en demeure pas moins précieux pour le gouvernement des Tuvalu qui, face au risque de disparition, explore toutes les pistes possibles pour assurer l’avenir de sa population. Afin qu’elle puisse rester chez elle, il a élaboré un plan d’adaptation à long terme destiné à créer une terre, élevée et sûre, de 3,6 kilomètres carrés – l’Australie s’est engagée à l’aider sur ce projet. Le gouvernement des Tuvalu a également entrepris des démarches pour que l’ensemble de l’archipel soit reconnu comme un site du patrimoine mondial de l’Unesco et mieux protégé.
Etant parfaitement conscient que ces efforts pourraient s’avérer insuffisants, il prépare aussi un futur sans terres émergées. Offrir un refuge à ses habitants était l’une de ses priorités. D’autre part, il a engagé des actions, au niveau juridique, pour que son Etat conserve, quoi qu’il arrive, une existence légale et sa souveraineté sur l’ensemble du territoire, y compris maritime. Enfin, il planche sur la création d’un Etat déterritorialisé, dans le monde virtuel, pour sauvegarder ses archives comme son patrimoine culturel, mais aussi pour que ses ressortissants, même s’ils sont dispersés dans des pays tiers, puissent continuer à bénéficier de services étatiques et restent des citoyens tuvaluans à part entière.
#Covid-19#migrant#migration#australie#ilestuvalu#refugieclimatique#asileclimatique#etat#droit#souverainete
Fermes, coopératives... « En #Palestine, une nouvelle forme de #résistance »
Jardins communautaires, coopératives... En Cisjordanie et à Gaza, les Palestiniens ont développé une « #écologie_de_la_subsistance qui n’est pas séparée de la résistance », raconte l’historienne #Stéphanie_Latte_Abdallah.
Alors qu’une trêve vient de commencer au Proche-Orient entre Israël et le Hamas, la chercheuse Stéphanie Latte Abdallah souligne les enjeux écologiques qui se profilent derrière le #conflit_armé. Elle rappelle le lien entre #colonisation et #destruction de l’#environnement, et « la relation symbiotique » qu’entretiennent les Palestiniens avec leur #terre et les êtres qui la peuplent. Ils partagent un même destin, une même #lutte contre l’#effacement et la #disparition.
Stéphanie Latte Abdallah est historienne et anthropologue du politique, directrice de recherche au CNRS (CéSor-EHESS). Elle a récemment publié La toile carcérale, une histoire de l’enfermement en Palestine (Bayard, 2021).
Reporterre — Comment analysez-vous à la situation à #Gaza et en #Cisjordanie ?
Stéphanie Latte Abdallah — L’attaque du #Hamas et ses répercussions prolongent des dynamiques déjà à l’œuvre mais c’est une rupture historique dans le déchaînement de #violence que cela a provoqué. Depuis le 7 octobre, le processus d’#encerclement de la population palestinienne s’est intensifié. #Israël les prive de tout #moyens_de_subsistance, à court terme comme à moyen terme, avec une offensive massive sur leurs conditions matérielles d’existence. À Gaza, il n’y a plus d’accès à l’#eau, à l’#électricité ou à la #nourriture. Des boulangeries et des marchés sont bombardés. Les pêcheurs ne peuvent plus accéder à la mer. Les infrastructures agricoles, les lieux de stockage, les élevages de volailles sont méthodiquement démolis.
En Cisjordanie, les Palestiniens subissent — depuis quelques années déjà mais de manière accrue maintenant — une forme d’#assiègement. Des #cultures_vivrières sont détruites, des oliviers abattus, des terres volées. Les #raids de colons ont été multipliés par deux, de manière totalement décomplexée, pour pousser la population à partir, notamment la population bédouine qui vit dans des zones plus isolées. On assiste à un approfondissement du phénomène colonial. Certains parlent de nouvelle #Nakba [littéralement « catastrophe » en Arabe. Cette expression fait référence à l’exode forcé de la population palestinienne en 1948]. On compte plus d’1,7 million de #déplacés à Gaza. Où iront-ils demain ?
« Israël mène une #guerre_totale à une population civile »
Gaza a connu six guerres en dix-sept ans mais il y a quelque chose d’inédit aujourd’hui, par l’ampleur des #destructions, le nombre de #morts et l’#effet_de_sidération. À défaut d’arriver à véritablement éliminer le Hamas – ce qui est, selon moi, impossible — Israël mène une guerre totale à une population civile. Il pratique la politique de la #terre_brûlée, rase Gaza ville, pilonne des hôpitaux, humilie et terrorise tout un peuple. Cette stratégie a été théorisée dès 2006 par #Gadi_Eizenkot, aujourd’hui ministre et membre du cabinet de guerre, et baptisée « la #doctrine_Dahiya », en référence à la banlieue sud de Beyrouth. Cette doctrine ne fait pas de distinction entre #cibles_civiles et #cibles_militaires et ignore délibérément le #principe_de_proportionnalité_de_la_force. L’objectif est de détruire toutes les infrastructures, de créer un #choc_psychologique suffisamment fort, et de retourner la population contre le Hamas. Cette situation nous enferme dans un #cycle_de_violence.
Vos travaux les plus récents portent sur les initiatives écologiques palestiniennes. Face à la fureur des armes, on en entend évidemment peu parler. Vous expliquez pourtant qu’elles sont essentielles. Quelles sont-elles ?
La Palestine est un vivier d’#innovations politiques et écologiques, un lieu de #créativité_sociale. Ces dernières années, suite au constat d’échec des négociations liées aux accords d’Oslo [1] mais aussi de l’échec de la lutte armée, s’est dessinée une #troisième_voie.
Depuis le début des années 2000, la #société_civile a repris l’initiative. Dans de nombreux villages, des #marches et des #manifestations hebdomadaires sont organisées contre la prédation des colons ou pour l’#accès_aux_ressources. Plus récemment, s’est développée une #économie_alternative, dite de résistance, avec la création de #fermes, parfois communautaires, et un renouveau des #coopératives.
L’objectif est de reconstruire une autre société libérée du #néolibéralisme, de l’occupation et de la #dépendance à l’#aide_internationale. Des agronomes, des intellectuels, des agriculteurs, des agricultrices, des associations et des syndicats de gauche se sont retrouvés dans cette nouvelle forme de résistance en dehors de la politique institutionnelle. Une jeune génération a rejoint des pionniers. Plutôt qu’une solution nationale et étatique à la colonisation israélienne — un objectif trop abstrait sur lequel personne n’a aujourd’hui de prise — il s’agit de promouvoir des actions à l’échelle citoyenne et locale. L’idée est de retrouver de l’#autonomie et de parvenir à des formes de #souveraineté par le bas. Des terres ont été remises en culture, des #fermes_agroécologiques ont été installées — dont le nombre a explosé ces cinq dernières années — des #banques_de_semences locales créées, des modes d’#échange directs entre producteurs et consommateurs mis en place. On a parlé d’« #intifada_verte ».
Une « intifada verte » pour retrouver de l’autonomie
Tout est né d’une #prise_de_conscience. Les #territoires_palestiniens sont un marché captif pour l’#économie israélienne. Il y a très peu de #production. Entre 1975 et 2014, la part des secteurs de l’agriculture et de l’#industrie dans le PIB a diminué de moitié. 65 % des produits consommés en Cisjordanie viennent d’Israël, et plus encore à Gaza. Depuis les accords d’Oslo en 1995, la #production_agricole est passée de 13 % à 6 % du PIB.
Ces nouvelles actions s’inscrivent aussi dans l’histoire de la résistance : au cours de la première Intifada (1987-1993), le #boycott des taxes et des produits israéliens, les #grèves massives et la mise en place d’une économie alternative autogérée, notamment autour de l’agriculture, avaient été centraux. À l’époque, des #jardins_communautaires, appelés « les #jardins_de_la_victoire » avait été créés. Ce #soulèvement, d’abord conçu comme une #guerre_économique, entendait alors se réapproprier les #ressources captées par l’occupation totale de la Cisjordanie et de la #bande_de_Gaza.
Comment définiriez-vous l’#écologie palestinienne ?
