• Histoire globale des Socialismes

    Conférence et débat avec Stéphanie Roza et Jean-Numa Ducange

    Où et comment sont nés les divers projets socialistes au XIXe siècle ? Quelles destinées ont-ils connu dans les pays qui en ont fait l’expérience au cours des deux derniers siècles ? Et que signifie le terme « socialisme » en ce début du XXIe siècle ? Le socialisme a-t-il un avenir et si c’est le cas, sous quelles formes ? Si la question sociale et l’analyse des sociétés en termes de classes en lutte pour l’appropriation des ressources sont des caractéristiques qui définissent le socialisme partout et toujours, ses frontières ont toujours été diverses et évolutives. De la social-démocratie à l’extrême gauche, des plus gestionnaires aux plus contestataires, tous les courants qui le composent sont présents dans cet ouvrage. Sous des formes nouvelles, le socialisme continue, malgré la profonde crise traversée ces dernières années, à alimenter des réflexions théoriques et à nourrir des projets politiques concrets. Aujourd’hui, confronté à des défis nouveaux, comme il l’a été tout au long de son histoire, il doit renouer avec une critique combattive, à la fois économique, politique et sociale, de l’ordre existant. C’est à quoi cet ouvrage résolument interdisciplinaire espère œuvrer.

    http://www.librairie-tropiques.fr/2021/10/histoire-globale-des-socialismes.html

    #Histoire, #communisme, #socialisme, #StéphanieRoza, #Jean-NumaDucange

  • Activision Blizzard workers reject CEO Bobby Kotick’s response to their demands | PC Gamer
    https://www.pcgamer.com/activision-blizzard-workers-reject-ceo-bobby-koticks-response-to-their-dema

    A group of Activision Blizzard employees calling itself the ABK Workers Alliance has rejected the company’s decision to employ the law firm WilmerHale to conduct a review of the company’s policies and procedures. In a letter shared with IGN, the group told CEO Bobby Kotick that his delayed response to employees following a lawsuit alleging widespread sexual harassment and discrimination at the company “did not meaningfully address” employee demands, and that WinterHale’s pre-existing relationship with Activision creates a conflict of interest that means it cannot conduct an impartial review.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #activision_blizzard #abk_workers_alliance #scandale #harcèlement #environnement_toxique #emploi #procès #justice #ressources_humaines #bobby_kotick #winterhale #syndicalisme #frat_boy_culture #bro_culture #frances_townsend #stephanie_avakian #j._allen_brack #mike_morhaime #jeu_vidéo_overwatch #jeu_vidéo_championnat_overwatch_league #jeu_vidéo_call_of_duty #jeu_vidéo_championnat #jeu_vidéo_championnat_call_of_duty_league #esport #jeu_vidéo_world_of_warcraft #jeu_vidéo_wow

  • Activision Blizzard | A Letter From CEO Bobby Kotick to All Employees
    https://investor.activision.com/news-releases/news-release-details/letter-ceo-bobby-kotick-all-employees

    Activision Blizzard, Inc. (Nasdaq: ATVI) CEO Bobby Kotick today sent the following letter to all employees.

    Réaction de Bobby Kotick, P-DG d’Activision Blizzard, aux mouvements sociaux au sein de l’entreprise, suite au procès à l’encontre de l’entreprise de la part de salariés discriminés ayant déclenché une réaction initiale d’incrédulité et de discrédit de l’entreprise, jugée scandaleuse par les salariés, écrivant une lettre ouverte à la direction et organisant une grève ce mercredi 28 juillet 2021.

    #jeu_vidéo #jeux_vidéo #activision_blizzard #business #emploi #ressources_humaines #réaction #courrier #pdg #bobby_kotick #wilmerhale #enquête #direction #décisons #sécurité_au_travail #stephanie_avakian #procès #justice

  • Stéphane Bortzmeyer, interview - Video blueline peertube
    https://video.blueline.mg/videos/watch/5989ce72-671f-4662-b902-de1eb764ed3e
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    Stéphane Bortzmeyer, ingénieur R&D à l’Association française pour le nommage Internet en coopération (Afnic), animera une conférence qui aura pour thème « Internet et Confinement » le mercredi 28 juillet lors d’Entrée Libre #2 organisé du 28 au 31 juillet 2021 par et au Centre des Abeilles, 4 jours de conférences et d’ateliers pour ne plus se sentir démuni·e avec le numérique
    https://entreelibre.frama.site

    #Stéphane_Bortzmeyer

  • Cyberstructure - de Stéphane Bortzmeyer | Recension L’espace-poulpe
    http://grishka.fr/poulpe/cyberstructure

    Ce qui m’a réellement fait passer à la caisse, c’est cette note d’intention : l’ouvrage promet de dépasser le simple cadre technique pour analyser le fonctionnement du réseau des réseaux d’un point de vue politique.

    Et c’est une franche réussite : sans jamais perdre le lecteur, l’auteur explore de nombreuses notions en démontrant que le moindre choix, même une décision technique anodine, revêt un poids politique et implique un impact concret sur nos vies.

    Le texte est une fois de plus didactique et il n’est pas nécessaire d’avoir un bagage geek particulier pour l’apprécier, bien que cela puisse aider à apprécier les sections les plus techniques. Une fois la lecture terminée, je me surprends à questionner autrement, plus régulièrement, certaines choses dans le domaine des technologies et d’Internet en particulier. Et c’est une bonne chose !

    #Cyberstructure #Stéphane_Bortzmeyer

  • « Pour un retour de l’#honneur de nos gouvernants » : 20 #généraux appellent Macron à défendre le #patriotisme

    (attention : toxique)

    À l’initiative de #Jean-Pierre_Fabre-Bernadac, officier de carrière et responsable du site Place Armes, une vingtaine de généraux, une centaine de hauts-gradés et plus d’un millier d’autres militaires ont signé un appel pour un retour de l’honneur et du #devoir au sein de la classe politique. Valeurs actuelles diffuse avec leur autorisation la lettre empreinte de conviction et d’engagement de ces hommes attachés à leur pays.

    Monsieur le Président,
    Mesdames, Messieurs du gouvernement,
    Mesdames, Messieurs les parlementaires,

    L’heure est grave, la #France est en #péril, plusieurs #dangers_mortels la menacent. Nous qui, même à la retraite, restons des soldats de France, ne pouvons, dans les circonstances actuelles, demeurer indifférents au sort de notre beau pays.

    Nos #drapeaux tricolores ne sont pas simplement un morceau d’étoffe, ils symbolisent la #tradition, à travers les âges, de ceux qui, quelles que soient leurs couleurs de peau ou leurs confessions, ont servi la France et ont donné leur vie pour elle. Sur ces drapeaux, nous trouvons en lettres d’or les mots « #Honneur_et_Patrie ». Or, notre honneur aujourd’hui tient dans la dénonciation du #délitement qui frappe notre #patrie.

    – Délitement qui, à travers un certain #antiracisme, s’affiche dans un seul but : créer sur notre sol un mal-être, voire une #haine entre les communautés. Aujourd’hui, certains parlent de #racialisme, d’#indigénisme et de #théories_décoloniales, mais à travers ces termes c’est la #guerre_raciale que veulent ces partisans haineux et fanatiques. Ils méprisent notre pays, ses traditions, sa #culture, et veulent le voir se dissoudre en lui arrachant son passé et son histoire. Ainsi s’en prennent-ils, par le biais de statues, à d’anciennes gloires militaires et civiles en analysant des propos vieux de plusieurs siècles.

    – Délitement qui, avec l’#islamisme et les #hordes_de_banlieue, entraîne le détachement de multiples parcelles de la nation pour les transformer en territoires soumis à des #dogmes contraires à notre #constitution. Or, chaque Français, quelle que soit sa croyance ou sa non-croyance, est partout chez lui dans l’Hexagone ; il ne peut et ne doit exister aucune ville, aucun quartier où les lois de la #République ne s’appliquent pas.

    – Délitement, car la haine prend le pas sur la #fraternité lors de manifestations où le pouvoir utilise les #forces_de_l’ordre comme agents supplétifs et boucs émissaires face à des Français en #gilets_jaunes exprimant leurs désespoirs. Ceci alors que des individus infiltrés et encagoulés saccagent des commerces et menacent ces mêmes forces de l’ordre. Pourtant, ces dernières ne font qu’appliquer les directives, parfois contradictoires, données par vous, gouvernants.

    Les #périls montent, la #violence s’accroît de jour en jour. Qui aurait prédit il y a dix ans qu’un professeur serait un jour décapité à la sortie de son collège ? Or, nous, serviteurs de la #Nation, qui avons toujours été prêts à mettre notre peau au bout de notre engagement – comme l’exigeait notre état militaire, ne pouvons être devant de tels agissements des spectateurs passifs.

    Aussi, ceux qui dirigent notre pays doivent impérativement trouver le courage nécessaire à l’#éradication de ces dangers. Pour cela, il suffit souvent d’appliquer sans faiblesse des lois qui existent déjà. N’oubliez pas que, comme nous, une grande majorité de nos concitoyens est excédée par vos louvoiements et vos #silences coupables.

    Comme le disait le #cardinal_Mercier, primat de Belgique : « Quand la #prudence est partout, le #courage n’est nulle part. » Alors, Mesdames, Messieurs, assez d’atermoiements, l’heure est grave, le travail est colossal ; ne perdez pas de temps et sachez que nous sommes disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la #sauvegarde_de_la_nation.

    Par contre, si rien n’est entrepris, le #laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une #explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de #protection de nos #valeurs_civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national.

    On le voit, il n’est plus temps de tergiverser, sinon, demain la guerre civile mettra un terme à ce #chaos croissant, et les morts, dont vous porterez la #responsabilité, se compteront par milliers.

    Les généraux signataires :

    Général de Corps d’Armée (ER) Christian PIQUEMAL (Légion Étrangère), général de Corps d’Armée (2S) Gilles BARRIE (Infanterie), général de Division (2S) François GAUBERT ancien Gouverneur militaire de Lille, général de Division (2S) Emmanuel de RICHOUFFTZ (Infanterie), général de Division (2S) Michel JOSLIN DE NORAY (Troupes de Marine), général de Brigade (2S) André COUSTOU (Infanterie), général de Brigade (2S) Philippe DESROUSSEAUX de MEDRANO (Train), général de Brigade Aérienne (2S) Antoine MARTINEZ (Armée de l’air), général de Brigade Aérienne (2S) Daniel GROSMAIRE (Armée de l’air), général de Brigade (2S) Robert JEANNEROD (Cavalerie), général de Brigade (2S) Pierre Dominique AIGUEPERSE (Infanterie), général de Brigade (2S) Roland DUBOIS (Transmissions), général de Brigade (2S) Dominique DELAWARDE (Infanterie), général de Brigade (2S) Jean Claude GROLIER (Artillerie), général de Brigade (2S) Norbert de CACQUERAY (Direction Générale de l’Armement), général de Brigade (2S) Roger PRIGENT (ALAT), général de Brigade (2S) Alfred LEBRETON (CAT), médecin Général (2S) Guy DURAND (Service de Santé des Armées), contre-amiral (2S) Gérard BALASTRE (Marine Nationale).

    https://www.valeursactuelles.com/politique/pour-un-retour-de-lhonneur-de-nos-gouvernants-20-generaux-appellen

    La une :

    #appel #généraux #valeurs_actuelles #lettre #lettre_ouverte #armée #soldats

    ping @isskein @karine4

    • 2022 : « l’étrange défaite » qui vient

      Pour Marc Bloch, auteur de L’Étrange défaite, la cause de la débâcle de juin 1940 n’était pas seulement militaire mais d’abord politique. De la même façon, le désastre annoncé de printemps 2022 n’est pas seulement de nature électorale. La débâcle de la démocratie se construit depuis des mois par une sorte de capitulation rampante et générale face à l’extrême droite.

      « Un jour viendra, tôt ou tard, où la France verra de nouveau s’épanouir la liberté de pensée et de jugement. Alors les dossiers cachés s’ouvriront ; les brumes, qu’autour du plus atroce effondrement de notre histoire commencent, dès maintenant, à accumuler tantôt l’ignorance et tantôt la mauvaise foi, se lèveront peu à peu . »

      Ainsi s’ouvre L’Étrange défaite écrite par Marc Bloch au lendemain de la capitulation de l’armée française en juin 1940. « À qui la faute ? », se demande-t-il. Quels mécanismes politiques ont conduit à ce désastre et à l’effondrement d’une République ? Si les militaires, et surtout l’état-major, sont aux premières loges des accusés, nul n’échappe à l’implacable regard de l’historien : ni les classes dirigeantes qui ont « préféré Hitler au Front Populaire », ni la presse mensongère, ni le pacifisme munichois, ni la gauche qui n’a pas eu besoin de ses adversaires pour ensevelir ce Front populaire qui fit si peur aux bourgeois.

      Les « brumes », l’aveuglement et la soumission passive aux récits des futurs vainqueurs ont conduit inexorablement à une #capitulation_anticipée. Comment ne pas y reconnaître la logique des moments sombres que nous vivons sidérés.

      La banalisation de la menace factieuse

      Sidérés, nous le sommes à coup sûr quand il faut attendre six jours pour qu’une menace de sédition militaire (http://www.regards.fr/politique/societe/article/lettre-des-generaux-un-texte-seditieux-qui-menace-la-republique) signée le 21 avril 2021 par une vingtaine de généraux en retraite, mais aussi par de nombreux officiers, commence à faire un peu réagir.

      Sidérés, nous le sommes par la légèreté de la réponse gouvernementale. Un tweet de la ministre des Armées (https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/04/25/la-gauche-s-insurge-contre-une-tribune-de-militaires-dans-valeurs-actuelles-) ne parle que « d’#irresponsabilité » de « généraux en retraite ». Pour #Florence_Parly le soutien que leur apporte Marine Le Pen « reflète une méconnaissance grave de l’institution militaire, inquiétant pour quelqu’un qui veut devenir cheffe des armées ». N’y aurait-il à voir que de l’irresponsabilité militaire et de l’incompétence politique ?

      Il faut attendre le lundi 26 avril pour que Agnès Runacher secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances s’avise (https://www.boursorama.com/actualite-economique/actualites/un-quarteron-de-generaux-en-charentaises-la-tribune-de-militaires-dans-v) que le texte a été publié jour pour jour 60 ans après l’appel des généraux d’Alger. En parlant de « quarteron de généraux en charentaises », elle semble considérer que la simple paraphrase d’une expression de l’allocution de De Gaulle, le 23 avril 1961 suffira à protéger la démocratie. Ce dernier, plus martial, en uniforme, parlait surtout de « putsch » et d’un « groupe d’officiers ambitieux et fanatiques ».

      Sidérés, nous le sommes par le #silence persistant, cinq jours après la publication du texte factieux, de l’essentiel les leaders de la droite, du centre, de la gauche et des écologistes.

      Sidérés, nous sommes encore de l’isolement de ceux qui appellent un chat un chat tels Éric Coquerel, Benoît Hamon ou Jean Luc Mélenchon. Ce dernier rappelle au passage que l’article 413-3 du code pénal prévoit cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende pour provocation à la désobéissance des militaires.

      Sidérés, nous le sommes enfin, pendant une semaine, de la #banalisation de l’événement par des médias pourtant prompts à se saisir du buzz des « polémiques ». Le 25 avril (https://rmc.bfmtv.com/emission/tribunes-de-militaires-les-gens-n-ont-pas-confiance-dans-les-politiques-m), RMC/BFM, dans les Grandes Gueules, n’hésite pas à présenter l’appel sur fond de Marseillaise, à moquer « la gauche indignée » en citant Jean Luc Mélenchon et Éric Coquerel, et à débattre longuement avec l’initiateur du texte, Jean-Pierre Fabre-Bernadac. Jack Dion, ancien journaliste de L’Humanité (1970-2004), n’hésite pas à écrire (https://www.marianne.net/agora/les-signatures-de-marianne/malgre-ses-relents-putschistes-la-tribune-des-ex-generaux-met-le-doigt-la-) dans Marianne le 28 avril : « Malgré ses relents putschistes, la tribune des ex généraux met le doigt là où ça fait mal. » Il faut croire donc que cet appel factieux et menaçant ne fait pas polémique après l’appel à l’insurrection de Philippe de Villiers dont on oublie qu’il est le frère aîné d’un autre général ambitieux, Pierre de son prénom, chef d’état-major des armées de 2010 à 2017.

      Qui sont donc les ennemis que ces militaires appellent à combattre pour sauver « la Patrie » ? Qui sont les agents du « délitement de la France » ? Le premier ennemi désigné reprend mot pour mot les termes de l’appel des universitaires publié le 1 novembre 2020 sous le titre de « #Manifeste_des_100 » (https://manifestedes90.wixsite.com/monsite) : « un certain antiracisme » qui veut « la guerre raciale » au travers du « racialisme », « l’indigénisme » et les « théories décoloniales ». Le second ennemi est « l’islamisme et les hordes de banlieue » qui veulent soumettre des territoires « à des dogmes contraires à notre constitution ». Le troisième ennemi est constitué par « ces individus infiltrés et encagoulés saccagent des commerces et menacent ces mêmes forces de l’ordre » dont ils veulent faire des « boucs émissaires ».

