• Les #parcs africains ou l’histoire d’un #colonialisme_vert

    Derrière le mythe d’une Afrique #sauvage et fascinante se cache une histoire méconnue : celle de la mise sous cloche de la #nature au mépris des populations, orchestrée par des experts occidentaux. L’historien #Guillaume_Blanc raconte.

    Vous avez longuement enquêté sur les politiques de #protection_de_la_nature mises en place en #Afrique depuis la fin du XIXe siècle. Comment, dans l’esprit des experts occidentaux de la conservation de la nature, a germé cette idée que le continent africain constituait le dernier éden sauvage de la planète, qu’il s’agissait de préserver à tout prix ?

    Guillaume Blanc1 Mon enquête historique s’appuie en effet sur plus de 130 000 pages de documents issus de 8 fonds d’archives répartis entre l’Europe et l’Afrique. Pour comprendre ce mythe de la nature sauvage, il faut se mettre à la place des #botanistes et des #forestiers qui partent tenter l’aventure dans les #colonies à la fin du XIXe siècle, et laissent derrière eux une Europe radicalement transformée par l’industrialisation et l’urbanisation. En arrivant en Afrique, ils sont persuadés d’y retrouver la nature qu’ils ont perdue chez eux.

    Cette vision est en outre soutenue par un ensemble d’œuvres relayées par la grande presse. C’est par exemple #Winston_Churchill qui, en 1907, publie Mon voyage en Afrique, dans lequel il décrit le continent africain comme un « vaste jardin naturel » malheureusement peuplé d’« êtres malhabiles ». Dans les années 1930, c’est ensuite #Ernest_Hemingway qui évoque, dans Les Neiges du Kilimandjaro, un continent où les #big_five – ces mammifères emblématiques de l’Afrique que sont le #lion, le #léopard, l’#éléphant, le #rhinocéros noir et le #buffle – régneraient en maîtres. Depuis, le #mythe de cette Afrique édénique a perduré à travers les reportages du #National_Geographic et de la BBC ou, plus récemment, avec la sortie du célèbre film d’animation #Le_Roi_Lion.

    Qui sont les principaux acteurs des politiques de protection de la nature en Afrique, depuis les premières réserves de faune sauvage jusqu’à la création des parcs nationaux ?
    G. B. En Afrique, la création des #réserves_de_chasse à la fin du XIXe siècle par les colonisateurs européens vise surtout à protéger le commerce des troupeaux d’éléphants, déjà largement décimés par la #chasse. À partir des années 1940, ces #réserves deviennent ensuite des espaces dédiés presque exclusivement à la contemplation de la #faune_sauvage – une évolution qui témoigne d’une prise de conscience de l’opinion publique, qui considère comme immoral le massacre de la grande #faune.

    Les principaux acteurs de cette transformation sont des écologues administrateurs, à l’image de #Julian_Huxley, le tout premier directeur de l’#Unesco, nommé en 1946. On peut également citer #Edgar_Worthington, qui fut directeur scientifique adjoint du #Nature_Conservancy (une orga­ni­sa­tion gouvernementale britannique), ou l’ornithologue #Edward_Max_Nicholson, l’un des fondateurs du #World_Wildlife_Fund, le fameux #WWF. À partir des années 1950, ces scientifiques issus de l’administration impériale britannique vont s’efforcer de mettre la #science au service du gouvernement, de la nature et des hommes.

    À l’époque coloniale, la nature africaine semble toutefois moins menacée qu’elle ne l’est aujourd’hui. N’y a-t-il pas comme une forme de contradiction de la part des experts de la conservation à vouloir présenter ce continent comme le dernier éden sauvage sur Terre et, dans le même temps, à alerter sur le risque d’extinction de certaines espèces ?
    G. B. Si on prend l’exemple des éléphants, ce sont tout de même 65 000 animaux qui sont abattus chaque année à la fin du XIXe siècle en Afrique de l’Est pour alimenter le commerce de l’#ivoire. À cette époque, les administrateurs coloniaux sont pourtant incapables de réaliser que le massacre auquel ils assistent relève de leur propre responsabilité. Car, tout autour des espaces de protection qu’ils mettent en place pour protéger la nature, la destruction des #ressources_naturelles se poursuit – ce sont les #plantations de #cacao en #Côte_d’Ivoire qui empiètent toujours plus sur la #forêt_tropicale, ou le développement à grande échelle de la culture du #café en #Tanzanie et au #Kenya.

    À mesure que ce #capitalisme_extractiviste s’intensifie, la protection de la faune et de la flore se renforce via la multiplication des #zones_protégées. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ceux qui entendent préserver la nature en établissant des réserves de chasse, puis des parcs nationaux, sont aussi ceux qui la détruisent en dehors de ces espaces de protection.

    Une initiative baptisée « #Projet_spécial_africain » illustre bien cette vision de la nature africaine. En quoi consiste cette grande #mission_écologique, largement promue par les experts internationaux de la conservation ?
    G. B. Le Projet spécial africain est lancé à Varsovie en 1960 par l’#Union_internationale_pour_la_conservation_de_la_nature (#UICN), sous l’égide des Nations unies. En septembre 1961, une grande conférence internationale est organisée à Arusha, en Tanzanie, afin de promouvoir les programmes de conservation auprès des dirigeants africains arrivés au pouvoir après les indépendances. Elle réunit une centaine d’experts occidentaux ainsi qu’une trentaine de dirigeants africains.

    D’un commun accord, ces derniers déclarent vouloir poursuivre les efforts accomplis par les colons européens dans les parcs nationaux africains qui ont vu le jour depuis la fin des années 1920. Pour, je cite, « aider les gouvernements africains à s’aider eux-mêmes », des experts internationaux sont alors envoyés en Afrique. Le Projet spécial africain, qui se poursuivra jusqu’à la fin des années 1970, prend donc la forme d’une alliance entre les dirigeants africains et les experts internationaux.

    Dans le livre que vous avez publié il y a peu, La Nature des hommes, vous rappelez que les institutions internationales ont fortement incité les pays africains à exclure leurs populations des territoires de ce qui allait devenir les parcs nationaux…
    G. B. Parmi les institutions impliquées, il y a, d’un côté, les agences des Nations unies comme l’Unesco et la FAO, mais aussi des organisations non gouvernementales comme l’UICN, le WWF ou la Fauna & Flora International (FFI). Ces deux grandes catégories d’institutions ont tout d’abord servi de machine à reconvertir les administrateurs coloniaux en experts internationaux de la conservation. Ce sont elles qui vont ensuite imposer les mesures conservationnistes à l’intérieur des parcs.

    La FAO va, par exemple, conditionner son aide au Kenya, à l’Éthiopie ou à la Tanzanie pour l’achat de matériel agricole à l’acceptation des règles édictées par l’Unesco – à savoir que soient expulsées les populations qui vivent dans les parcs pour préserver les grands mammifères. C’est donc un véritable système international qui se met en place, dans lequel les agences des Nations unies vont avoir recours à des experts qu’elles vont mandater auprès de l’UICN, du WWF ou de la #FFI.

    Dans les années qui suivent la #décolonisation, les dirigeants africains participent eux aussi à cette #mythification d’un continent foisonnant de vie, car préservé des activités humaines. Quelle est leur part de responsabilité dans la construction de cet #imaginaire ?
    G. B. S’ils n’ont pas choisi ce cadre culturel imposé par les experts internationaux de la conservation, selon lequel l’Afrique serait le dernier refuge mondial de la faune sauvage, ils savent en revanche le mettre au service de leurs propres intérêts. Au #Congo, rebaptisé Zaïre en 1971 par le président Mobutu, ce dernier explique lors d’une conférence de l’UICN qui se tient à Kinshasa que son pays a créé bien plus de parcs que le colonisateur belge qui l’a précédé.

    En 1970, soit près de 10 ans après son indépendance, la Tanzanie a de son côté quadruplé son budget dédié aux parcs nationaux, sous l’impulsion de son Premier ministre #Julius_Nyerere, bien conscient que le parc national représente une véritable #opportunité_économique. Si Julius Nyerere n’envisage pas de « passer (s)es vacances à regarder des crocodiles barboter dans l’eau », comme il l’explique lui-même dans la presse tanzanienne, il assure que les Occidentaux sont prêts à dépenser des millions de dollars pour observer la faune exceptionnelle de son pays. Julius Nyerere entend alors faire de la nature la plus grande ressource économique de la Tanzanie.

    Certains responsables politiques africains mettent aussi à profit le statut de parc national pour contrôler une partie de leur population…
    G. B. Pour une nation comme l’Éthiopie d’#Hailé_Sélassié, la mise en parc de la nature donne la #légitimité et les moyens financiers pour aller planter le drapeau national dans des territoires qui échappent à son contrôle. Lorsque l’UICN et le WWF suggèrent à l’empereur d’Éthiopie de mettre en parc différentes régions de son pays, il choisit ainsi le #Simien, dans le Nord, une zone de maquis contestant le pouvoir central d’Addis-Abeba, l’#Awash, dans l’Est, qui regroupe des semi-nomades vivant avec leurs propres organisations politiques, et la #vallée_de_l’Omo, dans le Sud, où des populations circulent librement entre l’Éthiopie et le Kenya sans reconnaître les frontières nationales.

    En Afrique, la mise sous protection de la nature sauvage se traduit souvent par l’#expulsion des peuples qui vivent dans les zones visées. Quelles sont les conséquences pour ces hommes et ces femmes ?
    G. B. Ce #déplacement_forcé s’apparente à un véritable tremblement de terre, pour reprendre l’expression du sociologue américain Michael Cernes, qui a suivi les projets de #déplacement_de_populations menés par les Nations unies. Pour les personnes concernées, c’est la double peine, puisqu’en étant expulsées, elles sont directement impactées par la création des parcs nationaux, sans en tirer ensuite le moindre bénéfice. Une fois réinstallées, elles perdent en effet leurs réseaux d’entraide pour l’alimentation et les échanges socio-économiques.

    Sur le plan environnemental, c’est aussi une catastrophe pour le territoire d’accueil de ces expulsés. Car, là où la terre était en mesure de supporter une certaine densité de bétail et un certain niveau d’extraction des ressources naturelles, la #surpopulation et la #surexploitation de l’#environnement dont parlent les experts de la conservation deviennent réalité. Dans une étude publiée en 20012, deux chercheurs américain et mozambicain ont tenté d’évaluer le nombre de ces expulsés pour l’ensemble des parcs nationaux d’Afrique. En tenant compte des lacunes statistiques des archives historiques à ce sujet, les chercheurs ont estimé qu’entre 1 et 14 millions de personnes avaient été contraintes de quitter ces espaces de conservation au cours du XXe siècle.

    Depuis la fin des années 1990, les politiques globales de la #conservation_de_la_nature s’efforcent d’associer les populations qui vivent dans ou à côté des #aires_protégées. Comment se matérialise cette nouvelle philosophie de la conservation pour les populations ?
    G. B. Cette nouvelle doctrine se traduit de différentes manières. Si l’on prend l’exemple de l’#Ouganda, la population va désormais pouvoir bénéficier des revenus du #tourisme lié aux parcs nationaux. Mais ceux qui tirent réellement profit de cette ouverture des politiques globales de conservation sont souvent des citadins qui acceptent de devenir entrepreneurs ou guides touristiques. Les habitants des parcs n’ont pour leur part aucun droit de regard sur la gestion de ces espaces protégés et continuent de s’y opposer, parfois avec virulence.

    En associant les populations qui vivent dans ou à proximité des parcs à la gestion de la grande faune qu’ils abritent, la conservation communautaire les incite à attribuer une valeur monétaire à ces animaux. C’est ce qui s’est produit en #Namibie. Plus un mammifère est prisé des touristes, comme l’éléphant ou le lion, plus sa valeur pécuniaire augmente et, avec elle, le niveau de protection que lui accorde la population. Mais quid d’une pandémie comme le Covid-19, provoquant l’arrêt de toute activité touristique pendant deux ans ? Eh bien, la faune n’est plus protégée, puisqu’elle n’a plus aucune valeur. Parce qu’il nie la singularité des sociétés auxquelles il prétend vouloir s’adapter, le modèle de la #conservation_communautaire, qui prétend associer les #populations_locales, se révèle donc souvent inefficace.

    Des mesures destinées à exclure les humains des espaces naturels protégés continuent-elles d’être prises par certains gouvernements africains ?
    G. B. De telles décisions restent malheureusement d’actualité. Les travaux de l’association Survival International l’ont très bien documenté au #Cameroun, en #République_démocratique_du_Congo ou en Tanzanie. En Éthiopie, dans le #parc_du_Simien, où je me suis rendu à plusieurs reprises, les dernières #expulsions datent de 2016. Cette année-là, plus de 2 500 villageois ont été expulsés de force à 35 km du parc. Dans les années 2010, le géographe américain Roderick Neumann a pour sa part recensé jusqu’à 800 #meurtres liés à la politique de « #shoot_on_sight (tir à vue) » appliquée dans plusieurs parcs nationaux d’Afrique de l’Est. Selon cette doctrine, toute personne qui se trouve à l’intérieur du parc est soupçonnée de #braconnage et peut donc être abattue par les éco-gardes. Dans des pays où le braconnage n’est pourtant pas passible de peine de mort, de simples chasseurs de petit gibier sont ainsi exécutés sans sommation.

    En Europe, les règles de fonctionnement des parcs nationaux diffèrent de celles qui s’appliquent aux espaces de protection africains. Si on prend l’exemple du parc national des Cévennes, l’agriculture traditionnelle et le pastoralisme n’y sont pas prohibés, mais valorisés en tant qu’éléments de la culture locale. Comment expliquer ce « deux poids, deux mesures » dans la façon d’appréhender les espaces de protection de la nature en Europe et en Afrique ?
    G. B. Le parc national des Cévennes, créé en 1970, abrite plus de 70 % du site des Causses et Cévennes, inscrit sur la liste du Patrimoine mondial depuis 2011. Or la valeur universelle exceptionnelle qui conditionne un tel classement est, selon l’Unesco, « l’agropastoralisme, une tradition qui a façonné le paysage cévenol ». C’est d’ailleurs à l’appui de cet argumentaire que l’État français alloue des subventions au parc pour que la transhumance des bergers s’effectue à pied et non pas en camions, ou bien encore qu’il finance la rénovation des toitures et des murs de bergeries à partir de matériaux dits « traditionnels ».

