• #Ubuntu_25.10 Switches to #rust-based #sudo
    https://www.omgubuntu.co.uk/2025/05/ubuntu-25-10-rust-sudo-rs-change

    Ubuntu 25.10 will replace the sudo command with sudo-rs, a new Rust rewrite designed to improve memory safety and security. What does this mean for users? You’re reading Ubuntu 25.10 Switches to Rust-based Sudo, a blog post from OMG! Ubuntu. Do not reproduce elsewhere without permission.

    #News

  • Le Nord ne doit pas perdre le Sud
    https://laviedesidees.fr/Le-Nord-ne-doit-pas-perdre-le-Sud

    Les pays du Sud formulent des propositions de financements pour le développement soutenable, mais les pays du Nord freinent ces efforts. Pourtant, ces propositions sont soutenues par une large majorité de la population, même au Nord.

    #Économie #International #justice #redistribution
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20250325_fabre.pdf

  • #corteo a #Prato e lotte nel distretto tessile
    https://radioblackout.org/2025/02/corteo-a-prato-e-lotte-nel-distretto-tessile

    Dopo le esplosioni e i pacchi incendiari nei magazzini della logistica tessile di sabato scorso, Prato è scesa in piazza per ribadire che nessunx lavoratorx deve più rischiare la propria vita per guerre e faide che non gli appartengono. Dalle parole del sindacato #suddcobas: “Per troppi anni la violenza mafiosa si è potuta consumare nell’invisibilità. […]

    #L'informazione_di_Blackout #lotte_sindacali #picchetto
    https://cdn.radioblackout.org/wp-content/uploads/2025/02/prato.mp3

  • #Sanctions américaines : des effets dévastateurs pour les peuples, mais pas sur les régimes
    https://lvsl.fr/sanctions-americaines-des-effets-devastateurs-pour-les-peuples-mais-pas-sur-les

    Touchant 27% des pays du monde, les sanctions économiques imposées par les #Etats-Unis sont devenues le moyen privilégié pour écraser leurs adversaires. Dénoncées par le droit #International, elles ont des impacts délétères sur les populations des Etats visés, plus que sur leurs régimes.

    #Cuba #Droit_International #finance #Iran #néocolonialisme #Russie #Sud_global #Union_Européenne #Venezuela

  • Deux sources confirment qu’Israël a demandé à maintenir ses troupes dans cinq postes du Liban-Sud jusqu’au 28 février | En direct - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1447483/calme-precaire-au-liban-sud-un-mort-dans-une-frappe-israelienne-a-raf

    Israël a bien demandé à maintenir ses troupes dans cinq postes du Liban-Sud jusqu’au 28 février, ont déclaré mercredi à Reuters un responsable libanais et un diplomate étranger.
    En vertu d’un cessez-le-feu conclu en novembre entre le Liban et Israël, les troupes israéliennes avaient jusqu’au 26 janvier pour se retirer du #Sud-Liban. L’accord a déjà été prolongé jusqu’au 18 février, mais des sources ont déclaré qu’Israël avait demandé une prolongation supplémentaire par l’intermédiaire du comité chargé de superviser le cessez-le-feu.

    #Liban

  • Ces #syndicats qui combattent l’#extrême_droite dans leurs rangs | #StreetPress
    https://www.streetpress.com/sujet/1736868396-exclusions-dialogues-dilemme-syndicats-extreme-droite-RN-com

    L’annonce a provoqué un coup de tonnerre dans le petit milieu des #syndicalistes de l’Assemblée nationale avant les fêtes. Au Palais Bourbon, la section de la confédération chrétienne #CFTC a nommé à sa direction Rémi Scholtz, attaché parlementaire affilié au député du Rassemblement national (#RN) Timothée Houssin. L’info, révélée par Challenges, a déclenché une levée de boucliers chez les autres mouvements de l’Hémicycle et un casse-tête pour la CFTC. Déjà, car la confédération n’est pas sûre que l’homme soit adhérent… « On ne sait pas quoi faire, peut-être qu’il n’a pas encore été intégré dans nos fichiers, mais cela nous met en porte-à-faux avec les autres syndicats de l’Assemblée nationale. Si son adhésion est confirmée, on traitera la question avec attention », assure son président Cyril Chabanier. La CFTC a pris position contre le RN en 2022, mais ne souhaite pas exclure ses militants tant qu’ils ne soutiennent pas ouvertement le programme du parti lepéniste ou tiennent des propos racistes. « Les collaborateurs parlementaires font un métier difficile, qui mérite d’être défendu, et tous peuvent se syndiquer chez nous. Nous ne demandons jamais à nos adhérents leur couleur politique. Par contre, s’ils prennent des positions qui vont à l’encontre des valeurs de la CFTC, nous les exclurons sans aucun problème », certifie-t-il.

    #FO #CGT #sud #hayange #charte_d'amiens #FSU

  • Compte à rebours avant la reprise du conflit : l’échéance du retrait israélien du #Liban suscite des tensions – Elijah J. Magnier
    https://ejmagnier.com/2024/12/29/compte-a-rebours-avant-la-reprise-du-conflit-lecheance-du-retrait-israeli

    À 29 jours de la date limite fixée à Israël pour se retirer de tous les territoires libanais occupés en vertu de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies (RCSNU 1701), les tensions au #Sud-Liban tendent vers un point critique. Si Israël ne respecte pas pleinement le mandat de retrait, des sources au sein des forces de #résistance ont signalé leur intention de reprendre les opérations militaires contre les positions israéliennes une heure après l’expiration de l’accord de cessation des hostilités de 60 jours.

    Dans un tel scénario, le #Hezbollah revendiquerait sa pleine légitimité pour lancer des attaques contre les positions israéliennes sur le territoire libanais, affirmant ainsi son rôle de défenseur de la souveraineté nationale. Même les critiques et les opposants politiques du Hezbollah au Liban sont peu susceptibles de contester la raison d’être du groupe dans ces circonstances, car tout manquement de la part d’Israël à libérer l’ensemble des territoires libanais occupés serait considéré comme une violation du droit international et de la souveraineté libanaise. Cette rare convergence de soutien souligne la gravité de la situation, alors que la région se prépare à une reprise possible des hostilités.

    Les rapports faisant état de plus de 1000 violations de la trêve par Israël, méticuleusement documentés par le Liban et remis au comité de surveillance composé de cinq membres, dont des représentants des États-Unis, de la France, du Liban, d’Israël et des Nations unies, ne font qu’aggraver la situation déjà instable. 

    Pendant la période de cessez-le-feu, Israël s’est engagé dans des actions non provoquées, notamment la destruction de villages, des avancées dans des zones stratégiques et le ciblage de sites symboliques et de la vallée. Ces actions ont exacerbé les tensions et considérablement compromis les perspectives d’une trêve durable le long de la frontière.

    La résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies et l’impasse actuelle

    Le 26 novembre 2024, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a annoncé que son gouvernement était prêt à conclure un accord de cessez-le-feu avec le Liban après deux mois d’intensification du conflit avec le Hezbollah. Netanyahou a souligné que la fin des hostilités au Liban permettrait à Israël de concentrer ses efforts sur d’autres menaces régionales, en particulier le Hamas dans la bande de Gaza, Ansar Allah au Yémen et l’Iran. Le cabinet de sécurité israélien s’est réuni et a approuvé la proposition de cessez-le-feu à la majorité de 10 contre 1, le seul opposant étant le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir.

  • Pascal Boniface et Gérard Araud : #OTAN, #Israël, #Syrie, #BRICS et l’avenir de la diplomatie française
    https://lvsl.fr/pascal-boniface-et-gerard-araud-otan-israel-syrie-brics-et-lavenir-de-la-diplom

    Tandis que le mouvement #HTS s’empare du pouvoir à Damas, les bombardements continuent sur Gaza. Alors que de nombreuses ONG accusent les forces armées israéliennes de commettre un génocide, la France a décrété qu’elle ne procéderait pas à l’arrestation de Benjamin #Netanyahou exigée par la Cour pénale internationale. Et tandis que les BRICS annoncent une […]

    #International #CPI #Sud_global #Trump

  • Gli operai di Forlì occupano la fabbrica e vincono la vertenza
    https://radioblackout.org/2024/12/gli-operai-di-forli-occupano-la-fabbrica-e-vincono-la-vertenza

    Lavoravano per 12 ore al giorno percependo uno stipendio adeguato a otto ore lavorative, privati di qualsiasi livello di sicurezza e l’alloggio previsto in realtà coincide con lo stesso capannone senza riscaldamento con i materassi buttati a terra. Gli operai hanno bloccato lo stabilimento di mobili e allestito un presidio davanti all’azienda. La vertenza che […]

    #L'informazione_di_Blackout #8x5 #forlì #sudd_cobas

  • #Plastique, l’#escroquerie du #recyclage

    La fin de l’âge du fer ? Au début des années 1960, scientifiques et plasturgistes prédisent que les progrès fulgurants dans la fabrication des #polymères permettront aux plastiques de détrôner métaux, verres et bois sur le podium des matériaux dominants. Chacun s’extasie. Le sémiologue Roland Barthes qualifie en 1957 le produit de la distillation du pétrole de « substance alchimique », de « matière miraculeuse ». Un an plus tard, le poète Raymond Queneau succombe au chant du styrène et à l’esthétique des « innombrables objets au but utilitaire » appelés à surgir du naphta, ce liquide provenant du raffinage à partir duquel se fabriquent l’essentiel des plastiques (1). Au XXIe siècle, les plastiques écrasent effectivement la concurrence. Entre 1950 et 2015, le secteur pétrochimique en a produit plus de 8 milliards de tonnes, surtout au cours des vingt dernières années, et l’accélération se poursuit (2).

    Après l’extase, l’effroi : soixante-dix ans plus tard, 350 millions de tonnes de déchets plastiques se déversent chaque année sur le monde. La pollution qu’ils engendrent fait peser sur les vivants et non-vivants une menace aussi lourde que documentée (3). On boit, on mange, on respire du plastique. Pour faire face à ce cataclysme synthétique, les industries pétrochimiques promeuvent sans relâche une solution selon elles miraculeuse : le recyclage, avec son ruban de Möbius - une flèche circulaire conçue par les lobbies à la fin des années 1980 -, symbole d’une économie où rien ne se perd et tout se transforme. Une économie qui continue donc à produire ce poison environnemental, mais sous une forme partiellement réutilisable.

    Célébré comme plus intelligent et respectueux de la nature que l’incinération ou la mise en décharge, ce procédé a fini par s’imposer au nombre des priorités politiques mondiales. Le résultat laisse perplexe : après quatre décennies de propagande, moins de 10 % des 6,3 milliards de tonnes de plastique produit et jeté entre 1950 et 2017 a fait l’objet d’un recyclage (4). Pourtant, l’Europe et, singulièrement, la France ont adopté ce mot d’ordre avec un enthousiasme déconcertant.

    En 2019, Matignon fixe un objectif stratosphérique : 100 % des déchets plastiques nationaux recyclés en 2025. La méthode ? Rendre les industriels responsables du destin des objets polymères qu’ils produisent. L’approche française s’inscrit dans la droite ligne de celle impulsée par la Commission européenne : obligation faite aux États membres depuis 2021 d’interdire les plastiques à #usage_unique et d’utiliser au moins 30 % de matériaux recyclés dans les #bouteilles plastifiées ; recyclage en 2030 de 55 % des déchets d’#emballages plastiques (5).

    Alléchés, les industriels européens ne tardent pas à communiquer sur des #technologies « novatrices » ajustées à la nouvelle législation européenne. En 2022, les chimistes #BASF et #Borealis, l’emballeur #Südpack et le laitier bavarois #Zott claironnaient la mise au point d’un prototype d’emballage multicouche de mozzarella entièrement réalisé en nylon et polyéthylène recyclés. Mais ces « projets-pilotes » largement médiatisés représentent une goutte d’eau dans l’océan des ambitions politiques. D’autant qu’en période d’#austérité les #investissements d’infrastructure nécessaires à la collecte et au #tri des #déchets plastiques se trouvent rarement en tête des priorités, tant en Europe qu’aux États-Unis. D’où ces révélations aussi spectaculaires que banales, comme celle qui épouvanta l’été dernier Mme #Brandy_Deason, habitante de Houston, au Texas : quelques jours après avoir placé un traceur dans ses déchets plastiques destinés au conteneur recyclage, elle les géolocalisa non pas dans un centre de traitement dernier cri, mais dans une décharge géante à ciel ouvert (6).

    Ce cas extrême met en évidence le poids des considérations économiques dans l’#échec du recyclage. Du fait d’une production surabondante d’#éthylène, produit à partir du #pétrole ou du gaz, le prix du plastique « vierge » s’effondre et mine la #rentabilité des recycleurs européens, dont l’activité consiste en grande partie à retraiter le #polyéthylène (polymère de l’éthylène). Dans un monde guidé par la boussole du calcul coût-avantage, pourquoi les industriels et les distributeurs européens privilégieraient-ils des produits recyclés plus chers que le neuf ? En Allemagne, l’usine #Veolia de Rostock recyclait annuellement environ 36 000 tonnes de #polyéthylène_téréphtalate usagé (#PET). Elle a fermé ses portes car, selon la direction, l’#industrie_agro-alimentaire rechignait à soutenir ce produit plus vert mais plus cher. Non loin de là, un tribunal néerlandais a déclaré en faillite l’usine de recyclage de plastique d’#Umincorp, à Amsterdam (7). À moins que l’Union européenne n’édicte de nouvelles #réglementations plus contraignantes, le recyclage occidental ne pourra concurrencer l’orgie d’éthylène. D’autant que de nouveaux sites de production de ce composé chimique s’apprêtent à sortir de terre en Chine, aux États-Unis et en Arabie saoudite, ce qui, à demande constante, orienterait les #prix à la baisse.

