• Digitaler Euro: Wie schlimm wird es? (Programmierbares Geld und Fürstengeld) | Prof. Rieck

    via https://diasp.eu/p/17681122

    Die #EZB-Präsidentin verrät in einer Talkshow, dass es mit dem #digitalen #Euro schneller weitergeht als von Vielen erwartet. Was ist von dem digitalen #Geld zu halten? Drei Eigenschaften sind angekündigt: 1. Emission über die Geschäftsbanken, 2. keine #Anonymität, 3. #Programmierbarkeit ist unbekannt. Einschätzung: 1 ist gut, 2 ist schlecht, 3 wäre eine Katastrophe.

    Das erwähnte Buch #Fürstengeld, #Fiatgeld, #Bitcoin – Wie Geld entsteht, einen Wert bekommt und wieder untergeht:

    https://www.youtube.com/watch?v=MMd3-2-RqHs


    20 min, 2025-05-31

  • Conférence de #Khrys :

    #IA, #Philosophie du Libre et #Féminisme

    L’objectif de cette #conférence est, tout d’abord, d’apporter une réflexion sur ce que l’on appelle intelligence artificielle et l’#idéologie qui se cache derrière ; ensuite, de montrer en quoi la #philosophie_du_libre et le féminisme peuvent nous guider dans les #choix techniques et politiques à venir en ce domaine. Le tout en revisitant l’histoire des techniques et #imaginaires liés à l’IA sous un angle féministe.

    https://videos-libr.es/w/cKZQqzVxRfC9suiynb2yKt
    #AI #intelligence_artificielle #whisper #OpenAI #technique #machine #apprentissages_profonds #systèmes_experts #chatGPT #Eliza #projet #patriarcat

  • Intempéries dans le Var : « Ce ne sont pas des images de guerre, mais de bêtises urbanistiques »

    Alors que des #pluies_torrentielles ont causé mardi 20 mai la mort de trois personnes dans le Var, l’urbaniste Amandine Richaud-Crambes estime que ces #événements_extrêmes dévoilent les lacunes en matière d’#adaptation du pays ainsi qu’une perte de mémoire du risque naturel.

    Près de 250 millimètres (mm) d’#eau tombés en une heure. Le 20 mai, #Le_Lavandou, station balnéaire varoise, a été frappé par des pluies torrentielles à la suite d’un violent épisode orageux. Les #précipitations dans le département ont provoqué des #inondations puissantes qui ont conduit à la destruction d’#infrastructures publiques – station d’épuration, ponts, routes – ainsi qu’à la mort de trois octogénaires, dont les corps ont été retrouvés au Lavandou et à Vidauban.

    Le pourtour méditerranéen est devenu une des régions mondiales les plus touchées par le réchauffement planétaire, comme l’a précisé le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Les scientifiques estiment que ce bassin océanique se réchauffe 20 % plus vite que le reste du globe.

    Urbaniste et ingénieure en environnement, Amandine Richaud-Crambes, experte des #risques_naturels en région méditerranéenne, revient sur cet événement extrême qui a frappé le Var. Elle rappelle les dangers de l’#artificialisation_des_sols à tous crins, la nécessaire adaptation au réchauffement planétaire et les besoins d’inculquer une culture de la #prévention_des_risques à l’heure du #chaos_climatique.

    Mediapart : L’épisode orageux violent qui a frappé le 20 mai Le Lavandou est-il un phénomène exceptionnel ?

    Amandine Richaud-Crambes : Ce n’est pas un événement rare. Le problème est qu’il n’est pas normal que ce type de phénomène se déroule au printemps. Les épisodes méditerranéens sont très fréquents, surtout sur cette partie du Var. Et, malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’il y a des morts à la suite d’intempéries aussi violentes.

    Sauf que ces événements catastrophiques sont accentués par deux facteurs. Tout d’abord, le changement climatique : habituellement, les épisodes méditerranéens se déroulent en automne et jusqu’à décembre. Mais à cause de chaleurs printanières anormales, la mer Méditerranée se réchauffe déjà, ce qui conduit à des dépressions météorologiques et donc à des précipitations importantes. À cela s’ajoutent des températures au sol très chaudes sur le littoral du Var, intensifiant la violence de l’épisode orageux.

    Le Lavandou a enregistré près de 250 mm de précipitations en une heure.

    C’est ce qui se passe normalement pour un épisode méditerranéen. Ce sont d’énormes volumes d’eau qui peuvent tomber entre une heure et vingt-quatre heures. Dans la région, on a observé encore cet hiver des épisodes méditerranéens de cette envergure-là.

    Concernant Le Lavandou, on se retrouve donc sur un territoire où il a fait très chaud mais aussi avec une commune qui a dans son dos le massif des Maures, qui va bloquer les nuages – un peu comme durant ce qu’on appelle les #épisodes_cévenols. C’est pour cela que les #orages et les pluies intenses se sont concentrés à un endroit très précis.

    Et ce qui s’est passé, c’est qu’un des #cours_d’eau locaux qui va jusqu’au Lavandou, la #Môle, est très urbanisé, très canalisé, comme presque toutes les #rivières en France. Particulièrement artificialisées, elles représentent ce qu’on appelle des #lits_secondaires qui originellement jouaient le rôle de #bassins_de_débordement des eaux.

    En conséquence, non seulement l’#urbanisation de ces rivières empêche l’#infiltration des pluies dans les sols, mais accélère aussi les flux d’eau. Associé à la #topographie du Lavandou, un événement pluvieux important devient alors très violent. Ces mêmes éléments – des précipitations fortes et stationnaires, une topographie particulière, l’artificialisation des rivières – ont été à l’origine des inondations meurtrières à Valence, en Espagne, à l’automne dernier.

    Les messages d’urgence type #FR-Alert qui ont été envoyés sur les téléphones portables de la population pour rappeler les consignes de sécurité sont-ils selon vous suffisants ?

    Les #systèmes_d’alerte qui existent actuellement sont multiples et déjà très efficaces. Il faut savoir les respecter. Une #alerte orange avait été émise pour le Var, ce qui appelle déjà à de nombreuses mesures de prévention. Et les services de l’État, la sécurité civile, les pompiers étaient prêts à intervenir.

    Mais il faut avoir en tête que, dès que l’alerte est orange, on ne va pas chercher sa voiture, on ne sort pas, on évite les zones à risque. C’est là que nous avons un souci, parce que malheureusement un couple est mort au Lavandou parce qu’ils sont sortis de leur appartement inondé, non loin du bassin de crue. Le troisième décès est celui d’une femme à Vidauban qui était dans son véhicule durant les pluies. 90 % des morts durant ces catastrophes sont dues à des #erreurs_humaines de non-prise en compte du #risque. Nos systèmes d’alerte sont bons, ce qu’il manque aujourd’hui c’est travailler toujours plus sur la #prévention.

    Le Var, un département où les habitants sont habitués aux grosses inondations, attire par ailleurs des personnes pas forcément originaires de la région qui ont moins cette histoire et cette mémoire du risque. Les élus locaux ont tout de suite qualifié les dégâts provoqués par les orages d’« images de guerre », mais ce sont des images de bêtises urbanistiques, de changement climatique.

    Le réchauffement planétaire nous rappelle ici qu’il faut désormais privilégier l’#habitation et l’#adaptation, plutôt que le #tourisme et l’#économie à tout-va.

    L’#adaptation_urbanistique pourra-t-elle répondre aux impacts du changement climatique, qui ne cesse de s’intensifier ?

    L’urbanisme ne peut pas tout régler face au #climat, mais rappelons qu’aujourd’hui, nous ne faisons quasiment pas d’adaptation. Les quelques nouveaux #aménagements_urbains réalisés avec des systèmes d’infiltration des eaux ne vont pas du jour au lendemain changer trois décennies de #bétonisation des sols.

    Aujourd’hui, 80 % du territoire français est artificialisé. Alors l’urbanisme ne peut pas tout, mais l’urbanisme peut encore beaucoup. Et malheureusement, avec le changement climatique, dans les endroits peu bétonnés, on se retrouve par exemple dans le sud de la France avec des #sols déjà très secs qui absorbent mal les eaux.

    À l’échelle d’une mairie ou même d’une communauté de communes, pour s’adapter aux événements climatiques extrêmes, faut-il réviser chaque #plan_local_d’urbanisme (#PLU) ?

    Il faut certainement les réviser à l’aune du changement climatique, parce que nombre de PLU datent déjà de plusieurs années. Très peu de ces plans d’aménagement urbain intègrent l’adaptation, notamment dans le sud.

    Le maire de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes) m’a assuré encore l’hiver dernier qu’on ne peut pas à la fois demander à construire des logements sociaux, de faire du « zéro artificialisation nette » tout en réduisant les risques naturels. C’est faux. Il faut que certaines zones soient plus constructibles. Mais aussi déplacer, et c’est très dur, les populations qui habitent dans des zones à risque. Ou encore, désendiguer les bassins de rivière, c’est-à-dire relaisser de la place à la nature. Toutes ces mesures difficiles sont possibles à déployer avec le PLU.

    En attendant, nombre d’élus bataillent pour détricoter voire supprimer la loi « #zéro_artificialisation_nette ». Mais en tant qu’experte des #risques_naturels en Méditerranée, et venant du Sud, où j’ai grandi avec ces risques inondation, je vois l’artificialisation s’aggraver et surtout, une perte de #mémoire du risque.

    Nous oublions les grandes crues qui se sont déroulées il y a vingt voire cinquante ans, et nous pensons que ça ne va plus revenir. Mais le changement climatique nous rappelle aujourd’hui à la réalité naturelle de nos territoires.

    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/220525/intemperies-dans-le-var-ce-ne-sont-pas-des-images-de-guerre-mais-de-betise
    #urbanisme #aménagement_du_territoire #intempéries #changement_climatique #pluie #oubli #ressources_pédagogiques

  • En Tunisie, l’hôpital public maltraite les jeunes médecins
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/05/19/en-tunisie-l-hopital-public-maltraite-les-jeunes-medecins_6607181_3212.html

    En Tunisie, l’hôpital public maltraite les jeunes médecins
    Par Monia Ben Hamadi (Tunis, correspondance)
    Lorsque, six ans plus tôt, elle décrochait son baccalauréat mention très bien et intégrait la prestigieuse faculté de médecine de Tunis, Molka Berrebah était loin d’imaginer qu’elle exercerait dans de telles conditions. Salaires dérisoires, pénurie de personnel et de matériel, retards de paiements… L’hôpital public tunisien ne fait pas de cadeaux aux nouveaux venus. En tant qu’interne – l’année intermédiaire qui correspond à la dernière année d’externat en France –, l’étudiante de 24 ans enchaîne les gardes à un rythme effréné.
    Variables d’ajustement d’un système de santé à bout de souffle, les jeunes médecins sont corvéables à merci. En stage au service d’orthopédie de l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis, Molka Berrebah doit gérer, avec les résidents de garde – l’équivalent des internes en France –, l’ensemble du service. La chambre de repos ne dispose que de trois lits, puisque, théoriquement, seuls deux résidents et un interne sont censés y travailler. Mais, pour faire tourner le service, jusqu’à cinq résidents peuvent parfois assurer la garde, dont trois ne sont pas reconnus par l’Etat et ne sont donc pas rémunérés.
    « C’est intenable, on nous pousse à partir », déplore la jeune femme, engagée depuis 2024 auprès de l’Organisation tunisienne des jeunes médecins (OTJM). Jeudi 15 mai, une nouvelle réunion s’est tenue entre l’OTJM et des représentants du ministère de la santé pour débloquer la situation. En vain. D’après un communiqué de l’organisation, le ministère invoque des raisons « administratives et de bureaucratie » pour expliquer le temps de latence.
    Face à cette impasse, les jeunes médecins brandissent désormais la menace d’une grève de cinq jours dès le 1er juillet qui, si elle devait avoir lieu, paralyserait le fonctionnement des hôpitaux publics, portés à bout de bras par les résidents et les internes. « On va aussi boycotter le choix des postes de stage, ce qui signifie qu’il n’y aura plus de résidents à l’hôpital dès le mois de juillet », prévient Baha Eddine Rabaï, vice-président de l’OTJM. Un premier débrayage a eu lieu le 2 mai. Selon l’organisation, la grève a été suivie par plus de 93 % des étudiants en médecine (externes, internes et résidents). Plusieurs centaines d’entre eux ont manifesté le jour même devant le ministère de la santé. (...)
    Chaque année, depuis 2021, entre 1 300 et 1 500 médecins quittent le pays pour exercer à l’étranger. Ils étaient plus de 1 400 en 2024 et environ 1 500 en 2023, selon Nizar Laâdhari, secrétaire général du conseil de l’ordre des médecins. Une moyenne annuelle qui dépasse désormais largement le nombre de nouveaux diplômés, estimé à 800 personnes chaque année, selon un rapport de l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), de mars 2024.
    Au total, environ 6 000 médecins ont quitté la Tunisie au cours des quatre dernières années, dont une très grande majorité de jeunes praticiens. Un décompte auquel il faudrait ajouter les résidents qui choisissent de poursuivre leur spécialité à l’étranger, relève Baha Eddine Rabaï. Selon ce dernier, pour la seule année 2024, plus de 1 600 étudiants ont quitté la Tunisie afin d’achever leur formation.
    D’après plusieurs études du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES) et de l’ITES, les diplômés qui choisissent l’exil partent massivement pour la France, l’Allemagne, la Suisse, le Canada, le Qatar et les Etats-Unis. Pourtant, insiste le récent rapport de l’ITES, 78 % des médecins qui ont émigré seraient prêts à retourner en Tunisie, à condition que leurs conditions de travail et leurs rémunérations s’améliorent.
    Ces revendications qui font écho à celles portées par l’OTJM, qui réclame notamment une revalorisation des rémunérations des internes et des résidents, sans avancer de montant. (...) Le montant des primes de gardes est particulièrement discuté. Aujourd’hui, il s’élève à 48 dinars brut (14 euros) pour 18 heures de garde. Une fois déduits les frais de repas, ceux de l’entretien de la chambre de repos ou encore de la blouse, le montant net perçu par le médecin tombe à 36 dinars (11 euros). Pour une garde de 24 heures, le montant net s’élève à 40 dinars (12,30 euros). (...) Les externes, entre la première et la cinquième année, ne sont pas non plus épargnés. Bien qu’ils ne soient pas tenus d’assurer des gardes, ils sont souvent contraints de le faire, sans rémunération, ni repas, ni prise en charge de leur transport.
    Une fois la thèse validée et le titre de médecin spécialiste obtenu, le parcours du combattant se poursuit. Pour pouvoir exercer en Tunisie – ou même partir travailler à l’étranger – les jeunes diplômés doivent obligatoirement effectuer une année de service civil, équivalent d’un service militaire, dans des hôpitaux de régions souvent délaissées. Envoyés dans des déserts médicaux, loin de leurs proches, ils touchent une prime mensuelle allant de 750 dinars à 1 250 dinars (230 euros à 380 euros), sans couverture sociale. « Avec cette prime dérisoire, après douze ans d’études, tu dois te débrouiller pour te loger et te nourrir. A cet âge, certains médecins ont déjà une famille, c’est très difficile. Dans ces régions, les habitants sont heureux d’avoir enfin des spécialistes mais, en réalité, il n’y a aucun moyen à disposition. Sans scanner, sans équipements de base, tu passes ton temps à faire des lettres de liaison pour transférer les patients vers d’autres hôpitaux », explique Molka Berrebah.
    La refonte du service civil, instauré en 2010, temporairement supprimé en 2011 avant d’être réintroduit en 2014, est l’une des principales revendications des jeunes médecins. L’OTJM demande d’en être exempté dans certains cas et souhaite une rémunération supérieure, ainsi que la prise en charge de certains frais. Concernant les stages, l’OTJM propose la mise en place de critères d’évaluation transparents, comme l’assiduité ou la réalisation d’un certain nombre d’interventions médicales ou de gardes prédéfinies. Ils sont, pour l’instant, laissés à l’appréciation exclusive des chefs de service. Une situation qui, selon l’organisation, place les étudiants dans une position de dépendance et de précarité, les obligeant à accepter toutes les demandes de disponibilité de leurs supérieurs.