    En revanche, dans le parc éthiopien du Simien, la valeur universelle exceptionnelle qui a justifié le classement de ce territoire par l’Unesco est « ses #paysages spectaculaires ». Mais si les #montagnes du Simien ont été classées « en péril3 » et les populations qui y vivaient ont été expulsées, c’est, selon les archives de cette même organisation internationale, parce que « l’#agropastoralisme menace la valeur du bien ».

    À travers ces deux exemples, on comprend que l’appréciation des rapports homme-nature n’est pas univoque en matière de conservation : il y a une lecture selon laquelle, en Europe, l’homme façonne la nature, et une lecture selon laquelle, en Afrique, il la dégrade. En vertu de ce dualisme, les activités agropastorales relèvent ainsi d’une #tradition à protéger en Europe, et d’une pratique destructrice à éliminer en Afrique.

    https://lejournal.cnrs.fr/articles/parcs-Afrique-colonialisme-histoire-nature-faune
    #colonialisme #animaux #ingénierie_démographique

    • La nature des hommes. Une mission écologique pour « sauver » l’Afrique

      Pendant la colonisation, pour sauver en Afrique la nature déjà disparue en Europe, les colons créent des parcs en expulsant brutalement ceux qui cultivent la terre. Et au lendemain des indépendances, avec l’Unesco ou le WWF, les dirigeants africains « protègent » la même nature, une nature que le monde entier veut vierge, sauvage, sans hommes.
      Les suites de cette histoire sont connues : des millions de paysans africains expulsés et violentés, aujourd’hui encore. Mais comment a-t-elle pu advenir ? Qui a bien pu organiser cette continuité entre le temps des colonies et le temps des indépendances ? Guillaume Blanc répond à ces questions en plongeant le lecteur au cœur d’une étrange mission écologique mondiale, lancée en 1961 : le « Projet spécial africain ».
      L’auteur raconte l’histoire de ce Projet, mais, plutôt que de suivre un seul fil narratif, il redonne vie à quatre mondes, que l’on découvre l’un après l’autre : le monde des experts-gentlemen qui pensent l’Afrique comme le dernier refuge naturel du monde ; celui des colons d’Afrique de l’Est qui se reconvertissent en experts internationaux ; celui des dirigeants africains qui entendent contrôler leurs peuples tout en satisfaisant les exigences de leurs partenaires occidentaux ; celui, enfin, de paysans auxquels il est demandé de s’adapter ou de disparaître. Ces hommes ne parlent pas de la même nature, mais, pas à pas, leurs mondes se rapprochent, et ils se rencontrent, pour de bon. Ici naît la violence. Car c’est la nature des hommes que d’échanger, pour le meilleur et pour le pire.

      https://www.editionsladecouverte.fr/la_nature_des_hommes-9782348081750
      #livre

  • La démographie instrumentalisée
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2025/05/14/la-demographie-instrumentalisee_6606048_1650684.html

    La démographie instrumentalisée
    Anne Bory
    Sociologue à l’université de Lille
    La sociologue Anne Bory se saisit de l’histoire de Malte pour rendre compte, dans sa Carte blanche au « Monde », de la façon dont sont minorées les responsabilités historiques de l’Etat dans la production des déséquilibres sociaux et spatiaux.
    Comment sont pensées et catégorisées les populations au niveau étatique ? Quelles sont les frontières sociales qui délimitent le cercle de celles et ceux que l’on désigne comme « indésirables » ? Dans un contexte politique friand de simplification, les travaux nourris par la socio-histoire fournissent d’utiles outils de compréhension et de contextualisation plus large. Cette perspective permet à la fois de « mieux comprendre comment le passé pèse sur le présent », pour reprendre les mots du sociologue Norbert Elias, et de mesurer les évolutions parfois notables que les catégorisations politiques et sociales subissent au cours du temps.
    Le récent article de Lucas Puygrenier dans la revue Sociétés politiques comparées s’inscrit dans cette démarche, en analysant avec finesse la manière dont la catégorie de « surpopulation » a été mobilisée à Malte pour définir les populations perçues comme « de trop ». La forte densité de population à Malte – autour de 1 600 habitants par kilomètre carré actuellement – s’explique par le cumul entre étroitesse du territoire national et très forte urbanisation. L’existence et la menace d’une surpopulation sont depuis le XIXe siècle des invariants des discours politiques maltais – y compris durant la période coloniale britannique, qui s’est achevée en 1964. Ce que l’auteur qualifie de « nexus migration-surpopulation » désigne un processus par lequel la dénonciation de l’excès démographique passe des pauvres « locaux » durant la période coloniale à la figure de l’étranger, et tout particulièrement celle du demandeur d’asile. Ce déplacement traduit une transformation du regard des gouvernants sur la composition légitime du corps national.
    Grâce à une enquête mobilisant l’analyse d’archives coloniales, de rapports administratifs postcoloniaux et d’entretiens avec des responsables politiques, Lucas Puygrenier montre que cette opération de redéfinition de la surpopulation s’opère en trois temps : d’abord, ce sont les pauvres « locaux » qui sont désignés comme indésirables. L’Etat, assisté de l’Eglise, encourage alors financièrement et diplomatiquement une émigration massive. Puis, dans les années 1960 et 1970, la main-d’œuvre locale bon marché apparaît plutôt comme une « richesse nationale » : elle est une aubaine pour le développement d’industries sous-traitantes et du tourisme. La position géographique du pays en fait une terre d’arrivée pour les migrants, et l’intégration à l’Union européenne oblige ensuite Malte à adopter une loi sur l’asile. L’argument de la surpopulation est alors brandi pour contourner les obligations diplomatiques et morales du pays, et pour justifier l’enfermement massif des étrangers, qui constituent désormais la figure centrale à exclure. Pas tous les étrangers, néanmoins : retraités fortunés, exilés fiscaux et touristes constituent une manne pour le pays.
    L’argument démographique semble imparable, car a priori dénué de connotation morale : il ne s’agit pas d’attribuer mérites ou fautes à une population. A Malte, cette mise en forme des débats autour d’un indicateur comme la densité de population justifie des politiques de fermeture migratoire, tout en minorant les responsabilités historiques de l’Etat dans la production des déséquilibres sociaux et spatiaux. L’enjeu que soulève cet article concerne l’Europe tout entière, où la rhétorique de la saturation – des services publics, du logement, des capacités d’intégration – connaît une résurgence préoccupante. En documentant avec précision les étapes par lesquelles un langage censé rendre compte d’un excès devient le vecteur d’un rejet, Lucas Puygrenier participe d’une entreprise plus générale de dénaturalisation des évidences statistiques et de réinscription des politiques démographiques dans leur conflictualité historique.

    #Covid-19#migrant#migration#démographie#statistique#politiquedemographique#surpopulation

  • Surpopulation carcérale : un rapport commandé par le ministère de la Justice demande une « réduction de peine exceptionnelle » générale
    https://www.francetvinfo.fr/societe/prisons/surpopulation-carcerale-un-rapport-commande-par-le-ministere-de-la-just

    Face à une #surpopulation #carcérale hors de contrôle, une mission d’urgence commandée par le ministère de la Justice recommande une « #réduction_de_peine exceptionnelle » générale pour « tous » les détenus, sauf exceptions. Le rapport, consulté samedi 10 mai par l’AFP, avait été commandé par l’ex-ministre de la #Justice Didier #Migaud en novembre à des professionnels du secteur (magistrats, directeur de #prison, avocate). Il a été rendu au mois de mars à son successeur, Gérald #Darmanin.

    Remettre un tel rapport à un tel #étron, assurément, il va finir au caniveau.

  • Dominique Simonnot : « Il y a en France une passion d’enfermer » - POLITIS
    https://www.politis.fr/articles/2025/05/entretien-prisons-dominique-simonnot-il-y-a-en-france-une-passion-denfermer

    #Dominique_Simonnot doit veiller « à ce que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ». Difficile mission, vu l’état des #prisons_françaises : 83 000 détenus pour un peu plus de 62 000 places, avec plusieurs milliers de personnes qui dorment sur des matelas au sol. Et la tendance ne fait que croître.

    Un détenu m’a écrit un jour : ‘On vous coûte 120 euros par jour par détenu, c’est un peu cher pour fabriquer de la récidive.’


    https://lasellette.org
    #surpopulation_carcérale #récidive #comparution_immédiate

    • D’abord, il faut libérer certains détenus, comme on l’a fait par ordonnances pendant la crise sanitaire. À l’époque, cela a concerné près de 9 000 personnes.

      (...)

      En Allemagne, quand la prison arrive à 90 % d’occupation, plus personne n’entre tant que quelqu’un n’est pas sorti.

      (...)

      Dans les programmes présidentiels produits par la gauche, il n’y a pas de mesures fortes. Parce que les responsables ont peur de l’opinion publique. Autant qu’ils changent de métier, non ? Certes, il y a d’autres urgences. Mais, dans l’administration pénitentiaire, chacun redoute une catastrophe imminente.

    • La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté a rendu public le 21 mai 2025 son rapport d’activité pour 2024. Publié aux éditions Lefèbvre-Dalloz, ce rapport est disponible en librairie.
      https://www.cglpl.fr/publications/publication-du-rapport-dactivite-2024

      Le présent rapport, nourri des nombreuses visites du #CGLPL (2 253 depuis 2008) et des courriers qui lui sont adressés (près de 2 500 par an), s’ouvre sur une présentation des principaux constats du CGLPL pour chaque lieu de privation de liberté relevant de sa compétence : prisons, établissements de santé mentale, centres et locaux de rétention administrative, centres éducatifs fermés et locaux de garde à vue.

      Il se poursuit par la mise en perspective des avis, recommandations et rapports publics adressés par le contrôle général au Gouvernement en 2024. Le CGLPL continue son travail de suivi de ses recommandations, générales ou formulées à l’issue des visites d’établissements, et présente les suites données par les pouvoirs publics à l’ensemble des recommandations exprimées en 2021.

      Sont ensuite développés le bilan de l’activité du CGLPL en 2024 ainsi que des données statistiques actualisées sur la privation de liberté en France. Enfin, des témoignages, écrits et photographiques, en illustrent concrètement les développements.

      Publié aux éditions Lefèbvre-Dalloz, ce rapport est disponible en librairie. Il sera mis en ligne en intégralité sur le site internet du CGLPL à compter du 6 juillet 2025 (délai conventionnel de six semaines en accord avec l’éditeur).

      https://seenthis.net/messages/1085406

    • Un bon choc carcéral pour redresser les mineurs – Darmadingueries contre grand méchant narco
      https://lenvolee.net/2025/05/25/un-bon-choc-carceral-pour-redresser-les-mineurs-darmadingueries-contre-gra
      Émission de l’Envolée du vendredi 23 mai 2025
      https://sons-audioblogs.arte.tv/audioblogs/v2/sons/254454/254457/podcast_254457_jAu3y.mp3

      Une nouvelle réforme de la justice des mineurs, portée par Gabriel Attal suite aux révoltes après la mort de Nahel. Dans la même logique que ces quarante dernières années, le but est d’enfermer toujours plus les mineurs condamnés et de faire sauter les quelques protections légales dont ils bénéficient. Par exemple l’excuse de minorité devient exceptionnelle et devra être motivée par les juges et les mineurs (« jeunes récidivistes ») pourront désormais passer en comparution immédiate.

      Le ministre des prisons continuent ses annonces tout azimut. Cette semaine, il a annoncé l’ouverture d’une nouvelle prison de haute sécurité en Guyane. Un vrai retour du bagne, toujours sous le prétexte de lutter contre le narcotrafic. ça rappelle aussi que l’utilisation coloniale des prisons ne s’est jamais arrêtée en France et que des prisonniers kanaks ont été transférés en métropole suite aux révoltes de l’année dernière (le collectif Solidarité Kanaky, qu’on a plusieurs fois reçu à cette antenne, vient de sortir un rapport revenant sur ces déportations). Comme avec l’interdiction des activités ludiques, retoquée cette semaine par le conseil d’état, Darmanin est obligé de rétropédaler face à l’opposition rencontrée en Guyane.

      Retour sur l’opération « prison break » menée cette semaine par l’administration pénitentiaire : des fouilles dans un tiers des taules de France pour saisir les petits téléphones portables qui servent avant tout à garder le liens avec les proches, surtout quand on connaît les tarifs des communications aux cabines.

      On continue de détricoter la loi narcotrafic adoptée le 29 avril dernier qui va largement miner les conditions de détention et les droits de la défense : vidéosurveillance avec des drones, comparution en visio, GAV allongée à 120 heures pour les mules etc. Comme d’hab’, en prétendant ne s’en prendre qu’aux « narcotrafiquants les plus dangereux » on met la pression sur l’ensemble des personnes incarcérées et poursuivies pour qui cet arsenal répressif est désormais à disposition

      #lenvolée

  • À la prison de Bois-d’Arcy, 1 000 détenus pour 500 places : un taux d’occupation « sans précédent » - Le Parisien
    https://www.leparisien.fr/yvelines-78/a-la-prison-de-bois-darcy-1-000-detenus-pour-500-places-un-taux-doccupati
    https://www.leparisien.fr/resizer/JOoOEvLKGWdHottnQTHSTT_D1mY=/1200x675/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/leparisien/I2JPZZNTOSUHFGKWWWCXMZEHTI.jpg

    Les conditions de détention à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy (Yvelines) avaient horrifié la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot, lors de sa visite dans cet établissement pénitentiaire, en septembre 2022. Les statistiques rapportées ce mardi par Marc Cimamonti, procureur général de la cour d’appel de Versailles, sont édifiantes. Selon le dernier décompte établi fin décembre 2024, la maison d’arrêt affiche un taux d’occupation de… 201 %.