C’est une écologie de la subsistance qui n’est pas séparée de la résistance, et même au-delà, une #écologie_existentielle. Le #retour_à_la_terre participe de la lutte. C’est le seul moyen de la conserver, et donc d’empêcher la disparition totale, de continuer à exister. En Cisjordanie, si les terres ne sont pas cultivées pendant 3 ou 10 ans selon les modes de propriété, elles peuvent tomber dans l’escarcelle de l’État d’Israël, en vertu d’une ancienne loi ottomane réactualisée par les autorités israéliennes en 1976. Donc, il y a une nécessité de maintenir et augmenter les cultures, de redevenir paysans, pour limiter l’expansion de la #colonisation. Il y a aussi une nécessité d’aller vers des modes de production plus écologiques pour des raisons autant climatiques que politiques. Les #engrais et les #produits_chimiques proviennent des #multinationales via Israël, ces produits sont coûteux et rendent les sols peu à peu stériles. Il faut donc inventer autre chose.
Les Palestiniens renouent avec une forme d’#agriculture_économe, ancrée dans des #savoir-faire_ancestraux, une agriculture locale et paysanne (#baladi) et #baaliya, c’est-à-dire basée sur la pluviométrie, tout en s’appuyant sur des savoirs nouveaux. Le manque d’#eau pousse à développer cette méthode sans #irrigation et avec des #semences anciennes résistantes. L’idée est de revenir à des formes d’#agriculture_vivrière.
La #révolution_verte productiviste avec ses #monocultures de tabac, de fraises et d’avocats destinée à l’export a fragilisé l’#économie_palestinienne. Elle n’est pas compatible avec l’occupation et le contrôle de toutes les frontières extérieures par les autorités israéliennes qui les ferment quand elles le souhaitent. Par ailleurs, en Cisjordanie, il existe environ 600 formes de check-points internes, eux aussi actionnés en fonction de la situation, qui permettent de créer ce que l’armée a nommé des « #cellules_territoriales ». Le #territoire est morcelé. Il faut donc apprendre à survivre dans des zones encerclées, être prêt à affronter des #blocus et développer l’#autosuffisance dans des espaces restreints. Il n’y a quasiment plus de profondeur de #paysage palestinien.
« Il faut apprendre à survivre dans des zones encerclées »
À Gaza, on voit poindre une #économie_circulaire, même si elle n’est pas nommée ainsi. C’est un mélange de #débrouille et d’#inventivité. Il faut, en effet, recycler les matériaux des immeubles détruits pour pouvoir faire de nouvelles constructions, parce qu’il y a très peu de matériaux qui peuvent entrer sur le territoire. Un entrepreneur a mis au point un moyen d’utiliser les ordures comme #matériaux. Les modes de construction anciens, en terre ou en sable, apparaissent aussi mieux adaptés au territoire et au climat. On utilise des modes de production agricole innovants, en #hydroponie ou bien à la #verticale, parce que la terre manque, et les sols sont pollués. De nouvelles pratiques énergétiques ont été mises en place, surtout à Gaza, où, outre les #générateurs qui remplacent le peu d’électricité fournie, des #panneaux_solaires ont été installés en nombre pour permettre de maintenir certaines activités, notamment celles des hôpitaux.
Est-ce qu’on peut parler d’#écocide en ce moment ?
Tout à fait. Nombre de Palestiniens emploient maintenant le terme, de même qu’ils mettent en avant la notion d’#inégalités_environnementales avec la captation des #ressources_naturelles par Israël (terre, ressources en eau…). Cela permet de comprendre dans leur ensemble les dégradations faites à l’#environnement, et leur sens politique. Cela permet aussi d’interpeller le mouvement écologiste israélien, peu concerné jusque-là, et de dénoncer le #greenwashing des autorités. À Gaza, des #pesticides sont épandus par avion sur les zones frontalières, des #oliveraies et des #orangeraies ont été arrachées. Partout, les #sols sont pollués par la toxicité de la guerre et la pluie de #bombes, dont certaines au #phosphore. En Cisjordanie, les autorités israéliennes et des acteurs privés externalisent certaines #nuisances_environnementales. À Hébron, une décharge de déchets électroniques a ainsi été créée. Les eaux usées ne sont pas également réparties. À Tulkarem, une usine chimique considérée trop toxique a été également déplacée de l’autre côté du Mur et pollue massivement les habitants, les terres et les fermes palestiniennes alentour.
« Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement »
Les habitants des territoires occupés, et leur environnement — les plantes, les arbres, le paysage et les espèces qui le composent — sont attaqués et visés de manière similaire. Ils sont placés dans une même #vulnérabilité. Pour certains, il apparaît clair que leur destin est commun, et qu’ils doivent donc d’une certaine manière résister ensemble. C’est ce que j’appelle des « #résistances_multispécifiques », en écho à la pensée de la [philosophe féministe étasunienne] #Donna_Haraway. [2] Il existe une relation intime entre les Palestiniens et leur environnement. Une même crainte pour l’existence. La même menace d’#effacement. C’est très palpable dans le discours de certaines personnes. Il y a une lutte commune pour la #survie, qui concerne autant les humains que le reste du vivant, une nécessité écologique encore plus aigüe. C’est pour cette raison que je parle d’#écologisme_existentiel en Palestine.
Aujourd’hui, ces initiatives écologistes ne sont-elles pas cependant menacées ? Cet élan écologiste ne risque-t-il pas d’être brisé par la guerre ?
Il est évidemment difficile d’exister dans une guerre totale mais on ne sait pas encore comment cela va finir. D’un côté, on assiste à un réarmement des esprits, les attaques de colons s’accélèrent et les populations palestiniennes en Cisjordanie réfléchissent à comment se défendre. De l’autre côté, ces initiatives restent une nécessité pour les Palestiniens. J’ai pu le constater lors de mon dernier voyage en juin, l’engouement est réel, la dynamique importante. Ce sont des #utopies qui tentent de vivre en pleine #dystopie.
▻https://reporterre.net/En-Palestine-l-ecologie-n-est-pas-separee-de-la-resistance
#agriculture #humiliation #pollution #recyclage #réusage #utopie
La toile carcérale. Une histoire de l’enfermement en Palestine
Dans les Territoires palestiniens, depuis l’occupation de 1967, le passage par la prison a marqué les vécus et l’histoire collective. Les arrestations et les incarcérations massives ont installé une toile carcérale, une détention suspendue. Environ 40 % des hommes palestiniens sont passés par les prisons israéliennes depuis 1967. Cet ouvrage remarquable permet de comprendre en quoi et comment le système pénal et pénitentiaire est un mode de contrôle fractal des Territoires palestiniens qui participe de la gestion des frontières. Il raconte l’envahissement carcéral mais aussi la manière dont la politique s’exerce entre Dedans et Dehors, ses effets sur les masculinités et les féminités, les intimités. Stéphanie Latte Abdallah a conduit une longue enquête ethnographique, elle a réalisé plus de 350 entretiens et a travaillé à partir d’archives et de documents institutionnels. Grâce à une narration sensible s’apparentant souvent au documentaire, le lecteur met ses pas dans ceux de l’auteure à la rencontre des protagonistes de cette histoire contemporaine méconnue.
▻https://livres.bayard-editions.com/livres/66002-la-toile-carcerale-une-histoire-de-lenfermement-en-pal
#livre
Où va la France industrielle ?
▻https://laviedesidees.fr/Elie-Cohen-Souverainete-industrielle
La réhabilitation de la notion de politique industrielle dans le débat public français et européen invite à se pencher sur son histoire et étudier comment les entreprises ont pu ou non mettre en œuvre les injonctions gouvernementales au cours des récentes décennies. À propos de : Élie Cohen, Souveraineté industrielle. Vers un nouveau modèle productif, Odile Jacob
#Économie #industrie #souveraineté
▻https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202310_bonin.docx
▻https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20231019_bonin.pdf
▻https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20231019_bonin.docx
« La souveraineté numérique est morte... Vive la résilience ! »
▻https://www.lepoint.fr/debats/la-souverainete-numerique-est-morte-vive-la-resilience-06-02-2023-2507586_2.
TRIBUNE. Face à la militarisation croissante de l’Internet, il est urgent d’investir dans la résilience de nos infrastructures numériques.