    Mais la grande escroquerie du recyclage réside ailleurs : le procédé n’a jamais été viable, ni techniquement ni économiquement ; les industriels le savent de longue date, mais jouent avec succès sur la corruptibilité des pouvoirs et la crédulité du public. Un rapport du Center for Climate Integrity (CCI) publié en février 2024 a détaillé un secret que nul au fond ne voulait exhumer (8). Pendant des décennies, les grandes compagnies pétrochimiques ont sciemment provoqué la crise des #déchets_plastiques. « Ils ont menti, affirme M. Richard Wiles, un responsable du CCI. Voici venu le temps de rendre des comptes pour les dégâts qu’ils ont commis. »

    Sur les milliers de variétés produites, seules deux présentent des propriétés qui rendent le recyclage viable à ce jour : les PET et les #polyéthylènes_à_haute_densité (#PEHD). Le procédé nécessite donc un tri méticuleux qui renchérit le coût et conduit à écarter les éléments composés d’alliages de plastiques ou de plusieurs matériaux que l’on trouve dans de nombreux objets jetables. Un flacon et un bocal tous deux en PET devront être séparés s’ils comportent des additifs ou des colorants différents, de même que les bouteilles en PET vertes et transparentes. Autre difficulté de taille : les plastiques se dégradent à chaque #réutilisation et ne peuvent donc être réemployés qu’une fois ou, plus rarement, deux fois. Faute de quoi non seulement leurs propriétés se dénaturent, mais leur #toxicité peut s’accroître.

    La filière pétrochimique n’a jamais rien ignoré de ces obstacles structurels. Pour désarmer la mobilisation qui enfle contre les décharges à ciel ouvert ou la mode du jetable, et éviter le risque d’une réglementation trop contraignante, elle adopte au milieu des années 1980 l’idée du recyclage. En 1984 naît une fondation réunissant la pétrochimie et les embouteilleurs axée sur un engagement en faveur de ce procédé. L’année suivante, le secteur lance en grande pompe un centre de recherche à l’université Rutgers, dans le New Jersey, puis un projet-pilote de recyclage à Saint Paul, dans le Minnesota, alors que le conseil municipal de la ville venait juste d’interdire le polystyrène. Derrière les portes closes, personne n’y croit. « Il se peut qu’un jour cela puisse devenir une réalité, observait en 1994 un représentant d’#Eastman_Chemical lors d’une conférence sur le sujet. Il est plus probable que nous nous réveillerons et comprendrons que nous n’allons pas nous sortir de la question du recyclage des déchets solides. » Peu importait au fond puisque, comme le déclarait un employé d’Exxon au personnel de l’American Plastics Council (APC) : « Nous sommes engagés dans les activités de recyclage des plastiques, mais nous ne sommes pas tenus à des résultats. »

    Depuis quarante ans, l’« #engagement » consiste en une série de #campagnes de #désinformation et d’#enfumage sur les #mirages du recyclage. Elles mobilisent tantôt les #multinationales de la #pétrochimie, leurs associations professionnelles, leurs fondations, tantôt leurs multiples groupes de façade. À la fin de la décennie 1990, l’interdiction du polystyrène et du #polychlorure_de_vinyle (#PVC) dans plusieurs États accélère le mouvement. « Nous devons agir à la base et mener une guerre de guérilla comme nos adversaires », note un participant lors d’une réunion de l’Association européenne des producteurs de plastiques (Plastics Europe) le 2 janvier 1994. Des millions de dollars gonflent les caisses des agences de communication pour vendre la « solution » et riveter dans les consciences les mots : « modernité », « #innovation_technologique », « #efficacité », « engagement », « approche intégrée pour la gestion des plastiques », « avantage économique », etc. L’industrie chante désormais les vertus du « #recyclage_avancé », un procédé d’#incinération ou de #dégradation_chimique, plus polluant que la méthode classique, et qui ne produit que 1 à 14 % de matière réutilisable.

    Les pétrochimistes ont gagné leur bataille : en 2021, les États-Unis ne recyclaient que 5 à 6 % de leurs déchets plastiques (9) ; et l’industrie produisait toujours plus de #polymères. En 2022, le procureur général de Californie a lancé, sur la base du rapport du CCI, une enquête ciblant les fabricants « pour leur rôle dans la crise globale de la #pollution_plastique ». Mais quel tribunal international mettra l’humanité à l’abri de leur conduite criminelle ?

    Note(s) :

    (1) Roland Barthes, Mythologies, Seuil, Paris, 2010 (1re éd. : 1957) ; Raymond Queneau dans Le Chant du styrène, 1958, film commandé à Alain Resnais par le groupe de pétrochimie Péchiney.

    (2) Roland Geyer, Jenna R. Jambeck et Kara Lavender Law, « Production, use, and fate of all plastics ever made », Science Advances, vol. 3, n° 7, 2017.

    (3) Lire Mickaël Correia, « Le plastique, c’est fantastique », Le Monde diplomatique, février 2022.

    (4) Atlas du plastique. Faits et chiffres sur le monde des polymères synthétiques, Fondation Heinrich Böll - La Fabrique écologique - Break Free From Plastic, 2020.

    (5) Alex Scott, « Europe hardens stance on plastic recycling », Chemical and Engineering News, vol. 97, n° 29, Washington, DC, 2019.

    (6) Rachel Dobkin, « Woman drops AirTag in recycling to see if plastics are actually recycled », Newsweek, New York, 2 septembre 2024.

    (7) Alex Scott, « Global plastics glut and weak regulations hurt European recyclers », Chemical and Engineering News, vol. 102, n° 4, 2024.

    (8) Davis Allen, Alyssa Johl, Chelsea Linsley et Naomi Spoelman, « The fraud of plastic recycling. How big oil and the plastics industry deceived the public for decades and caused the plastic waste crisis » (PDF), Center for Climate Integrity, février 2024, dont sont tirées les citations suivantes. Cf. également Dharma Noor, « "They lied" : Plastics producers deceived public about recycling report reveals », The Guardian, Londres, 15 février 2024.

    (9) « The real truth about US plastic recycling rate », Beyond plastics, mai 2022.

    https://www.monde-diplomatique.fr/2024/11/LARBI_BOUGUERRA/67771
    #green-washing #coût #mensonge #dégradation #réemploi

  • Verso un mondo multipolare o verso un conflitto globale?@0
    https://radioblackout.org/2024/10/verso-un-mondo-multipolare-o-verso-un-conflitto-globale

    Sul fatto che il mondo stia cercando un nuovo ordine siamo sostanzialmente tutti d’accordo. Ma su come questo possa avvenire le opinioni divergono parecchio. E oscillano tra un’ipotesi di #guerra mondiale, che può scivolare nell’incubo nucleare, e l’idea che tutto si possa ricomporre nell’ambito di guerre commerciali e finanziarie anche spietate. Oggi abbiamo provato a […]

    #L'informazione_di_Blackout #brasile #brics #cina #india #palestina #russia #Sudafrica
    https://cdn.radioblackout.org/wp-content/uploads/2024/10/PaolaCaridi.mp3

  • #Sudan. #fame, sangue, #pulizia_etnica
    https://radioblackout.org/2024/10/sudan-fame-sangue-pulizia-etnica

    Il Sudan è entrato nel 16esimo mese di guerra e la fame attanaglia gran parte della popolazione. Il rapporto dell’ONU di fine giugno precisa che 25,6 milioni di sudanesi – poco più della metà della popolazione – è colpita da insicurezza alimentare acuta. I morti sono ben oltre 16 mila, cifra certamente sottostimata. Secondo gli […]

    #L'informazione_di_Blackout #catastrofe #profughi
    https://cdn.radioblackout.org/wp-content/uploads/2024/10/2024-10-22-sudan-alberizzi.mp3

  • #sudd_cobas #Prato: lo #sciopero continua dopo lo Strike Day
    https://radioblackout.org/2024/10/sudd-cobas-prato-lo-sciopero-continua-dopo-lo-strike-day

    Lo Strike Day iniziato domenica scorsa ha visto il coinvolgimento di 8 fabbriche di cui soltanto 5 nella frazione di Seano (Prato), sono state ben 7 le vittorie portate a casa dal sindacato Sudd Cobas per ottenere ciò che viene rappresentato con 8×5, ossia ottenere accordi di otto ore lavorative su 5 giorni per interrompere […]

    #L'informazione_di_Blackout #distretto_tessile #lavoro
    https://cdn.radioblackout.org/wp-content/uploads/2024/10/Prato-SUDD-Cobas-2024_10_17_2024.10.17-10.00.00-escopost.mp3

  • Perdre le Sud. Décoloniser la #solidarité_internationale

    Travailleuse d’usine mexicaine, cultivateur de riz indien, ménagère ougandaise, fermière aymara : ces personnes ont en commun d’être nées dans des nations exploitées ou opprimées. C’est le résultat de l’#ordre_mondial institutionnalisé : la prospérité de l’Occident vient en grande partie de l’appauvrissement du reste du globe. Pourtant, les positions antimondialisation actuelles sont trop souvent synonymes de #fermeture_des_frontières et de #repli sur soi. Pour faire contrepoids, #Maïka_Sondarjee développe une position internationale pour la #gauche qui est réellement solidaire avec les nations du Sud : l’#internationalisme_radical. Avec cette vision anticapitaliste, décoloniale et féministe de la coopération internationale, elle souhaite intégrer l’Autre au cœur de nos préoccupations. Une invitation à décoloniser la solidarité internationale et à envisager une transition globale juste, seule façon de ne pas perdre le Sud.

    https://ecosociete.org/livres/perdre-le-sud
    #exploitation #oppression #Sud_global #anti-capitalisme #décolonial #féminisme #coopération_internationale #transition_globale #ressources_pédagogiques
    #livre

    ping @karine4 @_kg_

  • L’homme mesuré / Der vermessene Mensch
    https://www.arte.tv/fr/videos/100893-000-A/l-homme-mesure

    A travers le récit d’un voyage initiatique on découvre le mécanisme de l’apprivoisement des jeunes esprits à l’origine de leur participation aux crimes de l’avenir.


    Très beau film naturaliste, assez pédagogique, scénario et reconstitution des décors de l’époque excellents, avec de bons acteurs, le personnage principal du jeune éthnologie aurait mérité l’interprétation d’un grand acteur comme Martin Sheen dans Apocalypse now. On ne peut pas tout avour dans un téléfilm allemand.

    A conseiller à chacun qui se pose encore la question pourquoi et comment des gens biens deviennent des assassins et génocidaires.

    À travers le regard d’un jeune ethnologue à l’éthique ambiguë, une fiction abordant le génocide commis au tournant du XXe siècle par l’Empire allemand dans ses colonies du Sud-Ouest africain.

    109 min, Disponible jusqu’au 2.1.2025,, à la télévision le samedi 12 octobre à 01:20

    Berlin, 1896. Alexander Hoffman, jeune doctorant en ethnologie pétri d’idéaux humanistes, vit un choc culturel à l’occasion d’une exposition coloniale, qui offre aux étudiants l’opportunité d’examiner des « spécimens humains » issus des ethnies du Sud-Ouest africain, où l’Empire allemand a implanté ses colonies. Au contact de Kezia, la jeune femme herero qui sert d’interprète à sa délégation, et qui l’impressionne par son intelligence, Alexander remet en doute la validité de la craniométrie – la mesure du crâne –, l’une des bases des théories racistes enseignées alors à la faculté. Quelques années plus tard, le jeune universitaire, dont les idées hétérodoxes ont freiné l’avancement professionnel, se porte volontaire pour prendre part à une expédition scientifique sous la protection de l’armée impériale, envoyée pour réprimer la révolte des Herero et des Nama. Sur place – où il espère secrètement retrouver la trace de Kezia –, il devra collecter des objets d’art destinés aux musées allemands et poursuivre les recherches de son département. Alors qu’il assiste impuissant au début d’une guerre d’extermination menée par ses compatriotes, l’ethnologue, lui aussi, dépasse de plus en plus les limites morales…

    Un homme de son temps
    C’est un chapitre terrible et peu connu de l’histoire coloniale qu’aborde ce film ambitieux : les génocides commis entre 1904 et 1908 par les troupes du IIe Reich, conduites par le général von Trotha, contre les peuples autochtones de l’"Afrique du Sud-Ouest allemande", dans l’actuelle Namibie. À travers le regard de son héros à l’éthique ambiguë (Leonard Scheicher), qui réprouve ce qu’il voit mais apparaîtra finalement comme un homme tristement de son temps, sont exposées toute l’horreur et l’absurdité des théories raciales qui justifièrent les crimes les plus inhumains, et jetèrent les bases des préceptes du régime nazi. Dans le rôle de Kezia, la star namibienne Girley Charlene Jazama, appartenant elle-même au peuple herero, livre une prestation des plus convaincantes.