      Chacune et chacun reconnaîtra facilement les islamo-gauchistes, les séparatistes et les black blocs, ces épouvantails stigmatisés, dénoncés, combattus par le pouvoir comme par une partie de l’opposition. Ce texte a au moins une vertu : il identifie clairement la nature fascisante des diatribes de Jean-Michel Blanquer, Gérald Darmanin ou Frédérique Vidal. Il renvoie à leur responsabilité celles et ceux qui gardent le silence, organisent le débat public autour de ces thématiques sur la scène médiatique, s’abstiennent à l’Assemblée sur des textes de loi à la logique islamophobe – quand ils ne votent pas pour –, signent des tribunes universitaires pour réclamer une police de la pensée. Il renvoie à ses responsabilités le Bureau national du Parti socialiste qui, dans sa résolution du 27 avril (https://partisocialiste92.fr/2021/04/27/resolution-du-bureau-national-a-la-suite-dune-tribune-de-militaire), persiste à affirmer « qu’il serait absurde de chercher à nier ces sujets qui nous font face » comme « ces #minorités_agissantes » qui prônent la « #désaffiliation_républicaine ».

      Baromètre incontesté des dérives intellectuelles, l’omniprésent #Michel_Onfray, aujourd’hui obsédé par la décadence de la France, ne partage-t-il pas le diagnostic des factieux ? Sa sentence du 27 avril dans la matinale d’Europe 1 (https://www.europe1.fr/societe/sur-le-terrorisme-la-parole-presidentielle-est-totalement-devaluee-estime-on), « l’intérêt de l’#islamo-gauchisme est de détruire la nation, la souveraineté nationale, la France, l’histoire de France, tout ce qui constitue la France », est immédiatement reprise par Valeurs actuelles (https://www.valeursactuelles.com/politique/pour-michel-onfray-linteret-de-lislamo-gauchisme-est-de-detruire-l). Quelques jours plus tôt, dans une envolée digne de Gérald Darmanin, il assénait au Point (https://www.lepoint.fr/debats/michel-onfray-on-a-un-seul-probleme-en-france-c-est-que-la-loi-n-est-pas-res) : « On a un seul problème en France, c’est que la loi n’est pas respectée ». Mais de quelle loi parle Michel Onfray quand il ajoute, à propos du verdict en appel du procès des jeunes de Viry-Châtillon : « Il y a des gens à qui on dit : […] peut-être que vous faites partie de ceux qui auraient pu tuer, mais la preuve n’est pas faite, on est pas sûr que c’est vous, allez, vous pouvez rentrer chez vous. L’affaire est terminée pour vous. » Pour Michel Onfray, le scandale n’est pas la mise en accusation délibérée d’innocents par une police en quête désespérée de coupables mais un principe de droit : la présomption d’innocence elle-même !

      La capitulation rampante

      Voilà où nous en sommes. Voilà pourquoi il est pour beaucoup si difficile de se scandaliser d’un appel factieux quand les ennemis désignés sont ceux-là même qui sont désignés à longueur d’antenne et de déclaration politique dans ce désastreux consensus « républicain » réunissant l’extrême droite, la droite et une partie de la gauche.

      Chacune et chacun y va de sa surenchère. #Anne_Hidalgo (https://www.nouvelobs.com/edito/20201125.OBS36577/derriere-la-gueguerre-entre-hidalgo-et-les-ecolos-la-pomme-de-discorde-de) enjoint les Verts « d’être au clair avec la République » à propos de la laïcité alors même que #Yannick_Jadot (https://www.lepoint.fr/politique/loi-contre-le-separatisme-la-gauche-denonce-un-texte-qui-ne-regle-rien-07-02) demande de « sortir de toute naïveté et de toute complaisance », pour « combattre l’islam politique », proposant de « contrôler les financements des associations » et de « renforcer tous les dispositifs sur le contrôle des réseaux sociaux ».

      La discussion et le vote de la loi sur le « séparatisme », puis les débats hallucinants sur l’organisation de « réunions non mixtes » au sein du syndicat étudiant Unef nous en a fourni un florilège. Pour le communiste #Stéphane_Peu (http://www.le-chiffon-rouge-morlaix.fr/2021/02/separatisme-une-loi-equilibree-se-serait-attachee-a-renforc) comme pour le socialiste #Olivier_Faure (https://www.europe1.fr/politique/projet-de-loi-contre-les-separatismes-olivier-faure-craint-une-surenchere-40), la question n’est pas de combattre sur le fond la notion de « #séparatisme » mais de rester dans une « loi équilibrée » qui « renforce la #République » (Peu) et d’éviter « la surenchère » (Faure). L’un comme l’autre et comme nombre de députés de leurs groupes, s’abstiendront lors du vote à l’Assemblée nationale. Seule La France insoumise a sauvé l’honneur et dénoncé, notamment par la voix de #Clémentine_Autain (https://www.lepoint.fr/politique/loi-contre-le-separatisme-la-gauche-denonce-un-texte-qui-ne-regle-rien-07-02) dès le 16 février, une loi qui « ouvre la boîte de Pandore pour des idées qui stigmatisent et chassent les musulmans » et « nous tire vers l’agenda de l’extrême droite ».

      Si le débat parlementaire gomme un peu les aspérités, l’affaire des réunions « non mixtes » au sein de l’Unef est l’occasion d’un déferlement de sincérité imbécile. On n’en attendait pas moins de #Manuel_Valls (https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-22-mars-2021) qui s’empresse de poser l’argument clef de la curée : « Les réunions "racialisées" légitiment le concept de race ». Le lendemain #Marine_Le_Pen (https://www.francetvinfo.fr/politique/marine-le-pen/video-il-faut-poursuivre-l-unef-un-syndicat-qui-commet-des-actes-racist) le prend au mot et réclame des poursuites contre ces actes racistes. Anne Hidalgo (https://www.europe1.fr/politique/reunions-non-mixtes-a-lunef-cest-tres-dangereux-juge-anne-hidalgo-4032954) apporte sa voix contre une pratique qu’elle considère comme « très dangereuse » au nom de « ses convictions républicaines ». Olivier Faure (https://www.youtube.com/watch?v=rifRSrm7lpU

      ), moins « équilibré » que sur la loi contre le « séparatisme » renchérit comme « une dérive incroyable ».

      Quelle « dérive » ? Tout simplement « l’idée que sont légitimes à parler du racisme les seules personnes qui en sont victimes », alors que « c’est l’inverse qu’il faut chercher ». Dominés restez à votre place, nous parlerons pour vous ! Aimé Césaire dans sa lettre à Maurice Thorez (https://lmsi.net/Lettre-a-Maurice-Thorez), dénonçait ce qu’il nommait le « #fraternalisme » : « Un grand frère qui, imbu de sa supériorité et sûr de son expérience, vous prend la main pour vous conduire sur la route où il sait se trouver la Raison et le Progrès. » Or, ajoutait-il, « c’est très exactement ce dont nous ne voulons plus » car « nous ne (pouvons) donner à personne délégation pour penser pour nous. »

      Olivier Faure revendique un « #universalisme » que ne renierait pas le candidat communiste à la présidentielle, #Fabien_Roussel pour qui « les réunions segmentées selon la couleur de sa peau, sa religion ou son sexe, ça divise le combat ». Le PCF (https://www.pcf.fr/actualite_derri_re_les_attaques_contre_l_unef_une_d_rive_autoritaire_et_antid_mo) n’hésite pas à défendre en théorie l’Unef tout en se joignant cœur réactionnaire des condamnations de ses pratiques.

      #Audrey_Pulvar (https://www.lci.fr/politique/demander-a-une-personne-blanche-de-se-taire-dans-une-reunion-non-mixte-pulvar-cr) cherchant peut-être un compromis dans la présence maintenue mais silencieuse d’un blanc dans une réunion de personnes racisées, se prend une volée de bois vert du chœur des bonnes âmes universalistes. La « dilution dans l’universel » est bien « une façon de se perdre » comme l’écrivait encore Aimé Césaire en 1956.

      Ce chœur hystérisé, rien ne le fera taire, ni le rappel élémentaire d’#Eric_Coquerel (https://www.facebook.com/watch/?v=773978356575699) que les #groupes_de_parole sont « vieux comme le monde, comme le mouvement féministe, comme les alcooliques anonymes », ni la prise du conscience de l’énormité morale, politique et juridique des positions prises ainsi dans une émotion révélatrice.

      Refuser de comprendre que la parole des dominées et dominés a besoin de se constituer à l’abri des dominants, c’est nier, de fait, la #domination. Ce déni de la domination, et de sa #violence, est une violence supplémentaire infligée à celles et ceux qui la subissent.

      Au passage, une partie de la gauche a par ailleurs perdu un repère simple en matière de liberté : la liberté de réunion est la liberté de réunion. Elle n’est plus une liberté si elle est sous condition de surveillance par une présence « hétérogène ». À quand les réunions de salariés avec présence obligatoire du patron ? Les réunions de femmes avec présence obligatoire d’un homme ? Les réunions d’étudiants avec présence obligatoire d’un professeur ? Les réunions de locataires avec présence obligatoire du bailleur ? Les réunions d’antiracistes avec présence obligatoire d’un raciste ?

      Ces héritiers et héritières d’une longue tradition politique liée aux luttes sociales révèle ainsi leur déconnexion avec les mobilisation d’aujourd’hui, celles qui de #MeToo à Black Lives Matter ébranlent le monde et nous interrogent sur quelle humanité nous voulons être au moment où notre survie est officiellement en question. Ces mouvements de fond martèlent, 74 ans après Aimé Césaire, que « l’heure de nous-mêmes a sonné. »

      Nul doute, hélas, que ce qui fait ainsi dériver des femmes et des hommes issus de la #gauche, c’est le poids pas toujours avoué, mais prégnant et souvent irrationnel, de l’#islamophobie. Cette adhésion générale à un complotisme d’État (https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/041220/l-etat-t-il-le-monopole-du-complotisme-legitime) touche plus fortement les espaces partisans, voire universitaires, que le monde associatif. On a pu le constater lors de la dissolution du #Collectif_contre_l’islamophobie_en_France (#CCIF) fin 2020 quand la fermeté les protestations de la Ligue des droits de l’Homme (https://blogs.mediapart.fr/gabas/blog/031220/ldh-dissolution-politique-du-ccif) ou d’Amnesty international (https://www.amnesty.fr/presse/france-la-fermeture-dune-association-antiraciste-e) n’a eu d’égale que la discrétion de la gauche politique. La palme du mois d’avril revient sans conteste à #Caroline_Fourest (https://twitter.com/i/status/1384567288922259467) qui lors du lancement des États Généraux de la Laïcité a pu déclarer sans frémir que « ce mot islamophobie a tué les dessinateurs de Charlie Hebdo et il a tué le professeur Samuel Paty ».

      Oui voilà ou nous en sommes. La menace d’une victoire du #Rassemblement_national ne se lit pas que dans les sondages. Elle se lit dans les #renoncements. Elle s’enracine dans la banalisation voire le partage de ses thématiques disciplinaires, de ses émotions islamophobes, de son vocabulaire même.

      L’évitement politique du réel

      Il faut vraiment vivre dans une bulle, au rythme de réseaux sociaux hégémonisés par l’extrême droite, loin des réalités des quartiers populaires, pour considérer que l’islam et les réunions non mixtes sont les causes premières du délitement des relations collectives et politiques dans ce pays.

      Quelle République, quelle démocratie, quelle liberté défend-on ici avec ces passions tristes ? Depuis plus d’un an, la réponse gouvernementale à l’épreuve sanitaire les a réduites à l’état de fantômes. L’#état_d’urgence sanitaire est reconduit de vague en vague de contamination. Notre vie est bornée par des contrôles, des interdictions et des attestations. Les décisions qui la règlent sont prises par quelques-uns dans le secret délibératif d’un Conseil de défense. Nous vivons suspendus aux annonces du président et de quelques ministres et, de plus de plus en plus, du président seul, autoproclamé expert omniscient en gestion de pandémie. Nous n’avons plus prise sur notre vie sociale, sur nos horaires, sur notre agenda, sur notre avenir même très proche. Nous n’avons plus de lieu de délibération, ces lieux qui des clubs révolutionnaires de 1789 aux ronds-points des gilets jaunes, en passant par la Place Tahrir et la Puerta Del Sol en 2011 sont l’ADN de la #démocratie.

      La violence de la menace létale mondiale que font peser sur nous le Covid et ses variants successifs nous fait espérer que cette épreuve prendra fin, que la parenthèse se refermera. Comme dans une période de guerre (https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/070221/stephane-audoin-rouzeau-nous-traversons-l-experience-la-plus-tragique-depu), cet espoir toujours déçu se renouvelle sans fin à chaque annonce moins pessimiste, à chaque communication gouvernementale sur les terrasses jusqu’à la déception suivante. Cette #précarité sans fin est un obstacle collectif à la #résistance_démocratique, à la critique sociale, idéologique et opératoire de cette période qui s’ouvre et sera sans doute durable. C’est bien dans ce manque politique douloureux que s’engouffrent tous les complotismes de Q-Anon à l’islamophobie d’État.

      Depuis le printemps 2020 (www.regards.fr/politique/societe/article/covid-19-un-an-deja-chronique-d-une-democratie-desarticulee), les partis d’opposition ont cessé d’être dans l’élaboration et la proposition politique en lien avec la situation sanitaire. Le monologue du pouvoir ne provoque plus sporadiquement que des réactions, jamais d’alternative stratégique ni sur la réponse hospitalière, ni sur la stratégie vaccinale, ni sur l’agenda des restrictions sociales. Même l’absence de publication, des semaines durant début 2021, des avis du Conseil scientifique n’émeut pas des politiques beaucoup plus préoccupés par les réunions non mixtes à l’Unef.

      Attac (https://france.attac.org/spip.php?page=recherche&recherche=covid) n’est pas beaucoup plus proactif malgré la publication sur son site en novembre 2020 d’un texte tout à fait pertinent de Jacques Testard sur la #démocratie_sanitaire. En général les think tanks sont plutôt discrets. L’Institut Montaigne est silencieux sur la stratégie sanitaire tout comme la Fondation Copernic qui n’y voit pas l’occasion de « mettre à l’endroit ce que le libéralisme fait fonctionner à l’envers ». Si le think tank Économie Santé des Échos déplore le manque de vision stratégique sanitaire, seule Terra Nova semble avoir engagé un véritable travail : une cinquantaine de contributions (https://tnova.fr/ckeditor_assets/attachments/218/terra-nova_dossier-de-presse_cycle-coronavirus-regards-sur-une-crise_2020.pdf), des propositions (https://tnova.fr/revues/covid-19-le-think-tank-terra-nova-fait-des-propositions-pour-limiter-les-conta) sur l’organisation de la rentrée scolaire du 26 avril 2021, des propositions sur la stratégie vaccinale…

      Pourquoi cette #inertie_collective sur les choix stratégiques ? Ce ne sont pas les sujets qui manquent tant la stratégie gouvernementale ressemble à tout sauf à une stratégie sanitaire. Sur le fond, aucun débat n’est ouvert sur le choix entre stratégie de cohabitation avec la maladie ou d’éradication virale. Ce débat aurait eu le mérite d’éclairer les incohérences gouvernementales comme la communication sur le « tester/tracer/isoler » de 2020 qui n’a été suivie d’aucun moyen opérationnel et humain nécessaire à sa mise en œuvre. Il aurait permis de discuter une stratégie vaccinale entièrement fondée sur l’âge (et donc la pression hospitalière) et non sur la circulation active du virus et la protection des métiers à risque. Cette stratégie a fait battre des records vaccinaux dans des territoires aux risques faibles et laissé à l’abandon les territoires les plus touchés par la surmortalité comme la Seine-Saint-Denis.

      Pourquoi cette inertie collective sur la démocratie sanitaire ? Les appels dans ce sens n’ont pourtant pas manqué à commencé par les recommandations du Conseil Scientifique dès mars 2020 : le texte de Jacques Testard (https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-25-automne-2020/debats/article/la-covid-la-science-et-le-citoyen), un article de The Conversation (https://theconversation.com/debat-quelles-lecons-de-democratie-tirer-de-la-pandemie-140157) au mois de juin 2020, l’excellent « tract » de #Barbara_Stiegler, De la démocratie en pandémie, paru chez Gallimard en janvier 2021 et assez bien relayé. Des propositions, voire des expérimentations, en termes de délibération et de construction collective des mesures sanitaires territorialisées, des contre expertises nationales basées sur des avis scientifiques et une mobilisation populaire auraient sans doute mobilisé de façon positive la polyphonie des exaspérations. On a préféré laisser réprimer la mobilisation lycéenne (https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/181120/sommes-nous-aux-portes-de-la-nuit) pour de vraies mesures sanitaires en novembre 2020.

      Bref la construction de masse d’une alternative à l’incapacité autoritaire du pouvoir aurait pu, pourrait encore donner corps et usage à la démocratie, aujourd’hui désarticulée (https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/160321/covid-un-deja-chronique-d-une-democratie-desarticulee), qu’il nous faut essayer de défendre, pourrait incarner la République dans des exigences sociales et une puissance populaire sans lesquelles elle risque toujours de n’être qu’un discours de domination.

      Une autre élection est-elle encore possible ?