    #Covid-19#migration#migrant#tunisie#medecin#sante#migrationqualifiee#sante#systemedesante

  • #Léviathan

    Le #théâtre comme #contre-espace pour interroger le fonctionnement du #système_judiciaire, penser ses alternatives et imaginer d’autres #rituels symboliques.

    Créé après une longue immersion au cœur du système pénal, notamment des procédures de #comparution_immédiate, Léviathan interroge la justesse de la #justice_institutionnelle. En collaboration avec l’auteur #Guillaume_Poix, #Lorraine_de_Sagazan s’inspire des pratiques de la justice dite transformatrice et autres alternatives au schéma traditionnel juger-punir-enfermer. Sous un chapiteau dressé comme un #tribunal_de_fortune, en écho à l’installation présentée à la Collection Lambert, Léviathan cherche à comprendre – au-delà du bien et du mal – les liens entre le système juridique et les #inégalités qui régissent notre société, renversant au passage certaines évidences. À travers la figure biblique du Léviathan, le spectacle nous confronte à la #violence et à sa #régulation par le #droit, nous posant cette question cruciale : qui est le #monstre ?

    https://festival-avignon.com/fr/edition-2024/programmation/leviathan-348606
    #justice #théâtre #alternative #justice_transformatrice

    ping @karine4

    • #Léviathan

      Dans ce spectacle, Lorraine de Sagazan pense le théâtre comme un contre-espace pour interroger le fonctionnement du système judiciaire, ses béances, ses alternatives. Le Léviathan, figure biblique ambivalente, à l’immense héritage philosophique et littéraire pose la question suivante : qui est le monstre  ?
      Se confrontant à la construction instituée du droit, son organisation ; la #détention de l’#autorité et de la violence dite légitime, le spectacle tente, usant de registres divers, de renverser certaines évidences et d’opérer des points de bascules par delà le bien et le mal.

      Note d’intention

      Fruit de nombreuses rencontres avec avocats, magistrats, victimes et détenus, le spectacle s’intéresse aux lacunes de la justice institutionnelle. Parce qu’elle organise les rapports et régule les conflits entre les membres d’une société, la justice est la clef de voûte du schéma social et civique. Pourtant, si chacun s’entend sur sa vocation et sur sa mission, les opinions divergent quant à son application. La France, comme d’autres pays d’Europe, connait actuellement une crise de confiance sans précédent à l’égard de cette institution.

      Pendant plusieurs mois, une partie de l’équipe artistique s’est immergée dans la 23e chambre du Tribunal de Paris où ont lieu les procédures de comparution immédiate. Cette procédure simplifiée et expéditive, qui est une exception française, juge l’auteur présumé d’une infraction à sa sortie de garde à vue. Publique et durant, en moyenne, moins de trente minutes, elle est de plus en plus répandue et favorise largement l’incarcération puisque 70% des peines prononcées correspondent à des peines de prison ferme.
      En comparution immédiate, l’ordre juridique ne fonctionne pas comme une instance d’intégration et d’organisation collective, il s’inscrit dans les conflits politiques et reproduit des rapports de force. Nous avons pu y observer qu’un. e prévenu.e fait rarement face à sa victime mais fait face à un procureur qui pose la société comme la victime de l’infraction. Nous posons alors la question  : est-ce le code pénal qui fait le crime ou la présence d’une victime  ? Est-ce le code pénal qui réclame la justice ou la blessure et sa réparation  ? Pourquoi un droit répressif plutôt qu’un droit restitutif qui prendrait en charge la réparation du préjudice subi  ?
      Nous nous sommes intéressés à la justice transformatrice et à l’abolitionnisme pénal. Ces mouvements consistent à remettre en question le système pénal dans son ensemble (tribunaux, police et prisons) et à imaginer des alternatives. Il s’agit alors d’envisager une véritable confrontation des parties, créer les conditions d’un véritable «  débat politique  » au sein d’un tribunal où la victime et les besoins que celle-ci peut manifester est au centre des considérations et des décisions.

      Organisé autour de trois comparutions significatives, Léviathan interroge la validité de cette procédure et ménage une rencontre avec un témoin plusieurs fois jugé dans ce cadre. Sous un chapiteau imaginé comme un tribunal de fortune, le contre-espace théâtral se fait chambre de mémoire, avec huit interprètes dont un acteur amateur qui se porte garant de notre récit au même titre qu’il l’incite,.et confronte notre idéal de justice aux béances du système pénal contemporain. Léviathan tente de renverser certaines évidences et d’opérer des points de bascule par-delà le bien et le mal nous confrontant au dilemme de la violence, à son exercice légitime et à sa régulation par le droit.

      https://www.lorrainedesagazan.com/projets/leviathan
      #violence_légitime

  • Un rapport dénonce les discriminations dans l’accès aux soins en France
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/05/06/femmes-personnes-d-origine-etrangere-ou-en-situation-de-handicap-sujets-aux-

    Un rapport dénonce les discriminations dans l’accès aux soins en France
    Le Monde avec AFP
    Douleurs minimisées, refus de prise en charge, actes non consentis : les femmes, les personnes d’origine étrangère ou en situation de handicap sont l’objet de discriminations dans leur accès aux soins et leur parcours médical, selon un rapport de la Défenseure des droits, publié mardi 6 mai. « Si les refus d’accès aux soins restent la forme la plus connue et manifeste, les discriminations peuvent survenir à toutes les étapes de la prise en charge et, de façon moins visible ou consciente, au sein de la relation soignant-soigné », estime l’autorité indépendante chargée de veiller au respect des droits en France.
    En 2022, 224 plaintes ont été déposées devant les ordres professionnels et l’Assurance-maladie et 31 réclamations ont été envoyées à la Défenseure des droits, mais l’« ampleur des discriminations dans les parcours de soins dépasse largement » ces chiffres, précise le rapport.
    En théorie, les professionnels de santé n’ont pas le droit de refuser un patient, sauf si la demande de soin ne correspond pas à leur domaine de compétence, s’ils ont un nombre trop élevé de patients ou si le patient en question a déjà été violent ou insultant à leur égard. Mais, dans les faits et sur le terrain, cette règle fait l’objet de nombreuses entorses, que ce soit dans l’accès aux soins ou dans le parcours de soins, relève la Défenseure des droits.
    Dans les services d’urgence, l’autorité indépendante décrit « une sous-évaluation » de la douleur et « de la gravité des symptômes exprimés par les femmes, notamment lorsqu’elles sont jeunes, d’origine étrangère ou perçues comme telles ». « Selon les cas, la douleur de la patiente est soit minimisée, soit remise en cause et renvoyée à une supposée anxiété ou à une souffrance psychologique dissimulée », dénonce-t-elle.
    « Le “syndrome méditerranéen”, préjugé raciste – sans fondement médical – selon lequel les personnes d’origine nord-africaine ou noire exagèrent leurs symptômes ou douleurs », a, quant à lui, « pour effet une minimisation des souffrances exprimées » par ces patients ou « un refus de prise en charge, aux conséquences parfois fatales ».Autres victimes de ces discriminations, les personnes vulnérables économiquement, comme les patients vivant à la rue ou les consommateurs de drogues qui en « raison de leur apparence physique, de leur odeur corporelle ou au motif de l’alcoolisation » peuvent se voir refuser l’accès aux urgences.
    Les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU), de la complémentaire santé solidaire (CSS) et de l’aide médicale de l’Etat (AME) rencontrent, eux, des difficultés à obtenir ne serait-ce qu’un rendez-vous, selon le rapport.Quant aux personnes en situation de handicap, certaines se voient opposer des refus pour des motifs allant du « manque de temps ou de formation » aux « locaux inaccessibles ou à un matériel médical inadapté ».
    Au-delà de l’accès aux soins, la Défenseure des droits s’inquiète « d’atteintes fréquentes » au droit du patient à recevoir les informations utiles pour faire un choix éclairé et pouvoir donner son consentement. C’est le cas en particulier des femmes lors de leur suivi gynécologique avec des examens (frottis, échographie endovaginale, pose de stérilet) « réalisés sans information préalable et sans que leur consentement soit recherché ». Mais l’institution dit également avoir été alertée au sujet d’« actes de soins non consentis sur des personnes présentant un handicap psychique », comme l’administration contrainte d’une injection à un patient pourtant pris en charge sous le régime de la libre hospitalisation, ou le recours à la force, à la contention ou à l’isolement de manière accrue et non justifiée.
    Ces discriminations ont des conséquences « délétères immédiates et durables sur le parcours de soins des patients » qui finissent par reporter ou renoncer totalement aux soins, alerte l’institution, qui exhorte le gouvernement à mettre en place une stratégie nationale de prévention et de lutte contre ces pratiques. Elle recommande notamment de concentrer l’effort sur la prévention de ces discriminations, le recueil et le traitement des signalements et l’adaptation du système de soins aux besoins spécifiques de certains patients.

    #Covid-19#migrant#migration#sante#france#droit#santementale#discrimination#systemesante

  • Il ne suffit pas de vouloir une #écologie_antiraciste : le #zéro_déchet, la #colonialité et moi

    On parle souvent des #écologies_décoloniales. On voit moins les #écologies_coloniales interroger leur propre colonialité. C’est ce qu’on va faire ici, en étudiant la colonialité dans le zéro déchet et les écologies de la #sobriété.

    #Colonial n’est pas un compliment. Et si j’étais du mauvais côté ? Si mon #écologie était une de ces écologies coloniales qui s’ignorent ? Plus j’y pense plus c’est crédible, plus je creuse plus ça devient évident. Dans ce billet, je tente de conscientiser la dimension coloniale du #zero_waste et des écologies similaires.

    Pour ça je vais dérouler les implicites du « point de vue zéro déchet » et montrer ce qu’ils ont de problématique. L’idée est de partir du #zéro_gaspillage et d’arriver à la #décolonialité. J’essaie de baliser un parcours qui aide mes camarades écologistes à voir en quoi iels sont concerné⋅es par la #critique_décoloniale, de tracer un chemin que d’autres pourraient emprunter, sans forcément connaître cette pensée en amont.

    Je pars du zéro #gaspillage parce que c’est là où je suis, ce que je connais le mieux, mais la colonialité que je découvre concerne l’écologie de façon beaucoup plus large.

    Des écueils et une méthode

    Mais il y a des écueils. En tant qu’européen blanc issu d’une famille de colons1 je suis mal placé pour comprendre les questions de colonialité et de #racisme. Bénéficier d’avantages dans un système de pouvoir produit de l’#ignorance chez les dominant·es, une incapacité à reconnaître des choses évidentes du point de vue des dominé⋅es2.

    À supposer que je surmonte cet obstacle, je ne suis toujours pas légitime. En abordant ces sujets, je risque d’invisibiliser la voix de personnes plus compétentes que moi et sur qui s’appuie ma réflexion. Même si j’identifie des limites réelles à l’approche zéro gaspillage, je ne suis pas expert en #décolonialité.

    Alors pourquoi parler du sujet ? D’abord parce qu’on n’avancera jamais si j’attends de me sentir à l’aise pour discuter de racisme et de colonialité. Mon écologie est d’une #blanchité aveuglante : étudier sa colonialité est une façon d’adresser une partie du problème. Ensuite, parce que je ne prétends pas produire un discours scientifique ou exhaustif. Je présente un témoignage, un parcours de conscientisation personnel, limité et imparfait.