    Avec

    Leonard Scheicher (Alexander Hoffmann)
    Girley Charlene Jazama (Kezia Kunouje Kambazembi)
    Peter Simonischek (Professor von Waldstätten)
    Sven Schelker (Oberleutnant Wolf von Crensky)
    Max Koch (Korporal Kramer)
    Ludger Bökelmann (Fähnrich Hartung)
    Leo Meier (Bernd Wendenburg)
    Anton Paulus (Friedrich Maharero)
    Alexander Radszun (général von Trotha)
    Michael Schenk (major von Estorff)
    Tilo Werner (Missionar Kuhlmann)
    Corinna Kirchhoff (Henriette Hoffmann)

    Réalisation Lars Kraume
    Scénario Lars Kraume
    Production Zero One Film ZDF ARTE Studiocanal Film

    Producteur Thomas Kufus
    Image Jens Harant
    Montage Peter R. Adam
    Musique Christoph M. Kaiser Julian Maas

    Pays Allemagne
    Année 2021

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    #téléfilm #Allemagne #histoire #colonialisme #Sud-Ouest_africain_allemand #Deutsch_Südwesr_Afrika #Namibie #Hereros #Kalahari #génocide #science #éthnologie

  • Une charte pour s’engager dans une démarche de bâtiment frugal – Bizi !
    https://bizimugi.eu/charte-batiment-frugal

    Le bâtiment est un secteur prioritaire pour la lutte contre le dérèglement climatique et la transition énergétique :

    Les espaces naturels, agricoles et forestiers sont grignotés depuis plusieurs décennies par l’urbanisation, principalement à destination de l’habitat ;
    Un quart des émissions de gaz à effet de serre sont liées à ce secteur ;
    Les bâtiments génèrent plus de la moitié des consommations en énergie du territoire ;
    L’énergie, majoritairement utilisée pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire, est le deuxième poste de dépenses des ménages consacrées au logement, après les loyers ;
    Le secteur du bâtiment est également celui qui produit le plus de déchets en France, avec les infrastructures et les voiries ;
    Alors que les ressources limitées de la Terre, avant tout l’eau et le sable indispensables aux constructions, sont surexploitées et en voie d’épuisement ;
    Enfin, la qualité des bâtiments joue un rôle prépondérant sur la santé des êtres humains.

    Cette charte s’adresse à tous les bâtisseurs et toutes les bâtisseuses (maîtres d’ouvrage, maîtres d’œuvre, artisan·e·s, entreprises…) et en premier lieu aux élu·e·s en tant que principaux acteurs et actrices de la métamorphose écologique et sociale.

    Elle propose de les aider dans leurs tâches complexes de programmer et concevoir des projets sains, qualitatifs et respectueux de l’environnement.

    https://bizimugi.eu/wp-content/uploads/2024/09/Charte-Batiment-Frugal-Sud-Aquitain-fr.pdf

    #architecture #écologie #charte #bizi #sud-ouest #aquitaine

  • #Soudan : la #guerre de l’#or

    Dans cet article, le chercheur Mohamed Salah Abdelrahmane analyse le rôle central de l’économie de l’or dans la guerre au Soudan. La défaillance de l’État entraîne le développement d’une économie parallèle qui permet aux factions armées de financer leur guerre, tout en satisfaisant les intérêts des puissances étrangères. Il propose également des pistes pour lutter contre les économies de guerre.

    La guerre entre les Forces armées soudanaises (SAF) et l’armée parallèle connue sous le nom de Forces de soutien rapide (RSF) ravage le Soudan depuis avril 2023. (…) La situation est sombre. Le Soudan a plongé vers une véritable guerre civile et un effondrement total de l’État. Cet article analyse l’évolution de l’économie de l’or depuis le début de la guerre actuelle, et interroge les politiques qui ont contribué à créer cette économie de guerre.

    La nature du conflit et des ressources

    L’or est la ressource la plus précieuse du Soudan, son principal produit d’exportation et sa première source de devises étrangères. Le secteur de l’or mobilise une main-d’œuvre intensive. Pas moins de 2,8 millions de travailleurs sont engagés dans l’extraction minière, et environ cinq millions de travailleurs exercent des professions liées à la production ou le commerce de l’or.

    Au cours de la dernière décennie, (…) les conflits au Soudan se sont concentrés autour de sites aurifères, tels que Jabal Amir. L’apparition des conflits coïncide avec une expansion des activités d’extraction d’or. Les bénéfices engendrés par l’économie de l’or contribuent ensuite à financer ces conflits.

    (…) Tous les groupes armés ont des activités économiques dans le secteur aurifère. Ces acteurs ont commencé à se disputer férocement le secteur de l’or, surtout après le coup d’État d’octobre 2021 [réalisé par l’armée soudanaise], qui s’est terminé par, ou plutôt a culminé dans la guerre entre l’armée soudanaise (SAF) et la milice paramilitaire des Forces de Soutien Rapide (RSF) qui ravage actuellement le pays.

    L’or et la guerre soudanaise

    (…) Lorsque la guerre a éclaté à Khartoum aux premières heures du matin du 15 avril 2023, tous les yeux étaient rivés sur les affrontements qui se déroulaient dans les différents endroits stratégiques de la capitale. Simultanément, cependant, une autre guerre éclatait loin de Khartoum. Une guerre pour l’or. Dans l’État du Darfour-Nord, les RSF resserraient leur emprise sur les célèbres mines de Jabal Amir.

    Cet assaut est intervenu dans un contexte précis. En 2020, la propriété des mines de Jabal Amir avait été transférée à l’Etat Soudanais d’une compensation financière versée par l’Etat à la société Al-Junaid, possédée par Abd al-Rahim Dagalo, le second commandant des RSF. Celui-ci a également reçu 33% des parts de Sudamin, une entreprise possédée par l’Etat, affiliée au ministère des Minerais. Cet accord avait été vivement critiqué par la société civile (…). De plus, le gouvernement a attribué aux RSF la mission de sécuriser les mines de Jabal Amir. Quand la guerre éclate le 15 avril 2023, les RSF prennent totalement le contrôle de la région de Kabkabiya, au nord du Darfour, où Jabal Amir est localisée. (…)

    Le 24 mai 2023, la principale raffinerie d’or du Soudan est à son tour tombée aux mains des RSF. La raffinerie a pour fonction de filtrer l’or pour le préparer à l’export. Selon les témoignages, 1,6 tonnes d’or (…) (dont 800 kilogrammes déjà raffinés), étaient stockés dans le bâtiment au moment où il a été pris d’assaut par les RSF. (…) Considérant le prix de l’or sur le marché mondial en avril 2023, la quantité d’or passé sous le contrôle des RSF dans cette opération est estimée à plus 150,5 millions de dollars. (…)

    Au Soudan, les familles riches conservent leur épargne sous forme de bijoux en or et de devises étrangères, gardés dans des coffres privés gérés par des banques commerciales. Ces banques[1], qui se trouvent en majorité dans les zones contrôlées par les RSF à Khartoum, ont été systématiquement pillées depuis le début de la guerre. D’après les témoignages, les soldats des RSF utilisent des instruments de détection d’or lorsqu’ils pillent les maisons des habitants. Cela indique qu’ils disposent des connaissances et de la technologie nécessaire au pillage de l’or (…).

    L’évolution du front militaire montre que les RSF cherchent à contrôler les réserves d’or et les sites de production minière, ce qui leur permet de financer leurs opérations militaires coûteuses. (…) Leur emprise s’étend sur de vastes zones dans le Sud Darfour, à Al Radom, Singo, Aghbash, Dharaba, et dans toutes les terres riches en or dispersées au sud de Buram près de la frontière Centrafricaine. Le 13 juin 2023, ils s’emparent d’Um Dafouk, une zone frontalière stratégique et une route logistique centrale pour l’exportation de l’or.

    Or, l’armée soudanaise n’a pas mené d’opérations pour protéger ces sites. Aucun autre mouvement armé, y compris l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS-Nord) dirigée par Abdelaziz al Hilu, n’a non plus tenté d’interférer dans les opérations minières.

    Les politiques de l’État depuis le début de la guerre

    Depuis le début de la guerre, les failles sécuritaires, et la généralisation des vols et du braconnage (…) ont entraîné la faillite et la fermeture des principales entreprises d’extraction d’or[2]. La production illégale de l’or de cesse de s’accroître. Des substances nocives pour l’environnement, telles que le cyanure et la thiourée, sont utilisées pour des projets d’extraction illégale. (…)

    Le ministère des Finances a modifié les conditions d’exportation de l’or depuis Port-Soudan, la nouvelle capitale dirigée par l’armée soudanaise, en stipulant que les ventes d’or devraient être payées avant le début des opérations d’exports. Cette décision occasionne de grandes difficultés pour les exportateurs légaux et facilitent le développement des opérations de contrebande (…).

    Aux frontières du Darfour-Nord, de l’État du Nord et de la Libye, les activités de pillage s’intensifient au fur et à mesure que les gangs (…) se multiplient. Les routes du trafic d’or convergent avec les trajectoires des trafics d’armes, de drogues, et d’êtres humains.

    La communauté régionale et les impacts de la guerre sur le commerce de l’or

    Les pays voisins qui entretiennent des liens historiques avec le Soudan sont eux aussi impliqués dans cette économie de guerre. L’Égypte, notamment, cherche à augmenter ses réserves d’or pour gérer sa crise économique interne et empêcher sa monnaie de s’effondrer (…). L’or représente 25% des réserves brutes totales du pays.

    Le début de la guerre actuelle au Soudan a coïncidé avec un pic des prix de l’or en Egypte. Le 10 mai, le premier ministre égyptien Mostafa Madbouly a publié une décision favorisant l’importation d’or en l’exonérant des frais de douanes. Ces mesures ont permis de stabiliser les prix de l’or en Égypte (…) et d’introduire plus de 306 kilogrammes d’or raffiné en seulement un mois (le volume d’or brut importé en Egypte n’est pas connu). Depuis, les réserves d’or égyptiennes ont continué à augmenter.

    (…) Dans de nombreux pays, comme la Syrie, le Yémen, la Libye, la Centrafrique, les liens économiques et politiques avec d’autres acteurs régionaux et internationaux contribuent à la persistance et à l’aggravation des conflits. Mais au Soudan, les intérêts enchevêtrés des différents acteurs rendent la situation peu lisible à ce stade. L’évolution des économies façonnées par la guerre nous permettra de clarifier, au fil du temps, les différents intérêts étrangers.

    Recommandations

    |La sortie du conflit armé au Soudan] requière discussion sérieuse sur la redéfinition du rôle des ressources dans la transition vers un gouvernement civil et démocratique, pour s’assurer que les ressources serviront à financer la reconstruction du Soudan.

    Au gouvernement « de facto » [dirigé par l’armée soudanaise et issu du coup d’État de 2021] :

    – Adopter des lois de réforme du secteur minier pour lutter contre les opérations de contrebande en obligeant efficacement les producteurs à payer leurs taxes à l’État
    - Restructurer en profondeur le secteur de la production (et en particulier de l’or), en vue d’une plus grande transparence et en permettant la participation populaire dans la gestion de cette économie

    A la communauté internationale :

    – Prendre en compte l’impact du secteur minier sur la perpétuation des conflits armés
    – Classifier de toute urgence l’or en provenance du Soudan comme de « l’or de guerre », en appliquant les règlements déjà en vigueur dans le droit européen et dans différentes législations nationales[3].
    - Placer sous embargo les entreprises qui utilisent de l’or produit par les acteurs de la guerre (gangs, milices, RSF, etc).

    Aux entreprises travaillant dans le commerce de l’or ou utilisant ces produits :

    – Renforcer la transparence et les contrôles rigoureux de la chaîne d’approvisionnement
    – Promouvoir des pratiques responsables dans le secteur des minerais.

    A la société civile soudanaise :

    - Surveiller et empêcher les abus liés aux interventions de l’armée dans les activités économiques
    - Mettre en place un observatoire des ressources naturelles et des abus liés à leur usage afin de mettre en lumière leur rôle dans le financement de la guerre au Soudan.

    https://blogs.mediapart.fr/sudfa/blog/270824/soudan-la-guerre-de-lor

    Traduction de :
    Sudan’s Other War : The Place of Gold in War Economics


    https://sudantransparency.org/sudans-other-war-the-place-of-gold-in-war-economics

    #économie_de_l'or #économie #économies_de_guerre #économie_de_guerre #Forces_armées_soudanaises (#SAF) #Forces_de_soutien_rapide (#RSF) #guerre_civile #extraction_minière #mines #Jabal_Amir #Al-Junaid #Abd_al-Rahim_Dagalo #Sudamin #Kabkabiya #Darfour #exportation #prix #Um_Dafouk #Armée_populaire_de_libération_du_Soudan (#APLS-Nord) #Abdelaziz_al_Hilu #cyanure #thiourée #pillage #Egypte #or_de_guerre

  • Karneval der Kulturen: Diese Straßen in Kreuzberg sind ab morgen gesperrt
    https://www.berliner-zeitung.de/news/karneval-der-kulturen-diese-strassen-in-kreuzberg-sind-ab-morgen-ge

    15.5.2024 von Charlotte Pfeifer - Wegen des #Karneval_der_Kulturen am Pfingstwochenende werden in #Berlin bereits ab Donnerstag erste Sperrungen eingerichtet. Autofahrer und andere Verkehrsteilnehmer müssen sich rund um den #Blücherplatz in #Kreuzberg auf Einschränkungen einstellen, wie die Verkehrsinformationszentrale (VIZ) mitteilte. Diese Straßen sind betroffen.