      Entre cet étouffement démocratique de masse et l’immensité des choix de société suggérés au quotidien par la crise sanitaire, le grain à moudre ne manque pas pour des courants politiques héritiers d’une tradition émancipatrice. Leur responsabilité est immense quand l’humanité est mise au pied du mur de sa survie et de l’idée qu’elle se fait d’elle-même. Mais ces partis préfèrent eux aussi considérer la situation sanitaire comme une simple parenthèse à refermer, se projetant sur les échéances de 2022 comme pour oublier 2020 et 2021. Il est ahurissant de penser que, après 14 mois de pandémie, la politique sanitaire ne soit pas au centre des élections territoriales de ce printemps, sinon pour une question d’agenda.

      En « rêvant d’une autre élection » comme d’autres ont rêvé d’un autre monde, la gauche permet tout simplement au président en exercice de s’exonérer de son bilan dramatique : un système de santé et des soignantes et soignants mis en surchauffe des mois durant, une mise en suspens de milliers de soins parfois urgents, des dizaines de milliers de Covid longs, plus de 100.000 morts, des territoires et des populations délibérément sacrifiés, des inégalités devant la mort et la maladie largement calquées sur les inégalités sociales et les discriminations, une vie sociale dévastée, une démocratie en miettes, une faillite biopolitique structurelle.

      Comment lui en faire porter la responsabilité si on ne peut lui opposer aucune alternative ? Le pouvoir s’en réjouit d’avance et, renversant la charge de la preuve, semaine après semaine, somme chacune et chacun de présenter un bilan sur l’agenda qu’il déroule sans rencontrer beaucoup de résistance : les politiques sécuritaires et l’islamophobie d’État. Or, ce concours électoraliste du prix de la « laïcité », de la condamnation de l’islamisme, de la condamnation des formes contemporaines de lutte contre les discriminations, nous savons qui en sera la championne incontestée : elle en maîtrise à merveille les thématiques, le vocabulaire comme la véhémence.

      Voici ce que les sondages, jour après jour, mesurent et nous rappellent. Dans ces conditions, l’absence de dynamique unitaire à gauche n’est pas la cause de la défaite annoncée, elle est déjà le résultat d’une perte majoritaire de boussole politique, le résultat d’une sorte d’évitement du réel, le résultat d’un abandon.

      « L’étrange défaite » de juin 1940 a pris racine dans le ralliement des classes dirigeantes à la nécessité d’un pouvoir policier et discriminatoire. Nous y sommes. « L’étrange défaite » s’est nourrie de la pusillanimité d’une gauche désertant les vrais combats pour la démocratie, de la défense de l’Espagne républicaine au barrage contre un racisme aussi déchaîné qu’expiatoire. Nous y sommes sur les enjeux de notre temps. « L’étrange défaite » a été la fille du consensus munichois et de la capitulation anticipée. Nous y sommes. « L’étrange défaite » a été suivie de la mort d’une République. L’appel militaire du 21 avril en fait planer la menace.

      À l’exceptionnalité de la période traumatique qui bouleverse depuis 14 mois en profondeur nos repères politiques, sociaux et vitaux, s’ajoute l’exceptionnalité de l’échéance institutionnelle du printemps 2022. Il est dérisoire d’y voir la énième occasion de porter un message minoritaire, dérisoire de donner le spectacle d’une querelle d’egos, dérisoire de jouer à qui sera responsable de la défaite. Le salut ne sera pas dans un compromis défensif sans principe mais dans un sursaut collectif d’ambition.

      Il est temps de prendre la mesure du temps que nous vivons, car il est toujours temps de résister. Comme concluait Marc Bloch en septembre 1940, « peut-être est-ce une bonne chose d’être ainsi contraints de travailler dans la rage », car « est-ce à des soldats qu’il faut, sur un champ de bataille, conseiller la peur de l’aventure ? » Il ajoutait que « notre peuple mérite qu’on se fie à lui et qu’on le mette dans la confidence ».

      http://www.regards.fr/idees-culture/article/2022-l-etrange-defaite-qui-vient
      #non-mixité

  • #MeToo : le patron d’une maison d’édition mis en cause - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/210421/metoo-le-patron-d-une-maison-d-edition-mis-en-cause?onglet=full

    Mediapart a recueilli de nombreux documents et les témoignages d’une vingtaine de femmes ayant un jour croisé la route de Stéphane Marsan, patron des éditions Bragelonne, spécialisées dans les littératures de l’imaginaire. Autrices, éditrices, étudiantes, traductrices ou stagiaires… Toutes font part de remarques et de gestes inappropriés, à connotation sexuelle, dans un cadre professionnel.

    • J’en ai entendu parler par des amies chez Bragelonne. Le mécanisme de protection de la direction s’ajoute à l’affaire. Ils protègent leur boss (Stéphane Marsan), résultat tous les salariés sont en crise psychologique de ce fait. Une boite où il ne fait pas bon travailler tant qu’il est aux affaires.
      @mad_meg moi je veux bien

    • #MeToo : le patron d’une maison d’édition mis en cause

      Mediapart a recueilli de nombreux documents et les témoignages d’une vingtaine de femmes ayant un jour croisé la route de Stéphane Marsan, patron des éditions Bragelonne, spécialisées dans les littératures de l’imaginaire. Autrices, éditrices, étudiantes, traductrices ou stagiaires… Toutes font part de remarques et de gestes inappropriés, à connotation sexuelle, dans un cadre professionnel.

      Stéphane Marsan est bien connu dans le petit monde des littératures de l’imaginaire. Président et cofondateur, au tout début des années 2000, des éditions Bragelonne, devenues l’une des plus importantes maisons du secteur, il est présenté dans la presse comme « l’une des personnes qui a marqué le plus l’édition de la fantasy et de la science-fiction depuis une vingtaine d’années ». Mais derrière la vitrine Bragelonne et la renommée professionnelle de son patron, se cache une autre réalité.

      Une réalité que l’autrice Audrey Alwett, publiée dans une autre maison d’édition, résume en ces termes à Mediapart : « J’ai toujours eu des réticences à tenter ma chance chez Bragelonne, bien que ce soit la seule maison de l’imaginaire qui puisse vous faire monter, parce qu’on m’a prévenue très tôt des problèmes qu’il y avait avec les femmes. On en parle souvent entre collègues et on essaye autant que possible de mettre en garde les jeunes autrices. »

      Pendant plusieurs mois, Mediapart a recueilli de nombreux documents et les témoignages d’une vingtaine d’autrices, éditrices, attachées de presse, salariées, étudiantes, traductrices ou stagiaires ayant un jour croisé la route de Stéphane Marsan (lire notre Boîte noire). Ils révèlent des remarques et des gestes inappropriés, à connotation sexuelle, dans un cadre professionnel, ou un environnement de travail que certain·e·s retrouvaient déjà derrière le hashtag #brevedebrage, compilant sur les réseaux sociaux des choses entendues au sein de la maison d’édition. Son patron en avait publié plusieurs sur son propre compte Twitter, @stephanemarsan, supprimé entre le dimanche 18 et le lundi 19 avril, après l’envoi de notre demande d’entretien.

      Contacté à plusieurs reprises par courriel, par message et par téléphone, l’éditeur n’a pas donné suite (lire notre Boîte noire).

      Toutes nos interlocutrices nous ont décrit la façon dont elles se sont senties prises au piège d’un système mélangeant intérêts professionnels et sentiment d’emprise personnelle, qui aurait perduré durant des années, sans que personne ne le dénonce ouvertement. « Les femmes du milieu se le disent : Marsan se servirait de sa position professionnelle pour rechercher des faveurs sexuelles auprès de femmes, auteures ou autres, explique une autrice sous le couvert de l’anonymat. C’est avec le mouvement #MeToo que j’ai réalisé qu’il était important d’en parler. »

      À ces témoignages sont venus s’ajouter ceux d’hommes gravitant eux aussi dans le milieu de la fantasy. Celui du bibliothécaire Samuel L., un fan du genre, qui a passé quelques soirées avec Stéphane Marsan au festival des Utopiales, à Nantes (Loire-Atlantique), et affirme avoir observé un comportement « déplacé » avec des femmes. Il le décrit à Mediapart comme étant « très tactile ». Celui de l’auteur Nabil Ouali, qui n’a fréquenté l’édition que quelques années et dit avoir été frappé par « l’omerta » qui y règne. « On m’a parlé de Stéphane Marsan dès mes premiers salons », à propos de son rapport supposé aux femmes, assure-t-il.

      L’autrice Catherine Dufour, qui a entretenu une relation amicale pendant quelques années avec le patron de Bragelonne, n’a, elle non plus, jamais pu vérifier l’exactitude des histoires qui lui revenaient aux oreilles. En revanche, elle explique avoir commencé à « se méfier » un soir de fête, dans un bar du Xe arrondissement de Paris. « On dansait et il m’a mis la main aux fesses. J’ai remonté sa main, pensant à une erreur. Il s’est mis à me repeloter les fesses et je l’ai repoussé, pensant qu’il avait bu un coup de trop », se souvient l’autrice, qui a cessé toute relation avec Stéphane Marsan quelques années plus tard. Un épisode corroboré par une amie présente ce soir-là et interrogée par Mediapart.

      Deux anciennes salariées de la maison d’édition nous ont également rapporté ce que l’une d’entre elles qualifie de « mains baladeuses sur la taille », observées « à l’occasion de soirées ». « Des gestes exécutés en public, sans gêne apparente de sa part, témoigne Charlotte Oehler, une ex-assistante d’édition. J’avais l’impression que c’était un fait notoire et admis. Sur le coup, quand cela m’est arrivé, j’étais surprise et gênée. Je me souviens avoir essayé de me dégager, mais ça n’a pas été insistant non plus. » La jeune femme s’en est ouverte à une autrice, qui nous l’a confirmé.

      Sophie*, qui a travaillé pendant un an au service de presse de Bragelonne, en contrat d’alternance, dit aussi s’être sentie « super mal à l’aise » le 16 juin 2016, pendant la soirée du « Prix des lectrices ». La jeune femme – elle est alors âgée de 24 ans – affirme que ce soir-là, exceptionnellement, elle portait une robe et était maquillée.

      Selon son récit, Stéphane Marsan se serait approché d’elle et lui aurait dit, en glissant sa main « en bas de [son] dos, jusqu’au niveau des fesses », qu’elle était très belle. « J’étais interdite. J’ai essayé de l’éviter tout le reste de la soirée », ajoute-t-elle. Quelques semaines plus tard, elle en parle à sa supérieure hiérarchique, en congé pendant tout l’été. Cette dernière confirme à Mediapart avoir été informée par Sophie de ce qu’il s’était passé et avoir ainsi compris pourquoi elle avait trouvé la jeune femme si « différente » lors de la soirée. Elle explique comment son apprentie, d’ordinaire si « discrète », était venue se « coller » à elle, alors qu’elle parlait à des journalistes.

      La supérieure évoque également des échanges de courriels. Comme celui du 20 juillet 2016, date à laquelle Sophie soumet à Stéphane Marsan une demande d’interview qu’il accepte, en précisant qu’il est « déjà en retard sur plusieurs itw » et qu’il sera sans doute nécessaire de le relancer. Au milieu de cet échange, il écrit aussi : « Prépare-toi à venir t’asseoir sur mon bureau pour m’y obliger » [à répondre aux questions]. Alors qu’il avait été question qu’elle signe un CDI chez Bragelonne, Sophie a finalement quitté la maison d’édition au terme de son contrat en alternance.

      En 2014, Violaine*, aujourd’hui salariée d’une petite maison d’édition, a 25 ans lorsqu’elle entre en contact avec Stéphane Marsan via LinkedIn. À la recherche d’un boulot dans l’édition, elle traverse, comme beaucoup dans le milieu, « les galères du début ». « Bragelonne, c’était le rêve pour moi », dit-elle. Alors quand le patron de la maison d’édition lui écrit spontanément pour lui proposer « un verre en fin de journée », elle prépare cette rencontre comme un entretien d’embauche. Mais elle finira par se sentir mal à l’aise. Le rendez-vous se serait prolongé au restaurant par un dîner arrosé. « J’étais partagée entre le fait que je ne le sentais pas trop et l’idée que c’était peut-être la chance de ma vie », explique-t-elle.

      Selon son récit, le patron de Bragelonne lui aurait proposé avec insistance un dernier verre chez lui. « J’arrive à partir et pendant quelques jours, je me sens un peu honteuse, je ne comprends pas ce que j’ai vécu », raconte Violaine. S’ensuit une proposition de pige professionnelle, comme un essai. Dans des échanges LinkedIn que Mediapart a pu consulter, Stéphane Marsan lui promet en effet de lui envoyer prochainement un texte de l’un de ses auteurs pour relecture. Il ajoute dans un message : « Je te donnerai rendez-vous en un lieu mystérieux et redoutable (genre la place Maubert) pour que tu m’en parles. »

      Violaine raconte ensuite qu’elle a travaillé sur ce manuscrit, sans facture, sans contrat, et sans réponse à ses demandes de retour. Selon son récit, à ses messages d’ordre professionnel, il aurait répondu d’un ton badin. Elle affirme aussi qu’au bout de quelques semaines, Stéphane Marsan lui aurait dit de laisser tomber, sans autre explication. L’éditrice ne comprend pas ce qui se passe. Elle se dit constamment que tout est de sa faute, qu’elle est « nulle ».
      « Je t’invite à mesurer les conséquences de tes errements sur le cours de ta carrière »

      Ce sentiment d’avoir tutoyé les étoiles avant d’être subitement et violemment rabaissée traverse tous les témoignages que Mediapart a recueillis. L’autrice Samantha Bailly, ancienne présidente de la Ligue des auteurs professionnels, en a fait l’expérience de 2012 à 2017, en publiant ses premiers romans chez Bragelonne. « Au départ, cela avait tout du conte de fées. Stéphane Marsan ne tarissait jamais d’éloges sur mes livres, ni à mon sujet d’ailleurs, raconte-t-elle. Quand il parlait de ses collaboratrices, que ce soit des autrices ou des salariées, il y avait toujours la petite remarque sur le physique qui allait avec... Cela me mettait mal à l’aise. »

      Mais à l’époque, l’autrice se dit que ces remarques « vont avec le personnage ». Certes, certaines personnes lui conseillent de « faire attention », mais rien de plus. Puis, poursuit-elle, « les salariées, de jeunes femmes de mon âge, se sont ouvertes à moi sur ses comportements déplacés ». Deux d’entre elles ont témoigné dans cette enquête. « Des crises de colère. Des avances voilées… ou non. Des comportements changeants. Cette ambiance étrange commençait à m’inquiéter », raconte encore Samantha Bailly. D’autant plus que Bragelonne cherche à avoir l’exclusivité sur ses parutions. Une situation délicate pour une jeune plume vivant seule à Paris, dans un 14 m2, et dépendant uniquement de ses revenus d’autrice.

      Son trouble s’accroît au fil du temps. « En 2014, au salon du livre de Genève, je l’ai entendu dire à une jeune femme : “Tu sais, les contrats d’auteur, ça se négocie dans la chambre.” À partir de ce moment, j’ai été glacée. Je me souviens être allée pleurer aux toilettes. » Samantha Bailly se souvient aussi d’un courriel, que Mediapart a pu consulter, ayant pour objet « Amour et préface ». Stéphane Marsan y écrivait notamment : « Alors que nous discutions, hier, debout près de mon bureau (très joli chemisier by the way), je te regardais et j’ai pensé que c’était quand même miraculeux de se trouver un jour, comme ça, à discuter de la couv de ton roman. »

      Le « conte de fées » vire bientôt au « cauchemar », selon l’expression de Samantha Bailly. En juin 2014, l’autrice est approchée par une plus grande maison d’édition, pour une publication en poche de son texte Les Stagiaires, mais Stéphane Marsan lui répond vouloir le rééditer dans ce format chez Bragelonne, par souci de « cohérence ». Un an plus tard, il lui annonce l’annulation du projet. « J’avais décidé de maintenir cette parution pour te faire plaisir, lui écrit-il le 11 mai 2015, dans un courriel consulté par Mediapart. Mais un événement récent a changé mon point de vue. On nous a rapporté que tu tenais en public des propos désagréables sur Bragelonne et moi-même. J’accepte la critique mais pas la calomnie ni le colportage de ragots sur la vie personnelle. »

      Il ajoute cette phrase, qui inquiète l’autrice : « Tu sais l’estime que j’ai pour toi et ton talent, et je t’invite à mesurer les conséquences de tes errements sur le cours de ta carrière, sur le travail des équipes dédiées à tes ouvrages, ainsi que sur l’image que tu donnes de toi dans la profession. »

      Samantha Bailly laisse à son agent littéraire le soin de récupérer ses droits. Mais « face à l’échec des négociations », elle répond directement à Stéphane Marsan le 3 décembre 2015. Elle met fin à leur collaboration professionnelle. Interrogé là aussi sur ce point précis, l’éditeur n’a pas donné suite.