    Dans les paragraphes qui suivent, j’aborde un à un des aspects du zéro déchet. Pour chaque aspect j’émets une critique, puis je la rattache à une facette de la colonialité. C’est cette dernière qui donne une unité aux défauts présentés ici.

    Un « nous » d’humanité générale

    Préserver « nos #ressources », changer « nos modes de productions », réduire « nos #déchets » : les discours zero waste utilisent régulièrement le possessif « #nos ». Ce n’est pas un usage fréquent, mais il n’est pas anecdotique. On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à On peut même résumer l’approche zéro gaspillage à « ne pas faire de nos ressources des déchets3 » (je souligne).

    Mais qui est derrière ces possessifs ? À quel « #nous » renvoient ces expressions ? Je ne crois pas qu’ils ciblent un groupe limité de personnes physiques, des gens qu’on pourrait compter. C’est un « nous » général, qui désigne un ensemble plus abstrait. Selon moi, il englobe toute l’humanité.

    Puisque le zéro déchet pense à l’échelle mondiale, qu’il s’intéresse à l’#intérêt_commun et est anthropocentré, son horizon semble bien être celui de l’#humanité. J’en fais l’expérience dans mes propres textes, quand j’écris « nos besoins », « notre situation » ou « notre planète » dans les articles précédents.

    Un point de vue de nulle part

    Mais les écologistes qui tiennent ces discours en France ne représentent pas toute l’humanité. Ils et elles sont situées sur toute une série de plans : social, économique, géographique… Avec ce « nous », iels endossent un point de vue désitué et désincarné, qui ne correspond à personne. Ce faisant, iels invisibilisent leur propre situation d’énonciation concrète et oublient son impact sur leurs façons d’agir et leur rapport au monde.

    Dans un mouvement inverse, iels invisibilisent la pluralité des voix et la diversité des points de vue au sein des groupes humains. En prétendant que leur voix est universelle, capable d’exprimer celle de « l’humanité », ces écologistes minorent la place des #désaccords, des #conflits et des #hiérarchies entre êtres humains.

    Ce double mouvement n’est possible que pour des personnes habituées à être légitimes, écoutées, à bénéficier d’avantages au sein d’un #système_de_pouvoir. Elles ne perçoivent pas ce que leur position a de singulier et ne s’étonnent pas que leur voix puisse énoncer des normes valables partout. Cette attitude semble correspondre à une facette de la colonialité, qui véhicule un #universalisme, voire un #universalisme_blanc.

    L’illusion d’une #humanité_unie

    Tout se passe comme si l’appartenance à la même espèce créait un lien fort entre les humains, que de ce simple fait, chaque membre de l’espèce avait des intérêts communs ou convergents. De quoi toutes et tous « nous » réunir dans même groupe : l’humanité.

    Les êtres humains auraient collectivement un intérêt commun à maintenir un climat stable et biodiversité abondante. Chacun⋅e aurait une bonne raison, même indirecte ou lointaine, d’agir dans ce sens. Par exemple, si je ne veux pas souffrir d’une chaleur mortelle lors de canicules intenses et fréquentes. Ou si j’ai peur que des guerres pour les ressources en eau, en terres fertiles, en ressources énergétiques ou en métaux adviennent sur mon territoire.

    Mais est-ce vraiment ce qu’on constate ? Partout les #intérêts_divergent, y compris dans des petits groupes. Qui a vraiment les mêmes intérêts que sa famille, ses ami⋅es ou ses collègues ? Plus le collectif est large, moins on trouve d’unité, d’uniformité et d’intérêts partagés. Les liens qu’on y découvre sont faibles, indirects et peu structurants. Chercher des #intérêts_convergents et significatifs à l’échelle de l’humanité semble largement illusoire.

    D’autant que certains ne sont même pas d’accord sur les limites de ce groupe. Qui compte comme un être humain ? Quand certains déshumanisent leurs ennemis en prétendant qu’iels sont des vermines. Que leur génocide n’en est pas un, puisqu’iels ne sont même pas « humains ». Qu’on peut en faire des esclaves, les dominer et les tuer « comme des animaux », puisqu’iels ne sont ne sont pas comme « nous ».

    Une faiblesse militante

    Pour la géographe #Rachele_Borghi, croire que nous somme toustes « dans le même bateau » est un des symptômes de la colonialité (Décolonialité & privilège, p. 110). Et c’est bien de ça qu’il s’agit : les écologies de la sobriété semblent croire que nous partageons la même situation critique, toustes embarqués dans un seul bateau-planète.

    Cette vision explique en partie l’insistance du zéro gaspillage sur la #non-violence et la #coopération. Le mouvement pousse à voir ce qui rapproche les personnes, ce qu’elles ont à gagner en collaborant. Il regarde l’intérêt général, celui qui bénéficie à « tout le monde », sans considération de #race, de #classe, de #genre, et ainsi de suite. Il passe un peu vite ce que chaque groupe a à perdre. Il ignore trop facilement les inimitiés profondes, les conflits irréconciliables et les #rapports_de_force qui traversent les groupes humains.

    Cette attitude constitue une véritable faiblesse militante. Faute d’identifier les tensions et les rapports de force, on risque d’être démuni lorsqu’ils s’imposent face à nous. On est moins capable de les exploiter, de savoir en jouer pour faire avancer ses objectifs. Au contraire, on risque de les subir, en se demandant sincèrement pourquoi les parties prenantes refusent de coopérer.

    Le spectre de l’#accaparement_des_ressources

    Plus profondément, un tel point de vue active un risque d’accaparement des #ressources. Si on pense parler au nom de l’humanité et qu’on croît que tous les êtres humains ont objectivement des intérêts convergents, il n’y a plus de conflits sur les ressources. Où qu’elles soient sur Terre, les #ressources_naturelles sont « nos » ressources, elles « nous » appartiennent collectivement.

    En pensant un objet aussi large que « l’humanité », on évacue la possibilité de conflits de #propriété ou d’#usage sur les ressources naturelles. L’humanité est comme seule face à la planète : ses divisions internes n’ont plus de pertinence. Pour assurer sa survie, l’humanité pioche librement dans les ressources naturelles, qui sont au fond un patrimoine commun, quelque chose qui appartient à tout le monde.

    Dans cette perspective, je peux dire depuis la France que j’ai des droits4 sur la forêt amazonienne au Brésil, car elle produit un air que je respire et abrite d’une biodiversité dont j’ai besoin. Cette forêt n’appartient pas vraiment à celles et ceux qui vivent à proximité, qui y ont des titres de propriété, ou même à l’État brésilien. C’est un actif stratégique pour l’humanité entière, qui « nous » appartient à tous et toutes.

    Sauf que rien ne va là-dedans. À supposer qu’on ait tous et toutes des droits sur certains #biens_communs, ça ne veut pas dire qu’on ait des droits équivalents. La forêt amazonienne m’est peut-être utile, dans un grand calcul mondial très abstrait, mais ce que j’en tire est infime comparé à ce qu’elle apporte à une personne qui vit sur place, à son contact direct et régulier.

    Les ressources naturelles sont ancrées dans des territoires, elles font partie d’écosystèmes qui incluent les humains qui vivent près d’elles. « Tout le monde » n’est pas aussi légitime à discuter et décider de leur avenir. N’importe qui ne peut pas dire que ce sont « ses » ressources, sans jamais avoir été en contact avec.

    Une attitude de colon

    Croire l’inverse, c’est faire preuve d’une arrogance crasse, adopter l’attitude d’un colon, qui arrivant de nulle part dit partout « Ceci est à moi » sur des terrains exploités par d’autres. Il faut une assurance démesurée, un sentiment de légitimité total, pour dire « nos ressources » en parlant de celles qui sont littéralement à autrui.

    Les écologistes qui adoptent ce point de vue ne semblent pas conscient⋅es que leur vision fait écho à des #logiques_prédatrices qui elles aussi, se sont parées de discours positifs et altruistes à leurs époques. Après la mission civilisatrice, la #mission_écologique pourrait prendre le relais. On ne viendrait plus exploiter les richesses des colonies pour l’Europe, mais protéger les ressources naturelles pour l’humanité. Un risque d’autant moins théorique qu’on a déjà évoqué les ambiguïtés et l’utilitarisme du zéro déchet.

    L’#impensé_colonial se manifeste aussi par une absence d’inversion des rôles. On pense le monde comme plein de ressources pour « nous », mais on ne pense jamais « chez soi » comme une ressource pour les autres. Quand on parle de l’épuisement des ressources en sable, on n’imagine pas renoncer aux plages françaises pour satisfaire les besoins d’autres pays qui veulent fabriquer du béton.

    Le « nous » d’humanité générale éclate en morceaux : son caractère fictif devient manifeste. Mis face à une #prédation qui touche à des ressources situées sur notre #territoire, nous, Français⋅es, cessons de considérer que tout est un #bien_commun et que nos intérêts se rejoignent avec ceux du reste du monde. Les crises du climat, de la biodiversité et de l’eau n’ont pas disparues. Mais notre approche ne permet plus d’y pallier.

    Une approche individualiste et dépolitisante

    Un autre défaut de l’approche zéro gaspillage est son aspect individualiste. Le zero waste veut prendre en compte les intérêts de toutes les parties prenantes, mais sa méthode d’action consiste à ne pas consulter les personnes. On s’informe sur ce qui leur arrive, sur leurs conditions de vie et de travail, mais on n’entre pas en contact avec elles. On veut agir pour ces personnes, mais sans devoir leur parler.

    Je vois trois dimensions à cette attitude. D’abord, une telle discussion est matériellement impossible : il y a trop de parties prenantes dans la production mondiale. L’ambition de toutes les prendre en considération est vouée à l’échec. Ensuite, une écologie qui imagine prendre en compte l’intérêt de toute l’humanité n’a pas besoin de parler aux autres. Elle croit pouvoir se projeter dans leurs situations et connaître leurs intérêts. Enfin, un certain mépris de classe n’est pas à exclure. On n’a pas envie de parler à celles et ceux qu’on estime inférieur⋅es : les fréquenter rend visible la #domination et les #injustices dont on profite.

    Depuis ma situation individuelle, je tente d’agir pour les autres, mais sans construire de liens explicites, de relations bidirectionnelles. C’est tout l’inverse d’une approche collective et politique. Certes, la matière et le cycle de vie des objets créent un lien invisible entre les personnes, mais il en faut plus pour créer des solidarités concrètes – pas juste des relations économiques entre clients et fournisseurs.

    Alors que le zéro gaspillage est un projet politique, dont le concept central est intrinsèquement politique, j’ai l’impression qu’il a du mal à dépasser une approche individuelle, à construire de l’#action_collective et des #solidarités. Il reste en ça prisonnier d’une époque néolibérale où les modèles mentaux partent de l’individu, parfois y restent, et souvent y retournent.

    Un risque de #paternalisme

    L’approche zéro gaspillage comporte aussi un risque de paternalisme (https://plato.stanford.edu/entries/paternalism). Si on définit l’intérêt d’autrui sans échanger avec lui, sans écouter sa voix et ses revendications explicites, on va décider seul de ce qui est bon pour lui, de ce qui correspond à ses besoins. On va considérer comme dans son intérêt » des choix que la personne rejetterait, et rejeter des choix qu’elle jugerait positifs pour elle. C’est précisément ce qu’on appelle du paternalisme : agir « dans l’intérêt » d’une personne, contre la volonté explicite de cette personne elle-même.

    Pensez aux travailleurs et travailleuses de la décharge de déchets électroniques d’Agbogbloshie au Ghana (https://fr.wikipedia.org/wiki/Agbogbloshie), qui sont interviewés dans le documentaire Welcom to Sodom (https://www.welcome-to-sodom.com). Iels expliquent que travailler là est là meilleure situation qu’iels ont trouvé, que c’est pire ailleurs : pas sûr qu’iels soient enthousiastes à l’idée d’une réduction globale des déchets. Certes, leur environnement serait moins pollué, leur santé moins en danger, etc. mais leur source de revenu disparaîtrait. Une écologie qui minore les désaccords, la diversité des points de vue et les conflits possibles montre encore une fois ses limites.

    Ce risque de paternalisme rejoint la question de la colonialité. Les Européens et les Européennes ont une longue tradition de hiérarchisation des races, qui met les blancs en haut et les personnes colonisées non-blanches en bas. Les personnes qu’on envahit, domine et tue sont présentées comme incapables de savoir ce qui est bon pour elles. Mais le colonisateur « sait ». Il est prêt à « se sacrifier » pour l’intérêt de ces peuples, qui « ne lui rendent pourtant pas ». Un tel point de vue s’exprime notoirement dans le poème raciste et colonialiste de l’écrivain Rudyard Kipling, Le fardeau de l’homme blanc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fardeau_de_l%27homme_blanc).

    Mais n’est-ce pas quelque chose de similaire qu’on entend, quand j’écris dans l’article précédent (https://blog.whoz.me/zerowaste/le-point-de-vue-zero-dechet) que le zéro gaspillage consiste à mettre son intérêt direct en retrait, au profit de celui d’une personne plus loin dans la chaîne de production ? Le mépris s’est (peut-être) effacé, mais le discours sur le sacrifice altruiste est toujours là.

    Une position centrale qui interroge

    Avec la sobriété, les écologistes occidentaux trouvent une narration qui leur donne une place centrale, positive et active dans la lutte contre les injustices climatiques. Ce sont elles et eux qui proposent d’engager les sociétés contemporaines vers un #futur_désirable. Iels produisent des idées et expérimentent des pratiques qu’iels appellent à devenir la norme (#réemploi, #réparation, etc.). À la fois innovantes, précurseures, bienveillantes, ces personnes n’ont presque rien à se reprocher et plus de raison de se sentir coupables.

    Mais on devrait interroger une #narration qui vous donne la meilleure place, légitime vos choix et vos actions, sans jamais leur trouver d’aspects négatifs. Un tel #discours semble trop parfaitement bénéficier à celui ou celle qui s’y retrouve pour ne pas éveiller un soupçon.