    Am Donnerstag, ab 10 Uhr, ist der Blücherplatz nicht mehr befahrbar. Ebenfalls für den Autoverkehr gesperrt werden die #Blücherstraße zwischen #Mehringdamm und #Mittenwalder_Straße, die #Zossener_Straße zwischen #Gitschiner_Straße und #Baruther_Straße sowie die #Johanniterstraße zwischen Zossener Straße und #Brachvogelstraße.
    Sperrungen in Kreuzberg: Diese Straßen sind ab Donnerstagabend dicht

    Am Donnerstagabend werden die #Zossener_Brücke, die #Hallesche-Tor-Brücke sowie das Tempelhofer Ufer, das #Waterloo-Ufer und die #Gitschiner_Straße gesperrt. Ab Samstag kann zudem die südliche Fahrbahn des #Südstern s zwischen #Bergmannstraße und #Lilienthalstraße nicht mehr befahren werden.

    Vom #Mariannenplatz zum #Görlitzer Park_findet am Samstag findet der Umzug des Kinderkarnevals statt. Die Strecke wird zwischen 12.30 Uhr und 14 Uhr gesperrt. Betroffen sind #Mariannenstraße, #Rio-Reiser-Platz, #Oranienstraße und Görlitzer Park.
    Großer Karnevalsumzug am Pfingstsonntag: Anreise mit dem ÖPNV

    Am Pfingstsonntag folgt der große Karnevalsumzug, bei dem Hunderttausende Besucher erwartet werden. Hierfür werden ab 7 Uhr die #Yorckstraße, #Hasenheide, #Karl-Marx-Straße zwischen #Hermannstraße und #Reuterstraße sowie der #Hermannplatz gesperrt.

    Durch die umfangreichen Sperrungen werden auch mehrere Buslinien umgeleitet. Betroffen sind die Linien M41, 248, N1 und N42. Am frühen Montagmorgen sollen die Streckensperrungen wieder aufgehoben werden.
    Meistgelesene Artikel

    Besucher werden gebeten, ihr Auto an den Tagen stehenzulassen und stattdessen mit dem Fahrrad oder den öffentlichen Verkehrsmitteln anzureisen. In und um den abgesperrten Bereich werden kaum Parkmöglichkeiten vorhanden sein.

    #Berlin #Verkehr

  • Widespread contamination of soils and vegetation with current use pesticide residues along altitudinal gradients in a European Alpine valley

    Pesticides are transferred outside of cropland and can affect animals and plants. Here we investigated the distribution of 97 current use pesticides in soil and vegetation as central exposure matrices of insects. Sampling was conducted on 53 sites along eleven altitudinal transects in the Vinschgau valley (South Tyrol, Italy), in Europe’s largest apple growing area. A total of 27 pesticides (10 insecticides, 11 fungicides and 6 herbicides) were detected, originating mostly from apple orchards. Residue numbers and concentrations decreased with altitude and distance to orchards, but were even detected at the highest sites. Predictive, detection-based mapping indicates that pesticide mixtures can occur anywhere from the valley floor to mountain peaks. This study demonstrates widespread pesticide contamination of Alpine environments, creating contaminated landscapes. As residue mixtures have been detected in remote alpine ecosystems and conservation areas, we call for a reduction of pesticide use to prevent further contamination and loss of biodiversity.


    https://www.nature.com/articles/s43247-024-01220-1
    #montagne #Alpes #Tyrol_du_sud #contamination_du_sol #sols #sol #pollution #agriculture #pollution_du_sol #pommes #pesticides #Sud-Tyrol #Italie #cartographie #visualisation

  • Impact de la #guerre au #Sud_Liban sur la population, l’économie et l’#agriculture
    Olives, citrus, and bombs : Diana Salloum on South Lebanon’s agriculture
    https://throughtheclimatefog.substack.com/p/lebanon-israel-gaza-war-farmers-displacement

    As of early January, the UN was reporting more than 75,000 people displaced. This is especially painful because it’s happening during the olive harvest, which is economically critical for these communities. Some of those displaced are still trying to finish the harvest, despite the violence: In the village of Deir Mimas, I’ve heard of people going back and picking olives at night, in hopes that it will be safer from bombardment than in daylight.

    The stakes are especially high because, for many people, this will be the last season they can make money off of these orchards. People put a lot of money into their trees and properties. Many had to rebuild after the 2006 war–which, per UN estimates, cost some 280 million USD in agricultural losses.

    Now they see their land being damaged again, and many expect the destruction to keep coming. In areas that Israel has hit with white phosphorous, not everyone knows the technicalities of what it does to the soil–but they know it’s poison, so they stay away.
    [...]
    How do such people get by, while separated from their land and livelihood?

    Before 2019, the obvious choice would have been to drive a taxi as a second job. Today, though, you make very little money driving a taxi [due to the currency’s collapse and rising fuel prices]. So people look for other options. Families that have a second house elsewhere in Lebanon might try to set up a business selling things there. Those that have gone to stay with friends might find work helping in their shops.

    Some older farmers are thinking of emigrating: going to join their children who are already abroad. But this option is not accessible to everyone. I spoke, for example, to a farmer who had considered joining his son in Qatar. But his son barely earns enough money to support himself, and lives in shared housing, so is not in a position to receive his father.
    [...]
    Beyond those directly impacted by violence, what does all this mean for food prices across Lebanon?

    South Lebanon is an important producer of a few different crops, but until now the big impact is on olive oil. Government data suggests that Lebanon’s two southernmost governorates supply a little over a third of the local olive market. As a result, the conflict has had a major impact on prices.

    On October 7, you could buy a 20 liter tank of olive oil for around 100 dollars. Then the price went up to 130. A few weeks ago, I saw people in North Lebanon selling for 175. Traders say this is simply because there’s a lot of demand and not enough supply. But some wonder if sellers are taking advantage of the situation to increase their profits.

    This is the latest in a long string of crises for Lebanese farmers, piled onto economic collapse and the slow-motion impact of climate change. What other problems do people face, and how do they manage?

    The currency’s devaluation has made agricultural inputs much more expensive. Most farming here depends on chemical fertilizers and pesticides. These are imported in dollars, while produce is sold in Lebanese pounds.

    Some people have adapted by simply using less inputs, which means getting a smaller harvest. Others have switched to using very cheap Chinese inputs. This yields low quality fruits and vegetables, which often cannot be sold in Beirut: Consumers in the capital expect a certain level of quality, and traders at the wholesale markets will reject goods that don’t meet it. So this produce gets sold in places like Tripoli, which impose less control.

    Some people are trying to start farming organically, without chemical fertilizers or pesticides. But in order to switch to organic, land that has been chemically farmed must be left alone to recover. Most people here cannot afford that time. Some are trying creative ways to transition: I know a guy who has divided his land up into small plots and is gradually switching some areas to organic while using traditional methods on the rest.

    Another problem is the increase in extreme or unpredictable weather. Last April, many farmers suffered losses due to the combination of late rains followed by warm, sunny days, which ruined certain crops. Similarly, a lot of apple farmers had hail storms damage their apples. Many took a huge loss, selling damaged produce for one dollar a crate instead of three.

  • La ligne Nord-Sud, permanence d’un #clivage ancien et durable

    Très utilisée en classe pendant plus de deux décennies par commodité pédagogique, la limite Nord-Sud a été aussi beaucoup critiquée. Simpliste, réductrice, caricaturale ? En fait, retracer l’histoire de la notion permet de lui redonner une épaisseur et un intérêt épistémologique. Encore puissante aujourd’hui dans les mécanismes de négociation internationale, elle s’incarne toujours dans la notion de "Sud global".

    La limite Nord-Sud a été omniprésente sur les cartes des manuels scolaires de géographie jusqu’à encore récemment. Simple, elle répondait à certaines attentes didactiques du secondaire : un repère visible, traçable, mémorisable ; et résumait bien les inégalités dans le Monde.

    Son tracé reprenait la ligne qui avait été esquissée sur une carte publiée en 1980 en couverture des éditions étatsunienne et française du rapport rédigé sous la direction de l’ancien chancelier allemand Willy Brandt, Nord-Sud : un programme de survie. La carte avait été conçue selon une projection inhabituelle, justifiée dès le verso de la page de titre :
    « 

    « Elle montre exactement la proportion de la surface des terres immergées [1]. […] Cette projection marque un progrès important par rapport à la conception qui attribuait un rôle mondial prépondérant à l’Europe sur le plan géographique comme sur le plan culturel. »

    Willy Brandt (dir.), 1980, Nord-Sud : un programme de survie : Rapport de la Commission indépendante sur les problèmes de développement international, Paris, Gallimard, p. 6.
     »

    La carte présentée par Arno Peters en 1973 était une critique de la projection de Mercator, très utile en son temps pour les navigateurs européens, mais obsolète, voire inacceptable, au XXe siècle car non équivalente, trop « inégale » notamment à l’encontre des pays de la zone intertropicale. La projection de Peters, qui avait été décrite auparavant par James Gall en 1855, était plus juste dans la représentation de la surface des différentes régions du monde. Elle était donc en accord avec la perspective tiers-mondiste adoptée dans le rapport Brandt.

    Quant à la ligne elle-même, les auteurs du rapport soulignaient la simplification peut-être excessive qu’elle opérait :
    « 

    « Il y a des objections évidentes à une image simplifiée montrant le monde divisé en deux camps. Le “Nord” comprend deux pays riches et industrialisés, au sud de l’équateur, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Dans le “Sud”, la gamme va d’une nation à demi industrialisée, en pleine expansion, comme le Brésil, à des pays pauvres enserrés par les terres, comme le Tchad, ou insulaires, comme les Maldives. Quelques pays du Sud, généralement exportateurs de pétrole, disposent d’un revenu plus élevé par habitant que certains pays du Nord. Mais d’une manière générale et bien qu’il n’y ait pas de classification uniforme ou permanente, “Nord” et “Sud” sont synonymes grosso modo de “riche” et de “pauvre”, de pays “développés” et de pays “en voie de développement”. »

    Willy Brandt (dir.), 1980, Nord-Sud : un programme de survie : Rapport de la Commission indépendante sur les problèmes de développement international, Paris, Gallimard, p. 55.
     »

    Cela revient à dire qu’aucune des appellations relevées dans la citation n’était totalement synonyme d’une autre ni complètement satisfaisante. Dans un bref ouvrage de synthèse sur le Tiers-Monde, le politologue Edmond Jouve (1955, p. 11 et suiv.) rappelait le succès, un temps, de la formule « nations prolétaires », empruntée à Arnold J. Toynbee et popularisée par Pierre Moussa, et parlait, à propos de toutes ces appellations, d’une « crise terminologique ». Quant au fait que Nord et Sud ne correspondaient pas strictement au découpage du globe selon la ligne équatoriale, les auteurs du rapport publié en 1980 le savaient bien, et il faudrait être d’assez mauvaise foi aujourd’hui pour ne pas voir dans ces appellations des catégories spatiales économiques et politiques qui n’ont qu’un rapport métonymique avec la division hémisphérique du globe en deux. Sur un plan strictement géographique, le découpage Nord-Sud n’est pas plus valide que le découpage Est-Ouest qui a dominé la guerre froide, l’ouest et l’est étant des positions relatives et non absolues. Cela n’invalide pas pour autant le sens dont ils sont porteurs. En revanche, « la ligne Nord-Sud est-elle encore pertinente aujourd’hui ? » est une autre question, qui mérite effectivement d’être posée.

    Pour y répondre, il est nécessaire de rouvrir le dossier géohistorique (Capdepuy, 2007) et de s’interroger : comment la ligne Nord-Sud est-elle devenue un objet cartographique ? Dans quelle mesure a-t-elle marqué de son emprunte la cartographie scolaire des inégalités mondiales ? Marque-t-elle un seuil de développement, comme on le pense assez communément, ou bien un clivage géopolitique ?

