• Les pratiques zélées du Conseil d’Etat vis-à-vis des juifs sous le régime de Vichy

    Le Conseil d’Etat et « le statut des juifs » 1|3
    En octobre 1940, les juifs ont été exclus de toute la fonction publique, le Conseil d’Etat ayant alors à se prononcer sur des demandes de dérogation. L’institution a été plus impitoyable que le Commissariat général aux questions juives. Il a fallu attendre 1990 pour que la haute juridiction admette qu’elle s’était « sali les mains » sous Vichy.

    La ligne était fort claire, et avait été fixée une fois pour toutes, en 1947, par l’éminent président Bouffandeau : le Conseil d’Etat s’était admirablement conduit pendant la guerre ; il avait été un précieux rempart pour assurer « la continuité et la sauvegarde des principes du droit public français ».

    Tony Bouffandeau, membre de la prestigieuse section du contentieux dont il a pris la présidence quelques années plus tard, avait alors la bénédiction de René Cassin, vice-président du Conseil d’Etat depuis 1944. René Cassin était insoupçonnable : juif, chassé puis condamné à mort par Vichy, le futur Prix Nobel de la paix avait été l’un des premiers à rejoindre le général de Gaulle à Londres.

    C’est d’ailleurs René Cassin qui a prononcé le 23 décembre 1944 un vibrant hommage à Alfred Porché, son prédécesseur au Conseil d’Etat sous l’Occupation – discrètement mis à la retraite, pour éviter le scandale –, en qui il voyait un homme « n’ayant pas hésité à annuler, en pleine occupation allemande, de nombreuses décisions prises à Vichy en violation des principes fondamentaux de notre droit public ». C’est ainsi que s’est gravée dans le marbre « la doctrine Bouffandeau », la haute juridiction administrative avait été la vigilante gardienne des principes républicains – il fallait en effet sauver des ombres de Vichy le Conseil d’Etat, dont l’existence même était vivement contestée.

    La légende dorée a toujours cours en 1974, dans l’imposante somme dirigée par le conseiller Louis Fougère pour le 175e anniversaire du Conseil d’Etat : il y consacre un gros chapitre à la guerre, mais reste évasif sur le rôle de l’institution envers ses juifs. Et en 1988, l’ancien résistant et vice-président du Conseil d’Etat Bernard Chenot, en tenait toujours pour cette aimable version dans un discours devant l’Académie des sciences morales et politiques.

    C’est un autre conseiller qui a mis au jour une vérité un peu plus cruelle. L’Institut d’histoire du temps présent a demandé en 1989, pour le colloque « Vichy et les Français », à Jean Massot, président de la section des finances du Conseil et féru d’histoire, une contribution sur le rôle à l’époque de son éminente institution.

    Un an plus tard, le conseiller a conclu, à la grande stupeur de ses collègues, que le Conseil, sous Vichy, s’était bel et bien « sali les mains ». « J’ai demandé à mon vice-président, Marceau Long, s’il souhaitait qu’on reprenne le refrain de la doctrine Bouffandeau, explique aujourd’hui le vieux monsieur de 88 ans. Il m’a répondu : “Je crois qu’il faut quand même maintenant mettre les choses sur la table.” »

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/06/les-pratiques-zelees-du-conseil-d-etat-vis-a-vis-des-juifs-sous-le-regime-de

    j’ai trouvé cet article, publié ici sans les photos d’archives de la publication initiale...

    https://justpaste.it/4ba4o

    #Histoire #Régime_de_Vichy #État_français #Conseil_d’Etat #statut_des_juifs #juifs #France

  • Vichy, Pétain et les juifs : l’historien Robert O. Paxton répond aux polémiques, dans un rare entretien au « Monde »
    https://www.lemonde.fr/societe/video/2021/12/02/vichy-et-les-juifs-l-historien-robert-o-paxton-repond-a-eric-zemmour-dans-un

    VIDÉO Eric #Zemmour [qui se dit gaulliste, ndc] répète depuis 2014 que le régime de Vichy aurait « protégé les #juifs_français et donné les #juifs_étrangers » [#préférence_nationale que c’est l’adn de la France, ndc]. Cible du polémiste, l’historien américain Robert O. Paxton répond, dans une interview vidéo accordée au « Monde » depuis New York. Par Karim El Hadj, Charles-Henry Groult, Elisa Bellanger et Isabel Bonnet, 02 décembre 2021

    Depuis plusieurs années, Eric Zemmour répète dans ses livres et sur les plateaux de télévision son point de vue sur le rôle du #régime_de_Vichy dans le génocide des juifs. Dans son essai Le Suicide français, il dénonçait la « thèse » d’une « malfaisance absolue du régime de Vichy » (page 88) [qui a aussi organisé des camps de vacances, et crée la police nationale]. « Vichy a protégé les juifs français et donné les juifs étrangers », insistait-il sur #Europe_1 le 26 septembre 2021, niant toutefois vouloir « réhabiliter #Pétain »-.

    Qu’en disent les historiens de la seconde guerre mondiale ? Le plus célèbre d’entre eux, l’Américain Robert O. Paxton, a publié en 1973 _La France de Vichy, dont les conclusions ont profondément renouvelé le regard sur la responsabilité de ce régime dans les #persécutions et les #déportations de juifs, français et étrangers. Un travail construit grâce à des #archives françaises et allemandes alors inédites, affiné depuis et complété par d’autres historiens.
    Régulièrement ciblé par Eric Zemmour comme chantre d’une « doxa » anti-Vichy, Robert O. Paxton ne donne plus que de rares interviews. Il a accepté de répondre aux questions du Monde, depuis New York.
    Quelques livres pour en savoir plus :
    La France à l’heure allemande (1940-1944), de Philippe Burrin (Seuil)
    La survie des Juifs en France 1940-1944, de Jacques Semelin et Serge Klarsfeld (CNRS Editions)
    L’Etat contre les juifs, de Laurent Joly (Grasset)

    #Robert_Paxton #lois_d'aryanisation #statut_des_juifs #déchéance_de_nationalité #rafles #étoile_jaune #antisémitisme #histoire