    Je peine à ne pas voir dans la sobriété une sorte de version non-interventionniste du « #sauveur_blanc 5 ». Au lieu de prendre l’avion pour aller « aider » des enfants pauvres dans un pays du Sud, on « agit » à distance, par des effets indirects, incertains, et à moyen terme.

    On s’épargne l’aspect grossièrement raciste et paternaliste d’un « #tourisme_humanitaire » qui intervient sur place, perturbe les dynamiques locales, et laisse les conséquences à gérer à d’autres. Mais cet horizon d’agir de chez soi pour les dominés me semble prolonger des logiques similaires. On passe au sauveur « sans contact », qui sauve par un ruissellement de sobriété.

    On reste dans l’idée de porter secours aux « victimes » d’un système… dont on est l’un des principaux bénéficiaires. Un système construit par son pays, ses institutions, voire ses ancêtres… Et qui nous fabrique par notre éducation et nos socialisations.

    Des logiques d’#appropriation

    D’autant que les écologistes de la sobriété font preuve d’attitudes questionnables, qui tranchent avec leurs postures altruistes. Si j’ai les moyens d’acheter neuf, mais que je choisis l’occasion, je fais une excellente affaire, bien au-delà de l’intention écologique. On peut voir ça comme une façon pour un riche de récupérer des ressources peu chères, qui auraient sinon bénéficié à d’autres catégories sociales.

    En glanant Emmaüs et les #recycleries solidaires, les riches écolos s’introduisent dans des espaces qui ne leur étaient pas destinés au départ. Leur pouvoir économique peut même déstabiliser les dynamiques en place. Emmaüs s’alarme de la baisse de qualité des dons reçus, les objets de valeur étant détournés par des nouveaux #circuits_d’occasion orientés vers le profit ou la #spéculation (#Vinted, néo-friperies « #vintage », etc.).

    Par ailleurs, la façon dont les écologistes de la sobriété se réapproprient des pratiques antérieures questionne. Éviter le gaspillage, emprunter plutôt qu’acheter, composter, réparer, consigner : ces pratiques n’ont pas été inventées par le zéro déchet. L’approche zero waste leur donne surtout une nouvelle justification, une cohérence d’ensemble, et les repositionne au sein de la société.

    Des pratiques anciennement ringardes, honteuses, ou marginales deviennent soudainement à la mode, valorisées, et centrales quand des privilégié·es s’en emparent. L’histoire de ces usages est effacée, et les écolos les récupèrent comme marqueurs de leur groupe social. Une logique qui rappelle celle de l’#appropriation_culturelle, quand un groupe dominant récupère des éléments d’une culture infériorisée, les vide de leur signification initiale et en tire des bénéfices au détriment du groupe infériorisé.

    Une vision très abstraite

    Ma dernière critique porte sur le caractère très abstrait du zéro gaspillage. Les concepts centraux du mouvement présentent un fort niveau d’#abstraction. J’ai détaillé le cas du « gaspillage », mais on peut aussi évoquer les idées de « ressource » ou de « matière ».

    Une « #ressource » n’est pas vraiment une réalité concrète : le mot désigne la chose prise comme moyen d’un objectif, intégrée à un calcul utilitaire qui en fait une variable, un élément abstrait. La « #matière » elle-même relève d’une abstraction. Ce n’est pas un composé précis (de l’aluminium, de l’argile, etc.), mais la matière « en général », détachée de toutes les caractéristiques qui permettent d’identifier de quoi on parle exactement.

    Les dimensions géopolitiques, économiques et sociales liées à une « ressource » naturelle particulière, ancrée dans un territoire, sont impensées. Paradoxalement le zéro déchet insiste sur la matérialité du monde via des concepts qui mettent à distance le réel concret, la matière unique et spécifique.

    Le zéro déchet mobilise aussi ce que lea philosophe non-binaire #Timothy_Morton appelle des #hyperobjets : « l’humanité », la « planète », le « climat », les « générations futures »… Ces objets s’inscrivent dans un espace gigantesque et une temporalité qui dépasse la vie humaine. Ils sont impossibles à voir ou toucher. Quand on parle de « l’humanité » ou de « la planète », on cible des choses trop grosses pour être appréhendées par l’esprit humain. Ce sont des outils intellectuels inefficaces pour agir, qui mènent à une impasse politique.

    Cette fois-ci, le lien à la colonialité m’apparaît mois clairement. Je saisis qu’il y a un lien entre ces abstractions et la modernité intellectuelle, et que la #modernité est intimement liée à la colonisation. J’ai déjà parlé de la dimension calculatoire, optimisatrice et utilitariste du zéro déchet, mais la connexion précise avec la colonialité m’échappe6.

    Balayer devant sa porte

    Bien sûr, tout ce que je dis dans ce billet vaut aussi pour mon travail et les articles précédents. Mes critiques concernent autant le zéro déchet en général que la manière spécifique que j’ai de l’aborder. La colonialité que je reconnais dans le zero waste ne m’est pas extérieure.

    Et encore, ma position sociale et raciale font que je passe forcément à côté de certaines choses. Je sais que mes textes sont marqués de colonialité et de blanchité, par des aspects que je ne perçois pas, ou mal.

    Alors que la blanchité de l’écologie est le point de départ de ma réflexion, j’ai échoué à penser directement le lien entre suprématie blanche et sobriété. Cette réflexion sur la colonialité pourrait n’être qu’un détour, un moyen de ne pas aborder le problème, en en traitant un autre.

    Dans l’impasse

    Le système économique que le zéro gaspillage nous fait voir comme absurde a une histoire. Il est l’héritier de la colonisation du monde par l’Europe depuis le 15e siècle. Il naît d’un processus violent, d’exploitation et de #dépossession de personnes non-blanches par les européens. Son racisme n’est pas un aspect extérieur ou anecdotique.

    Une écologie qui veut sérieusement remettre en cause ce système ne peut pas être composée que de personnes blanches. Au-delà de ses « bonnes » intentions7, une #écologie_blanche est condamnée à reproduire des logiques de domination raciale et coloniale. En ne prenant pas en compte ces dominations, elle prolonge les façons de faire et de penser qui ont conduit à la crise climatique.

    Mais il ne suffit pas de vouloir une écologie décoloniale et antiraciste : il faut comprendre le problème avec l’écologie qui ne l’est pas. C’est ce j’ai tenté de faire dans cet article, malgré ma compréhension limitée de ces sujets. Le risque d’être imprécis, insuffisant, ou même erroné m’a semblé plus faible que celui ne pas en parler, ne pas ouvrir la discussion.

    Et pour qu’elle continue, je vous invite à vous intéresser à celles et ceux qui m’ont permis de recoller les morceaux du puzzle, de reconnaître un motif colonial dans le zéro gaspillage. Ils et elles ne parlent jamais de zéro déchet, rarement d’écologie, mais sans leurs apports, cet article n’existerait pas.

    En podcast

    Kiffe ta race (Rokhaya Diallo, Grace Ly)
    Le Paris noir (Kévi Donat)
    Code Noir (Vincent Hazard)
    Des Colonisations (Groupe de recherche sur les ordres coloniaux)
    Décolonial Voyage (Souroure)
    Décoloniser la ville (Chahut media)
    Isolation termique (Coordination Action Autonome Noire)
    Je ne suis pas raciste, mais (Donia Ismail)

    En livre & articles

    L’ignorance blanche (Charles W. Mills)
    Décolonialité & Privilège (Rachele Borghi)
    Amours silenciées (Christelle Murhula)
    La charge raciale (Douce Dibondo)
    La domination blanche (Solène Brun, Claire Cosquer)
    Le racisme est un problème de blancs (Reni Eddo-Lodge)
    Mécanique du privilège blanc (Estelle Depris)
    Voracisme (Nicolas Kayser-Bril)

    En vidéo

    Histoires crépues

    Notes

    Mes grands-parents et mon père naissent dans le Protectorat français de Tunisie. Ma famille quitte la Tunisie six ans après l’indépendance, lors de la crise de Bizerte. ↩︎
    J’hérite de cette idée générale de sa version spécifique proposée par Charles W. Mills dans son article L’ignorance blanche. ↩︎
    On retrouve cette idée dans Recyclage, le grand enfumage en 2020, même si la formulation de Flore Berligen (p. 15) est plus subtile. À l’inverse, cet article de 2015 reprend littéralement la formule. ↩︎
    Pas au sens de « droit » reconnu par un État ou une structure supra-nationale. C’est un droit au sens de revendication légitime, qui possède une valeur impersonnelle et qui mérite d’être prise en compte par tous et toutes, indépendamment de qui formule cette revendication. C’est un usage du mot « droit » qu’on retrouve en philosophie. ↩︎
    Toutes les personnes qui font du zéro déchet et prônent la sobriété ne sont évidemment pas blanches. Mais vu la quantité de blancs et de blanches dans le mouvement, on ne peut pas faire abstraction de cette dimension pour réfléchir à cette écologie. ↩︎
    Ma copine me souffle que le lien est simple : tout notre système intellectuel (politique, épistémologique, etc.) est produit par des colonisateurs. Il accompagne et légitime la colonisation. Même si je suis d’accord, c’est trop long à détailler à ce stade de l’article. ↩︎
    N’oubliez pas : le racisme n’est jamais une question d’intention. Ce sont les effets concrets et la domination qui constituent un acte comme raciste, pas l’intention de la personne qui le commet. ↩︎

    https://blog.whoz.me/zerowaste/il-ne-suffit-pas-de-vouloir-une-ecologie-antiraciste-le-zero-dechet-la-col
    #dépolitisation #individualisme #innovations #second_hand

  • China redefines semiconductor country of origin amid trade war | Al Mayadeen English
    https://english.almayadeen.net/news/technology/china-redefines-semiconductor-country-of-origin-amid-trade-w

    The China Semiconductor Industry Association announced on Friday a major revision to its rules regarding the country of origin for semiconductors, now requiring that the location of the manufacturing facility — not the site of assembly — will determine a product’s origin.

    “According to the provisions related to the rule of definition of the country of origin of goods without benefits, the place of creation of the integrated circuits will be defined on the basis of the principles of change of the four-digit tariff number, which means that the place of production will be considered as the place of origin,” the association said in a statement.

    Under the new rules, manufacturers bringing semiconductors into China must list the country where the production factory is located in their customs declaration, regardless of where the microchips were packaged. Previously, companies were allowed to declare the country of final assembly as the origin.

    Experts cited by China’s NetEase news portal noted that the rule change will have varied impacts on American firms. Companies like Nvidia, Apple, Qualcomm, and Marvell, which largely manufacture and test their products in Asia, are expected to experience minimal disruption.

    Meanwhile, companies with substantial production operations within the United States, including Intel, GlobalFoundries, Texas Instruments, and Micron, are likely to face negative consequences, particularly with the imposition of new import tariffs.

    • les conventions de classification, c’est le côté fascinant des « statistiques » !
      je mets des guillemets parce qu’on voit bien, ici, combien la question n’est pas seulement technique…

      Et donc, ici, il s’agit de la détermination du #pays_d'origine (de la marchandise, s’entend…) Sur ce sujet, chaque pays – ou presque – fait ce qu’il veut (ça fait, éventuellement, partie des accords de libre-échange)

      cf. p. ex. ce site suisse :
      Que signifie le pays d’origine d’un produit ? | secom
      https://swiss-export-compliance.com/fr/blog/que-signifie-le-pays-dorigine-dun-produit

      Quelles sont les conditions pour déterminer le pays d’origine ?
      Une marchandise est considérée comme une marchandise originaire au sens des accords de libre-échange et peut faire l’objet d’une preuve d’origine lorsqu’elle remplit l’une des conditions suivantes, pour la Suisse :
      • la marchandise est entièrement obtenue en Suisse (produit indigène)
      Il s’agit par exemple de produits qui ont été extraits du sol ou de plantes récoltées en Suisse.
      • la marchandise est suffisamment ouvrée en Suisse.
      Le produit doit avoir subi un changement significatif d’apparence, de forme et de nature. 
      • la marchandise est composée de produits originaires d’un Etat contractant (partenaires d’un accord de libre-échange), insuffisamment ouvrés en Suisse (cumul)
      Tel est le cas lorsque les produits originaires d’un Etat contractant sont insuffisamment ouvrés en Suisse (c.-à-d. dans une moindre mesure que celle exigée ci-dessus).
      Dans ce cas, ces produits originaires peuvent être, dans le cadre d’un accord, assimilés aux produits originaires suisses ; on ne doit ainsi pas en tenir compte lors du calcul de la part des produits non originaires autorisés.
      • la marchandise a été importée avec une preuve d’origine, puis réexportée en l’état. Il s’agit de marchandises importées en Suisse avec une preuve d’origine établie dans un Etat contractant puis réexportées en l’état dans un autre Etat contractant du même accord ou de la même zone de cumul. 

      Quels sont les procédés qui ne confèrent pas l’origine d’un produit ?
      Un certain nombre de procédés mineurs de fabrication n’ont aucune conséquence sur le pays d’origine du produit. Les ouvraisons telles que le simple mélange, l’assemblage, le remplissage etc. ne sont jamais considérés ouvraisons suffisantes, même si les conditions de la liste sont ainsi satisfaites.
      L’accord avec le Canada contient des règles différentes.
      Les importateurs dont les produits subissent de tels processus doivent prendre des mesures pour identifier le pays où le produit est réellement fabriqué.
       