    1. La genèse d’une ligne

    La plus ancienne occurrence explicite d’une division Nord-Sud du Monde est attribuable à Oliver Franks, alors président de la Lloyds Bank, dans un discours prononcé le 19 novembre 1959 lors d’une conférence organisée par le Committee for Economic Development, groupe de réflexion états-unien fondé en 1942 et composé de cadres supérieurs de différentes entreprises. Le thème portait sur « L’économie du monde occidental est-elle en train de se séparer ? ». D’après le New York Times (Reston, 1959), le texte du discours d’Oliver Franks aurait été remis au secrétaire d’État Christian A. Herter, et attentivement étudié par le gouvernement, avant d’être publié dans la Saturday Review en janvier 1960.
    « 

    « Nous sommes entrés dans un monde différent. C’est pourquoi il est important de se demander quels sont aujourd’hui nos objectifs communs en matière de politique économique de part et d’autre de l’Atlantique. Je dirais qu’aujourd’hui nous en avons deux, et qu’ils sont liés à un changement dans la position politique et stratégique générale de notre monde occidental. Auparavant, les problèmes de tension entre l’Est et l’Ouest étaient dominants ; maintenant, nous avons un problème Nord-Sud d’égale importance. Il est lié au premier, mais a sa propre existence, indépendante et égale. Je voulais parler des problèmes des relations entre les pays industrialisés du Nord et les pays sous-développés et en développement qui se trouvent au sud de ceux-ci, que ce soit en Amérique centrale ou du Sud, en Afrique ou au Moyen-Orient, en Asie du Sud ou dans les grands archipels du Pacifique. S’il y a douze ans, l’équilibre du monde tournait autour de la reconquête de l’Europe occidentale, maintenant il tourne autour de relations justes du Nord industriel du globe avec le Sud en développement. »

    Oliver Franks, « The New International Balance : Challenge of the Western World », Saturday Review, vol. 43 16 janvier 1960, p. 20.
     »

    Un « problème Nord-Sud » – on peut s’étonner, soixante ans après, de la rapidité à laquelle l’expression employée par Oliver Franks en novembre 1959 a été reprise dans les mois qui suivirent. Dès 1960, Tadao Kato, étudiant japonais au Center of International Affairs de l’université de Harvard, rédigea un mémoire sur la double dichotomie Est-Ouest et Nord-Sud (Tadao, 1960). L’opuscule n’a pas été diffusé, mais révèle l’intérêt immédiat porté à ces concepts spatiaux. Notons que Tadao Kato a été, dix ans plus tard, ambassadeur du Japon au Mexique. En France, en 1960 également, dans la revue Politique étrangère, René Servoise, conseiller au ministère des Affaires étrangères, publia un article sur la transformation des relations entre les pays industrialisés et les anciens pays colonisés au moment où l’Europe occidentale et le Japon réapparaissaient sur la scène économique mondiale grâce à l’aide états-unienne dont ils avaient bénéficié.
    « 

    « Les succès même des Européens et les réussites économiques de la Grande-Bretagne, de l’Allemagne et de la France à la veille des années 1960 permettent désormais aux peuples occidentaux de regarder au-delà de l’horizon immédiat de leurs frontières. Les problèmes intérieurs économiques et financiers sont en grande partie réglés, la convertibilité monétaire est partiellement revenue, l’or et les devises se sont redistribués d’une façon plus équilibrée. Dans ces conditions les peuples européens peuvent se pencher avec une plus grande liberté d’esprit et des moyens plus considérables vers les problèmes du tiers-monde. »

    René Servoise, « De l’assistance au commerce international », Politique étrangère, n° 4, 1960, p. 318.
     »

    C’était le problème des « relations Nord-Sud » selon la formulation que René Servoise empruntait explicitement à Oliver Franks, mais avec une autre référence que celle précédemment citée : Oliver Franks aurait fait un autre discours, en des termes semblables, lors de la réunion annuelle de la Lloyds Bank en février 1960 [2].

    En 1962, Walt W. Rostow, théoricien économiste du développement et conseiller au département d’État, fit une conférence sur « la stratégie américaine sur la scène mondiale » en partant de l’interrogation : « Comment se fait-il que nous semblions vivre dans un océan de problèmes ? »
    « 

    « Abstraction faite des intrusions directes de la puissance militaire communiste dans les années d’après-guerre – symbolisées, par exemple, par le blocus de Berlin en 1948-49, l’invasion de la Corée du Sud en 1950 et les attaques périodiques contre les îles au large des côtes – les crises d’après-guerre ont été de trois sortes, généralement combinées d’une manière ou d’une autre : les crises internationales résultant de luttes internes pour le pouvoir, reflétant les tensions politiques et sociales inévitables de la modernisation en cours dans les régions sous-développées ; les conflits coloniaux ou postcoloniaux impliquant les nations européennes d’un côté et les nations et territoires des continents méridionaux de l’autre ; et les efforts des communistes pour exploiter systématiquement les occasions offertes par ces deux types de problèmes inhérents. Pensez-y et vous serez, je pense, d’accord. L’Indochine, Suez, l’Irak, Cuba, l’Algérie, le Congo, Bizerte, Goa, la Nouvelle-Guinée occidentale, la République dominicaine – tous ces événements sont le fruit d’une combinaison de ces trois éléments, et ils sont tous apparus dans ce que nous appelons les régions sous-développées.

    À l’époque de Staline, la politique communiste était plutôt directe et militaire, mais au cours de la dernière décennie, les communistes se sont systématiquement efforcés de tirer le meilleur parti des turbulences inévitables du processus de modernisation, d’une part, et des conflits nord-sud, d’autre part (en utilisant cette désignation géographique abrégée pour représenter le fait approximatif que la révolution industrielle est arrivée en premier dans les parties septentrionales du monde et qu’elle se poursuit aujourd’hui dans les parties occidentales du monde). »

    Walt W. Rostow, « American Strategy on the World Scene », The Department of State Bulletin, vol. 46, n° 1188, 2 avril 1962, p. 26.

     »

    Tout en soulignant la dimension simplificatrice de cette dichotomie Nord-Sud, Walt W. Rostow la reprenait pour dépeindre à grands traits un tableau du Monde. Soulignons au passage – on y reviendra – la dimension conflictuelle, anticoloniale, donnée aux relations Nord-Sud.

    En 1962, lors d’une conférence donnée à l’université de Harvard, Willy Brandt, alors bourgmestre-gouverneur de Berlin, considérait que l’accélération de la décolonisation amènerait sans doute un retournement de la géopolitique mondiale :
    « 

    « Depuis quelques années, le problème Est-Ouest est accompagné et influencé par un problème Nord-Sud. Ce dernier sera peut-être un jour le plus important des deux. »

    Willy Brandt, 1963, The Ordeal Of Coexistence, Cambridge, Harvard University Press, p. 74.
     »

    Cependant, comme il le reconnut dans ses Mémoires (Brandt, 1992, p. 341), « pendant de nombreuses années, [il avait] été bouleversé par l’extrême pauvreté qui était un phénomène particulièrement flagrant dans des régions comme l’Afrique au sud du Sahara, le sous-continent indien et les barrios en marge des villes latino-américaines » :
    « 

    « Il n’y a pas de honte à admettre que ce problème n’était pas au premier plan de mes préoccupations pendant les années où j’ai exercé des responsabilités gouvernementales. En politique étrangère, je devais me concentrer sur des préoccupations immédiates et urgentes, faute de quoi je n’aurais rien pu faire dans le domaine de l’Ostpolitik. »

    Willy Brandt, My Life in Politics, trad. de l’allemand, New York, Viking, 1992, p. 341.
     »

    De fait, alors que la guerre froide polarisait les relations internationales entre Est et Ouest, l’accès à l’indépendance de nombreux pays modifiaient la géopolitique mondiale selon une dynamique transverse. Alors qu’on comptait officiellement 51 États membres de l’Organisation des Nations Unies en 1945, ils étaient 115 en 1964, issus pour la plupart de la décolonisation. Le 16 juillet 1964, à Genève, devant le Conseil économique et social, le Secrétaire général de l’ONU, Maha Thray Sithu U Thant, par ailleurs homme politique birman, ne pouvait que faire le constat de la montée en puissance du Sud :
    « 

    « J’ai souvent dit, et je pense que cela mérite d’être répété, que les tensions Nord-Sud sont fondamentalement aussi graves que celles Est-Ouest et que l’ONU a une contribution unique à apporter à la diminution des deux. Avant la Conférence, le parallèle entre les relations Nord-Sud d’une part et les relations Est-Ouest d’autre part aurait pu sembler un peu tiré par les cheveux, puisque le Nord et le Sud ne pouvaient pas être distingués l’un de l’autre dans nos forums économiques aussi distinctement que l’Est et l’Ouest pouvaient l’être sur certaines questions politiques majeures. Maintenant, on sait que le Sud peut être identifié à un grand groupe de plus de 75 voix, lorsqu’il choisit de s’affirmer. En démontrant une telle possibilité, la Conférence a peut-être marqué un tournant dans l’histoire des relations économiques internationales. »

    Portfolio for Peace : Excerpts from the writings and speeches of U Thant, Secretary-General of the United Nations, on major world issues 1961-1970, New York, United Nations, 1970, p. 111.
     »

    La conférence à laquelle il faisait référence était la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), qui s’était tenue à Genève de mars à juin 1964 et qui s’était achevée par la « Déclaration commune des Soixante-dix-sept » [3]. L’objectif était de promouvoir « un ordre international nouveau et juste ». La déclaration se terminait sur ces mots :
    « 

    « L’injustice et la négligence des siècles doivent être réparées. Les pays en développement sont unis dans leur détermination à poursuivre leur quête d’une telle réparation et se tournent vers l’ensemble de la communauté internationale pour qu’elle comprenne et soutienne cette entreprise. »

    « Joint declaration of the seventy-seven developing countries made at the conclusion of the United Nations Conference on Trade and Development », Geneva, 15 June 1964.
     »

    Les pays développés ne sont pas explicitement mentionnés, mais l’idée d’une injustice à réparer les désigne. Cette revendication était portée par ce qu’on allait appeler le Groupe des 77, indépendamment du nombre croissant de ses États-membres. Le 10 avril 1974, le président algérien Houari Boumediene s’en fit le héraut à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies :
    « 

    « Posé depuis un quart de siècle par l’ensemble des nations comme l’une des priorités du monde, le problème du développement devient aujourd’hui la priorité des priorités à laquelle nous tous devons faire face, et sans plus attendre, si nous voulons éviter l’éventualité tragique que ce problème ne se transforme un jour en une source de conflagration incontrôlable.

    Toute volonté politique réelle d’attaquer de front le problème du développement devrait, en premier lieu, reconnaître comme une question centrale, le sort des ressources mondiales. En d’autres termes, toute démarche entreprise vers une solution concrète et définitive à ce problème impliquerait, au préalable, une prise de position appropriée sur la reconnaissance des priorités humaines. Elle devrait conduire, en définitive, à un réaménagement profond des relations économiques entre pays riches et pays pauvres, dans le sens d’une répartition des avantages, de la croissance et du progrès, répartition qui, pour être équitable, devrait être conforme aux besoins, aux priorités et aux intérêts légitimes des parties concernées.

    Or, force nous est de constater, en premier lieu, que dans le monde où nous vivons, tous les leviers de commande de l’économie mondiale sont entre les mains d’une minorité constituée par des pays hautement développés. Cette minorité, par sa position dominante, détermine à elle seule la répartition des ressources mondiales en fonction d’une hiérarchie des besoins qui lui est propre. »

    Assemblée générale des Nations unies, 2208e séance plénière, 10 avril 1974, A/PV.2008 [en ligne].
     »

    La résolution 3201 votée au mois de mai 1974 validait cette demande d’un « nouvel ordre économique international ». L’article 4 en détaillait les principes : l’égalité souveraine des États, l’autodétermination des peuples, les coopération entre tous les États de la communauté internationale, la participation de tous, à égalité, au règlement des problèmes économiques mondiaux, le droit de chaque pays de choisir son modèle économique et social, la souveraineté de chaque État sur ses ressources naturelles, le droit pour tous les États de se voir restituer ses territoires occupés, la réglementation et la supervision des activités des multinationales, la lutte contre la discrimination raciale et l’apartheid, des rapports équitables entre les prix des matières premières et les produits manufacturés, une aide aux pays en développement… [4]

    En 1974, après l’abandon de la convertibilité du dollar en or et le premier choc pétrolier, le président français Valéry Giscard d’Estaing lança l’idée d’une conférence internationale consacrée aux problèmes de l’énergie. Le 16 décembre 1975, à Paris, s’ouvrait la Conférence pour la coopération économique internationale. Elle réunissait 27 pays : 19 États du Tiers monde et 8 pays industrialisés, dont la CEE (document 1). La conférence dura jusqu’en juin 1977. Tout le monde ne parlait que de « dialogue Nord-Sud ».
    Document 1. Les participants à la Conférence pour la coopération économique internationale (1975–1977)

    C’est dans ce contexte qu’en 1977, Willy Brandt, sollicité par Robert S. McNamara, alors président de la Banque mondiale, constitua une « commission indépendante sur les problèmes de développement international », la « Commission Nord-Sud ». Le 9 décembre 1977, dans son discours d’accueil de ladite commission, Willy Brandt eut un mot d’explication sur la carte offerte aux invités :
    « 

    « Il est de coutume, en de telles occasions, d’offrir aux participants un souvenir de la réunion. Il se trouve qu’un de mes compatriotes a produit une nouvelle carte, une projection de la planète Terre sur laquelle, nous tous, riches et pauvres, nous devons vivre.

