• À Strasbourg, l’Europe intensifie discrètement le fichage des migrants

    Dans un bâtiment discret, 350 personnes travaillent à renforcer le #contrôle et le #suivi des personnes entrant dans l’#espace_Schengen. Reportage dans l’agence de l’Union européenne qui renforce le fichage des migrants.

    Dans le quartier du Neuhof à Strasbourg, un bâtiment hautement sécurisé attire l’œil. Dissimulée derrière le gymnase du Stockfeld et entourée de terrains vagues, l’#agence_européenne #eu-Lisa est protégée par deux lignes barbelées surplombées de caméras. Aux alentours du bâtiment, les agents de sécurité portent au cœur un petit drapeau bleu aux douze étoiles. Des véhicules immatriculés en France, au Luxembourg, en Belgique et en Allemagne stationnent sur le parking.

    Créée en 2011 et opérationnelle depuis 2012, l’#agence_européenne_pour_la_gestion_opérationnelle_des_systèmes_d’information à grande échelle eu-Lisa développe et fait fonctionner les #bases_de_données de l’Union européenne (UE). Ces dernières permettent d’archiver les #empreintes_digitales des demandeurs et demandeuses d’asile mais aussi les demandes de visa ou les alertes de personnes portées disparues.

    Le siège d’eu-Lisa est à Tallinn, en Estonie. Un bureau de liaison se trouve à Bruxelles et son centre opérationnel a été construit à Strasbourg. Lundi 26 février, le ministre délégué aux affaires européennes, Jean-Noël Barrot, est venu visiter l’endroit, où sont développés les nouveaux systèmes de suivi et de #filtrage des personnes migrantes et des voyageurs et voyageuses non européen·nes. Le « cœur de Schengen », selon la communication de l’agence.

    Sur les écrans de contrôle, des ingénieur·es suivent les requêtes adressées par les États membres aux différents #systèmes_d’information_opérationnels. L’un d’eux raconte que le nombre de cyberattaques subies par l’agence est colossal : 500 000 tentatives par mois environ. La quantité de données gérées est aussi impressionnante : en 2022, le système #VIS (#Visa_Information_System) a enregistré 57 millions de demandes de #visas et 52 millions d’empreintes digitales. La même année, 86,5 millions d’alertes ont été transmises au système #SIS (#Schengen_Information_System).

    Dans l’agence du Neuhof, une vingtaine de nationalités sont représentées parmi les 350 travailleurs et travailleuses. En tout, 500 mètres carrés sécurisés abritent les données confidentielles de dizaines de millions de personnes. 2 500 ordinateurs fonctionnent en permanence pour une capacité de stockage de 13 petabytes, soit 13 milliards de gigabytes. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, l’eu-Lisa répond aux demandes de données des pays membres de l’espace Schengen ou de l’Union européenne.

    Traduire la politique en #technologie

    Au-delà de la salle de réunion, impossible de photographier les murs ou l’environnement de travail. L’enclave européenne est sous haute surveillance : pour entrer, les empreintes digitales sont relevées après un passage des sacs au scanner. Un badge connecté aux empreintes permet de passer un premier sas d’entrée. Au-delà, les responsables de la sécurité suivent les visiteurs de très près, au milieu d’un environnement violet et vert parsemé de plantes de toutes formes.

    Moins de six mois avant le début des Jeux olympiques et paralympiques de Paris et deux mois après l’accord européen relatif au Pacte sur la migration et l’asile, l’agence aux 260 millions d’euros de budget en 2024 travaille à mettre en place le système de contrôle des flux de personnes le plus précis, efficace et complet de l’histoire de l’espace Schengen. Le pacte prévoit, par exemple, que la demande d’asile soit uniformisée à travers l’UE et que les « migrants illégaux » soient reconduits plus vite et plus efficacement aux frontières.

    Pour accueillir le ministre, #Agnès_Diallo, directrice de l’eu-Lisa depuis 2023, diffuse une petite vidéo en anglais dans une salle de réunion immaculée. L’ancienne cadre de l’entreprise de services numériques #Atos présente une « agence discrète » au service de la justice et des affaires intérieures européennes. À l’eu-Lisa, pas de considération politique. « Notre agence a été créée par des règlements européens et nous agissons dans ce cadre, résume-t-elle. Nous remplaçons les frontières physiques par des #frontières_numériques. Nous travaillons à laisser passer dans l’espace Schengen les migrants et voyageurs qui sont légitimes et à filtrer ceux qui le sont moins. »

    L’eu-Lisa invente, améliore et fait fonctionner les sept outils informatiques utilisés en réseau par les États membres et leurs institutions. L’agence s’assure notamment que les données sont protégées. Elle forme aussi les personnes qui utiliseront les interfaces, comme les agents de #Frontex, d’#Europol ou de la #police_aux_frontières. Au Neuhof, les personnes qui travaillent n’utilisent pas les informations qu’elles stockent.

    Fichés dès l’âge de 6 ans

    L’agence eu-Lisa héberge les empreintes digitales de 7,5 millions de demandeurs et demandeuses d’asile et « migrants illégaux » dans le système appelé Eurodac. Pour le moment, les données récoltées ne sont pas liées à l’identité de la personne ni à sa photo. Mais avec l’adoption des nouvelles règles relatives au statut de réfugié·e en Europe, Eurodac est en train d’être complètement refondé pour être opérationnel en 2026.

    La réforme décidée en décembre 2023 prévoit que les demandeurs d’asile et « migrants illégaux » devront fournir d’autres informations biométriques : en plus de leurs empreintes, leur photo, leur nom, prénom et date et lieu de naissance seront enregistrés lors de leur entrée dans Schengen. La procédure vaudra pour toute personne dès l’âge de 6 ans (contre 14 avant la réforme). Les #données qui étaient conservées pour dix-huit mois pourront l’être jusqu’à cinq ans.

    La quantité d’informations stockées va donc croître exponentiellement dès 2026. « Nous aurons énormément de données pour #tracer les mouvements des migrants irréguliers et des demandeurs d’asile », se félicite #Lorenzo_Rinaldi, l’un des cadres de l’agence venant tout droit de Tallinn. Eurodac permettra à n’importe quelle autorité policière habilitée de savoir très précisément par quel pays est arrivée une personne, ainsi que son statut administratif.

    Il sera donc impossible de demander une protection internationale dans un pays, puis de s’installer dans un autre, ou de demander une seconde fois l’asile dans un pays européen. Lorenzo Rinaldi explique : « Aujourd’hui, il nous manque la grande image des mouvements de personnes entre les États membres. On pourra identifier les tendances, recouper les données et simplifier l’#identification des personnes. »

    Pour identifier les itinéraires et contrôler les mouvements de personnes dans l’espace Schengen, l’agence travaille aussi à ce que les sept systèmes d’information fonctionnent ensemble. « Nous avions des bases de données, nous aurons désormais un système complet de gestion de ces informations », se réjouit Agnès Diallo.

    L’eu-Lisa crée donc également un système de #traçage des entrées et des sorties de l’espace Schengen, sobrement appelé #Entry-Exit_System (ou #EES). Développé à l’initiative de la France dès 2017, il remplace par une #trace_numérique le tamponnage physique des passeports par les gardes-frontières. Il permet notamment de détecter les personnes qui restent dans Schengen, après que leur visa a expiré – les #overstayers, celles qui restent trop longtemps.

    Frontières et Jeux olympiques

    « Toutes nos équipes sont mobilisées pour faire fonctionner le système EES [entrées-sorties de l’espace Schengen – ndlr] d’ici à la fin de l’année 2024 », précise Agnès Diallo. Devant le Sénat en 2023, la directrice exécutive avait assuré que l’EES ne serait pas mis en place pendant les Jeux olympiques et paralympiques si son influence était négative sur l’événement, par exemple s’il ralentissait trop le travail aux frontières.

    En France et dans onze autres pays, le système EES est testé depuis janvier 2024. L’agence estime qu’il sera prêt pour juillet 2024, comme l’affirme Lorenzo Rinaldi, chef de l’unité chargé du soutien à la direction et aux relations avec les partenaires de l’eu-Lisa : « Lorsqu’une personne non européenne arrive dans Schengen, elle devra donner à deux reprises ses #données_biométriques. Donc ça sera plus long la première fois qu’elle viendra sur le territoire, mais ses données seront conservées trois ans. Les fois suivantes, lorsque ses données seront déjà connues, le passage sera rapide. »

    Ce système est prévu pour fonctionner de concert avec un autre petit nouveau, appelé #Etias, qui devrait être opérationnel d’ici au premier semestre de 2025. Les personnes qui n’ont pas d’obligation d’avoir de visa pour entrer dans 30 pays européens devront faire une demande avant de venir pour un court séjour – comme lorsqu’un·e citoyen·ne français·e demande une autorisation électronique de voyage pour entrer aux États-Unis ou au Canada. La procédure, en ligne, sera facturée 7 euros aux voyageurs et voyageuses, et l’autorisation sera valable trois ans.

    L’eu-Lisa gère enfin le #système_d’information_Schengen (le #SIS, qui gère les alertes sur les personnes et objets recherchés ou disparus), le système d’information sur les visas (#VIS), la base de données des #casiers_judiciaires (#Ecris-TCN) et le #Codex pour la #coopération_judiciaire entre États membres.

    L’agence travaille notamment à mettre en place une communication par Internet entre ces différents systèmes. Pour Agnès Diallo, cette nouveauté permettra une coordination sans précédent des agents aux frontières et des institutions judiciaires nationales et européennes dans les 27 pays de l’espace Schengen.

    « On pourra suivre les migrants, réguliers et irréguliers », se félicite Fabienne Keller, députée européenne Renew et fervente défenseuse du Pacte sur les migrations. Pour la mise en place de tous ces outils, l’agence eu-Lisa devra former les États membres mais également les transporteurs et les voyageurs et voyageuses. L’ensemble de ces systèmes devrait être opérationnel d’ici à la fin 2026.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/050324/strasbourg-l-europe-intensifie-discretement-le-fichage-des-migrants

    #fichage #migrations #réfugiés #biométrie
    via @karine4
    ping @_kg_

  • Le #lobbying sans #frontières de #Thales
    (publié en 2021, ici pour archivage)

    Pour vendre ses systèmes de surveillance aux confins de l’Union européenne, l’entreprise use de son influence. Indirectement, discrètement, efficacement.

    Ce 23 mai 2017, au sixième étage de l’immense tour vitrée qui héberge les locaux de #Frontex à Varsovie, en Pologne, les rendez-vous sont réglés comme du papier à musique. L’agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes reçoit des industriels pour des discussions consacrées à l’utilisation de la biométrie aux confins de l’Union. Leonardo, Safran, Indra… Frontex déroule le tapis rouge aux big boss de la sécurité et de la défense. Juste après la pause-déjeuner, c’est au tour de #Gemalto, qui sera racheté deux ans plus tard par Thales (lire l’épisode 5, « Thales s’immisce dans ta face »), de déballer pendant quarante-cinq minutes ses propositions. Un document PowerPoint de 14 pages sert de support visuel. L’entreprise franco-néerlandaise y développe diverses utilisations de la reconnaissance faciale aux frontières : en collectant un selfie grâce à son téléphone avant de voyager, en plein vol dans un avion ou dans un véhicule qui roule. Oubliant de s’interroger sur la légalité et le cadre juridique de cette technologie, la présentation conclut : « La reconnaissance faciale en mouvement n’a pas été testée dans les essais de “frontières intelligentes” mais devrait. » Une manière à peine voilée de dire que Frontex devrait coupler des logiciels de reconnaissance faciale aux caméras de surveillance qui lorgnent les frontières extérieures de l’Europe, afin de mieux identifier et surveiller ceux qui tentent de pénétrer dans l’UE.

    Ce document est l’un des 138 dévoilés le 5 février dernier par les « Frontex Files », enquête diligentée par la chaîne de télévision publique allemande ZDF, en collaboration avec l’ONG européenne Corporate Europe Observatory. Ce travail lève le voile sur des réunions menées par Frontex avec 125 lobbyistes, reçus entre 2018 et 2019… ainsi que sur leur opacité, puisque 72 % d’entre elles se sont tenues très discrètement, en dehors des règles de transparence édictées par l’Union européenne.

    Depuis 2016, Frontex joue un rôle dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. Son budget atteint 544 millions en 2021

    Fondée en 2004 pour aider les pays européens à sécuriser leurs frontières, Frontex est devenue une usine à gaz de la traque des réfugiés. Depuis 2016 et un élargissement de ses fonctions, elle joue désormais un rôle dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. Alors qu’il plafonnait à 6 millions d’euros en 2005, son budget atteint 544 millions en 2021. Pour le prochain cycle budgétaire de l’UE (2021-2027), la Commission européenne a attribué une enveloppe de 12,7 milliards d’euros à la gestion des frontières et de 9,8 milliards à la migration.

    Thales et Gemalto trônent dans le top 10 des entreprises ayant eu le plus d’entretiens avec l’agence européenne : respectivement trois et quatre réunions. Mais les deux sociétés devraient être comptées comme un tout : en rachetant la seconde, la première a logiquement profité des efforts de lobbying que celle-ci avait déployés auparavant. Pour le géant français, l’enjeu des frontières est majeur, ainsi que nous le racontions précédemment (lire l’épisode 6, « Thales police les frontières »). #Murs, #clôtures, #barbelés, #radars, #drones, systèmes de reconnaissance d’#empreintes_digitales biométriques… Chaque année, les marchés attribués se comptent en millions d’euros. L’ONG Transnational Institute parle de « business de l’édification de murs », du nom d’un de ses rapports, publié en novembre 2019. Celui-ci met la lumière sur les trois entreprises qui dévorent la plus grosse part du gâteau : l’espagnole #Leonardo (ex-#Finmeccanica), #Airbus et bien sûr Thales. Un profit fruit de plus de quinze années de lobbying agressif.

    Thales avance à couvert et s’appuie sur l’#European_Organisation_for_Security, un think tank qui regroupe ses principaux alliés et concurrents

    Flash-back en 2003. Le traumatisme des attentats du 11-Septembre est encore vif. L’Union européenne aborde l’épineuse question de la sécurisation de ses frontières. Elle constitue un « groupe de personnalités », dont la mission est de définir les axes d’un futur programme de recherche européen sur la question. Au milieu des commissaires, chercheurs et représentants des institutions s’immiscent les intérêts privés de sociétés spécialisées dans la défense : Thales, Leonardo, mais aussi l’allemande #Siemens et la suédoise #Ericsson. Un an plus tard, le rapport suggère à l’UE de calquer son budget de recherche sur la sécurité sur celui des États-Unis, soit environ quatre dollars par habitant et par an, raconte la juriste Claire Rodier dans son ouvrage Xénophobie business : à quoi servent les contrôles migratoires ? (La Découverte, 2012). En euros, la somme s’élève à 1,3 milliard par an. La machine est lancée. Les lobbyistes sont dans la place ; ils ne la quitteront pas.

    Au sein du registre de transparence de l’Union européenne, Thales publie les détails de ses actions d’influence : un lobbyiste accrédité au Parlement, entre 300 000 et 400 000 euros de dépenses en 2019 et des réunions avec des commissaires et des membres de cabinets qui concernent avant tout les transports et l’aérospatial. Rien ou presque sur la sécurité. Logique. Thales, comme souvent, avance à couvert (lire l’épisode 1, « Nice, le “little brother” de Thales ») et s’appuie pour faire valoir ses positions sur l’#European_Organisation_for_Security (EOS), un think tank qui regroupe ses principaux alliés et concurrents : #Airbus, Leonardo ou les Français d’#Idemia. Bref, un lobby. L’implication de Thales dans #EOS est tout à fait naturelle : l’entreprise en est la créatrice. Un homme a longtemps été le visage de cette filiation, #Luigi_Rebuffi. Diplômé en ingénierie nucléaire à l’université polytechnique de Milan, cet Italien au crâne dégarni et aux lunettes rectangulaires doit beaucoup au géant français. Spécialisé dans la recherche et le développement au niveau européen, il devient en 2003 directeur des affaires européennes de Thales. Quatre ans plus tard, l’homme fonde EOS. Détaché par Thales, il en assure la présidence pendant dix ans avant de rejoindre son conseil d’administration de 2017 à 2019.

    Depuis, il a fondé et est devenu le secrétaire général de l’#European_Cyber_Security_Organisation (#Ecso), représentant d’influence enregistré à Bruxelles, dont fait partie #Thales_SIX_GTS France, la filiale sécurité et #systèmes_d’information du groupe. À la tête d’Ecso, on trouve #Philippe_Vannier, également président de la division #big_data et sécurité du géant français de la sécurité #Atos… dont l’ancien PDG #Thierry_Breton est depuis 2019 commissaire européen au Marché intérieur. Un jeu de chaises musicales où des cadres du privé débattent désormais des décisions publiques.

    Entre 2012 et 2016, Luigi Rebuffi préside l’European Organisation for Security… et conseille la Commission pour ses programmes de recherche en sécurité

    Luigi Rebuffi sait se placer et se montrer utile. Entre 2012 et 2016, il occupe, en parallèle de ses fonctions à l’EOS, celle de conseiller pour les programmes de recherche en sécurité de la Commission européenne, le #Security_Advisory_Group et le #Protection_and_Security_Advisory_Group. « C’est une position privilégiée, analyse Mark Akkerman, chercheur et coauteur du rapport “Le business de l’édification de murs” de l’ONG Transnational Institute. Rebuffi faisait partie de l’organe consultatif le plus influent sur les décisions de financement par l’UE de programmes de recherche et d’innovation dans le domaine de la sécurité. »

    Ce n’est donc pas un hasard si, comme le note le site European Research Ranking, qui compile les données publiées par la Commission européenne, Thales est l’un des principaux bénéficiaires des fonds européens sur la #recherche avec 637 projets menés depuis 2007. La sécurité figure en bonne place des thématiques favorites de la société du PDG #Patrice_Caine, qui marche main dans la main avec ses compères de la défense Leonardo et Airbus, avec lesquels elle a respectivement mené 48 et 109 projets.

    Entre 2008 et 2012, l’Union européenne a, par exemple, attribué une subvention de 2,6 millions d’euros à un consortium mené par Thales, dans le cadre du projet #Aspis. Son objectif ? Identifier des systèmes de #surveillance_autonome dans les #transports_publics. Des recherches menées en collaboration avec la #RATP, qui a dévoilé à Thales les recettes de ses systèmes de sécurité et les coulisses de sa première ligne entièrement automatisée, la ligne 14 du métro parisien. Un projet dont l’un des axes a été le développement de la #vidéosurveillance.

    Thales coordonne le projet #Gambas qui vise à renforcer la #sécurité_maritime et à mieux repérer les bateaux de réfugiés tentant de rejoindre l’Europe

    À la même période, Thales s’est impliqué dans le projet #Oparus, financé à hauteur de 1,19 million d’euros par la Commission européenne. À ses côtés pour penser une stratégie européenne de la surveillance terrestre et maritime par #drones, #EADS (ancien nom d’#Airbus) ou #Dassault_Aviation. Depuis le 1er janvier dernier, l’industriel français coordonne aussi le projet Gambas (1,6 million de financement), qui vise à renforcer la sécurité maritime en améliorant le système de surveillance par #radar #Galileo, développé dans le cadre d’un précédent #projet_de_recherche européen pour mieux repérer les bateaux de réfugiés tentant de rejoindre l’Europe. Une #technologie installée depuis 2018 aux frontières européennes.

    Des subventions sont rattachées aux derniers programmes de recherche et d’innovation de l’Union européenne : #PR7 (2007-13) et #Horizon_2020 (2014-20). Leur petit frère, qui court jusqu’en 2027, s’intitule, lui, #Horizon_Europe. L’une de ses ambitions : « La sécurité civile pour la société ». Alors que ce programme s’amorce, Thales place ses pions. Le 23 novembre 2020, l’entreprise s’est entretenue avec #Jean-Éric_Paquet, directeur général pour la recherche et l’innovation de la Commission européenne. Sur quels thèmes ? Ont été évoqués les programmes Horizon 2020 et Horizon Europe, et notamment « dans quelles mesures [les] actions [de la Commission] pourraient susciter l’intérêt de Thales, en vue d’un soutien renforcé aux PME mais aussi aux écosystèmes d’innovation au sein desquels les groupes industriels ont un rôle à jouer », nous a répondu par mail Jean-Éric Paquet.

    L’European Organisation for Security s’intéresse aussi directement aux frontières européennes. Un groupe de travail, coprésidé par #Peter_Smallridge, chef des ventes de la division « #borders_and_travel » de Thales et ancien de Gemalto, poursuit notamment l’ambition « d’encourager le financement et le développement de la recherche qui aboutira à une industrie européenne de la sécurité plus forte ». Entre 2014 et 2019, EOS a organisé 226 réunions pour le compte d’Airbus, Leonardo et Thales, dépensant 2,65 millions d’euros pour la seule année 2017. Le chercheur Mark Akkerman est formel : « Toutes les actions de lobbying sur les frontières passent par l’EOS et l’#AeroSpace_and_Defence_Industries_Association_of_Europe (#ASD) », l’autre hydre de l’influence européenne.

    L’AeroSpace and Defence Industries Association of Europe a particulièrement souligné la nécessité de renforcer les liens entre les politiques de sécurité européennes et l’industrie de la sécurité.
    Sonya Gospodinova, porte-parole de la Commission chargée de l’industrie de la défense

    Dans ses derniers comptes publiés, datés de 2018, EOS déclare des dépenses de lobbying en nette baisse : entre 100 000 et 200 000 euros, un peu moins que les 200 000 à 300 000 euros de l’ASD. La liste des interlocuteurs de ces structures en dit beaucoup. Le 12 février 2020, des représentants d’EOS rencontrent à Bruxelles #Despina_Spanou, cheffe de cabinet du Grec #Margarítis_Schinás, vice-président de la Commission européenne chargé des Migrations. Le 11 juin, c’est au tour de l’ASD d’échanger en visioconférence avec Despina Spanou, puis début juillet avec un autre membre du cabinet, #Vangelis_Demiris. Le monde de l’influence européenne est petit puisque le 30 juin, c’est Ecso, le nouveau bébé de Luigi Rebuffi, d’organiser une visioconférence sur la sécurité européenne avec le trio au grand complet : Margarítis Schinás, Despina Spanou et Vangelis Demiris. Pour la seule année 2020, c’est la troisième réunion menée par Ecso avec la cheffe de cabinet.

    Également commissaire chargé de la Promotion du mode de vie européen, Margarítis Schinás a notamment coordonné le rapport sur la « stratégie de l’UE sur l’union de la sécurité ». Publié le 24 juillet 2020, il fixe les priorités sécuritaires de la Commission pour la période 2020-2025. Pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé, le texte indique que « des mesures sont en cours pour renforcer la législation sur la sécurité aux frontières et une meilleure utilisation des bases de données existantes ». Des points qui étaient au cœur de la discussion entre l’ASD et son cabinet, comme l’a confirmé aux Jours Sonya Gospodinova, porte-parole de la Commission chargée de l’industrie de la défense. « Lors de cette réunion, l’ASD a particulièrement souligné la nécessité de renforcer les liens entre les politiques de sécurité européennes et l’industrie de la sécurité », confie-t-elle. Difficile d’avoir le son de cloche des lobbyistes. Loquaces quand il s’agit d’échanger avec les commissaires et les députés européens, Luigi Rebuffi, ASD, EOS et Thales n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Pas plus que l’une des autres cibles principales des lobbyistes de la sécurité, Thierry Breton. Contrairement aux Jours, l’AeroSpace and Defence Industries Association of Europe a décroché deux entretiens avec l’ancien ministre de l’Économie de Jacques Chirac en octobre dernier, pour aborder des sujets aussi vastes que le marché international de l’#aérospatiale, la #défense ou la #sécurité. À Bruxelles, Thales et ses relais d’influence sont comme à la maison.

    https://lesjours.fr/obsessions/thales-surveillance/ep7-lobbying-europe

    #complexe_militaro_industriel #surveillance_des_frontières #migrations #réfugiés #contrôles_frontaliers #lobby

    • Thales police les frontières

      De Calais à Algésiras, l’entreprise met ses technologies au service de la politique antimigratoire de l’Europe, contre de juteux contrats.

      Cette journée d’octobre, Calais ne fait pas mentir les préjugés. Le ciel est gris, le vent âpre. La pluie mitraille les vitres de la voiture de Stéphanie. La militante de Calais Research, une ONG qui travaille sur la frontière franco-anglaise, nous promène en périphérie de la ville. Un virage. Elle désigne du doigt un terrain poisseux, marécage artificiel construit afin de décourager les exilés qui veulent rejoindre la Grande-Bretagne. À proximité, des rangées de barbelés brisent l’horizon. Un frisson claustrophobe nous saisit, perdus dans ce labyrinthe de clôtures.

      La pilote de navire marchand connaît bien la région. Son collectif, qui réunit chercheurs et citoyens, effectue un travail d’archiviste. Ses membres collectent minutieusement les informations sur les dispositifs technologiques déployés à la frontière calaisienne et les entreprises qui les produisent. En 2016, ils publiaient les noms d’une quarantaine d’entreprises qui tirent profit de l’afflux de réfugiés dans la ville. Vinci, choisi en septembre 2016 pour construire un mur de 4 mètres de haut interdisant l’accès à l’autoroute depuis la jungle, y figure en bonne place. Tout comme Thales, qui apparaît dans la liste au chapitre « Technologies de frontières ».

      Thales vend son dispositif comme un outil pour protéger les employés, mais on voit bien que c’est pour empêcher les réfugiés de passer.
      Stéphanie, militante de l’ONG Calais Research

      Stéphanie stoppe sa voiture le long du trottoir, à quelques mètres de l’entrée du port de Calais. Portes tournantes et lecteurs de badges, qui permettent l’accès aux employés, ont été conçus par Thales. Le géant français a aussi déployé des dizaines de caméras le long de la clôture de 8 000 mètres qui encercle le port. « Thales vend son dispositif comme un outil pour protéger les employés, glisse Stéphanie, mais on voit bien que c’est pour empêcher les réfugiés de passer. » Le projet Calais Port 2015 – année initialement fixée pour la livraison –, une extension à 863 millions d’euros, « devrait être achevé le 5 mai 2021 », d’après Jean-Marc Puissesseau, PDG des ports de Calais-Boulogne-sur-Mer, qui n’a même pas pu nous confirmer que Thales en assure bien la sécurité, mais chiffre à 13 millions d’euros les investissements de sécurité liés au Brexit. Difficile d’en savoir plus sur ce port 2.0 : ni Thales ni la ville de Calais n’ont souhaité nous répondre.

      Les technologies sécuritaires de Thales ne se cantonnent pas au port. Depuis la mise en place du Brexit, la société Eurotunnel, qui gère le tunnel sous la Manche, a mis à disposition de la police aux frontières les sas « Parafe » (« passage automatisé rapide aux frontières extérieures ») utilisant la reconnaissance faciale du même nom, conçus par Thales. Là encore, ni Eurotunnel ni la préfecture du Pas-de-Calais n’ont souhaité commenter. L’entreprise française fournit aussi l’armée britannique qui, le 2 septembre 2020, utilisait pour la première fois le drone Watchkeeper produit par Thales. « Nous restons pleinement déterminés à soutenir le ministère de l’Intérieur britannique alors qu’il s’attaque au nombre croissant de petits bateaux traversant la Manche », se félicite alors l’armée britannique dans un communiqué. Pour concevoir ce drone, initialement déployé en Afghanistan, Thales a mis de côté son vernis éthique. Le champion français s’est associé à Elbit, entreprise israélienne connue pour son aéronef de guerre Hermes. En 2018, The Intercept révélait que ce modèle avait été utilisé pour bombarder Gaza, tuant quatre enfants. Si le patron de Thales, Patrice Caine, appelait en 2019 à interdire les robots tueurs, il n’éprouve aucun état d’âme à collaborer avec une entreprise qui en construit.

      Du Rafale à la grande mosquée de la Mecque, Thales s’immisce partout mais reste invisible. L’entreprise cultive la même discrétion aux frontières européennes

      À Calais comme ailleurs, un détail frappe quand on enquête sur Thales. L’entreprise entretient une présence fantôme. Elle s’immisce partout, mais ses six lettres restent invisibles. Elles ne figurent ni sur la carlingue du Rafale dont elle fournit l’électronique, ni sur les caméras de vidéosurveillance qui lorgnent sur la grande mosquée de la Mecque ni les produits informatiques qui assurent la cybersécurité du ministère des Armées. Très loquace sur l’efficacité de sa « Safe City » mexicaine (lire l’épisode 3, « Thales se prend un coup de chaud sous le soleil de Mexico ») ou les bienfaits potentiels de la reconnaissance faciale (lire l’épisode 5, « Thales s’immisce dans ta face »), Thales cultive la même discrétion sur son implication aux frontières européennes. Sur son site francophone, une page internet laconique mentionne l’utilisation par l’armée française de 210 mini-drones Spy Ranger et l’acquisition par la Guardia civil espagnole de caméras Gecko, œil numérique à vision thermique capable d’identifier un bateau à plus de 25 kilomètres. Circulez, il n’y a rien à voir !

      La branche espagnole du groupe est plus bavarde. Un communiqué publié par la filiale ibérique nous apprend que ces caméras seront installées sur des 4x4 de la Guardia civil « pour renforcer la surveillance des côtes et des frontières ». Une simple recherche sur le registre des appels d’offres espagnols nous a permis de retracer le lieu de déploiement de ces dispositifs. La Guardia civil de Melilla, enclave espagnole au Maroc, s’est vue attribuer une caméra thermique, tout comme celle d’Algésiras, ville côtière située à quelques kilomètres de Gibraltar, qui a reçu en complément un logiciel pour contrôler les images depuis son centre de commandement. Dans un autre appel d’offres daté de novembre 2015, la Guardia civil d’Algésiras obtient un des deux lots de caméras thermiques mobiles intégrées directement à un 4x4. Le second revient à la police des Baléares. Montant total de ces marchés : 1,5 million d’euros. Des gadgets estampillés Thales destinés au « Servicio fiscal » de la Guardia civil, une unité dont l’un des rôles principaux est d’assurer la sécurité aux frontières.

      Thales n’a pas attendu 2015 pour vendre ses produits de surveillance en Espagne. D’autres marchés publics de 2014 font mention de l’acquisition par la Guardia civil de Ceuta et Melilla de trois caméras thermiques portables, ainsi que de deux systèmes de surveillance avec caméras thermiques et de quatre caméras thermiques à Cadix et aux Baléares. La gendarmerie espagnole a également obtenu plusieurs caméras thalesiennes « Sophie ». Initialement à usage militaire, ces jumelles thermiques à vision nocturne, dont la portée atteint jusqu’à 5 kilomètres, ont délaissé les champs de bataille et servent désormais à traquer les exilés qui tentent de rejoindre l’Europe. Dans une enquête publiée en juillet dernier, Por Causa, média spécialisé dans les migrations, a analysé plus de 1 600 contrats liant l’État espagnol à des entreprises pour le contrôle des frontières, dont onze attribués à Thales, pour la somme de 3,8 millions d’euros.

      Algésiras héberge le port le plus important du sud de l’Espagne, c’est depuis des années l’une des portes d’entrées des migrants en Europe.
      Salva Carnicero, journaliste à « Por Causa »

      Le choix des villes n’est bien sûr pas anodin. « Algésiras héberge le port le plus important du sud de l’Espagne, c’est depuis des années l’une des portes d’entrées des migrants en Europe », analyse Salva Carnicero, qui travaille pour Por Causa. Dès 2003, la ville andalouse était équipée d’un dispositif de surveillance européen unique lancé par le gouvernement espagnol pour contrôler sa frontière sud, le Système intégré de surveillance extérieure (SIVE). Caméras thermiques, infrarouges, radars : les côtes ont été mises sous surveillance pour identifier la moindre embarcation à plusieurs dizaines de kilomètres. La gestion de ce système a été attribuée à l’entreprise espagnole Amper, qui continue à en assurer la maintenance et a remporté plusieurs appels d’offres en 2017 pour le déployer à Murcie, Alicante et Valence. Une entreprise que Thales connaît bien, puisqu’elle a acquis en 2014 l’une des branches d’Amper, spécialisée dans la création de systèmes de communication sécurisés pour le secteur de la défense.

      Ceuta et Melilla, villes autonomes espagnoles ayant une frontière directe avec le Maroc, sont considérées comme deux des frontières européennes les plus actives. En plus des caméras thermiques, Thales Espagne y a débuté en septembre 2019, en partenariat avec l’entreprise de sécurité suédoise Gunnebo, l’un des projets de reconnaissance faciale les plus ambitieux au monde. Le logiciel thalesien Live Face Identification System (LFIS) est en effet couplé à 35 caméras disposées aux postes-frontières avec l’Espagne. L’objectif : « Surveiller les personnes entrant et sortant des postes-frontières », et permettre « la mise en place de listes noires lors du contrôle aux frontières », dévoile Gunnebo, qui prédit 40 000 lectures de visages par jour à Ceuta et 85 000 à Melilla. Une technologie de plus qui complète l’immense clôture qui tranche la frontière. « Les deux vont de pair, le concept même de barrière frontalière implique la présence d’un checkpoint pour contrôler les passages », analyse le géographe Stéphane Rosière, spécialisé dans la géopolitique et les frontières.

      Chercheur pour Stop Wapenhandel, association néerlandaise qui milite contre le commerce des armes, Mark Akkerman travaille depuis des années sur la militarisation des frontières. Ses rapports « Border Wars » font figure de référence et mettent en exergue le profit que tirent les industriels de la défense, dont Thales, de la crise migratoire. Un des documents explique qu’à l’été 2015, le gouvernement néerlandais a accordé une licence d’exportation de 34 millions d’euros à Thales Nederland pour des radars et des systèmes C3. Leur destination ? L’Égypte, un pays qui viole régulièrement les droits de l’homme. Pour justifier la licence d’exportation accordée à Thales, le gouvernement néerlandais a évoqué « le rôle que la marine égyptienne joue dans l’arrêt de l’immigration “illégale” vers Europe ».

      De l’Australie aux pays du Golfe, l’ambition de Thales dépasse les frontières européennes

      L’ambition de Thales dépasse l’Europe. L’entreprise veut surveiller aux quatre coins du monde. Les drones Fulmar aident depuis 2016 la Malaisie à faire de la surveillance maritime et les caméras Gecko – encore elles –, lorgnent sur les eaux qui baignent la Jamaïque depuis 2019. En Australie, Thales a travaillé pendant plusieurs années avec l’entreprise publique Ocius, aidée par l’université New South Wales de Sydney, sur le développement de Bluebottle, un bateau autonome équipé d’un radar dont le but est de surveiller l’espace maritime. Au mois d’octobre, le ministère de l’industrie et de la défense australien a octroyé à Thales Australia une subvention de 3,8 millions de dollars pour développer son capteur sous-marin Blue Sentry.