    Soit 1 002 détenus pour 501 places opérationnelles, contre 158 % en janvier 2023. En présence du garde des Sceaux, Gérald Darmanin, venu assister à l’audience solennelle de rentrée de la Cour d’appel, le magistrat a pointé une « situation sans précédent ».

    #prison #surpopulation_pénale

  • L’#enfermement, une coutume suisse ?

    Au cours du XXième siècle en Suisse, pas moins de 60’000 personnes ont été placées dans des institutions sans jugement ni condamnation. Sous la pression internationale, exercée notamment par le Conseil de l’Europe, l’#internement_administratif a été abrogé en 1981. Au cours des dix dernières années, un travail de #mémoire et une #réhabilitation des personnes concernées ont eu lieu. La pratique consistant à interner les personnes qui déviaient de la norme a-t-elle toutefois changé ?

    L’internement administratif était une pratique répandue en Suisse au XXième siècle. Elle désigne non seulement l’internement de personnes perçues comme « débauchées », « fainéantes » ou « asociales » dans un établissement psychiatrique, mais aussi dans des institutions sans prise en charge médicale. Ainsi, pas moins de 60 000 personnes ont été placées dans 648 établissements sans décision de justice et sans avoir commis d’infraction. Bien que les internements administratifs reposaient sur des bases légales, celles-ci n’étaient claires et rendaient la situation juridique difficile à appréhender. Les #internements concernaient principalement les personnes vivant dans la pauvreté, sans emploi fixe ou encore les membres de groupes discriminés, population considérée alors comme anormale et inadaptée. Sous la pression internationale, notamment du Conseil de l’Europe, l’internement administratif a été abrogé en 1981. Conscient de l’injustice subie par les personnes ayant été soumises à des mesures administratives, le Parlement fédéral a adopté en 2014 la loi fédérale sur la réhabilitation des personnes placées par décision administrative. Une commission indépendante d’expert·e·x·s (CIE) a ensuite étudié et documenté l’histoire des internements administratifs et a formulé des propositions pour la réhabilitation des personnes concernées. Ce travail témoigne d’une volonté de se confronter aux injustices historiques. Il doit aussi renforcer la sensibilité face aux injustices actuelles et contribuer à éviter la perpétuation de pratiques similaires en raison de situations juridiques peu claires.

    Cet article se penche sur la situation actuelle ; l’enfermement est une réalité largement répandue en Suisse dans différents domaines, même si les interventions portent désormais d’autres noms, reposent sur d’autres bases légales et sont exécutées sous différents régimes.

    #Détention_provisoire

    Lors de la détention provisoire, une personne soupçonnée d’avoir commis un délit est placée en détention afin qu’elle ne risque pas de prendre la fuite (#risque_de_fuite), de nuire à la procédure pénale (#risque_de_collusion) ou de commettre d’autres actes (#risque_de_récidive). La détention provisoire est régie par les articles 221 à 240 du Code de procédure pénale (CPP). La détention provisoire n’est proportionnée et légitime que si aucune mesure moins sévère (mesure de substitution) ne peut être prise pour empêcher l’entrave aux enquêtes pénales ou la récidive. La détention provisoire est soumise à la #présomption_d’innocence. Il arrive régulièrement qu’un acquittement intervienne après la détention provisoire, ce qui signifie que des personnes innocentes peuvent également être placées en détention provisoire.

    En 2023, 1924 personnes ont été placées en détention provisoire en Suisse. En comparaison avec d’autres pays d’Europe occidentale, la Suisse mène une politique restrictive en matière de détention provisoire. Seule la Belgique a un taux de détention provisoire pour 100 000 habitant·e·x·s aussi élevé. La proportion de personnes en détention provisoire par rapport à l’ensemble des détenu·e·x·s est de 46% en Suisse, contre 31% en France, 25% en Italie et 20% en Allemagne. 54% des personnes en détention provisoire sont soit des demandeur·euse ·x·s d’asile (7%), soit des personnes domiciliées à l’étranger ou dont le domicile est inconnu (4 %). La raison étant que dans ces cas, on suppose souvent qu’il y a un risque de fuite. Depuis 1988, le taux d’incarcération n’a cessé d’augmenter. La proportion de détenu·e·x·s résidant à l’étranger a également évolué, passant de 37% en 1988 à plus de 50% à partir de 2004.

    Dans la pratique, les mesures de substitution moins sévères ne sont souvent pas prises en considération, sans pour autant qu’une justification soit invoquée. Par conséquent, la #légalité de la détention reste dans de nombreux cas injustifiée. Bien que les conditions de détention varient fortement d’un canton à l’autre, elles sont souvent contraires aux #droits_humains, ce qui a été critiqué à plusieurs reprises par des organisations internationales. Lors de la détention provisoire, les personnes sont souvent placées en #isolement avec de longues périodes d’enfermement dans des #établissements_pénitentiaires très petits et anciens. Or un tel isolement peut avoir de graves conséquences sur la #santé. De plus, les conditions de visite sont souvent restrictives, alors que les détenu·e·x·s ont le droit de recevoir des visites ; les autorités de poursuite pénale violent même parfois ce droit et se servent de la durée des visites comme moyen de pression. Ces conditions sont d’autant plus choquantes si l’on considère que la présomption d’innocence s’applique en détention provisoire et que la détention peut entraîner des dommages psychiques irréparables même après une courte période.

    Ordonnance pénale et peines privatives de liberté de substitution

    Avec l’introduction du Code de procédure pénale (CPP) en 2011 visant à décharger les tribunaux, le rôle des procureur·e·x·s a été renforcé. Il leur est désormais possible de prononcer des peines allant jusqu’à six mois de #privation_de_liberté pour des délits de moindre gravité dans le cadre de la procédure de l’#ordonnance_pénale. Si l’ordonnance pénale est acceptée par la personne accusée, le jugement est définitif. Les personnes concernées peuvent toutefois contester l’ordonnance pénale en demandant qu’un tribunal ordinaire se prononce. La peine privative de liberté de substitution selon l’art. 36 CP est ordonnée lorsqu’une amende ou une peine pécuniaire ne peut pas être payée et qu’elle est convertie en peine privative de liberté.

    Les ordonnances pénales expliquant la très haute occupation (voire la #surpopulation) actuelle des établissements pénitentiaires suisses ; plus de la moitié des personnes incarcérées (53% des 3217 personnes incarcérées en 2022) purgent en effet une peine privative de liberté de substitution.

    La procédure de l’ordonnance pénale n’est pas seulement problématique parce que le ministère public est à la fois procureur et juge, à l’inverse du principe de séparation des pouvoirs ; selon une étude de l’Université de Zurich, les personnes concernées ne sont entendues que dans 8 % des cas avant que l’ordonnance pénale ne soit rendue. De plus, les personnes concernées n’ont souvent pas la nationalité suisse et, pour des raisons linguistiques, ne comprennent pas toujours l’ordonnance pénale qui leur est envoyée par la poste et laissent passer le délai d’opposition, très court - de 10 jours. Il arrive régulièrement que des personnes soient placées en détention sans en connaître la raison ou parce qu’elles manquent de ressources financières pour payer les services d’avocat·e·x·s. Toutefois, lorsqu’une ordonnance pénale est contestée, elle est annulée dans 20% des cas.

    Exécution des mesures pénales

    Le #code_pénal (CP) prévoit aux articles 56 à 65 la possibilité d’ordonner une mesure en plus de la peine en cas de condamnation pour une infraction, si la peine n’est pas de nature à diminuer le risque de récidive, s’il existe un besoin de traitement ou si la sécurité publique l’exige (art. 56 CP). L’exécution de la mesure prime une peine privative de liberté et est imputée sur la durée de la peine (art. 57 CP). Les conditions de la libération (conditionnelle) sont réexaminées au plus tôt après un an et au plus tard à l’expiration de la durée prévue par la loi (3 à 5 ans). En cas de pronostic positif, la libération intervient au plus tôt lorsque la personne condamnée a purgé les deux tiers de la peine privative de liberté ou après 15 ans d’une peine privative de liberté à vie. Une mesure peut être prolongée plusieurs fois en cas de pronostic négatif. Concrètement, il existe des mesures thérapeutiques institutionnelles en cas de troubles mentaux (art. 59 CP), en cas d’addiction (art. 60 CP) ou dans le cas de jeunes adultes (art. 61 CP). S’y ajoutent la mesure ambulatoire (art. 63 CP) ainsi que l’internement (art. 64 CP) en cas de risque particulièrement élevé de récidive et d’un grave trouble mental chronique et récurrent, qui peut être prononcé à vie dans certains cas (art. 64, al. 1bis).

    Alors que le nombre d’internements, de traitements des addictions ainsi que de mesures applicables aux jeunes adultes sont restés stables depuis 1984, l’énorme augmentation depuis 2003 (157 cas) des mesures pour le traitement des troubles mentaux selon l’art. 59 est frappante. Elle a connu un pic en 2021, avec 737 cas. En examinant les chiffres de plus près, on constate que l’augmentation n’est pas due à davantage d’admissions ou à moins de sorties par an, mais à une durée de séjour de plus en plus longue : l’augmentation de la durée moyenne de séjour entre 1984 et 2021 s’élève à 270%.

    Les scientifiques estiment que cette évolution s’explique en partie par l’importance grandissante de la thématique sécuritaire au sein de la société. Pour ordonner une mesure, les juges se fondent obligatoirement sur une expertise (art. 56, al. 3, CP). Celle-ci se détermine d’une part sur la nécessité et les chances de succès d’un traitement et contient d’autre part une évaluation des risques concernant la vraisemblance que l’auteur commette d’autres infractions ainsi que sur la nature de celles-ci. Cette disposition légale est problématique, car elle accorde aux expert·e·x·s et aux tribunaux une marge d’appréciation presque illimitée pour toutes les conditions d’évaluation du cas. Pour des raisons tout à fait compréhensibles, les psychiatres ne sont par ailleurs guère disposé·e·x·s à attester de l’absence de danger lors de l’expertise, craignant de devoir se justifier en cas de rechute. Les juges sont également aux prises de cette peur et suivent donc en général les recommandations des psychiatres. Le choix entre une peine privative de liberté ordinaire et une mesure thérapeutique est donc, dans les faits, déterminé par l’expertise de psychiatrie médico-légale, le plus souvent au détriment de la personne expertisée.

    Ce basculement d’un #régime_pénal vers un #régime_des_mesures entraîne une augmentation constante du nombre de personnes en détention de longue durée, sans qu’il y ait pour autant une augmentation des places adaptées, avec un suivi thérapeutique. Ainsi, des centaines de détenu·e·x·s qui se sont vu ordonner une mesure attendent souvent plus d’un an avant d’obtenir une place en thérapie. Selon la Commission nationale de la prévention de la torture, la plupart des personnes internées se trouvent dans les sections fermées des prisons. Ainsi, elles sont placées dans un régime de détention ordinaire et connaissent des conditions de détention souvent beaucoup plus restrictives que celles auxquelles elles auraient droit en exécutant une peine « préventive ». En effet, ce type de peine ne sert pas à réparer l’injustice d’une infraction, mais à protéger la société contre d’éventuelles autres infractions.

    #Placement à des fins d’#assistance

    Les personnes connaissant des #troubles_psychiques, une déficience mentale ou un grave état d’abandon peuvent être placées dans une institution appropriée contre leur volonté si l’assistance ou le traitement nécessaires ne peuvent leur être fournis d’une autre manière. On parle alors de #placement_à_des_fins_d’assistance, qui peut avoir lieu uniquement si la personne concernée risque sérieusement de se mettre en danger, ou dans certains cas, qu’elle représente un danger pour autrui. Les conditions pour ordonner le placement à des fins d’assistance et les traitements médicaux forcés sont définies aux articles 426 et suivants du code civil (CC). Le placement à des fins d’assistance est en principe ordonné par l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte cantonal ou, plus souvent, par un·e·x médecin.

    Depuis l’entrée en vigueur du droit de la protection de l’adulte en 2013, la « privation de liberté à des fins d’assistance » (PLAFA) est devenue le « placement à des fins d’assistance » (PAFA). L’hypothèse selon laquelle la révision de la loi permettrait de réduire le taux de PAFA ne s’est pas confirmée jusqu’à présent. Au contraire : en 2022, plus de 18 367 personnes ont été placées dans un hôpital psychiatrique contre leur gré sur la base d’une mesure de placement. Le taux moyen d’hospitalisations pour 1000 habitant·e·x·s se situe à 2,07 au niveau national, ce qui est plus élevé que la moyenne internationale, mais varie fortement selon les cantons. Concrètement, une personne sur cinq hospitalisée dans un établissement psychiatrique en Suisse est admise contre sa volonté. Environ 30 % des hospitalisations pour cause de placement à des fins d’assistance durent entre 1 et 7 jours ; 80% se terminent après six semaines, tandis qu’un peu plus de 20% atteignent voire dépassent sept semaines.

    Ces données ne concernent toutefois que les placements dans des hôpitaux psychiatriques et ne tiennent pas compte des PAFA dans d’autres structures telles que les services de soins somatiques des hôpitaux et des établissements médico-sociaux, ou du maintien de personnes entrées de leur plein gré. Il n’existe pas de récolte uniformisée et complète de données relatives aux PAFA au niveau national. Il faut donc partir du principe que le nombre de PAFA ordonnés chaque année est plus élevé.