      Des histoires de collaborations brutalement interrompues, Mediapart en a recueilli plusieurs au cours de son enquête. C’est notamment l’histoire de Julie*, qui a collaboré avec le patron de Bragelonne pendant plusieurs années. D’après son témoignage, tous deux ont été très proches, jusqu’au jour où elle a émis des réserves sur son comportement avec les femmes. « Ce qui m’avait le plus blessée à l’époque où on s’était fâchés, c’était que tout ce qu’il avait tellement aimé chez moi au niveau écriture semblait être devenu de la merde à ses yeux, dit-elle. Après cela, j’ai eu des doutes terribles sur mon talent, ma valeur en tant qu’autrice, j’ai même failli arrêter d’écrire. »

      Éléonore*, qui a travaillé trois ans comme attachée de presse pour Bragelonne, a quant à elle été virée du jour au lendemain pour des raisons qu’elle juge « obscures », après avoir dit à Stéphane Marsan qu’elle trouvait qu’« il ne se comportait pas bien » vis-à-vis d’une collègue avec laquelle il entretenait une relation personnelle aussi officieuse que houleuse. Elle a poursuivi les éditions Bragelonne devant les prud’hommes en 2014, mais n’a pas obtenu les indemnités financières qu’elle demandait.

      Des années plus tard, elle le décrit comme « un homme autoritaire et séducteur, ayant du pouvoir et s’en servant ». Pour étayer ses propos, elle a retrouvé des courriels. Dans l’un d’eux, son patron de l’époque lui parlait en ces termes d’une autrice qu’il souhaitait ajouter à son catalogue : « Ah Myriam* truc, j’aimerais beaucoup la rencontrer aussi pour lui faire des propositions scandaleuses, tu t’en doutes bien… en fait, nous porter candidat pour des reprises poche de ses titres grand format. »

      Il y avait aussi les « soufflantes », pour reprendre une expression employée par Stéphane Marsan dans l’un de ses échanges avec Samantha Bailly. Des colères exprimées par courriel ou dans l’open space, que certains, ou plus exactement certaines, car ce sont surtout des femmes qui en étaient victimes, appelaient en interne « les Marsannades ».

      Il est un autre cadre dans lequel le comportement du patron de Bragelonne a suscité a minima une gêne. Tous les ans, le festival Les Imaginales, à Épinal (Vosges), organise un speed dating pour mettre en relation des aspirant·e·s auteurs et autrices avec des éditeurs de fantasy. Le patron de Bragelonne est un habitué de l’exercice.

      Mediapart a consulté un courriel envoyé, en date du 9 mai 2019, par une organisatrice du speed dating aux futures participant·e·s, dans lequel il est écrit : « Certains éditeurs sont très demandés : Bragelonne attire beaucoup, par exemple, mais sachez que Stéphane Marsan, le saint patron, est prêt à vous écouter pitcher votre roman le samedi si vous lui offrez une bière. » Stéphanie Nicot, la directrice artistique des Imaginales, dit qu’elle ignorait tout de cette pratique. En revanche, il y a quelques années, elle a été alertée sur un « comportement inapproprié » de l’éditeur : elle raconte en effet que des organisatrices du speed dating lui avaient rapporté qu’il prenait la main de jeunes autrices en train de « pitcher » leur roman.

      Jugeant ce comportement « inacceptable », Stéphanie Nicot assure avoir pris des mesures en plaçant Stéphane Marsan « à la première table » des speed dating. « On l’a mis devant pour le garder à l’œil », dit-elle. Le directeur du festival, Stéphane Wieser, indique de son côté avoir été « vigilant ». « On a toléré, les unes et les autres, beaucoup trop de choses », regrette aujourd’hui Stéphanie Nicot, en évoquant le « sexisme systémique » qui règne aussi dans l’édition. « On se demande tous si on aurait dû réagir plus tôt. »
      « Parler avec des jeunes auteures ravissantes fait partie de mon boulot »

      Jeanne* a participé au speed dating en 2019. Son premier échange avec Stéphane Marsan aurait duré une dizaine de minutes, juste le temps de « pitcher » son premier roman encore au stade du manuscrit. Il aurait alors dit qu’elle était « jolie ». Jeanne raconte avoir accepté sa proposition de se voir à Paris pour un déjeuner, malgré un comportement qu’elle juge « un peu paternaliste ». Le rendez-vous est fixé quelques jours plus tard. Et Jeanne tombe de haut. Selon son récit, il lui aurait alors parlé de sa vie sentimentale et de ses préférences amoureuses. « Il disait aussi aimer les femmes intelligentes, avec de l’éloquence, et il a ajouté : “Comme vous.” »

      Selon son témoignage, l’éditeur aurait demandé à Jeanne si elle avait un petit ami, glissé dans la conversation qu’il n’habitait pas très loin. Au cours de ce déjeuner, elle se souvient qu’il l’avait appelée « Cendrillon » lorsqu’elle lui avait expliqué devoir s’éclipser. Dans un échange de messages Facebook du 19 juin 2019, que Mediapart a pu consulter, il l’affuble du sobriquet « Souris Intelligente ». Sur un ton professionnel, elle lui indique vouloir « négocier le sobriquet ». Réponse de Stéphane Marsan : « Encore des conditions ! »

      Au deuxième déjeuner, « même ton de badinage, de flirt ». « J’avais tellement l’impression de rencontrer un date Tinder [une application de rencontres – ndlr] que j’ai essayé de remettre notre différence d’âge au centre de la discussion, explique-t-elle. Il parlait de la relation éditeur-auteur, il disait que c’était une relation très intime, qu’on allait partager des trains, des hôtels… » D’après elle, cela n’empêche pas Stéphane Marsan d’adopter un ton très professionnel quand il s’agit de parler du manuscrit. Tout en mêlant les registres. Ainsi, au détour d’un commentaire argumenté et élogieux sur son livre, il lui glisse dans un courriel envoyé le 24 juillet 2019, à 23 h 40 : « “Putain, elle est forte !” m’exclamai-je dedans mon lit. »

      Jeanne est alors en discussion avec d’autres maisons d’édition, plus généralistes. Mais Stéphane Marsan veut la publier. Un dernier rendez-vous est organisé au siège de Bragelonne. « On était restés tard. Il était environ 19 h 30, tout le monde était parti. Je ne me sentais pas très à l’aise, rapporte-t-elle. Il était pressant pour que je signe le contrat. Il m’a dit : “Je devrais vous obliger à signer ici et maintenant. Mais je ne le ferai pas parce que je souhaite bien me comporter avec vous.” »

      En sortant de ce rendez-vous, le 14 août 2019, à 20 h 32, la jeune femme reçoit un SMS de celui qu’elle vient de quitter. Elle y lit trois phrases qui lui suffisent à tomber d’encore plus haut : « Vu miss nibs [seins – ndlr]. Haut blanc transparent sur un sous tif en dentelles. Ah ça pour négocier un contrat elle sait faire ! :) » Stéphane Marsan s’est manifestement trompé de destinataire. Il s’en excuse dans la foulée en lui envoyant plusieurs messages, dans lesquels il parle d’une « blague potache » et assure que « c’était évidemment ironique », mais il est trop tard.

      Jeanne se méfie et après quelques recherches sur Internet, elle trouve sur Facebook une photo où l’on voit l’éditeur discuter avec une femme. En commentaire, il a écrit : « Parler avec des jeunes auteures ravissantes fait partie de mon boulot et j’essaie d’être consciencieux… » L’autrice a finalement publié son manuscrit ailleurs.

      C’est aussi autour d’un speed dating des Imaginales que Betty Piccioli, secrétaire générale de la Ligue des auteurs professionnels, a rencontré Stéphane Marsan en 2015. Leur premier contact « reste très cordial ». L’éditeur retoque son projet d’écriture. Un an plus tard, au même festival, elle retente sa chance en allant l’aborder directement. Selon son témoignage, Betty Piccioli demande au patron de Bragelonne s’il se souvient d’elle, ce à quoi il aurait répondu : « Comment aurais-je pu oublier vos yeux ? »

      Gênée par cette remarque et avec le soleil tapant, la jeune femme affirme avoir mis ses lunettes de soleil. « À ce moment-là, il fixe avec insistance mon décolleté », rapporte-t-elle. « La gêne pour moi était vraiment forte, poursuit l’autrice. Dans ma tête, j’ai pensé : soit je me lève en lui foutant une claque, soit je ne dis rien et je pitche mon roman. J’ai choisi la seconde option parce que face à moi, j’avais l’éditeur de fantasy le plus inaccessible de toute la profession. »

      Le premier roman de Betty Piccioli est finalement publié en août 2018 chez Castelmore, la filiale jeunesse de Bragelonne, au terme de nombreuses « difficultés » – « contrat signé avec retard, changement d’éditrice… ». Un mois après la parution du livre, et malgré ses relances auprès du service comptabilité qui invoque des « problèmes de trésorerie » par courriel, l’autrice n’a toujours pas perçu la deuxième partie de son à-valoir – 1 000 euros brut. Elle décide de profiter du mouvement #PayeTonAuteur, qui dénonce les abus des maisons d’édition.

      Son témoignage arrive aux oreilles de Stéphane Marsan, qui la contacte immédiatement. Sur Facebook, il lui envoie plusieurs messages privés, dans lesquels il tente longuement de justifier ce retard de paiement, en lui expliquant le fonctionnement de Bragelonne et « les aléas du marché ». Au milieu, il glisse une phrase qui inquiète Betty Piccioli : « Je connais bien la profession, et d’autres éditeurs peuvent désormais considérer que tu es une chieuse et penser que s’ils te proposent un contrat, ils se feront allumer sur insta [Instagram – ndlr] un jour ou l’autre, parce que un jour ou l’autre, tout le monde a un accident, tout le monde fait une connerie, et alors ils n’auront pas envie de prendre ce risque. »

      Dès lors, Betty Piccioli s’est sentie « blacklistée par les équipes Bragelonne ». Ses doutes sur le comportement de Stéphane Marsan sont renforcés quelques mois plus tard. En janvier 2020, alors que l’affaire Gabriel Matzneff secoue l’édition française et questionne plus largement cette industrie dans son rapport aux femmes, l’autrice poste « un appel à témoignages sur Twitter » – effacé depuis –, sans citer nommément Stéphane Marsan. « Ça a été l’emballement », affirme-t-elle, en expliquant qu’à la suite de ce post, plusieurs personnes l’ont contactée, par messagerie privée, persuadées d’emblée qu’il s’agissait du patron de Bragelonne.

      C’est à ce moment-là qu’une enquête de France Info paraît : nous sommes en février 2020, et il est question d’un « poids lourd de l’édition dans la littérature de l’imaginaire ». Une personnalité « dont vous connaissez TOUS l’identité », avait à l’époque commenté Betty Piccioli, sur Twitter. Une personnalité qui avait été explicitement désignée sur un blog américain deux ans plus tôt.

      Les gens du milieu reconnaissent Stéphane Marsan derrière le témoignage de cette agente littéraire évoquant des « regards appuyés au point de [la] mettre mal à l’aise » lors d’une réunion de travail, et « en partant, un bras qui s’attarde un peu trop sur le sien, presque comme une caresse ». Comme ils nous l’ont rapporté par la suite, plusieurs d’entre eux avaient déjà entendu parler de cette autrice indiquant que l’éditeur lui avait « arraché » son tee-shirt pendant une soirée professionnelle. Et qui l’accusait d’avoir entravé sa carrière, après qu’elle lui avait reproché son comportement « abject ».

      Mediapart a vérifié l’existence de ces témoignages. C’est parce qu’ils ont été livrés de façon anonyme, sans que le nom de Stéphane Marsan ne soit jamais révélé, que d’autres femmes, mais aussi des hommes, ont voulu prendre la parole. Pour qu’il cesse d’« abuser de son pouvoir », selon l’expression de Betty Piccioli. « Il faut que ça se sache », estime Violaine. « Le milieu est tellement précaire que se faire blacklister par un leader économique et communicationnel comme Stéphane Marsan est la dernière chose dont on a envie », conclut Nabil Ouali. Celles qui ont franchi le pas ont d’ailleurs toutes fait part de « la peur » qui les a saisies au moment de le faire.

      D’autres ont déjà contacté le compte Instagram @balancetonediteur, animé depuis le 5 avril, par des personnes ayant travaillé ou travaillant encore dans le milieu de l’édition. « Au fil de nos années d’expérience dans ce milieu, nous avons subi ou été témoins de nombreux comportements déplacés, discriminants ou humiliants », raconte le collectif, qui souhaite susciter « une prise de conscience ». En quelques semaines, il aurait déjà recueilli plusieurs témoignages visant Stéphane Marsan.

      https://www.mediapart.fr/journal/france/210421/metoo-le-patron-d-une-maison-d-edition-mis-en-cause?onglet=full

  • The report of the Commission on Race and Ethnic Disparities

    The Commission’s report sets out a new, positive agenda for change. It balances the needs of individuals, communities and society, maximising opportunities and ensuring fairness for all.

    The Commission has considered detailed quantitative data and qualitative evidence to understand why disparities exist, what works and what does not. It has commissioned new research and invited submissions from across the UK.

    Its work and recommendations will improve the quality of data and evidence about the types of barriers faced by people from different backgrounds. This will help to inform actions and drive effective and lasting change.

    https://www.gov.uk/government/publications/the-report-of-the-commission-on-race-and-ethnic-disparities

    #rapport #UK #Angleterre #racisme #discriminations #inégalités
    #Commission_on_Race_and_Ethnic_Disparities (#CRED)

    pour télécharger le rapport :
    https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/974507/20210331_-_CRED_Report_-_FINAL_-_Web_Accessible.pdf

    • Downing Street rewrote ‘independent’ report on race, experts claim

      Commissioners allege No 10 distorted their work on inequality, after conclusions played down institutional racism.

      Officials at Downing Street have been accused of rewriting much of its controversial report into racial and ethnic disparities, despite appointing an independent commission to conduct an honest investigation into inequality in the UK.

      The Observer has been told that significant sections of the report published on 31 March, which were criticised and debunked by health professionals, academics, business chiefs and crime experts, were not written by the 12 commissioners who were appointed last July.

      The 258-page document was not made available to be read in full or signed off by the group, which included scientist and BBC broadcaster Maggie Aderin-Pocock and Samir Shah, former chair of the Runnymede Trust, nor were they made aware of its 24 final recommendations. Instead, the finished report, it is alleged, was produced by No 10.

      Kunle Olulode, an anti-racism activist and director of the charity Voice4Change, is the first commissioner to condemn the government publicly for its lack of transparency. In a statement to the Observer, Olulode’s charity was scathing of the way evidence was cherrypicked, distorted and denied in the final document.

      “The report does not give enough to show its understanding of institutional or structural discrimination … evidence in sections, that assertive conclusions are based on, is selective,” it said. “The report gives no clear direction on what expectations of the role of public institutions and political leadership should be in tackling race and ethnic disparities. What is the role of the state in this?”

      One commissioner, who spoke out on condition of anonymity, accused the government of “bending” the work of its commission to fit “a more palatable” political narrative and denying the working group the autonomy it was promised.

      “We did not read Tony’s [Sewell] foreword,” they claimed. “We did not deny institutional racism or play that down as the final document did. The idea that this report was all our own work is full of holes. You can see that in the inconsistency of the ideas and data it presents and the conclusions it makes. That end product is the work of very different views.”

      The commissioner revealed that they had been privy only to the section of the report they were assigned, and that it had soon become apparent the exercise was not being taken sufficiently seriously by No 10.

      “Something of this magnitude takes proper time – we were only given five months to do this work, on a voluntary basis,” they said. In contrast to the landmark 1999 #Macpherson_report (https://www.theguardian.com/uk-news/2019/feb/22/macpherson-report-what-was-it-and-what-impact-did-it-have), an inquiry into the death of #Stephen_Lawrence, or the 2017 #Lammy_Review, both of which took 18 months to conclude, the report by the Commission on Race and Ethnic Disparities (Cred) was not peer reviewed and was published just seven months after the group first met on a videocall.

      The group, led by Sewell, was set up by #Samuel_Kasumu, No 10’s most senior black special adviser, who resigned from his post on the day the report was published, aghast at its final findings. Accusations that #Munira_Mirza, director of No 10’s policy unit, was heavily involved in steering the direction of the supposedly independent report were not directly addressed by a No 10 spokesperson, who said: “I would reiterate the report is independent and that the government is committed to tackling inequality.”

      A source involved in the commission told the Observer that “basic fundamentals in putting a document like this together were ignored. When you’re producing something so historic, you have to avoid unnecessary controversy, you don’t court it like this report did. And the comms was just shocking.”

      While the prime minister sought to distance himself from the criticism a day after its publication, unusually it was his office rather than the Cred secretariat which initially released the report to the press.

      A spokesperson for the race commission said: “We reject these allegations. They are deliberately seeking to divert attention from the recommendations made in the report.