    Au lieu de la carte conventionnelle avec l’Europe au centre, qui donne deux tiers de l’espace à l’hémisphère Nord, cette carte prête attention à l’espace où vivent les deux tiers de la population mondiale. Ce sont les problèmes de ce Tiers Monde (ou devrais-je dire des Deux Tiers du Monde ?) qui nous préoccupent dans cette Commission et qui domineront les événements politiques et économiques au moins jusqu’à la fin de ce siècle. »

    Willy Brandt, “Opening address by Willy Brandt”, Gymnich Castle, 9 décembre 1977, in : Brandt Commission - Correspondence 11, 1771352, WB IBRD/IDA 03 EXC-10-4539S, Records of President Robert S. McNamara, World Bank Group Archives, Washington, D.C., United States.
     »

    C’est cette carte, présentée par l’historien Arno Peters lors d’une conférence de presse à Bonn en 1973 puis devant la Société cartographique de Berlin en 1974, qui fut reprise en 1980 sur la couverture du rapport final de la Commission et sur laquelle fut tracée une ligne illustrant la division Nord-Sud. Notons cependant que le choix d’accentuer cette division par deux couleurs différentes pour représenter le Nord et le Sud n’apparaît que dans l’édition française (document 2a). Sur la couverture de plusieurs autres éditions, notamment anglaise, la ligne serpente en noir sur un planisphère où les pays sont tous coloriés en rouge (2b). L’effet visuel est bien moindre. Par ailleurs, toutes les éditions n’ont pas fait le choix d’une carte en couverture : l’édition colombienne montre le clivage Nord-Sud par le contraste de deux photos (2c) et l’édition mexicaine montre deux mains qui se tiennent selon un axe vertical (2d).
    Document 2. La couverture du rapport Brandt dans les éditions française, anglaise, colombienne et mexicaine

    En août 1978, dans une discussion avec le directeur de la Banque mondiale, Rainer Steckhan, Willy Brandt avait évoqué le projet d’Arno Peters de réaliser « un nouveau type d’atlas dans lequel chaque pays de la communauté mondiale serait présenté sur une double page avec des données et des tableaux relatifs à son histoire et à sa situation économique et sociale actuelle » (Fischer, 1978), les proportions individuelles de chaque pays étant déduites de la carte du monde déjà présentée. Ainsi, « l’ancienne présentation du monde, centrée sur l’Europe, est abandonnée au profit d’une image géographiquement plus équilibrée des pays en développement qui, sur cette carte, occupe désormais environ les deux tiers de la carte et inverse ainsi l’ancienne présentation où le “Nord” occupait cet espace » (ibid.). Un soutien de la Banque mondiale en vue de la publication de cet atlas est évoqué, ainsi que celui de l’UNESCO. Malgré cela, l’atlas n’a pas été publié et le rapport édité par la Commission en 1980 ne comportait aucune carte sinon celle publiée en couverture.

    Elle résumait à elle seule la vision du Monde portée par la Commission. De fait, une dizaine d’années plus tard, on commençait à parler en anglais de la « ligne Brandt » (document 3).
    Document 3. La « ligne Brandt » entre le « Nord riche » et le « Sud pauvre », sur un atlas britannique de 1990

    2. Une zone en filigrane

    La ligne Nord-Sud a été inventée, cartographiquement, par le rapport Brandt de 1980. Pour autant, on peut se demander dans quelle mesure ce rapport a vraiment influencé la géographie scolaire française [5]
    Document 4. Le Tiers-Monde dans un manuel de terminale de 1983

    La chose peut paraître étonnante au regard des rythmes actuels, mais le programme de géographie de classe de terminale n’a pas été modifié entre 1963 et 1982. On manque donc de référents pour les années 1970. Le programme de 1982 a été conçu en trois volets : les quatre grandes puissances / la mondialisation des échanges / les inégalités de développement. La troisième partie a donné lieu dans les manuels de 1983 à une cartographie du sous-développement et notamment du Tiers monde. Ainsi, dans le manuel édité chez Armand Colin sous la direction de Marcel Baleste, on peut trouver une carte problématisée avec pour titre une question : « Où arrêter le Tiers-Monde ? » (document 4). Il s’agit d’une carte choroplèthe avec une typologie distinguant « pays moins avancés », « autres pays à faible revenu », « pays à revenu intermédiaire » et « pays exportateurs de pétrole à excédent de capitaux ». Elle pose le problème récurrent du manque d’unité de cet ensemble qu’on a pris l’habitude depuis les années 1960 d’appeler le Tiers-Monde – avec ou sans majuscules, avec ou sans trait d’union. Sur la carte, on trouve également deux lignes clairement tracées qui indiquent, d’après la légende, la « limite du Tiers monde », en l’occurrence les limites. Le cartographe ne reprenait pas la ligne Nord-Sud du rapport Brandt (document 5).

    Document 5. Deux modèles de limite Nord-Sud : zonal et hémisphérique

    Le fait que la ligne méridionale qui inclut l’Australie et la Nouvelle-Zélande soit prolongée sur tout l’hémisphère Sud, sous l’Afrique et sous l’Amérique du Sud, alors qu’il n’y a évidemment aucun pays développé plus au sud, ni même la potentialité qu’il s’en trouve, apparaît en effet comme la trace persistante de l’idée que le sous-développement serait liée à la tropicalité. Le cours en vis-à-vis amène à prendre un peu de distance avec « un vocabulaire ambigu » et « des limites incertaines ». Par rapport aux termes de « pays sous-développés » ou de « pays en voie de développement » qui renvoient à l’idée discutable de développement, les auteurs semblent préférer des expressions plus vagues et par là-même moins contestables, notamment « Nord » et « Sud » (p. 264 du même manuel).

    Document 6. Les pays en voie de développement d’après un manuel de terminale de 1983

    Dans un autre manuel de 1983, édité par Hachette, une double page présente une grande carte des pays en voie de développement (document 5). Deux grandes lignes rouges traversent le planisphère de gauche à droite, l’une dans l’hémisphère nord, l’autre dans l’hémisphère sud. L’Australie, la Nouvelle-Zélande, mais aussi l’Afrique du Sud et l’Argentine ne font pas partie des pays en question. On voit bien se dessiner une large zone, au sens étymologique de « ceinture ». Sa source d’inspiration est référencée : la Géographie du sous-développement, d’Yves Lacoste, éditée en 1981. Il s’agissait de la troisième édition d’un ouvrage publié pour la première fois en 1965.

    Document 7. Carte schématique des limites du Tiers Monde et des principales zones thermiques du globe

    Document 8. Esquisse provisoire des limites du Tiers-Monde

    On retrouve le même dispositif sur une carte publiée dans un autre livre d’Yves Lacoste : Unité et diversité du tiers monde, paru en 1980. L’ouvrage était présentée comme une étude détaillée et méthodique de cette question difficile :
    « 

    « Il n’est pas inutile – mais il n’est pas suffisant – de distinguer à la surface du globe quelques grands ensembles de pays (il vaudrait mieux dire grands ensembles d’États et de formations sociales), parce que l’on peut leur reconnaître, à un degré poussé d’abstraction, un certain nombre de caractéristiques communes, celles-ci n’excluant absolument pas les antagonismes au sein d’un même ensemble.

    […]

    Pourtant s’il est utile de dégager ce qui permet de considérer le tiers monde comme un ensemble, malgré les affrontements qui s’y produisent, il ne faut plus négliger l’analyse de sa diversité. Trop longtemps, c’est seulement l’unité du tiers monde qui a été évoquée, célébrée, alors qu’il était pourtant évident que les États que l’on regroupait dans cet ensemble sont d’une extrême diversité, aussi bien en raison des héritages historiques, des contrastes de culture, des conditions naturelles, des structures économiques et sociales, des régimes politiques, etc. Mais les facteurs de cette diversité sont si nombreux, tellement hétéroclites qu’on renonçait à rendre compte méthodiquement de ce fouillis inextricable. L’évocation de l’unité du tiers monde permettait de laisser de côté cet embrouillamini, d’avoir une représentation du monde beaucoup plus simple, fondée sur un dualisme économique manichéen (pays développés/pays sous-développés) et de tenir des raisonnements relativement simples sur les mécanismes historiques de 1’“échange inégal” entre un “centre” dominant et une “périphérie” dominée. »

    Yves Lacoste, Unité et diversité du tiers monde, Paris, François Maspero, 1980, vol. 1, Des représentations planétaires aux stratégies sur le terrain, p. 10.

     »

    Yves Lacoste rejetait à nouveau toute zonalité climatique, considérant que « la rapidité de la croissance démographique constitue désormais, compte tenu des changements récents, la principale caractéristique commune des États que les médias envisagent communément comme faisant partie du tiers monde » (Lacoste, 1980, p. 96).
    Document 9. La diversité des situations des pays en développement dans un manuel de 1989

    Dans un manuel publié chez Hatier en 1989, sur la carte présentant la « diversité des situations des pays en développement », la ligne est discontinue au niveau des océans (document 9). Là aussi, les deux traits situés sous l’Amérique du Sud et l’Afrique peuvent apparaître a posteriori absurdes. Des années plus tard, dans un billet du blog, Philipe Rekacewicz est revenu sur la construction de cette carte. Lors d’un entretien, il explique que ces traits ont été ajoutés après discussion avec l’éditeur parce qu’il y avait un « besoin de sémiologiquement cadrer » ces pays en développement, pour « montrer qu’on avait un ensemble », « une zone » [6]. Philippe Rekacewicz reconnaît que ces traits n’avaient pas lieu d’être sur le plan géographique, mais, très influencé par la réflexion de Jacques Bertin, il avait fait le choix de les ajouter, dans un deuxième temps, parce que l’absence de traits avait été jugée déroutante.

    Document 10. « Nord » et « Sud » dans un manuel de terminale de 1989

    Document 11. La limite entre le « Nord » et le « Sud » en 1950 et en 1995 dans un manuel de 1995

    La même année, en 1989, le manuel publié chez Belin, sous la direction de Rémy Knafou, offre une carte qui, pour la première fois peut-être, révèle l’influence du rapport Brandt, avec une ligne unique qui traverse l’ensemble du planisphère et qui englobe l’Australie en un même mouvement (document 10). Les guillemets employés autour des termes « Nord » et « Sud » appelaient les élèves à comprendre que ces mots n’étaient évidemment pas à comprendre au sens strict, d’autant que l’équateur était clairement tracé. Quelques années plus tard, dans le manuel de terminale édité par Belin en 1995, deux cartes apparaissent a posteriori comme très novatrices (document 11). Tout d’abord, par le titre : elles représentent « la limite entre le “Nord” et le “Sud” ». Cela ne pourrait être qu’un détail, mais il est significatif. Ce n’est pas la limite du Tiers-Monde ou des pays en développement, mais bien une ligne distinguant deux ensembles. Ensuite, par le tracé : au lieu d’une ligne unique, on en trouve plusieurs, autour de différents espaces, dessinant ainsi une sorte d’archipel du Nord. Enfin, par l’approche historique : la première carte représente la limite Nord-Sud en 1950, la seconde en 1995. Entre 1950 et 1995, certains ne font plus partie du Nord (Argentine, URSS), tandis que d’autres l’ont intégré (Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Espagne, Portugal). Le Nord et le Sud n’apparaissent pas ici comme des entités figées. On ne trouve rien d’équivalent dans les manuels qui ont été publiés depuis.

    En 1998, les auteurs du manuel d’histoire-géographie de Terminale STT publié par Magnard font le choix, en couverture, pour illustrer la géographie, de reprendre un planisphère où seule la ligne Nord-Sud est tracée (document 12). Celle-ci serait-elle en passe de devenir iconique ? La même année, dans le manuel de géographie de chez Hachette, sur un planisphère introductif représentant « le monde géopolitique aujourd’hui », la ligne est bien mise en valeur dans sa continuité grâce la projection polaire, mais la légende peut étonner : « ancienne limite Nord-Sud (pays industrialisés / tiers-monde » [7]. Au moment où en fait cette limite se diffuse et s’impose, elle apparaîtrait déjà obsolète – ce qui en fait se comprend si on la perçoit comme l’héritière d’une tradition cartographique qui est, en réalité, bien antérieure à 1980.

    Document 13. La Limite Nord-Sud sur une carte parue dans la Documentation photographique sur la mondialisation (2004)

    Pourtant, rien, alors, ne vint la remettre en question. Au contraire, la « limite Nord-Sud » est validée par une publication qui a une influence notable dans le milieu scolaire : la Documentation photographique et son numéro sur « La mondialisation en débat », dirigé par Laurent Carroué et publié en 2004 (document 13). On pourrait juste faire remarque le choix, rare, de ne pas représenter ladite limite par une ligne unique, mais par deux lignes. L’article que j’ai moi-même publié en 2007 dans M@ppemonde posait la question de l’origine de « la limite Nord/Sud » mais n’interrogeait absolument pas l’expression, employée dans le titre, alors que tout au long du texte, il n’était question que de « ligne ». Pourtant, cela appelait sans doute un commentaire.

    En effet, le terme de « limite » reste jusqu’à aujourd’hui le témoin de cette zonalité passée et un peu oubliée. Mais ce n’est pas forcément le cas partout. Ainsi est-il intéressant de comparer sur l’encyclopédie en ligne Wikipédia les différences de titres donnés à l’article consacré au sujet : « Limite Nord/Sud » en français, mais « División Norte-Sur » en espagnol, « Divisão norte-sul » en portugais, « Divisione Nord-Sud » en italien, « Nánběi fēnqí » en chinois… Tous renvoient à l’expression anglaise : « North-South divide », titre remplacé fin 2020 par « North-South divide in the World » puis en 2021, par celui de « Global North and Global South ». À l’exception de l’arabe « Had chamāl-janūb », qui, comme en français, met l’accent sur la frontière, ou la limite, dans les autres langues, c’est la division du monde en deux ensembles opposés qui est privilégiée.