    Compte tenu du taux de PAFA qui ne cesse d’augmenter et la manière dont ces placements sont ordonnés, l’organisation Pro mente sana a publié fin 2022 une prise de position comprenant des conclusions tirées d’évaluations du nouveau droit de protection des adultes ainsi que des témoignages de personnes concernées. La publication présentait cinq exigences : ordonner le PAFA exclusivement comme une mesure d’ultima ratio ; veiller à une meilleure qualification des professionnel·le·x·s habilité·e·x·s à prononcer un PAFA ; introduire le principe du double contrôle lors de l’ordonnance d’une mesure de PAFA ; garantir aux personnes concernées le droit d’être entendues et informées ; organiser un débriefing obligatoire après chaque mesure de PAFA.

    Dans sa première évaluation de la Suisse en 2022, le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU est allé encore plus loin en recommandant à la Confédération d’abroger les dispositions qui autorisent une privation de liberté forcée en raison de troubles psychiques ou de déficience mentale, ainsi que celles qui permettent le traitement médical forcé, la mise à l’isolement et la contention chimique, physique et mécanique (observations finales, pp. 7-8).

    Hébergement dans les #centres_fédéraux pour requérant·e·x·s d’#asile

    En Suisse, les personnes requérantes d’asile sont hébergées dans des centres fédéraux pour requérant·e·x·s d’asile pendant la procédure d’asile visant à déterminer si la Suisse doit leur offrir une protection. Il est indéniable que les structures d’hébergement restreignent la liberté des personnes en fuite, en raison de l’emplacement très éloigné des centres, de la limitation de la liberté de mouvement ou des obligations de présence.

    En 2023, 30 223 personnes [JD8] ont déposé une demande d’asile en Suisse. L’asile a été accordé dans 26% des cas et le taux de protection (décisions d’octroi de l’asile ou admissions provisoires) a atteint 54%. Dans le cadre de la planification ordinaire, le Secrétariat aux migrations (SEM) dispose en tout de 5000 places d’hébergement pour requérant·e·x·s d’asile. Dans des situations spéciales, cette capacité peut être portée à 10 000 places en accord avec les cantons. Actuellement, cette possibilité est pleinement exploitée.

    Afin de veiller au respect des droits fondamentaux et humains dans les structures d’hébergement pour personnes requérantes d’asile gérées par la Confédération, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) en a fait l’examen en 2017 et 2018, tout comme le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) en mars 2021. La CNPT et le CPT critiquent d’une part les exigences disproportionnées quant à l’obligation de présence et d’autre part le fait que les mesures disciplinaires ne soient pas mises par écrit. La CNPT relève également un manque considérable d’intimité et constate que les personnes requérantes d’asile rencontrent des obstacles en matière de participation sociale. Le CPT critique le fait que le personnel en charge de l’aide juridique n’ait pas suffisamment accès aux centres d’asile et que les personnes requérantes ne soient pas assez bien informées sur les possibilités de recours.

    Dans les #centres_spécifiques régis par l’art. 24a de la loi sur l’asile (LAsi), les personnes requérantes d’asile sont complètement privées de leur liberté lorsque les autorités estiment qu’elles perturbent considérablement la sécurité et l’ordre publics ou le bon fonctionnement des centres fédéraux. Des mesures de sécurité et des règles de sortie plus strictes y sont appliquées et le séjour est limité à 30 jours. Un tel centre existe déjà aux Verrières (NE) et le SEM prévoit l’ouverture d’un second centre spécifique en Suisse alémanique.

    À la différence de mesures prononcées dans le cadre d’une procédure pénale, une personne ne doit pas nécessairement être reconnue comme coupable d’une infraction avant d’être transférée dans un centre spécifique. Selon l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), les conditions nécessaires à une assignation dans un centre spécifique sont trop larges. Il suffit par exemple que la personne requérante d’asile ne respecte pas le couvre-feu à plusieurs reprises pour qu’elle soit envoyée aux Verrières. Par ailleurs, le centre spécifique n’est pas adapté aux personnes atteintes d’addiction ou de troubles psychiques. En appliquant les dispositions du droit pénal en vigueur et les possibilités de traitement psychiatrique, les autorités disposent déjà d’une certaine marge de manœuvre dans les cas où la personne requérante représente une menace pour elle-même ou autrui.

    #Détention_administrative

    La détention administrative en vertu du droit des étrangers est une mesure de contrainte visant à garantir l’exécution du renvoi de personnes étrangères dépourvues d’un droit de séjour en Suisse et visant à prévenir les risques de fuite de ces personnes. Elle n’est en rien liée à un crime ou à une enquête d’ordre pénal. Elle est ordonnée par les autorités du canton qui exécute le renvoi ou l’expulsion, comme cela est décrit dans l’article 80 de la Loi sur les étrangers (LEtr), qui lui est dédié. La légalité et la proportionnalité de la détention doivent être examinées dans un délai de 96 heures après la mise en détention par une autorité judiciaire.

    Les statistiques en matière d’asile du SEM ont enregistré 2882 cas de détention administrative en 2023. Le taux de détention varie considérablement d’un canton à l’autre, car les différentes autorités d’exécution n’interprètent et n’appliquent pas toutes le principe de proportionnalité de la même manière. Dans certains cantons, la détention administrative est ordonnée avant même que la décision de renvoi ne soit devenue juridiquement contraignante. Il existe également des cas où la détention administrative n’est pas suivie d’une expulsion et où la « pertinence » de cette détention doit être remise en question. Dans cinq cas sur dix, la détention administrative dure moins de 10 jours. Dans l’autre moitié des cas, la durée varie généralement entre 9 et 18 mois.

    AsyLex et la CNPT critiquent la détention administrative en raison des restrictions importantes de la liberté de mouvement qu’elle engendre et du manque de proportionnalité. Les deux organisations dénoncent également depuis plusieurs années l’absence d’une représentation juridique efficace. Si la détention administrative ne constitue pas une mesure à caractère punitif, l’exécution d’une telle mesure s’en rapproche pourtant bien. Dans la plupart des cantons, les établissements pénitentiaires sont utilisés pour sa mise en œuvre alors qu’il devrait s’agir d’une exception au sens de la loi.

    Enfermer pour régler les problèmes sociaux ?

    Si l’on additionne les personnes en détention préventive (et donc non coupables au sens de la loi), les personnes en détention préventive (exécution de mesures pénales) qui ont déjà purgé leur peine, les personnes placées contre leur gré dans un hôpital psychiatrique (PAFA) et celles qui sont hébergées dans des centres fédéraux de requérant·e·x·s d’asile, on atteint un chiffre de plus de 30 000 personnes par an. Ces personnes sont privées de liberté en Suisse, alors qu’elles ne doivent pas compenser la culpabilité d’une infraction commise. Le nombre est probablement encore plus élevé, notamment du fait des PAFA, en raison du manque de données. Il faut par ailleurs encore tenir compte des personnes qui ne peuvent pas payer une amende en raison d’un manque de ressources financières et personnelles, et qui sont punies pour cela par une privation de liberté.

    Alors que la Suisse se penche aujourd’hui publiquement sur la question de l’internement administratif, les médias se font l’écho de témoignages de jeunes ayant besoin d’une prise en charge thérapeutique, mais placé·e·x·s en prison faute de places dans les foyers et les services psychiatriques. Les pratiques de l’époque des internements administratifs sont-elles donc réellement révolues ?

    Ce sont toujours les personnes qui ne correspondent pas aux normes sociales qui continuent d’être enfermées : les personnes touchées par la pauvreté, les personnes sans passeport suisse et les personnes atteintes de problèmes de santé. Alors que les internements administratifs touchaient autrefois particulièrement les femmes élevant seules leurs enfants, ils frappent aujourd’hui surtout les personnes réfugiées.

    Les coûts financiers et sociaux de ces mesures de privation de liberté sont immenses. La détention administrative à elle seule représente déjà un coût plus de 20 millions de francs par an, sans compter les coûts consécutifs tels que les mesures de réinsertion et le traitement des conséquences d’une détention. Il existe par ailleurs des alternatives à la détention, bien étudiées scientifiquement dans tous les domaines, aussi bien en matière de détention provisoire ou de placement à des fins d’assistance qu’en matière de détention administrative. Certaines pratiques de pays étrangers peuvent également servir de modèle. Bien que ces solutions aient aussi un coût, elles contribueraient à intégrer les personnes concernées dans la société (ici ou ailleurs) et donc d’éviter les coûts consécutifs tels que ceux liés aux conséquences d’une détention.

    Un changement radical de mentalité est nécessaire afin que la société ait le courage d’investir dans l’intégration plutôt que dans la répression, et veille surtout au respect systématique des droits humains.

    https://www.humanrights.ch/fr/pfi/droits-humains/migration-asile/lenfermement-une-coutume-suisse
    #Suisse #migrations #réfugiés #rétention

  • France : la surpopulation carcérale ne cesse de battre des records
    https://www.rfi.fr/fr/france/20241130-france-la-surpopulation-carc%C3%A9rale-ne-cesse-de-battre-des-records

    Jamais les #prisons françaises n’ont enregistré un si grand nombre de détenus avec le chiffre record de 80 130 personnes incarcérées pour 62 357 places au 1er novembre, selon des chiffres obtenus vendredi 29 novembre auprès du ministère de la #Justice. Mal endémique français, la #surpopulation_carcérale ne cesse de battre des records mois après mois.

  • Comme des Italiens en #Suisse (1/5) : La liberté en Suisse et ailleurs

    Les Italiens sont des millions à avoir émigré vers la Suisse, d’abord à la fin du 19ème siècle, puis dans un second mouvement après la Deuxième Guerre mondiale. Ils sont venus pour travailler, dans des conditions souvent très difficiles. Ils n’étaient pas les bienvenus, même si la Suisse avait besoin d’eux, notamment pour ses grands chantiers comme la construction du tunnel du Gothard, pour édifier sa modernité. Les Italiens et les Italiennes formaient d’ailleurs encore en 2023 la population étrangère la plus importante de Suisse.

    A la fin des années 1880, la Suisse connaît un tournant dans son histoire démographique : de pays d’émigration, elle devient un pays d’immigration. La Suisse évolue et devient un pays désirable, en premier lieu pour ses Italiens.

    Rosita Fibbi est sociologue affiliée au Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population à l’université de Neuchâtel. Elle répond aux questions de Marie Giovanola.

    https://www.rts.ch/audio-podcast/2024/audio/comme-des-italiens-en-suisse-1-5-la-liberte-en-suisse-et-ailleurs-28688945.html
    #immigration #migrants_italiens #Italie #immigration #racisme #main-d'oeuvre
    #audio #podcast #surpopulation_étrangère #Überfremdung #politique_migratoire #saisonniers #émeutes #missions_catholiques #fanfare #police_fédérale_des_étrangers #travailleurs_étrangers #accord_migratoire #rotation_de_la_main-d'oeuvre #permis_saisonniers #rotation #histoire #humiliation #visite_médicale #screening_sanitaire #trauma #corps #nudité #marginalisation #montagne #hébergement #baraquements #conditions_de_vie #écart #périphérie #marginalisation_spatiale #industrie #stabilisation #regroupement_familial #permis_de_séjour #discriminations #enfants_du_placard #enfants_cachés #expulsions #Schwarzenbach #initiatives_Schwarzenbach #James_Schwarzenbach #initiative #colonies_libres #permis_de_séjour #naturalisation #votations

  • « #Permis_de_tuer » : mise en cause devant l’ONU, la #France s’enfonce dans le #déni

    Interrogés par le #Comité_des_droits_de_l’Homme de l’#ONU sur la hausse du nombre de #décès consécutifs à l’intervention de la police, les représentants de l’État français sont passés à côté du sujet.

    « Étant donné qu’il y a eu un grand nombre d’issues létales lors de contrôles routiers, souhaitez-vous nous dire s’il est prévu de modifier les #conditions_juridiques d’utilisation des #armes_à_feu par la police et la #gendarmerie ? ». En ce 22 octobre, la voix de la juriste Tijana Šurlan, membre du comité d’experts de l’ONU, résonne gravement dans l’ambiance feutrée du Palais Wilson, sur les rives sur Lac Léman. Et pour cause : ce n’est pas tous les jours que les actions des #forces_de_l’ordre françaises sont examinées par le Comité des droits de l’Homme de l’Organisation des nations unies (ONU).

    Le refrain sonne creux

    Au moment d’engager le sixième rapport périodique de la France sur l’application du #Pacte_international_relatif_aux_droits_civils_et_politiques, la cheffe de la délégation française et ancienne magistrate #Isabelle_Rome entonne un refrain bien connu : « les droits de l’Homme sont intimement liés à l’histoire de la France ». Comme pour désamorcer toute critique en matière de doctrine policière, elle appuie : « garantir une plus grande confiance envers la justice, la démocratie et les forces de l’ordre est une condition nécessaire au renforcement de l’État de droit. Une attention particulière est portée aux conditions d’usage de la force, et plus particulièrement au respect des règles de déontologie lors de toutes les opérations de police ».

    Mais la petite musique bien connue de « la France, patrie des droits de l’Homme » a-t-elle vraiment convaincu le comité onusien ? Celui-ci, composé de 18 experts indépendants spécialistes des droits humains, a interpellé le gouvernement sur le #racisme, le #colonialisme, la #surpopulation_carcérale… mais aussi sur la politique de #violence menée grâce aux forces de l’ordre. Sollicité sur le « permis de tuer », un représentant de la délégation française a éludé le sujet en affirmant laconiquement que l’introduction, en 2017, de ce cadeau aux syndicats policiers répondait « à la nécessité des deux forces de [police et gendarmerie] de définir un régime commun d’usage des armes. Je ne donnerai pas lecture du quatrièmement de cet article, qui est très clair et qui concerne plus particulièrement le cas particulier des refus d’obtempérer ».

    Problème : ledit article n’est justement pas « très clair », que ce soit du point de vue de son contenu juridique, de sa déclinaison dans les instructions ministérielles, ou encore de son interprétation par la Cour de cassation. C’est d’ailleurs une mission parlementaire qui reconnaissait ce problème par la voix de l’un de ses rapporteurs (du même parti – socialiste – qui avait introduit cette loi sept ans plus tôt), jugeant que la rédaction actuelle du texte était « trop floue ».

