• #Stéphanie_Roza, Comment l’utopie est devenue un programme politique. Du roman à la Révolution

    1Certains livres sont stimulants pour ce qu’ils présentent d’inédit. L’ouvrage de Stéphanie Roza est assurément un de ceux-là, en nous invitant à nous immerger dans un moment crucial de l’évolution de l’utopie dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, qui la voit quitter sa forme classique littéraire (le roman) pour devenir un projet ou un « programme politique » (p. 21) – en d’autres termes, une utopie pratique visant à être réalisée. Pour saisir cette mutation cruciale, que l’on juge classiquement, mais à tort, n’advenir qu’au XIXe siècle avec le socialisme utopique (celui d’un Saint-Simon ou d’un Fourier par exemple), S. Roza fait le choix d’une filiation de pensée, dont le cœur est la perfection d’une « communauté des biens » (p. 11), entre Étienne-Gabriel Morelly, Gabriel Bonnot de Mably et François-Noël (dit Gracchus) Babeuf. S. Roza ne construit pas cette filiation, Mably faisant lui-même référence au Code de la nature (même s’il l’attribue à Diderot), Babeuf à ses deux prédécesseurs. Elle ne l’accentue pas non plus, précisant bien qu’il ne s’agit pas d’une école de pensée, qui ferait de l’un le disciple de l’autre, mais plutôt de « variations sur le même thème fondamental » (p. 365), ou de « trois versions successives de l’utopie de la communauté des biens » (p. 365). S. Roza construit ses analyses avec comme arrière-fond la tradition utopique pour à chaque fois souligner la singularité des trois auteurs. Le livre va pour ainsi dire crescendo, puisque s’il respecte l’ordre de la filiation, on assiste à une « politisation progressive de l’utopie » (p. 357) de Morelly à Babeuf, lesquels représentent « un courant des Lumières radicales » (p. 19) par la question du commun. Nous allons nous concentrer, ici, sur les mutations qui donnent à l’utopie une dimension plus pratique dans chacun des trois auteurs convoqués.

    https://journals.openedition.org/asterion/3088?lang=en
    #utopie #Roza