Par Tariq Krim*
Publié le 06/02/2023 à 14h00
L’Europe, qui a joué un rôle énorme dans le développement d’Internet, est toutefois menacée par la militarisation croissante du réseau. (Photo d’illustration) © YANN SCHREIBER / AFP
Temps de lecture : 7 min
Nous avions dix ans pour construire la souveraineté numérique de la France et la préparer au monde de demain, celui de la fragmentation et de la militarisation de l’Internet. Un monde où la déglobalisation compliquera l’accès aux composants technologiques nécessaires pour faire fonctionner le pays. Un monde où accepter la protection des États-Unis dans le domaine numérique nous obligerait, faute de véritable infrastructure indépendante, à ne faire que de mauvais choix économiques et politiques à l’image du deal « Données personnelles contre Gaz » initié l’année dernière par la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Il nous reste dix ans pour mettre en place la résilience numérique de l’Europe, colonne vertébrale de nos échanges commerciaux ainsi que de notre vie citoyenne et culturelle.
La souveraineté numérique est un combat légitime, mais déjà dépassé par la situation géopolitique actuelle. Après la création d’un réseau mondial, puis son accaparation par quelques acteurs, nous entrons dans le troisième acte de l’histoire de l’Internet, marqué par un risque de fragmentation et d’instabilité. L’Internet ouvert, qui aura été pendant trente ans une source extraordinaire de croissance économique, laisse place à un réseau balkanisé et militarisé auquel nous ne sommes pas préparés. Nous avions pourtant une décennie pour faire de l’Europe et de la France le phare de l’Internet où il fait bon vivre. Mais au lieu de soutenir cette « troisième voie numérique », nous n’avons fait que louer, au sens propre et figuré, les technologies issues de la Silicon Valley.
Linux, MP3, MySQL… des inventions européennes
Le logiciel aurait dû être notre première ligne de défense. Il y a cinquante ans, François Gernelle inventait le micro-ordinateur et dans les décennies qui suivirent, les grands groupes français et européens allaient dominer le monde des télécoms, des réseaux, du mobile et de l’électronique grand public. L’arrivée de l’Internet basée sur des réseaux et des logiciels ouverts a fait naître un nouvel environnement technologique. La Silicon Valley est la seule région du monde qui accepta de prendre le risque de commercialiser une nouvelle génération de produits basés sur ces technologies. En Europe, les dirigeants des grands groupes aidés des politiques allaient tout faire pour les saborder et tenter d’imposer des alternatives propriétaires. Le destin numérique de l’Europe est alors scellé.
C’est l’Europe qui invente le Web, mais ce sont les États-Unis qui commercialiseront Netscape, le premier navigateur Web. Il ouvre la voie à la plus grande création de valeur de l’histoire de l’humanité. Linux, le moteur du Cloud, a été créé en Finlande, mais ce sont Google, Amazon et Facebook, Microsoft et les plateformes chinoises qui en profiteront vraiment. Face aux informaticiens et développeurs de la Silicon Valley, nous n’avions chez nous, aux manettes, que des politiques, des juristes ou des communicants. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas su faire émerger la filière logicielle que nous méritions. La plupart des politiques continuent d’ignorer que Linux, MySQL, Python, IRC, le Mpeg et le MP3, ainsi que bien d’autres briques fondamentales du Web moderne, ont été inventées en Europe, voire en France. C’est une des raisons pour lesquelles les investissements européens ont longtemps ignoré les créateurs de technologie Web et préféré financer de grands groupes qui n’ont jamais rien délivré. Une doctrine qui est toujours d’actualité.
La politique de financement des start-up européennes continue directement ou indirectement à renforcer nos dépendances à la stack technique des Gafam. Un « loyer » exorbitant qu’il est difficile d’ignorer dans notre balance commerciale. Le débat que je tente d’initier depuis dix ans entre le financement d’une infrastructure d’émancipation, c’est-à-dire un ensemble de briques souveraines dans lesquelles nous pourrions puiser, et celui d’une « start-up nation » addicte aux grandes plateformes, prend une nouvelle importance avec la suite ininterrompue de crises qui nous frappent. La crise du Covid, de l’énergie, l’inflation et la remontée des taux ont montré l’extrême fragilité des start-up européennes à la conjoncture internationale. Selon le fonds d’investissement Atomico, c’est déjà plus de 400 milliards de dollars de valorisation qui auraient disparu en fumée en 2022.
L’Europe est plus que jamais vulnérable
L’invasion de l’Ukraine par la Russie et le risque d’embrasement du cyberespace européen met à nu notre sous-investissement chronique sur la sécurisation de nos infrastructures essentielles, notamment les câbles sous-marins. Si la France dispose de sa propre réponse militaire en cas de conflit conventionnel, sur le numérique elle pourrait, comme l’a fait l’Ukraine, être obligée de demander la protection des Gafam. L’argent déployé en urgence pour protéger nos hôpitaux et nos services attaqués quotidiennement ne suffira pas pour couvrir les immenses besoins en la matière. L’autre sujet dont on parle peu, c’est celui de la balkanisation du réseau, le fameux Splinternet. Invité par les organisateurs de la conférence DLD, qui réunit chaque année avant Davos les principaux acteurs du numérique, j’ai décidé dans ma présentation d’aborder la question des conséquences d’une telle fragmentation sur nos économies déjà fragiles.
Ma théorie est que si la Chine, la Russie et d’autres autocraties décident de construire leur propre réseau incompatible avec le nôtre, alors l’Europe n’aura pas d’autre choix que de se jeter dans les bras des États-Unis et de leur céder le contrôle opérationnel du principal moteur de notre croissance : un réseau Internet libre et ouvert. Le risque est à la fois économique et culturel. En laissant les algorithmes des réseaux sociaux diluer nos spécificités culturelles, nous courons également le risque de perdre le contrôle de nos propres narratifs.
Quel avenir pour les démocraties européennes dans des plateformes où la désinformation et la polarisation sont toujours, cinq ans après l’affaire Cambridge Analytica, un problème technique insoluble ? Quelle capacité de résister face à une forme de colonisation idéologique par les nouveaux modèles d’intelligence artificielle instanciée aux États-Unis ? Il suffit déjà de voir comment les gigantesques bases d’apprentissage des nouveaux services d’intelligence artificielle de type ChatGPT produisent à travers leurs réponses les modes de pensée et les éléments de langage anglo-saxons.
Quel plan B ?
Une chose est certaine. L’Internet que nous avons toujours connu n’existe plus. Si la Chine s’est isolée de l’Internet occidental il y a 26 ans, ce sont aujourd’hui 35 pays qui ont bloqué partiellement ou complètement l’accès au réseau. Pour les dix prochaines années, la première des choses est de s’assurer de la continuité des services numériques essentiels dans le cas où l’Internet mondial viendrait à se dégrader. Alors que la situation numérique de l’Ukraine les oblige à se connecter dans certaines régions à Starlink, le réseau satellitaire privé d’Elon Musk, nous avons cédé notre propre solution de connectivité satellitaire aux Indiens. En cas de crise majeure de la connectivité, quel est notre plan B ?
Les crises des démocraties européennes, renforcées par la polarisation des débats sur les réseaux sociaux, les conséquences du changement climatique sur la mondialisation et désormais une potentielle crise de l’Internet semblent jouer en notre défaveur. L’Europe pourrait être l’une des grandes perdantes de cette nouvelle reconfiguration du monde. Sauf si nous nous préparons.
Car ce défi est aussi une opportunité pour l’Europe si nous décidons de changer de cap et de prendre notre destin en main. Une grande partie des logiciels de la nouvelle évolution du réseau sont créés en Europe : le Edge computing, IA à faible besoin de calculs, conception de puces ouvertes et une nouvelle offre de logiciels libres capable de nous émanciper des Gafam. Il y a aussi des projets à long terme comme l’informatique quantique, mais la bataille du réseau se joue maintenant. Les munitions techniques sont à notre disposition. Saurons-nous les utiliser ?
Face au principe de réalité, la véritable bataille est idéologique. Les dirigeants européens et français n’ont ni vision ni volonté politique. La peur de l’inconnu les paralyse. Pendant que les États-Unis ouvraient l’Internet au monde en 1993, la priorité de l’Europe était le diesel propre. Trente ans plus tard, à la veille d’un risque de fermeture du réseau des réseaux, est-ce que les développeurs des technologies de résilience auront enfin l’oreille des politiques et le soutien financier qu’ils réclament ?