      “The commission’s view is that, if implemented, these 24 recommendations can change for the better the lives of millions across the UK, whatever their ethnic or social background. That is the goal they continue to remain focused on.”

      https://www.theguardian.com/uk-news/2021/apr/11/downing-street-rewrote-independent-report-on-race-experts-claim

      #récriture #modification #indépendance #contreverse

    • voir aussi les critiques dans la page wiki dédiée au rapport :
      Reactions

      Political:

      Sir Keir Starmer, leader of the Labour Party, said that he was “disappointed” by the Commission’s report.[10][11]

      Isabelle Parasram, vice president of the Liberal Democrats, issued a statement that the Commission had “missed the opportunity to make a clear, bold statement on the state of race equality in this country”. Parasram said that the “evidence and impact of racism in the UK is overwhelming” and that “whilst some of recommendations made in the report are helpful, they fall far short of what could have been achieved”.[12]

      The Green Party of England and Wales issued a statement condemning the summary of the report as “a deliberate attempt to whitewash institutional racism” and that “Institutional racism in the UK does exist”.[13]

      Other:

      David Goodhart welcomed the report as “a game-changer for how Britain talks about race”.[14]

      Rose Hudson-Wilkin, the Bishop of Dover, described the report as “deeply disturbing”; she said the “lived experience” of the people “tells a different story to that being shared by this report”.[15]

      The historian David Olusoga accused the report’s authors of appearing to prefer “history to be swept under the carpet”.[16]

      A Guardian editorial quoted Boris Johnson’s intent to “change the narrative so we stop the sense of victimisation and discrimination”[17] when setting up the commission, and as evidence of the reality of racial inequality listed five recent government reports on different aspects:[18]

      - the criminal justice system (the David Lammy review of 2017[19][20]);
      - schools, courts, and the workplace (the Theresa May race audit of 2017[21]);
      - pay (the Ruby McGregor-Smith review of 2017[22][23]);
      - deaths in police custody (the Elish Angiolini report of 2017[24]);
      - the Windrush scandal (the Wendy Williams review of 2020[25][26]).

      https://en.wikipedia.org/wiki/Commission_on_Race_and_Ethnic_Disparities

  • Projet de #loi sur les #principes_républicains : le niveau des eaux continue de monter

    Il se passe quelque chose d’assez étrange en ce moment : si de nombreux·ses collègues et de nombreuses institutions se sont résolument élevé·es contre les attaques en « #islamo-gauchisme » et autres « #militantismes » lancées de toutes parts dans le sillage de #Frédérique_Vidal, les dispositions concernant les #universités qui ont été introduites dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République ne semblent, en revanche, pas émouvoir grand monde.

    Pourtant, nous avons désormais dépassé le seul stade des paroles odieuses sur les plateaux de télévision : le parlement travaille en ce moment à les transformer en #obligations et #interdictions concrètes.

    Peut-être cet intérêt tout relatif de la communauté universitaire s’explique-t-il par le fait que ce sont les étudiant·es qui se trouvent le plus frontalement visé·es. Peut-être est-ce aussi l’effet d’une grande fatigue : le caractère ininterrompu des #attaques contre l’ESR fait qu’il est de moins en moins pertinent de parler de « vagues » réactionnaires, alors qu’il s’agit, en réalité, d’une implacable et continue montée des eaux aux émanations pestilentielles.

    Double discours de la #CPU

    Rien, pas une réaction de la #conférence_des_présidents_d’université (CPU), par exemple, à la suite des deux nouveaux articles introduits le 18 mars 2021 dans le projet de loi confortant le respect des principes de la République, alors que c’est le versant étudiant des #franchises_universitaires qui se trouve remis en question par le parlement, comme nous l’avons déjà expliqué.

    Pire même, le président de la CPU, #Manuel_Tunon_de_Lara a fait le choix de mettre encore un peu d’huile sur le feu : le 16 mars dernier, il a écrit à tou·tes les membres de la commission des lois et membres de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat – dans une lettre qu’Academia s’est procurée, mais que la CPU s’est bien gardée de rendre publique – pour alimenter la grande peur panique en cours :

    « La vraie #menace [écrit Manuel Tunon de Lara] réside dans le risque d’#intrusion des #religions et d’#idéologies diverses dans la #science, le contenu des #enseignements ou des champs de #recherche, au mépris de la #liberté de chaque enseignant d’exprimer sa pensée et de la #liberté des étudiantes et étudiants inscrits d’assister aux enseignements dispensés, et en violation des franchises universitaires ».

    Il apparaît que c’est un véritable double discours que tient la CPU, quand on sait que deux jours plus tard, elle twittait publiquement toute autre chose de sa rencontre avec le président du Sénat, #Gérard_Larcher :

    https://twitter.com/CPUniversite/status/1372593687000125440

    https://twitter.com/mtunondelara/status/1374734620533608452

    Très introduit, le président Tunon de Lara n’hésite jamais à utiliser ses rencontres parlementaires pour sa communication personnelle1. Au vu des éléments dont nous disposons et du ciblage dont les étudiant·es font l’objet, tant d’un point de vue social que politique, on peu s’intérroger sur ce que prépare réellement la CPU à leur endroit.

    Que le nouvel #article_24 sexies du projet de loi confortant le respect des principes de la République subordonne la mise à disposition de locaux aux étudiant·es à la signature d’un « #contrat_d’engagement_républicain » – dont, pourtant, la Commission nationale consultative des droits de l’homme vient solennellement de demander l’abandon – cela ne pose aucun problème à la CPU. Faire des communiqués grandiloquents contre la ministre, elle sait faire. Défendre concrètement les libertés étudiantes – l’un des grands acquis de la #loi_Faure de 1968 – en revanche, elle s’en garde bien. Peut-être même est-elle directement à l’origine de l’autre article du projet de loi qui concerne les étudiant·es, l’#article_24_septies qui, lui, élargit de manière considérable les possibilités, pour les présidences d’établissement, de limiter la #liberté_de_réunion et la #liberté_d’expression des étudiant·es chaque fois qu’elles estiment être en présence d’ « actions de #propagande » et de « #troubles » au « bon fonctionnement du #service_public », comme Academia l’a déjà expliqué.

    Nouvelle vague d’#amendements au Sénat

    Il est désormais presque certain que ces deux articles seront adoptés lors de l’examen en hémicycle du projet de loi par le Sénat, qui commence demain, mardi 30 mars 2021, à 14h30 au Sénat et durera jusqu’au 8 avril.

    Pour cet examen en hémicycle, d’autres amendements ont en outre été déposés ces tout derniers jours. Ces amendements ont une chance moindre d’être adoptés, mais il nous paraît important de les signaler pour rappeler à quel point, au Parlement, les universités sont désormais visées de manière quasi ininterrompue.

    1° Bien sûr, comme plusieurs fois déjà ces trois derniers mois, des élus Républicains sont remontés au front pour faire interdire le port du #voile dans les établissements d’enseignement supérieur. C’est le cas de l’amendement n° 379 du sénateur #Henri_Leroy ou de l’amendement n° 35 du sénateur #Bascher – qui entend d’ailleurs interdire tous

    signes, tenues ou actes qui constitueraient des actes de pression, de provocation, de #prosélytisme ou de propagande, perturberaient le déroulement des activités d’enseignement de recherche ou troubleraient le fonctionnement normal du service public ».

    On signalera tout particulièrement l’amendement n° 487 du sénateur des Bouches-du-Rhône #Stéphane_Ravier, qui recourt allègrement au vocabulaire de l’#extrême_droite pour parler des « #racistes_anti-blancs de l’UNEF«  :

    À l’Université, des professeurs sont empêchés de citer des auteurs ou d’aborder certains thèmes sous la pression de groupes d’élèves. Le rôle des syndicats d’étudiants, les racistes anti-blancs de l’UNEF en tête, qui organisent ou participent à des évènements de ségrégation et de division, n’y est pas pour rien. Il convient donc de rétablir l’enseignement public dans sa vocation de #neutralité, de #laïcité et d’#universalité en interdisant les avancées communautaires, via le port de tenues ou de #signes_religieux ostensibles, au premier rang desquels le #voile_islamique est le plus conquérant.

    2° À côté de ces amendements sur les signes religieux, on trouve plusieurs offensives directement dirigées contre les associations étudiantes que le code de l’éducation désignent comme représentatives et qui, à ce titre, siègent au CNESER. Par un amendement n° 81, vingt-cinq sénateurs et sénatrices de droite se sont en particulier allié·s pour proposer que l’on inscrive dans la loi que ces associations « sont soumises au respect strict de l’ensemble des #valeurs de la République et de la laïcité ». Le retour, donc, des fameuses « valeurs de la République« , dans lesquelles on pourra tout mettre à l’avenir et qui avaient tant agité les #facs en novembre dernier lorsqu’elles avaient surgi dans la loi de programmation de la recherche…

    Le sénateur #Max_Brisson, par ailleurs inspecteur général de l’éducation nationale et plutôt mesuré jusqu’ici dès qu’il s’agissait d’ESR, fait mieux encore : dans un amendement n° 235, il propose rien moins que :

    « Ne peuvent participer aux élections d’associations représentatives d’étudiants les listes dont un ou plusieurs candidats ont tenu dans des lieux publics, par quelque moyen que ce soit, y compris écrit, des propos contraires aux principes de la #souveraineté_nationale, de la #démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d’une section du peuple fondées sur l’#origine_ethnique ou l’#appartenance_religieuse. »

    3° Quant aux sénateurs et sénatrices socialistes, ils et elles ne veulent visiblement pas être en reste, proposant de subordonner le droit à la mise à disposition de locaux dont disposent les étudiant·es au titre des franchises universitaires depuis 1968 à la signature non d’un « #contrat_d’engagement_républicain » comme le prévoit le nouveau #article_24_sexies, mais, grande différence, à une « #charte_d’engagements_réciproques » par laquelle ces étudiant·es s’engageraient à « promouvoir et à faire respecter toutes les valeurs de la République » (amendement n° 109). « Contrat d’engagement républicain » ou « charte d’engagements réciproques », il existe sans doute des différences, mais le problème de principe demeure : voilà donc que l’exercice même d’une liberté – la liberté de réunion des étudiant·es qui est particulièrement protégée sur les campus grâce au versant étudiant des franchises universitaires – se trouvera subordonné à la signature d’un contrat imposant des obligations dont le contenu est, n’en doutons pas, appelé à augmenter tendanciellement.

    C’est bien le niveau des eaux pestilentielles qui monte.

    Encore et encore.

    https://academia.hypotheses.org/32007

  • QUETIGNY : Visioconférence avec Stéphane Bortzmeyer à propos des droits fondamentaux sur Internet - Infos Dijon
    https://www.infos-dijon.com/news/sortir-voir-ecouter-decouvrir/sortir-voir-ecouter-decouvrir/quetigny-visioconference-avec-stephane-bortzmeyer-a-propos-des-droits-f

    Dans le cadre de la Fête du libre, la bibliothèque municipale de Quetigny s’associe à l’association Coagul, faisant la promotion des logiciels libres. Le vendredi 19 mars est proposé un échange avec Stéphane Bortzmeyer, ingénieur en réseaux informatiques.
    A l’occasion de la fête du libre, la Bibliothèque de Quetigny et l’Association Coagul ont souhaité inviter Stéphane Bortzmeyer, ingénieur en réseau informatique et auteur du livre « Cyberstructure » dans lequel il montre les relations subtiles entre les décisions techniques concernant l’Internet et la réalisation - ou au contraire la mise en danger - des droits fondamentaux.

    La conférence aura lieu en visio et les questions pourront être posées par « chat ». Ce sera vendredi 19 mars, à 20h. Le lien sera disponible sur le site de la bibliothèque municipale de Quetigny et sur le site coagul.org.

    Le lendemain, samedi 20 mars, la journée sera consacrée à la découverte du logiciel libre, à la Bibliothèque (sur inscription au 03 80 46 29 29) ou en visio. Le programme est disponible sur le site de Coagul : http://coagul.org/drupal/evenement/fete-logiciel-...

    Rencontre en visioconférence avec Stéphane Bortzmeyer

    Autour de son ouvrage « Cyberstructure » (C & F éditions)

    Vendredi 19 mars à partir de 20h

    « Une grande partie des activités humaines se déroule aujourd’hui sur l’Internet. On y fait des affaires, de la politique, on y bavarde, on travaille, on s’y distrait, on drague... L’Internet n’est donc pas un outil qu’on utilise, c’est un espace où se déroulent nos activités. »

    Stéphane Bortzmeyer est ingénieur en réseaux informatiques. Il travaille à l’AFNIC (registre des noms de domaine en .fr) sur l’infrastructure de l’Internet, notamment le DNS (Domain Name System). Le reste du temps, il tient un blog.

    https://www.bortzmeyer.org

    https://cyberstructure.fr

    La rencontre sera diffusée en direct sur Peertube, plateforme vidéo libre et décentralisée à l’adresse suivante https://lstu.fr/rencontre19mars

    Discutez et posez vos questions à Stéphane Bortzmeyer sur le live chat : https://webchat.freenode.net/#rencontre19mars

    #Stéphane_Bortzmeyer #Cyberstructure

  • Ma réponse aux « analyses » de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel
    https://blogs.mediapart.fr/mohamed-belkacemi/blog/220221/ma-reponse-aux-analyses-de-stephane-beaud-et-gerard-noiriel

    Dans « Race et sciences sociales : Essai sur les usages publics d’une catégorie », Stéphane Beaud et Gérard Noiriel analysent mon parcours, mes motivations et mes actions. Des propos y sont erronés et la démarche y est critiquable. Le texte réactive des souffrances qu’avec mes proches nous aimerions dépasser. Source : Le blog de Mohamed Belkacemi

    • La réalité, est que j’étais attaché à ce que les choses changent de l’intérieur au sein du football français. Ma vie s’est transformée après ces révélations, ma famille a souffert de cette affaire qui n’a jamais servi mes intérêts. Tous les auteurs de propos racistes sont restés en place à la FFF alors que j’ai été mis à l’écart.

      Affaire des quotas dans le foot : un aveuglement durable
      https://justpaste.it/79uif

      Dans un ouvrage co-signé avec l’historien Gérard Noiriel, le sociologue Stéphane Beaud cherche à démonter l’affaire des quotas dans le football français, révélée en 2011 par Mediapart, qui ne relèverait selon lui que du « buzz racial ». Au mépris des faits.

    • Mohamed Belkacemi est celui qui avait en fait balancé les enregistrements à Mediapart au début de l’histoire et quand on lit l’article, on comprend qu’il l’a fait parce que si tu n’es pas un gros raciste, tu ne peux pas faire autrement.
      https://justpaste.it/4x3p7

      Parler de « buzz racial », c’est juste révéler qu’on est dans le camp de zemmour.

      Noiriel, je finis son bouquin sur la réthorique de zemmour, donc, je ne comprends pas ce qu’il vient foutre là-dedans. Soit c’est Beaud qui l’a entortillé pour l’embarquer das cette merde, soit le gus — un peu comme un virologue de labo qui aurait un trou dans sa combi — a fini par se faire contaminer.
      Ce qui n’est pas improbable  : depuis un an, je perds pas mal de potes et le covid n’a même pas besoin de les tuer.

    • Et ça enchaine… C’est dingue comme on dirait qu’à peu près tout est faux dans leur livre, basé sur rien… Ils parlent de plusieurs affaires, de plusieurs personnes, et à chaque fois chaque acteur en question réagit et tout est démenti avec des preuves (enregistrement, travail journalistique fouillé), et leurs commentaires du livre sont en fait juste le fruit de leurs fantasmes… Ils ont écrit leur livre uniquement basé sur BFM et Paris Match ou quoi ?

  • La fabrique de l’ignorance

    https://www.arte.tv/fr/videos/091148-000-A/la-fabrique-de-l-ignorance

    Disponible du 16/02/2021 au 23/04/2021

    Comment, des ravages du tabac au déni du changement climatique, on instrumentalise la science pour démentir... la science. Une vertigineuse investigation dans les trous noirs de la recherche et de l’information.

    Pourquoi a-t-il fallu des décennies pour admettre officiellement que le tabac était dangereux pour la santé ? Comment expliquer qu’une part importante de la population croie toujours que les activités humaines sont sans conséquence sur le changement climatique ? Les #pesticides #néonicotinoïdes sont-ils vraiment responsables de la surmortalité des #abeilles ? Pourquoi la reconnaissance du #bisphénol_A comme perturbateur endocrinien n’a-t-elle motivé que de timides interdictions ? Au travers de ces « cas d’école » qui, des laboratoires aux réseaux sociaux, résultent tous de batailles planifiées à coups de millions de dollars et d’euros, cette enquête à cheval entre l’#Europe et les #États-Unis dévoile les contours d’une offensive méconnue, pourtant lancée dès les années 1950, quand la recherche révèle que le #tabac constitue un facteur de cancer et d’accidents cardiovasculaires. Pour contrer une vérité dérangeante, car susceptible d’entraîner une réglementation accrue au prix de lourdes pertes financières, l’industrie imagine alors en secret une forme particulière de désinformation, qui se généralise aujourd’hui : susciter, en finançant, entre autres, abondamment des études scientifiques concurrentes, un épais nuage de doute qui alimente les controverses et égare les opinions publiques.

    #Agnotologie

    Cette instrumentalisation de la science à des fins #mensongères a généré une nouvelle discipline de la recherche : l’agnotologie, littéralement, #science de la « production d’ignorance ». Outre quelques-uns de ses représentants reconnus, dont l’historienne américaine des sciences Naomi Oreskes, cette investigation donne la parole à des acteurs de premier plan du combat entre « bonne » et « mauvaise » science, dont les passionnants « découvreurs » des méfaits du bisphénol A. Elle expose ainsi les mécanismes cachés qui contribuent à retarder, parfois de plusieurs décennies, des décisions vitales, comme le trucage des protocoles, voire la fabrication ad hoc de rats transgéniques pour garantir les résultats souhaités. Elle explique enfin, au plus près de la recherche, pourquoi nos sociétés dites « de l’information » s’accommodent si bien de l’inertie collective qui, dans le doute, favorise le business as usual et la consommation sans frein.