    Silences diplomatiques

    Le comité des droits humains ne s’est peut-être pas laisser abuser par la rhétorique de la délégation française. M. José Manuel Santos Pais, membre du comité onusien, également procureur-général adjoint à la Cour constitutionnelle portugaise, s’est même permis d’épingler la « patrie-des-droits-de-l’homme » : « le nombre de mort a été multiplié par cinq après la #loi de 2017, et la France est devenue depuis quelques années le pays de l’UE où on compte le plus grand nombre de personnes tuées ou blessées par des tirs réalisés par des agents des forces de police. »

    Il en a déduit cette question de bon sens : « est-ce que l’État partie [la France] serait disponible pour réviser le #cadre_légal concernant l’usage des armes et amender l’#article_L435-1 du #Code_de_la_sécurité_intérieure en limitant le recours aux armes à feu aux situations de #légitime_défense ? » Côté délégation française, ce fut silence radio. Ni la cheffe de la délégation, ni personne de la représentation permanente, ni aucun de la dizaine de membres du ministère de l’Intérieur présents à Genève ne piperont mot sur le sujet.

    Alors M. Santos Pais est revenu à la charge : s’inquiétant de « l’accroissement énorme du nombre personnes tuées et de personnes blessées au cours de manifestations ou d’interventions des forces de l’ordre », il a aussi remarqué ne pas avoir « entendu de réponse au sujet que j’ai présenté de réduire les utilisations d’armes seulement aux situations de légitime défense où il y a un danger [imminent] qui pourrait mettre en cause la vie du gendarme ou du policier ».

    Peine perdue. Durant les six heures de tirs courtois entre diplomates, aucune réponse ne sera exprimée par la représentation française à l’ONU sur la volonté ou non de revenir sur le cadre d’emploi des armes policières. Dans les prochains jours, le Comité des droits de l’homme rendra public son rapport sur la France. Si l’ONU identifie dans ses observations conclusives le problème du permis de tuer comme particulièrement prioritaire, la France aura un an pour agir.

    https://paris-luttes.info/permis-de-tuer-mise-en-cause-18824
    #police #violences_policières

    ping @karine4

  • Dans les prisons, des places en plus pendant les Jeux olympiques de Paris 2024

    C’est l’un des points qui fut le plus surveillé par les services du ministère de la #justice dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris : les prisons franciliennes seront-elles en mesure de répondre à une éventuelle arrivée exceptionnelle de détenus ?
    Dans sa circulaire de janvier, Eric Dupond-Moretti, ministre de la justice, mettait l’accent sur les plans d’action prioritaire, parmi lesquels une politique répressive accrue. Ainsi, le garde des sceaux écrivait qu’il fallait une « mise en place d’une politique pénale déterminée prévoyant des réponses rapides, fortes et systématiques à l’ensemble des infractions pénales ayant pour objet ou pour effet de troubler le bon déroulement des Jeux olympiques et paralympiques 2024 ».

    Etaient particulièrement visés les faits de menaces ou de violences sexistes et sexuelles, les infractions commises en raison de l’orientation sexuelle, d’une religion ou de toute autre cause de discrimination, l’utilisation de drones à des fins détournées, le survol d’un aéronef sur une zone interdite, ou encore les fausses alertes à la bombe. Les juridictions se sont organisées en conséquence, avec notamment des audiences supplémentaires de comparutions immédiates.
    Difficile d’agir sur certains maillons de la chaîne pénale sans en affecter l’ensemble : une répression accrue signifie plus d’arrestations, plus de procédures et donc – éventuellement – plus de condamnations à de la prison ferme. Or, la #prison française connaît une crise structurelle de #surpopulation_carcérale avec une densité moyenne de plus de 126 %, selon les chiffres du ministère de la justice.

    A la limite de l’asphyxie

    Selon la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris, qui recouvre la région Ile-de-France, où se dérouleront la majorité des épreuves des Jeux, la densité atteint globalement plus de 138 %. Parmi les établissements pénitentiaires, les #maisons_d’arrêt (courtes peines et prévenus) sont particulièrement touchées, avec près de 153 % d’occupation.

    En Ile-de-France, douze établissements sont à la limite de l’asphyxie et dépassent les 120 % de densité, dont huit maisons d’arrêt. Par exemple : Bois-d’Arcy (Yvelines), 240,5 % ; Villepinte (Seine-Saint-Denis), 179 % ; Nanterre, 175 % ; la Santé, à #Paris, près de 152 % ; Fresnes (Val-de-Marne), près de 140 %.

    Du côté de la chancellerie, on se montre rassurant et on met en avant que, dans le cadre du plan de création de 15 000 nouvelles places nettes d’ici à 2027, « 886 places permettront d’accueillir les personnes incarcérées ». Elles se situent à Meaux-Chauconin-Neufmontiers (Seine-et-Marne), Osny-Pontoise (Val-d’Oise), Fleury-Mérogis (Essonne) et Noisy-Le-Grand (nouvelle prison en Seine-Saint-Denis).
    Cela s’articule avec une « politique volontariste », selon l’expression du ministère de la justice, dans l’affectation « des détenus des maisons d’arrêt dans des établissements pour peine ». En clair : on transfère, avec l’accord de la personne incarcérée et dans le cadre de son projet de réinsertion, des détenus de maisons d’arrêt dans des établissements qui ne sont pas, eux, surpeuplés. Un dispositif qui, assure le ministère, sera amplement suffisant.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/07/28/dans-les-prisons-des-places-en-plus-pendant-les-jeux-olympiques-de-paris-202

    #prisonniers

  • Au Royaume-Uni, le gouvernement va libérer des milliers de détenus pour désengorger les prisons
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/07/12/au-royaume-uni-le-gouvernement-va-liberer-des-milliers-de-detenus-pour-desen

    Le nouveau gouvernement britannique a annoncé, vendredi 12 juillet, la libération anticipée de milliers de détenus, pour alléger la pression sur des prisons au bord de l’asphyxie. Une semaine à peine après leur arrivée au pouvoir, les travaillistes sont contraints d’agir face à cette crise dans les établissements pénitentiaires qui pourraient ne plus avoir de places disponibles dans les semaines à venir.
    Les prisons sont régulièrement remplies à 99 % de leur capacité depuis début 2023 et il ne restait plus, le 8 juillet, qu’environ 700 places libres pour les hommes, sur un total d’environ 84 000. « Nos prisons sont au bord de l’effondrement », a déclaré la nouvelle ministre de la justice, Shabana Mahmood, en annonçant ce plan d’action d’urgence.
    « Si nous n’agissons pas maintenant, nous risquons l’effondrement du système de justice criminelle et des troubles à l’ordre public », a-t-elle ajouté, depuis la prison HMP Five Wells, dans le centre de l’Angleterre. « Les criminels pourraient faire ce qu’ils veulent, sans conséquence. On pourrait voir des pillards se déchaîner, briser des vitrines, braquer des magasins et mettre le feu à des quartiers », a poursuivi la ministre. L’inspecteur en chef des prisons, Charlie Taylor, a affirmé que la situation était « à un point de rupture absolu ».

    #prison #surpopulation_carcérale

  • La population pénitentiaire a atteint des sommets en 2022 - rtbf.be
    https://www.rtbf.be/article/la-population-penitentiaire-a-atteint-des-sommets-en-2022-11258370

    Selon le Conseil central de #surveillance_pénitentiaire (CCSP), en 2022, la population pénitentiaire a atteint des sommets jamais franchis dans les prisons belges. L’organe de contrôle a épinglé, lors de la présentation de son rapport annuel 2022 l’impact de la #surpopulation_carcérale sur les droits des prisonniers. Leur nombre moyen dans les 35 prisons surveillées était l’an dernier 11.302, tandis que la capacité moyenne est de 9.641 personnes. Taux moyen surpopulation : 17%. Cette situation affecte gravement les conditions de détention, porte atteinte à la dignité et aux droits des personnes détenues, pointe le CCSP.
    S’appuyant sur les observations faites par les commissions de surveillance, le Conseil cite les conditions matérielles indignes, parmi lesquelles les matelas au sol au nombre de 82 à 248 dans les #prisons surveillées, le manque d’intimité et d’hygiène, la réduction du temps passé à l’air libre, l’accès restreint aux soins médicaux ou encore la pression exercée sur le personnel pénitentiaire. Il évoque aussi l’insécurité, la difficulté de maintenir des contacts avec l’extérieur, la réinsertion plus compliquée, l’aggravation des problèmes psychologiques, et l’augmentation des #suicides et tentatives de suicide.

    Le CCSP recommande de prendre des mesures appropriées et suffisantes pour mesurer et contrôler la croissance de la population carcérale et garantir des conditions de détention humaines et dignes aux personnes privées de liberté. Il demande aussi que des mesures soient prises en concertation avec les acteurs concernés pour encourager le recours aux sanctions non-privatives de liberté.

    Il plaide enfin pour une sensibilisation des juges et des procureurs au rôle qu’ils ont à jouer dans la surpopulation carcérale.

    https://www.prison-insider.com/articles
    #prison_insider

  • Les #LRA, zones de non-droit où sont enfermés des #sans-papiers

    Dans les locaux de rétention administrative, les droits des sans-papiers retenus sont réduits. Souvent sans avocats, ni même de téléphones, ils ne peuvent défendre leurs droits. Enquête dans l’angle mort de la rétention française.

    Commissariat de Choisy-le-Roi (94) – « Ce n’est pas le bon jour », répète le major Breny, en costume-cravate malgré la chaleur. Ce lundi 4 septembre 2023, l’atmosphère est glaciale quand la députée Ersilia Soudais (LFI) demande à visiter le local de #rétention_administrative (LRA) annexé au commissariat de Choisy-le-Roi. Méconnus du grand public, ces #lieux_d’enfermement sont destinés aux personnes étrangères et victimes d’une #décision_d’éloignement. Mais à la différence des #centres_de rétention_administrative (#Cra), elles y sont enfermées pour 48 heures au maximum. « Soit le Cra est plein, soit une décision est prise de les positionner temporairement en LRA », introduit le major.

    Le directeur du lieu commence par interdire aux journalistes les photos à l’intérieur. « Ici, nous sommes dans un #commissariat », lance-t-il. À plusieurs reprises, le major Breny nous renvoie vers une « disposition du Ceseda », le code de l’entrée et du séjour des étrangers. Laquelle ? « Regardez sur internet, je ne connais pas le Ceseda par cœur », s’agace-t-il. La disposition a beau être introuvable et l’interdiction illégale, le major n’en démord pas.

    Une #opacité qui concorde avec la situation nationale. En 2022, 27 LRA permanents existaient en France pour 154 places. Mais impossible de savoir combien de personnes y passent chaque année car l’administration ne communique aucun chiffre, au contraire des Cra. Entre ignorance des agents et méconnaissance des retenus au sujet de leurs droits qui y sont réduits, les LRA représentent un angle mort de la rétention. Une situation qui inquiète les associations, d’autant que les placements en LRA sont de plus en plus réguliers.

    Une ignorance du droit

    Le lendemain de la visite au LRA de Choisy-le-Roi, la députée Ersilia Soudais se rend au LRA de Nanterre (92). L’accueil est similaire. Après vingt minutes d’attente, le responsable commence par refuser l’accès aux journalistes. L’élue lui rappelle la procédure, ce qui ne le dissuade pas de vérifier auprès de ses supérieurs. Cinq minutes plus tard, il s’excuse :

    « On n’a jamais reçu de visite. »

    Ce LRA, situé au rez-de-chaussée de la préfecture, a été créé il y a moins d’un an, en novembre 2022. Selon les agents présents, il est principalement dédié à l’enfermement des personnes « dublinées », qui ont déjà demandé l’asile dans un autre pays de l’Union européenne. Il peut accueillir actuellement six personnes.

    À l’intérieur, l’agent tente à nouveau d’encadrer la visite. Il indique à Ersilia Soudais qu’elle ne peut pas discuter avec des retenus. Ce qui est encore une fois illégal. L’élue était en train d’échanger avec le seul prisonnier du LRA, un homme algérien. Débardeur blanc et cigarette à la bouche, il est enfermé depuis deux jours. Il demande un traducteur, mais la discussion est interrompue par la sous-préfète des Hauts-de-Seine, Sophie Guiroy Meunier, descendue de son bureau : « Vous êtes là dans quel cadre ? » À plusieurs reprises, la sous-préfète nous demande à quoi servent nos questions. « Mais vous écrivez un rapport ? » interroge-t-elle. Quarante minutes plus tard, la députée ressort sonnée de ces deux visites. « Ça me donne envie de me rendre dans d’autres LRA d’Île-de-France », déclare-t-elle en partant.

    Un accès juridique restreint en LRA

    À Nanterre, s’ils veulent appeler l’extérieur, les retenus doivent demander un portable aux agents. Or, le décret du 30 mai 2005 stipule qu’un LRA doit fournir une ligne téléphonique fixe en accès libre, parmi d’autres obligations, pour permettre aux retenus de contacter leurs avocats. Un policier balaye :

    « C’est plus simple comme cela. »

    La situation est représentative du #flou entretenu dans ces locaux, où l’accompagnement juridique n’est pas obligatoire, contrairement aux Cra. « Les personnes retenues ont un certain nombre de #droits. Mais, en pratique, elles n’ont pas d’informations suffisantes », affirme maître Berdugo, coprésident de l’Association pour le droit des étrangers (ADDE). À Choisy-le-Roi, les cinq retenus parlent très peu français et personne n’a l’air de connaître l’acronyme LRA.