Où est-ce que les milliards d’euros des plans d’investissements européens et français continueront d’être déversés dans un futur qui n’existe plus ? Déplacer l’Europe du siège passager au siège conducteur, se traduit par la volonté de construire un monde numérique plus apaisé, moins consommateur en ressources énergétiques et plus respectueux de notre attention. C’est aussi une opportunité pour changer la direction « idéologique » du réseau. Car nous ne sommes pas les seuls « spectateurs » du combat dantesque que se livrent la Chine et les États-Unis pour la domination du réseau.
L’Inde, le Brésil, le Nigeria, l’Indonésie, la Malaisie et un ensemble de pays non alignés représentant près de deux milliards d’internautes seront attentifs à ce que nous saurons mettre en œuvre.
* Pionnier du Web français, entrepreneur en série (Netvibes et Jolicloud, notamment) et ancien vice-président du Conseil national du numérique, Tariq Krim a lancé Polite.one, une plateforme qui veut permettre aux utilisateurs de reprendre le contrôle de leur vie numérique.
Le numéro 63 de la revue #Nunatak (version italophone)
La revue est disponible en ligne:
►https://nunatak.noblogs.org/post/2022/03/13/nunatak-n-63-inverno-2022
Je mettrai ci-dessous des mots-clés et citations des articles...
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métaliste des numéros recensés sur seenthis:
►https://seenthis.net/messages/969908
#Punta_Corna e il nuovo estrattivismo verde europeo (de #Alberto_Valz_Gris)
#extractivisme #Italie #transition_énergétique #montagne #Valle_di_Viù #cobalt #Punta_Corna_Project #Alta_Zinc #Energia_Minerals #batteries #Alpes #Gorno #Val_Seriana #Berceto #Val_di_Toro #Libiola #Cesano #Italvolt #souveraineté_extractive #green-washing
Sun Tzu in Val Padana. Appunti per un’ecologia della guerriglia partigiana
Citation:
"Ogni comunità, ogni territorio, avrà la propria rivoluzione, non c’è un modello buono per ogni tempo e luogo. Anzi, la rivoluzione può intendersi proprio come la ricostruzione, la reinvenzione di un rapporto organico tra singoli e collettività, tra comunità e territori, la ricomposizione della loro separazione imposta dal dominio.
#métaliste sur l’#extraction de #terres_rares dans les #Alpes
#extractivisme #exploitation #montagne #mines #nickel #cobalt #graphite #lithium #or #cuivre #platine #matières_premières #green-washing #green_mining #extraction_verte #transition_énergétique #batteries #souveraineté_extractive
Piemonte, corsa alle nuove miniere: da #Usseglio al Pinerolese si cercano nichel, cobalto, grafite e litio
▻https://seenthis.net/messages/1012674
#Piémont #Italie #Punta_Corna #Val_Chisone #Energia_Minerals #Altamin #Strategic_Minerals_Italia #Vallone_del_Servin #Santa_Barbara #Valle_Anzasca #Verbano_Cusio_Ossola #Ceppo_Morelli #Val_d'Ossola #Ormea
Alla ricerca del cobalto sulle Alpi
►https://seenthis.net/messages/1013263
#Balme #Altamin #Barmes #Punta_Corna #Valli_di_Lanzo #peur #résistance #Berceto #Sestri_Levante #souveraineté_extractive #NIMBY #Usseglio #Ussel
#Matières_premières_critiques : garantir des #chaînes_d'approvisionnement sûres et durables pour l’avenir écologique et numérique de l’UE
►https://seenthis.net/messages/1013265
#UE #EU #Union_européenne #relocalisation #diversification #zéro_net #dépendance #alternative #risque #pénurie #ici_en_Europe #batteries #raffinage #transformation #recyclage #plan_industriel_du_pacte_vert #matières_premières_stratégiques #règlement #déclaration_de_Versailles #Critical_Raw_Materials #European_Critical_Raw_Materials_Act
#Punta_Corna e il nuovo estrattivismo verde europeo (de #Alberto_Valz_Gris)
In Italia si torna in miniera? Lo scottante tema del titanio nel #Parco_del_Beigua
Oltre il Colle, stop all’estrazione di zinco dalle miniere: “Lavorazione a #Zorzone non era prevista”
▻https://seenthis.net/messages/1013415
en lien avec le projet de #Gorno #Lombardie #Gorno_Project
Vidéo produite par #Energia_Minerals
Progetto Zinco Gorno
en résumé ici:
►https://seenthis.net/messages/1013439
Introduction to New Cobalt Project - Punta Corna, Northern Italy
Permessi in mano straniera : il vero #business è rivenderli
▻https://seenthis.net/messages/1032085
Avec aussi cette #carte_interactive:
Alla ricerca del cobalto sulle Alpi
È un elemento importante per la realizzazione delle batterie delle auto elettriche. Il cobalto viene estratto però soprattutto nella Repubblica Democratica del Congo, una realtà travolta dalla corruzione e instabile dal punto di vista militare e politico. Per “aggirare” la possibile penuria della fornitura di un componente essenziale dello sviluppo di una economia realizzata con fonti rinnovabili, le nazioni post-industriali e industrializzate cercano il Cobalto altrove, in territori guidati da governi più stabili e dove è più solida la certezza del diritto.
Vecchie miniere di cobalto dismesse perché poco remunerative tornano improvvisamente interessanti. Una di queste è situata tra Torino e il confine con la Francia, ancora in territorio piemontese.
Tra la necessità di tutelare l’ambiente e l’opportunità economica offerta, istituzioni e popolazione si interrogano sul presente e il futuro del territorio interessato dal possibile nuovo sviluppo minerario.
▻https://www.rsi.ch/rete-due/programmi/cultura/laser/Alla-ricerca-del-cobalto-sulle-Alpi-16169557.html?f=podcast-shows
#extractivisme #Alpes #cobalt #Piémont #Italie #terres_rares #Balme #Altamin #Barmes #Punta_Corna #Valli_di_Lanzo #mines #exploitation #peur #résistance #Berceto #Sestri_Levante #lithium #souveraineté_extractive #green-washing #green_mining #extraction_verte #transition_énergétique #NIMBY #Usseglio #Ussel
Le chercheur #Alberto_Valz_Gris (▻https://www.polito.it/en/staff?p=alberto.valzgris) parle de la stratégie de l’Union européenne pour les #matières_premières_critiques :
#Matières_premières_critiques : garantir des #chaînes_d'approvisionnement sûres et durables pour l’avenir écologique et numérique de l’UE
►https://seenthis.net/messages/1013265
–—
ajouté à la métaliste sur l’#extraction de #terres_rares dans les #Alpes :
►https://seenthis.net/messages/1013289
Caccia al cobalto sulle Alpi piemontesi
Viaggio in provincia di Torino dove una multinazionale ha nel mirino la creazione di una miniera destinata ad alimentare le nuove batterie per i veicoli elettrici.
Il boom delle auto elettriche trascina la ricerca mineraria in Europa. Noi siamo stati in Piemonte dove una società australiana spera di aprire una miniera di cobalto, uno dei metalli indispensabili per produrre le più moderne batterie. Il progetto è ancora in una fase preliminare. Non si vede nulla di concreto, per ora. Ma se siamo qui è perché quanto sta accadendo in questa terra alpina apre tutta una serie d’interrogativi su quella che – non senza contraddizioni – è stata definita “transizione ecologica”.
Balme, alta #Val_d’Ala, Piemonte. Attorno a noi i boschi sono colorati dall’autunno mentre, più in alto, le tonalità del grigio tratteggiano le cime che si estendono fino in Francia. Un luogo magico, non toccato dal turismo di massa, ma apprezzato dagli appassionati di montagna. Tutto potrebbe però cambiare. Nelle viscere di queste rocce si nasconde un tesoro che potrebbe scombussolare questa bellezza: il cobalto. La società australiana Altamin vuole procedere a delle esplorazioni minerarie sui due versanti della Punta Corna. Obiettivo: sondare il sottosuolo in vista di aprire una miniera da cui estrarre questa materia prima sempre più strategica. Il cobalto è infatti un minerale indispensabile per la fabbricazione delle batterie destinate alle auto elettriche o ad immagazzinare l’energia prodotta da fonti rinnovabili. Tecnologie dette verdi, ma che hanno un lato grigio: l’estrazione mineraria.