    Réalisation :
    Franck Cuvelier
    Pascal Vasselin

    Pays :
    France
    Année :
    2020

  • Ne pas voir la race par André Gunthert
    http://imagesociale.fr/9471

    La discussion est vive sur le dernier ouvrage du sociologue Stéphane Beaud et de l’historien Gérard Noiriel, Race et sciences sociales, paru aux éditions Agone. Je ne suis pas spécialiste du sujet, et je n’ai pas encore lu le livre – on peut donc considérer comme tout à fait superflu l’expression d’un avis si peu autorisé. Oui mais voilà, en relisant par hasard ma propre réaction à la sortie du film Avatar et ses commentaires, en décembre 2009, quelle n’est pas ma surprise de me voir défendre une position à la Beaud et Noiriel, autrement dit « aveugle à la race » (colorblind).

    C’est donc d’abord à une autocritique que je me livrerai ici. Cette introspection n’est pas désintéressée : la conversation qui a accueilli un billet que j’ai consacré à la réception d’un dessin de Xavier Gorce a illustré une nouvelle fois un problème rencontré dès l’ouverture de ce blog (« Ne pas voir le sexisme », 21/11/2014), soit les limites de l’argumentation rationnelle dans le cas où deux visions s’opposent.

    A plus de dix ans d’écart, ma vision d’Avatar me paraît aujourd’hui caractéristique de la colorblindness – qui est aussi un trait essentiel d’un film qui repeint en bleu des Aliens manifestement inspirés de la légende amérindienne. Comme l’explique alors la journaliste Annalee Newitz : « C’est un fantasme sur les races raconté du point de vue de personnes de race blanche »...

    • Race et sciences sociales. Essai sur les usages publics d’une #catégorie
      https://api.agone.org/img/470/470/resize/media/original_images/Agone_Epreuves_Race_Com.jpg

      Pour les marxistes, les ouvriers qui manquaient de « conscience de classe » étaient aliénés, victimes de l’idéologie dominante. Grâce aux intellectuels qui disposaient de la bonne théorie révolutionnaire, ils retrouveraient leur véritable identité. À l’opposé, Bourdieu défend l’idée que c’est en respectant l’autonomie de la science que le sociologue peut échapper aux travers de l’intellectuel engagé et la sociologie jouer un rôle utile dans la cité. Car produire des connaissances sur les acteurs du monde social, ce n’est pas parler à leur place, ni leur dire comment se comporter. Là où règnent les injustices, les inégalités et les discriminations, c’est avant tout à mettre en lumière ces vérités que la science sociale doit s’attacher.

      La « #question_raciale » occupe désormais la place publique. Les auteurs de ce livre ont voulu sortir de l’agenda médiatique et politique et mettre le débat sur le terrain de l’autonomie des sciences sociales. Ils reviennent sur l’histoire des enjeux politiques et savants qui se sont noués au xixe siècle autour de la notion de race, pour éclairer les débats actuels et les inscrire dans la continuité de la science sociale telle que la concevaient Durkheim, Weber et Bourdieu. Pour ne pas s’en tenir à des visions trop générales ou théoriques, ils proposent aussi l’analyse d’un « scandale racial » particulier, celui des « quotas » dans le football.

      https://agone.org/livres/9782748904505/raceetsciencessociales
      #livre #race #races #sciences_sociales #Stéphane_Beaud #Gérard_Noiriel

  • À propos d’un texte de S. Beaud et G. Noiriel : critique des impasses ou impasses d’une critique ? | Henri Maler et Ugo Palheta
    http://www.contretemps.eu/beaud-noiriel-race-classe-identite-gauche

    Un article de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel publié par Le Monde diplomatique de janvier 2020 sous le titre « Impasses des politiques identitaires » a suscité d’intenses controverses et des appropriations intéressées, notamment de la part de médias (Marianne), d’idéologues (par exemple Laurent Bouvet) ou de collectifs (le Printemps républicain) qui se sont spécialisés depuis longtemps dans la disqualification des mouvements antiracistes au nom de la « République » et de sa sauvegarde. Source : Contretemps

    • Quelle est, présentée avec nuance, l’idée directrice de ce texte ? Que les revendications de minorités et des mouvements prétendant en défendre les intérêts (revendications et mouvements hâtivement qualifiés d’« identitaires ») menacent d’enfermer les acteurs qui les défendent, en les rendant prisonniers de prétendues « politiques identitaires », jamais définies en tant que telles et réduites à un dénominateur commun imaginaire.

      Amalgames

      1. Quels sont les acteurs des « politiques » mises en cause ? Faute de les distinguer, l’article amalgame des chercheurs et universitaires (auxquels est réservé le titre d’« intellectuels »[2]), des organisations et mouvements (jamais clairement identifiés alors qu’ils sont très divers[3]), ou encore des mobilisations et des actions (dont ne sont retenus que des « coups de forces ultraminoritaires »[4]). Cet amalgame permet de construire à peu de frais des « politiques identitaires » globalisées comme si elles prétendaient toutes à la définition de politiques globales et alors même que la quasi-totalité de celles et ceux qui sont (ou semblent) visés se réclament de l’égalité et non d’une quelconque « identité ».

      On voit d’ailleurs à quel point le pari de S. Beaud et G. Noiriel de se tenir sur un plan purement scientifique ne tient pas puisqu’ils reprennent, là encore sans discussion, une expression – « identitaire » – extrêmement problématique et qui n’est nullement issue du champ scientifique mais de polémiques médiatiques et politiques. Ainsi parlent-ils de « politiques identitaires », ou dans leur livre de « gauche identitaire » (p. 17), sans s’interroger sur la valeur scientifique d’une telle notion, qui tend à amalgamer des courants qui revendiquent la défense d’une « identité » européenne qu’ils jugent menacée (en l’occurrence des mouvements d’extrême droite, bien souvent néofascistes), d’autres qui utilisent la notion d’« identité » pour critiquer les assignations identitaires, et d’autres encore qui usent d’une rhétorique de l’« identité » dans une perspective de revalorisation symbolique de groupes subalternes. Peut-on véritablement se débarrasser de ces différences d’usages en se contentant d’affirmer que tous « parlent le même langage » ?

      #Stéphane_Beaud #Gérard_Noiriel #racisme

    • https://seenthis.net/messages/900413

      https://noiriel.wordpress.com

      Les extraits, récemment publiés dans le Monde Diplomatique, du livre Race et sciences sociales (Agone, 2021) que j’ai co-écrit avec Stéphane Beaud, ont suscité une avalanche de commentaires qui reproduisent exactement la même rhétorique. Les intellectuels de gouvernement tentent de nous récupérer en nous embarquant dans leur croisade contre les « islamo-gauchistes », ce qui constitue, aux yeux des intellectuels critiques, la preuve manifeste que nous avons rejoint le camp ennemi. Comme pourront le vérifier tous ceux qui auront le courage de lire cette prose souvent insultante, nous sommes à la fois disqualifiés en tant que chercheurs et accusés de « faire le jeu » des racistes en ne voyant que la classe sociale. Même si le titre qu’a choisi la rédaction du Monde Diplomatique (« Impasses des politiques identitaires ») a pu inciter une partie des lecteurs à penser que notre propos était politique, ce que je regrette pour ma part, il suffit de le lire sérieusement pour comprendre que notre but est justement d’échapper à ce genre de polémiques stériles.

      Nous reprocher d’occulter la race au profit de la classe, c’est se tromper complètement de combat, soit par ignorance, soit par intérêt. Nous montrons en effet dans cet ouvrage que les intellectuels critiques qui réifient aujourd’hui la race raisonnent exactement comme les intellectuels révolutionnaires des générations précédentes. qui réifiaient la classe (en l’occurrence le prolétariat). Dans son livre Ce que parler veut dire (Fayard, 1982, p. 218), Pierre Bourdieu avait déjà constaté que ces philosophes marxistes s’efforçaient de discréditer leurs concurrents en conjuguant les deux types d’arguments scientifiques et civiques que les intellectuels critiques nous opposent aujourd’hui. Il avait alors mis en cause la violence symbolique qui consistait à cumuler « deux principes de légitimation : l’autorité universitaire et l’autorité politique » pour échapper à la critique. A la même époque Michel Foucault avait, lui aussi, pris ses distances avec les intellectuels qui parlaient au nom du prolétariat en leur reprochant de confondre l’insulte et l’argumentation : « Si j’ouvre un livre où l’auteur taxe un adversaire de « gauchiste puéril », aussitôt je le referme. Ces manières de faire ne sont pas les miennes ; je n’appartiens pas au monde de ceux qui en usent. À cette différence, je tiens comme à une chose essentielle : il y va de toute une morale, celle qui concerne la recherche de la vérité et la relation à l’autre ».

    • https://seenthis.net/messages/896758

      Les intellectuels à l’heure des réseaux sociaux - 14 janvier 2021 - #Gérard_Noiriel

      Après avoir vaillamment combattu le « totalitarisme », ils [les « intellectuels de gouvernement »] sont aujourd’hui vent debout contre « l’islamisme ». Face à eux se dressent les « intellectuels critiques », qui sont les héritiers des « intellectuels révolutionnaires » de la grande époque du mouvement ouvrier. Certains d’entre eux prônent encore la lutte des classes, mais leur principal cheval de bataille aujourd’hui, c’est le combat contre le « racisme d’Etat » et « les #discriminations » ; les « racisé-e-s » ayant remplacé le #prolétariat.

      Ces deux pôles antagonistes peuvent s’affronter continuellement dans l’espace public parce qu’ils parlent le même langage. Les uns et les autres sont persuadés que leur statut d’#universitaire leur donne une légitimité pour intervenir sur tous les sujets qui font la une de l’actualité. Ils font comme s’il n’existait pas de séparation stricte entre le savant et le politique. Les intellectuels de gouvernement ne se posent même pas la question car ils sont convaincus que leur position sociale, et les diplômes qu’ils ont accumulés, leur fournissent une compétence spéciale pour traiter des affaires publiques. Quant aux intellectuels critiques, comme ils estiment que « tout est politique », ils se sentent autorisés à intervenir dans les polémiques d’actualité en mettant simplement en avant leur statut d’universitaire.

      Et fini par :

      Dans le même temps, pour donner un peu de crédibilité à leur entreprise, ils [les journalistes] sollicitent constamment des « experts », le plus souvent des universitaires, transformés en chasseurs de « fake news » , qui acceptent de jouer ce jeu pour en tirer quelques profits en terme de notoriété, de droits d’auteurs, etc.

  • BALLAST | Rachida Brahim : « Mettre en lumière les crimes racistes, c’est nettoyer nos maisons »
    https://www.revue-ballast.fr/rachida-brahim-mettre-en-lumiere-les-crimes-racistes-cest-nettoyer-nos

    Durant sept ans, #Rachida_Brahim, doc­teure en socio­lo­gie, a exa­mi­né 731 #crimes_racistes — des attaques ou des meurtres com­mis de 1970 à 1997, en France conti­nen­tale. Ce minu­tieux tra­vail d’en­quête est deve­nu un livre, La Race tue deux fois : il vient de paraître aux édi­tions Syllepse. La notion de « #classe » révèle l’ordre hié­rar­chique socio-éco­no­mique qui archi­tec­ture l’en­semble de la socié­té ; celle de « genre » met au jour les rap­ports sociaux à l’œuvre entre les sexes ; celle de « race » explique, en tant que construc­tion his­to­rique, les #inéga­li­tés, #dis­cri­mi­na­tions et pro­cé­dés déshu­ma­ni­sants qui frappent les groupes mino­ri­taires. Penser la façon dont les trois s’en­tre­lacent porte un nom bien connu dans les mondes mili­tants et aca­dé­miques : l’#in­ter­sec­tion­na­li­té — un nom que le ministre de l’Éducation natio­nale, Jean-Michel Blanquer, a, tout à son intel­li­gence, récem­ment assi­mi­lé aux « inté­rêts des isla­mistes ». Pour com­prendre l’his­toire des crimes racistes et l’im­pu­ni­té dont leurs auteurs conti­nuent de béné­fi­cier, Rachida Brahim est for­melle : il faut ques­tion­ner les logiques raciales propres à notre ordre social. Nous l’a­vons rencontrée.

    #racisme

    • Plein de choses intéressantes dans cet article, mais entre autres à rajouter au dossier sur les #statistiques sur les assassinats policiers, principalement en #France mais aussi dans d’autres pays :
      https://seenthis.net/messages/601177

      #Violence_policière #Violences_policières #brutalité_policière #Assassinats_policiers #racisme #racisme_d_Etat #justice #impunité
      –------------------------------
      Aussi sur le racisme à l’ #Université

      Cette mise en abyme, je l’ai vécue lors de ma soutenance de thèse : mon directeur de thèse et le président du jury m’ont expliqué que j’étais « hors-sujet ». D’après eux, le fait que je sois moi-même d’origine algérienne m’aurait empêchée de prendre de la distance avec le sujet. Car, si j’y étais parvenue, j’aurais compris que toute ces histoires de crimes n’étaient qu’une affaire de classe… Ce qu’on me demandait, en somme, c’était de nier les données d’archives, la parole des enquêtés et ma propre pensée pour demeurer, comme eux, aveugle à la race. Nous serions pourtant un certain nombre à être sincèrement ravis d’apprendre que c’en est vraiment fini de la race… Mais c’est intéressant, parce que ça confirme ce que Bourdieu, Passeron ou Foucault ont démontré il y a bien 50 ans maintenant, à savoir que l’Université, c’est l’École. Et c’est d’abord une institution étatique au même titre que la Police ou la Justice. Elle fait ce que l’État attend d’elle. Son but n’est pas de produire du savoir pour améliorer radicalement la société mais de maintenir une pensée dominante qui profite à l’ordre établi. Ce que l’Université évalue, ce n’est pas votre capacité à penser depuis votre propre densité mais votre capacité à vous soumettre.

      Puisqu’elle en parle, son directeur de thèse était #Laurent_Mucchielli et son jury de thèse en 2017 était composé de #Stéphane_Beaud (président du jury, qui refuse de croire au racisme et pense que ce ne sont que des histoires de classe...), #Françoise_Lorcerie, #Patrick_Simon, #Christian_Rinaudo, #Nacira_Guénif_Souilamas
      https://www.theses.fr/2017AIXM0163

      En France, entre les années 70 et fin 90, alors que la notion de crime raciste occupait fréquemment la sphère militante et médiatique, elle ne constituait pas une catégorie juridique dans la sphère judiciaire. La mésentente concernant le traitement des crimes racistes semble trouver son origine dans le fait que deux conceptions d’une même réalité ont pu coexister pendant une trentaine d’années : la réalité du groupe concerné par ces violences d’une part et celle émanant du droit étatique d’autre part. Alors que pour les premiers, le caractère raciste des violences ne faisait aucun doute, pour les parlementaires l’idée même d’un mobile raciste a régulièrement été rejetée. D’un point de vue législatif, il a fallu attendre l’année 2003 pour que la France adopte une loi permettant de prendre en compte l’intention raciste d’un crime. Depuis cette date, sous certaines conditions, le mobile raciste peut constituer une circonstance aggravante dans les infractions de type criminel. Cette thèse s’intéresse à ces deux vérités et aux circonstances qui ont déterminé leur existence. Elle vise notamment à interroger le rôle joué par le droit étatique dans la production et le maintien des catégories ethnoraciales par delà la politisation des violences qui en résultent. D’un point de vue empirique, l’enquête a consisté à confronter la parole des militants ayant dénoncé une double violence, celle provoquée par les agressions d’une part et celle induite par leur traitement pénal d’autre part, à un ensemble de sources archivistiques émanant des services du ministère de l’Intérieur et du Parlement. D’un point de vue théorique, les apports de la sociologie et de l’histoire de l’immigration ont été complétés en intégrant les réflexions des théories de l’ethnicité et de la Critical Race Theory. En définitive, cette recherche met en évidence le fait que l’universalisme républicain fait partie intégrante du processus de racialisation. En revenant sur les dispositions majeures de la politique d’immigration et sur la figure stigmatique de l’homme arabe, un premier axe s’intéresse à la manière dont le droit étatique a particularisé une catégorie d’individus en participant à la production des catégories ethnoraciales. Un deuxième axe vise à caractériser les crimes racistes qui ont été dénoncés entre les années 70 et fin 90. Un dernier axe enfin étudie la carrière juridique du mobile raciste durant cette même période. Il expose la manière dont la législation antiraciste a invisibilisé la question des crimes racistes et maintenu les catégories ethnoraciales en appliquant des règles universelles à des groupes qui ont auparavant été différenciés.

    • La race tue deux fois

      « De telles listes sont dressées depuis les années 1970. Compilées par plusieurs générations de militants, elles sont enfouies dans les caves des archives associatives et présentent toutes le même format, à la fois sec et funeste. On y trouve la date du crime, le nom de la victime, suivis d’une ou deux phrases laconiques. Elles frappent par leur rudesse, leur longueur et leur nombre. Poser une liste conduit inexorablement à en trouver une autre quelques jours plus tard. Ces listes expriment l’idée d’une #injustice. Elles dénoncent le racisme et l’#impunité du racisme. Elles pointent du doigt les crimes, mais également la grande majorité des #procès qui ont fini par des peines légères avec sursis ou des acquittements, quand ce n’est pas un non-lieu qui est venu clore l’affaire.