      Une tactique rodée pour Thales qui, depuis une quinzaine d’années, profite des financements européens pour ses projets aux frontières. « L’un des marchés-clés pour ces acteurs sont les pays du Golfe, très riches, qui dépensent énormément dans la sécurité et qui ont parfois des problèmes d’instabilité. L’Arabie saoudite a barriérisé sa frontière avec l’Irak en pleine guerre civile », illustre Stéphane Rosière. En 2009, le royaume saoudien a confié la surveillance électronique de ses 8 000 kilomètres de frontières à EADS, aujourd’hui Airbus. Un marché estimé entre 1,6 milliard et 2,5 milliards d’euros, l’un des plus importants de l’histoire de la sécurité des frontières, dont l’attribution à EADS a été vécue comme un camouflet par Thales.

      Car l’entreprise dirigée par Patrice Caine entretient une influence historique dans le Golfe. Présent aux Émirats Arabes unis depuis 45 ans, l’industriel y emploie 550 personnes, principalement à Abu Dhabi et à Dubaï, où l’entreprise française est chargée de la sécurité d’un des plus grands aéroports du monde. Elle y a notamment installé 2 000 caméras de vidéosurveillance et 1 200 portillons de contrôle d’accès.

      Au Qatar, où elle comptait, en 2017, 310 employés, Thales équipe l’armée depuis plus de trois décennies. Depuis 2014, elle surveille le port de Doha et donc la frontière maritime, utilisant pour cela des systèmes détectant les intrusions et un imposant dispositif de vidéosurveillance. Impossible de quitter le Qatar par la voie des airs sans avoir à faire à Thales : l’entreprise sécurise aussi l’aéroport international d’Hamad avec, entre autres, un dispositif tentaculaire de 13 000 caméras, trois fois plus que pour l’intégralité de la ville de Nice, l’un de ses terrains de jeu favoris (lire l’épisode 1, « Nice, le “little brother” de Thales »).

      La prochaine grande échéance est la Coupe du monde de football de 2022, qui doit se tenir au Qatar et s’annonce comme l’une des plus sécurisées de l’histoire. Thales participe dans ce cadre à la construction et à la sécurisation du premier métro qatari, à Doha : 241 kilomètres, dont 123 souterrains, et 106 stations. Et combien de milliers de caméras de vidéosurveillance ?

      https://lesjours.fr/obsessions/thales-surveillance/ep6-frontieres-europe

  • [Les Promesses de l’Aube] #nourrir #bruxelles
    https://www.radiopanik.org/emissions/les-promesses-de-l-aube/nourrir-bruxelles

    Ce mercredi matin, on parlera du #festival Nourrir Bruxelles, qui aura lieu du 12 au 18 juin partout à BXL.

    On abordera les thématiques mises en avant par le festival et les différentes activités prévues au programme avec Alexis Garcia, du collectif Arsenic, et cheville ouvrière du Festival.

    Le festival Nourrir Bruxelles remet au coeur des préoccupations citoyennes la nécessité d’une #alimentation durable, accessible à toutes et tous et produite dans le respect de l’environnement et des travailleur.se.s de la terre.

    Nourrir Bruxelles vise à donner un coup de projecteur et à renforcer les initiatives en faveur de #systèmes_alimentaires agro-écologiques et solidaires en région bruxelloise. Le Festival rassemble des dizaines de partenaires associatifs, culturels, universitaires, politiques et citoyens qui (...)

    #résistance #résistance,bruxelles,festival,alimentation,systèmes_alimentaires,nourrir
    https://www.radiopanik.org/media/sounds/les-promesses-de-l-aube/nourrir-bruxelles_16015__1.mp3

  • Pendant ce temps-là, les puissances occidentales mettent en ordre de bataille les esprits et transforment à vitesse accélérée leurs économies en «  économies de guerre  »

    Contre la guerre en Ukraine et sa généralisation
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2023/02/25/contre-la-guerre-en-ukraine-et-sa-generalisation_521781.html

    Poutine, qui nie jusqu’à l’existence d’une nation ukrainienne, aura, par son sanglant mépris des peuples, contribué à ce que s’affirme le sentiment d’appartenir à l’Ukraine, alors qu’il peinait à prendre corps malgré les efforts du pouvoir et des nationalistes.

    L’échec relatif de Poutine résulte, entend-on souvent, de la mobilisation d’un peuple dressé pour défendre sa patrie, rien de tel ne motivant les soldats russes. Certes. Mais ce n’est qu’une partie de la réalité. Si l’Ukraine a tenu bon, malgré une industrie et une armée a priori moins fortes que celles du Kremlin, elle le doit avant tout à la trentaine de membres de l’OTAN, dont les États-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France, qui l’ont armée, financée et soutenue de bien des façons. Et ils ne cessent de surenchérir en ce domaine, tel Biden encore le 20 février à Kiev.

    Quand les pays de l’OTAN livrent à l’Ukraine des armements de plus en plus sophistiqués, de plus en plus efficaces, ils poursuivent un objectif immédiat proclamé  : éviter la défaite de l’Ukraine et faire durer la guerre afin d’affaiblir la Russie, et si possible la mettre à genoux.

    Cela pour montrer au monde entier ce qu’il en coûte de ne pas s’incliner devant l’ordre impérialiste. Les propos de Biden à Varsovie  : «  L’Ukraine ne sera jamais une victoire pour la Russie  », son refus affiché de toute négociation avec Poutine, le fait que les dirigeants occidentaux ont tous adopté la même posture et le même langage ces derniers temps, tout cela va dans le même sens.

    Le conflit en cours n’est pas la principale raison d’une escalade que l’Occident mène tambour battant. Il fait aussi office de toile de fond pour une mise en ordre de bataille des esprits, ne serait-ce que par la banalisation d’une guerre qui s’installe pour durer, dans une Europe qui n’en avait plus connu depuis 1945, exception faite des bombardements de la Serbie par l’OTAN, il y a un quart de siècle.

    Une mise sur le pied de guerre qui vaut aussi pour les économies de chaque pays, dans un monde capitaliste qui s’enfonce dans la crise sans que ses dirigeants y voient d’issue. Certes, les dirigeants du monde capitaliste n’ont pas encore choisi la fuite en avant vers une conflagration généralisée, comme celle qui conduisit à la Première et à la Deuxième Guerre mondiale, mais rien ne garantit que le conflit ukrainien ne risque pas, à tout moment, de précipiter l’humanité dans une nouvelle guerre mondiale.

    Le conflit en Ukraine sert déjà de terrain d’entraînement aux États impérialistes pour préparer l’éventualité d’un affrontement dit de haute intensité, que les états-majors militaires et politiques envisagent explicitement. Il sert aussi aux chefs de file de l’impérialisme à renforcer des blocs d’États alliés, avec leurs réseaux de bases sur le pourtour de la Russie et de la Chine.

    sommant les autres États de se rallier à ces alliances militaires et d’adopter des trains de sanctions contre la Russie, même quand cela va à l’encontre de leurs intérêts et de ceux, sonnants et trébuchants, de leurs capitalistes. On le constate pour l’arrêt des importations de gaz et de pétrole russes, l’interdiction de commercer avec la Russie, d’y maintenir des activités industrielles, ce qui pénalise des pays européens, dont l’Allemagne et la France, mais profite aux États-Unis.

    Si un fait nouveau, capital pour l’avenir de l’humanité, s’est fait jour au feu de cette guerre, c’est l’évolution rapide de la situation mondiale dans le sens de sa #militarisation.

    Poutine a répondu de façon monstrueuse à la pression continue de l’impérialisme en Europe de l’Est en lançant ses missiles et ses tanks sur l’Ukraine le 24 février 2022. Mais c’est l’impérialisme qui s’est préparé depuis longtemps à aller à la confrontation.

    ... à plonger tôt ou tard l’Ukraine dans la guerre, donc à faire de ses habitants les otages d’une rivalité qui les dépasse, car elle oppose le camp mené par les États-Unis à la Russie, avec son dictateur, ses bureaucrates et ses oligarques pillards. D’un côté ou de l’autre, il n’y a nulle place pour le droit des peuples à décider de leur destinée, même si on veut nous le faire croire.

    L’ex-chancelière Angela Merkel n’en croit rien. Elle le dit dans une interview où elle revient sur la crise qui s’ouvrit en février 2014, quand le président ukrainien d’alors, contesté par la rue et surtout lâché par des secteurs de la bureaucratie et de l’oligarchie, dut s’enfuir. Le pouvoir issu du #Maïdan s’alignant sur les États-Unis, Poutine récupéra alors la #Crimée et poussa le Donbass à faire sécession. Les accords de Minsk, que Merkel parrainait avec Hollande et auxquels avaient souscrit Moscou et Kiev, devaient régler pacifiquement le différend, prétendait-elle à l’époque. Elle avoue désormais qu’il s’agissait d’un leurre. «  Poutine, explique-t-elle, aurait [alors] pu facilement gagner. Et je doute fortement que l’OTAN aurait eu la capacité d’aider l’Ukraine comme elle le fait aujourd’hui. […] Il était évident pour nous tous que le conflit allait être gelé, que le problème n’était pas réglé, mais cela a justement donné un temps précieux à l’Ukraine.  » Et à l’OTAN pour préparer l’affrontement avec Moscou.

    Le conflit couvait depuis l’effondrement de l’#URSS en 1991. Dès ce moment-là, États-Unis et Union européenne furent à la manœuvre pour aspirer l’Europe de l’Est dans l’orbite de l’OTAN. Des conseillers de la Maison-Blanche expliquaient qu’il fallait détacher l’Ukraine de la Russie, pour que celle-ci n’ait plus les moyens de redevenir une grande puissance.

    Or, après les années Eltsine (1991-1999), d’effondrement économique, d’éclatement de l’État et de vassalisation humiliante du pays par l’Occident, Poutine et la bureaucratie russe voulaient restaurer la #Grande_Russie.

    Une première tentative de l’Occident pour aspirer l’Ukraine eut lieu en 2004 sous l’égide du tandem ­Iouchtchenko­-­Timochenko, tombeur du pro-russe Ianoukovitch. Elle tourna court, la population, dégoûtée, finissant par rappeler Ianoukovitch. Elle allait le chasser à nouveau en 2014. Cette fois fut la bonne pour le camp occidental et signifiait la guerre  : dans le #Donbass, que l’armée de Kiev et des troupes d’extrême droite disputaient aux séparatistes, elle fit 18 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés. Huit ans plus tard, tout le pays bascula dans l’horreur.

    Les dirigeants américains et européens savaient que Moscou ne pouvait accepter une Ukraine devenue la base avancée de l’OTAN. Ils savaient quels risques mortels leur politique impliquait pour les Ukrainiens, et pour la jeunesse russe que Poutine enverrait tuer et se faire tuer. Cette guerre, l’OTAN l’avait rendue inéluctable depuis 2014, en armant, entraînant, conseillant l’#armée_ukrainienne et les troupes des nationalistes fascisants.

    Les dirigeants occidentaux n’en avaient cure, car faire la guerre avec la peau des peuples est une constante de la politique des puissances coloniales, puis impérialistes. On le vérifie encore une fois dans le sang et la boue des tranchées en #Ukraine, dans les ruines des HLM de #Kharkiv, #Kherson ou #Donetsk que les missiles des uns ou des autres ont fait s’effondrer sur leurs habitants. N’en déplaise aux médias d’ici qui ressassent la fable d’un conflit soudain opposant le petit David ukrainien isolé et désarmé qu’agresserait sans raison le grand méchant Goliath russe.

    À l’occasion du premier l’anniversaire de l’invasion de l’Ukraine, on a eu droit au rouleau compresseur d’une #propagande sans fard dans les #médias. Il y aurait le camp du Mal (la Russie, l’Iran et surtout la Chine), face au camp du Bien, celui des puissances qui, dominant la planète, y garantissent la pérennité du système d’exploitation capitaliste au nom de la démocratie ou de la sauvegarde de pays comme l’Ukraine, dès lors qu’ils leur font allégeance.

    Cette propagande massive vise à s’assurer que l’opinion publique adhère sans réserve à ce qu’on lui présente comme la défense d’un peuple agressé, en fait, à la guerre que mènent les grandes puissances par Ukrainiens interposés. Car, au-delà de ce qu’il adviendra de la Russie et du régime de Poutine – une des préoccupations contradictoires des États impérialistes, qui disent vouloir la victoire de Kiev tout en craignant qu’une défaite de Poutine déstabilise de façon incontrôlable la Russie et son «  étranger proche  » – ces mêmes États visent un objectif au moins aussi important pour eux. Ils veulent enchaîner à leur char de guerre leur propre population, dans le cadre ukrainien, tout en ayant en vue des conflits plus larges à venir.

    En fait, le conflit ukrainien a tout du prologue d’un affrontement plus ou moins généralisé, dont politiques, généraux et commentateurs désignent déjà la cible principale  : la Chine. Ainsi, Les Échos du 15 février a mis à sa une un article qui titrait  : «  Pour l’Amérique, la Chine redevient l’ennemi numéro un  », après que «  la guerre en Ukraine [avait un temps détourné son attention] de la confrontation  » avec la Chine.

    Déjà, les steppes, les villes et le ciel d’Ukraine servent autant aux états-majors et industriels occidentaux à affronter la #Russie, par soldats ukrainiens interposés, qu’à tester sur le vif leurs #blindés, pièces d’#artillerie, #systèmes_de_commandement, de communication, d’interception, de renseignement, et à en tirer les leçons voulues. Ils y voient aussi une aubaine pour se débarrasser de #munitions et d’engins plus ou moins anciens que les combats vont consommer . Conséquence favorable pour eux, cela justifie l’escalade des livraisons d’armes et, de ce fait, l’explosion des #budgets_militaires afin de doper les #industries_de_guerre.

    Cette conjoncture permet à des États d’engranger des commandes, parfois énormes, de pays dépendants de protecteurs plus puissants et des leaders des marchés de l’#armement.

    Ainsi, Varsovie a envisagé de donner à Kiev des vieux Mig-29 de conception soviétique pour les remplacer par des F-16 américains, et promis de lui livrer d’anciens chars Leopard, qu’elle remplacera par de nouveaux modèles. Évidemment, cela ne fait l’affaire ni de Dassault ni du char Leclerc français qui peine à trouver preneur. C’est que, même alliés au sein de l’OTAN, voire soucieux d’afficher leur unité, comme Biden l’a souligné lors de la promesse que lui et Scholtz ont voulue simultanée de livrer des tanks à Kiev, les États impérialistes restent rivaux sur ce terrain, comme sur d’autres. Les États-Unis se réservent la part du lion, avec des commandes d’armement qui ont doublé en 2022, à la mesure de leur puissance industrielle, de leur suprématie militaire… et des guerres à venir.

    Ces commandes d’armes pour l’Ukraine, qui s’ajoutent à celles que l’on dit destinées à remettre à niveau chaque armée occidentale, servent autant à tenir la dragée haute à #Poutine qu’à transformer à vitesse accélérée les #économies occidentales en «  #économies_de_guerre  », selon les termes même du programme que se sont fixé les ministres de la Défense des pays de l’#OTAN, lors de leur sommet des 14-15 février à Bruxelles. Depuis des mois, les dirigeants politiques occidentaux et plus encore les chefs de leurs armées discutent publiquement et concrètement d’une guerre généralisée qu’ils savent s’approcher. Ainsi, à Brest, l’#amiral_Vandier, chef d’état-major de la Marine, a lancé à la nouvelle promotion d’élèves-­officiers  : «  Vous entrez dans une Marine qui va probablement connaître le feu à la mer.  » Certains avancent même une date pour cela, tel le général Minihan, chef des opérations aériennes aux #États-Unis  : «  J’espère me tromper, mais mon intuition me dit que nous nous affronterons en 2025  » avec la #Chine.

    Ukraine  : un effroyable bilan humain, social et économique

    En attendant, la guerre en Ukraine a déjà tué ou blessé 180 000 militaires russes, à peine moins de soldats ukrainiens, et tué plus de 30 000 civils, estime le chef de l’armée norvégienne, membre de l’OTAN. 7,5 millions d’Ukrainiens ont trouvé refuge en Pologne, Slovaquie, Autriche, etc., et en Russie. Parmi eux se trouvent une écrasante majorité de femmes et d’enfants, car les hommes de 18 à 60 ans, mobilisables, ont l’interdiction de quitter le territoire. Il y a aussi plusieurs millions de déplacés dans le pays même.

    De nombreuses villes, grandes ou petites, ont été bombardées, parfois rasées, les infrastructures énergétiques partout frappées, ce qui a plongé la population dans l’obscurité et le froid. Le montant des destructions de routes, ponts, voies ferrées, ports, aéroports, entreprises, écoles, hôpitaux, logements… atteignait 326 milliards de dollars, selon ce qu’estimait le Premier ministre en septembre dernier. Ce montant, déjà colossal, n’a pu que croître depuis, ne serait-ce que parce qu’il s’accompagne d’énormes détournements qu’ont effectués et que vont effectuer ministres, généraux, bureaucrates et oligarques ukrainiens.

    Zelensky a reconnu la corruption de l’appareil d’État jusqu’au sommet quand il a limogé une partie de son gouvernement, dont les ministres de la Défense et de la Reconstruction, et plusieurs très hauts dirigeants. Cela ne change rien à la nature d’un État qui, source principale des nantis comme en Russie, est l’un des plus corrompus au monde  : plus que l’État russe, dit-on, ce qui n’est pas rien. En fait, Zelensky n’avait pas le choix  : une commission américaine de haut niveau avait débarqué à Kiev pour vérifier ce que devenait l’aide colossale fournie par l’oncle d’Amérique. Après tout, même si l’État américain est richissime, il a aussi ses bonnes œuvres (industriels de l’armement, financiers, capitalistes de haut vol) et ne veut pas qu’une trop grosse part des profits de guerre file dans poches des bureaucrates, oligarques et maffieux ukrainiens.

    Et puis, au moment même où l’Occident annonçait fournir des tanks à l’État ukrainien, il ne s’agissait pas que le régime apparaisse pour ce qu’il est  : celui de bandits prospérant sur le dos de la population. Cela s’adressait moins à l’opinion occidentale, qui ne connaît de la situation que ce qu’en disent les médias, qu’à la population ukrainienne.

    Victime des bombardements et exactions de l’armée russe, elle se rend compte qu’elle est aussi la victime des parasites de la haute bureaucratie, des ministres véreux ou des généraux voleurs. Et l’union sacrée n’a pas fait disparaître les passe-droits qui permettent aux nantis de profiter en paix de leur fortune à l’étranger, tandis que leurs sbires de la police raflent les hommes, valides ou pas, pour le front. Les résistances que cela provoque ici ou là n’ont rien pour étonner dans un tel contexte, d’autant que, si l’armée a d’abord pu compter sur des volontaires, ceux qu’elle mobilise maintenant n’en font, par définition, pas partie.

    Tout à leurs commentaires dithyrambiques sur un régime censé incarner la démocratie et l’unité d’un peuple derrière ses dirigeants, les médias français préfèrent tirer un voile pudique sur des faits qui pourraient gâcher leur tableau mensonger.

    [...] Le régime de la bureaucratie russe et de ses oligarques milliardaires, lui-même bien mal en point socialement et économiquement, corrompu, policier et antiouvrier, ne peut représenter aucun avenir pour la population ukrainienne, même russophone.

    Quant au régime qu’incarne Zelensky, ce chargé de pouvoir des grandes puissances et de leurs trusts qui lorgnent sur les richesses agricoles et minières de l’Ukraine ainsi que sur sa main-d’œuvre qualifiée, afin de l’exploiter avec des salaires misérables , ce qui a commencé dès 2014, le conflit lui a sans doute sauvé la mise, au moins dans un premier temps. Comme dans toute guerre, la population s’est retrouvée bon gré mal gré derrière un pouvoir qui se faisait fort de la défendre. Mais gageons que de larges pans des classes populaires n’ont pas oublié pour autant ce qu’avait fini par leur inspirer cet acteur devenu président, qui avait joué au «  serviteur du peuple  » pour mieux préserver les intérêts des nantis.

    S’affrontant sur le terrain par peuples interposés, les dirigeants occidentaux, représentants d’une bourgeoisie impérialiste qui domine le monde, les dirigeants russes, représentants des parasites qui exploitent les travailleurs de Russie, les dirigeants ukrainiens, représentants de leurs oligarques autant que des trusts occidentaux, sont tous des ennemis des classes populaires, de la classe ouvrière.

    Et les travailleurs, où qu’ils se trouvent, quelle que soit leur nationalité, leur langue ou leur origine, n’ont aucune solidarité à avoir, sous quelque prétexte que ce soit, avec «  l’ennemi principal qui est toujours dans notre propre pays  », comme disait le révolutionnaire allemand Karl Liebknecht en 1916, en pleine Première Guerre mondiale.

    Partout, la marche à une économie de guerre

    Le 6 février, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU [...] : «   Le monde se dirige les yeux grand ouverts [vers] une guerre plus large .  »

    On vient d’en avoir la confirmation au sommet des ministres de la Défense des membres de l’OTAN. Il leur a été demandé, selon Les Échos, «  de passer en #économie_de_guerre  », de relancer et activer la #production_d’armements, et d’abord d’#obus, de #chars et de pièces d’artillerie, pour faire face à «  une #guerre_d’usure  » en Ukraine. Et de préciser que si, il y a dix ans, les États-Unis demandaient à leurs alliés de monter leurs #dépenses_militaires à 2 % de leur produit intérieur brut, ce chiffre est désormais considéré comme un plancher que beaucoup ont dépassé. La conférence sur la sécurité en Europe qui a suivi, à Munich, a réuni la plupart des dirigeants européens et mondiaux pour aller dans le même sens.

    C’est ce qu’ils font en cherchant à persuader leur population de l’inéluctabilité de la guerre  ; en lui désignant comme ennemis certains pays, au premier rang desquels la Russie et la Chine  ; en déployant une propagande insidieuse mais permanente dans les médias autour de thèmes guerriers  ; en mettant l’accent sur la préparation de la #jeunesse à servir «  sa  » nation, à la défendre, sans jamais dire qu’il s’agira de la transformer en #chair_à_canon pour les intérêts des classes possédantes. Le gouvernement français s’en charge avec son #Service_national_universel, qui vise à apprendre à des jeunes à marcher au pas, avec des reportages télévisés plus ou moins suscités sur le service à bord de navires de guerre, sur des régions sinistrées (Saint-Étienne) où la reprise de la production d’armes ferait reculer le chômage. Le nouveau ministre allemand de la Défense se situe sur le même terrain, lui qui veut rétablir le service militaire et faire de la Bundeswehr la première armée du continent grâce aux 100 milliards de hausse de son #budget.

    En juin dernier, Macron avait annoncé la couleur avec son plan Économie de guerre doté par l’État de 413 milliards sur sept ans. Il fallait «  aller plus vite, réfléchir différemment sur les rythmes, les montées en charge, les marges, pour pouvoir reconstituer plus rapidement ce qui est indispensable pour nos #armées, pour nos alliés ou pour celles [comme en Ukraine] que nous voulons aider  ». Et, s’adressant aux dirigeants de l’organisme qui regroupe les 4 000 entreprises du secteur militaire, il leur avait promis des décisions et, surtout, des #investissements. Pour les #profits, la guerre est belle…

    Bien au-delà du conflit ukrainien, la cause profonde de l’envolée des budgets militaires est à chercher dans la crise du système capitaliste mondial, qui va s’aggravant sans que quiconque dans les milieux dirigeants de la bourgeoisie en Europe et en Amérique sache comment y faire face.

    Comme à chaque fois que le monde se trouve confronté à une telle situation, la bourgeoisie et ses États en appellent à l’industrie d’armement pour relancer l’économie. Car, grâce au budget militaire des États, elle échappe à la chute de la demande qui affecte les secteurs frappés par la baisse du pouvoir d’achat des couches populaires et, en dopant le reste de l’économie par des commandes de machines, de logiciels, de matériaux, de matières premières, etc., la bourgeoisie peut espérer que cela l’aidera à maintenir le taux de profit général.

    [...] même quand certains prétendent chercher une solution de paix à une guerre que leur politique a suscitée, la logique de leur politique d’armement continu de l’un des deux camps sur le terrain, celle de la militarisation de l’économie de nombreux pays sur fond d’une crise générale dont l’évolution leur échappe, tout cela fait que, de la guerre en Ukraine à un conflit plus large, la distance pourrait être bien plus courte qu’on ne le croit.

    Contrairement à ce qu’affirme Guterres, ce n’est pas toute l’humanité qui avance vers l’abîme les yeux grands ouverts. Les dirigeants politiques de la bourgeoisie ne peuvent pas ne pas voir ce qu’ils trament, eux, et dans quels intérêts, ceux de la bourgeoisie. Cela, ils le discernent en tout cas bien mieux que les masses du monde entier, auxquelles on masque la réalité, ses enjeux et son évolution qui s’accélère.

    Oui, en Ukraine, en Russie, comme partout ailleurs, le niveau de la conscience et de l’organisation de la classe ouvrière est très en retard sur cette course à la guerre dans laquelle la bourgeoisie engage l’humanité. Et plus encore au regard de ce qu’il faudrait pour l’enrayer, la transformer en guerre de classe pour l’émancipation des travailleurs du monde entier.

    C’est ce que firent les bolcheviks en Russie en 1917, en pleine guerre mondiale. C’est sur cette voie qu’il faut que s’engagent, en communistes révolutionnaires et internationalistes, en militants de la seule classe porteuse d’avenir, le prolétariat, toutes celles et tous ceux qui veulent changer le monde avant qu’il ne précipite à nouveau l’humanité dans la barbarie. Alors, pour paraphraser ce que Lénine disait de la révolution d’Octobre  : «  Après des millénaires d’esclavage, les esclaves dont les maîtres veulent la guerre leur [répondront]  : Votre guerre pour le butin, nous en ferons la guerre de tous les esclaves contre tous les maîtres.  »

    #guerre_en_ukraine #capitalisme #crise

    • Royaume-Uni : hausse significative du budget militaire

      A l’occasion de la mise à jour de sa doctrine de politique étrangère, le Royaume-Uni a annoncé son intention de porter à terme son #budget_défense à 2,5 % du PIB.

      Face aux « nouvelles menaces », le #Royaume-Uni va investir cinq milliards de livres supplémentaires dans sa politique de défense. Cette rallonge va porter ce budget à 2,25 % du PIB à horizon 2025, un redressement jamais vu depuis la guerre froide.
      Cette enveloppe doit permettre de « reconstituer et de renforcer les stocks de #munitions, de moderniser l’entreprise nucléaire britannique et de financer la prochaine phase du programme de #sous-marins_Aukus », a souligné Downing Street dans un communiqué, le jour même de la signature à San Diego du contrat entre l’Australie, les Etats-Unis et le Royaume-Uni. A terme, l’objectif est de revenir à des dépenses militaires équivalentes à 2,5 % du PIB, bien au-dessus de l’engagement pris au niveau de l’#Otan (2 % du PIB).

      Ces annonces interviennent au moment où le Royaume-Uni met à jour sa doctrine de politique étrangère dans un document de 63 pages qui fait la synthèse des principaux risques pour la sécurité du pays. La dernière mouture, publiée il y a trois ans, exposait les ambitions de la « Global Britain » de Boris Johnson au lendemain du Brexit. La #Russie y était identifiée comme la principale menace pour la sécurité. La #Chine était qualifiée de « défi systémique » et le document annonçait un « pivot » du Royaume-Uni vers l’axe Indo-Pacifique.
      Les tendances observées sont toujours les mêmes, mais « elles se sont accélérées ces deux dernières années », observe cette nouvelle revue. « Nous sommes maintenant dans une période de risques renforcés et de volatilité qui va probablement durer au-delà des années 2030 », note le rapport.

      (Les Échos)

      #militarisation #impérialisme

    • Les importations d’armes en Europe en forte hausse

      Les #achats_d'armement ont quasiment doublé l’an dernier sur le sol européen

      Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’Europe s’arme massivement. C’est ce que confirme le dernier rapport de l’#Institut_international_de_recherche_sur_la_paix_de_Stockholm (Sipri), publié lundi. Hors Ukraine, les #importations_d'armements sur le Vieux Continent se sont envolées de 35 % en 2022. En intégrant les livraisons massives d’#armes à l’Ukraine, elles affichent une hausse de 93 %.

      […] Sur la période 2018-2022, privilégiée par le #Sipri pour identifier les tendances de fond, les importations d’armes européennes affichent ainsi une hausse de 47 % par rapport aux cinq années précédentes, alors qu’au niveau mondial, les transferts internationaux d’armes ont diminué de 5,1 % sur cette période. Un contraste majeur qui témoigne de la volonté des Européens d’« importer plus d’armes, plus rapidement », explique Pieter ​Wezeman, coauteur du rapport.
      Dans cette optique, outre les industriels locaux, les Européens comptent sur les #Etats-Unis. Sur la période 2018-2022, ces derniers ont représenté 56 % des #importations_d'armes de la région. Le premier importateur en #Europe a été le Royaume-Uni, suivi de l’#Ukraine et de la Norvège.
      […]

      En France, #Emmanuel_Macron a proposé une augmentation de 100 milliards d’euros pour la loi de programmation militaire 2024-2030 par rapport à la période 2019-2025. Le Premier ministre britannique, #Rishi_Sunak, vient pour sa part d’annoncer que le #Royaume-Uni allait investir 5 milliards de livres (5,6 milliards d’euros) supplémentaires dans la défense, dans un contexte de « nouvelles menaces venues de #Russie et de #Chine ». Plus symbolique encore, l’Allemagne du chancelier #Olaf_Scholz a annoncé, en mai 2022, le lancement d’un fonds spécial de 100 milliards pour moderniser son armée et rompre avec des décennies de sous-investissement.

      (Les Échos)

      #militarisation

    • La France s’apprête à relocaliser sur son sol une vingtaine de productions industrielles militaires , révèle mardi franceinfo. Ces relocalisations sont une déclinaison de « l’économie de guerre » réclamée par l’Élysée.

      Le mois dernier, on a appris que la France s’apprêtait à relocaliser la production de #poudre pour ses obus d’artillerie (de 155mm). Selon nos informations, en tout, il y aura une vingtaine de relocalisations stratégiques en France.

      Dans le détail, la France va donc de nouveaux produire sur son territoire des #coques de bateaux produites jusqu’à présent dans les pays de l’Est, des explosifs pour gros calibres produits en Suède, Italie ou encore Allemagne, mais, surtout, des pièces jugées « critiques » pour certains moteurs d’hélicoptères. On parle ici précisément des disques des turbines haute-pression des bi-moteurs RTM322. Jusqu’à présent, ces pièces étaient élaborées aux Etats-Unis puis forgées en Angleterre. Bientôt, l’élaboration et la forge seront faites en France dans l’usine #Aubert_et_Duval située dans le Puy-de-Dôme. […]

      (France Info)

      #militarisation #relocalisation #industrie_de_la_défense

    • Emmanuel Chiva est à la tête (de l’emploi) de la direction générale de l’armement (DGA). Son sale boulot : mettre en œuvre l’« économie de guerre » voulue par Macron.

      Un type qui pratique au quotidien "l’argent magique" et un "pognon de dingue" (public) au service des capitalistes de l’armement. Le principe : un vol à grande échelle des fruits du travail de millions de travailleurs pour produire en masse du matériel de destruction massive.

      Pour nous en faire accepter les conséquences (les futures baisses du pouvoir d’achat, les hôpitaux fermés, les écoles surchargées, les enseignants en sous-effectif, les transports dégradés, un budget de l’État écrasé par la dette, etc.), Le Monde lui tend ses colonnes : « Nous sommes entrés dans l’économie de guerre »
      https://www.lemonde.fr/international/article/2023/03/15/emmanuel-chiva-dga-nous-sommes-entres-dans-l-economie-de-guerre_6165595_3210

    • La marche vers un économie de guerre
      https://lutte-ouvriere.be/la-marche-vers-un-economie-de-guerre

      [...] Les USA augmentent fortement leur budget militaire, l’Allemagne débloque 100 milliards pour l’armée, la France annonce plus de 400 milliards de budget pour les prochaines années et en Belgique, 14 milliards de dépenses guerrières supplémentaires sont prévues d’ici 2030.

      Pour faire accepter l’envolée des dépenses militaires, alors que partout les besoins des populations sont criants, les dirigeants des pays capitalistes cherchent à persuader de l’inéluctabilité de la guerre. Ils désignent comme ennemis certains pays, au premier rang desquels la Russie et la Chine, et déploient une propagande insidieuse mais permanente dans les médias autour de thèmes guerriers.

      Les gouvernements mettent aussi l’accent sur la préparation de la jeunesse qu’ils comptent utiliser comme chair à canon. L’Etat belge s’en est chargé en ouvrant cette année, dans 13 écoles de la fédération Wallonie Bruxelles, une option « métiers de la Défense et de la sécurité » dans laquelle des jeunes sont préparés à devenir agent de sécurité, policier ou militaire, à partir de la quatrième secondaire technique !

      Au-delà du conflit ukrainien, la cause profonde de l’envolée des budgets militaires est à chercher dans la crise du système capitaliste mondial qui ne fait que s’aggraver.

    • Vers un doublement du budget militaire / Le Japon tourne la page du pacifisme
      https://www.monde-diplomatique.fr/2023/03/POUILLE/65605

      Ce samedi 27 novembre 2021, le premier ministre japonais Kishida Fumio effectue une visite matinale des troupes de défense terrestre sur la base d’Asaka, au nord de Tokyo. Après un petit tour en char d’assaut, il prononce un discours de rupture : « Désormais, je vais envisager toutes les options, y compris celles de posséder des capacités d’attaque de bases ennemies, de continuer le renforcement de la puissance militaire japonaise. » Selon le chef du gouvernement, « la situation sécuritaire autour du Japon change à une vitesse sans précédent. Des choses qui ne se produisaient que dans des romans de science-fiction sont devenues notre réalité ». Un an plus tard, M. Kishida annonce le doublement des dépenses de #défense et débloque l’équivalent de 315 milliards de dollars sur cinq ans. Le #Japon va ainsi disposer du troisième budget militaire du monde derrière ceux des États-Unis et de la Chine. Il représentera 2 % du produit intérieur brut (PIB), ce qui correspond à l’engagement pris en 2014 par les vingt-huit membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (#OTAN)… dont il ne fait pourtant pas partie.

      Ces décisions — qui s’inscrivent dans le cadre de la nouvelle « stratégie de sécurité nationale » dévoilée en août 2022 — changent profondément les missions des forces d’autodéfense, le nom officiel de l’#armée_nippone. Elles ne s’en tiendront plus, en effet, à défendre le pays mais disposeront des moyens de contre-attaquer. Et même de détruire des bases militaires adverses.

      Cette #militarisation et cette imbrication renforcée avec les États-Unis sonnent, pour la presse chinoise, comme dune dangereuse alerte. Certes, les rapports sino-japonais s’étaient déjà dégradés quand Tokyo avait acheté, le 11 septembre 2012, trois des îles Senkaku/Diaoyu à leur propriétaire privé et que, dans la foulée, Pékin avait multiplié les incursions dans la zone (8). Les visites régulières d’Abe au sanctuaire Yasukuni, qui honore la mémoire des criminels de guerre durant la seconde guerre mondiale, n’avaient rien arrangé.

      Mais le climat s’était plutôt apaisé dans la dernière période. « J’étais parvenu à un consensus important [avec Abe] sur la construction de relations sino-japonaises répondant aux exigences de la nouvelle ère (9) », a même témoigné le président chinois après l’assassinat de l’ex-premier ministre, en juillet 2022. Depuis l’annonce de la nouvelle stratégie de défense, le ton a changé.