Oggi, circa il 70% del cobalto mondiale proviene dalla Repubblica democratica del Congo (Rdc), dove la corsa a questo metallo, guidata dalla Cina, alimenta la corruzione e genera grossi problemi sociali e ambientali. Di recente, un po’ in tutta Europa, si sta sempre più sondando il terreno in cerca di nuovi filoni che potrebbero ridurre la dipendenza dall’estero di questo ed altri minerali classificati dall’Ue come “critici”. Ecco quindi che queste valli piemontesi sono diventate terreno di caccia di imprese che hanno fiutato il nuovo business. Siamo così partiti anche noi in questa regione. Alla ricerca del cobalto e all’ascolto delle voci da un territorio che – suo malgrado – si trova oggi al centro della nuova corsa mondiale all’accaparramento delle risorse.
Balme dice no
«Siamo totalmente contrari. In primis perché non siamo stati coinvolti in nessun tipo di dialogo. Siamo poi convinti che l’estrazione di minerali non sia l’attività adatta per lo sviluppo del nostro territorio». #Gianni_Castagneri è il sindaco di Balme, 110 abitanti, uno dei comuni su cui pende una domanda di ricerca da parte di Altamin. Il primo cittadino ci accoglie nella piccola casa comunale adiacente alla chiesa. È un appassionato di cultura e storia locale e autore di diversi libri. Con dovizia di particolari, ci spiega che anticamente queste erano terre di miniera: «Un po’ tutti i paesi della zona sono sorti grazie allo sfruttamento del ferro. Già nel Settecento, però, veniva estratto del cobalto, il cui pigmento blu era utilizzato per la colorazione di tessuti e ceramiche».
Dopo quasi un secolo in cui l’attività mineraria è stata abbandonata, qualche anno fa è sbarcata Altamin che ha chiesto e ottenuto i permessi di esplorazione. Secondo le stime della società i giacimenti a ridosso della Punta Corna sarebbero comparabili a quello di Bou Azzer, in Marocco, uno dei più ricchi al mondo di cobalto. «Andando in porto l’intero progetto di Punta Corna si avrà una miniera europea senza precedenti» ha dichiarato un dirigente della società. Affermazione che, qui a Balme, ha suscitato molta preoccupazione.
Siamo in un piccolo comune alpino, la cui unica attività industriale è l’imbottigliamento d’acqua minerale e un birrificio. Al nostro incontro si aggiungono anche i consiglieri comunali Guido Rocci e Tessiore Umbro. Entrambi sono uomini di montagna, attivi nel turismo. Entrambi sono preoccupati: «Siamo colti alla sprovvista, cerchiamo “cobalto” su Internet ed escono solo cose negative, ma abbiamo come l’impressione che la nostra voce non conti proprio nulla».
Sul tavolo compare una delibera con cui il Comune ha dichiarato la propria contrarietà «a qualsiasi pratica di ricerca e coltivazione mineraria». Le amministrazioni degli ultimi anni hanno orientato lo sviluppo della valle soprattutto verso un turismo sostenibile, vietando ad esempio le attività di eliski: «Noi pensiamo ad un turismo lento – conclude il sindaco – la montagna che proponiamo è aspra, poco adatta allo sfruttamento sciistico in senso moderno. Questa nostra visione ha contribuito in positivo all’economia del villaggio e alla sua preservazione. Ci sembra anacronistico tornare al Medioevo con lo sfruttamento minerario delle nostre montagne».
Australiani alla conquista
«Lo sviluppo della mobilità elettrica ha spinto le richieste di permessi di ricerca in Piemonte» ci spiega al telefono un funzionario del settore Polizia mineraria, Cave e Miniere della regione Piemonte. Si tratta dell’ente che, a livello regionale, rilascia le prime autorizzazioni. L’uomo, che preferisce non essere citato, ci dice che per il momento è troppo presto per «creare allarmismi o entusiasmi», ma conferma che, in Piemonte, sono state richieste altre autorizzazioni: «Oltre a Punta Corna, si fanno ricerche in Valsesia e verso la Val d’Ossola» conclude il funzionario. Proprio in Valsesia un’altra società australiana, del gruppo Alligator Energy, ha comunicato di recente di avere iniziato i lavori per un nuovo sondaggio. La zona è definita dall’azienda «ad alto potenziale».
L’argomento principale delle società minerarie è uno: la necessità di creare una catena di valore delle batterie in Europa: «Punta Corna è centrale per la strategia di Altamin […] e beneficerà della spinta dell’Ue per garantire fonti pulite e locali di metalli nonché degli investimenti industriali europei negli impianti di produzione di veicoli elettrici e batterie» si legge in un recente documento destinato agli azionisti. Altamin ricorda come, in prospettiva, l’operazione genererebbe una sinergia produttiva col progetto Italvolt dell’imprenditore svedese Lars Calstrom. L’uomo vuole costruire una nuova grande fabbrica di batterie ad alta capacità presso gli ex stabilimenti Olivetti nella vicina Ivrea.
Altamin, così come altre società attive nel ramo, non è un gigante minerario. Si tratta di una giovane società capitalizzata alla borsa di Sidney che ha puntato sull’Italia per tentare il colpaccio. Ossia trovare un filone minerario potenzialmente sfruttabile e redditizio, considerato anche l’aumento dei prezzi delle materie prime, soprattutto dei metalli da batteria. Oltre al progetto piemontese, l’azienda è attiva in altre zone d’Italia: in Lombardia ha un progetto di estrazione di zinco, mentre ha presentato domande anche in Liguria, Emilia-Romagna e Lazio. Qui, nell’antica caldera vulcanica del Lago di Bracciano, Altamin e un’altra società australiana, #Vulcan_Energy_Resources, hanno ottenuto delle licenze per cercare del litio, un altro metallo strategico. «L’idea che si sta portando avanti è quella di rivedere vecchi siti minerari anche alla luce delle nuove tecnologie e della risalita del prezzo dei metalli» spiegano da Altamin. Il tutto in uno scenario internazionale, in particolar modo europeo, in cui si cerca di ridurre la dipendenza delle importazioni dall’estero. Questo a loro dire avrebbe molti vantaggi: «Estrarre cobalto qui ridurrebbe al minimo i problemi etici e logistici che si riscontrano attualmente con la maggior parte delle forniture provenienti dalla Rdc». Ma non tutti la pensano così.
Lo sguardo del geografo
A Torino, il Politecnico ha sede presso il Castello del Valentino, antica residenza sabauda situata sulla riva del Po. Qui incontriamo il geografo e assegnista di ricerca Alberto Valz Gris che di recente ha messo in luce diverse ombre del progetto Punta Corna e, in generale, dell’impatto della corsa ai minerali critici sulle comunità locali. Per la sua tesi di dottorato, Valz Gris ha studiato le conseguenze socio-ambientali causate dall’estrazione del litio nella regione di Atacama tra Argentina e Cile. Rientrato dal Sudamerica, lo studioso è venuto a conoscenza del progetto minerario a Punta Corna, a due passi da casa, nel “giardino dei torinesi”. Il ricercatore ha così deciso di mettere in evidenza alcune contraddizioni di questa tanto decantata transizione ecologica: «Il cobalto o il litio sono associati a una retorica di sostenibilità in quanto indispensabili alle batterie. In realtà, per come è stata organizzata, questa transizione ecologica, continua a implicare un’estrazione massiva di risorse naturali non rinnovabili e, quindi, il moltiplicarsi di siti estrattivi altamente inquinanti. Ciò non mi sembra molto ecologico».
In questo senso il ritorno dell’estrazione mineraria su grande scala in Europa non è proprio una buona notizia: «L’estrattivismo non ha mai portato sviluppo e la materialità di questa dinamica investirà in particolare le aree di montagna. Per cui ho forti dubbi sulle promesse su cui si fondano tutti i progetti come quello di Punta Corna, e cioè che accettare il danno ecologico e paesaggistico portato dall’estrazione mineraria si traduca in sviluppo sociale ed economico per chi abita quei territori». Per Alberto Valz Gris, però, opporsi alle miniere europee non significa giustificare l’appropriazione di risorse in altri posti del mondo: «Dobbiamo immaginare alternative tecniche ed economiche che siano realmente al servizio dell’emergenza climatica, per esempio investendo nel riciclo delle risorse già in circolo nel sistema industriale in modo da ridurre al minimo la pressione antropica sugli ecosistemi». Il problema ruota attorno al fatto che «estrarre nuove materie prime dalle viscere della Terra è ad oggi molto meno costoso che non impegnarsi effettivamente nel riciclare quelle già in circolo»; questo vantaggio economico che «impedisce lo sviluppo di una vera economia circolare» è falsato poiché «non vengono mai calcolati i costi sociali e ambientali legati all’estrazione delle materie prime».