      Cet article donne un aperçu de l’utilisation et de l’établissement des preuves d’origine. Des explications détaillées et des accords peuvent être trouvés dans le site de l’office déféral de douanes de la confédération.

      un bel exemple de #barrière_non_tarifaire
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Obstacle_non_tarifaire_aux_échanges

    • si vraiment DJT veut tout casser le commerce mondial, je lui suggérerai de retirer les États-Unis de l’Organisation mondiale des douanes (OMD) et de fabriquer une nouvelle nomenclature de marchandises perso…

      l’OMD gère et maintient le #Système_Harmonisé (SH ou, plus fréquemment, codification HS), sur lequel :
      • l’Union européenne construit sa #Nomenclature_combinée (NC) (en gros HS à 6 chiffres + 2 chiffres spécifiques)
      https://taxation-customs.ec.europa.eu/customs-4/calculation-customs-duties/customs-tariff/combined-nomenclature_fr
      • les États-Unis utilisent un #Harmonized_Tariff_Schedule ou #HTS (HTSUS) composé du HS à 6 chiffres suivi de 4 autres chiffres pour les sous-catégories
      cf. p. ex.
      https://wise.com/us/import-duty/hts-code

    • Organisation mondiale des douanes
      https://www.wcoomd.org/fr

      Pays membres

      • Pays non-membres (c’est plus difficile à trouver… je suis parti d’une liste ancienne dont j’ai supprimé les adhésions récentes – p. ex. les Salomon en 2023, Palaos en 2024)
      Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Grenade, Dominique, Corée du Nord, Liechtenstein, Monaco, Saint-Marin, Cité du Vatican, Micronésie, Kiribati, Îles Marshall, Tuvalu, Nauru, Îles Cook, Niue, Taipei (Taïwan), République sahraouie

  • J’ai testé #/e/OS alias #Murena sur le #Fairphone 4
    (billet de blog publié en 2022, ici pour archivage, car je me tâte à passer à Fairphone + /e/OS...)

    Contexte : il y a quelques mois, j’ai proposé sous forme de candidature spontanée mes services aux équipes de la e.fondation qui développe /e/OS, un système d’exploitation mobile. Je trouvais le projet vraiment inspirant, important. Indispensable même, pour offrir une troisième voie plus vertueuse1 dans le duopole d’Apple (iOS) et Google (Android). L’équipe m’a gentiment répondu qu’il n’y avait pas de possibilité de missions ou d’ouverture de poste. Par contre, elle m’a proposé de tester /e/OS sur un Fairphone 4.

    J’ai immédiatement accepté, tout content de pouvoir tester à la fois le Fairphone 4 qui m’intriguait depuis sa sortie, en même temps que /e/OS, ce système d’exploitation mobile respectueux des données, sobre, open source, porté par une structure à but non lucratif. J’en ai profité pour réinterroger mon propre rapport au smartphone, à l’écosystème Apple, à la technologie en général.

    Bonne lecture !
    Avant-propos : d’où je parle et d’où je viens

    Pour comprendre en quoi ce test a été important pour moi, il faut que je vous dise en deux mots d’où je parle et d’où je viens technologiquement.

    J’ai toujours été un peu geek, profil bidouilleur mais pas programmeur, avec de réelles affinités pour la technologie. Mais pas toutes les technologies, et ce dès le départ. Par exemple, je n’ai jamais été intéressé par les consoles de jeu, ou par la télévision. Aucune idée claire du pourquoi. En revanche, j’ai été fasciné par les ordinateurs, et j’ai eu mon premier PC portable en 3ème. C’était tôt à l’époque. En 2006, j’ai eu mon second PC, un macbook d’Apple, la première génération sous Intel. Là encore, à l’époque c’était audacieux de passer sur Apple, ils ne pesaient pas bien lourd sur le marché, j’étais tout stressé et d’ailleurs j’ai longtemps conservé une partition Windows (cracké) pour me rassurer (et pour jouer aussi).

    Mon histoire avec Apple a donc commencé en 2006. En 2007, l’iPhone est sorti, et un ou deux ans plus tard, j’étais équipé. L’accoutumance à un écosystème qui se structurait pouvait commencer. À mon état le plus avancé (sic), c’est-à-dire en 2019, je possédais un iMac, un Macbook, un iPad, un iPhone pro et une Apple Watch2. Outch. Pour ma défense, cet équipement constituait à la fois mon équipement personnel et surtout professionnel (je suis indépendant depuis avril 2018). Mais quand même, j’étais encore récemment un très gros utilisateur de produits et services Apple.

    2019 a été l’année de la bascule, celle où j’ai commencé à donner des cours de culture numérique, celle où j’ai commencé à murir une réflexion technocritique. J’ai commencé à prendre du recul sur mes propres usages et pratiques technologiques. J’ai réalisé ma dépendance à des plateformes qui me posaient des problèmes de modèle économique, d’éthique, d’enfermement, etc. Et j’ai donc commencé à m’en émanciper.

    Des 5 GAFAM, j’ai pu m’extraire de Facebook, de Google, d’Amazon, de Microsoft3, mais il me reste Apple. Il faut comprendre que m’affranchir de cet écosystème n’est pas anodin pour moi. C’est un acte de « renoncement » à 15 ans d’habitudes, d’accoutumance, de confort, d’une certaine forme de fétichisation d’objets technologiques. J’y reviendrai peut-être dans un autre article.

    Voilà d’où je parle et d’où je viens. Maintenant que vaut ce combo Fairphone + /e/OS ?
    Mon test du combo Fairphone + /e/OS

    Comme je l’ai évoqué lors de mon échange avec Gaël Duval, le fondateur du projet /e/OS, ma première impression a été l’incroyable fiabilité de /e/OS. Pour être honnête, je m’attendais à un système capricieux, buggé, complexe. En gros, je m’attendais à galérer. Je me trompais : /e/OS est stable, très stable. Lorsqu’on reçoit un appareil avec /e/OS déjà installé, comme ça a été mon cas, tout est totalement fonctionnel dès le premier allumage. Le système est très ergonomique, quelque soit son niveau de pratiques numériques.

    Pour celles et ceux qui ne connaîtraient pas encore du tout /e/OS, quelques mots rapides. Quand on choisit un smartphone aujourd’hui, on a le choix entre deux acteurs hégémoniques : iOS d’Apple (16% des parts de marché) et Android de Google (84% des parts de marché)4. Or Android by Google, c’est un OS qui est basé sur les données personnelles, comme le reste de l’écosystème de Google. Il y a donc des projets, plus ou moins aboutis, qui repartent de la brique open source d’Android pour le faire fonctionner sans les services supplémentaires de Google. Le plus connu est LineageOS. /e/OS est quant à lui basé sur LineageOS. Inutile de dire que même les deux combinés ne représentent pas encore grand-chose sur le marché des OS mobile. Mais ça peut changer !
    À quoi ressemble /e/OS et que vaut-il ?

    On sent que /e/OS est inspiré d’iOS plus que d’Android. Et de fait, le « launcher » par défaut reproduit trait pour trait l’apparence d’iOS. C’est un choix qui sera certainement discuté, mais la beauté d’Android, c’est aussi de pouvoir changer ce launcher et donc j’imagine que chacun y trouvera son compte. Pour ma part, venant de l’écosystème Apple et amateur de minimalisme, il me convient tout à fait, d’autant que Gaël Duval a annoncé une réécriture complète du launcher pour 2022.

    Un système ultra stable

    Comme je l’ai déjà écrit plusieurs fois, /e/OS est totalement stable. Je n’ai jamais eu de bug, d’écran figé, de redémarrage, rien du tout. Alors bien sûr, quand on passe d’un iPhone haut de gamme à un Fairphone sous /e/OS, l’effet se fait sentir. Les transitions sont moins fluides, les délais d’ouverture sont plus longs. Mais vous savez quoi ? On s’y habitue. Et il n’y a pas si longtemps, on s’en sortait très bien avec des ordinateurs super lents et l’ADSL. L’effet rebond technologique, encore et toujours.

    C’est pareil pour l’appareil photo du Fairphone 4. Forcément, quand on est habitué aux smartphones haut de gamme, boostés aux IA propriétaires qui rendent le meilleur des photos, le combo Fairphone + /e/OS pique. Mais là encore, c’est utilisable, et ça réinterroge les attentes qu’on a vis à vis d’un ordinateur de poche vs un appareil photo (pourquoi on prend autant de photos déjà ?). Que ce soit dans un usage professionnel et personnel, il est tout à fait possible d’utiliser /e/OS comme seul OS mobile. C’est impressionnant, et porteur d’espoir.
    Un marketing perfectible

    Là où j’aurais un petit reproche à faire à /e/OS, c’est sur son marketing. Franchement, entre eelo, /e/OS qui s’écrit avec des « / », un petit e, OS en majuscule, Murena, le e.shop, la e.foundation, on est perdu, vraiment. Et d’ailleurs, dès qu’on cherche le projet sur un moteur de recherche ou sur un réseau social, on doit s’y reprendre à 2 ou 3 fois avant de trouver. Problématique pour un OS qui se veut grand public, il va falloir travailler cet aspect. Je sais qu’il y a un travail en cours pour renommer la marque grand public Murena (d’où la photo à la une), on verra comment se matérialisera la simplification.
    Comment ai-je installé des applications sur /e/OS ? Et lesquelles ?

    Quand on choisit de quitter l’écosystème « mainstream » et douillet d’Android et Apple, il y a quelques petits contrecoups, qui s’ils ne sont pas insurmontables, sont à prendre en compte.

    /e/OS exclut tous les systèmes Google, et donc en premier lieu le Play Store, le magasin d’applications par défaut de l’écosystème Android. En alternative, j’ai utilisé trois App Store sur /e/OS. Le premier, c’est celui proposé par défaut sur /e/OS. On y trouve presque tout, c’est bien intégré, il y a les notes de confidentialité, c’est cool. Mais il n’y a pas tout, et notamment, il n’y a pas la plupart des banques !

    https://louisderrac.com/test-e-os-alias-murena-sur-le-fairphone-4
    #alternative #système_d'exploitation #smartphones #téléphones_portables

  • Imaginer le futur agricole et alimentaire des territoires
    https://metropolitiques.eu/Imaginer-le-futur-agricole-et-alimentaire-des-territoires.html

    Comment rapprocher production agricole et #alimentation ? À partir d’une expérience #prospective menée avec des acteurs locaux, l’article explore la richesse de leurs récits du futur et les alternatives qu’ils proposent au système en place. Dossier : Transformer le #système_alimentaire ? Les impacts négatifs du régime socio-écologique dominant sont largement documentés, tant sur le plan social qu’environnemental (GIEC 2022 ; IPBES 2019). Dans le cas du système agri-alimentaire, l’un des enjeux identifiés #Terrains

    / alimentation, #agriculture, système alimentaire, prospective, #récit, #transition_socio-écologique, (...)

    #France
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_barataud.pdf

  • Transformer le système alimentaire ?
    https://metropolitiques.eu/Transformer-le-systeme-alimentaire.html

    En #France, le #système_alimentaire hérité du XXe siècle pose des problèmes de santé publique et de respect de la biosphère. Comment le transformer ? Ce dossier met en lumière de nouvelles façons d’aménager les villes pour en faire des territoires nourriciers et les adapter aux crises contemporaines. ▼ Voir le sommaire du dossier ▼ En 2021, 14,2 millions de tonnes de produits agricoles et alimentaires ont été importées pour nourrir les Franciliens (Mariasine et al. 2024). Ces aliments ont été produits à une #Dossiers

    / #agriculture_urbaine, système alimentaire, #alimentation, #urbanisme, #projet_urbain, #transition_socio-écologique, #crise, (...)

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_introdossier_syst_alim.pdf

  • #Italie : fuite en avant répressive du gouvernement #Meloni

    La #loi_1660, approuvé par les députés italiens en septembre 2024, envoyait un message clair : #ordre et répression. Elle dévoile toute sa dimension anti-sociale. Prévoyant de sanctionner plus fermement les #contestations, elle durcit également les conditions imposées aux détenus dans les prisons – et ouvre la voie aux entreprises dans le système pénitentiaire. Par Carlotta Caciagli, traduction Letizia Freitas [1].
    Radicalisation de mesures pré-existantes

    De nombreuses larmes de crocodile ont été versées, de Marco Minniti [ancien ministre de l’Intérieur NDLR] et Maurizio Lupi [ancien ministre des Infrastructures et des Transports NDLR] jusqu’au dernier maire ayant mis en application le décret Daspo [qui interdit d’accès à un lieu déterminé pour des raisons d’ordre public NDLR]. Parmi les voix qui, aujourd’hui, s’indignent, de nombreuses ont soutenu des décrets répressifs ces quinze dernières années.

    De quelle manière le débat a-t-il pu se détériorer au point que la question des inégalités sociales et de la pauvreté puisse être traitée comme un simple problème d’ordre public ? Les mesures auparavant en vigueur étaient déjà inadaptées et, à bien des égards, anticonstitutionnelles. Une détérioration ultérieure était difficile à imaginer, mais le gouvernement italien y est parvenu. Comment ? Principalement par des modifications ad hoc et quelque peu artificielles du code de procédure pénale.

    Le projet de loi intervient essentiellement dans trois domaines : gestion des comportements individuels et collectifs dans l’espace public, conditions imposées aux détenus dans les prisons et prérogatives des forces de l’ordre. Si chacune des mesures se traduit par une réduction des droits sociaux et humains, elle sous-traite également à des acteurs privés des tâches autrefois assumées par les pouvoirs publics.

    En ce qui concerne l’espace public et urbain, des actions telles que « l’occupation arbitraire d’immeubles destinés à l’habitation d’autrui » sont qualifiées de criminelles. Une peine allant de deux à sept ans de réclusion est prévue pour toute personne qui occuperait des habitations ou des dépendances (garages, jardins, terrasses). Le projet ne prévoit pas de circonstances atténuantes pour l’occupant, mais uniquement des circonstances aggravantes fondées sur le profil du propriétaire dont le bien est occupé.