      [...] en tournant le dos brutalement à sa politique pacifiste, le Japon se place en première ligne face à Pékin et éloigne tout espoir d’autonomie vis-à-vis des États-Unis. Cette impossible entrée dans l’après-guerre froide cohabite pourtant avec un dynamisme régional haletant où, de Hanoï à Colombo, ce pays vieillissant a construit les leviers de sa future croissance. Il y est en concurrence directe avec la Chine, très présente. Déjà, la plupart des pays asiatiques refusent de choisir entre Pékin et Washington, qui leur promet la sécurité. Et avec Tokyo ?

      (Le Monde diplomatique, mars 2023)

      #budget_militaire

    • Le géant de l’armement Rheinmetall surfe sur la remilitarisation de l’Europe (Les Échos)

      L’entrée au DAX, lundi, du premier producteur de munitions et constructeur de chars en Europe consacre le retour en force des combats conventionnels terrestres. Après une année 2022 record, Rheinmetall s’attend à faire mieux encore en 2023.

      Ce lundi, Armin Papperger, le patron de Rheinmetall, se fera un plaisir de sonner la cloche de la Bourse de Francfort pour marquer l’entrée de son groupe dans le Dax après une année record. Son cours a doublé et sa valorisation avoisine 10,5 milliards d’euros. « Le changement d’ère et la guerre en Europe ont ouvert une nouvelle page pour #Rheinmetall », a-t-il déclaré jeudi, lors de la présentation des résultats du premier producteur de munitions et constructeur de chars en Europe.

      Le retour des combats conventionnels terrestres a dopé le résultat net de ce dernier : il a bondi de 61 %, à 469 millions d’euros pour un chiffre d’affaires record de 6,4 milliards d’euros, en hausse de 13,25 %. Le résultat opérationnel (Ebit hors effets exceptionnels) a, lui, progressé de 27 %, à 754 millions d’euros. Et ce n’est qu’un début : « Je m’attends à ce que l’année 2023 soit de loin la meilleure année de l’histoire de l’entreprise en termes de commandes », a annoncé Armin Papperger.

      Carnet de commandes record

      Il a plusieurs fois loué devant la presse l’efficacité du nouveau ministre de la Défense Boris Pistorius, qui devrait, selon lui, permettre de débloquer enfin les 100 milliards du fonds de modernisation de l’armée allemande. Sur cette enveloppe, le patron de Rheinmetall estime pouvoir capter 38 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 20 milliards répartis à parts équivalentes entre les chars et la numérisation des forces terrestres, et 8 milliards pour les munitions. A ces montants s’ajoute la hausse prévisible du budget de la défense allemande : Boris Pistorius a réclamé 10 milliards de plus par an et il faudrait même 10 milliards supplémentaires pour atteindre les 2 % du PIB. Un objectif pour tous les membres de l’Otan qui devrait rapidement devenir un prérequis minimum. Le réarmement généralisé des pays de l’Alliance atlantique ne peut donc que profiter à Rheinmetall. Il vient en outre d’élargir sa palette en s’invitant dans la fabrication du fuselage central du F-35 américain qui devrait lui rapporter plusieurs milliards d’euros. Le groupe, qui affichait déjà l’an dernier un carnet de commandes record de 24 milliards d’euros, estime avoir les capacités pour faire bien davantage.

      600.000 obus

      En Ukraine, Rheinmetall assure ainsi pouvoir livrer un peu moins de la moitié des besoins de la production d’artillerie. Avec l’achat du fabricant espagnol Expal Systems, qui devrait être bouclé dans l’année, la capacité annuelle du groupe passe à environ 450.000 obus, voire 600.000 d’ici à deux ans.

      Rheinmetall est en train d’agrandir une usine en Hongrie et souhaite en ouvrir une de poudre en Saxe avec la participation financière de Berlin. Selon Armin Papperger, l’intégration verticale de l’entreprise, qui produit elle-même ses composants, la met par ailleurs à l’abri d’un chantage éventuel de la Chine sur les matières premières. Quant à la main-d’oeuvre, elle ne manquerait pas : le groupe se dit « inondé de candidatures », il a recruté 3.000 personnes l’an dernier et compte en faire autant cette année. Toutes les planètes sont donc alignées aux yeux de Rheinmetall pour pousser les feux. Le groupe vise un chiffre d’affaires de 7,4 à 7,6 milliards d’euros en 2023, ce qui représenterait une nouvelle hausse de 15,5 % à 18,7 %. Sa marge opérationnelle devrait passer de 11,8 % à 12 % environ.

      #militarisation #militarisme #capitalisme #troisième_guerre_mondiale

    • La guerre en Ukraine accélère la militarisation

      La guerre en Ukraine accélère la militarisation de l’Europe. Tragédie pour les populations ukrainienne et russe qui ont déjà payé cette guerre de 30 000 morts, elle est une aubaine pour les militaires et les marchands d’armes. Première guerre dite «  de haute intensité  » en Europe depuis 1945, sur un front de plus de 1 000 kilomètres, elle permet aux militaires de tester leurs matériels, de valider ou adapter leurs doctrines d’utilisation. Elle offre un marché inespéré pour les marchands d’armes appelés à fournir munitions et missiles, drones ou chars détruits en grande quantité. Elle accélère la hausse des budgets militaires de tous les États.

      Une militarisation engagée avant la guerre en Ukraine

      La hausse des dépenses militaires dans le monde était engagée avant l’invasion russe de l’Ukraine. Selon le dernier rapport du Sipri, l’Institut international pour la paix de Stockholm, publié le 25 avril, les dépenses militaires dans le monde ont dépassé en 2021, pour la première fois, la barre des 2 000 milliards de dollars, avec 2 113 milliards de dollars, soit 2,2 % du PIB mondial. C’est la septième année consécutive de hausse des dépenses militaires dans le monde selon ce rapport, qui précise  : «  Malgré les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19, les dépenses militaires mondiales ont atteint des niveaux records.  »

      Si la Russie, présentée comme le seul agresseur et va-t-en-guerre, a augmenté son budget militaire en 2021, qui atteint 66 milliards de dollars et 4 % de son PIB, elle n’arrive qu’en cinquième position dans le classement des puissances les plus dépensières, derrière les États-Unis, la Chine, l’Inde et la Grande-Bretagne.

      En Grande-Bretagne, avec 68,3 milliards de dollars, les dépenses militaires sont en hausse de 11,1 %. Après le Brexit, Boris Johnson a multiplié les investissements, en particulier dans la marine. Peu avant sa démission, il affirmait vouloir restaurer l’impérialisme britannique en tant que «  première puissance navale en Europe  » et marquait à la culotte les autres puissances impérialistes du continent. Il a été l’un des premiers dirigeants européens à se rendre à Kiev pour afficher son soutien à Zelensky. Toute une brochette de politiciens britanniques milite pour que les dépenses militaires augmentent plus vite encore dans les années à venir. Ainsi, Nile Gardiner, ancien collaborateur de Thatcher, affirmait en mars au Daily Express : «  Les dépenses de défense devraient doubler, de deux à quatre pour cent [du PIB] dans les années à venir si la Grande-Bretagne veut sérieusement redevenir une puissance mondiale.  »

      Johnson a renforcé par divers canaux sa coopération militaire avec les États-Unis. Ces liens étroits entre les impérialismes britannique et américain ont été illustrés par l’alliance #Aukus (acronyme anglais pour Australie, Royaume-Uni et États-Unis) contre la Chine. Cette alliance s’est concrétisée par la commande australienne de huit sous-marins à propulsion nucléaire, pour la somme de 128 milliards de dollars. Déjà en hausse de 4 % en 2021 par rapport à 2020, les dépenses militaires de l’Australie sont donc appelées à augmenter. C’est aussi la politique occidentale agressive vis-à-vis de la Chine, et les pressions américaines, qui ont poussé le Japon à dépenser 7 milliards de dollars de plus en 2021 pour ses armées, la plus forte hausse depuis 1972.

      Selon le rapport du #Sipri, dès 2021, donc avant la guerre en Ukraine, huit pays européens membres de l’#Otan avaient porté leurs dépenses militaires à 2 % de leur PIB, ce que réclament depuis longtemps les États-Unis à leurs alliés. Avec 56,6 milliards de dollars (51 milliards d’euros) dépensés en 2021, la France est passée de la huitième à la ­sixième place des États pour leurs dépenses en armement. La loi de programmation militaire 2019-2025 avait déjà prévu un budget de 295 milliards d’euros sur six ans, pour arriver à plus de 2,5 % du PIB en 2025.

      La guerre en Ukraine a donc éclaté dans ce contexte d’augmentation générale des dépenses d’armement, qu’elle ne peut qu’accélérer et renforcer.

      Les leçons de la guerre en Ukraine

      Pour les états-majors et les experts, la #guerre_en_Ukraine n’est pas une tragédie mais d’abord un formidable terrain d’expérimentation des matériels de guerre et des conditions de leur mise en œuvre. Chaque épisode – offensive contrariée des armées russes au début de la #guerre, retrait du nord de l’#Ukraine puis offensive dans le #Donbass, destruction méthodique des villes – et les diverses façons d’utiliser l’artillerie, les drones, l’aviation, les moyens de communication et de renseignement sont étudiés pour en tirer le maximum de leçons. Depuis six mois, des milliers d’experts et d’ingénieurs chez #Thales, #Dassault, #Nexter, MBDA (ex-Matra), #Naval_Group ou chez leurs concurrents américains #Lockheed_Martin, #Boeing ou #Northrop_Grumman, étudient en détail comment cette guerre met en lumière «  la #numérisation du champ de bataille, les besoins de munitions guidées, le rôle crucial du secteur spatial, le recours accru aux drones, robotisation, cybersécurité, etc.  » (Les Échos du 13 juin 2022). Ces experts ont confronté leurs points de vue et leurs solutions technologiques à l’occasion de l’immense salon de l’#armement et de la sécurité qui a réuni, début juin à Satory en région parisienne, 1 500 #marchands_d’armes venus du monde entier. Un record historique, paraît-il  !

      Les leçons de la guerre en Ukraine ne sont pas seulement technologiques. Comme l’écrivait le journal Les Échos du 1er avril 2022, «  la guerre entre grands États est de retour en Europe. » Cette guerre n’a plus rien à voir avec «  les “petites guerres” comme celles de Bosnie ou du Kosovo, ni les opérations extérieures contre des groupes terroristes (Al Qaida, Daech) ou des États effondrés (Libye, 2011)  ». Pour les militaires, cette guerre n’est plus «  une guerre échantillonnaire mais une guerre de masse  », tant du point de vue du nombre de soldats tués ou blessés au combat que du nombre de munitions tirées et du matériel détruit.

      Entre février et juin, selon les estimations réalisées malgré la censure et les mensonges de chaque camp, cette guerre aurait fait 30 000 morts russes et ukrainiens, plusieurs centaines par jour. L’Ukraine rappelle que la guerre est une boucherie, que les combats exigent sans cesse leur chair à canon, avec des soldats qui pourrissent et meurent dans des tranchées, brûlent dans des chars ou sont tués ou estropiés par des obus et des missiles. Leur guerre «  de haute intensité  », c’est avant tout des morts, parmi les militaires comme les civils. Préparer les esprits à accepter de «  mourir pour nos valeurs démocratiques  », autre déclinaison du «  mourir pour la patrie  », est l’un des objectifs de la #propagande des gouvernements occidentaux qui mettent en scène la guerre en Ukraine.

      Côté matériel, les armées russes ont perdu plusieurs centaines de chars. Les États-Unis et leurs alliés ont livré plusieurs dizaines de milliers de missiles sol-sol ou sol-air de type Javelin ou Stinger, à 75 000 dollars pièce. Une semaine après le début de l’invasion russe, le colonel en retraite Michel Goya, auteur d’ouvrages sur les guerres contemporaines, écrivait  : «  L’#armée_de_terre française n’aurait plus aucun équipement majeur au bout de quarante jours  » (véhicules de combat, pièces d’artillerie…). La conclusion de tous ces gens-là est évidente, unanime  : il faut «  des forces plus nombreuses, plus lourdement équipées [qui] exigeront des budgets de défense accrus  » (Les Échos, 1er avril 2022). Augmenter les budgets militaires, drainer toujours plus d’argent public vers l’industrie militaire ou sécuritaire, c’est à quoi s’emploient les ministres et les parlementaires, de tous les partis, depuis des années.

      Des complexes militaro-industriels concurrents

      La guerre en Ukraine, avec l’augmentation spectaculaire des #budgets_militaires qu’elle accélère, est une aubaine pour les marchands d’armes. Mais elle intensifie en même temps la guerre que se livrent ces industriels. L’annonce par le chancelier allemand, fin février, d’un emprunt de 100 milliards d’euros pour remettre à niveau la #Bundeswehr, autrement dit pour réarmer l’Allemagne, a déclenché des polémiques dans l’#Union_européenne. Le journal Les Échos du 30 mai constatait avec dépit  : «  L’#armée_allemande a annoncé une liste de courses longue comme le bras, qui bénéficiera essentiellement aux industries américaines  : achat de #F-35 à Lockheed Martin, d’hélicoptères #Chinook à Boeing, d’avions P8 à Boeing, de boucliers antimissiles à Israël, etc.  » Au grand dam des militaristes tricolores ou europhiles, le complexe militaro-industriel américain profitera bien davantage des commandes allemandes que les divers marchands de mort européens.

      Il en est ainsi depuis la naissance de l’Union européenne  : il n’y a pas une «  #défense_européenne  » commune car il n’y a pas un #impérialisme européen unique, avec un appareil d’État unique défendant les intérêts fondamentaux d’une #grande_bourgeoisie européenne. Il y a des impérialismes européens concurrents, représentant des capitalistes nationaux, aux intérêts économiques complexes, parfois communs, souvent opposés. L’#impérialisme_britannique est plus atlantiste que les autres puissances européennes et très tourné vers son vaste ex-­empire colonial. L’#impérialisme_français a développé ses armées et sa marine pour assurer sa mainmise sur son pré carré ex-colonial, en particulier en Afrique. L’impérialisme allemand, qui s’est retranché pendant des décennies derrière la contrition à l’égard des années hitlériennes pour limiter ses dépenses militaires, en se plaçant sous l’égide de l’Otan et des #États-Unis, a pu consacrer les sommes économisées à son développement économique en Europe centrale et orientale. Les interventions militaires ou diplomatiques n’étant que la continuation des tractations et des rivalités commerciales et économiques, il n’a jamais pu y avoir de défense européenne commune.

      Les rivalités permanentes entre Dassault, Airbus, #BAE, #Safran ont empêché la construction d’un avion de combat européen. La prépondérance des États-Unis dans l’Otan et leur rôle majeur en Europe de l’Est et dans la guerre en Ukraine renforcent encore les chances du #secteur_militaro-industriel américain d’emporter les futurs marchés. Ces industriels américains vendent 54 % du matériel militaire dans le monde et réalisent 29 % des exportations. L’aubaine constituée par les futures dépenses va aiguiser les appétits et les rivalités.

      Bien sûr, les diverses instances européennes s’agitent pour essayer de ne pas céder tout le terrain aux Américains. Ainsi, le commissaire européen au Commerce et ex-ministre français de l’Économie, Thierry Breton, vient de débloquer 6 milliards d’euros pour accélérer le lancement de 250 satellites de communication de basse orbite, indispensables pour disposer d’un réseau de communication et de renseignement européen. Jusqu’à présent, les diverses armées européennes sont dépendantes des États-Unis pour leurs renseignements militaires, y compris sur le sol européen.

      À ce jour, chaque pays européen envoie en Ukraine ses propres armes, plus ou moins compatibles entre elles, selon son propre calendrier et sa volonté politique. Les champs de bataille du Donbass servent de terrain de démonstration pour les canons automoteurs français Caesar, dont les journaux télévisés vantent régulièrement les mérites, et les #chars allemands Gepard, anciens, ou Leopard, plus récents. La seule intervention commune de l’Union européenne a été le déblocage d’une enveloppe de financement des livraisons d’armes à l’Ukraine, d’un montant de 5,6 milliards sur six ans, dans laquelle chaque État membre peut puiser. C’est une façon de faciliter l’envoi d’armes en Ukraine aux pays de l’UE les moins riches. Avec l’hypocrisie commune aux fauteurs de guerre, les dirigeants de l’UE ont appelé cette enveloppe «  la facilité européenne pour la paix  »  !

      Vers une économie de guerre  ?

      Pour passer d’une «  guerre échantillonnaire  » à une «  guerre de masse  », la production d’armes doit changer d’échelle. Pour ne parler que d’eux, les fameux canons Caesar de 155 millimètres sont produits en nombre réduit, une grosse dizaine par an, dans les usines #Nexter de Bourges, pour la somme de 5 millions d’euros l’unité. Pour en livrer une douzaine à l’Ukraine, le gouvernement a dû les prélever sur la dotation de l’armée française, qui n’en a plus que 64 en service. Juste avant le début de la guerre en Ukraine, Hervé Grandjean, le porte-parole des armées, rappelait les objectifs de l’armée française pour 2025  : «  200 chars Leclerc, dont 80 rénovés, 135 #blindés_Jaguar, 3 300 #blindés_légers, 147 hélicoptères de reconnaissance et d’attaque dont 67 Tigre, 115 #hélicoptères de manœuvre, 109 #canons de 155 et 20 drones tactiques notamment  ». En comparaison, et même si les chars des différentes armées n’ont ni les mêmes caractéristiques ni la même valeur, en trois mois de guerre en Ukraine, plus de 600 chars russes ont été détruits ou mis hors service.

      La guerre en Ukraine devrait donc permettre aux militaires d’obtenir davantage de coûteux joujoux. Ils ont reçu le soutien inconditionnel du président de la Cour des comptes, l’ex-socialiste Pierre Moscovici, pour qui «  l’aptitude des armées à conduire dans la durée un combat de haute intensité n’est pas encore restaurée  ». Et dans son discours du 14 juillet, Macron a confirmé une rallonge de 3 milliards d’euros par an pour le budget de l’armée. Mais pour rééquiper en masse les armées européennes, il faut que les capacités de production suivent. Le 13 juin, Le Monde titrait  : «  Le ministère de la Défense réfléchit à réquisitionner du matériel du secteur civil pour refaire ses stocks d’armes  », et précisait  : «  L’État pourrait demander à une PME de mécanique de précision qui ne travaille pas pour le secteur de la défense de se mettre à disposition d’un industriel de l’armement pour accélérer ses cadences.  » Et comme toujours, l’État s’apprête à prendre en charge lui-même «  les capacités de production de certaines PME de la défense, en payant par exemple des machines-outils  ». Les capitalistes n’étant jamais si bien servis que par eux-mêmes, le chef de l’UIMM, le syndicat des patrons de la métallurgie, est désormais #Éric_Trappier, le PDG de Dassault.

      Produire plus massivement du matériel militaire coûtera des dizaines, et même des centaines, de milliards d’euros par an. Il ne suffira pas de réduire encore plus les budgets de la santé ou de l’école. Les sommes engagées seront d’un tout autre niveau. Pour y faire face, les États devront s’endetter à une échelle supérieure. Les gouvernements européens n’ont peut-être pas encore explicitement décidé un tel tournant vers la production en masse de ce matériel militaire, mais les plus lucides de leurs intellectuels s’y préparent. L’économiste et banquier Patrick Artus envisageait dans Les Échos du 8 avril le passage à une telle «  #économie_de_guerre  ». Pour lui, cela aurait trois conséquences  : une hausse des #dépenses_publiques financées par le déficit du budget de l’État avec le soutien des #banques_centrales  ; une forte inflation à cause de la forte demande en énergie et en métaux parce que les #dépenses_militaires et d’infrastructures augmentent  ; enfin la rupture des interdépendances entre les économies des différents pays à cause des ruptures dans les voies d’approvisionnement.

      Avant même que les économies européennes ne soient devenues «  des économies de guerre  », les dépenses publiques au service des capitalistes ne cessent d’augmenter, l’inflation revient en force, aggravée par la spéculation sur les pénuries ou les difficultés d’approvisionnement de telle ou telle matière première. L’#économie_capitaliste est dans une impasse. Elle est incapable de surmonter les contradictions qui la tenaillent, et se heurte une fois de plus aux limites du marché solvable et à la concurrence entre capitalistes, qui engendrent les rivalités entre les puissances impérialistes  ; à la destruction des ressources  ; et à son incapacité génétique d’en planifier l’utilisation rationnelle au service de l’humanité. La course au militarisme est inexorable, car elle est la seule réponse à cette impasse qui soit envisageable par la grande bourgeoisie. Cela ne dépend absolument pas de la couleur politique de ceux qui dirigent les gouvernements. Le militarisme est inscrit dans les gènes du capitalisme.

      Le #militarisme, une fuite en avant inexorable

      Il y a plus d’un siècle, #Rosa_Luxemburg notait que le militarisme avait accompagné toutes les phases d’accumulation du #capitalisme  : «  Il est pour le capital un moyen privilégié de réaliser la plus-value.  » Dans toutes les périodes de crise, quand la rivalité entre groupes de capitalistes pour s’approprier marchés et matières premières se tend, quand le marché solvable se rétrécit, le militarisme a toujours représenté un «  champ d’accumulation  » idéal pour les capitalistes. C’est un marché régulier, quasi illimité et protégé  : «  L’#industrie_des_armements est douée d’une capacité d’expansion illimitée, […] d’une régularité presque automatique, d’une croissance rythmique  » (L’accumulation du capital, 1913). Pour la société dans son ensemble, le militarisme est un immense gâchis de force de travail et de ressources, et une fuite en avant vers la guerre généralisée.

      Pour les travailleurs, le militarisme est d’abord un vol à grande échelle des fruits de leur travail. La production en masse de matériel de destruction massive, ce sont des impôts de plus en plus écrasants pour les classes populaires qui vont réduire leur pouvoir d’achat, ce sont des hôpitaux fermés, des écoles surchargées, des enseignants en sous-effectif, des transports dégradés, c’est un budget de l’État écrasé par la charge de la dette. Pour la #jeunesse, le militarisme, c’est le retour au service militaire, volontaire ou forcé, c’est l’embrigadement derrière le nationalisme, l’utilisation de la guerre en Ukraine pour redonner «  le sens du tragique et de l’histoire  », selon la formule du chef d’état-major des armées, Thierry Burkhard.

      L’évolution ultime du militarisme, c’est la #guerre_généralisée avec la #mobilisation_générale de millions de combattants, la militarisation de la production, la #destruction méthodique de pays entiers, de villes, d’infrastructures, de forces productives immenses, de vies humaines innombrables. La guerre en Ukraine, après celles en Irak, en Syrie, au Yémen et ailleurs, donne un petit aperçu de cette barbarie. La seule voie pour éviter une barbarie plus grande encore, qui frapperait l’ensemble des pays de la planète, c’est d’arracher aux capitalistes la direction de la société.

      Un an avant l’éclatement de la Première Guerre mondiale, #Rosa_Luxemburg concluait son chapitre sur le militarisme par la phrase  : «  À un certain degré de développement, la contradiction [du capitalisme] ne peut être résolue que par l’application des principes du socialisme, c’est-à-dire par une forme économique qui est par définition une forme mondiale, un système harmonieux en lui-même, fondé non sur l’accumulation mais sur la satisfaction des besoins de l’humanité travailleuse et donc sur l’épanouissement de toutes les forces productives de la terre.  » Ni Rosa Luxemburg, ni #Lénine, ni aucun des dirigeants de la Deuxième Internationale restés marxistes, c’est-à-dire communistes, révolutionnaires et internationalistes, n’ont pu empêcher l’éclatement de la guerre mondiale et la transformation de l’Europe en un gigantesque champ de bataille sanglant. Mais cette guerre a engendré la plus grande vague révolutionnaire de l’histoire au cours de laquelle les soldats, ouvriers et paysans insurgés ont mis un terme à la guerre et menacé sérieusement la domination du capital sur la société. L’issue est de ce côté-là.

    • France. Militaires et industriels doutent d’être suffisamment gavés

      Les « promesses déjà annoncées : une hausse de 5 milliards d’euros pour combler le retard dans les drones, un bond de 60 % des budgets des trois agences de renseignement, une relance des commandes dans la défense sol-air , la reconstitution des stocks de munitions. Il a aussi promis plus de navires et de satellites pour l’Outre-Mer, des avancées dans la cyberdéfense, le spatial, la surveillance des fonds marins, le doublement du budget des forces spéciales, et enfin une progression de 40 % des budgets pour la maintenance des équipements, afin d’en accroître les taux de disponibilité.

      Ajouter à cette liste un doublement de la réserve, une participation potentiellement accrue au service national universel, la promesse de dégager 10 milliards pour l’innovation... « Toutes les lignes budgétaires vont augmenter, sauf la provision pour les opérations extérieures », a déclaré le ministre. Selon lui, les dépenses pour aider l’armée ukrainienne ne seront pas imputées sur le budget des armées. Ce dont beaucoup de militaires doutent. Un partage des frais entre ministères est plus probable.

      (Les Échos)

    • Pour eux, la guerre n’est pas une tragédie, mais une aubaine.

      Entre 2018 et 2022, la France a vu sa part dans les ventes mondiales d’armes passer de 7 à 11 %.

      Actuellement 3e sur le marché de l’armement, elle se rapproche de la 2e place. Un record qui contribue à la surenchère guerrière, en Ukraine et ailleurs, et qui alimente les profits des marchands d’armes.

    • La nouvelle #loi_de_programmation_militaire a été présentée en Conseil des ministres ce mardi 4 avril. Un budget de la défense en hausse de 40 % par rapport à la #LPM 2019-2025. Un montant historique

      D’autant que la LPM 2024-2030 n’inclura pas le montant de l’aide militaire à l’#Ukraine

      La politique de l’actuel président de la République contraste avec celle de ses prédécesseurs. Comme beaucoup de ses voisins, la France a vu ses dépenses de défense diminuer depuis la fin de la #guerre_froide

      Réarmement spectaculaire de la #Pologne par le biais de la Corée du Sud

      « Ce pays est en première ligne et sera potentiellement une grande puissance militaire en 2030 », a affirmé Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique lors de son audition au Sénat. Le 30 janvier dernier, le Premier ministre polonais a ainsi annoncé que le budget de la défense atteindrait 4 % du PIB en 2023.

      #militarisation #budget_de_la_défense

    • On ne prépare une guerre qu’à la condition de pouvoir la gagner. Et en l’état, les occidentaux commencent tout juste à comprendre que ce qu’ils pensaient assuré (première frappe nucléaire et bouclier ABM) de la part des américains, n’est finalement pas du tout si assuré que cela et que même, ma foi, la guerre est peut-être déjà perdue.

    • En l’état, ce n’est pas la guerre. Mais, oui, ils s’y préparent.

      Et cette nouvelle guerre mondiale ne sera pas déclenchée nécessairement quand ils seront certains de « pouvoir la gagner ».

    • L’Union européenne et ses obus : un petit pas de plus vers une économie de guerre
      https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/05/10/lunion-europeenne-et-ses-obus-un-petit-pas-de-plus-vers-une-

      Mercredi 3 mai, le commissaire européen Thierry Breton a présenté son plan pour produire un million de munitions lourdes par an. Les industries d’armement européennes ne sont plus adaptées au rythme de production nécessaire pour des guerres de « haute intensité », ou même simplement telle que celle en Ukraine.

      Alors que l’armée ukrainienne tire 5 000 obus d’artillerie par jour de combat, la production annuelle du fabricant français Nexter ne permettrait de tenir ce rythme... que huit jours. Thierry Breton a annoncé une enveloppe de 500 millions d’euros pour stimuler dans ce sens les industriels de l’Union européenne. Elle fait partie d’un plan de deux milliards d’euros annoncé fin mars pour fournir des obus à l’armée de Kiev, sous prétexte « d’aider » l’Ukraine. Il s’agit d’abord de puiser dans les stocks nationaux, puis de passer des commandes, et enfin de remplir les caisses des industriels pour qu’ils produisent plus vite.

      Les sommes déployées par l’UE sont très marginales par rapport aux dépenses faites par chaque puissance impérialiste pour financer son propre armement et enrichir ses capitalistes de l’armement. Ainsi, la programmation militaire française a augmenté de 100 milliards d’euros, tandis que le gouvernement allemand promet, lui, 100 milliards pour moderniser son armée.

      L’annonce européenne vise sans doute surtout à afficher à l’échelle du continent, donc aux yeux d’un demi-milliard d’Européens, que l’on va vers une économie de guerre et qu’il faut s’y adapter dès maintenant. Dans ce qu’a déclaré Thierry Breton, il y a aussi l’idée de s’attaquer à tous les goulots d’étranglement qui bloquent cette marche vers une économie de guerre. Il prévoit des dérogations aux règles européennes, déjà peu contraignantes, sur le temps de travail, c’est-à-dire de donner carte blanche aux patrons pour allonger la journée de travail dans les usines concernées. Le flot d’argent public dépensé en armement, que ce soit au niveau des États ou de l’Union européenne, sera pris sur la population d’une façon ou une autre. Chaque milliard en plus pour les obus signifiera un hôpital en moins demain.

  • La (re)localisation du monde

    Et si le monde d’après-Covid était en gestation depuis plusieurs années déjà ? Si le phénomène actuel de #relocalisation ne datait pas de mars 2020, mais plutôt des années 2010 ? C’est la thèse de cet essai original et accessible, qui décrit le monde qui vient et ses acteurs, en s’appuyant sur une riche infographie et cartographie.

    Car notre monde globalisé est en train de s’éteindre au profit d’un monde localisé, suscité par trois révolutions. La première est industrielle : la robotique et le numérique sont entrés dans nos usines, les rendant capables de produire à la demande et à des coûts similaires à ceux des pays émergents. La deuxième est énergétique : l’essor exponentiel des renouvelables multiplie les sources locales d’énergie. La troisième concerne les #ressources : de plus en plus réemployées, elles offrent des matières premières de #proximité.

    Ce monde plus durable, fondé sur des grandes aires de production régionales, redessine les rapports de force économiques et géopolitiques, faisant apparaître de nouveaux maîtres du jeu. En se basant sur des données économiques internationales et de nombreux entretiens, Cyrille P. Coutansais rend compte de cette fascinante mutation de nos #systèmes_productifs, de nos #modes_de_vie et de #consommation.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=35&v=kINvJ2i9j7E&feature=emb_logo

    https://www.cnrseditions.fr/catalogue/relations-internationales/la-relocalisation-du-monde

    #relocalisation #globalisation #mondialisation
    #livre #géographie #ressources_pédagogiques

  • Le système alimentaire mondial menace de s’effondrer

    Aux mains de quelques #multinationales et très liée au secteur financier, l’#industrie_agroalimentaire fonctionne en #flux_tendu. Ce qui rend la #production mondiale très vulnérable aux #chocs politiques et climatiques, met en garde l’éditorialiste britannique George Monbiot.

    Depuis quelques années, les scientifiques s’évertuent à alerter les gouvernements, qui font la sourde oreille : le #système_alimentaire_mondial ressemble de plus en plus au système financier mondial à l’approche de 2008.

    Si l’#effondrement de la finance aurait été catastrophique pour le bien-être humain, les conséquences d’un effondrement du #système_alimentaire sont inimaginables. Or les signes inquiétants se multiplient rapidement. La flambée actuelle des #prix des #aliments a tout l’air du dernier indice en date de l’#instabilité_systémique.

    Une alimentation hors de #prix

    Nombreux sont ceux qui supposent que cette crise est la conséquence de la #pandémie, associée à l’#invasion de l’Ukraine. Ces deux facteurs sont cruciaux, mais ils aggravent un problème sous-jacent. Pendant des années, la #faim dans le monde a semblé en voie de disparition. Le nombre de personnes sous-alimentées a chuté de 811 millions en 2005 à 607 millions en 2014. Mais la tendance s’est inversée à partir de 2015, et depuis [selon l’ONU] la faim progresse : elle concernait 650 millions de personnes en 2019 et elle a de nouveau touché 811 millions de personnes en 2020. L’année 2022 s’annonce pire encore.

    Préparez-vous maintenant à une nouvelle bien plus terrible : ce phénomène s’inscrit dans une période de grande #abondance. La #production_alimentaire mondiale est en hausse régulière depuis plus de cinquante ans, à un rythme nettement plus soutenu que la #croissance_démographique. En 2021, la #récolte mondiale de #blé a battu des records. Contre toute attente, plus d’humains ont souffert de #sous-alimentation à mesure que les prix alimentaires mondiaux ont commencé à baisser. En 2014, quand le nombre de #mal_nourris était à son niveau le plus bas, l’indice des #prix_alimentaires [de la FAO] était à 115 points ; il est tombé à 93 en 2015 et il est resté en deçà de 100 jusqu’en 2021.

    Cet indice n’a connu un pic que ces deux dernières années. La flambée des prix alimentaires est maintenant l’un des principaux facteurs de l’#inflation, qui a atteint 9 % au Royaume-Uni en avril 2022 [5,4 % en France pour l’indice harmonisé]. L’alimentation devient hors de prix pour beaucoup d’habitants dans les pays riches ; l’impact dans les pays pauvres est beaucoup plus grave.

    L’#interdépendance rend le système fragile

    Alors, que se passe-t-il ? À l’échelle mondiale, l’alimentation, tout comme la finance, est un système complexe qui évolue spontanément en fonction de milliards d’interactions. Les systèmes complexes ont des fonctionnements contre-intuitifs. Ils tiennent bon dans certains contextes grâce à des caractéristiques d’auto-organisation qui les stabilisent. Mais à mesure que les pressions s’accentuent, ces mêmes caractéristiques infligent des chocs qui se propagent dans tout le réseau. Au bout d’un moment, une perturbation même modeste peut faire basculer l’ensemble au-delà du point de non-retour, provoquant un effondrement brutal et irrésistible.

    Les scientifiques représentent les #systèmes_complexes sous la forme d’un maillage de noeuds et de liens. Les noeuds ressemblent à ceux des filets de pêche ; les liens sont les fils qui les connectent les uns aux autres. Dans le système alimentaire, les noeuds sont les entreprises qui vendent et achètent des céréales, des semences, des produits chimiques agricoles, mais aussi les grands exportateurs et importateurs, et les ports par lesquels les aliments transitent. Les liens sont leurs relations commerciales et institutionnelles.

    Si certains noeuds deviennent prépondérants, fonctionnent tous pareil et sont étroitement liés, alors il est probable que le système soit fragile. À l’approche de la crise de 2008, les grandes banques concevaient les mêmes stratégies et géraient le risque de la même manière, car elles courraient après les mêmes sources de profit. Elles sont devenues extrêmement interdépendantes et les gendarmes financiers comprenaient mal ces liens. Quand [la banque d’affaires] Lehman Brothers a déposé le bilan, elle a failli entraîner tout le monde dans sa chute.

    Quatre groupes contrôlent 90 % du commerce céréalier

    Voici ce qui donne des sueurs froides aux analystes du système alimentaire mondial. Ces dernières années, tout comme dans la finance au début des années 2000, les principaux noeuds du système alimentaire ont gonflé, leurs liens se sont resserrés, les stratégies commerciales ont convergé et se sont synchronisées, et les facteurs susceptibles d’empêcher un #effondrement_systémique (la #redondance, la #modularité, les #disjoncteurs, les #systèmes_auxiliaires) ont été éliminés, ce qui expose le système à des #chocs pouvant entraîner une contagion mondiale.