      Elles disent en substance que la #racialisation, autrement dit le fait de placer des personnes dans une catégorie raciale afin d’asseoir un #rapport_de_pouvoir et d’en tirer profit, tue deux fois. La première #violence touche à l’#intégrité_physique de la personne. La seconde violence a lieu à l’échelle institutionnelle. Elle est une conséquence du #traitement_pénal qui ignore la nature raciste des crimes jugés. »

      De la grande vague de violence de #1973 dans le sud de la #France aux #crimes_policiers des années 1990 en passant par les crimes racistes jalonnant les années 1980, cet ouvrage, issu d’une #base_de_données de plus de 700 cas, nous invite à prendre la mesure de cette histoire à l’heure où le #racisme_institutionnel et l’action de la #police continuent chaque année à être à l’origine de nombreux #morts.

      https://www.syllepse.net/la-race-tue-deux-fois-_r_65_i_821.html
      #livre #histoire

  • Les #steppes d’#Asie_centrale menacées par la #désertification | CNRS Le journal
    https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-steppes-dasie-centrale-menacees-par-la-desertification

    Des contreforts nord du plateau du Tibet au sud de la Sibérie, de l’ouest du Kazakhstan à l’est de la Mongolie, s’étend l’un des plus vastes #écosystèmes au monde : les steppes d’Asie centrale. À perte de vue, un océan herbacé accueille une riche #biodiversité : élans, gazelles, ours bruns, léopards ou tigres sibériens, entre autres espèces remarquables, y ont élu domicile.

    Pourtant, à cette vaste géographie il manquait l’histoire. L’#histoire_naturelle, s’entend. L’évolution de ces steppes au cours des âges géologiques restait mystérieuse car très peu étudiée. Une équipe franco-néerlandaise est venue pallier cette lacune. Elle vient de présenter, pour la première fois, une chronologie des grands événements climatiques et environnementaux (en anglais) survenus au cours des derniers 40 millions d’années. Cette histoire montre à quel point la steppe est fragile et vulnérable aux modifications du #climat [https://advances.sciencemag.org/content/6/41/eabb8227].

    Pour les chercheurs, ces steppes pourraient redevenir un désert hyper-aride. Déjà, la dégradation des écosystèmes est visible. Pour preuve, l’avancée du #désert de #Gobi a conduit les autorités chinoises à se lancer dans un vaste programme de reboisement appelé « grande muraille verte ». « L’un des scénarios possibles est que l’avancée du désert ne laisse que des îlots de fertilité. Puis, si les zones mortes continuent de s’étendre, alors ces zones fertiles pourraient à leur tour disparaître », anticipe le chercheur.

    Or, cette évolution pourrait être irréversible. « Ce que montrent nos travaux, c’est qu’il existe un seuil au-delà duquel on ne peut pas revenir en arrière. Une fois que l’environne
    ment désertique se met en place, il peut se maintenir sur des millions d’années. Ainsi, même si l’on parvenait à contrôler les niveaux de CO2 dans l’atmosphère, revenir à la situation antérieure serait impossible », prévient Guillaume Dupont-Nivet. Si ce scénario catastrophe venait à se réaliser, ce sont les moyens de vie de centaines de millions de personnes qui s’écrouleraient en quelques décennies. ♦

  • Cyberstructure. L’Internet, un espace politique | emi.enssib.fr
    https://emi.enssib.fr/ressource/cyberstructure-linternet-un-espace-politique

    Stéphane Bortzmeyer est l’auteur de Cyberstructure : L’Internet : un espace politique, C & F Éditions, décembre 2018, prix du livre Cyber 2019 catégorie cybersécurité dans le cadre du Forum international de la cybersécurité. Dans cet ouvrage, Stéphane Bortzmeyer s’intéresse aux usages actuels de l’Internet, et aux problèmes tels qu’ils sont perçus par les utilisateurs. Il explique également comment l’Internet fonctionne d’un point de vue technique, mais aussi sous l’angle de sa gouvernance, du financement et des actions humaines. Il parle enfin et surtout de politique, en détaillant les débats autour de l’utilisation d’Internet.

    Découvrez la vidéo de la conférence :
    https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/visionner/69781-cyberstructure-l-internet-un-espace-politique

    #Cyberstructure #Stéphane_Bortzmeyer #Vidéoconférence

  • En Ethiopie, la France partagée entre business et défense des droits humains

    Pillages, possibles crimes de #guerre, destructions de sites historiques : les témoignages en provenance du #Tigré, province en guerre depuis le 4 novembre, sont très inquiétants. La France reste pourtant discrète, et espère préserver ses chances sur un marché prometteur.

    L’ambassadeur a un échange « constructif » avec le ministre de l’éducation, l’ambassadeur a un échange « productif » avec le conseiller spécial du premier ministre sur les questions économiques, l’ambassadeur est « très honoré » de recevoir le ministre de l’énergie pour évoquer la participation française à plusieurs grands projets… Sur les réseaux sociaux de l’ambassade de France à Addis-Abeba, c’est #business_as_usual.

    Pour qui suit au quotidien le calvaire des habitants du Tigré – région où l’armée éthiopienne et ses alliés sont en guerre depuis le 4 novembre –, les photos de ces rencontres policées dans la capitale, où l’on discute #qaffaires, lovés dans de confortables canapés, semblent prises dans un monde parallèle.

    Loin, très loin, d’un Tigré littéralement à feu et à sang, où plus de deux millions de personnes ont dû fuir leur habitation, où l’on manque d’eau, d’électricité, de nourriture et de médicaments, où il est probable que la famine soit utilisée comme arme de guerre par les belligérants et où les humanitaires peinent toujours à accéder alors que 2,3 millions de personnes auraient besoin d’aide, selon les évaluations des ONG.

    Les affrontements y opposent le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) à l’armée fédérale éthiopienne, soutenue par des milices nationalistes amhara et des troupes érythréennes.

    « Nous recevons des rapports concordants à propos de violences ciblant certains groupes ethniques, d’assassinats, de pillages massifs, de viols, de retours forcés de réfugiés et de possibles crimes de guerre », a indiqué le 15 janvier le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Josep Borrell, qui a annoncé par la même occasion la suspension de 88 millions d’euros d’aide destinée au gouvernement éthiopien.

    Dès le 13 novembre, la haute-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme Michelle Bachelet évoquait elle aussi de possibles crimes de guerre et appelait à la mise en place d’une commission d’enquête indépendante pour le vérifier. À la veille de sa prise de fonction, le nouveau secrétaire d’État américain Antony Blinken s’est lui aussi inquiété publiquement de la situation.

    Une voix manque cependant à ce concert d’alertes : celle de la France. Le Quai d’Orsay n’a produit qu’un seul communiqué concernant le Tigré, le 23 novembre 2020. Il tient en quatre phrases convenues sur la dégradation de la situation humanitaire et la condamnation des « violences à caractère ethnique ». Exploit diplomatique, le mot « guerre » n’y apparaît pas ; celui de « crimes de guerre » encore moins. Il ne comporte ni interpellation des belligérants – qui ne sont d’ailleurs même pas cités –, ni appel à une enquête indépendante sur d’éventuelles violations des droits humains. Les mêmes éléments de langage étaient repris trois jours plus tard à l’occasion de la visite en France du ministre des affaires étrangères éthiopien Demeke Mekonnen.

    « Gênant, au minimum »

    Cette étrange pudeur française commence à interroger, voire à agacer certains alliés européens ainsi que nombre de chercheurs spécialisés sur l’Éthiopie – qui s’emploient, depuis deux mois et demi, à récolter les bribes d’informations qui parviennent du Tigré malgré la coupure des communications par les autorités.

    « J’ai des échanges réguliers avec l’#ambassade_de_France à Addis-Abeba depuis novembre. Je les ai questionnés sur leur position vis-à-vis du gouvernement éthiopien, et je les ai sentis très embarrassés », raconte le chercheur indépendant René Lefort, pour qui la #complaisance française vis-à-vis du gouvernement d’Abiy Ahmed Ali est incompréhensible : « Je crois qu’ils ne comprennent pas ce qu’est ce pays et ce qui s’y passe. »

    Au-delà des questions morales posées par le fait d’apporter un soutien tacite à un gouvernement qui a couvert ou laissé faire des violations des droits humains au Tigré, le soutien à #Abiy_Ahmed est une erreur d’analyse politique selon René Lefort : « Les Français parient tout sur lui, alors que son autorité personnelle est faible et que sa ligne politique n’est soutenue que par une minorité d’Éthiopiens. »

    La réserve française est en tout cas interprétée par l’armée fédérale éthiopienne et ses alliés comme un soutien de Paris. Le sociologue Mehdi Labzae était au Tigré, dans la région d’Humera, jusqu’à la mi-décembre : « Dans les zones conquises par les nationalistes amhara, se présenter comme Français facilite les relations avec les combattants, qui considèrent le gouvernement français comme un allié. Les déclarations françaises, ou leur absence, laissent penser que la réciproque est vraie », relève le chercheur, post-doctorant à la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH). « Avec un ambassadeur à Addis qui fait comme si de rien n’était… Je trouve cela gênant, au minimum. »

    Selon une source diplomatique étrangère, la France ne se contente pas de rester discrète sur la situation au Tigré ; elle freine également les velléités des membres de l’Union européenne qui voudraient dénoncer plus ouvertement l’attitude des autorités éthiopiennes et de leurs alliés érythréens. Une attitude « parfois frustrante », déplore cette source.

    Interrogée par Mediapart sur cette « frustration » de certains alliés européens, l’ambassade de France à Addis-Abeba nous a renvoyé vers le Quai d’Orsay, qui n’a pas répondu sur ce point (voir boîte noire).

    Refus de répondre sur la création d’une commission d’enquête

    À ses partenaires européens, mais aussi aux chercheurs et humanitaires avec qui ils échangent, les services diplomatiques français expliquent que les accusations d’exactions visant l’armée éthiopienne et ses alliés ne « sont pas confirmées ». Il en va de même concernant la présence de troupes érythréennes sur place – cette présence a pourtant été confirmée à la fois par les autorités de transition du Tigré et par un général de l’armée éthiopienne.

    Une position difficilement tenable. D’abord parce que le gouvernement éthiopien empêche, en bloquant les communications avec le Tigré et en limitant l’accès des humanitaires, la récolte de telles preuves. Ensuite parce que, malgré ce blocus, les faisceaux d’indices s’accumulent : « Nous avons des informations qui nous viennent des ONG, d’équipes des Nations unies qui parlent off the record, de citoyens européens qui se trouvent toujours au Tigré ; nous avons aussi des listes de victimes, et de plus en plus de photos et vidéos », autant d’informations auxquelles l’ambassade de France a eu accès, explique un diplomate en poste à Addis-Abeba.

    La position française est difficilement tenable, enfin, parce que si elle tenait tant aux faits, la France ne se contenterait pas de refuser de condamner les crimes tant qu’ils ne sont pas « confirmés » : elle plaiderait pour la création d’une commission d’enquête indépendante qui permettrait, enfin, de les établir et de pointer les responsabilités respectives du TPLF, de l’armée éthiopienne et de ses alliés.

    Paris est dans une position idéale pour le faire, puisque la France vient d’être élue pour siéger au Conseil des droits de l’homme des Nations unies durant trois ans. Elle pourrait donc, aux côtés d’autres États membres, demander une session extraordinaire du Conseil sur l’Éthiopie (l’accord d’un tiers des 47 États qui composent le Conseil est nécessaire) qui déciderait de la création d’une commission d’enquête sur le Tigré.

    Or, interrogé par Mediapart sur son soutien à la création d’une telle commission, le Quai d’Orsay n’a pas souhaité répondre (voir boîte noire). Il assure avoir « appelé à plusieurs reprises les autorités éthiopiennes à faire la lumière sur les allégations de crimes et autres violations des droits de l’homme », sans toutefois préciser par quel canal.

    Hypothétique médiation

    Lors d’entrevues en privé, des diplomates de l’ambassade et du Quai d’Orsay assurent que cette absence de #dénonciation publique est volontaire et stratégique. Elle viserait à ne pas froisser le gouvernement éthiopien publiquement afin de « maintenir un canal de communication » pour mieux le convaincre en privé et, éventuellement, jouer un rôle de médiateur pour trouver une issue au conflit.

    « Des diplomates français m’ont dit, en résumé : “On reste discrets parce que si un jour il y a une #médiation à faire, le gouvernement pourrait se tourner vers nous” », indique René Lefort. Une analyse « totalement erronée », selon le chercheur : « Non seulement [le premier ministre] Abiy Ahmed Ali ne veut absolument pas d’une médiation, mais surtout, même s’il en acceptait le principe, je ne vois pas pourquoi il irait chercher la France plutôt que les États-Unis, l’Union européenne ou encore l’ONU. » Accessoirement, même si le gouvernement éthiopien souhaitait que la France soit médiatrice, il n’est pas dit que son principal adversaire, le TPLF, accepte le principe d’une médiation par un État qui a passé les derniers mois à multiplier les signes d’amitié envers Addis-Abeba et pourrait donc difficilement prétendre à la neutralité.

    Un (quasi-) #silence public pour mieux faire avancer les dossiers en privé : l’hypothèse est également avancée par l’ancien ambassadeur français en Éthiopie Stéphane Gompertz. « Il est possible que nous privilégions l’action en coulisses, qui peut être parfois plus efficace que de grandes déclarations. C’est d’ailleurs généralement l’option privilégiée par la #diplomatie française. » À l’appui de cette idée, l’ancien ambassadeur – qui fut aussi directeur Afrique au Quai d’Orsay – évoque des tractations discrètes mais couronnées de succès menées en 2005 afin de faire libérer des figures d’opposition.

    Si telle est la stratégie française actuellement, ses résultats sont pour l’instant peu concrets. Le quasi-silence français semble en réalité avoir d’autres explications : ne pas gâcher l’#amitié entre Emmanuel Macron et le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali et, surtout, ne pas compromettre les #intérêts_commerciaux français dans un pays vu comme économiquement prometteur et politiquement stratégique.

    Lune de miel

    Lors de sa nomination en 2018, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali fait figure d’homme de paix et de chantre de la démocratie. Ses efforts de réconciliation avec l’Érythrée voisine lui valent le prix Nobel de la paix ; ses réformes sur la liberté de la presse ou la libération de prisonniers politiques lui attirent l’estime de nombreux chefs d’État étrangers.

    Est-ce une affaire de style ? Le fait qu’ils soient tous les deux jeunes, étiquetés comme libéraux, revendiquant une certaine manière de casser les codes ? Emmanuel Macron et Abiy Ahmed semblent en tout cas particulièrement s’apprécier. L’anecdote veut que lors d’une visite de #Macron à Addis-Abeba en 2019, Abiy Ahmed ait tenu à conduire lui-même la voiture amenant le président français à un dîner officiel.

    Lorsque le premier ministre éthiopien a pris ses fonctions, « les Allemands, les Français, l’UE, tout le monde a mis le paquet sur les aides, tout le monde s’est aligné sur lui. Sauf que, le temps passant, le malaise a grandi et la lune de miel a tourné au vinaigre, analyse une source dans les milieux économiques à Addis-Abeba. Les autres États ont rapidement déchanté. Pas les Français, pour qui la lune de miel a continué. »

    De fait, la transformation du Prix Nobel en chef de guerre ne semble pas avoir altéré sa belle entente avec le président français. Deux semaines après le début des hostilités au Tigré, et alors qu’Abiy Ahmed s’apprêtait à lancer un assaut « sans pitié » sur la ville de Mekele et ses 400 000 habitants, #Emmanuel_Macron qualifiait le premier ministre éthiopien de « role model ». Quelques semaines plus tard, toujours engagé dans ce conflit, Abiy Ahmed Ali trouvait le temps de souhaiter un prompt rétablissement à son « bon ami » Macron, atteint du Covid.

    Pour cette source, le facteur économique et commercial est essentiel : « Les Français sont restés très positifs parce qu’ils se positionnent clairement sur le secteur économique en Éthiopie : ils n’ont pas d’intérêt politique fort, ça n’est pas leur zone d’influence. Mais les #intérêts_économiques, eux, sont importants et sont grandissants. C’est potentiellement un #marché énorme. »

    Marché jugé prometteur

    Pour le conquérir, Paris a employé les grands moyens. En mars 2019, Emmanuel Macron s’est rendu en Éthiopie avec le ministère des affaires étrangères #Jean-Yves_le_Drian et sept patrons français pour y signer une flopée d’#accords visant à « promouvoir l’#attractivité de l’Éthiopie auprès des #investisseurs_français ».

    Les entreprises françaises intéressées par ce marché en voie de #libéralisation ne sont pas des moindres : #Orange (qui compte bien profiter de la privatisation de la compagnie nationale #Ethio_Telecom), le groupe #Castel (qui à travers sa filiale #BGI détient déjà 55 % des parts du marché de la #bière), #Bollore_Logistics ou encore #Canal+, qui compte développer une offre de #télévision locale.

    Les #intérêts_commerciaux français sont nombreux et variés. La #modernisation du #réseau_électrique éthiopien ? #Alstom (36 millions d’euros en 2011). La fabrication des #turbines de l’immense #barrage_hydroélectrique de la Renaissance ? Alstom encore (250 millions d’euros en 2013), qui désormais lorgne sur des projets ferroviaires. Le #bus « à haut niveau de service » qui desservira la capitale éthiopienne ? Les Français de #Razel-Bec (la filiale travaux publics du groupe #Fayat), qui ont remporté le marché en 2020.