    Mais sur cette mesure comme sur d’autres, il faut bien reconnaître que Giorgia Meloni ne part pas de zéro. L’ancien ministre Maurizio Lupi n’avait-il pas ouvert la voie à l’actuelle réforme avec le Piano Casa, ce décret de 2014 visant à protéger le droit de propriété des immeubles contre les mouvements sociaux en faveur du droit au logement ?

    L’introduction d’une règle surnommée « anti-Gandhi » est plus digne d’attention encore. Elle vise à punir d’emprisonnement quiconque bloque une route ou une voie ferrée. Si les participants sont nombreux – c’est-à-dire si l’action prend une dimension politique – les peines sont durcies. Si, au cours de la manifestation, des dommages (de toute nature, y compris morale) sont causés à des agents publics, la peine est majorée. Tout comme elle l’est si « la violence ou la menace est commise dans le but d’empêcher la réalisation d’un ouvrage public ou d’une infrastructure stratégique ».

    Stratégique, comme le pont du détroit de Messine, comme la Tav [Treno ad alta velocità, TGV, NDLR] Turin-Lyon, et comme tous les incinérateurs, gazéificateurs et bases militaires que l’on tente régulièrement d’implanter sur le territoire. De plus, le Code pénal sera à son tour modifié afin de punir davantage les auteurs de délits commis à proximité des gares.
    Américanisation du système pénitentiaire ?

    En ce qui concerne la prison, le projet de loi intervient de deux manières. Tout d’abord, en tentant de réglementer les émeutes dans les établissements pénitentiaires – caractérisées comme des actes de violence, de menaces ou de résistance aux ordres – en introduisant le délit de « résistance passive ». Par « résistance passive », il faut entendre « les conduites qui, compte tenu du nombre de personnes impliquées et du contexte dans lequel opèrent les agents publics ou les chargés d’une mission de service public, empêchent l’accomplissement des actes nécessaires à la gestion de l’ordre et de la sécurité ». Sont ainsi visées les révoltes contre la malnutrition et les conditions dégradantes d’incarcération.

    Mais il y a plus : désormais, l’organisation du travail des détenus est révisée par décret. Les initiatives de promotion du travail entendent davantage impliquer… les entreprises privées. En somme, il s’agit de préparer une force de travail docile et peu chère à se mettre au service du privé.

    Limitations généralisée des droits ? Pas pour les forces de l’ordre. En plus de permettre aux policiers et aux gendarmes de porter leur arme en-dehors des heures de service, le projet introduit la possibilité, sans aucune contrainte, pour le personnel de police, de s’équiper de « dispositifs de vidéosurveillance portables adaptés à l’enregistrement de l’activité opérationnelle et de son déroulement ». Des appareils qui peuvent également être utilisés dans n’importe quel lieu où sont détenues des personnes soumises à une restriction de leur liberté personnelle.

    Ces mesures pourront être financées grâce à une autorisation de dépenses pour les années 2024, 2025 et 2026. Pour promouvoir le travail en milieu carcéral, on y fait entrer les entreprises, tandis que pour les « body cam » des agents de la Police ferroviaire, l’addition sera payée par les contribuables…

    Face à une attaque aussi massive contre les droits individuels et sociaux, s’indigner et dénoncer les « mesures fascistes » ne suffira pas. Il est nécessaire de reconstruire des organisations professionnelles, des syndicats et des partis d’opposition. Un exercice face auquel l’opposition italienne bute depuis des décennies.

    Note :

    [1] Article initialement publié par notre partenaire Jacobin Italia sous le titre « La repressione è servita »,

    https://lvsl.fr/italie-fuite-en-avant-repressive-du-gouvernement-meloni
    #Giorgia_Meloni #répression #détention #conditions_de_détention #forces_de_l'ordre #police #privatisation #espace_public #criminalisation #occupation #Piano_Casa #Maurizi_Lupi #droit_de_propriété #droit_au_logement #anti-Gandhi #emprisonnement #blocage #américanisation #système_pénitentiaire #émeutes #résistance_passive #vidéosurveillance #Etat_policier

  • Les médecins à diplômes étrangers de nouveau mobilisés
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/23/les-medecins-a-diplomes-etrangers-de-nouveau-mobilises_6560242_3224.html

    Les médecins à diplômes étrangers de nouveau mobilisés
    Par Camille Stromboni
    Publié le 23 février 2025 à 11h00
    Manifestation devant le ministère de la santé, recours en justice… Les syndicats et associations de praticiens diplômés hors de l’Union européenne – les « Padhue », selon l’acronyme en vigueur – donnent de nouveau de la voix. Jusqu’à interpeller collectivement le président de la République, Emmanuel Macron, dans un courrier envoyé jeudi 20 février. Ce sont les résultats des épreuves de vérification des connaissances (EVC) 2024, constituant le sésame pour obtenir une autorisation d’exercice pérenne, publiés le 31 janvier, qui ont rallumé la mèche. Une étape-clé dans les procédures que doivent emprunter ces médecins à diplôme étranger, exerçant sous divers statuts dans les hôpitaux français, que le chef de l’Etat s’était engagé à « régulariser », en janvier 2024. La lassitude est telle que certains de leurs représentants menacent désormais d’entamer une grève de la faim, si la situation reste bloquée.
    En 2024, 4 000 postes ont été ouverts – soit 1 300 de plus que l’année précédente – et plus de 3 800 postes ont été attribués (3 235 pour des candidats en liste principale, 638 en remontant dans les listes complémentaires). Cela représente une « augmentation de 50 % », a souligné le ministère de la santé par communiqué, le 5 février, assurant soutenir ces praticiens venant « en renfort de notre système de soins ». Pourtant, la colère ne retombe pas. Pourquoi les jurys de ces épreuves ont-ils décidé de ne pas pourvoir tous les postes affichés dans certaines spécialités, écartant des candidats ayant pourtant obtenu des notes comme 11/20, 12/20 ou même 14/20 ? « Il y a un principe d’égalité en France, s’indigne Redha Hocine Kettache, chirurgien urologue dans un hôpital du sud-est de la France et l’un des membres de l’Ipadecc, collectif qui a déposé plusieurs recours devant la justice administrative. Des jurys ont supprimé des postes alors que des candidats avaient des notes supérieures à la moyenne, et que la note éliminatoire est de 6/20. Les jurys sont souverains, mais il y a des règles. »
    « C’est un exemple de plus de l’incohérence dans le parcours des Padhue, poursuit M. Kettache. Le ministère nous demande maintenant de déclarer qu’on a échoué, et de repasser encore l’examen en 2025. Ça nous scie les jambes. » Arrivé en France en 2022, l’urologue, actuellement sous statut de « faisant fonction d’interne », à 1 600 euros net par mois, fait partie des recalés, pour la seconde fois, avec 13,25 de moyenne. « J’ai eu 15 en théorie, 11,5 en pratique. La fois précédente, j’avais obtenu 15,6 en pratique. Suis-je un moins bon praticien ? J’ai dépassé la centaine d’actes chirurgicaux au courant de l’année », ajoute-t-il.
    Saisi en référé liberté, le tribunal administratif de Paris a écarté un premier recours porté par plusieurs de ces praticiens, vendredi 21 février, les renvoyant vers le Conseil d’Etat, rapporte le docteur Abdelhalim Bensaidi, président par intérim de l’Ipadecc. « Le juge a reconnu que les principes d’égalité et d’équité n’étaient pas respectés, mais cela n’était pas de sa compétence, il nous a demandé de saisir le Conseil d’Etat, ce que nous allons faire », décrit-il.
    Dans le courrier commun envoyé au président de la République, les organisations de Padhue – Ipadecc, SOS Padhue, SNPadhue – appellent à un « processus dérogatoire urgent permettant l’intégration immédiate dans un parcours de consolidation [les deux années suivant l’obtention des EVC] de tous les Padhue exerçant sur le territoire national depuis plusieurs années, ayant assuré la continuité des soins dans nos hôpitaux et ayant obtenu une note supérieure ou égale à 10 aux EVC ». La revendication du collectif Ipadecc est, elle, plus large : que tous ceux qui exercent déjà dans les hôpitaux français – soit plusieurs milliers de médecins, selon les estimations, sans qu’aucun chiffre précis ne fasse consensus – soient régularisés « sur dossier », comme cela a été le cas au sortir de la crise sanitaire du Covid-19, par le biais d’une procédure dite « stock », désormais fermée. « Nous travaillons soixante-quinze heures par semaine, nous n’avons pas le temps de préparer un concours sur lequel il faudrait plancher toute l’année », défend le docteur Kettache.
    Au ministère de la santé, on ne souhaite pas réagir. Le ministre, Yannick Neuder, a affirmé, début février, vouloir « simplifier » la procédure en 2025, tout en promettant des « concertations » et en évoquant la création d’une « voie interne simplifiée pour les candidats exerçant déjà dans un établissement de santé en France ».
    Voilà plusieurs années que les procédures et les statuts s’enchaînent. A l’extinction des précédents statuts, prévus jusqu’à la fin de l’année 2023, le ministère a demandé, dans l’urgence, aux agences régionales de santé de délivrer des autorisations provisoires d’exercice. Le temps que le décret de la loi Valletoux, visant à améliorer l’accès aux soins et adoptée en décembre 2023, soit publié – ce qui est le cas depuis décembre 2024. Ce texte permet aux Padhue d’être encore « prolongés » grâce à une attestation de treize mois, sous le statut de « praticien associé contractuel temporaire », renouvelable une fois, le temps de passer les examens de l’année suivante.
    Sarra Souii, 33 ans, tunisienne, travaille à l’hôpital psychiatrique Roger-Prévot de Moisselles (Val-d’Oise). Elle suit une file active de 130 patients au centre médico-psychologique. Nous l’avons croisée, elle comme les autres Padhue cités, lors d’un appel à mobilisation devant le ministère de la santé, à Paris, en février. « Mon contrat se termine en juin, je n’ai aucune visibilité sur la suite », dit la jeune femme. Avec 11,45 de moyenne, elle n’a pas eu les EVC de médecine générale, le seuil ayant été fixé à 12. « C’est déprimant. Mon hôpital me soutient, mais j’ai besoin de ce concours », décrit-elle. Depuis trois ans et demi, elle a enchaîné les contrats de stagiaire associé, de praticien attaché, de praticien associé attaché… « C’est stressant ce parcours du combattant. On ne peut pas être stable, et tous les six mois, il faut repasser par la préfecture pour renouveler le titre de séjour », ajoute Sarra Souii. Si elle réfléchit régulièrement à retourner en Tunisie, où elle est inscrite à l’ordre des médecins, elle a sa « vie privée » en France, dit-elle.
    Franco-tunisien, Khaled Ben Mariem, 43 ans, est marié à une Française, avec deux enfants. Il a, lui aussi, été écarté, pour la deuxième fois cette année, avec 14,6 de moyenne en urologie, où la barre retenue par le jury est tombée à 14,7. « Il y avait 32 postes affichés, ils en ont pris 19. Pourquoi ? On ne comprend pas », interroge le médecin sous contrat de faisant fonction d’interne à l’hôpital Cochin, à Paris. « Choqué » par « l’arbitraire » de cette décision, il dénonce un « changement des règles du jeu, après le concours ». Sollicité, le centre national de gestion, chargé de l’organisation de ces épreuves, se défend de toute « irrégularité ». « Chaque jury de ce concours, dans sa spécialité, détermine sa grille de notation et sa barre d’admissibilité, selon le niveau qu’il estime être requis chez un candidat, relate Philippe Touzy, chef du département concours, autorisations d’exercice et coaching. Le fonctionnement a été conforme à la réglementation. »
    « Le président de la République a promis une réponse, mais comme l’an dernier, l’année d’avant, et celle d’avant… on reste avec des solutions alambiquées », déplore Jean-François Cibien, du syndicat Action Praticiens Hôpital, qui soutient la démarche de ces médecins, et a vu en quelques jours 150 dossiers de Padhue recalés ayant eu au moins 10/20 aux EVC lui remonter. « Ils ont la moyenne à cette évaluation de validation de leurs compétences, qui devrait leur permettre d’entrer dans le parcours de consolidation et ils en sont empêchés, alors que ces collègues exercent déjà dans nos établissements de santé, je ne comprends pas ces blocages », critique M. Cibien.
    Le docteur Thierry Godeau, à la tête des présidents de commission médicale d’établissement de centre hospitalier, s’interroge particulièrement sur le verdict du jury de médecine générale, dont l’évaluation lui semble inadaptée au regard des compétences attendues à l’hôpital. « Une évaluation est nécessaire, souligne-t-il toutefois. On parle de praticiens dont les formations peuvent être très diverses, il faut un regard extérieur. On sait que des équipes hospitalières vont être moins regardantes que d’autres, et que certains hôpitaux se servent parfois des Padhue pour maintenir des activités qui devraient fermer où être réorganisées. La qualité des soins doit être assurée. » Une réunion est prévue au ministère de la santé avec le collectif Ipadecc le 4 mars.
    Les départements les moins densément peuplés en médecins sont ceux où la proportion d’anciens « praticiens à diplôme hors Union européenne » (Padhue) est la plus importante. Tel est le constat effectué par le Conseil national de l’ordre des médecins, auprès duquel ces professionnels qui ont obtenu leur autorisation d’exercice sont inscrits, dans une enquête rendue publique le 19 février. Elle pose la loupe sur les 19 154 anciens Padhue enregistrés « au tableau » de l’instance, au 1er janvier 2025. Ces derniers représentent 8 % du corps médical en activité régulière, et exercent en majorité une activité salariée, à l’hôpital. Leur répartition sur le territoire n’est pas uniforme : surreprésentés en Ile-de-France (par exemple 30,6 % dans le Val d’Oise, 25,2 % dans l’Essonne, ou 25,1 % en Seine et Marne), ils sont 29,6 % des médecins actifs dans l’Aisne, 29,1 % en Eure-et-Loir, 23,7 % dans l’Yonne, 22,3 % dans l’Eure, 21,7 % dans le Cher, 20,1 % dans la Nièvre… Avec, selon les spécialités, des présences encore plus marquées : les anciens Padhue représentent ainsi 54,8 % des spécialistes chirurgicaux en activité régulière dans la Nièvre, 53,3 % dans l’Orne, 47,8 % dans la Meuse. Diplômés pour les trois quarts d’entre eux de cinq pays du bassin méditerranéen (Algérie, Tunisie, Syrie, Maroc, Liban), ils se trouvent plus présents dans certaines spécialités, comme la gériatrie, l’onco-hématologie, la chirurgie viscérale.