    Selon une estimation, quatre grands groupes seulement contrôlent 90 % du #commerce_céréalier mondial [#Archer_Daniels_Midland (#ADM), #Bunge, #Cargill et #Louis_Dreyfus]. Ces mêmes entreprises investissent dans les secteurs des #semences, des #produits_chimiques, de la #transformation, du #conditionnement, de la #distribution et de la #vente au détail. Les pays se divisent maintenant en deux catégories : les #super-importateurs et les #super-exportateurs. L’essentiel de ce #commerce_international transite par des goulets d’étranglement vulnérables, comme les détroits turcs (aujourd’hui bloqués par l’invasion russe de l’Ukraine), les canaux de Suez et de Panama, et les détroits d’Ormuz, de Bab El-Mandeb et de Malacca.

    L’une des transitions culturelles les plus rapides dans l’histoire de l’humanité est la convergence vers un #régime_alimentaire standard mondial. Au niveau local, notre alimentation s’est diversifiée mais on peut faire un constat inverse au niveau mondial. Quatre plantes seulement - le #blé, le #riz, le #maïs et le #soja - correspondent à près de 60 % des calories cultivées sur les exploitations. La production est aujourd’hui extrêmement concentrée dans quelques pays, notamment la #Russie et l’#Ukraine. Ce #régime_alimentaire_standard_mondial est cultivé par la #ferme_mondiale_standard, avec les mêmes #semences, #engrais et #machines fournis par le même petit groupe d’entreprises, l’ensemble étant vulnérable aux mêmes chocs environnementaux.

    Des bouleversements environnementaux et politiques

    L’industrie agroalimentaire est étroitement associée au #secteur_financier, ce qui la rend d’autant plus sensible aux échecs en cascade. Partout dans le monde, les #barrières_commerciales ont été levées, les #routes et #ports modernisés, ce qui a optimisé l’ensemble du réseau mondial. On pourrait croire que ce système fluide améliore la #sécurité_alimentaire, mais il a permis aux entreprises d’éliminer des coûts liés aux #entrepôts et #stocks, et de passer à une logique de flux. Dans l’ensemble, cette stratégie du flux tendu fonctionne, mais si les livraisons sont interrompues ou s’il y a un pic soudain de la demande, les rayons peuvent se vider brusquement.

    Aujourd’hui, le système alimentaire mondial doit survive non seulement à ses fragilités inhérentes, mais aussi aux bouleversements environnementaux et politiques susceptibles de s’influencer les uns les autres. Prenons un exemple récent. À la mi-avril, le gouvernement indien a laissé entendre que son pays pourrait compenser la baisse des exportations alimentaires mondiales provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine. Un mois plus tard, il interdisait les exportations de blé, car les récoltes avaient énormément souffert d’une #canicule dévastatrice.

    Nous devons de toute urgence diversifier la production alimentaire mondiale, sur le plan géographique mais aussi en matière de cultures et de #techniques_agricoles. Nous devons briser l’#emprise des #multinationales et des spéculateurs. Nous devons prévoir des plans B et produire notre #nourriture autrement. Nous devons donner de la marge à un système menacé par sa propre #efficacité.

    Si tant d’êtres humains ne mangent pas à leur faim dans une période d’abondance inédite, les conséquences de récoltes catastrophiques que pourrait entraîner l’effondrement environnemental dépassent l’entendement. C’est le système qu’il faut changer.

    https://www.courrierinternational.com/article/crise-le-systeme-alimentaire-mondial-menace-de-s-effondrer

    #alimentation #vulnérabilité #fragilité #diversification #globalisation #mondialisation #spéculation

  • « La mixité ? Nécessaire. Pas toujours possible »

    Faut-il séparer les élèves par niveaux ou les réunir dans des #classes hétérogènes ? Alors que Genève votera sur CO22, qui privilégie la seconde option, que dit la recherche ?

    Vaut-il mieux des #systèmes_scolaires séparant les élèves en filières ou les regroupant dans des classes hétérogènes ? Alors que Genève décidera le 15 mai s’il veut en finir ou non avec les sections et regroupements au Cycle d’orientation, que dit la recherche ?

    L’association Changeons l’école (CLÉ) a justement voulu donner des clés de compréhension pour éclairer le débat sur CO22 en invitant quatre universitaires autour d’une table ronde. Son président, Stéphane Garcia, doyen dans un collège, précise que, sur CO22, CLÉ, fondée il y a six mois par des gens travaillant ou ayant travaillé au DIP, ne prend pas position, bien qu’on trouve dans son comité le député vert’libéral et référendaire Jean-Michel Bugnion.

    Sociologue à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Barbara Fouquet-Chauprade affirme que, globalement, les #filières sont « les systèmes les moins efficaces et les plus inégalitaires ». Membre du Groupe genevois d’analyse des politiques éducatives, elle complète : « Plus l’orientation est retardée, mieux c’est pour limiter les inégalités. » Son collègue, Georges Felouzis, insiste sur le fait que la sélection précoce « laisse peu de place à la notion de seconde chance. La séparation a le défaut de pétrifier les statuts scolaires à la fin de l’école primaire. »

    Le pédagogue Olivier Maulini, qui dirige le Laboratoire innovation, formation, éducation (Life), rattaché à la même faculté, complète : « Des effectifs réduits pour mieux prendre en compte les difficultés d’une partie des élèves sont une mauvaise bonne idée, car on isole de plus en plus ces élèves, on individualise de plus en plus leur prise en charge en les privant des ressources du groupe qui peut stimuler les apprentissages. Résultat, on ne fait alors qu’empiler les dispositifs pour toujours plus individualiser, voire médicaliser l’encadrement des élèves en difficulté. » Dans une classe mixte, quand l’enseignant·e s’adresse plus particulièrement à un groupe d’élèves, les autres doivent apprendre à se taire, et donc le respect d’autrui, ajoute-t-il. « En réalité, les enseignants enseignent toujours pour toute la classe. »

    Lui aussi, au vu des comparaisons internationales, affirme que la recherche a prouvé la supériorité des systèmes hétérogènes, par exemple en Scandinavie ou en Asie. Dans une synthèse qu’il nous a fait parvenir, il note que « l’enseignement par niveaux est contesté dans (presque) toutes les sociétés : l’Allemagne tente de réduire le nombre de ses filières depuis que les comparaisons internationales l’ont mal classée ; la Pologne a unifié les siennes et nettement progressé ; la Corée du Sud a voulu à l’inverse avancer l’heure de la sélection, mais les experts l’en ont dissuadée. » Au micro, il explique : « Les effets de la concentration des difficultés sont l’étiquetage et la stigmatisation de ces élèves, un autodénigrement et un effet d’attente du corps enseignant, qui va adapter à la baisse ses exigences. »
    « Et l’excellence ? »

    Et plus les paliers d’orientation sont nombreux, plus les discriminations se durcissent : les parents des classes populaires ont tendance à auto-éliminer leurs enfants des filières les meilleures, explique le spécialiste. « Les enseignants ne font pas cette erreur pour leurs propres enfants et vont plutôt demander des dérogations. »

    Dans sa synthèse, M. Maulini précise encore que les classements et déclassements précoces peuvent susciter des sentiments de révolte, d’injustice, de résignation, et que ces choix ardus reposent essentiellement sur les jeunes les moins bien formé·es, qui vivent une double peine.

    Raison pour laquelle un système hétérogène profite en particulier aux élèves défavorisé·es. Ces gains sont largement supérieurs aux effets négatifs marginaux vécus par leurs camarades les mieux noté·es. Et l’excellence ? demande un enseignant dans le public. « Il est important pour tout pays de former une élite scolaire, mais là où on observe des politiques de mixité, on constate aussi que l’école est performante en termes d’excellence », répond M. Felouzis.

    Puis il prend l’exemple de la France, où le collège unique cache une ségrégation de fait en fonction des emplacements géographiques des établissements. « Les inégalités scolaires y sont très fortes, tandis que l’élite est formée dans les grandes écoles. Abandonner les filières n’aboutit pas à avoir un enseignement moyen, mais à ce que l’obtention des diplômes et la formation des élites ne dépendent pas de l’origine sociale ou migratoire. »

    Olivier Maulini affirme encore que « le passage mécanique des filières à des classes hétérogènes apporte une amélioration. Mais la plus-value augmente si l’on y ajoute une pédagogie différenciée efficace, privilégiant des remédiations intensives, ponctuelles et ciblées. » Tout le contraire d’un redoublement ou, justement, d’une séparation dans une classe à niveau. Les effets-leviers de ces remédiations, poursuit l’universitaire, ont un impact sur le climat de la classe, de l’établissement, du corps enseignant, une « boucle vertueuse » favorisant la cohésion sociale.

    Or, tout dépend de ce que l’on privilégie : la cohésion ou la compétition sociale ? Et c’est là que ça peut coincer, à entendre Olivier Maulini : « Au vu de leurs effets de ségrégation avérés, il est nécessaire de se passer des filières. Mais le nécessaire n’est pas toujours possible, on est bien placés à Genève pour le savoir. » Car « dans les régions où les diplômes décident le plus des destins sociaux, tout le monde attache beaucoup d’importance à la réussite scolaire ».

    Historien de l’éducation, Christian Alain Muller voit dans les Trente Glorieuses le début de la course aux diplômes, faisant qu’aujourd’hui, ne pas en avoir laisse comme seul débouché la livraison de pizzas. « Il fallait former de nombreuses personnes pour des emplois ‘moyens’ dans les services, nécessitant des diplômes. Aujourd’hui, l’école est très importante pour les gens des classes moyennes afin que les générations suivantes puissent conserver leur statut social. C’est pourquoi l’enjeu sur l’école est si fort et pas neutre du tout. »
    Une paix scolaire

    A Genève, ces rapports de force se sont traduits par ce qu’on appelle la « guerre scolaire » au début des années 2000, et, si l’on traduit correctement la pensée de ces universitaires, de la victoire de la compétition sociale : retour des notes à l’école primaire, puis retour des sections avec l’actuel « nouveau Cycle d’orientation ». Celui-ci, qui offre des passerelles pour passer d’un niveau à l’autre, se voulait une réponse politique consensuelle entre deux projets aux antipodes : l’hétérogénéité versus un Cycle multipliant des filières étanches. Genève s’est ainsi acheté la paix scolaire pour près de dix ans. Mais à quel prix ?

    Alors que ce système se voulait plus sélectif, il n’a rien changé pour la grande masse des élèves, selon Mme Fouquet-Chauprade, qui a étudié cette réforme de près. En revanche, celles et ceux à la marge ont été figés dans la voie de garage de la section la plus faible et génératrice de mal-être, alors qu’avec le précédent système, ces jeunes auraient pu prétendre à un destin scolaire plus gratifiant.

    Reste qu’elle aussi prévient : d’une réforme sur le papier comme CO22 à sa mise en pratique, il y a un fossé. Or « quand les acteurs du terrain ne sont pas impliqués dans une réforme éducative, ils ne s’y reconnaissent pas ». En ce sens, juge l’universitaire, en comparaison du système actuel qui a été « imposé par le politique », CO22 se veut « relativement innovant » au vu d’une « réelle volonté de négocier, du partenariat avec les syndicats, les partis ou encore l’apport des chercheurs ». Mais impossible de parler de co-construction puisque, de fait, « le corps enseignant du Cycle est divisé ». Si CO22 passe, une partie du corps enseignant réfractaire pourrait appliquer des stratégies d’évitement, comme on en observe à Neuchâtel, qui a abandonné les filières en 2017.

    Olivier Maulini, lui, observe parfois dans les classes hétérogènes des « effets non désirés » : suradaptation de l’enseignement aux aptitudes supposées, sous-stimulation d’individus ou de groupes marginalisés, hiérarchies implicites d’évaluation, exclusions de l’intérieur, dirigisme, paix sociale plus ou moins négociée…

    Au passage, le chercheur n’est pas étonné que, si le syndicat du Cycle s’abstient à propos de CO22, celui du primaire soutient cette réforme puisque, par un effet de cascade, « c’est au primaire que l’orientation se joue ».
    Des élèves coulent

    Conclusion du spécialiste : pour arbitrer entre hétérogénéité ou filières, il faut tenir compte d’au moins trois facteurs clés : un corps enseignant plus ou moins apte à mettre en œuvre une pédagogie inclusive ; le degré de cohésion social versus l’angoisse endémique d’être bien ou mal sélectionné ; une tradition politique de progrès patiemment négociés ou une autre, faite d’effets d’annonce sur fond de préférences idéalisées.

    Quant à Christian Alain Muller, il attire l’attention sur une bombe sociale qui transcende ce débat : « 10 à 15% d’élèves coulent, qui ne se conforment pas à la forme scolaire, développent une phobie scolaire ou entrent dans un processus de médicalisation, certains ne supportent pas l’énorme pression des évaluations et développent une angoisse. Les parcours se prolongent, on multiplie les dispositifs. » Et la conclusion qui fait mal : en réalité, « on ne sait pas quoi faire avec ces élèves ».

    Alors que la guerre scolaire a repris, le 15 mai, le peuple dira si, après le retrait de l’initiative pour l’hétérogénéité il y a treize ans, suivi de l’échec du retour des sections en termes d’égalité des chances, le canton est mûr pour à nouveau réformer son Cycle.

    https://lecourrier.ch/2022/05/03/la-mixite-necessaire-pas-toujours-possible

    #école #mixité #éducation #classes_sociales #inégalités #politiques_éducatives #sélection #seconde_chance #statuts_scolaires #séparation #isolement #apprentissage #individualisation #médicalisation #enseignement_par_niveaux #stigmatisation #excellence #discriminations #double_peine #remédiations #pédagogie_différenciée #cohésion_sociale #compétition #diplômes #réussite_scolaire #pédagogie_inclusive #Suisse #Genève

  • Contre les migrants, toujours plus de #technologie

    Reporterre s’est rendu au salon #Milipol pour découvrir les innovations technologiques sécuritaires. Elles sont de plus en plus déployées pour repousser les migrants.

    « Viens ici pépère ! » lance un homme élancé en costume-cravate en direction d’un chien-robot en mouvement, faisant mine de lui proposer à manger. Derrière les regards amusés autour du robot développé par l’entreprise étasunienne #Ghost_Robotics, son « maître » le guide avec sa télécommande d’un œil malicieux. Ce chien-robot au look Black Mirror répond au nom de #Q-UGV et sa mission consiste à surveiller des sites ultrasensibles comme les centrales nucléaires.

    Ce surveillant atypique, capable de courir, grimper et nager dans des environnements extrêmes, était l’une des nombreuses innovations présentées sur le salon Milipol de la sécurité intérieure au parc des expositions de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Près de 1 000 exposants, dont deux tiers d’entreprises internationales, y ont élu domicile du mardi 19 au vendredi 22 octobre. Plus de 30 000 professionnels de la sécurité publique et privée de 150 pays déambulaient dans les allées. Entre une coupe de champagne et des petits fours, ils s’informaient pour en faire commerce sur les dernières grenades lacrymogènes, les dispositifs de reconnaissance faciale ou les fusils d’assaut.

    L’heure est à la reprise pour le secteur de la #sécurité. « La première des libertés », comme l’a assuré le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lors de sa visite du salon le premier jour. Après avoir subi la crise sanitaire à l’instar d’une large partie de l’économie mondiale, le marché mondial de la #sécurité_intérieure devrait rebondir. Sa prévision de croissance est de 8 % en 2021 et de 6 % en 2022, après une baisse de 3 % en 2020. En France, il n’a pas été épargné non plus et les dépenses étatiques consacrées à la sécurité ont baissé de 8,6 %, pour atteindre 3,6 milliards d’euros. Mais certains domaines, comme celui des #drones_de_surveillance, ont tiré leur épingle du jeu avec une progression de 5,8 %. Alors que l’Union européenne peine toujours à s’accorder sur une politique commune de gestion des #frontières, chaque État membre est tenté de renforcer la #surveillance des siennes grâce à des technologies toujours plus sophistiquées.

    Mille et une façons de traquer les migrants

    Déjà déployés, en passe d’être expérimentés ou pas encore autorisés, les dispositifs de #détection de migrants sont présentés aux quatre coins de l’immense salle d’exposition. Nichés entre deux stands de drones, les représentants de la société française #HGH, spécialisée dans les #systèmes_électro-optiques, sont ainsi très sollicités. La série de #caméras_thermiques #Spynel, qui promet une « #surveillance_panoramique 360 degrés, #jour et #nuit, jusqu’à l’horizon » sur les frontières des pays intéressés, a du succès. À l’occasion du salon, l’entreprise vient de finaliser un contrat d’un million d’euros avec un pays de l’#Otan (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) — dont elle tait le nom — pour sécuriser et surveiller sur près de 1 000 kilomètres de côte et empêcher les passages des migrants et des trafiquants de drogues. « C’est impossible d’échapper à la #vigilance de cette caméra, et à l’inverse des drones, on ne peut pas brouiller son signal, car elle n’émet aucune onde », se félicite le responsable marketing. « Si un groupe de personnes ou un zodiac s’approche de nuit d’un littoral dans la zone surveillée, l’#intelligence_artificielle détectera automatiquement le #mouvement et une alerte sera envoyée aux forces de sécurité », poursuit-il.

    De l’autre côté du salon, un groupe de gendarmes écoute attentivement les explications du représentant de l’entreprise néerlandaise #UVI-Scan. Sur la brochure commerciale, une page est consacrée à un #scanner capable de détecter les passagers clandestins sous les camions. Le visuel est explicite : accrochés sous un véhicule, deux migrants sont pris en flagrant délit. « Ce sont de vraies photos ! » assume le consultant technique. « C’est un système intégré à la chaussée qui détecte les #intrus et prend automatiquement une photo à l’approche des postes frontières et des ferrys », explique-t-il. « Nous en avons déployés un peu partout en Europe, notamment à #Dieppe, en France ». Là où de nombreux exilés tentent leur chance pour gagner les côtes anglaises par le ferry ou des embarcations de fortune.

    Entre deux stands de fusils d’assaut et des tenues de camouflages, un drone blanc aux allures d’avion miniature surplombe le stand de #German_Drones. L’entreprise allemande propose un « service personnalisé » à ses clients en fonction des usages ». Pour la détection de passages de migrants à la frontière, Anis Fellahi, le chef de projet international du groupe, recommande « le modèle 150, le plus performant, qui peut voler une heure et demie, couvrir une centaine de kilomètres, et transmet une vidéo de meilleure qualité ». Le dit #Songbird est d’ores et déjà déployé aux frontières allemandes et belges, et cherche à étendre son empreinte.

    Les industriels ne s’arrêtent pas là et proposent aux autorités des outils de #surveillance_aérienne toujours plus développées et intrusifs. L’entreprise française #T-ops intègre des #IMSI-Catcher directement embarqués sur les drones. Ce dispositif de #surveillance_de_masse est capable d’intercepter le trafic des communications téléphoniques, de récupérer et recouper ces informations à distance et de suivre les mouvements des utilisateurs. « Là nous proposons un produit avec une #efficacité au-delà du réel ! » s’exclame le représentant de la société. Cette technologie peut-elle être déployée pour repérer les migrants ? « C’est possible, oui. Mais nous ne fournissons qu’un service, le responsable de son utilisation est l’État », répond-il sobrement.

    Certains produits attendent des évolutions législatives pour être pleinement déployés. C’est le cas du drone de surveillance très longue distance présenté par le groupe belge #John_Cockerill, traditionnel acteur de la défense, lancé depuis peu dans la sécurité intérieure. « Ce type d’appareil peut voir jusqu’à 30 kilomètres et il est en capacité d’identifier très clairement des personnes », explique #Jean-Marc_Tyberg, le président du conseil d’administration du groupe. « À ce stade, nous devons intégrer un logiciel qui floute automatiquement le visage de la personne pour ne pas la reconnaître ». Mais selon lui, « se priver de ces outils de reconnaissance revient à fermer les yeux en conduisant. Il faut que l’on rattrape notre retard législatif pour que ces solutions puissent être pleinement utilisées. » Jean-Marc Tyberg fait référence aux longs débats autour de la controversée #loi_Sécurité_globale. Le Conseil constitutionnel avait fini par censurer le dispositif d’encadrement de l’utilisation des images des drones utilisés les forces de l’ordre, jugée trop dangereux au regard du #droit_à_la_vie_privée. Mais le gouvernement est revenu à la charge à la rentrée avec une disposition remaniée dans le projet de loi relatif à la sécurité intérieure, actuellement débattu au Parlement.

    Si la France n’est pas le terrain de jeu technologique idéal des industriels, d’autres États comme la #Grèce accueillent de nombreuses expérimentations plus poussées. Le pays frontalier de la Turquie est un passage obligé dans le parcours des migrants. Et il reçoit le soutien de l’agence de gardes-côtes européens #Frontex, accusée par des ONG et des médias d’opérer des refoulements illégaux à l’extérieur de l’UE. Si le gestionnaire des frontières européennes n’a pas de stand dédié ici, ses fournisseurs sont disséminés sur le salon. La société française #Cnim_Air_Space est l’un d’eux. « Notre modèle de #ballon_captif #Eagle_Owl gonflé à l’Hélium peut voler jusqu’à 600 mètres de haut, et possède une autonomie de 7 jours », expose fièrement le représentant de l’entreprise. Il est actuellement utilisé par les autorités grecques et l’agence Frontex. Un modèle plus petit a également été expérimenté autour de #Calais par la gendarmerie. Avec sa caméra embarquée, il renvoie en continu les #images vers une station positionnée au sol. « En cas d’alerte, si un zodiac débarque, les autorités grecques sont en capacité de les repérer à des kilomètres avant d’intervenir », précise-t-il. « Il mesure 22 mètres de long, donc le fait de le voir peut aussi avoir un effet dissuasif… ».

    La Grèce accueille également l’expérimentation du projet #Roborder, contraction de #robot et de border (frontière en anglais), lancé en 2017, qui prévoit un #système_de_surveillance des frontières par un essaim de #drones_autonomes, capables par l’intelligence artificielle de déterminer les franchissements. Le projet #iborder_control ambitionne quant à lui de développer un #algorithme capable de détecter les #mensonges des migrants lors de leur passage à l’aéroport.

    Mais sur le terrain, les associations d’aide aux personnes exilées observent que le renforcement de la surveillance des frontières ne décourage pas les candidats à l’asile, mais rend simplement leur parcours plus dangereux. Alors que la surveillance se renforce d’année en année, l’Organisation internationale des migrations a comptabilisé 1 146 décès de migrants sur les routes maritimes vers l’Europe au premier semestre 2021, contre 513 en 2020 et 674 en 2019 à la même période. Mais au salon Milipol, le rêve d’une Europe forteresse a de belles années devant lui.

    https://reporterre.net/Contre-les-migrants-toujours-plus-de-technologie

    ping @isskein @karine4

  • En Afrique, des paysans en lutte contre « l’agro-colonialisme » - Page 1 | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/230921/en-afrique-des-paysans-en-lutte-contre-l-agro-colonialisme

    « L’avenir des #systèmes_alimentaires africains doit être entre les mains des Africains. » Ce slogan de l’Alliance for Food Sovereignty in Africa (AFSA), une grande coalition de 200 millions de producteurs et d’autres acteurs de la #société_civile_africaine, accompagne l’une des principales batailles qui se jouent en ce moment dans le domaine agricole en #Afrique subsaharienne.

    La lutte oppose une partie du monde rural à de puissants intérêts, principalement étrangers, qui cherchent à imposer une #agriculture_techno-industrielle au continent, lequel abrite 60 % des terres arables de la planète. Certains dénoncent un « #agro-colonialisme » qui empêche une politique de soutien plus réaliste et adaptée aux réalités du terrain.

    L’#AFSA mène ainsi une #campagne contre l’Alliance pour une révolution verte en Afrique, connue aussi sous son acronyme anglais #AGRA (Alliance for a Green Revolution in Africa). Lancée en 2006 par la fondation Bill & Melinda Gates et la fondation Rockefeller, l’AGRA mise sur l’utilisation d’intrants de haute technologie pour « transformer » l’agriculture africaine.

    #FBMG

  • Une nouvelle chaire UNESCO en #toponymie_inclusive

    Une équipe internationale, dirigée par l’UNIGE, va travailler sur les questions de #nominations_des_lieux à l’échelle mondiale, en se penchant notamment sur les questions de #genre, de visibilité des #minorités et de #développement_durable.

    Comment les lieux sont-ils nommés dans le monde ? Par qui ? Avec quels enjeux politiques, culturels, sociaux, mémoriels ? Pour répondre à ces questions, une nouvelle chaire UNESCO en toponymie inclusive voit le jour à l’Université de Genève (UNIGE) : « #Dénommer_le_Monde ». Les objectifs ? Rendre visible cette problématique –qui prend actuellement de plus en plus d’ampleur–, en expliquer les mécanismes, créer un espace de dialogue entre les académiques, la société civile et les opérateurs publics et privés, et inventorier de bonnes pratiques et recommandations en la matière. En effet, de ce qui semble n’être qu’une sous-branche de la linguistique découlent de nombreuses problématiques comme la question du genre, la visibilité des minorités, les #langues et #savoirs_autochtones et le rapport à la #colonisation. Durant les quatre prochaines années, l’UNIGE initiera un fonctionnement en Réseaux de partenaires autour de cette chaire, particulièrement avec l’Afrique et l’Europe pour les réseaux académiques, et avec des organisations internationales.

    La toponymie classique est l’étude de l’origine des noms de lieux et de leur évolution à travers le temps. « La toponymie permet la reconstitution archéologique du peuplement et du rapport à l’environnement dans le passé, précise Frédéric Giraut, professeur à la Faculté des sciences de la société de l’UNIGE et directeur de la chaire UNESCO en toponymie inclusive. Encore récemment, des archéologues allemands ont découvert un indicateur de lieu en haute Égypte, qui date de 4000 ans AV.-JC ! »

    Des enjeux de genre et de visibilité des minorités

    Toutefois la toponymie n’est pas que la simple explication et utilisation des #noms_de_lieux. Des enjeux importants découlent de l’étude de sa production contemporaine qui détermine la #visibilité de certaines #mémoires et symboliques dans l’#espace_public, la #signalétique, la #cartographie et les #adresses. « On parle de toponymie inclusive, car la question du genre, de par la sous-représentation des femmes dans le marquage de l’espace public, est patente, tout comme celle des minorités peut l’être dans le marquage de l’espace en général, que cela soit en Occident ou dans les pays au passé colonial », relève Frédéric Giraut. Les recherches menées par les collaborateurs/trices de la chaire UNESCO vont donc s’axer sur la représentation des différentes mémoires, des cultures, des visions du social et de l’espace en favorisant le débat entre les académiques, la société civile et les opérateurs via l’organisation de forums. « Nous allons également traiter les questions de #commémorations et de revendications controversées en analysant les termes des débats, dans leurs dimensions historiques, sociales et éthiques », annonce le chercheur genevois. La chaire va donc s’intéresser aux questions liées aux #mémoires_collectives et à leurs contradictions éventuelles. Dans quelles conditions le nom est-il consensuel ou conflictuel ? Différentes mémoires peuvent-elles être présentes simultanément et comment ? Ces questions se retrouvent dans des contextes et à des échelles très différentes, et relèvent du choix et de la reconnaissance des langues et des références historiques, culturelles et politiques.

    #Toponymie_officielle contre #toponymie_vernaculaire

    Autre problématique soulevée par la chaire UNESCO en toponymie inclusive : l’#adressage. « Dans les pays dits en développement, principalement, des quartiers entiers de villes sont construits indépendamment d’une autorité officielle, qui tente a posteriori d’organiser ces ‘villes informelles’ par un système de repérage fondé sur les numérotations de parcelles et de noms de rues », explique Frédéric Giraut. Mais cette logique se heurte à une organisation vernaculaire qui elle, emploie ses propres noms de repères vécus dans la vie de tous les jours, créant des tensions entre les politiques publiques et les habitant-es des quartiers et multipliant les systèmes antagoniques.

    De manière plus générale, s’interroger sur les politiques officielles sera l’occasion d’analyser quels noms sont retenus et pourquoi, notamment vis-à-vis de la #marchandisation de certains noms de lieux, vendu ou loué, ou du #marketing_territorial. Il s’agit d’aller de l’observation du processus contemporain de la nomination à l’analyse rétrospective grâce à des sources de nature diverses qui relèvent de la cartographie, des archives, de la presse ou des systèmes d’information géographique.

    Le glissement de la toponymie cartographiée du public au privé

    Qui dit toponymie, dit cartographie. « Assurée par les autorités étatiques, d’abord militaires puis civiles, la cartographie de détails a vu des acteurs privés, comme le géant Google ou les entreprises de #GPS embarqués, s’instaurer comme références majeures pour les utilisateurs », relève Frédéric Giraut. A cela s’ajoute la cartographie participative, qui permet à tout un chacun de contribuer à la cartographie de détail du monde, notamment grâce à OpenStreetMap. Ces différents #systèmes_d’information_géographique constituent autant de cartographies du monde, parfois en contradiction. « L’intérêt de ces cartes ‘non-officielles’, mais dont les usages sont généralisés, est qu’elles permettent de faire jaillir des #quartiers_informels, invisibles sur les cartes étatiques, promouvant des toponymies vernaculaires et alternatives », s’enthousiasme le géographe.

    Un partenariat international

    Pour traiter ces problématiques, un consortium académique sera mobilisé en démarrant par la formalisation d’un réseau existant à deux échelles : mondiale d’une part, en fédérant les spécialistes et leurs équipes situés sur tous les continents ainsi que les Organisations internationales intéressées, et africaine d’autre part, avec le lancement d’un observatoire de la néotoponymie africaine (soit la nomination de nouveaux objets géographiques) qui inclut une plate-forme d’échanges avec les praticien-nes et les expert-es. Le programme de la chaire comportera également la réalisation d’un manuel double édition français et anglais et d’un cours en ligne intitulé “Dénommer le Monde”.

    Le choix de la candidature de l’UNIGE pour une nouvelle chaire UNESCO a pour but de valider l’affirmation de ce champ émergent, dont les thématiques culturelles, patrimoniales et de développement sont en adéquation avec les thèmes fondateurs de l’organisation internationale. De même, les orientations de la chaire sont en adéquation avec plusieurs des priorités de l’UNESCO, notamment les questions de genre, le partenariat académique et technique Nord-Sud, particulièrement avec l’Afrique, et enfin la prise en compte des aspects culturels, notamment les savoirs autochtones et vernaculaires, dans les initiatives de développement durable.

    https://www.unige.ch/communication/communiques/2021/une-nouvelle-chaire-unesco-en-toponymie-inclusive
    #toponymie #chaire_UNESCO #université_de_Genève #toponymie_politique

    ping @cede

  • Le comité d’#éthique de la #défense publie son rapport sur l’intégration de l’#autonomie des #systèmes_d’armes_létaux
    http://lignesdedefense.blogs.ouest-france.fr/archive/2021/04/29/le-comite-d-ethique-de-la-defense-publie-son-rapp

    La France s’est dotée en 2019 d’un comité d’éthique de la défense (il a été officiellement installé le 10 janvier 2020) structure de réflexion permanente sur les enjeux éthiques des nouvelles technologies dans le domaine de la défense.

    Après la publication de ses premiers travaux sur le soldat augmenté, le comité d’éthique de la défense vient de remettre son avis sur l’intégration de l’autonomie dans les systèmes d’armes létaux. Ce rapport est consultable ici [https://dicod.hosting.augure.com/Augure_Dicod/r/ContenuEnLigne/Download?id=C45E2746-B009-4043-B390-2F82B89F590C&filename=Comi

    Pour résumer : l’humain reste au cœur des décisions d’usage de la force létale.

    La ministre des #Armées s’exprimera sur cet avis indépendant rendu par le comité d’éthique de la défense, lorsque ses conclusions auront fait l’objet d’études d’appropriation au sein des services du ministère.

    La question de l’intégration de l’autonomie dans les systèmes d’armes létaux avait été choisi par le ministère des Armées, conscient de la mesure des enjeux stratégiques, juridiques et éthiques soulevés par le développement des applications militaires de l’#Intelligence_artificielle (IA), et en particulier par l’émergence potentielle de Systèmes d’armes létaux pleinement autonomes (SALA).

    Les conclusions du comité d’éthique de la défense confortent sans surprise les positions prises par la France depuis plusieurs années sur le sujet des SALA : la France confirme qu’elle ne développera et n’emploiera pas de systèmes d’armes létaux pleinement autonomes.

    Le rapport s’attache à identifier ce que recouvre la notion d’autonomie et présente avec pédagogie les définitions existantes. Au terme de cette analyse, le comité a choisi d’établir une stricte distinction entre les SALA et les Systèmes d’armes létaux intégrant de l’autonomie (SALIA) mais incapables d’agir seuls, sans contrôle humain, de modifier leurs règles d’engagement et de prendre des initiatives létales.

    Les SALIA (systèmes d’armes létaux intégrant de l’autonomie), comme le précise le ministère, sont des systèmes comportant des fonctions automatisées, mais sous contrôle humain, dans des conditions qui garantissent :
    – le respect du principe constitutionnel de nécessaire libre disposition de la force armée,
    – le respect du principe de continuité de la chaîne de commandement de l’ordre à son application,
    – le respect des principes du #droit_international humanitaire.

    Un SALIA ne pourrait prendre d’initiatives létales sans contrôle humain. Il ne pourrait pas modifier seul ses conditions de fonctionnement.

    #armement

  • Blog Stéphane Bortzmeyer : Qui contrôle votre ordiphone et qui devrait avoir ce pouvoir ?
    https://www.bortzmeyer.org/smartphones-controle.html

    Dans ce cas précis, le problème portait sur le Bluetooth et plus précisément sur son activation permanente par une application, même quand elle est en arrière-plan sur l’ordiphone. Le système d’exploitation d’Apple, iOS (mais, apparemment, également son concurrent Android) ne permet pas cela. Bluetooth est en effet très dangereux pour la sécurité, permettant à tout appareil proche de parler avec le vôtre, et surtout pour la vie privée. Compte tenu de l’attitude des commerçants vis-à-vis de la vie privée, des scénarios de type « Black Mirror » seraient possibles, si les applications pouvaient laisser le Bluetooth fonctionner discrètement, par exemple de la surveillance de clients dans un magasin, pour identifier les acheteurs potentiels. Il est donc tout à fait normal qu’iOS ne permette pas cela. C’est aussi pour cela que l’ANSSI recommande, à juste titre, « Les interfaces sans-fil (Bluetooth et WiFi) ou sans contact (NFC par exemple) doivent être désactivées lorsqu’elles ne sont pas utilisées ».

    OK, dans ce cas bien précis, Apple a raison. Mais généralisons un peu le problème : qu’ils aient raison ou pas, est-ce normal qu’une entreprise privée étatsunienne prenne ce genre de décisions ? Et, si ce n’est pas Apple ou Google (qui gère Android), alors qui ?