    Celui de Choisy-le-Roi a rouvert en février 2022, après une fermeture décidée par une ordonnance administrative, « compte tenu du #traitement_inhumain_et_dégradant infligé aux personnes », a noté l’ADDE. Parmi les points noirs à l’époque : l’obligation de demander aux agents l’autorisation de se rendre aux toilettes. Désormais, des travaux ont été effectués. Trois douches et des WC sont en accès libres, « pour huit places contre douze auparavant », détaille le major Breny. Concernant les retenus, le directeur du LRA assure :

    « Ils sont tous contents. Dehors, c’est plus dur. Ici, on s’occupe d’eux. Ils n’ont pas exprimé un mal-être particulier. »

    Un manque d’information qui coûte cher

    « C’est notre première nuit ici, on espère ne pas être envoyés en centre de rétention. On est tranquille », avance Ahmed, originaire d’Algérie. Mais quand on aborde leur situation juridique, les hommes lèvent les yeux de leur téléphone – qu’ils ont ici le droit de conserver – et s’interrogent. Ali (1), torse nu à cause de la chaleur, demande des renseignements à la députée sur les démarches juridiques qu’il doit entreprendre. « Est-ce que vous avez un avocat ? » lui demande-t-elle. Il répond non de la tête. Idem pour ses camarades. Pourtant, le délai de recours d’une #obligation_de_quitter_le_territoire (#OQTF) est de 48 heures devant le tribunal administratif. D’où la nécessité d’agir vite pour tenter de la faire annuler. « Les retenus sont présentés quatre jours après devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et il arrive qu’on apprenne qu’ils n’ont pas contesté l’OQTF », souligne maître Florian Bertaux, avocat au barreau du Val-de-Marne. Il renchérit :

    « Il n’y a pas de permanence au tribunal administratif dans notre département, donc pour faire un recours, il faut souvent déjà connaître un avocat. »

    Le recours est d’autant plus difficile à faire qu’aucun moyen de télécommunications n’est mis à leur disposition. Impossible donc d’envoyer un mail à son avocat. « Pour transmettre une décision, c’est très compliqué. Ils sont dépendants des services de police », continue maître Berdugo.

    Les retenus gaspillent parfois un temps précieux en essayant de joindre les mauvais interlocuteurs. Youssef (1), un père de famille défendu par maître Berdugo, a été placé au LRA de Nanterre fin août 2023. « En guise d’informations, on lui a donné une liasse sur laquelle il était indiqué qu’il pouvait être assisté par diverses associations, alors que c’était faux », raconte son conseil. Parmi les numéros écrits, celui de l’association la Cimade, qui n’intervient pourtant pas dans les LRA. En apprenant cela, Paul Chiron, chargé de soutien et des actions juridiques en rétention à la Cimade, s’étrangle :

    « C’est hallucinant. Nous refusons d’être dans les LRA car il n’y a pas de garanties suffisantes afin d’exercer nos missions. »

    Heureusement pour Youssef, il connaissait déjà maître Berdugo et avait une procédure en cours à la préfecture. Mais lors de sa comparution devant le JLD, les autres retenus du LRA altoséquanais n’ont pu faire de recours car les 48h de délais de contestation « étaient expirés ».

    Des LRA qui disparaissent du jour au lendemain

    Les avocats eux-mêmes ont du mal à suivre la situation des LRA. En juillet 2023, maître Berdugo et des confrères avaient tenté de faire fermer le LRA de Nanterre via un référé-liberté. « Lorsqu’on l’a préparé, on nous a indiqué qu’il n’y avait plus personne dans le LRA. Donc on a laissé tomber », raconte-t-il. Maître Berdugo continue :

    « La préfecture avait promis de ne plus saisir le juge, donc on pensait que le LRA ne fonctionnait plus. »

    Pour ne rien arranger, des #LRA_temporaires sont créés – en plus des permanents – par arrêtés préfectoraux lorsque des étrangers ne peuvent être placés tout de suite dans un Cra, en raison de circonstances particulières. « C’est très peu encadré », souffle Paul Chiron de la Cimade. Ces LRA sont hébergés dans des #hôtels, des #cités_administratives ou encore des #gendarmeries. StreetPress a contacté le directeur général de #Contacts_Hôtel, groupe auquel appartient le #Ashley_Hôtel qui a hébergé un LRA au Mans à partir de mars 2023. « L’hôtelier ne communique pas sur le sujet étant donné qu’il est soumis à une clause de confidentialité », a-t-il répondu. Parfois, les LRA ne durent qu’une seule nuit avant de disparaître et d’effacer le sort des personnes enfermées.

    Hors métropole, les LRA ont par exemple donné lieu à des « aberrations juridiques », d’après maître Flor Tercero, partie au mois d’avril à Mayotte. Elle assure que « les arrêtés de publication des LRA apparaissaient une fois qu’ils étaient fermés » et assène :

    « C’était l’omerta la plus totale. »

    Aucune donnée

    Ainsi, personne ne savait où se trouvaient les locaux de rétention ni combien de personnes y avaient été enfermées. « Dans certains LRA, les règlements intérieurs disaient qu’ils étaient faits pour douze personnes, mais dans les arrêtés de création des LRA, il y avait écrit quarante personnes. Une #surpopulation contestable. » Elle mentionne des familles qui tentaient de joindre leurs proches disparus et placés en LRA :

    « Elles ont appelé les centres de rétention, mais il n’y avait pas de numéro de téléphone dans les LRA. Elles les ont retrouvés ensuite plus tard aux Comores. »

    Ces dérives perdurent car les LRA ne sont que très peu contrôlés. « Nous sommes très peu saisis sur les LRA, et pour ceux qui sont temporaires, c’est souvent trop tard, ils ont fermé. Cette temporalité très brève rend nos visites compliquées », admet Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté. En sept ans, le CGLPL n’a pu se rendre que dans quatre LRA :

    « Notre dernière visite remonte en 2021 à Tourcoing. »

    De son côté, la Cimade constate une « flambée » des LRA et estime qu’ils étaient auparavant « bien moins utilisés qu’aujourd’hui notamment avec l’usage détourné qui en est fait depuis les instructions de Gérald Darmanin. » En témoigne un extrait de la circulaire du 3 août 2022, qui a demandé que les capacités des LRA soient augmentées « d’au moins un tiers ». De quoi interroger le chargé de soutien de l’asso Paul Chiron :

    « Avec quatre Cra en Ile-de-France, la question des circonstances de temps et de lieu nécessaire à la création d’un LRA, peut difficilement s’entendre. »

    La Cimade craint également que les #locaux_de_rétention ne soient utilisés à l’avenir pour enfermer des familles en toute discrétion. « Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a affirmé qu’il ne voulait plus d’enfants dans les Cra, mais il n’a rien dit sur les LRA », rappelle Paul Chiron. Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas été en mesure de fournir à StreetPress des données précises sur le nombre de personnes enfermées dans les LRA. Idem du côté de la préfecture de police. Quant à maître Berdugo, il a lancé un nouveau référé-liberté pour faire fermer le LRA de Nanterre. L’affaire passe ce 18 septembre 2023 devant le tribunal administratif de Cergy.

    (1) Les prénoms ont été modifiés.

    https://www.streetpress.com/sujet/1694682108-lra-non-droit-sans-papiers-etrangers-locaux-retention-admini

    #sans-papiers #France #migrations #enfermement

  • Alors que le taux de surpopulation carcérale, en France, atteint un nouveau (triste) record : 122 %. Elle a de nouveau été condamnée le 6 juillet. Dominique Simonnot ne cache pas sa grande inquiétude. Et réaffirme que cette situation ne se résoudra pas en annonçant vouloir construire 15 000 places supplémentaires de prison.
    https://www.prison-insider.com/articles/france-record-de-detenus-dans-les-prisons-la-politique-penale-est-un
    https://www.ouest-france.fr/societe/prison/nombre-de-detenus-record-la-politique-penale-est-un-echec-ba87fec0-3051

    Un nouveau record du nombre de détenus a été battu avec 74 153 personnes incarcérées pour moins de 61 000 places. Jusqu’où va s’élever cette #surpopulation_carcérale ?
    Jusqu’à ce que le gouvernement se décide à prendre les choses en main. Si ce qu’avait mis en place le Garde des sceaux fonctionnait, on l’observerait. Des mesures ont certes été prises, la libération sous contrainte de droit par exemple (N.D.L.R. : les détenus peuvent sortir de #prison trois mois avant la fin de leur peine, s’ils ont été condamnés à moins de deux ans de prison). Sans cela, peut-être serions-nous à plus de 76 000 détenus. Pour autant, le nombre de détenus augmente alors qu’ordinairement, l’été, il diminue. C’est d’autant plus inquiétant que cette hausse n’est pas liée aux condamnations qui ont suivi les émeutes du début de l’été. Les chiffres du ministère datent du 1er juillet alors que ces condamnations sont intervenues les jours suivants…

    https://seenthis.net/messages/1012596


    https://seenthis.net/messages/934689

  • La prison de Villeneuve-lès-Maguelone au bord de l’implosion, selon le syndicat Ufap-Unsa Justice
    https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/la-prison-de-villeneuve-les-maguelone-au-bord-de-l-implosion-selon-le-syn

    La maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone compte 780 places mais actuellement, elle abrite 950 détenus. Alors que les effectifs sont au plus bas déplore Marine Orengo secrétaire locale de l’Ufap-Unsa Justice. « Pour faire fonctionner le centre pénitentiaire, on a besoin de 17 postes de surveillants tous les jours. Or vendredi il n’y avait que neuf postes couverts et ce dimanche matin, nous sommes à seulement six sur 17. »

    (C’est la prison de #Montpellier.)

  • Mitard, l’angle mort - Regarder le documentaire complet | ARTE
    https://www.arte.tv/fr/videos/109744-000-A/mitard-l-angle-mort

    Suicides de détenus, réels ou suspects… Le #mitard, le quartier disciplinaire, constitue l’angle mort des #prisons_françaises. Au travers de saisissants témoignages, ce documentaire alerte sur l’inhumanité de cet outil de répression.

  • « Ecoutez Jeanne Humbert »
    http://anarlivres.free.fr/pages/nouveau.html#humbert

    En ce mois de mars, rendons hommage à une des pionnières du combat des femmes pour une libre sexualité, la liberté de la contraception et de l’avortement, Jeanne Humbert (1890-1986), militante libertaire, pacifiste, naturiste et néo-malthusienne. Initié à la fin du XXe siècle par le pédagogue libertaire Paul Robin (1837-1912), le néo-malthusianisme visait à ce que le peuple puisse en contrôlant les naissances améliorer son sort et offrir moins de chair à canon (pour la guerre), de chair à travail (pour l’usine) et de chair à plaisir (pour la prostitution). Eugène (1870-1944) et Jeanne Humbert vont populariser cette forme de lutte (...)

    #pacifisme #néomalthusianisme #libertaire #anarchisme #féminisme #Humbert #PaulRobin

    • On peut saluer l’engagement de Jeanne Humbert sans toutefois adhérer au néomalthusiannisme – car, heureusement, on peut être pour la liberté de contraception et l’avortement sans être malthusien ou néo-malthusien.

      Et rappeler que, pour le courant communiste révolutionnaire, le néo-malthusianisme correspond au degré zéro de la réflexion politique...

      Chaque période de crise a toujours produit son lot de malthusiens expliquant qu’il faut limiter le nombre des naissances – plutôt que de se demander pourquoi le système économique n’est pas capable de donner à chacun « une place au banquet de la nature ». Si bien que les idées de Malthus – déjà violemment critiquées par #Marx et #Engels en leur temps comme une « infâme, une abjecte doctrine, un blasphème hideux contre la nature et l’humanité » – connaissent depuis toujours, régulièrement, des continuateurs non seulement chez les écologistes mais aussi dans de nombreux courants anarchistes.

      Ceux-là, à tous ceux qui, aujourd’hui, sont inquiets des conséquences du réchauffement climatique, des menaces de la pollution de l’air et des eaux, des destructions souvent irrémédiables des milieux naturels avec leur flore et leur faune, de la dégradation de la qualité des aliments, les courants petits-bourgeois leur répondent en n’envisageant que 2 types de solutions : la limitation de la #croissance_économique, qui serait en elle-même un mal, et la limitation de la croissance démographique.

      Or, ni la #technique, ni les #ressources ne sont en cause. C’est l’usage qu’en fait la société de classe, une société basée sur le profit et qui donc ne se préoccupe du cadre de vie, ou de la qualité de la vie, que lorsque cela devient rentable.

      Le problème, c’est cette société dont la capacité de production s’adapte, en régime capitaliste, non pas à l’humanité existante et à ses besoins, mais à sa capacité d’achat – et qui, ce faisant, n’engendre que #pénuries et barbarie.

      Bref : la #surpopulation est le pendant naturel à la #surproduction capitaliste.

      Le problème est donc : non pas la limitation objective des #ressources, ni un trop-plein d’êtres humains, mais le #capitalisme lui-même, incapable d’en tenir compte.

      Le problème n’est pas la surpopulation, mais l’économie capitalisme dont le #mode_de_production engendre inéluctablement la surpopulation.

      Ce qu’il faut, non pas limiter (cette chimère de tout réformiste) mais abattre, c’est l’activité industrielle sur la base de la recherche du profit. Ce qu’il faut abattre, c’est ce système économique qui n’envisage l’implantation des entreprises, l’évacuation des déchets, la pollution de l’air et des cours d’eau, qu’en fonction des seuls critères du moindre coût, et ce au mépris de leurs conséquences dramatiques sur le climat et le milieu naturel.

      Autant dire que le choix qui se pose à l’humanité de façon quantitative n’est pas croissance ou pas, mais : croissance contrôlée, entièrement et consciemment déterminée par les producteurs eux-mêmes en fonction de tous les aspects de l’intérêt humain, ou bien croissance anarchique, entrecoupée d’ailleurs d’arrêts catastrophiques, de destructions brutales ou de périodes de stagnation et de malthusianisme dans certains domaines ?

      C’est pourquoi les communistes révolutionnaires répondent aux courants petit-bourgeois qui veulent limiter les naissances dans un système barbare qu’ils ne posent pas la question de la bonne façon.