    #Covid-19#migrant#migration#france#sante#padhue#desertmedicaux#systemesante#migrationqualifiee

  • #Adèle_Haenel : « Je veux que les #enfants aient droit à une #enfance »

    Après la condamnation de #Christophe_Ruggia pour agressions sexuelles sur mineure lundi 3 février, la comédienne Adèle Haenel accorde sa première réaction à Mediapart, cinq ans après sa prise de parole qui a marqué les esprits. Elle évoque son long parcours judiciaire, la prégnance des #violences_sexuelles dans la société, et sa sortie du cinéma.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/040225/adele-haenel-je-veux-que-les-enfants-aient-droit-une-enfance
    #interview #metoo #harcèlement_sexuel #attouchement #cinéma #les_monstres_n'existent_pas #procédure_pénale #mensonges #violence #procès #endurance #justice #système_judiciaire #plainte #droits_humains #réparation #fait_social #dépolitisation #responsabilité #silence #silenciation #déni #embrouillage #cruauté #ordre #changer_le_monde #violence_patriarcal #patriarcat #viol #parole #dignité #rendre_la_vie_pour_toutes_et_tous

  • Global burn-out

    Il fallait établir ce constat : avant d’être un problème individuel, le burn-out est d’abord une #pathologie_de_civilisation. Marquée par l’accélération du temps, la soif de rentabilité, les tensions entre le dispositif technique et des humains déboussolés, la postmodernité est devenue un #piège pour certaines personnes trop dévouées à un #système dont elles cherchent en vain la #reconnaissance. Mais ce piège n’est pas une fatalité. Face aux exigences de la civilisation postmoderne, on peut se demander comment transformer l’œuvre au noir du burn-out afin qu’il devienne le théâtre d’une métamorphose, et que naisse de son expérience un être moins fidèle au système, mais en accord avec ses paysages intérieurs.

    https://www.puf.com/global-burn-out-1
    #livre #burn-out

  • Faut-il abolir le système pénal ? | France Culture
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-du-soir-le-debat/faut-il-abolir-le-systeme-penal-1706622

    Avec

    Denis Salas Magistrat et chercheur français
    Geoffroy de Lagasnerie Philosophe et sociologue français

    La France compte aujourd’hui plus de 80 000 détenus pour environ 62 000 places, un record qui illustre la crise du système carcéral. Malgré des réformes annoncées, la surpopulation et les conditions de vie en prison restent préoccupantes. Face à ce constat, le mouvement abolitionniste, théorisé notamment par des penseurs comme Michel Foucault ou Angela Davis, propose une refonte radicale de la justice. Aujourd’hui, des intellectuels comme Shaïn Morisse rappellent que la prison touche principalement les populations marginalisées et ne remplit ni un rôle dissuasif ni réhabilitatif.

    Pour ses partisans, la prison ne réduit ni la criminalité ni la récidive. Elle accentue au contraire les inégalités et s’attaque davantage aux populations précaires qu’aux véritables causes des infractions. Certains abolitionnistes plaident pour une suppression totale du système pénal, tandis que d’autres défendent un modèle de justice réparatrice, axé sur la médiation et la réinsertion plutôt que sur la sanction.

    (...)

    #Société
    #Justice
    #Prison #Système_carcéral
    #Pauvreté #Précarité
    #Inégalités_sociales

    G. de Lagasnerie parle de #punitivisme et de #séquestration_d'état

    • (...) la surpopulation et les conditions de vie en prison restent préoccupantes (...)

      Tjs cette volonté de faire comme si on était nuancé et équilibré, à la façon dont on pourrait dire que la politique de Frontex est préoccupante, quand il s’agit d’institutions dont les politiques provoquent des crimes contre l’humanité.

      Ces politiques sont des infractions aux diverses déclarations et traités relatifs aux droits humains, mais quand on est un journaliste sérieux, on se doit d’avoir un point de vue équilibré qui préserve les dominants et euphémise leurs infractions.

  • Yvan Hutin, épidémiologiste : « L’antibiorésistance est une conséquence de systèmes de santé défaillants »
    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2025/01/20/yvan-hutin-epidemiologiste-l-antibioresistance-est-une-consequence-de-system


    Yvan Hutin, au Caire, le 15 avril 2020. KHALED DESOUKI/AFP

    Le directeur de l’OMS chargé de l’#antibiorésitance dresse, dans un entretien au « Monde », le tableau global de cette crise sanitaire silencieuse appelée à devenir la première cause de mortalité au monde d’ici 2050.

    Yvan Hutin est directeur du département surveillance, prévention et contrôle de l’antibiorésistance de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Médecin, épidémiologiste, il a travaillé dans plusieurs pays de Méditerranée orientale et en Asie, dont le Pakistan.

    Comment lutter au niveau mondial contre l’antibiorésistance ?

    La résistance aux antimicrobiens est vraiment un sujet global. Mais, la situation est très contrastée. Dans les pays où les systèmes de santé sont forts, on observe moins de problèmes de résistance. La principale préoccupation concerne aujourd’hui ceux à revenu intermédiaire dont les systèmes de santé sont en pleine croissance. Alors que la lutte contre l’antibiorésistance impose de prévenir les infections, de les diagnostiquer et de les traiter, le manque de structures adéquates a des effets en chaîne. Quand la prévention des infections grâce à la vaccination, l’assainissement de la distribution d’eau et l’hygiène hospitalière est défaillante et que, de surcroît, le pays ne dispose pas de bonnes capacités de diagnostic, on traite à l’aveugle et on provoque de l’antibiorésistance.

    Quelles sont les situations les plus difficiles ?

    La typhoïde multirésistante au Pakistan, qui se diffuse dans le pays depuis 2017, est emblématique. Au départ, il y a une question de qualité de l’eau potable, qui est une cause de typhoïde, comme dans beaucoup de pays d’Asie du Sud. Mais le manque de capacités de diagnostic pour des personnes ayant de la fièvre amène les praticiens à traiter à l’aveugle avec des #antibiotiques_à_large_spectre qui conduisent à la résistance. Dans la réponse, du côté de la vaccination, les choses se sont bien passées, avec un programme à destination des enfants mis en place avec l’aide de l’Alliance mondiale pour les vaccins et l’immunisation. Mais on ne peut pas vacciner tous les adultes, et il est plus difficile d’avoir un impact sur la prise en charge. Le problème de la prévention de la typhoïde n’est pas nouveau, celui de la résistance l’est. Maintenant, on a les deux. Et le développement du secteur privé en l’absence de régulation n’arrange pas les choses.

    En quoi un #système_de_santé_privé serait-il moins efficace dans cette lutte ?

    Il contribue au problème quand il se développe en parallèle du système de santé national. Dans les pays à revenu intermédiaire, le privé n’est pas aligné sur des objectifs de #santé_publique. Selon que vous avez de l’argent ou non, vous pouvez avoir le meilleur et le pire. Le privé récupère les malades qui n’ont pas accès au système public parce qu’il est saturé. Et s’il s’agit de faire de l’argent, tout est permis. On voit même apparaître un système de santé privé informel. C’est le cas du praticien de province qui a sa petite clinique, avec une dizaine de lits pour toutes sortes de patients qui souffrent de douleurs, de fièvre, de diarrhée, etc. On leur met une perfusion avec des mélanges d’antibiotiques, de corticoïdes et de vitamine B12 qui la colore en jaune. Etrangement, cette couleur donne aux patients une impression d’efficacité. L’antibiorésistance est une conséquence de systèmes de santé défaillants.

  • #Mayotte : #histoire_coloniale, fractures sociales et désastre environnemental

    Mayotte, petite île de l’océan Indien, symbolise à elle seule la collision brutale entre histoire coloniale, fractures sociales et désastres environnementaux. Département français depuis 2011, elle est un territoire en #crise, où la #misère humaine et les #catastrophes_naturelles s’entrelacent dans une spirale infernale. Les événements récents – #séismes, #tornades, #montée_des_eaux – ne sont que la face visible d’un #effondrement plus global. Ils révèlent une #vulnérabilité accumulée sur des décennies, amplifiée par des promesses non tenues, des #inégalités criantes et une gestion déconnectée des réalités locales.

    En 1974, Mayotte se sépare des Comores à l’issue d’un référendum où les Mahorais choisissent de rester français. Ce choix, né du désir d’échapper à l’instabilité politique des Comores indépendantes, place l’île dans une situation paradoxale : elle devient un territoire français entouré de voisins économiquement fragiles. Cette appartenance à la République française, vue comme une chance à l’époque, isole Mayotte de son propre environnement géographique et culturel. Rapidement, cette singularité engendre des tensions avec les autres îles de l’archipel, notamment l’île comorienne d’#Anjouan, d’où proviennent chaque année des milliers de migrants.

    L’intégration comme département, survenue en 2011, devait marquer une nouvelle ère pour Mayotte. Les Mahorais espéraient voir leur île se développer et accéder à des droits égaux à ceux des métropolitains c’est-à-dire que s’y applique pleinement les lois françaises et européennes, à la différence d’une collectivité territoriale. Mais cette #départementalisation s’est révélée un leurre. La croissance fulgurante de la population, (76 000 habitants en 1991, 300 000 habitants en 2023), dépasse largement la capacité des #infrastructures et des #services_publics à répondre aux exigences, tout en exacerbant l’obsolescence des équipements, faute d’entretien.

    Effondrement des services publics

    L’#éducation, en particulier, est le symbole de cet #échec. Avec des classes surchargées, des enseignants en sous-effectifs et des écoles délabrées, le #système_scolaire est incapable de répondre aux besoins d’une jeunesse nombreuse et en quête d’avenir. Cet effondrement du #système_éducatif alimente un sentiment d’#abandon et de #mépris parmi les Mahorais. Ils constatent chaque jour que la promesse d’#égalité_républicaine reste une illusion.

    Les infrastructures sanitaires et sociales sont tout aussi défaillantes. Les femmes comoriennes qui bravent les flots pour accoucher à Mayotte afin que leurs enfants acquièrent la nationalité française, contribuent à une #pression_démographique croissante. Mais ces enfants, bien que nés sur le sol français, grandissent souvent dans des conditions indignes. Ils alimentent les #bidonvilles, des espaces d’#exclusion où se forment des #bandes_de_jeunes livrés à eux-mêmes, vecteurs de #violences et d’#émeutes récurrentes. À leur majorité, en vertu du #droit_du_sol, ces enfants peuvent acquérir la #nationalité_française.

    La #colère gronde dans une population qui se sent méprisée, prise en étau entre un État central distant et des besoins locaux criants. Mais ce mépris ne se limite pas aux politiques sociales : il se manifeste aussi dans la gestion de l’#environnement. Mayotte est une île en pleine #dégradation_écologique, où les bidonvilles, sans réseaux d’#assainissement, rejettent leurs #déchets dans une #mer polluée, comme j’ai pu l’étudier dans le cadre d’une mission pour l’association Littocean. La destruction des #mangroves (due à un #développement_urbain incontrôlé et au #changement_climatique) et en conséquence des #récifs_coralliens, essentiels pour limiter l’#érosion et les submersions marines, témoigne de l’incapacité à relier environnement et développement.

    Une gestion écologique devenue symbole technocratique

    À cela s’ajoute un paradoxe criant : tandis que les populations locales luttent pour survivre, des moyens considérables sont mobilisés pour protéger l’écosystème marin par le biais du #parc_naturel de Mayotte. Ce parc, destiné à préserver la #biodiversité exceptionnelle des récifs coralliens, devient un symbole d’une gestion technocratique déconnectée des réalités humaines. Les Mahorais, exclus de ce projet, perçoivent cette #conservation comme une nouvelle forme de #colonialisme : une « #colonisation_bleue » où la priorité est donnée à la #nature, administrée par l’État français, au détriment des habitants. Ce fossé entre la préservation de l’environnement et les besoins des communautés accentue le #sentiment_d’abandon et l’idée que Mayotte n’est qu’un territoire périphérique, instrumentalisé pour des objectifs extérieurs et géopolitiques, traité comme une colonie et non comme un territoire français à part entière.

    Dans ce contexte, le changement climatique agit comme un catalyseur. Il intensifie les phénomènes naturels extrêmes, tels que les cyclones ou les #sécheresses, et exacerbe les inégalités. L’élévation du niveau de la mer menace directement les habitations précaires situées sur les littoraux, tandis que les ressources en #eau, déjà insuffisantes, s’amenuisent. Les catastrophes naturelles se multiplient, mais elles ne sont pas de simples fatalités : elles frappent un territoire déjà fragilisé, où chaque événement climatique devient un désastre humain par manque de préparation.

    Un avenir impensable et tragique

    Face à cette accumulation de crises, c’est le rapport au temps qui interroge. À Mayotte, l’idée même d’un avenir semble inatteignable. Les Mahorais vivent dans un présent sans repères, où les mêmes drames – émeutes, violences, destructions – se répètent sans fin. François Hartog, dans sa réflexion sur le #présentisme, décrit cet état où le passé perd sa valeur, où le futur est inconcevable, et où seul le présent s’impose, figé dans l’#urgence et l’incapacité d’anticiper.