    En 2015, Christian Gratalaloup, lors d’un café géographique, s’interrogeait : « Nord/Sud, une représentation dépassée de la mondialisation ? » Selon lui, cette vision du monde, outre son européocentrisme, a été rendue obsolète par la montée en puissance des BRICS, ce groupe de pays qui se réunissent lors de sommets annuels depuis 2009 [8]. En 2018, dans Vision(s) du Monde, il considère qu’on pouvait observer une « érosion de la zonalité mondiale » (p. 77). La formule en elle-même révèle une certaine interprétation de la dichotomie Nord-Sud. De fait, la tropicalité a été longtemps sous-jacente à la question du sous-développement. En 1990, dans Mondes nouveaux, le premier volume de la Nouvelle géographie universelle, réalisé sous la direction de Roger Brunet et d’Oliver Dollfus, les auteurs posaient encore la question : « Nord et Sud : un retour au “déterminisme géographique” ? » (p. 472). La réponse était négative, mais la lecture zonale demeurait prégnante.


    3. Un seuil de développement

    La question des critères pour délimiter le Tiers-Monde puis le Sud a été posée depuis longtemps. Yves Lacoste, en 1965, en proposait une liste assez longue :

    1. Insuffisance alimentaire.
    2. Graves déficiences des populations, forte proportion d’analphabètes, maladies de masse, forte mortalité infantile.
    3. Ressources négligées ou gaspillées.
    4. Forte proportion d’agriculteurs à basse productivité.
    5. Faible proportion de citadins ; faiblesse des classes moyennes.
    6. Industrialisation restreinte et incomplète.
    7. Hypertrophie et parasitisme du secteur tertiaire.
    8. Faiblesse du produit national par habitant.
    9. Ampleur du chômage et du sous-emploi ; travail des enfants.
    10. Situation de subordination économique.
    11. Très violentes inégalités sociales.
    12. Structures traditionnelles disloquées.
    13. Ampleur de la croissance démographique.
    14. Prise de conscience de la misère.

    Quinze ans plus tard, il considérait que prendre chaque critère l’un après l’autre aurait été fastidieux, pas toujours exact en termes de comparaison ou faussement précis :
    « 

    « Une démarche géographique aurait consisté, alors, à envisager l’extension spatiale de ces différentes caractéristiques, à examiner leurs coïncidences, leurs inclusions ou leurs intersections. Cette tâche de cartographie n’aurait d’ailleurs pas été facile à mener à bien, car bon nombre de ces “critères” sont relatifs ; ils procèdent d’une comparaison implicite ou explicite avec les caractéristiques des pays “développés”, et pour chacun d’eux l’établissement d’une carte aurait nécessité le choix d’un seuil quantitatif ; on se contente de tracer des ensembles spatiaux aux limites relativement floues. »

    Yves Lacoste, Unité et diversité du tiers monde, Paris, François Maspero, 1980, vol. 1, Des représentations planétaires aux stratégies sur le terrain, p. 40.
     »

    En 1981, cela ne lui paraissait plus possible de déterminer ainsi l’unité du Tiers monde. Nonobstant, la méthode est toujours plus ou moins celle-ci. Ainsi, Marcin Wojciech Solarz, professeur à l’université de Varsovie, a repris la question au début du XXIe siècle afin de proposer une cartographie plus juste, fondée sur le croisement de deux critères (Wojciech Solarz, 2009). D’un côté, il inscrit son travail dans la continuité de la réflexion initiée par l’économiste pakistanais Mahbub ul Haq, qui est l’inventeur de l’IDH, l’indice de développement humain utilisé dans le Rapport mondial sur le développement humain publié en 1990. Celui-ci, rappelons-le, agrège plusieurs données sur la santé (espérance de vie à la naissance), le niveau d’instruction (part de la population adulte alphabétisée + effectif scolarisé dans les trois cycles) et le niveau de vie (revenu brut par habitant en parité de pouvoir d’achat). D’un autre côté, Marcin Wojciech Solarz considère qu’il est nécessaire de compléter ces informations par un indicateur du développement politique, permettant de tenir compte du respect des droits politiques et des libertés civiles. Pour cela, il reprend le classement « Freedom in the World » publié tous les ans par l’ONG états-unienne Freedom House. Le croisement de ces deux classements lui permet de proposer deux cartes du Nord global et du Sud global, avec une définition plus ou moins large du Nord. Dans les deux cas, il ne représente pas de ligne qui diviserait le Monde en deux blocs et il conclut ainsi :
    « 

    « Une démarcation contemporaine de la ligne de partage Nord-Sud crée une image sur laquelle les îles et les archipels des pays caractérisés par un niveau de développement élevé sont dispersés dans un océan de pays caractérisés par l’absence de développement. »

    Marcin Wojciech Solarz, « North–South, Commemorating the First Brandt Report : searching for the contemporary spatial picture of the global rift », Third World Quarterly, vol. 33, n° 3, 2012, p. 569.
     »

    À partir des derniers rapports publiés, on peut en proposer une cartographie mise à jour et un peu différente qui dépasse la vision binaire habituelle (document 14). Mais sur la question de l’actualité de la limite Nord-Sud, les travaux récents arrivent à des conclusions parfois différentes.

    Document 14. Le Sud global en 2023 d’après les travaux de Marcin Wojciech Solarz

    En 2021, Nicholas Lee, dans une étude en termes de niveaux de développement économique, d’inégalités relatives, de pouvoir économique et de satisfaction politique, arrive à la conclusion que malgré une diversité économique accrue entre les pays du Sud, la hiérarchie mondiale reste la même qu’il y a quatre décennies (Lee, 2021, p. 85–106).

    Document 15. Dépasser la limite Nord Sud… et la voir ressurgir

    Plus récemment, en 2022, la question a été reprise sur le site Géoconfluences par Jean-Benoît Bouron, Laurent Carroué et Hélène Mathian. Ils proposent une nouvelle typologie des pays du monde sur la base d’une analyse multifactorielle combinant sept indicateurs : le taux de fécondité des femmes, la mortalité infantile, le PIB/hab., l’évolution du PIB/hab. entre 2000 et 2020, la consommation des ménages, la formation brute de capital fixe et les inégalités internes aux États (document 15). La ligne Nord-Sud telle qu’on l’enseignait apparaît dépassée, notamment en un point : la Russie est classée comme un pays émergent consolidé, à l’égal du Brésil et de la Chine, et non comme un pays favorisé.

    Le paradoxe de cet article, cependant, est peut-être que les pays qui constituent ce groupe de pays privilégiés sont peu ou prou les mêmes qu’il y a quarante ans. Ils correspondant finalement à ceux que Kenichi Ohmae, en 1985, avait inclus dans ce qu’il avait appelé « la Triade ». Terme souvent mal compris, il ne désignait pas alors une structure tripolaire, mais au contraire l’homogénéité d’un certain nombre de pays aux caractéristiques communes, et intéressantes pour des entreprises de plus en plus mondialisées.
    « 

    « On assiste à l’émergence d’un groupe homogènes de consommateurs formé des ressortissants du Japon, d’Amérique du Nord et de la Communauté européenne que nous pouvons appeler les Triadiens. Il s’agit de gens ayant des éducations très similaires de même que des niveaux de revenus, des styles de vie, des loisirs et des aspirations semblables. Dans ces pays démocratiques, l’infrastructure nationale – réseau routier, télécommunications, eau, électricité et services publics – est également très comparable. Les principales caractéristiques de la demande dans ces pays permettent à une entreprise d’aborder ce groupe de quelque 600 millions de personnes comme appartenant pratiquement à la même espèce. »

    Kenichi Ohmae, 1985, La Triade. Émergence d’une stratégie mondiale de l’entreprise, trad. de l’américain par C. Pommier, Paris, Flammarion, p. 21.
     »

    Leur conclusion n’est donc pas si éloignée de celle de Nicholas Lee dans le sens où on distingue toujours des inégalités mondiales et un « groupe de tête » composé des mêmes pays. Mais il est vrai que cela ne correspond pas à ce que montre la carte de la limite Nord-Sud telle qu’on la trace habituellement.


    4. Un clivage géopolitique

    Pour beaucoup, la ligne Nord-Sud représenterait autant un écart de développement qu’un seuil mal défini, une sorte de ligne de flottaison au-dessus de laquelle émergeraient les pays les plus développés. Marcin Wojciech Solarz souligne combien cette croyance ne tient pas, car le tracé de la ligne Nord-Sud, reprise depuis 1980 sans changement majeur d’une publication à l’autre, ne prend pas en compte le développement des pays (Solarz, 2020, p. 6–7). En un sens, c’est ce qu’ont voulu montrer Jean-Benoît Bouron, Laurent Carroué et Hélène Mathian : si on veut faire une typologie plus exacte, moins simpliste, des pays en fonction de critères socio-économiques, il faut abandonner la « limite Nord-Sud ». Et pourtant ! L’omniprésence, aujourd’hui dans les discours, du « Sud global » (davantage que du « Nord global »), montre bien que cette dichotomie fait sens à une expérience du Monde (Capdepuy, 2023). L’opposition Nord-Sud, qu’on a constamment voulu ramener à un écart de développement mesurable au niveau de richesse, a une dimension géopolitique qui a été gommée.

    On semble ainsi complètement oublier que cette vision du Monde a été inventée en 1959, en pleine guerre froide, et qu’elle prend sens par rapport à une autre division, Est-Ouest. Il faut réécouter ce que dit Willy Brandt le 9 décembre 1977, au château de Gymnich, lors de l’ouverture de la Commission Indépendante sur le Développement International :
    « 

    « L’exemple de ce que l’on a appelé l’Ostpolitik a montré qu’il est possible de changer le caractère d’un conflit et de trouver en son sein les éléments d’intérêt mutuel qui peuvent produire des solutions communes acceptables. Des différences fondamentales subsistent, mais de nouveaux domaines de coopération, s’ils sont correctement exploités, influencent même la scène idéologique.

    En tout état de cause, je suis prêt à m’engager dans une “Südpolitik” afin de réconcilier au moins certaines parties de la confrontation économique Nord-Sud. »

    Willy Brandt, “Opening address by Willy Brandt”, Gymnich Castle, 9 décembre 1977.
     »

    L’expression de Südpolitik n’a pas eu le succès de celle d’Ostpolitik, mais elle est révélatrice de l’esprit avec lequel cette commission était mise en place : une politique du Nord en direction du Sud dans l’espoir d’apaiser des relations perçues alors comme conflictuelles. L’équivalent de la « limite Nord-Sud » en allemand est « Nord-Süd-Konflikt ».

    Document 16. Le dialogue Nord-Sud en 1975–1977

    Ainsi est-il plus intéressant de cartographier la division Nord-Sud à partir de l’appartenance à deux ensembles géopolitiques dont l’origine remonte précisément au début des années 1960 lorsque l’expression a été imaginée : d’un côté, l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, créée en 1961 ; de l’autre, le G77, dont on a déjà dit qu’il avait été fondée en 1964, et qui comporte bien plus de membres aujourd’hui (document 16). La ligne Nord-Sud ne colle pas complètement. Le Mexique est membre de l’OCDE alors que la frontière mexicano-états-unienne est probablement un des lieux où la limite Nord-Sud est le plus tangible. L’ancien bloc communiste apparaît aussi encore en partie en blanc alors que l’URSS était considérée comme un pays du Nord. Il y a là une ambiguïté qui est intéressante, car révélatrice aussi de la posture ancienne de l’URSS et de la Russie d’aujourd’hui à se présenter non comme un pays du Sud, au sens où il serait sous-développé, mais comme un représentant des pays du Sud. Il y aurait une même logique de la conférence anti-impérialiste de Bruxelles en 1927 à la participation aux BRICS au XXIe siècle.

    Document 17. Pays développés au sens de l’Annexe B du Protocole de Kyoto

    Aujourd’hui, on a généralement tendance à considérer que la ligne Nord-Sud n’est qu’une abstraction, un artefact cartographique. Pourtant, il est un domaine où si la ligne n’est pas tracée, elle n’en divise pas moins les pays en deux catégories, c’est celui de la diplomatie climatique. Cette dichotomie a été actée lors du protocole de Kyoto en 1997 (Demaze, 2009) dont l’Annexe B a distingué deux groupes : d’une part, les pays développés et les ex-pays communistes d’Europe de l’Est, considérés comme « en transition vers une économie de marché » ; d’autre part, tous les autres pays du monde, qui ne sont pas listés, et qui correspondent aux pays en développement (document 17). Seuls les premiers devaient avoir baissé leurs émissions de gaz à effet de serre avant 2005. Le principe d’un tel clivage avait été ratifié à Rio de Janeiro lors de l’adoption de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dont l’article 3 évoquait l’inégale responsabilité des pays dans le réchauffement du climat :
    « 

    « Il incombe aux Parties de préserver le système climatique dans l’intérêt des générations présentes et futures, sur la base de l’équité et en fonction de leurs responsabilités communes mais différenciées et de leurs capacités respectives. Il appartient, en conséquence, aux pays développés parties d’être à l’avant-garde de la lutte contre les changements climatiques et leurs effets néfastes. »

    Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Nations unies, 1992, article 3, p. 5.