    Bon, maintenant, assez râlé, qu’est-ce que je propose ? Certainement pas de lancer le Nième grand projet national de développement d’un système souverain, projet qui finira soit en échec gaspilleur soit, pire, en un autre système fermé ne laissant aucune souveraineté aux citoyens et citoyennes. L’important est au contraire d’ouvrir le choix. Il ne s’agit pas de n’avoir le choix qu’entre deux systèmes privateurs mais au contraire de faire en sorte que les utilisateurs et utilisatrices d’ordiphones (et d’ordinateurs tout court, d’ailleurs) aient accès à plusieurs choix possibles. Un monopole de Capgemini ne serait pas meilleur qu’un monopole de Google ! Le pluralisme est en effet la meilleure garantie contre les abus du pouvoir. Si les auteurs d’un système d’exploitation tentent d’abuser de leur pouvoir, on peut espérer que les autres suivront un chemin différent. Notez que le fait d’avoir des systèmes d’exploitation différents est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il faut aussi :

    Que les systèmes offrent un réel choix. Actuellement, le duopole Apple+Google leur permet trop facilement de s’entendre sur tel ou tel choix.
    Que le matériel permette de changer réellement de système d’exploitation, au contraire de la plupart des ordiphones d’aujourd’hui, verrouillés contre toute installation d’un système alternatif. Le problème n’est pas seulement Apple+Google : les fabricants de matériel, ainsi que les opérateurs téléphoniques qui distribuent des ordiphones, ont également une part de responsabilité.
    Que les systèmes d’exploitation en question soient du logiciel libre, autrement, l’utilisateur n’aurait pas davantage de souveraineté qu’aujourd’hui, quelle que soit l’organisation qui a développé ce système.

    #Souverainisme #Systèmes_exploitation #Stéphane_Bortzmeyer

  • Monitoring being pitched to fight Covid-19 was tested on refugees

    The pandemic has given a boost to controversial data-driven initiatives to track population movements

    In Italy, social media monitoring companies have been scouring Instagram to see who’s breaking the nationwide lockdown. In Israel, the government has made plans to “sift through geolocation data” collected by the Shin Bet intelligence agency and text people who have been in contact with an infected person. And in the UK, the government has asked mobile operators to share phone users’ aggregate location data to “help to predict broadly how the virus might move”.

    These efforts are just the most visible tip of a rapidly evolving industry combining the exploitation of data from the internet and mobile phones and the increasing number of sensors embedded on Earth and in space. Data scientists are intrigued by the new possibilities for behavioural prediction that such data offers. But they are also coming to terms with the complexity of actually using these data sets, and the ethical and practical problems that lurk within them.

    In the wake of the refugee crisis of 2015, tech companies and research consortiums pushed to develop projects using new data sources to predict movements of migrants into Europe. These ranged from broad efforts to extract intelligence from public social media profiles by hand, to more complex automated manipulation of big data sets through image recognition and machine learning. Two recent efforts have just been shut down, however, and others are yet to produce operational results.

    While IT companies and some areas of the humanitarian sector have applauded new possibilities, critics cite human rights concerns, or point to limitations in what such technological solutions can actually achieve.

    In September last year Frontex, the European border security agency, published a tender for “social media analysis services concerning irregular migration trends and forecasts”. The agency was offering the winning bidder up to €400,000 for “improved risk analysis regarding future irregular migratory movements” and support of Frontex’s anti-immigration operations.

    Frontex “wants to embrace” opportunities arising from the rapid growth of social media platforms, a contracting document outlined. The border agency believes that social media interactions drastically change the way people plan their routes, and thus examining would-be migrants’ online behaviour could help it get ahead of the curve, since these interactions typically occur “well before persons reach the external borders of the EU”.

    Frontex asked bidders to develop lists of key words that could be mined from platforms like Twitter, Facebook, Instagram and YouTube. The winning company would produce a monthly report containing “predictive intelligence ... of irregular flows”.

    Early this year, however, Frontex cancelled the opportunity. It followed swiftly on from another shutdown; Frontex’s sister agency, the European Asylum Support Office (EASO), had fallen foul of the European data protection watchdog, the EDPS, for searching social media content from would-be migrants.

    The EASO had been using the data to flag “shifts in asylum and migration routes, smuggling offers and the discourse among social media community users on key issues – flights, human trafficking and asylum systems/processes”. The search covered a broad range of languages, including Arabic, Pashto, Dari, Urdu, Tigrinya, Amharic, Edo, Pidgin English, Russian, Kurmanji Kurdish, Hausa and French.

    Although the EASO’s mission, as its name suggests, is centred around support for the asylum system, its reports were widely circulated, including to organisations that attempt to limit illegal immigration – Europol, Interpol, member states and Frontex itself.

    In shutting down the EASO’s social media monitoring project, the watchdog cited numerous concerns about process, the impact on fundamental rights and the lack of a legal basis for the work.

    “This processing operation concerns a vast number of social media users,” the EDPS pointed out. Because EASO’s reports are read by border security forces, there was a significant risk that data shared by asylum seekers to help others travel safely to Europe could instead be unfairly used against them without their knowledge.

    Social media monitoring “poses high risks to individuals’ rights and freedoms,” the regulator concluded in an assessment it delivered last November. “It involves the use of personal data in a way that goes beyond their initial purpose, their initial context of publication and in ways that individuals could not reasonably anticipate. This may have a chilling effect on people’s ability and willingness to express themselves and form relationships freely.”

    EASO told the Bureau that the ban had “negative consequences” on “the ability of EU member states to adapt the preparedness, and increase the effectiveness, of their asylum systems” and also noted a “potential harmful impact on the safety of migrants and asylum seekers”.

    Frontex said that its social media analysis tender was cancelled after new European border regulations came into force, but added that it was considering modifying the tender in response to these rules.
    Coronavirus

    Drug shortages put worst-hit Covid-19 patients at risk
    European doctors running low on drugs needed to treat Covid-19 patients
    Big Tobacco criticised for ’coronavirus publicity stunt’ after donating ventilators

    The two shutdowns represented a stumbling block for efforts to track population movements via new technologies and sources of data. But the public health crisis precipitated by the Covid-19 virus has brought such efforts abruptly to wider attention. In doing so it has cast a spotlight on a complex knot of issues. What information is personal, and legally protected? How does that protection work? What do concepts like anonymisation, privacy and consent mean in an age of big data?
    The shape of things to come

    International humanitarian organisations have long been interested in whether they can use nontraditional data sources to help plan disaster responses. As they often operate in inaccessible regions with little available or accurate official data about population sizes and movements, they can benefit from using new big data sources to estimate how many people are moving where. In particular, as well as using social media, recent efforts have sought to combine insights from mobile phones – a vital possession for a refugee or disaster survivor – with images generated by “Earth observation” satellites.

    “Mobiles, satellites and social media are the holy trinity of movement prediction,” said Linnet Taylor, professor at the Tilburg Institute for Law, Technology and Society in the Netherlands, who has been studying the privacy implications of such new data sources. “It’s the shape of things to come.”

    As the devastating impact of the Syrian civil war worsened in 2015, Europe saw itself in crisis. Refugee movements dominated the headlines and while some countries, notably Germany, opened up to more arrivals than usual, others shut down. European agencies and tech companies started to team up with a new offering: a migration hotspot predictor.

    Controversially, they were importing a concept drawn from distant catastrophe zones into decision-making on what should happen within the borders of the EU.

    “Here’s the heart of the matter,” said Nathaniel Raymond, a lecturer at the Yale Jackson Institute for Global Affairs who focuses on the security implications of information communication technologies for vulnerable populations. “In ungoverned frontier cases [European data protection law] doesn’t apply. Use of these technologies might be ethically safer there, and in any case it’s the only thing that is available. When you enter governed space, data volume and ease of manipulation go up. Putting this technology to work in the EU is a total inversion.”
    “Mobiles, satellites and social media are the holy trinity of movement prediction”

    Justin Ginnetti, head of data and analysis at the Internal Displacement Monitoring Centre in Switzerland, made a similar point. His organisation monitors movements to help humanitarian groups provide food, shelter and aid to those forced from their homes, but he casts a skeptical eye on governments using the same technology in the context of migration.

    “Many governments – within the EU and elsewhere – are very interested in these technologies, for reasons that are not the same as ours,” he told the Bureau. He called such technologies “a nuclear fly swatter,” adding: “The key question is: What problem are you really trying to solve with it? For many governments, it’s not preparing to ‘better respond to inflow of people’ – it’s raising red flags, to identify those en route and prevent them from arriving.”
    Eye in the sky

    A key player in marketing this concept was the European Space Agency (ESA) – an organisation based in Paris, with a major spaceport in French Guiana. The ESA’s pitch was to combine its space assets with other people’s data. “Could you be leveraging space technology and data for the benefit of life on Earth?” a recent presentation from the organisation on “disruptive smart technologies” asked. “We’ll work together to make your idea commercially viable.”

    By 2016, technologists at the ESA had spotted an opportunity. “Europe is being confronted with the most significant influxes of migrants and refugees in its history,” a presentation for their Advanced Research in Telecommunications Systems Programme stated. “One burning issue is the lack of timely information on migration trends, flows and rates. Big data applications have been recognised as a potentially powerful tool.” It decided to assess how it could harness such data.

    The ESA reached out to various European agencies, including EASO and Frontex, to offer a stake in what it called “big data applications to boost preparedness and response to migration”. The space agency would fund initial feasibility stages, but wanted any operational work to be jointly funded.

    One such feasibility study was carried out by GMV, a privately owned tech group covering banking, defence, health, telecommunications and satellites. GMV announced in a press release in August 2017 that the study would “assess the added value of big data solutions in the migration sector, namely the reduction of safety risks for migrants, the enhancement of border controls, as well as prevention and response to security issues related with unexpected migration movements”. It would do this by integrating “multiple space assets” with other sources including mobile phones and social media.

    When contacted by the Bureau, a spokeswoman from GMV said that, contrary to the press release, “nothing in the feasibility study related to the enhancement of border controls”.

    In the same year, the technology multinational CGI teamed up with the Dutch Statistics Office to explore similar questions. They started by looking at data around asylum flows from Syria and at how satellite images and social media could indicate changes in migration patterns in Niger, a key route into Europe. Following this experiment, they approached EASO in October 2017. CGI’s presentation of the work noted that at the time EASO was looking for a social media analysis tool that could monitor Facebook groups, predict arrivals of migrants at EU borders, and determine the number of “hotspots” and migrant shelters. CGI pitched a combined project, co-funded by the ESA, to start in 2019 and expand to serve more organisations in 2020.
    The proposal was to identify “hotspot activities”, using phone data to group individuals “according to where they spend the night”

    The idea was called Migration Radar 2.0. The ESA wrote that “analysing social media data allows for better understanding of the behaviour and sentiments of crowds at a particular geographic location and a specific moment in time, which can be indicators of possible migration movements in the immediate future”. Combined with continuous monitoring from space, the result would be an “early warning system” that offered potential future movements and routes, “as well as information about the composition of people in terms of origin, age, gender”.

    Internal notes released by EASO to the Bureau show the sheer range of companies trying to get a slice of the action. The agency had considered offers of services not only from the ESA, GMV, the Dutch Statistics Office and CGI, but also from BIP, a consulting firm, the aerospace group Thales Alenia, the geoinformation specialist EGEOS and Vodafone.

    Some of the pitches were better received than others. An EASO analyst who took notes on the various proposals remarked that “most oversell a bit”. They went on: “Some claimed they could trace GSM [ie mobile networks] but then clarified they could do it for Venezuelans only, and maybe one or two countries in Africa.” Financial implications were not always clearly provided. On the other hand, the official noted, the ESA and its consortium would pay 80% of costs and “we can get collaboration on something we plan to do anyway”.

    The features on offer included automatic alerts, a social media timeline, sentiment analysis, “animated bubbles with asylum applications from countries of origin over time”, the detection and monitoring of smuggling sites, hotspot maps, change detection and border monitoring.

    The document notes a group of services available from Vodafone, for example, in the context of a proposed project to monitor asylum centres in Italy. The proposal was to identify “hotspot activities”, using phone data to group individuals either by nationality or “according to where they spend the night”, and also to test if their movements into the country from abroad could be back-tracked. A tentative estimate for the cost of a pilot project, spread over four municipalities, came to €250,000 – of which an unspecified amount was for “regulatory (privacy) issues”.

    Stumbling blocks

    Elsewhere, efforts to harness social media data for similar purposes were proving problematic. A September 2017 UN study tried to establish whether analysing social media posts, specifically on Twitter, “could provide insights into ... altered routes, or the conversations PoC [“persons of concern”] are having with service providers, including smugglers”. The hypothesis was that this could “better inform the orientation of resource allocations, and advocacy efforts” - but the study was unable to conclude either way, after failing to identify enough relevant data on Twitter.

    The ESA pressed ahead, with four feasibility studies concluding in 2018 and 2019. The Migration Radar project produced a dashboard that showcased the use of satellite imagery for automatically detecting changes in temporary settlement, as well as tools to analyse sentiment on social media. The prototype received positive reviews, its backers wrote, encouraging them to keep developing the product.

    CGI was effusive about the predictive power of its technology, which could automatically detect “groups of people, traces of trucks at unexpected places, tent camps, waste heaps and boats” while offering insight into “the sentiments of migrants at certain moments” and “information that is shared about routes and motives for taking certain routes”. Armed with this data, the company argued that it could create a service which could predict the possible outcomes of migration movements before they happened.

    The ESA’s other “big data applications” study had identified a demand among EU agencies and other potential customers for predictive analyses to ensure “preparedness” and alert systems for migration events. A package of services was proposed, using data drawn from social media and satellites.

    Both projects were slated to evolve into a second, operational phase. But this seems to have never become reality. CGI told the Bureau that “since the completion of the [Migration Radar] project, we have not carried out any extra activities in this domain”.

    The ESA told the Bureau that its studies had “confirmed the usefulness” of combining space technology and big data for monitoring migration movements. The agency added that its corporate partners were working on follow-on projects despite “internal delays”.

    EASO itself told the Bureau that it “took a decision not to get involved” in the various proposals it had received.

    Specialists found a “striking absence” of agreed upon core principles when using the new technologies

    But even as these efforts slowed, others have been pursuing similar goals. The European Commission’s Knowledge Centre on Migration and Demography has proposed a “Big Data for Migration Alliance” to address data access, security and ethics concerns. A new partnership between the ESA and GMV – “Bigmig" – aims to support “migration management and prevention” through a combination of satellite observation and machine-learning techniques (the company emphasised to the Bureau that its focus was humanitarian). And a consortium of universities and private sector partners – GMV among them – has just launched a €3 million EU-funded project, named Hummingbird, to improve predictions of migration patterns, including through analysing phone call records, satellite imagery and social media.

    At a conference in Berlin in October 2019, dozens of specialists from academia, government and the humanitarian sector debated the use of these new technologies for “forecasting human mobility in contexts of crises”. Their conclusions raised numerous red flags. They found a “striking absence” of agreed upon core principles. It was hard to balance the potential good with ethical concerns, because the most useful data tended to be more specific, leading to greater risks of misuse and even, in the worst case scenario, weaponisation of the data. Partnerships with corporations introduced transparency complications. Communication of predictive findings to decision makers, and particularly the “miscommunication of the scope and limitations associated with such findings”, was identified as a particular problem.

    The full consequences of relying on artificial intelligence and “employing large scale, automated, and combined analysis of datasets of different sources” to predict movements in a crisis could not be foreseen, the workshop report concluded. “Humanitarian and political actors who base their decisions on such analytics must therefore carefully reflect on the potential risks.”

    A fresh crisis

    Until recently, discussion of such risks remained mostly confined to scientific papers and NGO workshops. The Covid-19 pandemic has brought it crashing into the mainstream.

    Some see critical advantages to using call data records to trace movements and map the spread of the virus. “Using our mobile technology, we have the potential to build models that help to predict broadly how the virus might move,” an O2 spokesperson said in March. But others believe that it is too late for this to be useful. The UK’s chief scientific officer, Patrick Vallance, told a press conference in March that using this type of data “would have been a good idea in January”.

    Like the 2015 refugee crisis, the global emergency offers an opportunity for industry to get ahead of the curve with innovative uses of big data. At a summit in Downing Street on 11 March, Dominic Cummings asked tech firms “what [they] could bring to the table” to help the fight against Covid-19.

    Human rights advocates worry about the longer term effects of such efforts, however. “Right now, we’re seeing states around the world roll out powerful new surveillance measures and strike up hasty partnerships with tech companies,” Anna Bacciarelli, a technology researcher at Amnesty International, told the Bureau. “While states must act to protect people in this pandemic, it is vital that we ensure that invasive surveillance measures do not become normalised and permanent, beyond their emergency status.”

    More creative methods of surveillance and prediction are not necessarily answering the right question, others warn.

    “The single largest determinant of Covid-19 mortality is healthcare system capacity,” said Sean McDonald, a senior fellow at the Centre for International Governance Innovation, who studied the use of phone data in the west African Ebola outbreak of 2014-5. “But governments are focusing on the pandemic as a problem of people management rather than a problem of building response capacity. More broadly, there is nowhere near enough proof that the science or math underlying the technologies being deployed meaningfully contribute to controlling the virus at all.”

    Legally, this type of data processing raises complicated questions. While European data protection law - the GDPR - generally prohibits processing of “special categories of personal data”, including ethnicity, beliefs, sexual orientation, biometrics and health, it allows such processing in a number of instances (among them public health emergencies). In the case of refugee movement prediction, there are signs that the law is cracking at the seams.
    “There is nowhere near enough proof that the science or math underlying the technologies being deployed meaningfully contribute to controlling the virus at all.”

    Under GDPR, researchers are supposed to make “impact assessments” of how their data processing can affect fundamental rights. If they find potential for concern they should consult their national information commissioner. There is no simple way to know whether such assessments have been produced, however, or whether they were thoroughly carried out.

    Researchers engaged with crunching mobile phone data point to anonymisation and aggregation as effective tools for ensuring privacy is maintained. But the solution is not straightforward, either technically or legally.

    “If telcos are using individual call records or location data to provide intel on the whereabouts, movements or activities of migrants and refugees, they still need a legal basis to use that data for that purpose in the first place – even if the final intelligence report itself does not contain any personal data,” said Ben Hayes, director of AWO, a data rights law firm and consultancy. “The more likely it is that the people concerned may be identified or affected, the more serious this matter becomes.”

    More broadly, experts worry that, faced with the potential of big data technology to illuminate movements of groups of people, the law’s provisions on privacy begin to seem outdated.

    “We’re paying more attention now to privacy under its traditional definition,” Nathaniel Raymond said. “But privacy is not the same as group legibility.” Simply put, while issues around the sensitivity of personal data can be obvious, the combinations of seemingly unrelated data that offer insights about what small groups of people are doing can be hard to foresee, and hard to mitigate. Raymond argues that the concept of privacy as enshrined in the newly minted data protection law is anachronistic. As he puts it, “GDPR is already dead, stuffed and mounted. We’re increasing vulnerability under the colour of law.”

    https://www.thebureauinvestigates.com/stories/2020-04-28/monitoring-being-pitched-to-fight-covid-19-was-first-tested-o
    #cobaye #surveillance #réfugiés #covid-19 #coronavirus #test #smartphone #téléphones_portables #Frontex #frontières #contrôles_frontaliers #Shin_Bet #internet #big_data #droits_humains #réseaux_sociaux #intelligence_prédictive #European_Asylum_Support_Office (#EASO) #EDPS #protection_des_données #humanitaire #images_satellites #technologie #European_Space_Agency (#ESA) #GMV #CGI #Niger #Facebook #Migration_Radar_2.0 #early_warning_system #BIP #Thales_Alenia #EGEOS #complexe_militaro-industriel #Vodafone #GSM #Italie #twitter #détection #routes_migratoires #systèmes_d'alerte #satellites #Knowledge_Centre_on_Migration_and_Demography #Big_Data for_Migration_Alliance #Bigmig #machine-learning #Hummingbird #weaponisation_of_the_data #IA #intelligence_artificielle #données_personnelles

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    signalé ici par @sinehebdo :
    https://seenthis.net/messages/849167

  • Vers des jours heureux... | Le Club de Mediapart

    https://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/280420/vers-des-jours-heureux

    Un virus inconnu circule autour de la planète depuis le début de l’année. Péril mortel et invisible, nous obligeant à nous écarter les uns des autres comme si nous étions dangereux les uns pour les autres, il a retourné les tréfonds des sociétés comme on retourne un gant et il a mis au grand jour ce que l’on tentait jusqu’ici de masquer. Sans doute provoque-t-il un nombre important de morts et met-il sous une lumière crue les limites des systèmes de santé des pays développés, y compris les plus riches d’entre eux. Sans doute, ailleurs, expose-t-il les populations de pays plus pauvres à un extrême danger, les contraignant pour se protéger à accomplir une obligation impossible, le confinement. Mais ceci n’est que la surface des choses.

    Le gant retourné donne à voir la voie périlleuse dans laquelle le monde se trouve engagé depuis des décennies. En mettant les services hospitaliers sous contrainte budgétaire, là où ils étaient développés, et en les négligeant là où ils sont insuffisants, les responsables politiques affolés se sont trouvés pris de court devant l’arrivée de la pandémie. En France, l’impréparation criante à ce type d’évènements, la liquidation coupable de la réserve de masques, la délocalisation de l’industrie pharmaceutique avec pour seule raison la recherche de profits plus grands, la faiblesse des moyens de la recherche scientifique, mettent le gouvernement en situation d’improvisation. En prenant le chemin du confinement dont il ne sait comment sortir, il s’est engagé dans la voie d’une mise en cause radicale des libertés publiques. S’étant privé des autres moyens de protection de la population, il bénéficie d’un acquiescement forcé de cette dernière. Pour le cas où cet acquiescement manquerait, un discours moralisateur et culpabilisant se déploie. Et pourtant, partout, d’innombrables initiatives contredisent l’individualisme entretenu par le modèle économique et social et témoignent de la permanence de la fraternité entre les humains.

    Mais le gant retourné fait apparaître aussi, au moins aux yeux les plus lucides, que la réponse aux enjeux auxquels l’humanité dans son ensemble est en ce moment confrontée, ne saurait être une addition de politiques nationales, encore moins si ces politiques tentent de se mener en vase clos. Il y manquera toujours une part, celle de la communauté des humains qui ne peut refuser plus longtemps de se voir pour ce qu’elle est : une communauté de destin, ce qu’Hannah Arendt nommait une association politique d’hommes libres.

    Ainsi, derrière la crise sanitaire qui est au premier plan, avec la crise économique qui s’amorce et la catastrophe écologique en cours, c’est une crise de civilisation qui émerge enfin. Le monde entièrement dominé par le système capitaliste qui ne cesse de creuser les inégalités et de détruire la nature, est aujourd’hui un bateau ivre qui n’a d’autre horizon que son naufrage à travers des violences insoupçonnées.

    S’il est encore temps de reprendre les commandes, alors ce séisme inédit est l’occasion que le monde doit saisir pour rompre enfin avec sa destruction largement amorcée et inventer une société entièrement différente. Ainsi, ayant conjuré la terreur de l’inconnu, les peuples danseront de joie sur les décombres du vieux monde qui menaçait de les emporter.

    Pour cela, il faut :

    – ne pas tricher avec les constats qu’il y a lieu de faire ;
    – mesurer les risques d’une sortie de crise orientée à un retour à la situation antérieure ou à d’autres dérives ;
    – saisir cette opportunité pour poser les fondements radicalement différents d’une société mondiale juste et viable.

    #covid-19 #le_monde_d_après

  • Covprehension

    Un site web interactif a été créé par une équipe de chercheurs de différentes disciplines, tous spécialistes de la #modélisation des #systèmes_complexes et désireux de mobiliser leurs compétences pour répondre aux nombreuses interrogations que soulève l’#épidémie de COVID-19. L’idée est de permettre à chacun de poser la/les questions qui le travaillent et d’y répondre, aussi rapidement que possible, en mobilisant les connaissances scientifiques sur le sujet mais aussi des outils de #visualisation_scientifique, de modélisation et de #simulation.

    https://covprehension.org
    #covid-19 #ressources_pédagogiques #coronavirus #modèle #questions_réponses

    ping @simplicissimus @reka

  • Outbreaks like coronavirus start in and spread from the edges of cities

    Emerging infectious disease has much to do with how and where we live. The ongoing coronavirus is an example of the close relationships between urban development and new or re-emerging infectious diseases.

    Like the SARS pandemic of 2003, the connections between accelerated urbanization, more far-reaching and faster means of transportation, and less distance between urban life and non-human nature due to continued growth at the city’s outskirts — and subsequent trans-species infection — became immediately apparent.

    The new coronavirus, SARS-CoV-2, first crossed the animal-human divide at a market in Wuhan, one of the largest Chinese cities and a major transportation node with national and international connections. The sprawling megacity has since been the stage for the largest quarantine in human history, and its periphery has seen the pop-up construction of two hospitals to deal with infected patients.

    When the outbreak is halted and travel bans lifted, we still need to understand the conditions under which new infectious diseases emerge and spread through urbanization.
    No longer local

    Infectious disease outbreaks are global events. Increasingly, health and disease tend to be urban as they coincide with prolific urban growth and urban ways of life. The increased emergence of infectious diseases is to be expected.

    SARS (severe acute respiratory syndrome) hit global cities like Beijing, Hong Kong, Toronto and Singapore hard in 2003. COVID-19, the disease caused by SARS-CoV-2, goes beyond select global financial centres and lays bare a global production and consumption network that sprawls across urban regions on several continents.

    To study the spread of disease today, we have to look beyond airports to the European automobile and parts industry that has taken root in central China; Chinese financed belt-and-road infrastructure across Asia, Europe and Africa; and in regional transportation hubs like Wuhan.

    While the current COVID-19 outbreak exposes China’s multiple economic connectivities, this phenomenon is not unique to that country. The recent outbreak of Ebola in the Democratic Republic of the Congo, for example, shone a light on the myriad strategic, economic and demographic relations of that country.
    New trade connections

    In January 2020, four workers were infected with SARS-CoV-2 during a training session at car parts company Webasto headquartered near Munich, revealing a connection with the company’s Chinese production site in Wuhan.

    The training was provided by a colleague from the Chinese branch of the firm who didn’t know she was infected. At the time of the training session in Bavaria, she did not feel sick and only fell ill on her flight back to Wuhan.

    First one, then three more colleagues who had participated in the training event in Germany, showed symptoms and soon were confirmed to have contracted the virus and infected other colleagues and family members.

    Eventually, Webasto and other German producers stopped fabrication in China temporarily, the German airline Lufthansa, like other airlines, cancelled all flights to that country and 110 individuals who had been contact traced to have been in touch with the four infected patients in Bavaria were advised by health officials to observe “domestic isolation” or “home quarantine.”

    This outbreak will likely be stopped. Until then, it will continue to cause human suffering and even death, and economic damage. The disease may further contribute to the unravelling of civility as the disease has been pinned to certain places or people. But when it’s over, the next such outbreak is waiting in the wings.
    Disease movements

    We need to understand the landscapes of emerging extended urbanization better if we want to predict, avoid and react to emerging disease outbreaks more efficiently.

    First, we need to grasp where disease outbreaks occur and how they relate to the physical, spatial, economic, social and ecological changes brought on by urbanization. Second, we need to learn more about how the newly emerging urban landscapes can themselves play a role in stemming potential outbreaks.

    Rapid urbanization enables the spread of infectious disease, with peripheral sites being particularly susceptible to disease vectors like mosquitoes or ticks and diseases that jump the animal-to-human species boundary.

    Our research identifies three dimensions of the relationships between extended urbanization and infectious disease that need better understanding: population change and mobility, infrastructure and governance.
    Travel and transport

    Population change and mobility are immediately connected. The coronavirus travelled from the periphery of Wuhan — where 1.6 million cars were produced last year — to a distant Bavarian suburb specializing in certain auto parts.

    Quarantined megacities and cruise ships demonstrate what happens when our globalized urban lives come grinding to a halt.

    Infrastructure is central: diseases can spread rapidly between cities through infrastructures of globalization such as global air travel networks. Airports are often located at the edges of urban areas, raising complex governance and jurisdictional issues with regards to who has responsibility to control disease outbreaks in large urban regions.

    We can also assume that disease outbreaks reinforce existing inequalities in access to and benefits from mobility infrastructures. These imbalances also influence the reactions to an outbreak. Disconnections that are revealed as rapid urban growth is not accompanied by the appropriate development of social and technical infrastructures add to the picture.

    Lastly, SARS-CoV-2 has exposed both the shortcomings and potential opportunities of governance at different levels. While it is awe-inspiring to see entire megacities quarantined, it is unlikely that such drastic measures would be accepted in countries not governed by centralized authoritarian leadership. But even in China, multilevel governance proved to be breaking down as local, regional and central government (and party) units were not sufficiently co-ordinated at the beginning of the crisis.

    This mirrored the intergovernmental confusion in Canada during SARS. As we enter another wave of megaurbanization, urban regions will need to develop efficient and innovative methods of confronting emerging infectious disease without relying on drastic top-down state measures that can be globally disruptive and often counter-productive. This may be especially relevant in fighting racism and intercultural conflict.

    The massive increase of the global urban population over the past few decades has increased exposure to diseases and posed new challenges to the control of outbreaks. Urban researchers need to explore these new relationships between urbanization and infectious disease. This will require an interdisciplinary approach that includes geographers, public health scientists, sociologists and others to develop possible solutions to prevent and mitigate future disease outbreaks.

    https://theconversation.com/outbreaks-like-coronavirus-start-in-and-spread-from-the-edges-of-ci
    #villes #urban_matter #géographie_urbaine #covid-19 #coronavirus #ressources_pédagogiques

    ping @reka

    • The Urbanization of COVID-19

      Three prominent urban researchers with a focus on infectious diseases explain why political responses to the current coronavirus outbreak require an understanding of urban dynamics. Looking back at the last coronavirus pandemic, the SARS outbreak in 2002/3, they highlight what affected cities have learned from that experience for handling the ongoing crisis. Exploring the political challenges of the current state of exception in Canada, Germany, Singapore and elsewhere, Creighton Connolly, Harris Ali and Roger Keil shed light on the practices of urban solidarity as the key to overcoming the public health threat.

      Guests:

      Creighton Connolly is a Senior Lecturer in Development Studies and the Global South in the School of Geography, University of Lincoln, UK. He researches urban political ecology, urban-environmental governance and processes of urbanization and urban redevelopment in Southeast Asia, with a focus on Malaysia and Singapore. He is editor of ‘Post-Politics and Civil Society in Asian Cities’ (Routledge 2019), and has published in a range of leading urban studies and geography journals. Previously, he worked as a researcher in the Asian Urbanisms research cluster at the Asia Research Institute, National University of Singapore.

      Harris Ali is a Professor of Sociology, York University in Toronto. He researches issues in environmental sociology, environmental health and disasters including the social and political dimensions of infectious disease outbreaks. He is currently conducting research on the role of community-based initiatives in the Ebola response in Africa.

      Roger Keil is a Professor at the Faculty of Environmental Studies, York University in Toronto. He researches global suburbanization, urban political ecology, cities and infectious disease, and regional governance. Keil is the author of “Suburban Planet” (Polity 2018) and editor of “Suburban Constellations” (Jovis 2013). A co-founder of the International Network for Urban Research and Action (INURA), he was the inaugural director of the CITY Institute at York University and former co-editor of the International Journal of Urban and Regional Research.

      Referenced Literature:

      Ali, S. Harris, and Roger Keil, eds. 2011. Networked disease: emerging infections in the global city. Vol. 44. John Wiley & Sons.

      Keil, Roger, Creighton Connolly, and Harris S. Ali. 2020. “Outbreaks like coronavirus start in and spread from the edges of cities.” The Conversation, February 17. Available online here: https://theconversation.com/outbreaks-like-coronavirus-start-in-and-spread-from-the-edges-of-ci

      https://urbanpolitical.podigee.io/16-covid19

    • Extended urbanisation and the spatialities of infectious disease: Demographic change, infrastructure and governance

      Emerging infectious disease has much to do with how and where we live. The recent COVID-19 coronavirus outbreak is an example of the close relationships between urban development and new or re-emerging infectious diseases. Like the SARS pandemic of 2003, the connections between accelerated urbanisation, more expansive and faster means of transportation, and increasing proximity between urban life and non-human nature — and subsequent trans-species infections — became immediately apparent.

      Our Urban Studies paper contributes to this emerging conversation. Infectious disease outbreaks are now global events. Increasingly, health and disease tend to be urban as they coincide with the proliferation of planetary urbanisation and urban ways of life. The increased emergence of infectious diseases is to be expected in an era of extended urbanisation.

      We posit that we need to understand the landscapes of emerging extended urbanisation better if we want to predict, avoid and react to emerging disease outbreaks more efficiently. First, we need to grasp where disease outbreaks occur and how they relate to the physical, spatial, economic, social and ecological changes brought on by urbanisation. Second, we need to learn more about how the newly emerging urban landscapes can themselves play a role in stemming potential outbreaks. Rapid urbanisation enables the spread of infectious disease, with peripheral sites being particularly susceptible to disease vectors like mosquitoes or ticks and diseases that jump the animal-to-human species boundary.

      Our research identifies three dimensions of the relationships between extended urbanisation and infectious disease that need better understanding: population change and mobility, infrastructure and governance. Population change and mobility are immediately connected. Population growth in cities - driven primarily by rural-urban migration - is a major factor influencing the spread of disease. This is seen most clearly in rapidly urbanising regions such as Africa and Asia, which have experienced recent outbreaks of Ebola and SARS, respectively.

      Infrastructure is also central: diseases can spread rapidly between cities through infrastructures of globalisation such as global air travel networks. Airports are often located at the edges of urban areas, raising complex governance and jurisdictional issues with regards to who has responsibility to control disease outbreaks in large urban regions. We can also assume that disease outbreaks reinforce existing inequalities in access to and benefits from mobility infrastructures. We therefore need to consider the disconnections that become apparent as rapid demographic and peri-urban growth is not accompanied by appropriate infrastructure development.

      Lastly, the COVID-19 outbreak has exposed both the shortcomings and potential opportunities of governance at different levels. While it is awe-inspiring to see entire megacities quarantined, it is unlikely that such drastic measures would be accepted in countries not governed by centralised authoritarian leadership. But even in China, multilevel governance proved to be breaking down as local, regional and central government (and party) units were not sufficiently co-ordinated at the beginning of the crisis. This mirrored the intergovernmental confusion in Canada during SARS.

      As we enter another wave of megaurbanisation, urban regions will need to develop efficient and innovative methods of confronting emerging infectious disease without relying on drastic top-down state measures that can be globally disruptive and often ineffective. This urges upon urban researchers to seek new and better explanations for the relationships of extended urbanisation and the spatialities of infectious disease - an effort that will require an interdisciplinary approach including geographers, health scientists, sociologists.

      https://www.urbanstudiesonline.com/resources/resource/extended-urbanisation-and-the-spatialities-of-infectious-disease
      #géographie_de_la_santé #maladies_infectieuses

    • Cities after coronavirus: how Covid-19 could radically alter urban life

      Pandemics have always shaped cities – and from increased surveillance to ‘de-densification’ to new community activism, Covid-19 is doing it already.