    Mayotte incarne cette #temporalité_brisée. L’île n’a pas de nostalgie d’un âge d’or, car son histoire est marquée par des fractures successives : colonisation, séparation des Comores, départementalisation ratée. Elle n’a pas non plus de projet d’avenir, car les conditions de vie, les inégalités et les crises structurelles la maintiennent dans un état d’urgence permanent. Ce présentisme exacerbé renforce le sentiment d’#impuissance, rendant impossible toute perspective de reconstruction ou de progrès.

    La situation actuelle de Mayotte peut être qualifiée d’#hypercriticité : un état où les #tensions_sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément, même mineur, peut précipiter un #effondrement_global.

    Ce terme désigne non seulement l’accumulation des #vulnérabilités, mais aussi l’incapacité à s’en extraire. L’hypercriticité, c’est l’impossibilité de penser au-delà de l’urgence, l’incapacité de construire des ponts entre les crises pour trouver des solutions globales. À Mayotte, cet état est visible dans chaque aspect de la vie : dans l’école qui échoue à offrir un avenir, dans les bidonvilles qui s’étendent, dans la mer qui rejette les déchets de l’île et engloutit peu à peu ses côtes, dans l’#accès_à_l’eau et à un environnement sain, dans la pression démographique et ses conséquences écologiques.

    Cette crise révèle une conjonction inédite entre deux histoires : celle, humaine, de la #globalisation, avec ses migrations, ses inégalités et ses #fractures_coloniales ; et celle, planétaire, d’une Terre abîmée par la dégradation accélérée des écosystèmes. Comme l’explique Dipesh Chakrabarty dans "Une planète, plusieurs mondes" (https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/une-planete-plusieurs-mondes), ce croisement marque une #rupture : à Mayotte, cette rencontre s’incarne dans une « planète des pauvres », où les damnés de la Terre subissent de plein fouet l’amplification de ces dynamiques destructrices. Ici, les vulnérabilités humaines et écologiques se confondent dans un cycle sans précédent, soulignant la nouveauté tragique de cette crise.

    Toutefois, l’hypercriticité peut aussi être un point de départ. Elle force à regarder en face l’ampleur des problèmes et à repenser radicalement les relations entre les hommes, leur territoire et leur futur. Si Mayotte continue sur cette voie, elle risque de devenir un archétype de l’#effondrement_insulaire, un avertissement pour d’autres territoires. Mais si elle parvient à dépasser ce présentisme, à prendre en compte l’histoire passée, à s’attaquer aux urgences présentes tout en imaginant un avenir collectif mettant en avant la #double_identité mahoraise française et comorienne pour en faire un exemple d’#hybridité_culturelle réussie, elle pourrait, paradoxalement, transformer sa fragilité en force, en inventant un modèle résilient face aux défis du XXIe siècle. Le temps, à Mayotte, n’a pas encore retrouvé son cours, mais il n’est pas trop tard pour le remettre en mouvement.

    https://theconversation.com/mayotte-histoire-coloniale-fractures-sociales-et-desastre-environne
    #Comores #colonialisme #environnement

  • « POLITIQUE » – #Abécédaire de l’Écologie Sociale
    https://ecologiesocialeetcommunalisme.org/2024/12/26/politique-abecedaire-de-lecologie-sociale

    Que seule une minorité de la population s’intéresse au politique, c’est à dire à la manière dont peut s’organiser la société dans son ensemble, au comment pourrait être atteinte une certaine harmonie du vivre ensemble sur cette terre, voilà qui n’est rien d’autre que la conséquence du détournement de ce politique vers cette falsification du […] L’article « POLITIQUE » – Abécédaire de l’Écologie Sociale est apparu en premier sur Atelier d’Écologie Sociale et Communalisme.

    #Capitalocratie #Commun #Démocratie_directe #Politiciens #Système_représentatif_

  • Étude sur la création de valeur et les #coûts_sociétaux du système alimentaire français

    Cette étude vise à analyser les rapports de force au sein du système alimentaire français et ce que celui-ci coûte à la société, qu’il s’agisse des #impacts_négatifs pris en charge par les pouvoirs publics ou des soutiens publics.

    https://lebasic.com/productions/etude-sur-la-creation-de-valeur-et-les-couts-societaux-du-systeme-alimentai

    #alimentation #santé_publique #malbouffe #France #système_alimentaire #agriculture #système_agricole #santé #environnement

    signalé par @odilon dans l’article de Alternatives économiques qui cite cette étude :
    https://www.alternatives-economiques.fr/malbouffe-un-cout-gargantuesque-finances-publiques/00113400
    https://seenthis.net/messages/1088280

  • « Les Syriens ont des craintes, mais sont heureux pour la première fois depuis des décennies »

    De la Syrie nous n’avons trop souvent que des images éparses. Celles d’un régime sanguinaire en place pendant cinq décennies, qui fut longtemps un partenaire privilégié de la France ; les images des révolutions populaires de 2011 réprimées dans le sang par l’ancien pouvoir ; la destruction des plus grandes villes du pays sous les bombes de #Bachar_al-Assad et des Russes ; les images des djihadistes de l’État islamique, ceux qui ont fomenté des attentats en France depuis la ville de Raqqa, dont le groupe terroriste avait fait sa capitale.

    Depuis une semaine, nous voyons désormais d’autres clichés, ceux d’un peuple en joie d’avoir renversé le tyran. Mais aussi les portraits des nouveaux maîtres de la Syrie, biberonnés au djihadisme, et dont nous ne savons pas quoi penser.

    Et puis il y a des images manquantes, celles de ces dizaines ou centaines de milliers de fantômes, des opposant·es, des artistes, des intellectuel·les ou des manifestant·es, embastillé·es et disparu·es : des noms sur des registres, dont les familles recherchent aujourd’hui les traces dans les sous-sols des prisons du régime.

    Qui sont les nouveaux maîtres de la Syrie ? Quel peut être l’avenir du pays dans un Moyen-Orient en plein bouleversement ? Les Syriennes et les Syriens dont les proches ont été tué·es ou torturé·es par le régime connaîtront-ils un jour la vérité ? Obtiendront-ils justice ?

    Nos invité·es :

    - Sana Yazigi, créatrice du site Mémoire créative de la révolution syrienne (https://creativememory.org), autrice de Chroniques de la révolte syrienne : des lieux et des hommes, 2011-2015 (Presses de l’Ifpo) : https://www.ifporient.org/978-2-35159-746-0 ;
    - Hanane et Obeida Dabbagh, proches de disparus syriens, qui ont obtenu la condamnation à perpétuité de trois officiels de l’ex régime syrien pour complicité de crimes contre l’humanité, en mai 2024 ;
    - Ziad Majed, politiste, enseignant à l’université américaine de Paris, auteur de Syrie, la révolution orpheline et coauteur de Dans la tête de Bachar al-Assad (éditions Actes Sud) : https://www.actes-sud.fr/dans-la-tete-de-bachar-al-assad ;
    – Gilles Dorronsoro, chercheur au Centre européen de sociologie et de science politique, coauteur de Syrie. Anatomie d’une guerre civile (éditions du CNRS) : https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/syrie

    https://www.youtube.com/watch?v=NWXnsQRUtyo


    #Syrie #peur #statues #prisons #système_carcéral #Assad #surveillance #torture #dictature #terreur #clientélisme #clan #solidarité_de_corps #Russie #Iran #atrocités #répression #disparus #renaissance #armes_chimiques #justice #purge #colère #poursuites_judiciaires #HTS #Tahrir_al-Sham #al-Julani #Abu_Mohammad_al-Julani #sanctions #Kurdes #Turquie #souveraineté #Israël #Etat_islamique #Golan #USA #Etats-Unis #influences_étrangères #auto-détermination #complexité #kurdes_syriens #fédéralisme #baasisme #constitution #élections #bases_américaines #milices_turques #libération #procès #crimes_contre_l'humanité #affaire_Dabbagh #prisons_syriennes #destruction_des_corps #arrestations #résistance #révolution_syrienne #impunité #amnistie #détention #charniers #massacres #prisons_secrètes #tortionnaires

    • Creative memory

      Mémoire Créative est un projet à but non lucratif qui vise à documenter, archiver et protéger les œuvres et les événements de l’#oubli, de la #négligence et du #déni. Il s’agit là d’un engagement effectué dans la volonté de témoigner de l’effervescence culturelle et artistique née de la révolution syrienne. Celui-ci s’effectue dans un contexte instable de guerre, de destruction et de remodelage du tissu social. Le projet vise à témoigner, en ces temps troubles, de la construction d’une mémoire de sa révolution ainsi que de la création d’un patrimoine et d’une nouvelle identité culturelle, sociale et politique.

      Toutes les œuvres sont documentées sur le site telles qu’elles sont mentionnées dans leurs sources originales, avec les auteurs respectifs et tous les détails adhérents, y compris les éventuelles erreurs linguistiques. Des liens présents sur notre site, actifs au moment de l’archivage des sources y correspondant, peuvent avoir été désactivés, et ce pour des raisons indépendantes de notre volonté. Nous ne sommes donc pas responsables des suppressions des sources, des modifications et des erreurs qui se produisent après l’archivage.

      https://creativememory.org/fr/archive
      #archive #mémoire #culture #art #caricatures #dessins_de_presse #art_et_politique

    • Chroniques de la #révolte syrienne : des lieux et des hommes, 2011-2015

      Ce livre est une invitation à explorer un pays qui, pris dans une spirale de #violence inouïe, est fragmenté au point d’être devenu étranger à lui-même. Il présente, sous forme documentaire, cinquante villes, villages, communes, banlieues et quartiers syriens qui se sont révoltés en 2011. Ces Chroniques reviennent sur le début du mouvement de révolte, ses vecteurs de mobilisation et ses dynamiques internes. Elles témoignent que le soulèvement initié en mars 2011 a généré une importante créativité et un monde d’initiatives et de projets sociétaux.

      https://www.ifporient.org/978-2-35159-746-0
      #livre #révolution

    • Syrie. Anatomie d’une #guerre_civile

      Voici la première étude sur la guerre civile syrienne faite à partir d’entretiens réalisés en Syrie même et dans les pays voisins.

      #2011 : des centaines de milliers de Syriens de toutes confessions et origines ethniques manifestent pacifiquement pour réclamer la démocratisation du régime. Au bout de quelques mois, la violence de la répression les contraint à prendre les armes et à organiser une contre-société avec des institutions embryonnaires et à regrouper des unités militaires improvisées au sein de l’Armée syrienne libre.

      Après 2013, cette logique inclusive et unanimiste cède progressivement devant la montée des groupes transnationaux comme le PKK et l’État islamique. L’insurrection se fragmente alors avec une polarisation croissante alimentée de l’extérieur. Les groupes les plus modérés sont marginalisés au profit de l’islam politique qui prend des formes de plus en plus radicales et de revendications ethno-nationales kurdes.

      Quels sont les effets de la guerre sur la société syrienne ? Quelles nouvelles hiérarchies communautaires et sociales résultent de la violence généralisée ? Comment les trajectoires sociales des Syriens pris dans la guerre sont-elles affectées ? Comment se structure l’économie de guerre alors que le pays est divisé entre le régime, l’insurrection, le PKK et l’État islamique ?

      Un livre unique qui combine une recherche de terrain – rare sur le confit syrien – et une réflexion théorique novatrice sur les situations de guerre civile.

      https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/syrie

    • Affaire Dabbagh

      L’affaire Dabbagh est une affaire criminelle concernant la disparition forcée et la mort sous la torture de #Mazzen_Dabbagh, conseiller principal d’éducation au Lycée français de Damas, et de son fils, #Patrick_Dabbagh, étudiant. Tous deux sont des citoyens franco-syriens, arrêtés à leur domicile à Damas en 2013 par les services de renseignement, victimes de disparition forcée pendant 5 années puis déclarés mort en 2018 par les autorités syriennes.

      En 2024, trois dignitaires syriens sont reconnus coupables de complicité de crime contre l’humanité par la justice française pour l’arrestation arbitraire, la torture et la privation de la vie de Mazzen et Patrick Dabbagh.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Dabbagh

  • Risques et périls : les assurances face aux #catastrophes_naturelles

    Alors que le mois d’octobre a été marqué par des inondations impressionnantes en France et en Espagne, la capacité de notre #système_d’assurance à affronter la multiplication des #sinistres pose question. Dans quelle mesure le #changement_climatique bouleverse-t-il l’écosystème assurantiel français ?

    Ces dernières années ont été marquées par une multiplication et une intensification des catastrophes naturelles en France et dans le monde, ce qui mécaniquement accroît le nombre et le montant des sinistres.

    En France, les spécificités du modèle d’#indemnisation des catastrophes naturelles, introduit en 1982 sous la présidence Mitterrand, garantit un cadre protecteur à la fois pour les assureurs et pour les assurés. Côté assureurs, le risque de défaut est minimisé grâce à l’existence de la #Caisse_Centrale_de_Réassurance (#CCR), organisme à #capitaux_publics, qui “assure les assureurs” ; côté assurés, l’obligation légale de souscrire au régime dit “#Cat-Nat” dès lors qu’un contrat d’#assurance_habitation est signé permet de garantir un taux de couverture supérieur à 95% - alors qu’il n’est que de 60% en Europe.

    Toutefois, cette intensification manifeste interroge sur la capacité des assurances à maintenir un modèle économique viable : la Caisse Centrale de Réassurance a annoncé avoir enregistré un déficit technique de 80 millions d’euros en 2023 ; dans certains pays, les #primes_d’assurances sont si élevées que les populations ne peuvent plus s’assurer. De plus, la multiplication des catastrophes naturelles dans certaines régions et le perfectionnement progressif des modèles prédictifs incite les compagnies d’assurance à se retirer du marché, ce qui pose le défi du “#protection_gap” (i.e. d’écarts de couverture entre les territoires).

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/entendez-vous-l-eco/risques-et-perils-les-assurances-face-aux-catastrophes-naturelles-992748

    #assurances #risques_climatiques
    #audio #podcast