Captain pleura de joie le soir du 25 janvier 2015. Nous sommes sortis, direction le siège de SYRIZA applaudir le brillant Tsipras qui allait nous sortir des griffes des croque-morts, ces dignitaires de l’Union Européenne et du FMI. Après, nous sommes allés là où Tsipras fit son discours, place de l’Université. C’était la ferveur, et, en même temps, c’était comme quand vous venez de provoquer un monstre horrible. On n’en croyait pas nos yeux et on retenait nos souffles. On était des milliers. Je crois qu’il faisait froid. Je me souviens qu’on se souriait tous, que l’air était plus léger, trop léger. Ça nous montait au cerveau. On n’y croyait pas et on y croyait. Je fus folle de joie de croiser là par hasard Nikos, venu de Paris voter. Après, tous les jours avec Captain, trois heures de #télé, à suivre le #feuilleton de ce qui, après l’accord du 4 février, devint les « négociations avec les institutions »(...)
... un photographe-reporter, m’a prédit que l’Union Européenne ferait de la Grèce un « parking à #réfugiés. Un gros délire. Comme par hasard, depuis quelques semaines, on ré-entend des petites phrases lancées depuis Bruxelles ou Berlin, comme quoi, on n’est plus obligé de tout faire pour garder la Grèce dans l’Eurozone. Pendant ce temps-là, Schäuble à Davos vient de traiter #Tsipras d’imbécile devant lui, en se tenant les côtes de rire. L’autre a encore une fois souri poliment ou stupidement. Je me tais. Captain aussi. Hier on a regardé Tsipras fêter sa « victoire » du 25 janvier dernier devant quelques milliers de gens dubitatifs. Captain aime encore un peu Tsipras. Captain n’arrive pas à en croire ses yeux. L’autre jour, il se plante devant moi, tout sourire, légèrement illuminé. Il vient de faire un rêve éveillé, me dit-il, et, dans ce rêve, Tsipras avait un plan secret. Il allait sauver le pays ; on n’avait pas encore tout vu de Tsipras. Tsipras, le #sauveur. Le déni de réalité, le rêve, sont des réactions de survie dans des situations insupportables. Autant laisser Captain rêver. Captain, ces temps derniers, tantôt voit dans Tsipras un futur Papandréou (le père, sorte de Jaurès, à ne pas confondre avec le fils qui signa le premier mémorandum), tantôt un nul doublé d’un arriviste. Ça dépend des jours. Et souvent il dit que ça ne l’intéresse plus, qu’il est juste curieux de voir la fin de l’histoire. Le dénouement du thriller. A un moment ou à un autre, on finira bien par savoir qui est Tsipras. Héros, ordure en cheville avec les intérêts des banquiers ou un nul roulé dans la farine par Schäuble and co ? On arrêtera de se torturer pour essayer de comprendre comment ce fut possible, qu’après le cri du #OXI du 5 juillet 2015, Tsipras ait pu céder à ce point qu’en fait maintenant, presque plus rien n’est possible, tant la politique est totalement discréditée, ici. Captain croit qu’on saura un jour ce qui s’est passé. Je penche pour on ne saura jamais. Je penche pour un gros blanc, un diabolique coup de chiffon. On est dans le blanc. On ne réalise pas ce qu’on nous a fait. On s’est fait baiser, ni plus ni moins. Captain ne peut pas réaliser. Il n’a toujours pas atterri. Ce qu’il y a de certain, c’est que Tsipras s’est coupé du pays. Au début, Tsipras venait encore à Egine. A Egine, il n’a pas de maison mais il était invité par un ami de son père, je crois, un petit tailleur, où il passait ses vacances, adolescent. En fait Egine est devenue dans les années 2010 un repère de #SYRIZA. Plusieurs figures de SYRIZA, des députés, des-qui-allaient-devenir-ministres, avaient des maisons à Egine ou de la famille. Ils venaient discuter là. Tsipras venait encore après sa victoire dans des tavernes et Captain était fou de joie car on y vendait ses vins. Tsipras buvait son vin. On savait ça immédiatement. Tsipras passait et les Egrinètes se passaient l’info. Il y avait aussi Varoufakis et d’autres. Le premier gouvernement Tsipras comportait huit ministres propriétaires d’une maison à Egine. Le magazine du golfe saronique que j’ai conservé avait titré son numéro de février 2015 « LE GOUVERNEMENT D’EGINE… ». Les trois petits points du titre, c’est parce qu’Egine fut pendant la révolution grecque des années 1820-1830 le siège du premier gouvernement indépendant de la Grèce indépendante. Egine, symbole historique dans l’indépendance de la Grèce. L’été, les ministres étaient vus aux terrasses des cafés. Puis, on ne les a plus vus. Mystère et boule de gomme. On n’y comprend rien. »