      Victoria Embankment, which runs for a mile and a quarter along the River Thames, is many people’s idea of quintessential London. Some of the earliest postcards sent in Britain depicted its broad promenades and resplendent gardens. The Metropolitan Board of Works, which oversaw its construction, hailed it as an “appropriate, and appropriately civilised, cityscape for a prosperous commercial society”.

      But the embankment, now hardwired into our urban consciousness, is entirely the product of pandemic. Without a series of devastating global cholera outbreaks in the 19th century – including one in London in the early 1850s that claimed more than 10,000 lives – the need for a new, modern sewerage system may never have been identified. Joseph Bazalgette’s remarkable feat of civil engineering, which was designed to carry waste water safely downriver and away from drinking supplies, would never have materialised.

      From the Athens plague in 430BC, which drove profound changes in the city’s laws and identity, to the Black Death in the Middle Ages, which transformed the balance of class power in European societies, to the recent spate of Ebola epidemics across sub-Saharan Africa that illuminated the growing interconnectedness of today’s hyper-globalised cities, public health crises rarely fail to leave their mark on a metropolis.
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      As the world continues to fight the rapid spread of coronavirus, confining many people to their homes and radically altering the way we move through, work in and think about our cities, some are wondering which of these adjustments will endure beyond the end of the pandemic, and what life might look like on the other side.

      One of the most pressing questions that urban planners will face is the apparent tension between densification – the push towards cities becoming more concentrated, which is seen as essential to improving environmental sustainability – and disaggregation, the separating out of populations, which is one of the key tools currently being used to hold back infection transmission.

      “At the moment we are reducing density everywhere we can, and for good reason,” observes Richard Sennett, a professor of urban studies at MIT and senior adviser to the UN on its climate change and cities programme. “But on the whole density is a good thing: denser cities are more energy efficient. So I think in the long term there is going to be a conflict between the competing demands of public health and the climate.”

      Sennett believes that in the future there will be a renewed focus on finding design solutions for individual buildings and wider neighbourhoods that enable people to socialise without being packed “sardine-like” into compressed restaurants, bars and clubs – although, given the incredibly high cost of land in big cities like New York and Hong Kong, success here may depend on significant economic reforms as well.

      In recent years, although cities in the global south are continuing to grow as a result of inward rural migration, northern cities are trending in the opposite direction, with more affluent residents taking advantage of remote working capabilities and moving to smaller towns and countryside settlements offering cheaper property and a higher quality of life.

      The “declining cost of distance”, as Karen Harris, the managing director of Bain consultancy’s Macro Trends Group, calls it, is likely to accelerate as a result of the coronavirus crisis. More companies are establishing systems that enable staff to work from home, and more workers are getting accustomed to it. “These are habits that are likely to persist,” Harris says.

      The implications for big cities are immense. If proximity to one’s job is no longer a significant factor in deciding where to live, for example, then the appeal of the suburbs wanes; we could be heading towards a world in which existing city centres and far-flung “new villages” rise in prominence, while traditional commuter belts fade away.

      Another potential impact of coronavirus may be an intensification of digital infrastructure in our cities. South Korea, one of the countries worst-affected by the disease, has also posted some of the lowest mortality rates, an achievement that can be traced in part to a series of technological innovations – including, controversially, the mapping and publication of infected patients’ movements.

      In China, authorities have enlisted the help of tech firms such as Alibaba and Tencent to track the spread of Covid-19 and are using “big data” analysis to anticipate where transmission clusters will emerge next. If one of the government takeaways from coronavirus is that “smart cities” including Songdo or Shenzhen are safer cities from a public health perspective, then we can expect greater efforts to digitally capture and record our behaviour in urban areas – and fiercer debates over the power such surveillance hands to corporations and states.

      Indeed, the spectre of creeping authoritarianism – as emergency disaster measures become normalised, or even permanent – should be at the forefront of our minds, says Sennett. “If you go back through history and look at the regulations brought in to control cities at times of crisis, from the French revolution to 9/11 in the US, many of them took years or even centuries to unravel,” he says.

      At a time of heightened ethnonationalism on the global stage, in which rightwing populists have assumed elected office in many countries from Brazil to the US, Hungary and India, one consequence of coronavirus could be an entrenchment of exclusionary political narratives, calling for new borders to be placed around urban communities – overseen by leaders who have the legal and technological capacity, and the political will, to build them.

      In the past, after a widespread medical emergency, Jewish communities and other socially stigmatised groups such as those affected by leprosy have borne the brunt of public anger. References to the “China virus” by Donald Trump suggest such grim scapegoating is likely to be a feature of this pandemic’s aftermath as well.

      On the ground, however, the story of coronavirus in many global cities has so far been very different. After decades of increasing atomisation, particularly among younger urban residents for whom the impossible cost of housing has made life both precarious and transient, the sudden proliferation of mutual aid groups – designed to provide community support for the most vulnerable during isolation – has brought neighbours together across age groups and demographic divides. Social distancing has, ironically, drawn some of us closer than ever before. Whether such groups survive beyond the end of coronavirus to have a meaningful impact on our urban future depends, in part, on what sort of political lessons we learn from the crisis.

      The vulnerability of many fellow city dwellers – not just because of a temporary medical emergency but as an ongoing lived reality – has been thrown into sharp relief, from elderly people lacking sufficient social care to the low-paid and self-employed who have no financial buffer to fall back on, but upon whose work we all rely.

      A stronger sense of society as a collective whole, rather than an agglomeration of fragmented individuals, could lead to a long-term increase in public demands for more interventionist measures to protect citizens – a development that governments may find harder to resist given their readiness in the midst of coronavirus to override the primacy of markets.

      Private hospitals are already facing pressure to open up their beds without extra charge for those in need; in Los Angeles, homeless citizens have seized vacant homes, drawing support from some lawmakers. Will these kinds of sentiments dwindle with the passing of coronavirus, or will political support for urban policies that put community interests ahead of corporate ones – like a greater imposition of rent controls – endure?

      We don’t yet know the answer, but in the new and unpredictable connections swiftly being forged within our cities as a result of the pandemic, there is perhaps some cause for optimism. “You can’t ‘unknow’ people,” observes Harris, “and usually that’s a good thing.” Sennett thinks we are potentially seeing a fundamental shift in urban social relations. “City residents are becoming aware of desires that they didn’t realise they had before,” he says, “which is for more human contact, for links to people who are unlike themselves.” Whether that change in the nature of city living proves to be as lasting as Bazalgette’s sewer-pipe embankment remains, for now, to be seen.

      https://www.theguardian.com/world/2020/mar/26/life-after-coronavirus-pandemic-change-world
      #le_monde_d'après

    • Listening to the city in a global pandemic

      What’s the role of ‘academic experts’ in the debate about COVID-19 and cites, and how can we separate our expert role from our personal experience of being locked down in our cities and homes?

      This is a question we’ve certainly been struggling with at City Road, and we think it’s a question that a lot of academics are struggling with at the moment. Perhaps it’s a good time to listen to the experiences of academics as their cities change around them, rather than ask them to speak at us about their urban expertise. With this in mind, we asked academics from all over the world to open up the voice recorder on their phones and record a two minute report from the field about their city.

      Over 25 academics from all over the world responded. As you will hear, some of their recordings are not great quality, but their stories certainly are. Many of those who responded to our call are struggling , just like us, to make sense of their experience in the COVID-19 city.

      https://cityroadpod.org/2020/03/29/listening-to-the-city-in-a-global-pandemic

    • Ce que les épidémies nous disent sur la #mondialisation

      Bien que la première épidémie connue par une trace écrite n’ait eu lieu qu’en 430 avant J.-C. à Athènes, on dit souvent que les microbes, et les épidémies auxquels ils donnent lieu, sont aussi vieux que le monde. Mais le Monde est-il aussi vieux qu’on veutbien le dire ? Voici une des questions auxquelles l’étude des épidémies avec les sciences sociales permet d’apporter des éléments de réponse. Les épidémies ne sont pas réservées aux épidémiologistes et autres immunologistes. De grands géographes comme Peter Haggett ou Andrew Cliff ont déjà investi ce domaine, dans une optique focalisée sur les processus de diffusion spatiale. Il est possible d’aller au-delà de cette approche mécanique et d’appréhender les épidémies dans leurs interactions sociales. On verra ici qu’elles nous apprennent aussi beaucoup sur le Monde, sur l’organisation de l’espace mondial et sur la dimension sociétale du processus de mondialisation.

      http://cafe-geo.net/wp-content/uploads/epidemies-mondialisation.pdf
      #épidémie #globalisation

    • Città ai tempi del Covid

      Lo spazio pubblico urbano è uno spazio di relazioni, segnato dai corpi, dagli incontri, dalla casualità, da un ordine spontaneo che non può, se lo spazio è pubblico veramente, accettare altro che regole di buon senso e non di imposizione. È un palcoscenico per le vite di tutti noi, che le vogliamo in mostra o in disparte, protagonisti o comparse della commedia urbana e, come nella commedia, con un fondo di finzione ed un ombra di verità.
      Ma cosa accade se gli attori abbandonano la scena, se i corpi sono negati allo spazio? Come percepiamo quel che rimane a noi frequentabile di strade e piazze che normalmente percorriamo?

      Ho invitato gli studenti che negli anni hanno frequentato il seminario “Fotografia come strumento di indagine urbana”, ma non solo loro, ad inviarmi qualche immagine che documenta (e riflette su) spazio pubblico, città e loro stessi in questi giorni. Come qualcuno mi ha scritto sono immagini spesso letteralmente ‘rubate’, quasi sentendosi in colpa. Eppure documentare e riflettere è un’attività tanto più essenziale quanto la criticità si prolunga e tocca la vita di tutti noi.

      Appunti di viaggio – Iacopo Zetti Ho avuto modo, per una serie di evenienze, di attraversare Firenze di mattina e di sera. Aspettavo il silenzio ed infatti l’ho ascoltato. Il silenzio non è quello dei luoghi extraurbani. ...
      Inferriata – Eni Nurihana L’inferriata de balcone ricorda sempre di più le sbarre carcerarie 23 marzo 2020, 15:11
      Situazioni di necessità – Chiara Zavattaro Le strade della zona di Sant’Ambrogio a Firenze
      Ora d’aria – Antonella Zola Ho avuto la possibilità di scattare queste foto dopo 10 giorni di quarantena completa, in cui ho rinunciato a qualunque contatto con il mondo esterno. Alla fine sono dovuta uscire ...
      Firenze – Agnese Turchi Firenze - Agnese Turchi
      Nostalgia di Silenzi – Gabriele Pierini
      Il recinto – Laura Panichi In un libro che ho letto in questo periodo di “reclusione”, Haruki Murakami dice che quando si prova ad uscire da una gabbia alla fine si finisce sempre per trovarci ...
      Spazio solidale – Jacopo Lorenzini
      Castagneto Carducci – Cristian Farina Chissà se dall’alto qualcuno si è accorto che ci siamo fermati solo per un attimo Da lontano si scorgano i monumenti fermi nel tempo, quasi come noi, fermi nello spazio
      Firenze, mercoledì 18/03/20 ore 15.30 circa – Leonardo Ceccarelli Firenze, mercoledì 18/03/20 ore 15.30 circa - Leonardo Ceccarelli
      Firenze, marzo 2020 – Giulia D’Ercole Firenze, marzo 2020 - Giulia D’Ercole
      Feriale d’altri tempi – Dario Albamonte La mia fortuna è quella di vivere in campagna e di potermi muovere liberamente e avere molto spazio a disposizione senza varcare i confini di casa mia. Quello che mi ...
      L’architettura è fatta di mattoni e PERSONE – Laura Pagnotelli L’architettura è fatta di mattoni e PERSONE. Esse sono il fine ultimo del costruire, del dare vita a spazi sempre nuovi. Senza la loro presenza, dell’architettura non resta che una scatola vuota, priva ...
      Il traffico di Firenze – Veronica Capecchi Il Traffico di Firenze, oggi è scomparso, e lascia intravedere la città, profondamente diversa e silenziosa. Una città che è sempre viva, oggi priva della sua vitalità, dei suoi rumori, una ...
      Dalla finestra – Lucio Fiorentino Ho sentito dei rumori nella strada sotto la mia finestra e ho immaginato l’atmosfera scura di un film di Bergman, (goffamente) ho cercato di riprodurla Nel palazzo di fronte alla mia ...
      Livorno, 28 marzo – Giulia Bandini Luoghi affollati di ricordi vie trafficate di emozioni ormai vinte dal tempo ma vive nella mente di chi sa sperare forte
      Sesto Fiorentino: la piana senza smog – Alice Giordano Sesto Fiorentino: la piana senza smog - Alice Giordano
      Lari e Pontedera – Silvia Princi Ritorno alle origini – Perignano di Lari (Pi), 23 marzo 2020 La semina del trattore, rappresenta uno dei pochi segni di vitalità umana e meccanica,in questo periodo di quarantena e di ...
      A distanza sociale nel parco: Zurigo – Philipp Klaus A distanza sociale nel parco: Zurigo - Philipp Klaus
      Galleggiare in un mondo irreale – Alessio Prandin

      http://controgeografie.net/controgeografie/citta-ai-tempi-del-covid

    • Coronavirus Was Slow to Spread to Rural America. Not Anymore.

      Grace Rhodes was getting worried last month as she watched the coronavirus tear through New York and Chicago. But her 8,000-person hometown in Southern Illinois still had no reported cases, and her boss at her pharmacy job assured her: “It’ll never get here.”

      Now it has. A new wave of coronavirus cases is spreading deep into rural corners of the country where people once hoped their communities might be shielded because of their isolation from hard-hit urban centers and the natural social distancing of life in the countryside.

      The coronavirus has officially reached more than two-thirds of the country’s rural counties, with one in 10 reporting at least one death. Doctors and elected officials are warning that a late-arriving wave of illness could overwhelm rural communities that are older, poorer and sicker than much of the country, and already dangerously short on medical help.

      “Everybody never really thought it would get to us,” said Ms. Rhodes, 18, who is studying to become a nurse. “A lot of people are in denial.”

      With 42 states now urging people to stay at home, the last holdouts are the Republican governors of North Dakota, South Dakota, Nebraska, Iowa and Arkansas. Gov. Kristi Noem of South Dakota has suggested that the stricter measures violated personal liberties, and she said her state’s rural character made it better positioned to handle the outbreak.

      “South Dakota is not New York City,” Ms. Noem said at a news conference last week.

      But many rural doctors, leaders and health experts worry that is exactly where their communities are heading, and that they will have fewer hospital beds, ventilators and nurses to handle the onslaught.

      “We’re behind the curve in rural America,” said Senator Jon Tester, Democrat of Montana, who said his state needs hundreds of thousands of masks, visors and gowns. “If they don’t have the protective equipment and somebody goes down and gets sick, that could close the hospital.”

      Rural nurses and doctors, scarce in normal times, are already calling out sick and being quarantined. Clinics are scrambling to find couriers who can speed their coronavirus tests to labs hundreds of miles away. The loss of 120 rural hospitals over the past decade has left many towns defenseless, and more hospitals are closing even as the pandemic spreads.

      Coronavirus illnesses and deaths are still overwhelmingly concentrated in cities and suburbs, and new rural cases have not exploded at the same rate as in some cities. But they are growing fast. This week, the case rate in rural areas was more than double what it was six days earlier.

      Deaths are being reported in small farming and manufacturing towns that barely had a confirmed case a week ago. Fourteen infections have been reported in the county encompassing Ms. Rhodes’s southern Illinois hometown of Murphysboro, and she recently quarantined with her parents, who are nurses, as a precaution after they got sick.

      Rich ski towns like Sun Valley, Idaho, and Vail, Colo., have some of the highest infection rates in the country, and are discouraging visitors and second homeowners from seeking refuge in the mountains. Indian reservations, which grapple daily with high poverty and inadequate medical services, are now confronting soaring numbers of cases.

      In some places, the virus has rushed in so suddenly that even leaders are falling ill. In the tiny county of Early in southwest Georgia, five people have died. And the mayor and the police chief of the county seat, Blakely, are among the county’s 92 confirmed cases. It has been a shock for the rural county of fewer than 11,000 people.

      “Being from a small town, you think it’s not going to touch us,” Blakely’s assistant police chief, Tonya Tinsley, said. “We are so small and tucked away. You have a perception that it’s in bigger cities.”

      That is all gone now.

      “You say, wait a minute, I know them!” she said. “It’s, like, oh my God, I knew them. I used to talk to them. I knew their family. Their kids. It’s a blow to the community each time.”

      Even a single local case has been enough to jolt some people out of the complacency of the earliest days of the virus, when President Trump spent weeks playing down the threat and many conservative leaders brushed it aside as politically driven hysteria.

      In Letcher County, Ky., which got its first case on Sunday, waiting for the disease to arrive has been unnerving. Brian Bowan, 48, likes the daily briefings by Gov. Andy Beshear, a Democrat, and he is glad for the governor’s relatively early actions to close nonessential businesses. Without them, Mr. Bowan said, “we could have a really bad pandemic. We could be like California or New York.”

      In Mississippi, a mostly rural state, the virus had spread to nearly every county by April, with more than 1,000 cases and nearly two dozen deaths reported, causing health care workers to wonder, nervously, when the governor would issue a stay-at-home order. Last week, he finally did, and doctors at the University of Mississippi Medical Center in Jackson breathed a sigh of relief.

      “There was this chatter today at the medical center, people saying ‘Oh thank goodness — we need this to get people to realize how serious this is,’ ” said Dr. LouAnn Woodward, the hospital’s top executive.

      While Americans are still divided on whether they approve of how Mr. Trump has handled the crisis, the virus is uniting nearly everyone in the country with worry — urban and rural, liberal and conservative. More than 90 percent of Americans said the virus posed a threat to the country’s economy and public health, according to a Pew Research Center poll conducted from March 19 to March 24.

      “Some of the petty things that would be in the news and on social media before have sort of fallen away,” said David Graybeal, a Methodist pastor in Athens, Tenn. “There’s a sense that we are really in this together. Now it’s, ‘How can we pull through this and support one another in this social distancing?’ ”

      In Mangum, Okla., a town of 6,000 in the western part of the state, it all started with a visit. A pastor from Tulsa appeared at a local church, but got sick shortly thereafter and became the state’s first Covid-19 fatality.

      Then somebody at the local church started to feel unwell — a person who eventually tested positive for coronavirus.

      “Then it was just a matter of time,” said Mangum’s mayor, Mary Jane Scott. Before realizing they were infected, several people who eventually tested positive for the virus had moved about widely through the city, including to the local nursing home, which now has a cluster of cases.

      Over all in the town, there are now three deaths and 26 residents who have tested positive for the coronavirus — one of the highest infection rates in rural America.

      “You’d think in rural Oklahoma, that we all live so far apart, but there’s one place where people congregate, and that’s at the nursing home,” she said. “I thought I was safe here in Southwest Oklahoma, I didn’t think there would be a big issue with it, and all of a sudden, bam.”

      Mangum now has an emergency shelter-in-place order and a curfew — just like larger towns and cities around the United States.

      Just as New Yorkers have gotten accustomed to Gov. Andrew Cuomo’s daily televised briefings, residents of Mangum have turned to the mayor’s Facebook page, where she livecasts status updates and advisories. On Monday night, it was the recommendation that residents use curbside pickup when going to Walmart, a broadcast that garnered more than 1,000 views in the hour after she posted it.

      “Since we have no newspaper, it’s the only way I know to get the word out,” she told viewers, after inviting them to contact her personally with any questions or concerns.

      She also has encouraged residents to step out onto their lawns each night at 7 p.m. where she leads them in a chorus of “God Bless America.”

      The virus has complicated huge swaths of rural life. Darvin Bentlage, a Missouri rancher, says he is having trouble selling his cattle because auctions have been canceled. In areas without reliable internet access, adults are struggling to work remotely and children are having to get assignments and school updates delivered to their door.

      Rural health providers are also challenged. A clinic in Stockton, Kan., turned to a local veterinarian for a supply of masks and gowns. One rural hospital in Lexington, Neb., was recently down to its last 500 swabs. Another in Batesville, Ind., was having its staff members store their used masks in plastic baggies in case they had to sterilize and reuse them. In Georgia, a peanut manufacturer in Blakely donated a washer and dryer to the local hospital for its handmade masks and gowns.

      The financial strain of gearing up to fight the coronavirus has put much pressure on cash-strapped rural hospitals. Many have canceled all non-emergency care like the colonoscopies, minor surgeries and physical therapy sessions that are a critical source of income.

      Last month, one hospital in West Virginia and another in Kansas shut their doors altogether.

      “It’s just absolutely crazy,” said Michael Caputo, a state delegate in Fairmont, W.Va., where the Fairmont Regional Medical Center, the only hospital in the county, closed in mid-March. “Across the country, they’re turning hotels and sports complexes into temporary hospitals. And here we’ve got a hospital where the doors are shut.”

      For now, there is an ambulance posted outside the emergency room, in case sick people show up looking for help.

      Michael Angelucci, a state delegate and the administrator of the Marion County Rescue Squad, said the hospital’s closure during the pandemic is already being felt.

      On March 23, emergency medics were called to take an 88-year-old woman with the coronavirus to the hospital, Mr. Angelucci said. Instead of making a quick drive to Fairmont Regional, about two minutes away, Mr. Angelucci said that the medics had to drive to the next-nearest hospital, about 25 minutes away. A few days later, she became West Virginia’s first reported coronavirus death.

      https://www.nytimes.com/interactive/2020/04/08/us/coronavirus-rural-america-cases.html?action=click&module=Top%20Stories&pgty
      #cartographie #visualisation

    • Coronavirus in the city: A Q&A on the catastrophe confronting the urban poor

      ‘While all populations are affected by the COVID-19 pandemic, not all populations are affected equally.’

      Health systems in the world’s megacities and crowded urban settlements are about to be put under enormous strain as the new coronavirus takes hold, with the estimated 1.2 billion people who live in informal slums and shanty-towns at particular risk.

      To understand more about the crisis confronting the urban poor, The New Humanitarian interviewed Robert Muggah, principal of The SecDev Group and co-founder of the Igarapé Institute, a think tank focused on urban innovation that has worked with the World Health Organisation to map pandemic threats and is supporting governments, businesses, and civil society groups to improve COVID-19 detection, response, and recovery.

      What has so far been a public healthcare crisis in mostly wealthier cities in East Asia, Europe, and the United States appears likely to become an even graver disaster for countries with far less resources in Latin America, Africa, and South Asia.

      Cities from Lagos to Mumbai to Rio de Janeiro have started locking down, but for residents of crowded slums the unenviable choice is often between a greater risk of catching and spreading disease or the certainty of hunger. Social distancing, self-isolation – handwashing even – are impossible luxuries.

      This interview, conducted by email on 29-30 March, has been edited for length and clarity.
      TNH: A lot has been made about the risks of coronavirus in crowded refugee and displacement camps – from Greece to Idlib. Do you feel the urban poor have been a little neglected?

      Robert Muggah: While all populations are affected by the COVID-19 pandemic, not all populations are affected equally. Lower-income households and elderly individuals with underlying health conditions are particularly at-risk. Among the most vulnerable categories are the homeless, migrants, refugees, and displaced people. In some US cities, for example, undocumented migrants are fearful of being tested or going to the hospital for fear of forcible detainment, separation from their families, and deportation. In densely populated informal settlements and displaced person camps, there is a higher likelihood of infection because of the difficulties of social distancing. The limited testing, detection, isolation, and hospitalisation capacities in these settings mean we can expect a much higher rate of direct and excess mortality. The implications are deeply worrying.

      The COVID-19 pandemic is a totalising event – affecting virtually every country, city and neighbourhood on the planet. It is also laying open the social and economic fault lines in our urban spaces. Predictably, many governments, businesses, and societies are looking inward, seeking to shore up their own health capacities and provide for their populations through aid and assistance. Yet the virus is revealing the extent of economic and social inequalities within many countries, including among OECD members. In the process, it is exposing the deficiencies of the social contract and the ways in which certain people – especially the elderly, poor, homeless, displaced – are systematically at-risk. While media attention is growing, there is comparatively limited investment in protecting refugees and displaced people facing infectious disease outbreaks. As public awareness of the sheer scale of infection, hospitalisation, and case fatalities becomes clearer in lower- and middle-income settings, we can expect this to change; at which point it may be too late.
      TNH: Can you give us a sense of the scale of the problem in the world’s megacities and slums, where social distancing and self-isolation are a fantasy for many?

      Muggah: According to the UN, there are about 33 megacities with 10 million or more people. There are another 48 cities with between five and 10 million. Compare this to the 1950s when there were just three megacities. Most of these massive cities are located in Africa, Asia, and Latin America. Many of them are characterised by a concentrated metropolitan core and a sprawling periphery of informal settlements, including shanty-towns, slums, and favelas. Roughly 1.2 billion people live in densely packed informal settlements characterised by poor quality housing, limited basic services, and poor sanitation. While suffering from stigmas, these settlements tend to be a critical supply of labour for cities, an unsatisfactory answer to the crisis in housing availability and affordability. A challenge now facing large cities is that, owing to years of neglect, informal settlements are essentially “off the grid”, and as such, difficult to monitor and service.

      There are many reasons why large densely populated slums are hotbeds for the COVID-19 pandemic and other infectious disease outbreaks. In many cases, there are multiple households crammed into tiny tenements making social distancing virtually impossible. In Dharavi, Mumbai’s largest slum, there are 850,000 people per square mile. Most inhabitants of informal settlements lack access to medical and health services, making it difficult to track cases and isolate people who are infected. A majority of the people living in these areas depend on the services and informal economies, including jobs, that are most vulnerable to termination when cities are shut down and the economy begins to slow. Strictly enforced isolation won’t just lead to diminished quality of life, it will result in starvation. A large proportion of residents also frequently suffer from chronic illnesses – including respiratory infections, cancer, diabetes, and obesity – increasing susceptibility to COVID-19. These comorbidities will contribute to soaring excess deaths.

      All of these challenges are compounded by the systemic neglect and stigmatisation of these communities by the political and economic elite. Violence has already erupted in Ethiopia, Kenya, India, Liberia, and South Africa as police enforce quarantines. In Brazil, drug trafficking organisations and militia groups are enforcing social distancing and self isolation in lieu of the state authorities. In Australia, Europe, and the United States, racist and xenophobic incidents spiked against people of Asian descent. There is a real risk that governments ramp up hardline tactics and repression against marginalised populations, especially those living in lower-income communities, shanty-towns, and refugee and displaced person camps.
      TNH: How seriously were international aid agencies and other humanitarian actors taking calls to scale up urban preparedness and response before this pandemic, and to what extent is COVID-19 a wake-up call?

      Muggah: The global humanitarian aid sector was aware of the threat of a global pandemic. For more than a decade the WHO, several university and research centres, and organisations such as the CDC, the Wellcome Trust, and the Bill and Melinda Gates Foundation have publicly warned about the catastrophic risks of pandemic outbreaks. The international community experienced a series of jolting wake-up calls with SARS, H1N1, Ebola, and other major epidemics over the past 20 years, though these were typically confined to specific regions and were generally rapidly contained. Although fears of potential outbreaks emerging from China were widely acknowledged, the sheer speed and scale of COVID-19 seems to have caught most governments, and the aid community, by surprise.

      With notable exceptions such as Singapore or Taiwan, there has not been major investment in preparing cities for dealing with pandemics, however. Most attention has been focused on national capacities, and less on the specific capabilities of urban governments, health and social safety-net services. Together with Georgetown University’s Center for Health Sciences and Security, the Igarape Institute highlighted the importance of networks of mayors to share information and strategies in 2018. This call was highlighted by the Global Parliament of Mayors in 2018 and 2019. Starting in March 2020, the Bloomberg Foundation established a mayors network focusing on pandemic preparedness in the US. The Mayors Migration Council, World Economic Forum, and UN-Habitat are also looking to ramp up assistance to cities. What is also needed are systems to support mayors, city managers, and health providers in lower- and middle-income countries.
      TNH: Part of the problem is that cities are unfamiliar territory for humanitarian responders, with many new actors to deal with, from local governments to gangs. What relationships and skill sets do they need to cultivate?

      Muggah: Well before the COVID-19 pandemic, many humanitarian agencies were already refocusing some of their operations toward urban settings. International organisations such as the International Committee of the Red Cross, Médecins Sans Frontières, and Oxfam set up policies and procedures for engaging in cities. There is a growing recognition across the relief and development sectors of the influence and impacts of urbanisation on their operations and beneficiary populations. This is more radical than it sounds. For at least half a century, most aid work was predominantly rural-focused. This was not surprising since most people in developing countries lived in rural or semi-rural areas. This has changed dramatically, however, with more than half of the world’s population now living in cities. Over the next 30 years, roughly 90 percent of all urbanisation will be occurring in lower- and middle-income countries – predominantly in Africa and Asia. The aid community only started to recognise these trends relatively recently.

      Working in urban settings requires changes in how many international and national aid agencies operate. For one, it often depends less on direct than indirect delivery, working in partnership with municipal service providers. It also requires less visible branding and marketing strategies, shoring up the legitimacy of public and non-governmental providers with less focus on the contribution of relief agencies. In some cases, aid agencies are also required to work with, or alongside, non-state providers, including armed groups. For example, in some Brazilian, Colombian, and Mexican cities organised crime and self-defence groups are engaged in social service provision, raising complex questions for aid providers about whether and how to support vulnerable communities. Similar challenges confronted aid agencies working to provide relief in Ebola-stricken villages in eastern DRC.

      A diverse range of skill sets is required to navigate support to cities affected by epidemics, including COVID-19. Some cities may need accounting assistance and expertise in budgeting to help them rapidly procure essential services. Other cities may require epidemiological and engineering capabilities to help develop rapid detection and surveillance, as well as “surge” capacity including emergency hospitals, clinics, and treatment centres. A robust communications and public outreach strategy is essential, particularly since uncertainty can contribute to social unease and even disorder. Moreover, rapid resource injections to help cities provide safety nets to the most vulnerable populations are critical, particularly as existing resources will be redirected to shoring up critical infrastructure and recurrent expenses will be difficult to cover owing to reduced tax revenue.

      TNH: Name three things aid agencies need to do quickly to get to grips with this?

      Muggah: There are a vast array of priorities for aid agencies in the context of pandemics. At a minimum, they must rapidly coordinate with public, private, and non-governmental partners to ensure they are effectively contributing rather than creating redundancy or unintentionally undermining local responses. Humanitarian organisations must also act rapidly, especially in the face of an exponential crisis such as the COVID-19 pandemic. Agencies cannot let perfection be the enemy of the good, and focus on delivering with speed and efficiency, albeit while being mindful of the coordination challenges above. Aid agencies must also be attentive to the health, safety, and wellbeing of their own personnel and partners – they must avoid at all costs becoming a burden to hospital systems that are already overwhelmed by the crisis.

      The first thing aid agencies can do is reach out to frontline cities and assess basic needs and their organizational potential to contribute. A range of priorities are likely, including the importance of ensuring there are adequate tests kits and testing capacities, sufficient trained health professionals, medical supplies (including ICU and ventilation capacities), and related equipment for frontline workers. Providing supplementary capacity as needed is essential. Consider that in South Sudan there are believed to be just two ventilators, and in Liberia there are reportedly only three. Other critical priorities are ensuring the integrity of the local food supply and attention to critical infrastructure. This may involve deploying a surveillance system for monitoring critical supplies, providing supplementary cash and food assistance without disrupting local prices, and ensuring a capability to rapidly address distribution disruption as they arise. Aid agencies can also help leverage resources to settings that are neglected, helping mobilise funds and/or in-kind support for over-taxed public services.
      TNH: Cities like Singapore and Taipei, Hangzhou in China – to an extent Seoul – have had some success in containing COVID-19. What can other cities learn from their approaches?

      Muggah: Cities that are open, transparent, collaborative, and adopt comprehensive responses tend to be better equipped to manage infectious disease outbreaks than those that are not. While still too early to declare a success, the early response of South Korea, Singapore, and Taiwan to the COVID-19 pandemic stands out. Both Taipei and Singapore applied the lessons from past pandemics and had the investigative capacities, testing and detection services, health systems and, importantly, the right kind of leadership in place to rapidly take decisive action. They were able to flatten the pandemic curve through early detection thus keeping their health systems from becoming rapidly overwhelmed.

      Not surprisingly, cities that have robust governance and health infrastructure in place are in a better position to manage pandemics and lower case fatality rates (CFR) and excess mortality than those that do not. Adopting a combination of proactive surveillance, routine communication, rapid isolation, and personal and community protection (e.g. social distancing) measures is critical. Many of these very same measures were adopted by the Chinese city of Hangzhou within days of the discovery of the virus. Likewise, the number, quality, and accessibility (and surge capacity) of hospitals, internal care units, hospital beds, IV solution and respirators can determine whether a city effectively manages a pandemic, or not. The SecDev Group is exploring the development of an urban pandemic preparedness index to help assess health capacities as well as social and economic determinants of health. A digital tool that provides rapid insights on vulnerabilities will be key not just to planning for the current pandemic, but also the next one.
      TNH: You’ve spoken in the past about the need to develop a pandemic preparedness index. INFORM has one and Georgetown Uni has a health security assessment tool. Are these useful? What is missing?

      Muggah: The extent of a city’s preparedness depends on its capacity to prevent, detect, respond, and care for patients. This means having action plans, staff, and budgets in place for rapid response. It also requires having access to laboratories to test for infectious disease and real-time monitoring and reporting of infectious clusters as they occur. The ability to communicate and implement emergency response plans is also essential, as is the availability, quality and accessibility of hospitals, clinics, care facilities, and essential equipment.

      To this end, the Center for Global Health Science and Security at Georgetown University has created an evaluation tool – the Rapid Urban Health Security Assessment (RUHSA) – as a resource for assessing local-level public health preparedness and response capacities. The RUHSA draws from multiple guidance and evaluation tools. It was designed precisely to help city decision-makers prioritise, strengthen, and deploy strategies that promote urban health security. These kinds of platforms need to be scaled, and quickly.

      There is widespread recognition that a preparedness index would be useful. In November of 2019, the Global Parliament of Mayors issued a call for such a platform. It called for funding from national governments to develop crucial public health capacities and to develop networks to disseminate trusted information. The mayors also committed to achieving at least 80 percent vaccination coverage, reducing the spread of misinformation, improving health literacy, and sharing information on how to prevent and reduce the spread of infectious disease. A recent article published with Rebecca Katz provides some insights into what this might look like.
      TNH: All cities are not equal in this. Without a global rundown, do you have particular concerns for certain places – because they are transmission hubs that might be hit worse, or due to existing insecurity and instability?

      Cities are vulnerable both to the direct and indirect effects of COVID-19. For example, cities with a higher proportion of elderly and inter-generational mingling are especially at risk of higher infection, hospitalisation, and case fatality rates. This explains why the pandemic has been so destructive in certain Italian, Spanish, and certain US cities in Florida and New York where there is a higher proportion of elderly and frequent travel and interaction between older and younger populations. By contrast, early detection, prevention, and containment measures such as those undertaken in Japanese, South Korean, and Taiwanese cities helped flatten the curve. Yet even when health services have been overwhelmed in wealthier cities, they tend to have more capable governments and more extensive safety nets and supply chains to lessen the secondary effects on the economy and market.