      Aujourd’hui, plus que jamais, ce qui compte, c’est de mettre fin aux barrières sociales qui empêchent les progrès techniques de profiter à l’humanité. C’est de rendre possible une société qui puisse diriger et contrôler sa propre croissance, pour la mettre au service de l’humanité.

      C’est la révolution prolétarienne que les écologistes, et tous les courants dans leur sillage, refusent de fait lorsqu’ils promeuvent le #néomalthusiasnisme en guise de solution – cette #théorie_réactionnaire à l’usage du capitalisme sénile.

      #communisme_révolutionnaire #écologie #réaction #anarchisme #néo-malthusiannisme

    • Cher camarade,
      Il faudrait tout d’abord éviter de confondre le malthusianisme (du pasteur Malthus) et le néo-malthusianisme, l’un d’essence essentiellement réformiste et bourgeoise tandis que l’autre est prolétarien et cherche à améliorer le sort immédiat du peuple (et pas lorsque la révolution aura passé). D’autant qu’ils se situaient dans le mouvement ouvrier et ses luttes. Il faut aussi replacer cela dans le cadre de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, de la misère ouvrière… A cette époque, on ne peut oublier que les néo-malthusiens ont été à la pointe du combat pour la contraception, l’avortement, la liberté sexuelle… Même si notre but semble être le même – une société débarrassée du capitalisme et auto-organisée –, je ne pense pas qu’il faille négliger les autres combats (contre le racisme, pour le féminisme, contre le [néo]colonialisme, etc.) sans perdre de vue l’objectif final. Vous me faites songer à un vieux bolchevik qui ne voit que le combat économique et la lutte des classes. Comme le pensent les « petits-bourgeois » individualistes et anarchistes, il ne pourra y avoir de révolution sans évolution personnelle : « révolutions-nous ! ». Cela permettra peut-être d’éviter le sort de trop de révolutions qui ont abouti à la barbarie. Ne pas se soucier de la technique et des ressources me paraît dangereux pour toute évolution future. Bien sûr, il ne faut pas se laisser prendre au piège de l’écologie politique ou du capitalisme vert. Permettez-moi d’ajouter que votre morgue et vos certitudes me font sourire, remettez-les en question, doutez, interrogez-vous et mettez un peu de côté votre « catéchisme révolutionnaire »…
      Bien à vous,
      P.B.

      #néo-malthusianisme #anarchisme #communisme_révolutionnaire #luttes

    • 3 points dans cette réponse :
      – le "néo-malthusianisme" ne se résume pas à améliorer "le sort immédiat du peuple" en limitant les naissances en étant "à la pointe du combat pour la contraception, l’avortement, la liberté sexuelle", vous le savez probablement très bien. Il cautionne aussi l’idée que les ressources étant limitées, il faudrait limiter la taille des populations. Comme si c’était le problème...
      – "Vous me faites songer à un vieux bolchevik qui ne voit que le combat économique et la lutte des classes". La lutte de classe, certainement : comment mettre fin à la moindre "oppression spécifique" sans débarrasser la société des rapports sociaux de production basés sur l’exploitation ? Comment mettre fin à la moindre discrimnation sans supprimer les rapports sociaux sur lesquels ils se reproduisent et s’épanouissent ? Quant à ne voir que "le combat économique", c’est résumer de manière bien caricaturale le combat qui mènera le prolétariat à s’emparer des moyens de production pour eux-mêmes...
      – "Il ne pourra y avoir de révolution sans évolution personnelle : « révolutions-nous ! »". C’est ce que disent depuis toujours tous les curés. "Changeons nous-mêmes pour changer le monde", cette vieille rengaine pré-marxiste qui repose sur le vieil idéalisme dominant. L’optique matérialisme dit précisément le contraire : renversons les rapports sociaux – ce que le prolétariat par sa position est en situation de faire – pour changer les hommes.

      Quant à voir de la morgue dans une simple réponse de militant, je ne peux que m’en étonner.

  • 13 décembre 1996 : conférence de #Lutte_Ouvrière (#LO) : Le communisme, l’écologie et les écologistes

    Texte intégral : https://www.lutte-ouvriere.org/documents/archives/cercle-leon-trotsky/article/le-communisme-l-ecologie-et-les

    Sommaire :

    L’homme et la #nature

    Montée de la bourgeoisie et progrès des connaissances

    La révolution de l’industrialisation capitaliste
    – Une nouvelle branche de la biologie
    – Société industrielle et nature ne sont pas incompatibles
    – Ce qui est en cause : la loi du profit capitaliste
    – Les courants anti-industrialistes

    Le mouvement écologiste des années 1970
    – Dans un contexte idéologique précis
    – La protection des ressources naturelles a servi à justifier les plans d’austérité (#écologie)

    L’écologisme et le mythe de la #surpopulation
    – Retour à #Malthus (#malthusianisme)

    Le capitalisme et la destruction sauvage de l’environnement
    – Catastrophes « naturelles » ?
    – Le #capitalisme et la destruction des #forêts
    – Conséquences de la course au profit
    – L’#environnement, une valeur marchande

    Une évolution réactionnaire (#réaction_politique)
    – La couverture « verte » de l’impérialisme
    – Un nouveau « péril jaune » ?
    – Le « sommet de la Terre » - Rio de Janeiro, 1992

    Pour l’avenir de l’humanité comme celui de la planète, il faut renverser l’#impérialisme
    – Pour une Terre sans frontières...
    – ... débarrassée de la propriété privée ...
    – ... et de la loi du profit

    La #société_communiste, ou la maîtrise des rapports de l’homme avec la nature et la biosphère (#communisme)

  • Huit milliards d’humains : trop sur Terre ? - AOC media
    https://aoc.media/analyse/2022/11/16/huit-milliards-dhumains-trop-sur-terre

    Lorsqu’on regarde plus en détail ces projections on s’aperçoit que la croissance future devrait avoir très majoritairement lieu en Afrique intertropicale (excluant l’Afrique du nord et du sud), le reste du monde se dirigeant vers une stabilisation ou une décroissance légère de sa population. Ce n’est pas un hasard, la natalité est la plus forte dans les pays les plus pauvres, moins avancés dans leur transition démographique. Alors, quel effet sur l’environnement ? Cela dépend : cette croissance peut avoir des conséquences écologiques locales importantes, mais elle reste négligeable pour des enjeux globaux comme le climat. Ainsi, les pays avec un taux de fécondité au-dessus de trois enfants par femme représentent seulement 3,5% des émissions de CO2 mondiales, pour 20% de la population.
    [...]
    Sur les 20 dernières années, les émissions par habitant ont stagné en Afrique. Si l’on prolonge la croissance du PIB par habitant sur cette période, il faudrait 70 ans à l’Éthiopie pour rattraper la France (au rythme, très rapide, d’avant sa guerre civile), ou 250 ans pour le Nigeria.
    [...]
    Non seulement cette crainte de la croissance de la population mondiale brouille les pistes des responsabilités du réchauffement climatique, mais elle fait aussi détourner le regard de cette injustice criante : ce sont ces pays, pauvres et à la natalité élevée, qui en sont aussi les principales victimes et les moins bien armés pour y faire face, alors qu’ils en sont les moins responsables !
    [...]
    Aujourd’hui, c’est Emmanuel Macron qui répète à l’envi qu’il ne sert à rien d’aider des pays avec 7 enfants par femme. On ne sait la part dans ces affirmations de rapport de force avec les pays du Sahel et celle de la politique nationale : la crainte de la croissance de la population en Afrique est souvent associée à celle, chère à l’extrême droite, de migrations massives et incontrôlées. Force est de constater qu’aujourd’hui ces migrations restent marginales, « l’appel d’air » un mythe dangereux et les migrations climatiques une source sans fin de fantasmes. On touche ici un deuxième écueil du débat sur la population : voir les individus d’abord sous le prisme du nombre alimente une déshumanisation qui finit toujours mal. C’est particulièrement le cas sur cette question des migrations, qui donne déjà lieu aujourd’hui à une violence et un déni de droits de l’Homme institutionnalisés.
    On peut estimer souhaitable d’aider de toute façon à l’éducation ou au planning familial dans les pays les plus pauvres, ce qui contribuerait à la baisse de la natalité, mais il ne faut pas non plus en attendre de miracle sur le plan écologique. Ces mesures contribuent au développement économique (qu’on peut, lui aussi, juger souhaitable dans ces pays) et peuvent donc contrebalancer la baisse de la population, pour aboutir à un résultat final légèrement négatif pour le climat.
    [...]
    Qu’en est-il dans les pays plus riches, où la natalité est plus faible mais le poids écologique par personne beaucoup plus élevé ? La situation y est contraire à celle des pays à forte natalité quant au désir d’enfants : les gens ont globalement moins d’enfants qu’ils le souhaiteraient et il n’existe plus de mesure consensuelle qui baisserait la natalité.
    [...]
    En Chine, la politique de l’enfant unique s’est traduite par un taux de fécondité décroissant lentement de 2,5 à 1,5 enfants par femme, avec de nombreuses exceptions et tolérances introduites très rapidement pour limiter les pires abus. La politique la plus coercitive qu’on puisse imaginer ici, celle de l’enfant unique strict, bien plus dure qu’en Chine, aboutirait à un taux de fécondité autour de 1,1 enfants par femme. On peut pousser l’expérience de pensée et calculer les effets de cette mesure sur la population, puis sur les émissions et enfin le réchauffement climatique.

    La population diminuerait très progressivement, il faudrait attendre près de 2100 pour qu’elle soit divisée par deux par rapport au scénario à fécondité constante. L’effet sur les émissions annuelles serait plus lent car la consommation des plus jeunes est bien plus faible que la moyenne. Enfin, l’effet sur les émissions cumulées, qui déterminent le réchauffement, serait encore plus lent car les émissions par personne sont déjà sur une trajectoire descendante. Au rythme actuel (et insuffisant) d’une réduction de ces émissions autour de 2% par an, l’enfant unique réduirait les émissions cumulées en 2100 de 11%. Au rythme de 6% par an, nécessaire pour tenir les objectifs de l’accord de Paris, ce ne serait qu’une réduction de 3% en 2100.
    [...]
    On peut ici aussi proposer une expérience de pensée : que se passerait-il si la moitié de la population mondiale disparaissait instantanément, comme dans le film Avengers (2018) ? La moitié des puits de pétrole ou mines de charbon ne seraient pas fermés, cela dépendrait du rapport entre coût marginal de production et prix de vente. Ce prix baisserait, ce qui stimulerait la demande. La diminution de la densité de population réduirait l’efficacité énergétique. Il y aurait probablement un rebond de la natalité. Tous ces effets pourraient se combiner à moyen et long terme pour aboutir à une trajectoire très différente de l’actuelle. Comme exemple, on peut observer les différences de poids écologique allant du simple au double entre l’Europe et les États-Unis, pour un niveau de vie et de technologie très proches. Enfin, et plus fondamentalement, aucun des mécanismes qui causent la crise écologique et la faiblesse de l’action ne serait changé : intérêts divergents et déséquilibres de pouvoir entre États, entre riches et pauvres, pouvoir des entreprises qui en tirent des profits, culture consumériste… Sans toucher à ces déterminants fondamentaux, l’effet final d’une réduction même importante de population serait probablement faible.
    [...]
    Serait-il vraiment souhaitable d’imposer une mesure drastique (un enfant unique bien plus dur qu’en Chine) pour une réduction marginale du réchauffement ? On entend souvent qu’il faut contrôler la natalité car « il faut tout faire » pour le climat. Ce n’est pas le cas : il faut d’abord s’interroger sur la faisabilité, les risques, les coûts et bénéfices de différentes mesures. Si l’on pousse la logique jusqu’au bout, l’action la plus efficace est la disparition de l’humanité. Pas grand monde ne la souhaite.
    [...]
    Pire que seulement une rhétorique de déni, la crainte de la surpopulation nous éloigne d’un monde plus égalitaire et coopératif qui sera nécessaire pour résoudre la crise écologique sans tomber dans la barbarie.

    #surpopulation #écologie #changement_climatique

  • Justice. Prisons : "110 € par jour par détenu, c’est très cher pour fabriquer de la récidive"
    https://www.ledauphine.com/faits-divers-justice/2022/11/12/prisons-110-par-jour-par-detenu-c-est-tres-cher-pour-fabriquer-de-la-rec

    ❝Cellules qui débordent, cafards qui pullulent... Alors que la France est en passe d’établir un nouveau record du nombre de détenus, la contrôleure des prisons Dominique Simonnot exhorte le gouvernement à « affronter la réalité » carcérale et « agir » contre la surpopulation.

    Nommée contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) il y a deux ans, l’ancienne journaliste du Canard enchaîné a, au gré de visites de contrôle, pu constater le « cauchemar » de la situation actuelle.

    A son arrivée à la tête de l’autorité indépendante, vigie des droits fondamentaux, les prisons étaient occupées à 100,7%, avec quelque 61 100 détenus pour 60 650 places.

    Elles comptent désormais, selon les derniers chiffres officiels, 72.350 détenus, 2 053 matelas posés à même le sol, et le taux d’occupation atteint 119,2% en moyenne.

    A la maison d’arrêt de Bordeaux-Gradignan, occupée à plus de 200%, « j’ai vu des gens à trois par cellule avec 0,8 m2 d’espace vital par être humain », décrit Dominique Simonnot. La nuit, le troisième détenu dort par terre et se sert d’une porte pour y poser son matelas afin de ne « pas respirer des petits cafards au milieu de la poussière », explique-t-elle.

    « Gradignan, c’est quand même une prison où les surveillants nous ont dit "moi (si j’étais) détenu, je ne rentrerais pas dans les cellules", nous ont parlé de leur détresse. Et où les détenus répondent "il faut les comprendre, ils sont à bout, on est trop" », souligne encore la contrôleure générale.