    Peu après sa prise de poste, en octobre, l’ambassadeur français #Rémi_Maréchaux se félicitait : « Le nombre d’#entreprises_françaises en Éthiopie a doublé en cinq ans. Nous sommes prêts à travailler ensemble pour davantage d’investissements français. »

    #Contrats_militaires

    Dernier domaine stratégique pour les Français : la #coopération_militaire et les ventes d’#armes. Le dossier était en haut de la pile lors de la visite d’Emmanuel Macron en 2019. La ministre #Florence_Parly, qui était également du voyage, a signé un #accord_de_défense avec son homologue éthiopienne ainsi qu’une lettre d’intention « pour la mise en place d’une composante navale éthiopienne avec l’accompagnement de la France ».

    Une aubaine pour les fabricants d’armes et d’#équipements_militaires français, qui n’ont pas tardé, selon la presse spécialisée, à se manifester pour décrocher des contrats. Parmi eux, #Airbus, qui aimerait vendre des #hélicoptères de combat à l’Éthiopie. Le groupe a pu compter pour défendre ses intérêts sur l’attaché de défense de l’ambassade française à Addis-Abeba (jusque septembre 2020) #Stéphane_Richou, lui-même ancien commandant d’un régiment d’hélicoptères de combat.

    L’#armée de l’air éthiopienne a validé l’offre d’Airbus pour l’acquisition de 18 #hélicoptères_militaires et deux avions-cargos en octobre 2020, mais cherchait toujours des financements. Le déclenchement de la guerre au Tigré – où ces hélicoptères pourraient être utilisés – a-t-il conduit Airbus ainsi que le ministère des armées à reporter, voire annuler cette vente ?

    Ni Airbus ni le ministère n’ont souhaité nous répondre à ce sujet.

    Les affaires se poursuivent en tout cas entre la filiale civile d’Airbus et le gouvernement éthiopien : le 9 novembre, #Ethiopian_Airlines réceptionnait deux Airbus A350-900 pour sa flotte. Le 20 novembre encore, l’ambassadeur français à Addis-Abeba se félicitait d’une rencontre avec le PDG de la compagnie aérienne éthiopienne et ajoutait « Airbus » en hashtag.

    https://twitter.com/RemiMarechaux/status/1329829800031252481

    Quant à la coopération militaire France-Éthiopie, elle semble se poursuivre normalement si l’on en juge cette offre d’emploi de professeur de français à destination de militaires et policiers éthiopiens émise en décembre par la Direction de la coopération de sécurité et de défense du Quai d’Orsay (un contrat d’un an à pourvoir au 1er octobre 2021).

    Interrogé le 19 janvier sur le projet de création d’une #marine_éthiopienne, sur d’éventuelles livraisons d’armes récentes à l’Éthiopie et, plus généralement, sur la coopération militaire avec l’Éthiopie et le fait de savoir si l’évolution de la situation au Tigré était susceptible de la remettre en question, le ministère des armées a fait savoir 48 heures plus tard qu’il ne pourrait pas répondre « étant donné [les] délais ». Mediapart a proposé au ministère de lui accorder un délai supplémentaire pour fournir ses réponses. Le ministère n’a plus donné suite.

    Trop tard ?

    Le ministère des affaires étrangères, lui, n’a répondu à aucune des cinq questions précises que lui avait soumises Mediapart sur la présence de troupes érythréennes, les possibles crimes de guerres commis au Tigré et la coopération militaire avec l’Éthiopie notamment (voir boîte noire).

    Sa réponse condamne toutefois en des termes plus précis que par le passé les exactions commises au Tigré. La France est « profondément préoccupée » par la situation humanitaire sur place, « ainsi que par les allégations de violations des droits de l’homme », indique le Quai d’Orsay, avant d’appeler à la cessation des hostilités et au respect du droit international humanitaire par « toutes les parties au conflit ». Mais est-ce suffisant, et surtout n’est-ce pas trop tard ?

    Les dernières informations en provenance du Tigré évoquent des massacres qui auraient fait plusieurs centaines de morts. Plusieurs vidéos portent sur de possibles tueries dans la ville et l’église d’Aksoum, de la fin novembre à début décembre. Selon l’organisation belge Europe External Programme with Africa (EEPA) ainsi qu’un témoin interrogé par Le Monde, les troupes érythréennes y auraient tué plus de 750 personnes. Dans une interview mise en ligne le 17 janvier, une femme qui se dit témoin direct de ces tueries explique en amharique que « la ville entière, du dépôt de bus au parc, était recouverte de corps ».

    Les attaques et destructions concernent également des sites historiques inestimables ou jugés sacrés. La mosquée de Negash (site d’établissement des premiers musulmans éthiopiens, du temps du prophète Mahomet), datant du VIIe siècle, a été partiellement détruite et pillée. Le plus vieux monastère d’Éthiopie, le monastère orthodoxe de Debre Damo (VIe siècle), a également été attaqué.

    Enfin, Mediapart a pu consulter un témoignage de première main concernant un massacre commis dans l’église Maryam Dengelat – creusée dans la roche entre le VIe et le XIVe siècle par les premiers chrétiens d’Éthiopie –, qui estime que 80 personnes ont été tuées par l’armée érythréenne, parmi lesquelles des prêtres, des personnes âgées et des enfants. Ce témoignage fournit une liste comportant les noms de 35 victimes.

    « Si ces informations étaient confirmées, cela commencerait à ressembler à une stratégie d’anéantissement, non seulement du TPLF, mais du Tigré en tant qu’identité historique et territoriale », commente le chercheur Éloi Ficquet, de l’EHESS.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/210121/en-ethiopie-la-france-partagee-entre-business-et-defense-des-droits-humain
    #Ethiopie #France #armement #commerce_d'armes #vente_d'armes

  • Un #documentaire de #Stéphane_Mercurio sur le travail de metteur en scène de #Didier_Ruiz, visible sur internet entre le vendredi 22 janvier à 21h et le samedi 23 janvier 21h :
    https://www.mc93.com/saison/didier-ruiz

    Après l’ombre (Stéphane Mercurio - 93 min — 2018)

    Une longue peine, comment ça se raconte ? C’est étrange ce mot qui signifie punition et chagrin en même temps. Ainsi s’exprime Didier Ruiz lorsqu’il entreprend la mise en scène de son dernier spectacle monté avec d’anciens détenus de longue peine. Dans le temps suspendu des répétitions on voit se transformer tous ces hommes – le metteur en scène y compris. Le film raconte la prison, la façon dont elle grave dans les chairs des marques indélébiles et invisibles. Il saisit le travail rigoureux d’un metteur en scène avec ces comédiens « extraordinaires ». Et surtout il raconte un voyage, celui qui va permettre à cette parole inconcevable de jaillir de l’ombre pour traverser les murs.

  • A Besançon, un boulanger se bat contre l’expulsion de son apprenti guinéen - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/france/050121/besancon-un-boulanger-se-bat-contre-l-expulsion-de-son-apprenti-guineen?us

    Dimanche 3 janvier, Stéphane Ravacley a décidé de ne plus s’alimenter. Le gérant de la Huche à pain, une boulangerie de Besançon (Doubs) employant huit personnes, se dit « prêt à tout » pour garder Laye Fodé Traoréiné, son apprenti, dans son équipe. Ce dernier, de nationalité guinéenne, est sous le coup d’une expulsion du territoire français.

    « Je veux que ce soit percutant. Je veux montrer qu’il y a quelqu’un derrière lui pour le soutenir. On ne fait pas n’importe quoi avec des gamins ! », s’exclame le responsable de la boulangerie, dans une colère à peine dissimulée. Une pétition en ligne, adressée entre autres à la préfecture de Haute-Saône et au ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, a récolté, au 5 janvier, plus de 110 000 signatures de soutien.

  • Le premier #podcast de #Stéphane_Mercurio, qui raconte comment les mots de la discrimination peuvent fracasser...

    « Je me suis fait la guerre » - Ou comment être un « bon arabe » ?
    Aurélie Charon, France Culture, le 3 janvier 2021 à 22h sur France culture, puis en podcast après, quand vous voudrez...
    https://www.franceculture.fr/emissions/lexperience/je-me-suis-fait-la-guerre


    https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/11983-03.01.2021-ITEMA_22530170-2021C34065S0003.mp3

    #France #islamophobie #psychiatrie

  • Tiens Marianne dépassé sur sa gauche.

    Impasses des politiques identitaires, par Stéphane Beaud & Gérard Noiriel (Le Monde diplomatique, janvier 2021)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2021/01/BEAUD/62661

    Après la pétition intitulée « Manifeste pour une République française antiraciste et décolonialisée », signée par cinquante-sept intellectuels et diffusée par le site Mediapart le 3 juillet 2020, l’hebdomadaire Marianne a riposté le 26 juillet 2020 en publiant un « Appel contre la racialisation de la question sociale », signé par plus de quatre-vingts personnalités et une vingtaine d’organisations.

    La comparaison des deux pétitions montre comment fonctionne ce que Pierre Bourdieu appelait le jeu des « cécités croisées ».

    • Sur Cuicui c’est la débâcle :

      – Les editions Agone taclent violemment deux militantes antiracistes, pourtant très légitimes et documentées, et les renvoie dos à dos avec l’extrême-droite :

      Comme dans un jeu de rôle en miroir sur les deux bords du spectre politique, le texte de @Noiriel
      & S.Beaud (@Diplo janvier 2021) permet aux uns de s’en revendiquer et aux autres de le vouer aux gémonies, tous sans aucun rapport avec ce qui est écrit
      [2] À droite, @laurentbouvet s’imagine sans scrupules en inspirateur secret des thèses de @Noiriel & S.Beaud – en attendant de découvrir leur critique sans ambiguïté du @printempsrepub, @MarianneleMag et consorts dans leur livre à paraître <https://agone.org/epreuvessociales/raceetsciencessociales> =>
      [3] À gauche, @michtosincere interprète les « sous-entendus » (!?) de @GerardNoiriel & S.Beaud dans le @Diplo <https://twitter.com/michtosincere/status/1344255467229503489> et @Melusine_2 ne cache pas sa joie de la « récupération » fantasmée des deux auteurs par le @printempsrepub <https://twitter.com/Melusine_2/status/1345007548655656962> =>
      [4] Ça serait trop bien de lire ce qui est écrit plutôt qu’imaginer des horreurs pour justifier un « pousse-toi de là que je m’y mette » en triant entre « bons » et « mauvais » antiracistes et en laissant les procès d’intention aux ennemis politiques =>

      https://twitter.com/EditionsAgone/status/1345310856733712384 & https://archive.vn/07cpV

      (je n’ai pas le temps de ramener les critiques initiales ni les réponses de Michto Sincère et Mélusine mais elles sont excellentes, si quelqu’un-e s’en sent le courage, ça peut être chouette de les archiver / #seenthisser)

      – l’Observatoire des inégalité se fend d’un tweet de soutien, tacle une autre militance et nous permet de découvrir que l’un des auteur ... fait partie dudit observatoire !

      Quand la race écrase la classe, ce qui est de plus en plus souvent le cas.

      https://twitter.com/Obs_ineg/status/1345425260523507719 & https://archive.vn/cCe0E

      Merci pour la publicité ! Et non, aucune honte.
      Rokhaya Diallo : Quelle honte de relayer ça !

      https://twitter.com/RokhayaDiallo/status/1345425972594618369
      https://twitter.com/Obs_ineg/status/1345430052532531202 & https://archive.vn/9CJMc

      En même temps....

      https://twitter.com/michtosincere/status/1345438697399984128 & https://archive.vn/amFIx

    • Sur cuicui encore, un point de vue critique par une personne concernée : homme, blanc, ouvrier, anticapitaliste, révolutionnaire... et pas mal vénère par l’article lui aussi : il revient en particulier sur tout le taf de convergence et massification qu’a fait le collectif la vérité pour Adama :
      https://twitter.com/GaetanGracia/status/1346864633311875072 + libéré-archivé : https://archive.vn/HtrfV

      Je me permets de réagir à l’article de Beaud et Noiriel, problématique à plus d’un titre, sur la soi-disant « impasse des politiques identitaires »

      Je ne suis ni chercheur, ni sociologue.

      Ni un « intellectuel » (même si je suis pour combattre la division travail manuel/intellectuel).
      Mais un homme, blanc, ouvrier dans l’industrie (et selon les auteurs, je serais un peu invisibilisé par tous ces antiracistes mdr...)

      J’ai pas creusé tous les débats qui existent avec eux (j’ai vu quelques réactions ici ou là), mais je donne ma vision notamment sur le problème de stratégie que pose ce texte

      Avant de parler stratégie, je trouve que même dans l’analyse, c’est n’importe quoi. Je rejoins Norman Ajari quand il dit que, sur la question antiraciste, ces gens se croient permis de dire n’importe quoi...
      (cf sa réponse ici : https://blogs.mediapart.fr/norman-ajari/blog/040121/impasses-du-reductionnisme-de-classe-sur-un-texte-de-beaud-et-noirie )

      Par exemple, sur les réseaux sociaux, ils expliquent que les RS empêchent « l’analyse raisonnée des problèmes sociaux » (qui forcément mènerait à une analyse de classe), et nous poussent plutôt à « réagir instantanément et instinctivement » (ce qui ... favoriserait la mise en avant de la question raciale).
      Car voyez-vous le racisme serait un sujet plus apte à « mobiliser les émotions »...

      Pourtant, les RS ont en un sens « permis » l’émergence et l’expression d’un mouvement comme les GJ, qui a mis à l’ordre du jour la question sociale.

      (Sur le rapport entre GJ et RS, un chapitre très intéressant dans ce texte de Kouvelakis : https://contretemps.eu/gilets-jaunes-urgence-acte-kouvelakis )

      Sur la question stratégique mnt.

      Déjà, il faut voir de quoi on parle. Je revendique une stratégie révolutionnaire contre le capitalisme. Je parle de ce point de vue là.

      Je revendique une « centralité de la classe ouvrière », qui pourtant n’a absolument rien à voir avec ce texte
      On vise à une convergence des luttes, une politique d’alliances dans la lutte, et qui ne soit pas que la somme des mouvements les uns à côté des autres, mais articulés autour d’une perspective de classe, contre le capitalisme, contre la division des mouvements sociaux.
      Pour penser l’alliance stratégique classe/race, il faudrait d’abord « combattre l’enfermement identitaire » disent N&B

      Déjà, il me semble que tout 1er pas dans une lutte nécessite de se reconnaitre en tant qu’opprimés, et que le mouvement antiraciste qui émerge est donc un ... grand pas en avant, pour les racisés, mais pour la lutte de classe dans son ensemble.

      2) Le facteur le + retardataire pour une alliance entre mouvement ouvrier et antiracisme a été de loin le mouvement ouvrier lui-même.

      Les directions syndicales et politiques de gauche ont quand même des années de cécité et/ou trahison à leur actif (un exemple parmi d’autres :
      2005 —> https://revolutionpermanente.fr/L-explosion-a-venir-Dix-ans-apres-la-revolte-des-banlieues)

      Le rôle des révolutionnaires doit être de combattre durement dans la classe ouvrière tous les préjugés racistes, de faire sentir ... aux prolos blancs ce qu’est l’oppression raciste.

      Dans ce contexte, en France en 2021, on a BEAUCOUP de chance d’avoir le mouvement antiraciste qu’on a !

      Franchement, les auteurs ne pouvaient pas choisir pire moment pour leur thèse qu’aujourd’hui !

      Ils parlent du ... mouvement antiraciste après la mort de Georges Floyd pour se plaindre de « l’enfermement identitaire » et du manque d’alliance.

      Hum, le moment est mal choisi 1) Le comité @laveritepradama
      a été le fer de lance de grandes mobilisations suite à ce meurtre, dont une de + de 100.000 personnes place de la République.

      Manifs où, comme aux US, une des particularités était de rassembler bcp de jeunes, racisés ET non-racisés !

      2) Le comité Adama, qui est devenu un acteur absolument central du mouvement antiraciste fr., se bat depuis 4 ans pour une stratégie d’alliance (cf son rôle dans les GJ par exemple, où on a défendu ensemble le « pôle Saint-Lazare », militants de quartiers et ouvriers convergeant avec les manifs GJ).

      @Youbrak passe son temps, dans différents débats, à défendre cette ligne, je pense qu’il faut être aveugle pour ne pas le voir... C’est pour ça que je dis qu’on a de la chance, vu la situation politique dont la jeune génération de révolutionnaire a hérité, d’avoir un tel antiracisme, qui n’a aucune leçon a recevoir d’universitaires qui ne prennent même pas la peine de creuser un peu...

      J’ai déjà fait archi-long, mais je vous mets ici comment Trotsky abordait la « question noire », expliquant que les ouvriers blancs doivent défendre les droits des noirs, y compris à avoir un Etat séparé si c’est leur revendication : https://www.revolutionpermanente.fr/La-question-noire-aux-US-Relire-Trotsky-a-l-ere-du-Covid

      Si j’avais le temps, j’essaierai de creuser un peu dans un article, mais je l’ai pas là :/