      Many cities in Africa, South and Southeast Asia, and Latin America are facing much greater direct and indirect threats from the COVID-19 pandemic than their counterparts in North America, Western Europe, or East Asia. Among the most at-risk are large and secondary cities in fragile and conflict-affected countries such as Afghanistan, Colombia, DRC, Iraq, Myanmar, Nigeria, Somalia, South Sudan, Syria, and Venezuela. There, health surveillance and treatment capacities are already overburdened and under-resourced. While the populations tend to be younger, many are facing households that are already under- or malnourished and the danger of comorbidity is significant. Consider the case of Uganda, which has one ICU bed for every one million people (compared to the United States, which has one ICU bed for every 2,800 people). Specific categories of people – especially those living in protracted refugee or internal displacement camps – are among the most vulnerable. There are also major risks in large densely populated cities and slums such as Lagos, Dhaka, Jakarta, Karachi, Kolkata, Manila, Nairobi, or Rio de Janeiro where the secondary effects, including price shocks and repressive police responses, as well as explosive protests from jails, could lead to social and political unrest.
      TNH: The coronavirus itself is the immediate risk, but what greater risks do you see coming down the track for poorer people in urban settings?

      Muggah: The most significant threat of the COVID-19 pandemic may not be from the mortality and morbidity from infections, but the political and economic fallout from the crisis. While not as infectious or lethal as other diseases, the virus is obviously devastating for population health. It is not just people dying from respiratory illnesses and organ failures linked to the virus, but also the excess deaths from people who are unable to access treatment and care for existing diseases. We can expect several times more excess deaths than the actual caseload of people killed by the coronavirus itself. The lost economic productivity from these premature deaths and the associated toll on health systems and care-givers will be immense.

      “The most significant threat of the COVID-19 pandemic may not be from the mortality and morbidity from infections, but the political and economic fallout from the crisis.”

      COVID-19 is affecting urban populations in different ways and at different speeds. The most hard-hit groups are the urban poor, undocumented migrants, and displaced people who lack basic protections such as regular income or healthcare. Many of these people are already living in public or informal housing in under-serviced neighbourhoods experiencing concentrated disadvantage. The middle class will also experience severe impacts as the service economy grinds to a halt, schools and other services are shuttered, and mobility is constrained. Wealthier residents can more easily self-isolate either in cities or outside of them, and usually have greater access to private health alternatives. But all populations will face vulnerabilities if critical infrastructure – including health, electricity, water, and sanitation services – start to fail. Cut-backs in service provision will generate first discomfort and then outright protest.

      Most dangerous of all is the impact of COVID-19 on political and economic stability. The pandemic is generating both supply and demand shocks that are devastating for producers, retailers, and consumers. Wealthier governments will step in to enact quantitative easing and basic income where they can, but many will lack the resources to do so. As income declines and supply chains dry up, panic, unrest, and instability are real possibilities. The extent of these risks depend on how long the pandemic endures and when vaccinations or effective antivirals are developed and distributed. Governments are reluctant to tell their populations about the likely duration, not just because of uncertainties, but because the truth could provoke civil disturbance. These risks are compounded by the fact that many societies already exhibit a low level of trust and confidence in their governments.

      https://www.thenewhumanitarian.org/interview/2020/04/01/coronavirus-cities-urban-poor

    • Les enjeux économiques de la #résilience_urbaine

      La notion de #résilience pour qualifier la capacité d’une ville à affronter un #choc, y compris économique, n’est pas nouvelle, mais elle revêt, en pleine crise du coronavirus, une dimension toute particulière.

      Les villes, en tant que #systèmes_urbains, ont toujours été au cœur des bouleversements que les sociétés ont connus. Pour autant, les fondements du paradigme économique qui gouverne les villes sont restés les mêmes. L’essor des capacités productives exportatrices et l’accroissement des valeurs ajoutées guident encore l’action locale en matière d’#économie.
      Corollaire d’un monde globalisé qui atteint ses limites, la crise sanitaire ébranle ces fondamentaux et en demande une révision profonde. Ainsi, au cœur de la crise, les ambitions de #relocalisation_industrielle, de #souveraineté_économique, d’#autonomie_alimentaire semblent avoir remplacé (au moins temporairement) celles liées à la #croissance et à la #compétitivité.

      https://www.pug.fr/produit/1798/9782706148668/les-enjeux-economiques-de-la-resilience-urbaine
      #livre #Magali_Talandier

    • #Eurasian_Geography_and_Economics is publishing a series of critical commentaries on the covid-19 pandemic, with some urban dimensions.

      These will be collated in issue 61(4) of the journal but will appear online first.

      The first two are currently OA on the journal webpage at: https://www.tandfonline.com/toc/rege20/current?nav=tocList

      Xiaoling Chen (2020) Spaces of care and resistance in China: public engagement during the COVID-19 outbreak, Eurasian Geography and Economics, DOI: 10.1080/15387216.2020.1762690

      As the COVID-19 pandemic continues to unfold, the approach of the Chinese government remains under the spotlight, obscuring the complex landscape of responses to the outbreak within the country. Drawing upon the author’s social media experiences as well as textual analysis of a wide range of sources, this paper explores how the Chinese public responded to the outbreak in complex and nuanced ways through social media. The findings challenge conventional views of Chinese social media as simply sites of self-censorship and surveillance. On the contrary, during the COVID-19 outbreak, social media became spaces of active public engagement, in which Chinese citizens expressed care and solidarity, engaged in claim-making and resistance, and negotiated with authorities. This paper situates this public engagement within a broader context of China’s health-care reforms, calling attention to persistent structural and political issues, as well as the precarious positionalities of health-care workers within the health system.

      Xuefei Ren (2020) Pandemic and lockdown: a territorial approach to COVID-19 in China, Italy and the United States, Eurasian Geography and Economics, DOI: 10.1080/15387216.2020.1762103

      Three months into the Covid-19 crisis, lockdown has become a global response to the pandemic. Why have so many countries resorted to lockdown? How is it being implemented in different places? Why have some places had more success with lockdowns and others not? What does the effectiveness of lockdowns tell us about the local institutions entrusted with enforcing them? This paper compares how lockdown orders have been implemented in China, Italy, and the U.S. The analysis points to two major factors that have shaped the enforcement: tensions between national and local governments, and the strength of local territorial institutions.

    • Pourquoi Bergame ? Le virus au bout du territoire

      La région de #Bergame en Italie a été l’un des foyers les plus actifs du coronavirus en Europe. Marco Cremaschi remet en cause les lectures opposant de manière dualiste villes et campagnes et souligne la nécessité de repenser la gouvernance de ces territoires d’entre-deux.

      L’urbanisme a de longue date et durablement été influencé par les épidémies. Depuis le Moyen Âge, la peste et le choléra ont contribué à sédimenter un ensemble de critiques dirigées contre la densité et la promiscuité caractéristiques du mode de vie urbain. Particulièrement prégnante aux débuts de la recherche urbaine au XIXe siècle, sous l’influence du mouvement hygiéniste (Barles 1999), cette hypothèse anti-urbaine a régulièrement refait surface au gré des crises sanitaires. C’est ainsi presque naturellement qu’elle a été réactivée en lien avec la diffusion mondiale du Covid-19, y compris au cœur des sciences sociales.

      Selon certains géographes, la cause de la pandémie serait ainsi à chercher dans la « métropolisation du monde » (Faburel 2020), concept catch-all qui désigne à la fois la densification, le surpeuplement, la promiscuité des modes de vie uniformisés et la surmodernité ; en somme, tout ce qui nous aurait éloignés de la « nature ». Pourtant, si l’on exclut les situations de surpeuplement extrême de quelques mégapoles des pays en développement, rien n’indique que la densité de population soit un bon indicateur des relations humaines et en dernière analyse de la propagation des maladies. En effet, comme l’a déjà amplement montré la critique faite à la thèse « écologique » (Offner 2020), les caractéristiques de l’environnement physique ne reflètent que marginalement la culture et les modes de vie. Ce n’est qu’au niveau de la coprésence physique, telle qu’on la trouve dans les transports en commun, que la densité de la population conduit directement à une intensification des contacts humains.

      Cet article ne prétend pas avancer d’hypothèses épidémiologiques relatives aux modes socio-spatiaux de transmission du Covid-19 : en la matière, la prudence est de mise en raison de la modestie des éléments empiriques disponibles. Son objet est plutôt de proposer une description du territoire bergamasque à l’aune des grilles de lecture contemporaines de l’urbain et des grands modèles interprétatifs mobilisés actuellement dans le débat public – et d’en souligner ainsi les limites. Ni métropole, ni campagne, la région de Bergame en Italie a en effet été l’un des foyers les plus actifs du virus en Europe, et les conséquences de l’épidémie y ont été dramatiques.

      Cette description montre les limites des modèles interprétatifs binaires et suggère d’analyser, au-delà des causes de la pandémie, l’influence indirecte de la « formation socio-territoriale » (Bagnasco 1994), c’est-à-dire de la manière dont une société évolue et change dans les structures de la longue durée, bien plus probante que la densité ou la présumée uniformisation métropolitaine.
      Un entre-deux territorial

      La crise a commencé officiellement le dimanche 23 février à l’hôpital d’Alzano, à six kilomètres de Bergame : deux cas de Covid-19 sont identifiés. En dix jours, la situation s’est dégradée au-delà des prévisions les plus alarmistes. Au mois de mars, 5 400 décès ont été répertoriés dans la province, contre 900 en moyenne les trois années précédentes (Invernizzi 2020). La mortalité a donc été multipliée par six ; dans certaines municipalités, comme Alzano et Nembro, elle est même dix fois supérieure à la moyenne.

      Située au cœur de la Lombardie, région la plus riche et la plus urbanisée d’Italie (et l’une des plus riches d’Europe), à cinquante kilomètres au nord-est de Milan, la province de Bergame rassemble en 2020 un peu plus d’un million d’habitants (dont 120 000 seulement dans la ville-centre). Elle est marquée par une situation d’entre-deux territorial : ce n’est ni une métropole ni une simple ville moyenne environnée d’un pays rural ; ce n’est ni une centralité ni une périphérie marginale ; son économie prospère est fortement industrielle, à la fois ancrée localement et insérée dans les réseaux économiques mondiaux.

      Le modèle de développement bergamasque résiste aux grilles de lecture opposant de manière dualiste villes et campagnes, métropoles mondialisées et ancrage local, densité et dispersion. Il ne peut être qualifié de « périurbain », en raison de la vitalité de ses centres secondaires ; il est sensiblement plus dense que la città diffusa du nord-est de l’Italie, vaste région sans centre dominant parsemée de maisons individuelles et de petites entreprises (Indovina 1990) ; et son industrialisation est bien plus ancienne et ses entreprises plus grandes et plus robustes que ceux des « districts industriels » de l’Italie centrale (Rivière et Weber 2006).

      La population, en faible croissance depuis trois décennies, est moins âgée que la moyenne de la région. Un fort attachement territorial s’adosse à une faible mobilité géographique : environ trois quarts des habitants sont nés dans des municipalités voisines ou dans la région. Mais depuis l’après-guerre, le développement économique fulgurant a suscité une immigration de main-d’œuvre, notamment depuis l’étranger (environ 7 % de la population est d’origine étrangère en 2016). L’émergence de nouveaux besoins, liés notamment au vieillissement de la population (aides à domicile, soignants), a entraîné plus récemment une diversification des origines nationales des habitants.

      Une urbanisation par bandes linéaires

      Dans les communes de Alzano et Nembro, et en général dans la vallée Seriana, le bâti est dense [1], à peu près cinquante habitants par hectare (Lameri et al. 2016), mais entrecoupé de nombreux espaces ouverts, souvent des jardins avec des potagers, tandis que les champs interstitiels encore cultivés au début des années 2000 ont presque complètement disparu. Sur la bande d’en haut, les flancs des collines, les anciens pâturages, cèdent la place aux bois en expansion. À l’exception des centres-villes anciens, où les maisons sont adossées les unes aux autres tout au long d’une rue principale, les bâtiments sont presque toujours érigés sur des parcelles individuelles et organisées selon des bandes parallèles au fond de la vallée, dans un espace particulièrement étroit.

      L’urbanisation du territoire bergamasque témoigne d’un mélange de connaissances anciennes et de techniques récentes qui permettent de mettre en valeur chaque centimètre carré. Chaque maison exploite ainsi les plis des règles de construction et la pente de la vallée, sur la base d’un savoir local difficile à standardiser : un garage accessible depuis la rue du bas, la cour depuis celle située au-dessus, un étage supplémentaire sous les combles.

      Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses personnes ont restauré la cabane de leurs grands-parents dans la bande urbanisée près des pâturages et ont construit la maison de leurs enfants dans la bande inférieure, en investissant les fruits du travail industriel : c’est la génération qui était jeune pendant les trente glorieuses qui est aujourd’hui décimée par le virus, avec les conséquences dramatiques en matière de mémoire et de perte culturelle que l’on peut imaginer (Barcella 2020).

      Il ne s’agit donc pas d’une ville linéaire, mais d’une organisation urbaine par bandes linéaires. Les rues sont les repères de ce ruban urbain, qui fait l’effet d’un code-barres vu d’en haut : si vous le « coupez » perpendiculairement, vous y rencontrez en premier la zone habitée la plus ancienne, disposée tout le long de ce qui était autrefois la route romaine puis vénitienne ; en parallèle, se trouvent l’ancienne et la nouvelle route départementales, en alternance avec les fossés industriels du XIXe siècle.

      De la première mondialisation à la métropole régionale

      L’industrialisation commence au milieu du XIXe siècle : des protestants suisses et des industriels milanais trouvent dans la vallée des ressources en eau bon marché et s’approprient et complètent le réseau médiéval de canaux (Honegger fit l’histoire du textile, l’Italcementi celle du béton ; les usines de papier de Pigna, aujourd’hui propriété du groupe Buffetti, y ont déménagé en 1919 en provenance de Milan). Ces industries s’installent dans le lit majeur du fleuve et occupent l’autre rive, souvent inondée jusqu’au milieu du XXe siècle. Le coût environnemental de ce développement est considérable : destruction de terres agricoles, pollution croissante, exploitation de la nappe phréatique.

      Entre Nembro et Albino, on peut observer le cœur du système productif bergamasque : des centaines de petites et moyennes entreprises se juxtaposent et font travailler près de 4 000 employés. C’est un système totalement intégré dans les réseaux de production mondiaux : l’entreprise Acerbis, par exemple, transforme la matière plastique en réservoirs et composants pour motos ; Persico produit les coques des bateaux de la Coupe de l’America ; Polini Motori est spécialisée dans les kits de mise à niveau pour les cycles et les motos.

      Ces entreprises génèrent un trafic incessant de voitures et de camions qui encombrent l’ancienne route nationale de Val Seriana, l’autoroute qui relie Cene à Nembro et atteint Seriate, et l’autoroute qui relie Venise à Milan. Depuis 2009, un tramway relie la vallée à la gare de Bergame et transporte environ 13 000 passagers par jour.

      Le mode de vie y dépend donc autant du réseau familial organisé dans le voisinage, autour du palier ou de l’autre côté de la rue, que de l’enchevêtrement des autoroutes et des lignes aériennes qui traversent la région et mènent presque partout en quelques heures : Bergamo Orio al Serio est en effet le siège du hub italien de Ryanair et le troisième aéroport du pays, 17 millions de passagers par an et des liaisons avec le monde entier.
      Le système territorial bergamasque face au Covid-19

      L’hypermobilité (Verdeil 2020) est une des clés pour comprendre l’effet de la pandémie sur ces municipalités qui sont en même temps villageoises et métropolitaines : un exemple tragique est l’itinéraire de vacances d’un couple, elle d’Alzano, lui de Nembro, parti en vacances à La Havane le 29 février et terrassé par la maladie à Madrid le 19 mars (Nava 2020).

      Mais les contacts humains dépendent de nombreux autres facteurs, comme l’interdépendance (Baratier 2020) liée aux formes sociales et culturelles. En effet, la forme des établissements humains (la sociabilité, l’organisation spatiale, les institutions) a une influence importante, et la densité n’est plus la bonne mesure. Il semble que la sociabilité augmente les contacts sociaux qui répandent le virus, tandis que les nœuds infrastructuraux les démultiplient sur des échelles territoriales variées. Toutefois, les institutions de ces territoires n’ont aucune capacité de gouverner les effets croisés de ces différents facteurs. Du point de vue territorial, cette pandémie est une nouvelle manifestation de la discontinuité entre le politique et le territoire, qui s’était déjà manifestée bien avant le coronavirus.

      On pourrait même émettre l’hypothèse contraire, selon laquelle le modèle métropolitain est plus efficace dans la gestion de distances sociales et sa gouvernance plus résiliente face au risque de propagation liée à la sociabilité de province : les distances physiques sont mieux respectées, les institutions ont un accès privilégié aux réseaux mondiaux, et si les nœuds de transports y sont plus fréquentés, la mobilité des habitants des campagnes s’étale sur des échelles bien plus vastes.

      Comme nous ne disposons pas de données stabilisées, nous ne savons pas si la crise du virus s’ajoute à la déconnexion entre la sociabilité individualiste, les réseaux technologiques indifférents à l’environnement et les institutions, ou si elle est générée par cette déconnexion. Ce qui est certain, c’est que la région de Bergame additionne et multiplie les risques et les limites qui sont propres à la sociabilité paysanne, aux nœuds infrastructuraux urbains et aux institutions métropolitaines.

      Une fois l’urgence passée, cette crise devrait conduire à ouvrir une réflexion critique sur la gouvernance de ces territoires intermédiaires. L’examen des éléments proposés ci-dessus montre que la densité, la concentration, la promiscuité ne sont pas des indicateurs suffisants de l’uniformité du modèle de développement ; il indique également le rôle à multiples facettes des formations socio-territoriales.

      Si on doit reconnaître que le monde est urbain, comme l’a montré Henri Lefebvre, on peut sans doute questionner la métropole sans ignorer la variété de projets de métropolisation ou de rapprochement de la nature dans les différentes régions du monde. On n’a pas encore une explication exhaustive des causes de l’origine du virus, et encore moins de sa propagation : les hypothèses sous examen considèrent les déséquilibres environnementaux, les maladies pulmonaires, la capacité de réponse, les modèles de santé autant que la proximité et la distance physique. Tout résumer sous l’étiquette de métropolisation risque de ressusciter la mythologie des grandes explications, quand les spécificités des territoires réclament l’accompagnement des sociétés locales par l’étude et la compréhension de leur diversité.

      Bibliographie

      Angel, S., Parent, J., Civco D. L. et Blei, A. M. 2012. Atlas of Urban Expansion, Cambridge : Lincoln Institute of Land Policy.
      Bagnasco, A. 1994. Fatti sociali formati nello spazio : cinque lezioni di sociologia urbana e regionale, Milan : Franco Angeli.
      Baratier, J. 2020. « Pandémie, résilience, villes : deux ou trois choses que nous savons d’elles », Linkedin [en ligne], 29 mars.
      Barcella, P. 2020. « Cartolina da Bergamo. Perché proprio qui ? », La Rivista del Mulino, 2 mars.
      Barles, S. 1999. La Ville délétère, Ceyzérieu : Champ Vallon.
      Faburel, G. 2020. « La métropolisation du monde est une cause de la pandémie », Reporterre [en ligne], 28 mars.
      Indovina, F. 1990. La città diffusa, Venise : Quaderno Iuav-DAEST.
      Invernizzi, I. 2020. « Coronavirus, il numero reale dei decessi : in Bergamasca 4.500 in un mese », L’Eco di Bergamo, 1er avril.
      Lameri, M. et al. 2016. Trampiù : studio delle esternalita’ territoriali generate dall’ipotesi di prolungamento della linea tranviaria T1 da Albino a Vertova, Bergame : TEB.
      Nava, F. 2020. « Mancata zona rossa nella bergamasca : storia di un contagio intercontinentale, da Alzano Lombardo a Cuba, passando per Madrid », TPI, The Post International, 31 mars.
      Offner, J.-M. 2020. Anachronismes urbains, Paris : Presses de Sciences Po.
      Rivière, D. et Weber, S. 2006. « Le modèle du district italien en question : bilan et perspectives à l’heure de l’Europe élargie », Méditerranée, n° 106, p. 57-64.
      Verdeil, E. 2020. « La métropolisation, coupable idéale de la pandémie ? », The Conversation [en ligne], 9 avril.

      https://www.metropolitiques.eu/Pourquoi-Bergame-Le-virus-au-bout-du-territoire.html

    • Rethinking the city: urban experience and the Covid-19 pandemic

      Whilst the full effects of the Covid-19 pandemic are yet to be seen, the near-global lockdown of urban centres has been a jarring experience for city-dwellers. But how does the rapid spreading of the virus change our perception of the city? Here, Ravi Ghosh argues that these conditions prompts us to see the city differently, and sets us the urgent task of extending the right to the city to all its inhabitants.

      Whilst the full effects of the Covid-19 pandemic are yet to be seen, the near-global lockdown of urban centres has been a jarring experience for city-dwellers. The optimisation narrative has been stopped in its tracks. The speed, number, and efficiency of available urban experiences are now fixed somewhere close to zero. And even the things we do to escape this logic of urban gratification — to calm the pace of everyday life — are now increasingly unavailable; without culture, community, and recreation, people are beginning to wonder what they’re actually doing here, squashed into crowded cities across the world. But, as the peak of the pandemic approaches in many countries, there are more profound forces at play beyond just the individual’s loss of activity and communication.

      To be isolating in the city is to embody an agonising contemporary paradox: that, although the coronavirus is now moving rapidly through regions like New York State and London, the connectivity, medical resources, and infrastructure in these centres means that local health prospects may actually be higher than in less infected areas. Having already spread along the avenues of globalisation — holidaying, business travel, and international supply chains — the virus is now recreating a familiar Western narrative: that of the city under siege. Whether via cabinet-war-room style depictions of central government, or makeshift hospitals in the triangle of London, Birmingham, and Manchester, cities will inevitably emerge as defiant symbols of human endeavour and resilience, irrespective of the harm their cramped organisation may also have caused.

      But what of this desire for an active city? In Urban Revolution (1970), Henri Lefebvre uses a rough axis (marked from 0 to 100% urbanisation) to imagine the city space. It starts with the political city — marked by bureaucratic power — before progressing through mercantile and industrial phases. Postindustrial society is termed ‘urban’, at which point the city undergoes a process of ‘implosion-explosion’ as it approaches the end of the axis. This rampant expansion of the ‘urban fabric’ which Lefebvre describes will evoke nostalgia to anyone living in a major hub, but unable to enjoy it:

      the tremendous concentration (of people, activities, wealth, goods, objects, instruments, means, and thought) of urban reality and the immense explosion, the projection of numerous disjunct fragments (peripheries, suburbs, vacation homes, satellite towns) into space.

      For Lefebvre, these ideas were both a loose historical commentary and a starting point for his own socialist reimagining of ‘complete urbanisation’. This is apt given the current lockdown; the current pandemic may well be an acid test for society’s infrastructure and economic model. Watching from behind closed doors as they mobilise in tandem offers an historically unique, often painful perspective. Flaws are revealed gradually, and with great cost to human life. However painful these may be now, in time they could offer a unique opportunity to remake society with the lessons learned.

      Perhaps most relevant to our current situation is Lefebvre’s broad understanding of the urban fabric; he includes vacation homes, motorways, suburbs, and even countryside supermarkets in his definition. In normal circumstances, these structures are self-sustaining and peripheral, but what we see in the current crisis is the power of individuals to balloon the city by flocking to its fringes — often at the expense of fellow citizens. When movement is coded with infection, urbanisation suddenly becomes a form of domination. Under this kind of siege, it’s better to sit tight than to flee.

      It’s interesting to see this being acknowledged by some sections of the media, even if the socio-cultural consequences remain largely unexplored. The New York Times states that to make meaningful per capita comparisons for Covid-19 cases, its data focuses upon ‘metropolitan areas’ rather than cities or countries, as they more accurately account for ‘the regions where the virus might spread quickly among families, co-workers or commuters’. The statistics for the New York area therefore include nearby suburbs in Westchester, Long Island, and northern New Jersey. And although there’s no immediate way of determining whether people are moving out of necessity or choice, a fairly obvious distinction can be made between displaced workers moving from Delhi, for example, and those in prosperous Western centres — where movement is contingent on financial stability. The pushback against needless migration is mostly anecdotal, seen through viral images of angry placards in British seaside towns, and local news stories of overwhelmed health services. The pandemic has caused a retreat into the familiarity of nation states: not just in the literal sense of repatriation, but also as a means of civic organisation, internal governance, and statistical monitoring. What some call ‘de-globalisation’ reveals what we already know: that not all nations, governments, or health services are created equal — and that this applies to sub-national groupings too. Spatial inequality will play a huge role in determining the eventual death map of the pandemic.

      In such strangely out-of-time situations, what constitutes the normal is thrown into sharp relief. Activities normally taken for granted are judged by how easily they can be replicated while upholding their essential values — which in our current time usually means a relocation to the internet. What emerges is a familiar gulf between the professional and the social. Whereas for most office-based employees, work can continue with the assistance of specialised software, communications, and adaptable management structures, the integrity of social relationships suffers far more when human contact is removed.

      We feel an acute yearning for companionship, not just because we miss our friends more than we miss our bosses, but because for the most part, the means of reproducing social intimacy online are far inferior to those which ensure the fulfilment of economic roles. That video calling is the go-to for both spheres demonstrates this; it’s somehow the optimal social medium, but exists alongside far more complex tools within the work of work, especially in highly adapted corporate industries. The overlap is somewhat inevitable given that work needs a social element to function, but it’s still grimly remarkable that to evoke all the tenderness and multiplicity of friendships, the best we’ve come up with is drinking a beer while watching someone else do the same on our phones.

      It’s tempting to read the digitalisation of work as a direct transposition of the relations of production. This may be roughly the case, but in reality, there are obvious (and often welcome) differences between urban work culture and the current isolation, which speak to Lefebvre’s earlier ideas on ‘everyday life’ (not to mention that work has been at least partially online for decades). By theorising new forms of alienation within modernity — the unpaid labour of the daily commute, for example — Lefebvre in many ways anticipated common qualms about 21st century work life. These are familiar to us, now mostly expressed in the pithy, resigned idiom of being ‘chained to the desk’, ‘meetings that could be an email’, and the general exhaustion of 24/7 communications. The lockdown has stripped back many of these rituals, revealing that much of face-to-face professional life is made up of parade, gesture, formality, and convention — even if there is enjoyment to be found in the structure and atmosphere of the office. Doing more online, and crucially, from not-the-office may be a lasting result from the current changes.

      As William Davies has recently suggested, rather than viewing the pandemic as a crisis of capitalism, ‘it might better be understood as the sort of work-making event that allows for new economic and intellectual beginnings’. While this is not the dawning of Lefebvre’s ‘urban utopia’, conceiving of digitalisation as a form of urban progression does point to potential improvements in everyday life, even if the existing internet hierarchy hardly favours citizens. As Joe Shaw and Mark Graham from Oxford Internet Institute argue in a 2017 paper, in order to democratise the city space, we need to understand contemporary urbanisation “as a period where the city is increasingly reproduced through digital information’. They focus on Google’s ability to control the reproduction of urban space through features like maps and email: ‘this is a power to choose how a city is reduced to information, and to control the manner in which it is translated into knowledge and reintroduced to material everyday reality’. Companies are utterly dominant in this area, though the relocation of work and social relations to the digital space — coupled with an overdue revaluation of critical work, a recognition of the service industry’s precarity, and an increase in corporate responsibility — could provide a turning point for some urban hierarchies. The case for universal low-cost internet will be made with renewed urgency after the pandemic; access to accurate information has suddenly become a matter of life and death. If the oft-mentioned global solidarity outlasts the pandemic, then meaningful progress could be made against tech monopolies, resource inequality, and climate breakdown.

      For all the difficulties of the lockdown, it does refine our appreciation of what came before. Social existence is naturally incidental and unpredictable — there’s a kind of randomised joy borne of living amongst others. In the city, this effect is amplified. As Lefebvre says of the city’s streets, they are ‘a place to play and learn….a form of spontaneous theatre, I become spectacle and spectator, and sometimes an actor’. There’s certainly a romantic optimism here, but as isolation brings longing, the words feel ever sincerer. A recent Financial Times article contained an amusing vignette on an empty London:

      The bankers have disappeared and new tribes with different uniforms have taken over: builders in black trousers and dusty boots; security guards in high-vis jackets pacing outside empty lobbies; and trim young men and women in lycra running or cycling through the empty streets.

      The reality, of course, is that these people were always there; it’s just that not everyone notices them. The task beyond the pandemic will be extending this right to the city to all: remaking the structures of everyday life so that they empower all citizens, and harnessing digital urbanisation rather than existing at its mercy. Extending our current social contract — which shows we are prepared to live differently to protect the vulnerable — will be a powerful first step.

      https://www.versobooks.com/blogs/4648-rethinking-the-city-urban-experience-and-the-covid-19-pandemic

    • In Dense Cities Like Boston, Coronavirus Epidemics Last Longer, Northeastern Study Finds

      An analysis by Northeastern University researchers and colleagues finds that in crowded cities — like Boston — coronavirus epidemics not only grow bigger, they also tend to last longer.

      The paper, based on data from Italy and China, looks at how quickly an epidemic peaks depending on how crowded a location is.

      “In urban areas, we tend to see long, broad epidemics — for example, Boston,” says lead co-author Samuel Scarpino from the Network Science Institute at Northeastern. “And in comparatively more suburban or rural areas we tend to see sharp, quick, burst-y epidemics.”

      Scarpino says it’s key for Massachusetts to have uniform rules across the state, because movement from one area to another — say, from a town where restaurants are closed to one where they’re open — can help spread the virus. Here are some edited excerpts of our conversation, beginning with how he sums up the research just out in the journal Nature Medicine:

      Scarpino: What we report in the paper is that the structure of communities affects both the height and the duration of COVID-19 epidemics.

      Carey Goldberg: So more dense areas will have not just more cases, but a more prolonged course?

      Right. In urban areas, we’re likely to have larger outbreaks — in terms of total number, even in terms of percentage of the population — and they will be much longer, lasting weeks and weeks or months, as we’ve seen in Boston, New York City, London and many places around the world.

      However, in rural areas, or areas that have population structures that are much more tightly knit — as opposed to a looser collection of households in neighborhoods, as we have spread out across Boston — you get sharp, intense outbreaks. They can be overwhelming in terms of the resources available for caring for patients, and quite dramatic in terms of their effects on the population.

      Think about the outbreak in rural Maine that was sparked by a super-spreading event at a wedding, and how it quickly swept through the population.

      Why do these insights about community structure and its effect on transmission matter?

      In many rural areas that are at risk of these intense outbreaks, there’s much lower health care coverage and often, especially in the United States, a lot more complacency around mask-wearing and physical distancing. These areas are largely protected because they’re isolated. However, if cases show up — as we’ve seen in places like rural Maine — the outbreaks can be quite severe and rapid.

      Also, in the more dense areas, you’re going to have cases that move around throughout the population, throughout the different neighborhoods of the city. You’re going to have outbreaks go quiet in some areas, and then become louder in other areas.

      And this process can be very, very prolonged, and can make the types of intervention measures that you need to deploy either quite severe or quite complicated, because they have to be very specifically tailored to what’s happening at the really local level within the larger cities.

      So what does this mean for policy?

      Well, in related work we show that having policies that are different across a city can lead people to move out of their neighborhoods, to go to parks or to go to restaurants with different dining restrictions, or to go to venues with different limits on capacity. And that interacts with the structure of the city to spread the outbreak much more rapidly, kind of accelerating the pace and tempo of cases.

      So that really suggests that because the outbreak is going to be so long-lasting, you really either need to focus on driving it completely out or you need to have policies that will protect all of the places with lower rates of cases while intervening in a targeted way in the places with much higher rates of cases.

      So what you don’t want to do is put in tougher measures in hot-spots, because then you’re just going to drive people out to other places where they’re going to spread it even more.

      Exactly. In the state of Massachusetts, where we have the governor relaxing measures in a fairly extreme fashion in some areas and not in other areas, you are likely to have a situation where you’re just moving the infection around and putting other communities at risk.

      So having a more intermediate level of control that’s more uniformly distributed across space is much better epidemiologically.

      But that’s not what the state is doing.

      The state in many ways is really doing almost the opposite of what our paper suggests in terms of the ways in which you need to focus on controlling COVID-19, and also related work that shows this sort of patchwork of different policies really creates quite a bit of risk.

      It seems incredibly important to have hyper-local information, because in the structure you describe, the spread happens at the level of households or neighborhoods, and then you have just a bit of crossover to other places, and that’s how it just keeps going.

      That is the implication of our work and many other studies that show that COVID-19, from an epidemiological perspective, is an amalgamation of local transmission that’s happening in households, in restaurants, in occasional longer-distance transmission that moves it into new areas. So you need to have really hyper-localized information around where the cases are occurring and to find out where the cases are coming from.

      And that, unfortunately, is one of the things that we’re still not getting clear guidance on from the state: Where are the cases coming from? So that we can understand how we need to intervene.

      Without that data, we really aren’t armed with the right kinds of information to both stop the spread and to try and implement measures that will maximally control COVID-19 while having the least possible effects on our economic health, mental health and societal health.

      https://www.wbur.org/commonhealth/2020/10/06/coronavirus-lasts-longer-cities-boston

  • #Coronavirus : « Il n’y a pas à s’inquiéter de la facture », selon la Nobel d’#économie

    L’économiste #Esther_Duflo, prix Nobel d’économie 2019, a appelé mardi à ouvrir grand les vannes de la #dépense_publique pour restreindre les ravages économiques de la pandémie de #coronavirus, estimant qu’il “n’y a absolument pas à s’inquiéter de la facture” face à la crise sanitaire.

    Elle a aussi plaidé pour un système d’#imposition “extrêmement progressif” , c’est-à-dire devenant plus lourd au fur et à mesure que les revenus s’élèvent, afin de financer les systèmes de santé, et de soutenir les ménages modestes. “Quand on a une grosse crise de demande comme aujourd’hui, il faut injecter des ressources dans l’économie”, ce qui suppose pour les gouvernements qui le peuvent “d’emprunter massivement et de #stimuler_l’économie autant que possible”, a insisté sur la radio France Inter Mme Duflo.

    La professeure au prestigieux MIT (États-Unis) a estimé que “c’est vraiment le #moment_keynésien par excellence”, en référence à l’économiste anglais John Maynard #Keynes qui avait prôné l’#interventionnisme de l’#État tous azimuts après la crise financière de 1929. “Il s’agit de savoir si on aura plutôt la crise de 2008 ou celle de 1929”, qui avait durablement plombé l’économie mondiale, et “la différence viendra de la volonté de dépenser beaucoup d’argent aujourd’hui, de manière juste”.

    « #Dépenser_plus » maintenant, « cela fait économiser de l’argent »

    Selon elle, “dépenser plus d’argent à la fois pour lutter contre le virus (…) et pour essayer de mitiger au maximum l’impact économique, cela fait économiser de l’argent en fait”. Faute de quoi, la crise risque de devenir “plus mortelle, et d’un point de vue strictement financier, plus grave”, avec un “#effet_boule_de_neige”, et dans ce cas “on passe d’une #récession à une #dépression, dont les #ravages_économiques sont beaucoup plus forts et plus longs”.