    Après cette visite, le CGLPL a adressé en juillet des recommandations en urgence dénonçant des conditions « inhumaines » de détention, mais son avis n’est pas contraignant.

    A chaque prison épinglée par l’autorité indépendante, il est répondu « "ne vous inquiétez pas, une nouvelle prison va sortir de terre" ». Mais cette « course à la construction est sans fin et les détenus ne peuvent attendre dans ces conditions », tempête Dominique Simonnot.

    « Mise en danger »

    A la maison d’arrêt de Fresnes, où l’Etat est condamné à effectuer d’importants travaux de rénovation et qui a fait la « une » de l’actualité cet été pour une course de karting, Dominique Simonnot a vu un détenu « le dos constellé de boutons » de punaises de lit.

    Elle ne compte plus les courriers de prisonniers qui ne vont plus aux toilettes par manque d’intimité et « qui frôlent l’occlusion » intestinale. Ni ceux témoignant des « hurlements » la nuit d’un codétenu atteint de troubles mentaux. Ou du cas d’un homme qui s’est pendu et qu’on doit décrocher.

    « Les gens doivent être punis, mais la punition ça ne peut pas être d’entasser des gens comme des poulets de batterie », s’insurge la contrôleure générale. « Quand un ascenseur est prévu pour huit, on n’a jamais entendu "vous pouvez monter à seize" ! »

    Ses prises de parole dans des tribunes ou les médias ont pu agacer, notamment des juges. A l’Assemblée nationale, une députée RN a critiqué son idéologie « gauchisante » et « laxiste ».

    « Si être angéliste et gauchiste, c’est regarder en face la réalité, moi j’appelle ça pragmatique », rétorque Dominique Simonnot.

    Aucunement « découragée », cette promotrice d’une régulation carcérale inscrite dans la loi voit même une « note d’espoir » dans la multiplication des partisans, dont des hauts magistrats, d’un mécanisme contraignant dès qu’un établissement atteint les 100% d’occupation.

    Au gouvernement maintenant de « faire preuve de courage politique » en portant cette inscription dans la loi, dit-elle. « C’est du cynisme de ne pas remédier à la réalité telle qu’elle est », estime la contrôleure générale.

    « Et c’est détourner les yeux d’un problème dont on tient les solutions, mais quoi, on redoute que ça indispose certains ? Mais gouverner, c’est être courageux ! », assène-t-elle.

    « C’est même un calcul économique intelligent. 110 € par jour par détenu, c’est très cher pour fabriquer de la récidive », tacle Dominique Simonnot.

    #prison

    • Six surveillants condamnés pour avoir violenté un détenu de la prison de Sequedin.
      https://www.ouest-france.fr/societe/prison/six-surveillants-condamnes-pour-avoir-violente-un-detenu-de-la-prison-d

      Des peines allant jusqu’à un an de prison avec sursis ont été prononcées jeudi 10 novembre 2022 par le tribunal correctionnel de Lille contre six gardiens de prison pour « des violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique » sur un détenu d’une maison d’arrêt du Nord.

      Deux des prévenus ont été condamnés à un an de prison avec sursis et à deux ans de suspension de l’administration pénitentiaire, les quatre autres à six mois de prison avec sursis et un an de suspension de l’administration pénitentiaire.

      Ces gardiens, employés à la prison de Sequedin près de Lille, avaient été placés en garde à vue le 27 septembre, sur la base d’une plainte d’un prisonnier, puis sous contrôle judiciaire.

      Le parquet avait requis six mois de prison pour cinq d’entre eux, et huit mois pour le premier surveillant, responsable de l’équipe, ainsi qu’une interdiction définitive d’exercer dans la fonction publique pour tous.

      Au cours de l’audience, le 13 octobre, ces six hommes, âgés de 30 à 44 ans, avaient reconnu les faits, qui s’étaient produits le 3 janvier dernier, quand ils étaient intervenus pour un tapage dans une cellule.

      Sous mandat de dépôt dans le cadre d’une enquête pour trafic de stupéfiants, le prévenu plaignant avait été découvert nu sous la douche, avec une poêle dans la main, en train d’insulter son codétenu. La scène avait été filmée par les caméras de vidéosurveillance de la prison.

      Diffusé durant l’audience en octobre, l’enregistrement montre les surveillants sortir le détenu de sa cellule, puis le menotter, les mains dans le dos, entièrement nu, avant de le traîner sur le sol sur quelques mètres.

      Pendant ce transfert de plusieurs minutes, il subira des violences, notamment un taquet derrière la tête qui le fait chuter ou encore des coups de pied. La vidéo montre également la victime jetée nue dans une flaque d’eau, au milieu d’une cour humide, juste avant d’être amenée dans le quartier disciplinaire.

      Le prévenu violenté s’était vu délivrer une incapacité de travail inférieure à sept jours.

      #violences_pénitentiaires

    • Traitements inhumains et dégradants à la prison de Bordeaux-Gradignan : la spectaculaire dérobade du Conseil d’État
      https://oip.org/communique/traitements-inhumains-et-degradants-a-la-prison-de-bordeaux-gradignan-la-specta

      Par une décision du 10 novembre 2022, le Conseil d’Etat a rejeté, sans audience, la requête formée par l’OIP, l’Ordre des avocats du Barreaux de #Bordeaux, le SAF et l’A3D à propos du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan. En dépit des conditions de détention inhumaines et dégradantes dans cet établissement notoirement insalubre et surpeuplé, il écarte les demandes d’améliorations réclamées par ces organisations.

      #OIP #CGLPL #surpopulation_carcérale

    • En réalité, le « coût » de revient du prisonnier doit être nettement plus élevé. Apparemment, il est calculé ici en intégrant diverses dépenses (repas, eau, chauffage, frais de personnel) (voir ce lien). Mais il faut en réalité ajouter bien des frais « annexes » ; dont probablement la location des établissements construits sous le régime des partenariats privé/public (compter un bon million d’euros/mois par établissement). Le chiffre de 110 euros/mois comprend-il les seuls personnels « surveillants » (sinon, les effectifs réels de l’administration pénitenciaire et leurs coûts sont bien plus élevés). Il faut ajouter à cela également tous les frais liés à l’aide à la réinsertion (formations, enseignements, etc) dont une partie est prise en charge par l’EN à ma connaissance), et enfin les coûts des soins de santé (même s’ils sont très insuffisants). Il faudrait quantifier également l’apport financier de nombreux bénévoles, qui entre en ligne de compte dans les frais engendrés par ce système aussi coûteux qu’inefficace. Et je dois en oublier...

  • L’illusion du « toujours plus » carcéral
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/03/l-illusion-du-toujours-plus-carceral_6124556_3232.html

    La surpopulation des #prisons_françaises, source de violence et de tensions, a atteint un nouveau record. A l’heure où l’Allemagne et les Pays-Bas montrent que cette fuite en avant n’est pas une fatalité, il est temps d’assumer une politique contrôlée de désinflation carcérale.

    Le quinquennat côté prisons : beaucoup de bruit pour rien
    https://oip.org/analyse/le-quinquennat-cote-prisons-beaucoup-de-bruit-pour-rien
    https://twitter.com/OIP_sectionfr
    https://lenvolee.net/permis-de-tuer-des-flics-appels-depuis-les-cra-de-vincennes-et-du-mesnil-a

    Discussion autour de deux récents meurtres policiers : Zakaria Mennouni est décédé le 27 avril, parce que le 21 avril des flics l’avaient tasé, avaient tiré au LBD puis au flingue sur lui ; dimanche 24 avril, le soir de la réélection d’Emmanuel Macron, un policier a tué deux personnes au fusil d’assaut en plein centre de Paris, vers le Pont Neuf. Un syndicat fasciste de flics a appelé à un rassemblement pour revendiquer encore une fois son permis de tuer, le lundi 2 mai. Urgence notre police assassine a appellé à un contre rassemblement au même endroit : place Saint-Michel, à 12h.

    #lenvolée #OIP #macron_démission #surpopulation_carcérale

  • Generalplan Ost - Planungshorizont Krim - Zielrichtung Ukraine - Vo...
    https://diasp.eu/p/12936309

    Generalplan Ost - Planungshorizont Krim - Zielrichtung Ukraine - Vordenker der Vernichtung - Prof. Dr. Götz Aly über die Planer einer neuen Europäischen Ordnung (1941 - 1943) im Gespräch mit Alexander Kluge. | 16.06.2017 - 45 Min.

    https://www.youtube.com/watch?v=0ZbeI1xzs48

    #Überbevölkerung #Volk_ohne_Raum #Rassismus #Osteuropa #Rassengesetze #Ostkrieg #Armut #Umsiedlungsprojekte #Aussiedlung #Rationalisierung #Modernisierung

  • Jean Castex s’engage sur les 15 000 places de prison supplémentaires
    www.lemonde.fr/societe/article/2021/04/19/jean-castex-s-engage-sur-les-15-000-places-de-prison-supplementaires_6077340_3224.html

    Jean Castex et Eric Dupond-Moretti doivent se rendre, sur le chantier pratiquement terminé de la #prison de Lutterbach (Haut-Rhin) pour montrer que la justice se préoccupe d’incarcérer les délinquants. Le premier ministre et le garde des sceaux ont prévu de dévoiler en détail le second volet du plan de construction de 15 000 places de prison annoncé par le chef de l’État en 2017, dont seule une petite moitié a été lancée.

    • Surpopulation carcérale : l’exécutif s’engage sur 15 000 places de prison supplémentaires.
      https://www.rfi.fr/fr/france/20210420-surpopulation-carc%C3%A9rale-l-ex%C3%A9cutif-s-engage-sur-15-000-places

      En déplacement ce mardi 20 avril à Lutterbach, dans le Haut-Rhin, le Premier ministre français Jean Castex et le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti ont dévoilé les emplacements des futurs centres pénitentiaires. L’objectif est d’essayer de mettre fin à la surpopulation chronique des prisons françaises et améliorer les conditions de détention.

      En mars 2021, la France compte un peu plus de 64 000 détenus, pour seulement 60 000 places de prison. Il y a un an pourtant, lors du premier confinement, pour limiter la flambée des contaminations au Covid-19 en prison, plusieurs milliers de détenus en fin de peine avaient été relâchés, faisant passer le nombre de détenus sous la barre des 60 000. Preuve du difficile combat que l’exécutif souhaite mener contre la surpopulation carcérale, moins d’un an après, leur nombre est remonté à plus de 64 000 et, selon les prévisions, la France devrait en compter 80 000 en 2027.

      Pour venir à bout de cette surpopulation, 15 000 places seront créées d’ici à 2027. En 2017, Emmanuel Macron avait annoncé l’objectif de 15 000 places supplémentaires en 10 ans. Sept mille ont déjà commencé à être construites un peu partout sur le territoire et devraient être livrées en 2022. Les 8 000 autres, dont les emplacements ont été annoncés ce mardi, devraient voir le jour en 2027. Au total, ces 15 000 nouvelles places représentent un budget de 4,5 milliards d’euros dont 2 milliards engagés sur l’actuel quinquennat.
      15 000 places, est-ce suffisant ?

      Ce plan de 15 000 places pourrait malgré tout ne pas suffire à régler le problème de la #surpopulation_carcérale. En effet, si l’exécutif crée de nouvelles places, il va aussi fermer les centres pénitentiaires les plus vétustes sur l’ensemble du territoire et donc détruire des places existantes. Autrement dit, ces 15 000 nouvelles places de prison ne viendront pas s’ajouter aux 60 000 déjà existantes. Or, si en 2027 la France compte – comme les projections l’indiquent – 80 000 détenus, la surpopulation carcérale pourrait toujours être d’actualité.

      Outre la réduction de la surpopulation, ce plan pour les prisons veut aussi améliorer la dignité des conditions de détention. Dans ce domaine, l’exécutif a pour ambition principale d’augmenter l’encellulement individuel. Jusqu’à présent, 48% des détenus bénéficient d’une cellule individuelle. L’objectif est d’arriver à 80% d’ici 2027. Outre le confort supplémentaire pour le détenu, ces cellules individuelles offrent aussi de meilleures conditions de travail, plus sécurisées, au personnel pénitentiaire.
      Différents niveaux de sécurité

      Un détenu condamné à 30 ans de réclusion devrait à l’avenir pouvoir se retrouver moins facilement dans le même établissement qu’un détenu de droit commun en fin de peine. L’objectif de ce plan est de permettre une meilleure individualisation de la peine et de mieux préparer chaque détenu, selon son parcours, à sa sortie et à sa réinsertion. Ainsi, 2 000 nouvelles places vont être créées dans des petites structures d’accompagnement vers la sortie (SAS), accueillant des condamnés dont la peine ou son reliquat est inférieure à deux ans.

      La majorité de ces 15 000 places se concentrent sur trois régions où la surpopulation carcérale est particulièrement sensible : l’Île-de-France, le pourtour méditerranéen et le grand Ouest. Nîmes, Pau ou encore Vannes, accueilleront par exemple des centres de 250 à 700 places. Enfin, une petite dizaine de projets concernent les départements et collectivités d’outre-mer, comme à Saint-Laurent du Maroni, en Guyane, où un centre pénitentiaire de 500 places est en construction.

  • Lorient-Ploemeur : l’indignité des conditions de détention condamnée – Observatoire International des Prisons
    https://oip.org/communique/lorient-ploemeur-lindignite-des-conditions-de-detention-condamnee

    Saisi par l’OIP et l’ordre des avocats du barreau de Nantes, le tribunal administratif de Rennes a ordonné à l’administration pénitentiaire d’agir contre l’indignité des conditions de détention au centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur. Une décision qui vient rappeler, en plein débat sur la création d’une voie de recours permettant aux détenus de contester leurs conditions de détention, que seule une véritable politique de déflation carcérale serait à même de redresser la situation que connaissent les établissements pénitentiaires français depuis de très nombreuses années.

    #surpopulation_carcérale #OIP #prisons