• Je suis prof | Pierre Tevanian
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    Les lignes qui suivent ont été inspirées par la nouvelle atroce de la mise à mort de mon collègue, Samuel Paty, et par la difficile semaine qui s’en est suivie. En hommage à un enseignant qui croyait en l’éducation, en la raison humaine et en la liberté d’expression, elles proposent une quinzaine de réflexions appelant, malgré l’émotion, à penser le présent, et en débattre, avec raison. Ces réflexions ne prétendent évidemment pas incarner la pensée de Samuel Paty, mais elles sont écrites pour lui, au sens où l’effort de pensée, de discernement, de nuances, de raison, a été fait en pensant à lui, et pour lui rendre hommage. Continuer de penser librement, d’exprimer, d’échanger les arguments, me parait le meilleur des hommages. Source : Les mots sont (...)

    • Il s’est rapidement avéré, du coup, que cette offensive sans rapport réel avec la lutte anti-terroriste s’inscrivait en fait dans un tout autre agenda, dont on avait connu les prémisses dès le début de mandat d’Emmanuel Macron, dans les injures violentes et les tentatives d’interdiction de Jean-Michel Blanquer contre le syndicat Sud éducation 93, ou plus récemment dans l’acharnement haineux du député Robin Réda, censé diriger une audition parlementaire antiraciste, contre les associations de soutien aux immigrés, et notamment le GISTI (Groupe d’Information et de Soutien aux Immigrés). Cet agenda est ni plus ni moins que la mise hors-jeu des « corps intermédiaires » de la société civile, et en premier lieu des contre-pouvoirs que sont les associations antiracistes et de défense des droits humains, ainsi que les syndicats, en attendant le tour des partis politiques – confère, déjà, la brutalisation du débat politique, et notamment les attaques tout à fait inouïes, contraires pour le coup à la tradition républicaine, de Gérald Darmanin contre les écologistes (Julien Bayou, Sandra Regol et Esther Benbassa) puis contre la France insoumise et son supposé « islamo-gauchisme qui a détruit la république », ces dernières semaines, avant donc le meurtre de Samuel Paty.

      Un agenda dans lequel figure aussi, on vient de l’apprendre, un combat judiciaire contre le site d’information Mediapart.

    • En d’autres termes, même si l’on juge nécessaire de rappeler, à l’occasion de ce crime et des discussions qu’il relance, qu’il est bon que tout ne soit pas permis en matière de liberté d’expression, cela n’est selon moi tenable que si l’on y adjoint un autre rappel : qu’il est bon aussi que tout ne soit pas permis dans la manière de limiter la liberté d’expression, dans la manière de réagir aux discours offensants, et plus précisément que doit être absolument proscrit le recours à la violence physique, a fortiori au meurtre. Nous sommes malheureusement en un temps, je le répète, où cela ne va plus sans dire.

      6. La remarque qui précède est, me semble-t-il, le grand non-dit qui manque le plus dans tout le débat public tel qu’il se polarise depuis des années entre les « Charlie », inconditionnels de « la liberté d’expression », et les « pas Charlie », soucieux de poser des « limites » à la « liberté d’offenser » : ni la liberté d’expression ni sa nécessaire limitation ne doivent en fait être posées comme l’impératif catégorique et fondamental. Les deux sont plaidables, mais dans un espace de parole soumis à une autre loi fondamentale, sur laquelle tout le monde pourrait et devrait se mettre d’accord au préalable, et qui est le refus absolu de la violence physique.

      […]

      On a le droit de détester cet humour, on a le droit de considérer que certaines de ces caricatures incitent au mépris ou à la haine raciste ou sexiste, entre autres griefs possibles, et on a le droit de le dire. On a le droit de l’écrire, on a le droit d’aller le dire en justice, et même en manifestation. Mais – cela allait sans dire, l’attentat de janvier 2015 oblige désormais à l’énoncer expressément – quel que soit tout le mal qu’on peut penser de ces dessins, de leur brutalité, de leur indélicatesse, de leur méchanceté gratuite envers des gens souvent démunis, de leur racisme parfois, la violence symbolique qu’il exercent est sans commune mesure avec la violence physique extrême que constitue l’homicide, et elle ne saurait donc lui apporter le moindre commencement de justification.

      […]

      Que reste-t-il en effet de la liberté d’expression si l’on défend le droit à la caricature mais pas le droit à la critique des caricatures ? Que devient le débat démocratique si toute critique radicale de Charlie aujourd’hui, et qui sait de de Zemmour demain, de Macron après-demain, est d’office assimilée à une incitation à la violence, donc à de la complicité de terrorisme, donc proscrite ?

      Mais inversement, que devient cet espace démocratique si la dénonciation de l’intolérable et l’appel à le faire cesser ne sont pas précédés et tempérés par le rappel clair et explicite de l’interdit fondamental du meurtre ?

    • Toi qui m’appelles islamo-gauchiste, laisse-moi te dire pourquoi le lâche, c’est toi, Alexis Dayon

      https://blogs.mediapart.fr/alexis-dayon/blog/221020/toi-qui-mappelles-islamo-gauchiste-laisse-moi-te-dire-pourquoi-le-la

      Depuis quelques jours, tu as donné le ton. Un collègue a été atrocement assassiné (comme lui, j’enseigne l’EMC, et Vendredi je me suis vu à sa place). (...)

      Personne ne me demandera de me désolidariser des Anders Breivik de ce monde pour faire la démonstration que je suis un bon républicain.

      #prof #enseignant #école