Gli “sherpa” di Altamin
Usseglio, alta Valle di Viù, Piemonte. Siamo di nuovo in quota, questa volta sul versante Sud della Punta Corna. Anche qui il territorio vive perlopiù di turismo e può contare su una centrale idroelettrica che capta l’acqua dal bacino artificiale più alto d’Europa. Su queste montagne, oltre i 2.500 metri, Altamin ha ottenuto di recente la possibilità di estendere i carotaggi in profondità. I lavori dovrebbero iniziare la primavera prossima. Ciò che non sembra preoccupare il sindaco Pier Mario Grosso: «Pare che ci sia una vena molto interessante, ma per capire se si potrà sfruttarla occorrono altri sondaggi».
Il primo cittadino ci accoglie nel suo ufficio e ci mostra una cartina appesa alle pareti su cui si legge “miniere di cobalto”: «Erano le vecchie miniere poi abbandonate e su cui ora Altamin vuole fare delle ricerche perché il cobalto è il metallo del futuro». A Usseglio, l’approccio del comune è diverso rispetto a Balme. #Pier_Mario_Grosso è un imprenditore che vende tende e verande in piano. Per lui il progetto di Altamin potrebbe creare sviluppo in valle: «Questa attività porterà senz’altro benefici alla popolazione e aiuterà a combattere lo spopolamento. Sono quindi tendenzialmente favorevole al progetto, a patto che crei posti di lavoro e non sia dannoso per l’ambiente».
Salutiamo il sindaco e saliamo fino alla frazione di #Margone dove abbiamo appuntamento per visitare un piccolo museo dei minerali. Qui incontriamo #Domenico_Bertino e #Claudio_Balagna, due appassionati mineralogisti che gestiscono questa bella realtà museale. Nelle bacheche scopriamo alcune perle delle #Alpi_Graie, come gli epidoti e la #Lavoisierite, un minerale unico al mondo scovato nella zona. Appese ai muri ci sono delle splendide mappe minerarie dell’800 trovate negli archivi di Stato di Torino. E poi c’è lui, il cobalto. Finalmente lo abbiamo trovato: «È in questa pietra che si chiama #Skutterudite e il cobalto sono questi triangolini di colore metallico, anche se in molti pensano che sia blu» ci spiegano i due ricercatori. Eccolo qui, il minerale strategico tanto agognato che oggi vale circa 52.000 dollari la tonnellata.
Possiamo osservarlo nei minimi dettagli su un grande schermo collegato ad uno stereoscopio. Sul muro a lato un cartello sovrasta la nuova strumentazione: «Donazione da parte di Altamin». Tra il museo e la società vi è infatti un legame. Più volte, Domenico e Claudio hanno accompagnato in quota i geologi di Altamin a cercare gli ingressi delle vecchie miniere. Sherpa locali di una società che altrimenti non saprebbe muoversi tra gli alti valloni di queste montagne poco frequentate. Non c’è timore nell’ammetterlo e i due, uomini di roccia e legati nell’intimo a questo territorio, non sembrano allarmati: «Noi siamo una sorta di guardiani. Abbiamo ricevuto delle rassicurazioni e l’estrazione, se mai ci sarà, avverrà in galleria e sarà sottoposta a dei controlli. In passato abbiamo avuto le dighe che hanno portato lavoro, ma ora qui non c’è più nessuno e la miniera potrebbe essere una speranza di riportare vita in valle».
Usseglio fuori stagione è affascinante, ma desolatamente vuota. Le poche persone che abbiamo incontrato in giro erano a un funerale. Il terzo nelle ultime settimane, il che ha fatto scendere il numero di abitanti sotto i duecento. Ma siamo sicuri che una miniera risolverà tutti i problemi di questa realtà montana? E se l’estrattivismo industriale farà planare anche qui la “maledizione delle risorse”? Torniamo a casa pieni di interrogativi a cui non riusciamo ancora a dare risposta. Nel 2023, dopo lo scioglimento delle nevi (sempre se nevicherà) Altamin inizierà i carotaggi in quota. Scopriremo allora se l’operazione Punta Corna avrà un seguito o se franerà nell’oblio. La certezza è che in Piemonte, come del resto in Europa e nel mondo, la caccia grossa a questi nuovi metalli critici continuerà.
▻https://www.areaonline.ch/Caccia-al-cobalto-sulle-Alpi-piemontesi-2654a100
Un peuple européen qui n’existe nulle part PARDEM - Réseau social-laique
Les 22 et 23 avril dernier, le Réseau social laïque a organisé deux jours de débats à Montreuil.
Anne Cécile Robert, spécialiste de l’Union européenne et membre de l’Association pour une Constituante est intervenue sur le thème Union européenne et souveraineté populaire. Nous publions la vidéo de son intervention intitulée « Un peuple européen qui n’existe nulle part »...
▻https://www.youtube.com/watch?v=9P9eugHtLbM
#ue #union_européenne #europe #vassalité #bidon #néolibéralisme #sociaux_chrétiens #souveraineté
Source : ▻https://pardem.org/un-peuple-europeen-qui-nexiste-nulle-part
#Jacques_Nikonoff en remet une couche.
Qu’est ce qu’une société politique
Il n’y a absolument pas de crise de la démocratie ni de crise de représentation politique, mais une stratégie de la classe dominante.
La stratégie de l’union européenne est d’éliminer la démocratie.
Riprendiamoci il cibo !
Sovranità e democrazia alimentare: la ricerca di diversità dal seme alla tavola.
Il cibo è una scelta, non solo quando si va a far la spesa. Attraverso le nostre azioni di cittadini e le nostre scelte agro-alimentari, infatti, possiamo decidere insieme ai contadini che cosa e come seminare e coltivare e – alla fine della filiera – che cosa portare in tavola.
Questo libro spiega i concetti di sovranità alimentare e di democrazia alimentare raccontando le buone pratiche e le reti già esistenti in Italia e non solo: dalle CSA – le comunità di sostegno all’agricoltura che mettono in relazione diretta tra gli agricoltori e la comunità locale -, ai PGS – il Sistema di Garanzia Partecipata territoriale che certifica in modo collaborativo i prodotti e le pratiche agricole-. Fino alle FoodCoop – i supermercati collettivi – e ai Gruppi d’acquisto solidale.
Per ribadire che il cibo – from fark to fork, dalla terra alla tavola – è (anche) una questione politica, di giustizia sociale e alimentare.
Un libro essenziale per capire il rapporto tra agricoltura e cibo oggi e che si rivolge non solo a singoli lettori, ma alle organizzazioni della società civile e alle amministrazioni locali.
▻https://altreconomia.it/prodotto/riprendiamoci-il-cibo
#alimentation #souveraineté_alimentaire #démocratie_alimentaire #livre #justice_sociale #justice_alimentaire #agriculture
Mercure, pesticides, plastifiants : un cocktail toxique dépisté dans les cheveux des sénateurs
▻https://www.lemonde.fr/sciences/article/2023/06/27/mercure-pesticides-plastifiants-un-cocktail-toxique-depiste-dans-les-cheveux
La présence des terres rares, plus importante que celle rencontrée chez la population générale, peut être expliquée, selon le laboratoire, par l’utilisation importante et régulière des téléphones, ordinateurs portables et tablettes.
La #propriété_foncière, une fiction occidentale
Dans la région de la #Volta, la #propriété du #sol n’existe pas, la terre n’est pas l’objet de transactions marchandes mais de #partages. D’où vient alors que, dans nos sociétés, nous considérions comme parfaitement légitime ce droit à s’approprier une partie du territoire ?
