Cholestérol : une nouvelle voix s’élève contre les traitements actuels
Anne Crignon
Par Anne Crignon
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Publié le 09-03-2014 à 19h40
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Une sommité médicale britannique met en garde contre la prescription des statines, une famille de médicaments qui font baisser le cholésterol.
C’est comme si en France le numéro 2 de l’Ordre des Médecins prenait la parole dans le débat en cours sur l’utilité des statines. Le docteur Kailash Chand, vice-président de la British Medical Association qui regroupe médecins et étudiants aux Royaume-Uni, et dont dépend le très sérieux British Journal of Medecine, a publié un article d’une étonnante liberté de ton sur son blog le 18 février. Il critique avec virulence les nouvelles recommandations du NICE, l’Institut britannique de veille sanitaire, qui vient d’abaisser considérablement le seuil de risque à partir duquel il recommande de prescrire des statines, et pour un minimum de cinq ans.
Le docteur Kailash Chand explique que ces médicaments administrés contre les arrêts cardiaques et accidents vasculaires cérébraux (AVC) n’ont pas de vertu préventive démontrée. Selon lui, les études avancées par les firmes pharmaceutiques ne sont pas fiables et pour le moins lacunaires, les effets secondaires - parfois très invalidants - étant soit minorés soit passés sous silence. Pour mémoire, il s’agit de douleurs musculaires et articulaires, manque de tonus, perte d’intérêt et de vivacité d’esprit, désordres de la mémoire et de l’agilité intellectuelle, extinction du désir sexuel, troubles de l’érection pénienne et clitoridienne, et même diabète (études en cours) (1).
Toxicité des statines
Le docteur rejoint sur ce point le professeur Philippe Even, biochimiste de formation, qui ne disait pas autre chose lors de la parution de son livre en février 2013 (2) où il faisait la démonstration que le cholestérol est la plus noble et indispensable de nos molécules, nécessaire au bon fonctionnement du corps et de l’esprit, assurant la robustesse des membranes de nos milliers de milliards de cellules. Un savoir que n’ont pas les prescripteurs, expliquait-il, cardiologues ou généralistes, sans formation en biochimie. Le docteur Chand observe aussi que ceux qui prennent une statine chaque jour à titre préventif se croient protégés et que ce sentiment de sécurité enduit un relâchement du mode de vie - selon l’OMS, 80% des infarctus sont imputables au tabac, au manque d’exercice et au déséquilibre alimentaire. Pour lui, marcher dix minutes de plus par jour serait autrement plus efficace qu’un cachet quotidien inutile, susceptible qui plus est, de vous faire sentir vieux et rouillé bien avant l’heure.
Sollicité par le « Sunday Express », Kailash Chand a en effet expliqué dans un entretien repris en France par la nutrtion.fr comment il a découvert il y a cinq ans à ses dépens la toxicité des statines. Il avait 60 ans. « Après plusieurs semaines de traitement, j’ai commencé à ressentir des douleurs musculaires épouvantables, dans tout le corps qui me réveillaient même la nuit. J’ai mis cela sur le compte du stress. » Il a mené ses recherches et arrêté de lui-même son traitement. « Les choses ont commencé à rentrer dans l’ordre dans les deux ou trois semaines qui ont suivi. »
Le cholestérol bon pour l’organisme ?
S’il dénonce le fait que soient mis sous statines des gens en bonne santé, le docteur est convaincu que le traitement est bénéfique en prévention secondaire « Il ne fait aucun doute, écrit-il, que les statines jouent un rôle important pour le soin des patients ayant déjà été victimes d’un arrêt cardiaque au un accident vasculaire cérébral. » Les « cholestérosceptiques », c‘est à dire les chercheurs qui, du Japon à la Norvège, ont révélé la fragilité des études d’origine menées à partir des années 50 et sur lesquelles repose le combat contre le cholestérol (l’étude de Framingham et l’enquête des 7 pays) sont divisés sur cette question.
Pour les uns, comme le Pr Even ou Michel de Lorgeril, du CNRS de Grenoble, le premier chercheur français à avoir mis en cause l’histoire du diabolique-cholestérol-boucheur-d’artères et être parti en guerre contre « le cholestérol delirium » (3), les statines sont tout aussi inutiles en prévention secondaire et pour cause : le cholestérol ne fait pas de tort à l’organisme, bien au contraire. Pour ceux-là, le traitement ne devrait être prescrit que dans les cas peu répandus d’hypercholestérolémies familiales. Une maladie rare en somme : 100.000 en France quand 5 millions d’hommes et de femmes sont sous statines, et 6 à 7 millions au Royaume Uni.
Effets secondaires non voulus
Quelques chercheurs avancent donc l’hypothèse que l’action bénéfique des statines sur l’athérosclérose après la survenue d’un infarctus ou d’un AVC serait due à « leur effet pléïotrope ». En clair : on sait que tout médicament a des effets autres que celui pour lequel il est prescrit, la statine serait donc efficace, non parce qu’elle abaisse le taux de cholestérol… mais par une autre de ses vertus. La plupart des praticiens hostiles à la prescription d’anticholestérolémiants aux bien-portants restent comme le docteur Cand favorables à son utilisation après un accident grave. Quoi qu’il en soit, c’est bien la première fois qu’une sommité britannique prend la parole sur cette question d’intérêt général.
(1) Voir « Le Nouvel Observateur » numéro 2519 du 14 au 20 février 2013.
(2) « La vérité sur le cholestérol », au Cherche Midi éditeur
(3) « Cholestérol, mensonge et propagande », Thierry Souccar Editions