    Document 18. Les pays de l’Annexe I de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (1992)

    Ce sont les mêmes pays développés listés dans l’Annexe I de la Convention-cadre de 1992 qu’on retrouve dans l’Annexe B du protocole de Kyoto, à deux exceptions près : la Biélorussie et la Turquie (document 18). Or cette liste de pays développés, qui implique une liste invisible, celle des pays non nommés, des pays non développés, n’a pas la neutralité de l’annexe à laquelle elle est remisée.

    Comme l’affirma le président ougandais Yoweri Museveni lors du sommet de l’Union africaine qui s’était tenue à Addis Abeba en janvier 2007, « le changement climatique est un acte d’agression des riches contre les pauvres ». Propos qui fut rapporté par la ministre des Affaires étrangères britannique Margaret Beckett, alors qu’elle présidait au nom du Royaume-Uni le premier Conseil de sécurité portant sur cette question le 17 avril 2007 (p. 19). Lors de cette même réunion, Nassir Abdulaziz Al-Nasser, représentant du Qatar, insista bien sur cette dichotomie :
    « 

    « Pour parvenir à une compréhension commune qui permette de résoudre le problème du changement climatique, nous ne devons pas oublier le principe, convenu lors de tous les sommets et conférences des Nations unies, des responsabilités communes et différenciées de tous les États. En conséquence, les pays riches, développés et industrialisés se voient attribuer des responsabilités différentes de celles des pays pauvres en développement. »

    Nations Unies, Conseil de sécurité, 17 avril 2007, PV 5663, p. 10
     »

    Cette question de la justice climatique est la pierre d’achoppement des négociations actuelles, comme on a encore pu le voir lors de la COP27 qui s’est tenu à Charm el-Cheikh en novembre 2022. « The Global South Is Done Playing Mr. Nice Guy » titrait le Foreign Policy : « Le Sud global a fini de jouer Monsieur Gentil » (Hockenos, 2022).

    En 2009, lors de de la COP15 de Copenhague, avait été émise l’idée d’un Fonds vert pour le climat. Celui-ci devait servir à financer « l’adaptation » des pays en développement les plus vulnérables aux conséquences du réchauffement climatique, en priorité les pays les moins avancés, les États insulaires en développement, les pays d’Afrique (UNFCC, 2010). Ce fonds a été créé l’année suivante lors de la COP16 : « les pays développés parties adhèrent, dans l’optique de mesures concrètes d’atténuation et d’une mise en œuvre transparente, à l’objectif consistant à mobiliser ensemble 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 pour répondre aux besoins des pays en développement » (UNFCC, 2011) – les pays en développement, c’est-à-dire ceux qui ne sont pas sur la liste de l’Annexe I de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992. Le 29 novembre 2023, lors de l’ouverture de la COP 28 à Doubaï, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Sameh Shoukry, qui avait présidé la COP 27, a rappelé que « nous ne pourrons pas atteindre nos objectifs communs sans l’adhésion de tous, et en premier lieu des pays du Sud », ajoutant :
    « 

    « Nous devons commencer à agir en faveur de la justice climatique et fournir les outils nécessaires dont nous avons déjà convenu à Charm el-Cheikh pour financer les pertes et les dommages, y compris la création d’un fonds. L’un des principaux résultats de la COP 28 est que le fonds soit pleinement opérationnel et financé. »

    United Nations Climate Change, « La COP 28 s’ouvre à Dubaï appelant à l’accélération de l’actio climatique et à une plus grande ambition face à l’escalade de la crise climatique », décembre 2023.
     »

    Plus de trente ans après, le clivage que cette catégorisation a acté perdure, quelle qu’ait été l’évolution économique des pays en question, et continue de diviser le Monde en deux : les pays développés et les pays en développement, le Nord et le Sud. Les problèmes sont communs, mais les responsabilités apparaissent différentes.

    Conclusion

    La dichotomie mondiale entre « Nord » et « Sud » ne date pas de 1980 (Capdepuy, 2018, p. 393). Il serait même possible de trouver les prémices d’une ligne Nord / Sud dans les décisions prises par différents papes au cours de la deuxième moitié du XVe siècle. On pense souvent à la ligne globale tracée « de pôle à pôle » par le traité de Tordesillas en 1494, mais on oublie la bulle Romanus Pontifex de 1454 qui donnait au roi du Portugal Alphonse V et à ses successeurs le droit de coloniser les territoires situés « à partir des caps Bojador et Nam jusqu’à toute la Guinée, c’est-à-dire en direction du Sud » [9]. Cette déclaration du pape dessinait une sorte de ligne distinguant deux mondes. Au sud d’une ligne qui correspondrait à peu près au 26e parallèle, on pouvait s’approprier tous les territoires et réduire en esclavage « Sarrasins et païens » ; au nord, c’était interdit. Les différents traités et bulles papales représentent à la fois la prétention absolue de puissances européennes, avec la bénédiction de l’Église catholique, à régenter un espace global dont elles n’avaient même pas encore fait le tour, et la dichotomie juridique instaurée entre l’Europe et le reste, qui était accaparable et exploitable, en un mot, colonisable.

    On pourrait considérer cela avec un certain scepticisme en arguant que tout cela est de l’histoire ancienne, sans rapport direct avec le Monde du XXIe siècle. On aurait tort. Pour preuve de l’actualité de ce rappel, le 30 mars 2023 a été publiée une Note commune sur la « Doctrine de la découverte » par le Dicastère pour la Culture et l’Éducation et le Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral. Rappelant la bulle Sublimis Deus prise par le pape Paul III en 1537 et condamnant déjà l’esclavagisation des populations indiennes, le Vatican a exprimé son rejet de ces bulles pontificales qui « n’ont pas reflété de manière adéquate l’égale dignité et les droits des peuples autochtones » et dont le contenu « a été manipulé à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples autochtones qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s’y opposent » :
    « 

    « L’Église est également consciente que le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples autochtones qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s’y opposent. Il est juste de reconnaître ces erreurs, de reconnaître les terribles effets des politiques d’assimilation et la douleur éprouvée par les peuples autochtones, et de demander pardon. »

    « Joint Statement of the Dicasteries for Culture and Education and for Promoting Integral Human Development on the “Doctrine of Discovery” », Bollettino della Sala stampa della Santa Sede, 30 mars 2023.
     »

    Il reste que ce qui est visé ici ne concerne pas uniquement le Sud, mais aussi toute l’Amérique autochtone. De ce point de vue, la ligne Nord-Sud telle que dessinée sur la couverture du rapport de 1980 n’a aucune pertinence. Mais il n’est pas forcément besoin de tracer une ligne pour que le clivage entre ce qu’on appelle aujourd’hui le Nord global et le Sud global soit présent à l’esprit.

    Bibliographie

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    UNFCC, Rapport de la quinzième session de la Conférence des Parties tenue à Copenhague du 7 au 19 décembre 2009, Additif, Deuxième partie : Mesures prises par la Conférence des Parties à sa quinzième session, 30 mars 2010.
    UNFCC, Rapport de la Conférence des Parties sur sa seizième session tenue à Cancun du 29 novembre au 10 décembre 2010, Additif, Deuxième partie : Mesures prises par la Conférence des Parties à sa seizième session, 15 mars 2011.

    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/inegalites/articles/limite-nord-sud

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  • « Le cimetière du droit international que représente Gaza marque la fin d’un monde »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/01/25/le-cimetiere-du-droit-international-que-represente-gaza-marque-la-fin-d-un-m

    Dans le conflit israélo-palestinien, qui est marqué par la violence et le poids de considérations historiques, religieuses et géopolitiques, la voix du droit demeure encore largement inaudible. Dans un monde qui renoue dangereusement avec la pure logique de puissance, la rationalité juridique est pourtant plus légitime et nécessaire que jamais.

    La requête de l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (#CIJ) [à La Haye, qui rendra sa décision le vendredi 26 janvier], qui accuse Israël de violer la Convention de 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, représente, contrairement à ce qu’affirme le ministre des affaires étrangères français, Stéphane Séjourné, un rappel salutaire : ce conflit, en général, et la sécurité d’#Israël, en particulier, ne sauraient échapper aux prescriptions du droit international. L’exercice du droit à la légitime défense n’autorise pas la commission de crimes internationaux et Israël ne jouit pas de jure d’un quelconque régime d’exception.

    Plus largement, la plainte sud-africaine ouvre un chapitre exceptionnel dans le dossier juridique du #conflit_israélo-palestinien. Cette « exceptionnalité juridique » est liée à l’extrême gravité de l’accusation : dans sa requête de 84 pages et durant ses plaidoiries devant la Cour, l’Afrique du Sud démontre rigoureusement pourquoi, selon elle, Israël commet un « #génocide » – une notion particulièrement chargée qui revêt un sens juridique bien établi.

    Pretoria a notamment rappelé que plus de 23 000 #Palestiniens de #Gaza – dont une majorité de femmes et d’enfants – ont été tués, plus de 60 000 blessés, et que l’entièreté de la population gazaouie, privée d’eau, de nourriture, de médicaments et de logements, est soumise à des conditions d’existence susceptibles d’entraîner sa disparition – actes potentiellement constitutifs d’un génocide.

    Caractère plausible du risque

    Les avocats sud-africains ont en outre mis en exergue, à travers de nombreux discours de hauts responsables politiques et militaires israéliens déshumanisant la population gazaouie dans son ensemble, ce qu’ils considèrent être une intention génocidaire manifeste. Ces actes et ces discours doivent aussi, rappellent les avocats sud-africains, s’interpréter dans un continuum plus large d’exactions et de violations des droits des Palestiniens depuis plus de soixante-quinze ans – une période durant laquelle Israël a conduit une politique d’apartheid, a occupé et colonisé le territoire palestinien et a exercé un blocus total de la bande de Gaza en violation du droit international.

    Si Israël s’est efforcé de démontrer qu’il n’existe aucune intention génocidaire, et que ses opérations militaires à Gaza sont exclusivement destinées à défendre sa population contre la menace existentielle que représenterait le Hamas, l’insistance de ses dirigeants à nier l’existence d’un « peuple palestinien » et à vouloir poursuivre une guerre aux conséquences catastrophiques pour la population pourrait pousser la Cour à reconnaître le caractère plausible du risque de génocide et à ordonner des mesures conservatoires en accord avec sa jurisprudence récente concernant le Myanmar et l’Ukraine.

    A cette « exceptionnalité juridique », s’ajoute une « exceptionnalité politique » liée aux conséquences possibles de la décision de la CIJ. La reconnaissance d’un risque de génocide de la population gazaouie constituerait une onde de choc mondiale. Juridiquement, non seulement Israël pourrait être contraint de mettre un terme à ses opérations meurtrières dans la bande de Gaza, mais ses principaux alliés, notamment les Etats-Unis, devraient reconsidérer leur soutien inconditionnel à un Etat désormais suspecté de génocide. Le non-respect par Israël de la décision (obligatoire) de la Cour pourrait donner lieu à des sanctions internationales.

    Cette évolution marquerait un tournant politique majeur tant Israël bénéficie d’une impunité de facto, en dépit de sa violation manifeste du droit international. La colonisation de la Cisjordanie, le blocus total de la bande de Gaza et la privation du droit du peuple palestinien à disposer de lui-même ont été condamnés par de multiples résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale des Nations unies.

    Contestation de l’hégémonie occidentale

    Plusieurs rapports des commissions d’enquête des Nations unies ont en outre dénoncé les crimes internationaux commis par Israël à l’encontre de la population palestinienne, y compris des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. La décision de la CIJ, qui pourrait aussi inciter la Cour pénale internationale à agir avec plus de célérité, marquerait en ce sens un changement de paradigme majeur.
    Enfin, cette requête constitue une exceptionnalité « symbolique » et géopolitique en raison de l’identité des deux parties impliquées. Israël est censé offrir un Etat aux juifs victimes d’un antisémitisme séculaire dont la dimension criminelle a atteint un niveau paroxystique avec la Shoah, et l’Afrique du Sud de Nelson Mandela (1918-2013) a vaincu l’apartheid et son idéologie fondée sur le « suprémacisme blanc » et la ségrégation raciale.

    Aujourd’hui, la requête de l’Afrique du Sud porte en elle le bouleversement du monde en cours : le discours sur l’universalisme des #droits_humains et le respect du #droit_international n’est plus assumé et incarné par l’#Occident mais par une démocratie du Sud. En cela, la guerre à Gaza nourrit de manière décisive la contestation de l’hégémonie occidentale et de sa prétention au magistère moral.

    La duplicité de l’Occident dès lors qu’il s’agit de respect du droit international par Israël sape l’édifice rhétorique et juridique qu’il a lui-même forgé à la fin de la seconde guerre mondiale. Le cimetière du droit international que représente Gaza marque la fin d’un monde.

    Béligh Nabli est professeur des universités en droit public à l’UPEC-Paris XII, auteur de Relations internationales. Droit. Théorie. Pratique (Pedone, 2023).
    Johann Soufi est avocat spécialisé en droit international et chercheur associé au Centre Thucydide de l’université Paris-II-Panthéon-Assas.