#Danouta_Liberski-Bagnoud propose ici un ouvrage d’anthropologie qui entend produire une réflexion générale sur ce que l’on a pris l’habitude d’appeler en sciences sociales, que ce soit en géographie, en anthropologie générale ou en sociologie, « l’#habiter », notion qui renvoie à la façon dont les sociétés se rapportent à l’espace et y composent un monde. Cette notion permet d’éviter toute forme de caractérisation trop précise du rapport des êtres humains à leur lieu de vie.
On comprend assez vite que ce qui intéresse l’auteure est de mettre en question la centralité et l’universalité de l’#appropriation_privative et des fonctionnements de #marché qui se sont imposées au monde entier à partir des pays industrialisés façonnés par les pratiques commerçantes. Bien qu’elle s’appuie sur les données ethnologiques recueillies sur son terrain, la #région_de_la_Volta (fleuve qui traverse le Burkina-Faso, le Ghana, le Mali, le Bénin, la Côte d’Ivoire et le Togo), l’auteure propose une réflexion large sur la propriété foncière et, plus généralement, sur le rapport que les sociétés humaines entretiennent avec la terre.
L’essentiel de sa thèse consiste à contester à la fois les institutions internationales dans leur effort pour imposer la #propriétarisation des #terres au nom d’une conception occidentalo-centrée du #développement, et ceux qui parmi les anthropologues ont pu chercher des formes de propriété dans des communautés humaines où ce concept n’a, en réalité, aucune signification. Elle nous invite ainsi, par la comparaison des pratiques, à une réflexion sur nos tendances ethnocentriques et à penser d’autres types de rapport avec la terre que le rapport propriétaire.
L’ordre dévastateur du marché
L’auteure montre que les perspectives de #développement_économique par la propriétarisation et la #marchandisation du #foncier telles qu’elles ont pu être portées par les institutions internationales comme la #Banque_mondiale, loin d’aboutir aux perspectives d’amélioration souhaitées, ont conduit plutôt à une forme de « #deshabitation du monde » :
"Le forçage en terre africaine de la #propriété_privée (autrefois dans les pas de la colonisation, aujourd’hui dans ceux de l’#accaparement_des_terres, de l’#agro-business et de la #spéculation) emporte avec lui toute la violence du rapport déterritorialisé au sol qu’édicte le concept même de propriété privée." (p. 144)
On peut faire remonter les racines de l’idéologie qui justifie ces politiques à la période moderne en Europe avec #John_Locke qui développa une nouvelle conception de la propriété, les physiocrates qui firent de la terre la source de la richesse et enfin avec le développement de l’#économie_capitaliste qui achève de constituer la terre en une « simple marchandise » (p. 49).
Dans ce cadre, la thèse de l’anthropologue Alain Testart fait notamment l’objet d’une longue discussion. Celui-ci entendait montrer, contre la croyance défendue par Morgan, par exemple, dans l’existence d’un #communisme_originel, que la plupart des sociétés traditionnelles connaissaient des formes d’appropriation privative et d’aliénation des terres. L’auteure montre, au contraire, que le concept même de propriété est absent des terrains qui sont les siens et qu’interpréter l’habiter des populations de l’aire voltaïque sous le prisme de la propriété privée revient à trahir et à travestir la façon dont elles vivent et parlent de leur rapport à l’espace et à la terre. En réalité, « il ne fait aucun doute que le rapport au sol d’une communauté villageoise [de cette région] est fondé sur le #partage (et le don) de la terre et l’interdit de la vendre » (p. 189). Aussi, face au « forçage du concept moderne de propriété privée » (p. 111), qui est largement le fait d’une approche occidentalo-centrée, l’auteure propose de faire entendre la voix alternative des sociétés voltaïques.
Le conflit des fictions fondatrices
Plus généralement, l’auteure reproche à bien des anthropologues d’avoir tendance à projeter des représentations qui leur appartiennent sur les sociétés qu’ils étudient. Pensons aux notions d’animisme ou de perspectivisme qui sont appliquées aux sociétés non européennes, alors même que ces notions ne sont pas endogènes. Y compris les anthropologues qui discutent et relativisent les catégories occidentales comme l’opposition nature-culture continuent de leur accorder un rôle structurant, quand ils cherchent, dans les sociétés non européennes, la façon dont celles-ci se dessinent d’une tout autre manière.
Au contraire, une approche comparatiste qui englobe nos représentations « conduit au ras des mots et des gestes, dans le détail des pratiques rituelles et ordinaires […] permet le décentrement épistémologique à l’encontre de la métaphysique occidentale » (p. 94). Il s’agit de revenir aux modes d’habiter pour ce qu’ils sont en les comparant aux nôtres, mais sans jamais les confondre, afin de ne pas en biaiser l’analyse par l’usage de concepts qui leur seraient extérieurs et les feraient voir à partir de fictions fondatrices qui ne sont pas les leurs.
Dans ce cadre méthodologique, le droit de propriété privée foncière relève, selon l’auteure, des fictions juridiques fondatrices proprement occidentales qui ont été importées dans les pays africains avec la colonisation. Or ceux qui voient la terre comme quelque chose qui serait disponible à l’appropriation privative n’ont pas conscience « qu’il s’agit d’une fiction, bien étrange en réalité, car de toute évidence, un terrain n’est pas un objet qui circule, mais un espace indéménageable » (p. 153). Une telle fiction permet de faire comme s’il était possible de séparer un pan de territoire de l’ensemble auquel il appartient, et de le faire circuler par l’échange marchand. Or « la #fiction_économique de la terre marchandise, source de profits financiers, ainsi que la #fiction_juridique d’une terre comme bien privatisable qui est venue la renforcer et la relayer, font assurément figure d’étrangeté hors de la matrice symbolique qui les a engendrées » (p. 260).
L’existence des fictions juridiques fondatrices manifeste le fait que dans toutes les sociétés « la réalité succombe pour être reconstruite de façon légale » (p. 142). Ainsi « l’agir rituel façonne la réalité, il la (re)construit d’une façon légale, bref, il l’institue » (p. 142). Le monde du rite, comme le monde légal fait « comme si » la réalité était le décalque fidèle de la représentation que l’on s’en fait, alors qu’elle n’en est que l’ombre projetée. Or, comme Polanyi l’a déjà montré, la propriété privée de la terre est une fiction fondatrice des sociétés de marché, mais n’a rien d’universel. À l’inverse, les sociétés de l’aire voltaïque disposent de leurs propres fictions pour déterminer leur rapport à la terre ; or « rares sont les études sur le foncier qui ne recourent pas à des modèles, des théories et des concepts forgés dans l’histoire sédimentée des sociétés occidentales pour analyser les ‘pratiques’ du Sud, en les détachant des systèmes de pensée qui les pénètrent » (p. 210).
La souveraineté d’une terre inappropriable
Aussi l’auteure reproche-t-elle à beaucoup d’anthropologues qui ont travaillé sur les sociétés africaines d’avoir projeté des représentations fabriquées en occident sur les sociétés qu’ils étudiaient et aux institutions internationales d’imposer comme une vérité universelle ce qui n’est qu’une fabrication particulière.
Pour contrer ces tendances théoriques et politiques, l’auteure se concentre sur la figure des « #gardiens_de_la_Terre » qui sont des dignitaires dont le rôle est de délimiter et d’attribuer des terrains aux familles. Du fait du pouvoir qui est le leur, certains ont voulu décrire cette institution dans le cadre des fictions juridiques européo-centrées en les présentant comme des souverains modernes ou des propriétaires éminents à l’image des seigneurs médiévaux. Face à cela, Danouta Liberski-Bagnoud montre que ces « gardiens de la Terre » n’en sont ni les propriétaires ni les souverains, ils sont, en réalité, garants de son #inappropriabilité et, ce faisant, sont au service de sa #souveraineté propre :
"Dans les sociétés voltaïques […], les hommes n’exercent aucune souveraineté sur la Terre, mais ils sont les sujets de la souveraineté que la Terre exerce sur eux. La Terre n’appartient à personne d’autre qu’à elle-même, nul organe supérieur ne la commande, sa souveraineté ni ne se délègue ni ne se partage entièrement. Cette fiction que construisent les rites et les mythes fonde le régime de partage de la terre. Partage éphémère, non inscrit dans la durée d’un rapport de force, qui tient la durée d’une vie humaine, et répond ainsi à un principe d’#équité, car il empêche toute entreprise qui viserait à l’accumulation de portions de terre, au détriment du reste de la collectivité." (p. 321)
Cependant, il faut se garder de faire de la Terre une souveraine au sens occidental d’une personnalité juridique qui pourrait imposer sa volonté en dernière instance, parce que ce n’est pas une personne.
