• #Deliveroo et trois de ses anciens dirigeants jugés au pénal pour « travail dissimulé »
    https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/03/08/deliveroo-et-trois-de-ses-anciens-dirigeants-juges-au-penal-pour-travail-dis

    Une première en matière de droit pénal s’ouvre en France, mardi 8 mars à 13 h 30, devant le tribunal correctionnel de Paris. Deliveroo et trois de ses anciens dirigeants vont être jugés pour avoir employé en tant qu’indépendants des #livreurs qui auraient dû être salariés.
    Ce procès du système dit de l’« #ubérisation » doit établir s’il existe un « lien de subordination » entre Deliveroo France et plus de 2 000 livreurs qui ne disposaient d’« aucune liberté » dans leur organisation. Les gendarmes de l’Office central de lutte contre le travail illégal se sont penchés sur des faits concernant la période 2015-2017.

    • Au procès Deliveroo, un réquisitoire implacable contre « l’instrumentalisation » du statut des livreurs par la plate-forme

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/03/16/au-proces-deliveroo-un-requisitoire-implacable-contre-l-instrumentalisation-

      Mercredi 16 mars, c’est une « instrumentalisation en toute connaissance de cause du statut d’autoentrepreneur » et une « dissimulation systémique » qu’a dénoncée la procureure Céline Ducournau, en requérant la condamnation de Deliveroo France au maximum de la peine encourue, 375 000 euros d’amende, assortie à titre complémentaire d’une obligation de publication de la décision au Journal officiel et sur la page d’accueil du site Deliveroo, ainsi que la confiscation des 3 millions d’euros, d’ores et déjà saisis pendant l’enquête. Elle a demandé des peines de douze mois d’emprisonnement avec sursis et 30 000 euros d’amende contre les deux anciens dirigeants de l’entreprise à la date de la prévention, Adrien Falcon et Hugues Decosse, et quatre mois avec sursis contre l’ex-directeur des opérations, Elie de Moustier.

      A l’adresse du tribunal, la procureure a observé : « Votre rôle n’est pas de décider si les livreurs étaient ou s’ils sont aujourd’hui satisfaits de leur statut. S’ils se sentent libres ou s’ils auraient préféré un autre statut. Les avis sur cette question sont divergents. Votre rôle est de déterminer si la relation qu’entretenait Deliveroo avec ses livreurs établit un lien de subordination permanente », constitutif du délit de « travail dissimulé ».

    • Deliveroo condamnée à une amende de 375 000 euros pour travail dissimulé
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/04/19/deliveroo-condamne-a-une-amende-de-375-000-euros-pour-travail-dissimule_6122

      Cette amende est conforme aux réquisitions. Deux anciens dirigeants de la plate-forme ont également été condamnés à douze mois de prison avec sursis.

      Une dizaine de livreurs à vélo ou à scooter, beaucoup désormais engagés contre le « système », avaient défilé à la barre pour raconter leur arrivée à Deliveroo, attirés par les promesses de « liberté » et de « flexibilité », mais avaient découvert la « guerre » pour obtenir les meilleurs « créneaux » horaires, la « pression », la « surveillance » et les réprimandes de Deliveroo. Plus d’une centaine de livreurs sont parties civiles au procès.

      #subordination_salariale #droit_du_travail #logistique #e-commerce

    • Coursiers « variables d’ajustement », « habillage juridique fictif » : le jugement qui condamne Deliveroo France

      Le tribunal correctionnel de Paris a condamné, mardi 19 avril, la plateforme et trois de ses anciens dirigeants pour « travail dissimulé. » Il relève l’existence d’un « lien de subordination permanent » entre Deliveroo et les coursiers de 2015 à 2017.

      Sur la page d’accueil de Deliveroo France va s’afficher pendant un mois, la mention suivante : « La SAS Deliveroo France, prise en la personne de ses représentants légaux entre avril 2015 et décembre 2017, a été condamnée pour le délit de travail dissimulé au paiement d’une amende délictuelle de 375 000 euros et à indemniser au titre des préjudices subis les livreurs qui se trouvaient être en réalité ses salariés. » Cette publication, d’application immédiate, a été exigée, mardi 19 avril, par le tribunal correctionnel de Paris, dont le jugement constitue la première décision pénale sur « l’ubérisation » du travail.

      Le tribunal a considéré que l’organisation mise en place par la société sur une période courant de 2015 à 2017 constituait bel et bien une atteinte volontaire au droit du travail, par l’utilisation de milliers de coursiers officiellement indépendants mais, en réalité, subordonnés à la plate-forme. Ces livreurs, estiment les juges, ne constituaient qu’« une variable d’ajustement permettant de disposer d’une flotte adaptée et réactive face au nombre de commandes enregistrées chaque jour. Seule la très grande flexibilité générée par les pratiques délictuelles commises et imposée assurait la pérennité du modèle. » Un système qui a permis à Deliveroo d’éluder, derrière « un habillage juridique fictif » les cotisations sociales que la société aurait dû verser à l’Etat.

      Les juges ont suivi intégralement les réquisitions prononcées le 16 mars par la procureure Céline Ducournau. Outre la société Deliveroo France, deux de ses anciens dirigeants, Adrien Falcon et Hugues Decosse, ont été condamnés à une peine d’un an avec sursis et 30 000 euros d’amende, assortie de l’interdiction de diriger une entreprise pendant cinq ans. Une peine de quatre mois avec sursis et une amende de 10 000 euros a été retenue contre Elie de Moustier. La société et les trois prévenus ont également été condamnés solidairement au paiement de dommages et intérêts pour l’ensemble des coursiers qui s’étaient constitués partie civile – environ 120 – qui se voient attribuer des sommes de 1 000 à 4 000 euros au titre de leur préjudice civil ou moral. Ils devront aussi verser des dommages et intérêts aux syndicats CGT, SUD, Union syndicale solidaire et Syndicat national des transports légers, ainsi qu’à l’URSSAF.