La Terre n’est ni une personne ni un bien (p. 285). Dans les sociétés voltaïques, la Terre est la source intarissable de la vie dans laquelle toute vie doit trouver sa place, et c’est en ce sens qu’elle exerce son pouvoir sur les hommes. La Terre apparaît comme l’instance qui anime le rapport aux espaces qu’elle contient : le village, la brousse, les lieux sacrés, la délimitation de nouveaux espaces voués à la culture sont autant de lieux qui ne peuvent exister qu’avec l’accord de la terre. Le rôle des « gardiens de la Terre » est alors d’assurer l’#harmonie entre l’ordre de la Terre et ceux qui veulent y trouver place. La Terre, dans ce cadre, ne saurait être un bien, elle « n’appartient qu’à elle-même » et son inappropriabilité apparaît comme « la condition d’un mode de l’habiter en commun » (p. 374-375).
Cette #représentation éloignée de la fiction juridique d’une terre envisagée comme un bien séparable du territoire auquel elle appartient dépend de « la fiction rituelle qui construit la terre comme si elle était la figure de l’autorité suprême, garante du noyau des interdits fondamentaux qui permettent aux sociétés de tenir ensemble » (p. 327-328). En ce sens, la Terre, conçue comme une instance, supporte, ordonne et fait vivre le corps commun de la société et doit être distinguée de la terre conçue comme un simple fonds ; la deuxième est incluse, dépend et ne peut être comprise sans la première. Cette distinction permet ainsi d’opérer un retour critique sur notre civilisation qui aurait ainsi oublié le souci de la Terre dans des fictions qui poussent au contraire à des processus qui favorisent la #déshabitation.
Le geste théorique comparatiste qu’opère Danouta Liberski-Bagnoud permet de prendre un peu de distance à l’égard de nos représentations en nous montrant qu’il peut exister des rapports à la terre sans propriété privée. Ces autres formes de l’habiter produisent d’autres manières de s’approprier la terre non captatrices et ouvertes sur le #commun. Ce faisant, le geste théorique opéré dans l’ouvrage permet de réfléchir, sous un angle anthropologique, à la notion de fiction juridique beaucoup travaillée en droit, en exhibant ce que nos institutions contiennent d’artifices à la fois factices et producteurs de réalité sociale. Il met ainsi en évidence ce que Castoriadis avait nommé l’institution imaginaire des sociétés. Sur ce plan l’ouvrage, dont bien des formulations sont très évocatrices, revêt toute sa pertinence. Il permet d’ouvrir les horizons d’un autre rapport possible à la Terre sans pour autant laisser croire que les sociétés voltaïques seraient plus authentiques ou plus proches de la nature. Elles entretiennent seulement un rapport autre à la nature qui n’a pas besoin du mythe de la #domination du monde et des choses et qui ne la réduit pas à un ensemble de ressources utiles à exploiter. Le grand intérêt de l’ouvrage réside dans l’usage spéculatif qui est fait de la comparaison étroitement menée entre le rapport occidental à une terre de plus en plus déshabitée avec les formes de l’habiter des peuples de la Volta. Il y a, certes, un risque d’idéalisation, mais, à l’issue de la lecture, on se dit qu’à l’aune des résultats spéculatifs qu’il permet d’obtenir, il mérite d’être couru.
►https://laviedesidees.fr/Liberski-Bagnoud-souverainete-terre
#livre
La Souveraineté de la Terre. Une leçon africaine sur l’habiter
Les sociétés industrielles ne peuvent plus aujourd’hui s’ériger en modèle de développement. Avant même de détruire, pour l’ensemble des peuples, les équilibres environnementaux, elles se sont engagées dans une forme de déshabitation du monde qui compromet le maintien des formes humanisées de la vie. Sur cette question fondamentale, les systèmes de pensée qui ont fleuri au Sud du Sahara nous apportent un éclairage indispensable – et des pistes de réflexion. Ils nous offrent une leçon précieuse sur une notion marginalisée dans le Droit occidental, mais centrale dans ces systèmes : l’inappropriable.
La Terre y est en effet placée hors de tout commerce. Envisagée comme une instance tierce, libre et souveraine, garante des interdits fondamentaux, elle n’appartient qu’à elle-même. Forgée au creuset du rite, cette conception organise toute la vie de la communauté et le partage du sol. Elle est par là même contraire à nos fictions juridiques et économiques qui permettent d’agir comme si la terre était une marchandise circulant entre propriétaires privés, et qui ont pour effet de nous déterritorialiser. Aussi, elle permet un autre mode d’habiter le monde. Cet ouvrage entend montrer quelques voies offertes par des sociétés africaines pour repenser le rapport à la Terre et redonner dès lors un futur aux générations à venir.
▻https://www.seuil.com/ouvrage/la-souverainete-de-la-terre-danouta-liberski-bagnoud/9782021515572
Réindustrialisation, relocalisations : des milliards pour le patronat
▻https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/06/14/reindustrialisation-relocalisations-des-milliards-pour-le-pa
Il n’est de jour sans que Macron ne mette en scène une nouvelle initiative pour réindustrialiser la France, relocaliser la production, afin de garantir la #souveraineté_économique.
#Batteries_électriques, médicaments, intelligence artificielle, puces électroniques, aéronautique, tous les secteurs y passent.
Après tant d’autres politiciens, Macron reprend l’idée que l’industrie est partie s’installer dans des pays à bas coût de main-d’œuvre, supprimant des emplois par millions. Et en effet, entre 1980 et 2010, selon l’Insee, plus de 2 millions d’emplois ont disparu dans l’industrie en France, et d’abord des emplois d’ouvriers. Les emplois créés l’ont été bien davantage dans les services, l’informatique, le commerce, l’aide à la personne que dans l’industrie.
Cette évolution résulte, d’une part, d’une augmentation de la productivité et de l’exploitation dans les usines, nombreuses, restées en France, mais où moins d’ouvriers peuvent produire plus d’automobiles ou de polymères. Elle résulte aussi, d’autre part, du choix des patrons des grands groupes de sous-traiter la production ou de délocaliser leurs usines en Europe de l’Est, en Asie ou ailleurs. Ainsi Serge Tchuruk, PDG d’Alcatel dans les années 2 000, s’était fait remarquer en proclamant qu’il fallait « des entreprises sans usines ». Durant ces années de relative désindustrialisation, les patrons ont trouvé le soutien de l’État pour adapter les lois, supprimer des droits de douane, déréglementer le commerce international et réduire le coût des transports.
Aujourd’hui, la #réindustrialisation et la relocalisation sont les nouveaux prétextes pour dérouler le tapis rouge aux entreprises : prendre en charge l’essentiel de leurs investissements, leur fournir une main-d’œuvre qualifiée, augmenter la flexibilité du travail, faciliter les licenciements économiques, supprimer leurs impôts… Ainsi Macron a-t-il promis 1,5 milliard d’aides directes de l’État au fabricant de batteries taïwanais Prologium pour qu’il s’installe dans le Nord. Le groupe #STMicroelectronics va toucher 2,9 milliards d’euros d’aides pour construire sa nouvelle usine de semi-conducteurs près de Grenoble.
Évidemment, les milliards sont versés au nom de la #création_d’emplois. Mais si tous ces emplois sont réellement créés, ce qui reste à vérifier, ils seront chèrement payés par les travailleurs. Ainsi, chacun des 1 000 emplois annoncés chez ST coûterait près de 3 millions d’euros d’argent public. Ces dizaines de milliards versés à des groupes richissimes, enrichissant leurs actionnaires privés, manqueront aux hôpitaux, aux écoles et à tant d’autres infrastructures utiles à la société. Ils viendront augmenter la dette publique, dont le remboursement se paie toujours par de nouveaux sacrifices pour les classes populaires.
La #relocalisation de l’industrie et l’objectif de la #souveraineté économique sont deux nouvelles mamelles destinées à nourrir la bourgeoisie. Les travailleurs n’ont certainement rien à attendre de cette réindustrialisation.