      Contraintes imposées

      Le jugement balaie l’argumentation soutenue tout au long de l’audience par les prévenus, selon laquelle Deliveroo France ne serait qu’une « plateforme de mise en relation » et pas une société de services. Les juges relèvent que, contrairement à d’autres plateformes de vente de biens (Vinted ou Ebay) ou de fournitures de services (Airbnb), qui mettent en relation deux personnes physiques dans la transaction finale, l’organisation de Deliveroo exclut tout contact direct entre le restaurateur et le client final, la plateforme se chargeant de la livraison.

      Pour retenir le délit de « travail dissimulé », le tribunal devait ensuite établir l’existence d’un « lien de subordination permanent » entre la plateforme et les livreurs autoentrepreneurs. Le jugement énumère la liste des contraintes qui leur étaient imposées : port obligatoire de la tenue siglée Deliveroo, formation théorique et pratique technique dispensée avant de commencer leur activité, interventionnisme et contrôle pendant la durée de la prestation, définition unilatérale des modalités d’exercice de la prestation, de sa tarification ou de l’attribution des zones de livraison, pouvoir de sanction.

      Plusieurs exemples de ces atteintes à la liberté de « prester » sont cités à l’appui du jugement. Tout d’abord, les livreurs ont « de façon majoritaire, créé leur statut d’autoentrepreneur pour pouvoir “prester” pour Deliveroo et n’avaient pas de réelle volonté de créer une entreprise avant que cela ne leur soit demandé par cette société. » De même, « les différentes vidéos, les “dix commandements du biker” et les messages collectifs réguliers rappelant les différents modes opératoires avant, pendant et après les livraisons, établissent l’intervention de Deliveroo et la définition par cette société du mode opératoire sans aucune marge de manœuvre pour le livreur, qui, s’il était réellement un prestataire indépendant, devrait pouvoir décider de la façon de réaliser son activité. »

      Autre indice avancé dans le jugement, « l’interventionnisme de Deliveroo durant la réalisation de la prestation se manifeste à travers la “gestion des absences” et des zones de connexion. Ainsi, un livreur ne peut pas modifier librement l’emploi du temps qu’il a initialement choisi ou même sa zone géographique d’action. »

      C’est également Deliveroo qui « détermine unilatéralement les bonus intempéries », décide « de passer d’une tarification à l’heure avec majoration par course, à une tarification uniquement à la course, ou la mise en place pendant une période de retenue et de bonus tarifaires avant de les supprimer ». Le jugement dénonce encore un usage de la géolocalisation, allant au-delà de la nécessaire gestion des flux pour devenir un « outil de surveillance et de contrôle. » Il cite, à ce titre, plusieurs extraits des centaines de mails ou de messages WhatsApp et Telegram, versés au dossier.
      « Il faudrait améliorer la qualité de ta prestation, tu as été désassigné de 13 courses, tu as mis 30 % de commandes en retard, tu as mis + de 5,9 minutes à passer tes commandes en “livrées”, « Je vois que tu t’es connecté de la rue Brunel, normalement il est mieux de te connecter tout de suite prêt de l’épicentre », « Tu dois être joignable tout le temps sur tes shifts », « Tu auras une retenue de 10 € car tu as manqué plusieurs shifts », « Il ne faut aucun retard sur 14 jours de shifts, même 1mn de retard est pénalisée. » « Ces messages individuels ne sont que la déclinaison de la politique globale, générale et systématisée », souligne le jugement.

      « Il découle de l’ensemble de ces éléments qu’en raison de la situation de subordination juridique dans laquelle se trouvaient les livreurs pendant la période de prévention, ceux-ci doivent être qualifiés de salariés et non de travailleurs indépendants. » Une omission intentionnelle, affirme le tribunal, qui porte un « trouble majeur à l’ordre social. » D’une part, parce que « le recours à une main-d’œuvre non déclarée génère de facto une situation de concurrence déloyale avec les salariés déclarés pour lesquels l’employeur doit payer des charges sociales et qui eux-mêmes paient des impôts, mais aussi avec les autres entreprises du secteur de la livraison courte distance qui, elles, respectent la législation sociale et celle relative au transport. Ces salariés non déclarés ne disposent pas de la même couverture sociale par exemple en cas d’accident. »

      Et, d’autre part, en raison du manque à gagner que ces cotisations sociales éludées génèrent pour l’Etat. « Les fraudes sociales et fiscales viennent creuser une dette publique déjà très élevée. Pour la seule question des cotisations sociales éludées dans le cadre de travail dissimulé, ce manque à gagner est de 7 à 9 milliards d’euros par an », rappelle le tribunal.

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/04/19/coursiers-variables-d-ajustement-habillage-juridique-fictif-le-jugement-qui-

  • Contrat de travail et subordination : en une phrase, Rebsamen efface les bases du droit du travail | Slate.fr
    http://www.slate.fr/story/99067/contrat-travail-subordination-rebsamen

    « Le contrat de travail n’impose pas toujours un rapport de subordination entre employeur et salarié : il est signé par deux personnes libres qui s’engagent mutuellement. Dans les situations de plein emploi, c’est même l’employeur qui recherche les salariés... »

    En cinq lignes, le ministre du Travail nie ce qui fonde le droit du travail de son pays et confond marché de l’emploi et contrat du travail.