    L’économiste, spécialiste de la pauvreté, encourage les pays du G20 à soutenir les pays moins développés, moins armés face à l’#épidémie, et pointe les incertitudes sur la “#sortie_de_crise”, notamment sur la vigueur de la #reprise de la #consommation, facteur qui déterminera “l’ampleur finale du #désastre_économique”.

    Pour un #système_d’imposition « extrêmement progressif »

    Esther Duflo a par ailleurs balayé les craintes sur l’#endettement_public : pour l’heure, les gouvernements “peuvent emprunter à taux extrêmement faibles” et “si on a beaucoup d’argent à dépenser, on a aussi beaucoup de temps pour rembourser”. “Il n’y a absolument pas à s’inquiéter de la facture pour l’instant, c’est le dernier de nos soucis”, insiste-t-elle, mettant en garde contre un retour prématuré à “une #orthodoxie un peu frileuse” sur les déficits.

    Pour Mme Duflo, la crise serait l’occasion d’encourager un système d’imposition “extrêmement progressif” dans les pays développés : “Comment financer à la fois les transferts aux plus pauvres, qui leur permettront de soutenir leur consommation, et les #systèmes_de_santé qu’il va falloir reconstruire ? Le financer par l’#impôt sur les #hauts_revenus (…) semble le moyen le plus raisonnable et le plus réaliste”.

    https://www.lequotidien.lu/economie/coronavirus-il-ny-a-pas-a-sinquieter-de-la-facture-selon-la-nobel-decono

  • Dépister et fabriquer des masques, sinon le confinement n’aura servi à rien
    https://reporterre.net/Depister-et-fabriquer-des-masques-sinon-le-confinement-n-aura-servi-a-ri

    Pour sortir efficacement de la pandémie du Covid-19, le confinement seul ne suffira pas, explique l’auteur de cette tribune. Qui rappelle la priorité dans un contexte d’hôpital public martyrisé par des décennies de #politiques_néolibérales : permettre le dépistage et distribuer des #masques de protection.

    Ce dont nous sommes en train de faire l’expérience, au prix d’une souffrance inouïe pour des pans significatifs de la population, c’est que l’Occident vit au Moyen Âge, et pas seulement sanitaire. Comment sortir du Moyen Âge sanitaire très vite et entrer au XXIe siècle ? C’est cet apprentissage que les Occidentaux doivent faire, en quelques semaines. Voyons pourquoi et comment.

    Il faut commencer par le redire, au risque de choquer aujourd’hui, la #pandémie du #Covid-19 aurait dû rester ce qu’elle est : une pandémie un peu plus virale et létale que la grippe saisonnière, dont les effets sont bénins sur une vaste majorité de la population mais très graves sur une petite fraction. Au lieu de cela, le démantèlement du système de #santé européen et nord-américain commencé depuis plus de dix ans a transformé ce virus en catastrophe inédite de l’histoire de l’humanité qui menace l’entièreté de nos #systèmes_économiques.

    #Gaël_Giraud #dépistage #test #quarantaine #système_de_santé_public #service_public #capitalisme #État-providence #individualisme

  • #Coronavirus : moins d’#humanitaire, plus de #politique !

    Nous devons sortir de la pensée humanitaire qui apporte avant tout des réponses techniques et repenser en des termes politiques le #bien_public, la #solidarité et la #justice_sociale, écrit Julie Billaud, professeure adjointe d’anthropologie à l’Institut de hautes études internationales et du développement.

    Ce qui est frappant dans la manière dont les réponses à la « crise du coronavirus » sont abordées par nos gouvernements, c’est l’insistance exclusive sur les mesures biomédicales. Tout se passe comme si l’#état_d’urgence qui nous est imposé était la réponse la plus évidente dans des circonstances exceptionnelles. Autrement dit, la gestion de la « #crise » relèverait d’enjeux purement techniques. D’un côté, il s’agit de promouvoir au sein de la population le #civisme_sanitaire : se laver les mains, porter un masque, rester confinés, maintenir les distances physiques. De l’autre, la réponse médicale s’articule en termes d’#urgences : réquisitionner des lits de réanimation supplémentaires, construire des hôpitaux de campagne, appeler en renfort le personnel médical retraité et les étudiants en médecine.

    Gouvernance #biopolitique

    Ce que nous voyons à l’œuvre, c’est le passage à un mode de gouvernance humanitaire et biopolitique de la #santé dont l’objectif est d’administrer les collectivités humaines par le biais de statistiques, d’indicateurs et autres instruments de mesure. Le temps presse, nous dit-on, et la fin justifie les moyens. Il faut reprendre le contrôle sur la vie dans le sens collectif du terme et non pas sur la vie humaine individuelle. Voyons, par exemple, comment le gouvernement britannique a pour un moment soulevé la possibilité de « l’immunisation de groupe » acceptant ainsi de sacrifier la vie des personnes les plus vulnérables, notamment celle des personnes âgées, pour le bien du plus grand nombre. Voyons encore comment les migrants vivant dans les camps des îles grecques sont perçus comme un danger biomédical à contenir. Réduits à des matières polluantes, ils ont perdu leur statut d’êtres humains. Leur #isolement ne vise pas à les protéger mais plutôt à protéger la population locale, et la population européenne en général, contre ce virus « venu de l’étranger ». L’#exclusion des « autres » (c’est-à-dire des #étrangers) est justifiée comme étant le seul moyen efficace de sauver « nos vies ».

    Il faut reprendre le contrôle sur la vie dans le sens collectif du terme et non pas sur la vie humaine individuelle

    Mais au-delà des justifications humanitaires du #triage entre les vies à sauver et celles à sacrifier, la #raison_humanitaire tend à neutraliser la politique et à passer sous silence les raisons profondes pour lesquelles nous nous retrouvons dans une telle situation. L’importance croissante des arguments moraux dans les discours politiques obscurcit les conséquences disciplinaires à l’œuvre dans la manière dont les règles sont imposées au nom de la #préservation_de_la_vie. En faisant de l’#expertise la seule forme valable d’engagement démocratique, des activités qui étaient auparavant considérées comme relevant de la politique et donc soumises au débat public se sont vues réduites à des questions techniques. Essayons d’imaginer à quoi ressemblerait notre situation si la santé était encore considérée comme un bien public. Sans le cadre discursif de l’#urgence, il serait peut-être possible d’examiner de manière critique les raisons pour lesquelles une organisation comme Médecins sans frontières a décidé de lancer une mission #Covid-19 en France, un pays qui était considéré il y a encore peu comme doté d’un des meilleurs systèmes de santé du monde.

    Sortir de la pensée humanitaire

    La crise du coronavirus met en évidence comment quatre décennies de #politiques_néolibérales ont détruit nos #systèmes_de_santé et, plus largement, ont diminué nos capacités de #résilience. Les scientifiques ces derniers jours ont rappelé que la recherche sur le coronavirus nécessite du temps et des moyens et ne peut pas se faire dans l’urgence, comme le modèle néolibéral de financement de la recherche le souhaiterait. Les services de santé, déjà surchargés avant la crise, ont besoin de moyens décents pour ne pas avoir à faire le #tri cruel entre les vies. Finalement, l’#environnement (non pas le profit) doit être notre priorité absolue à l’heure de l’effondrement des écosystèmes essentiels à la vie sur terre.

    En d’autres termes, nous devons sortir de la pensée humanitaire qui apporte avant tout des réponses techniques et repenser en des termes politiques le bien public, la solidarité et la justice sociale.

    https://www.letemps.ch/opinions/coronavirus-dhumanitaire-plus-politique
    #immunité_de_groupe #néolibéralisme

  • La fureur du temps - Enquête au cœur du #changement_climatique

    Avec le #réchauffement_global, bien des épisodes de #pluie, de #sécheresse ou de #tempête échappent aux schémas qui nous étaient familiers. Le #dérèglement_climatique que nous avons provoqué ne peut cependant pas être tenu pour responsable de tous les événements météorologiques. Pour faire le lien entre #climat et #météorologie, et ne pas laisser ce débat aux seules mains des politiques et des groupes de pression, qui sèment la confusion depuis des années, la physicienne #Friederike_Otto a développé, avec une équipe de confrères, la science de l’attribution d’#événements_extrêmes, une méthode révolutionnaire grâce à laquelle il est maintenant possible de déterminer si le changement climatique est en jeu dans un phénomène météorologique extrême. Ce nouveau champ d’investigation, en agissant en temps réel, permet de mettre au jour les relations de cause à effet pour accélérer les transformations sociétales et, enfin, frapper là où ça fait mal, en attaquant les entreprises qui ont joué l’inaction face au changement climatique. Disposer des preuves scientifiques de ces manifestations au moment le plus important et à l’endroit où l’on en a le plus besoin est crucial pour réduire les risques et construire des #systèmes_résilients, en particulier dans les régions les plus vulnérables, où le changement climatique majore les #menaces subies par ceux qui ont le moins profité de l’amélioration des conditions de vie d’une société carburant aux énergies fossiles.


    https://www.lisez.com/livre-grand-format/la-fureur-du-temps-enquete-au-coeur-du-changement-climatique/9791030103113
    #livre #résilience

  • VOTRE RÉFORME, NOTRE COLÈRE : ENCORE DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

    Nous, étudiant.e.s en études de genre, ne pouvons continuer d’étudier les #systèmes_d'oppressions et les effets désastreux des #politiques_néolibérales, sans laisser entendre notre voix et celles des oublié.e.s. Mobilisé.e.s contre la réforme des #retraites, nous prenons la parole pour partager notre analyse féministe des #discours du gouvernement.

    DÉCRYPTAGE FÉMINISTE DES DISCOURS DU GOUVERNEMENT

    Nous, étudiant.e.s en études de genre de l’Université du Mirail (UT2J), ne pouvons continuer d’étudier quotidiennement les systèmes d’oppressions et les effets désastreux des politiques néolibérales, sans laisser entendre notre voix et celles des oublié.e.s. Mobilisé.e.s contre la réforme des retraites au sein du mouvement social, nous prenons la parole pour partager notre analyse féministe des discours du gouvernement proclamant les femmes “#grandes_gagnantes” de cette réforme.

    Macron et son gouvernement nous promettent une réforme plus “universelle”, “égalitaire” et “équitable”. Nous en aurions besoin : les #hommes perçoivent en moyenne 68% de retraite propre de plus que les femmes, environ 670 euros supplémentaires par mois 1. La réforme néolibérale menée par Macron renforcera les #inégalités existantes contrairement à ce qui est martelé. Tout le monde va y perdre, surtout les femmes.

    “Le gouvernement présentera dans les prochaines semaines un projet de réforme du système des retraites, dont les principales bénéficiaires seront les femmes.” 2

    Marlène Schiappa, secrétaire d’état chargée de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations

    Les femmes 3 subissent des carrières précaires et discontinues : chômage, congé parental, temps partiel subi, discriminations à l’embauche, plafond de verre et écarts de salaire. Pourquoi devraient-elles en payer le prix lors du calcul de leur pension de retraite ? Prendre en compte l’intégralité de la carrière dans le calcul des retraites, c’est faire le choix de discriminer davantage les femmes et de les condamner à la précarité à vie.

    Quant à la prétendue pension « minimale » de 1000 euros par mois, elle est réservée aux personnes qui ont pu mener une carrière complète, ce qui exclut de fait beaucoup de femmes. Sans parler du fait que le gouvernement Macron ne garantit même pas une retraite supérieure au seuil de pauvreté.4

    “Moi j’adore pas le mot de pénibilité parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible.” 5

    Emmanuel Macron, président de la République

    Les conditions de travail peuvent être une souffrance, et leur ignorance, une violence. La pénibilité et les droits à la retraite qui en découlent ne sont pensés qu’au masculin. Les femmes sont poussées à travailler principalement dans les métiers du soin et des services à la personne où ni leurs compétences, ni la pénibilité des tâches effectuées, ne sont reconnues. Aujourd’hui, les critères de pénibilité qui permettent un départ anticipé à la retraite ciblent des métiers majoritairement masculins : 75% des bénéficiaires sont en fait des hommes. A quand une reconnaissance de la pénibilité de ces métiers et l’ouverture de droits à la retraite associés ?

    “Mise au point sur les pensions de réversion : aucun bénéficiaire actuel ne verra sa pension de réversion diminuer ne serait-ce que d’un centime.” 6

    Emmanuel Macron, président de la République

    90% des bénéficiaires de la pension de réversion 7 sont des femmes. Le gouvernement Macron, en remettant en cause l’âge d’ouverture des droits, rend de plus en plus incertain les conditions d’accès à ce qui est souvent l’unique ressource économique des veuves. En réservant cette pension aux personnes mariées, il fait aussi le choix de discriminer d’autres modes de vie tels que le concubinage, le pacs... En supprimant l’accès aux personnes divorcées et/ou remariées, la réforme contraint les femmes dépendantes financièrement à rester mariées. L’Etat fait prendre un risque supplémentaire aux victimes de violences conjugales : un comble quand l’égalité femmes-hommes est la prétendue “grande cause du quinquennat”.

    “Moi j’appelle chaque couple à réfléchir et à respecter l’autonomie financière des femmes, […] l’Etat peut mettre en place des politiques publiques mais il ne peut pas prendre les décisions à la place des couples.”8

    Marlène Schiappa, secrétaire d’état chargée de l’égalité femmes-hommes et de la lutte contre les discriminations

    La réforme prévoit une majoration de la pension de 5% par enfant, qui peut être soit partagée soit prise par l’un des deux parents. Il sera dans l’intérêt financier du couple de valoriser la pension la plus élevée, souvent celle de l’homme. Certaines mères pourraient donc ne plus toucher aucune compensation : un grave recul pour leur autonomie financière.

    En plus de remettre en question leur indépendance financière, cette mesure libérale nie l’existence de rapports de pouvoir au sein des couples. Toutes les femmes auront-elles vraiment leur mot à dire dans le partage de la majoration ?

    Sous couvert de nécessité budgétaire, le gouvernement attaque les fondements de notre système de retraite. Cette réforme ouvre la porte à la capitalisation au détriment d’un système solidaire. Pensé en 1945 comme une libération du travail, les choix politiques d’aujourd’hui le transforment en “une antichambre de la mort”.9

    Les vrais grands gagnants du système Macron sont encore une fois les fonds de pensions, les compagnies d’assurance, les héritiers du patrimoine, les grands patrons, les élites...

    Les vraies grandes perdantes sont encore une fois les femmes, surtout quand se croisent les discriminations liées au racisme, au handicap, à la pauvreté, aux sexualités, à la vieillesse, à la maternité...

    Pour être juste, notre système de retraite doit être repensé.

    Cette réforme n’est ni universelle, ni équitable, ni égalitaire.

    Quand ces principes sont brandis comme des étendards hypocrites, exigeons une véritable politique féministe !

    Quand le gouvernement choisit d’ignorer et réprimer le cri de la rue, soyons plus nombreuses et crions plus fort !

    Par les étudiant.e.s du Master GEPS - GEPS en lutte

    1 : Calcul réalisé en prenant les femmes comme valeur de référence parmi les données de l’Insee. Soit, si les femmes touchent 40 % de moins que les hommes en moyenne, alors les hommes touchent 68% de plus que les femmes de retraite propre.

    2 : Courrier daté du 3 décembre 2019 de Marlène Schiappa à la présidente du Haut-Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes.

    3 : “Femmes” à considérer en tant que groupe social (ensemble de personnes ayant des caractéristiques ou des buts communs partagés) et non comme une catégorie biologique.

    4 : Le seuil de pauvreté en France en 2015 s’établit à 1015 euros par mois pour une personne seule. Source : INSEE

    5 : En déplacement à Rodez le 3 octobre 2019 pour défendre la réforme des retraites.

    6 : Twitter @EmmanuelMacron, 26 juin 2018

    7 : Sénat- Étude de législation comparée n° 167 - décembre 2006 - Les pensions de réversion

    8 : Dans une interview filmée le 13 décembre 2019 pour Elle.fr, "Réforme des retraites : Marlène Schiappa explique ce qui va changer pour les femmes"

    9 : Ambroise Croizat, ministre-ouvrier communiste fondateur de la Sécurité Sociale a réclamé que la retraite “ne soit plus l’antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie” et pas seulement pour ceux qui sont déjà malades ou qui souffrent vraiment trop : pour tout le monde.

    https://blogs.mediapart.fr/geps-en-lutte/blog/220120/votre-reforme-notre-colere-encore-des-violences-faites-aux-femmes
    #réformes #colère #femmes #néolibéralisme #violence #décryptage_féministe #féminisme

    ping @karine4

  • #CIVIPOL au #Soudan

    L’Union européenne a suspendu ses programmes liés au #contrôle_migratoire au Soudan, en raison de la situation politique. CIVIPOL était en charge des programmes coordonnés par la #France. Présentation.

    CIVIPOL est défini comme "l’opérateur de #coopération_technique_internationale du ministère de l’Intérieur". C’est une #société_anonyme dont 40% du capital son détenus par l’État et 60% par des acteurs privés comme #Airbus, #Safran, #Thalès et d’autres, ainsi que #Défense_Conseil_International, qui est la société privée équivalente de CIVIPOL pour le ministère de la défense.

    CIVIPOL a une action d’#expertise, de #conseil, de #formation. Elle est "financée quasi exclusivement par les bailleurs internationaux". Elle a aussi comme savoir-faire le "soutien à la filière des #industries_de_sécurité" : "Civipol soutient les acteurs de la filière des industries de sécurité. À travers le réseau international des salons #Milipol, Civipol permet aux États partenaires d’identifier, avec les industriels, les #solutions_technologiques les plus adaptées à leurs impératifs de protection. En proposant des offres intégrées issues de la filière européenne des industries de sécurité, Civipol contribue à la mise en place de #systèmes_opérationnels_interopérables au sein des États partenaires et, le cas échéant, avec les systèmes homologues européens."

    #CIVIPOL_Conseil, la société anonyme, est en effet associée dans #CIVIPOL_Groupe au Groupement d’Intérêt Économique Milipol, qui organise des #salons "de la sûreté et de la sécurité intérieure des États" à Paris, au Qatar et dans la zone Asie - Pacifique (on peut découvrir ici le message adressé par le ministre français de l’intérieur à l’ouverture du dernier salon).

    CIVIPOL a aussi racheté en 2016 la société #Transtec, qui a des activités de soutien, accompagnement, conseil, expertise, dans le domaine de la #gouvernance. Elle a par exemple mené deux programmes au Soudan, l’un « #Soutien_à_l'Analyse_Economique_et_à_la Planification_Sectorielle_à_l’Appui_de_la_République_du_Soudan » « afin de permettre à la délégation de l’UE au Soudan de mieux comprendre la situation économique du pays et de contribuer à une approche plus cohérente de la programmation de l’UE dans chaque secteur d’intervention » ; l’autre « #Programme_de_renforcement_des_capacités_des_organisations_de_la_société_civile_soudanaise », dont « l’objectif consistait à renforcer les capacités des bénéficiaires des #OSC locales dans le cadre du programme de l’#Instrument_Européen_pour_la_Démocratie_et_les_Droits_de_l'Homme (#IEDDH) afin d’améliorer leur gestion administrative et financière des projets financés par l’UE » (il ne s’agit donc pas de développer la démocratie, mais de permettre aux OSC – Organisations de la Société Civile – soudanaises de s’inscrire dans les programmes de financement de l’Union européenne.

    CIVIPOL intervient dans quatre programmes au Soudan, financés par l’Union européenne. L’un concernant le #terrorisme, « Lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme dans la grande Corne de l’Afrique (https://static.mediapart.fr/files/2019/07/26/lutte-contre-le-blanchiment-dargent-et-le-financement-du-terrorisme) », l’autre concernant l’application de la loi, « #Regional_law_enforcement_in_the_Greater_Horn_of_Africa_and_Yemen (https://static.mediapart.fr/files/2019/07/26/regional-law-enforcement-in-the-greater-horn-of-africa-and-yemen-rl) ». Notons que ces deux programmes concernent aussi le #Yémen, pays en proie à une guerre civile, et une intervention militaire extérieure par une coalition menée par l’Arabie saoudite, pays allié de la France et en partie armée par elle, coalition à laquelle participe plusieurs milliers de membres des #Forces_d’Action_Rapide soudanaises, ancienne milice de Janjawid, aussi reconvertie en garde-frontière dans le cadre de la politique de contrôle migratoire mise en place par le Soudan à la demande de l’Union européenne, Forces d’Action Rapide dont le chef est l’homme fort actuel de la junte militaire qui a succédé au dictateur Omar El-Béchir. CIVIPOL agit dans cette complexité.

    Les deux autres programmes concerne la politique de #contrôle_migratoire. L’un, sous l’intitulé de « #Meilleure_Gestion_des_Migrations (https://static.mediapart.fr/files/2019/07/26/better-migration-management-bmm.pdf) », implique différents intervenants pour le compte de plusieurs États membres de l’Union européenne et des agences de l’ONU, sous coordination allemande, l’#Allemagne cofinançant ce programme. « Dans cette contribution, CIVIPOL fournit des formations pour les unités spécialisés en charge de la lutte contre le trafic d’êtres humains, forme les agents de police dans les #zones_frontalières et aide les autorités chargées de la formation de la #police ». Compte-tenu du rôle des Forces d’Action Rapide, il semble difficile que CIVIPOL ne les ait pas croisées. Ce programme a été suspendu en mars 2019, l’Union européenne ayant donné une explication quelque peu sybilline : « because they require the involvement of government counterparts to be carried out » (« parce que leur mise en œuvre exige l’implication d’interlocuteurs gouvernementaux d’un niveau équivalent »).

    L’autre, mis en œuvre par CIVIPOL, est le #ROCK (#Centre_opérationnel_régional_d'appui_au_processus_de_Khartoum et à l’Initiative de la Corne de l’Afrique de l’Union africaine (https://static.mediapart.fr/files/2019/07/26/regional-operational-center-in-khartoum-in-support-of-the-khartoum-) – en anglais #Regional_Operational_Centre_in_Khartoum etc.) La stratégie du projet ROCK est de faciliter l’#échange_d'informations entre les services de police compétents. Ainsi, le projet consiste à mettre en place une plate-forme à Khartoum, le centre régional "ROCK", afin de rassembler les #officiers_de_liaison des pays bénéficiaires en un seul endroit pour échanger efficacement des #informations_policières. » Il a été suspendu en juin « until the political/security situation is cleared » (« jusqu’à ce que la situation politique/sécurtiaire soit clarifiée ») selon l’Union européenne.

    D’après la présentation qu’on peut télécharger sur le site de CIVIPOL, le premier « programme intervient en réponse aux besoins identifiés par les pays africains du #processus_Khartoum », tandis que le second a été « lancé dans le cadre du processus de Khartoum à la demande des pays de la #Corne_de_l'Afrique ». Il ne faut donc surtout pas penser qu’il puisse s’agir d’une forme d’externalisation des politiques migratoires européennes.

    Ces deux programmes concernent neuf pays africains. L’un d’eux est l’#Érythrée. Il n’est pas interdit de penser que les liens tissés ont pu faciliter la coopération entre autorités françaises et érythréennes qui a permis l’expulsion d’un demandeur d’asile érythréen de France en Érythrée le 6 juin dernier.

    https://blogs.mediapart.fr/philippe-wannesson/blog/260719/civipol-au-soudan
    #complexe_militaro-industriel #externalisation #contrôles_frontaliers #migrations #asile #réfugiés #suspension #Erythrée

  • Le #budget de l’#UE pour #2020 : la Commission centre sa proposition sur l’emploi, la croissance et la #sécurité

    Je mets ici uniquement ce qui concerne #frontières #migrations #réfugiés :

    Renforcer la sécurité et la #solidarité dans l’UE et au-delà

    Nombreux sont les défis européens qui ne connaissent pas de frontières. L’UE a recouru à plusieurs reprises à toute la flexibilité possible dans le budget pour faire face aux catastrophes, relever les défis de la migration et renforcer ses #frontières_extérieures. En mobilisant ses différents instruments, le budget 2020 de l’UE continuera à investir dans la solidarité et la sécurité en Europe et au-delà :

    - 420,6 millions € (+34,6 % par rapport à 2019) en faveur de l’#Agence_européenne_de garde-frontières_et_de garde-côtes (#Frontex), à la suite de l’accord dégagé en mars 2019 par le Parlement européen et le Conseil en vue de la mise en place d’un #corps_permanent de 10’000 garde-frontières d’ici à 2027 ;

    - 560 millions € pour les personnes dans le besoin en #Syrie ainsi que pour les #réfugiés et leurs communautés d’accueil dans la région. Il s’agit de la réponse budgétaire à un engagement pris lors de la conférence de Bruxelles III sur l’avenir de la Syrie en 2019 (le budget de l’UE pour 2019 prévoit déjà 2,01 milliards € de financements en faveur de la Syrie) ;
    - la poursuite du soutien du développement du système d’entrée/sortie, du système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages, de la version modernisée du système d’information Schengen et du Fonds européen pour le développement durable, l’objectif global étant d’améliorer l’#interopérabilité des #systèmes_d'information de l’Union afin de préserver la sécurité de ses citoyens.

    http://europa.eu/rapid/press-release_IP-19-2809_fr.htm
    #EU #Europe #coût

    ping @karine4

    • L’ironie de « Nombreux sont les défis européens qui ne connaissent pas de frontières. » pour justifier le renforcement de la militarisation des frontières est en fait peu ironique, mais littéral : la sécurité ne connait pas de frontières, car elle est partout, ubiquitaire. La frontière est continue, ni dehors, ni dedans. Contrôle partout.

  • Un projet de #fichage géant des citoyens non membres de l’#UE prend forme en #Europe

    Un accord provisoire a été signé le 5 février entre la présidence du Conseil européen et le Parlement européen pour renforcer les contrôles aux frontières de l’Union. Il va consolider la mise en commun de fichiers de données personnelles. Les défenseurs des libertés individuelles s’alarment.

    Des appareils portables équipés de lecteurs d’#empreintes_digitales et d’#images_faciales, pour permettre aux policiers de traquer des terroristes : ce n’est plus de la science-fiction, mais un projet européen en train de devenir réalité. Le 5 février 2019, un accord préliminaire sur l’#interopérabilité des #systèmes_d'information au niveau du continent a ainsi été signé.

    Il doit permettre l’unification de six #registres avec des données d’#identification_alphanumériques et biométriques (empreintes digitales et images faciales) de citoyens non membres de l’UE. En dépit des nombreuses réserves émises par les Cnil européennes.

    Giovanni Buttarelli, contrôleur européen de la protection des données, a qualifié cette proposition de « point de non-retour » dans le système de base de données européen. En substance, les registres des demandeurs d’asile (#Eurodac), des demandeurs de visa pour l’Union européenne (#Visa) et des demandeurs (système d’information #Schengen) seront joints à trois nouvelles bases de données mises en place ces derniers mois, toutes concernant des citoyens non membres de l’UE.

    Pourront ainsi accéder à la nouvelle base de données les forces de police des États membres, mais aussi les responsables d’#Interpol, d’#Europol et, dans de nombreux cas, même les #gardes-frontières de l’agence européenne #Frontex. Ils pourront rechercher des personnes par nom, mais également par empreinte digitale ou faciale, et croiser les informations de plusieurs bases de données sur une personne.

    « L’interopérabilité peut consister en un seul registre avec des données isolées les unes des autres ou dans une base de données centralisée. Cette dernière hypothèse peut comporter des risques graves de perte d’informations sensibles, explique Buttarelli. Le choix entre les deux options est un détail fondamental qui sera clarifié au moment de la mise en œuvre. »

    Le Parlement européen et le Conseil doivent encore approuver officiellement l’accord, avant qu’il ne devienne législation.

    Les #risques de la méga base de données

    « J’ai voté contre l’interopérabilité parce que c’est une usine à gaz qui n’est pas conforme aux principes de proportionnalité, de nécessité et de finalité que l’on met en avant dès lors qu’il peut être question d’atteintes aux droits fondamentaux et aux libertés publiques, assure Marie-Christine Vergiat, députée européenne, membre de la commission des libertés civiles. On mélange tout : les autorités de contrôle aux #frontières et les autorités répressives par exemple, alors que ce ne sont pas les mêmes finalités. »

    La proposition de règlement, élaborée par un groupe d’experts de haut niveau d’institutions européennes et d’États membres, dont les noms n’ont pas été révélés, avait été présentée par la Commission en décembre 2017, dans le but de prévenir les attaques terroristes et de promouvoir le contrôle aux frontières.

    Les institutions de l’UE sont pourtant divisées quant à son impact sur la sécurité des citoyens : d’un côté, Krum Garkov, directeur de #Eu-Lisa – l’agence européenne chargée de la gestion de l’immense registre de données –, estime qu’elle va aider à prévenir les attaques et les terroristes en identifiant des criminels sous de fausses identités. De l’autre côté, Giovanni Buttarelli met en garde contre une base de données centralisée, qui risque davantage d’être visée par des cyberattaques. « Nous ne devons pas penser aux simples pirates, a-t-il déclaré. Il y a des puissances étrangères très intéressées par la vulnérabilité de ces systèmes. »

    L’utilité pour l’antiterrorisme : les doutes des experts

    L’idée de l’interopérabilité des systèmes d’information est née après le 11-Septembre. Elle s’est développée en Europe dans le contexte de la crise migratoire et des attentats de 2015, et a été élaborée dans le cadre d’une relation de collaboration étroite entre les institutions européennes chargées du contrôle des frontières et l’industrie qui développe les technologies pour le mettre en œuvre.

    « L’objectif de lutte contre le terrorisme a disparu : on parle maintenant de “#fraude_à_l'identité”, et l’on mélange de plus en plus lutte contre la #criminalité et lutte contre l’immigration dite irrégulière, ajoute Vergiat. J’ai participé à la commission spéciale du Parlement européen sur la #lutte_contre_le_terrorisme ; je sais donc que le lien entre #terrorisme et #immigration dite irrégulière est infinitésimal. On compte les cas de ressortissants de pays tiers arrêtés pour faits de terrorisme sur les doigts d’une main. »

    Dans la future base de données, « un référentiel d’identité unique collectera les données personnelles des systèmes d’information des différents pays, tandis qu’un détecteur d’identités multiples reliera les différentes identités d’un même individu », a déclaré le directeur d’Eu-Lisa, lors de la conférence annuelle de l’#Association_européenne_de_biométrie (#European_Association_for_Biometrics#EAB) qui réunit des représentants des fabricants des technologies de #reconnaissance_numérique nécessaires à la mise en œuvre du système.

    « Lors de l’attaque de Berlin, perpétrée par le terroriste Anis Amri, nous avons constaté que cet individu avait 14 identités dans l’Union européenne, a-t-il expliqué. Il est possible que, s’il y avait eu une base de données interopérable, il aurait été arrêté auparavant. »

    Cependant, Reinhard Kreissl, directeur du Vienna Centre for Societal Security (Vicesse) et expert en matière de lutte contre le terrorisme, souligne que, dans les attentats terroristes perpétrés en Europe ces dix dernières années, « les auteurs étaient souvent des citoyens européens, et ne figuraient donc pas dans des bases de données qui devaient être unifiées. Et tous étaient déjà dans les radars des forces de police ».

    « Tout agent des services de renseignement sérieux admettra qu’il dispose d’une liste de 1 000 à 1 500 individus dangereux, mais qu’il ne peut pas les suivre tous, ajoute Kreissl. Un trop-plein de données n’aide pas la police. »

    « L’interopérabilité coûte des milliards de dollars et l’intégration de différents systèmes n’est pas aussi facile qu’il y paraît », déclare Sandro Gaycken, directeur du Digital Society Institute à l’Esmt de Berlin. « Il est préférable d’investir dans l’intelligence des gens, dit l’expert en cyberintelligence, afin d’assurer plus de #sécurité de manière moins intrusive pour la vie privée. »

    Le #budget frontière de l’UE augmente de 197 %

    La course aux marchés publics pour la mise en place de la nouvelle base de données est sur le point de commencer : dans le chapitre consacré aux dépenses « Migration et contrôle des frontières » du budget proposé par la Commission pour la période 2021-2027, le fonds de gestion des frontières a connu une augmentation de 197 %, tandis que la part consacrée aux politiques de migration et d’asile n’a augmenté, en comparaison, que de 36 %.

    En 2020, le système #Entry_Exit (#Ees, ou #SEE, l’une des trois nouvelles bases de données centralisées avec interopérabilité) entrera en vigueur. Il oblige chaque État membre à collecter les empreintes digitales et les images de visages de tous les citoyens non européens entrant et sortant de l’Union, et d’alerter lorsque les permis de résidence expirent.

    Cela signifie que chaque frontière, aéroportuaire, portuaire ou terrestre, doit être équipée de lecteurs d’empreintes digitales et d’images faciales. La Commission a estimé que ce SEE coûterait 480 millions d’euros pour les quatre premières années. Malgré l’énorme investissement de l’Union, de nombreuses dépenses resteront à la charge des États membres.

    Ce sera ensuite au tour d’#Etias (#Système_européen_d’information_de_voyage_et_d’autorisation), le nouveau registre qui établit un examen préventif des demandes d’entrée, même pour les citoyens de pays étrangers qui n’ont pas besoin de visa pour entrer dans l’UE. Cette dernière a estimé son coût à 212,1 millions d’euros, mais le règlement, en plus de prévoir des coûts supplémentaires pour les États, mentionne des « ressources supplémentaires » à garantir aux agences de l’UE responsables de son fonctionnement, en particulier pour les gardes-côtes et les gardes-frontières de Frontex.

    C’est probablement la raison pour laquelle le #budget proposé pour Frontex a plus que triplé pour les sept prochaines années, pour atteindre 12 milliards d’euros. Le tout dans une ambiance de conflits d’intérêts entre l’agence européenne et l’industrie de la biométrie.

    Un membre de l’unité recherche et innovation de Frontex siège ainsi au conseil d’administration de l’#Association_européenne_de_biométrie (#EAB), qui regroupe les principales organisations de recherche et industrielles du secteur de l’identification numérique, et fait aussi du lobbying. La conférence annuelle de l’association a été parrainée par le géant biométrique français #Idemia et la #Security_Identity_Alliance.

    L’agente de recherche de Frontex et membre du conseil d’EAB Rasa Karbauskaite a ainsi suggéré à l’auditoire de représentants de l’industrie de participer à la conférence organisée par Frontex avec les États membres : « L’occasion de montrer les dernières technologies développées. » Un représentant de l’industrie a également demandé à Karbauskaite d’utiliser son rôle institutionnel pour faire pression sur l’Icao, l’agence des Nations unies chargée de la législation des passeports, afin de rendre les technologies de sécurité des données biométriques obligatoires pour le monde entier.

    La justification est toujours de « protéger les citoyens européens du terrorisme international », mais il n’existe toujours aucune donnée ou étude sur la manière dont les nouveaux registres de données biométriques et leur interconnexion peuvent contribuer à cet objectif.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/250219/un-projet-de-fichage-geant-de-citoyens-prend-forme-en-europe
    #surveillance_de_masse #surveillance #étrangers #EU #anti-terrorisme #big-data #biométrie #complexe_militaro-industriel #business

    • Règlement (UE) 2019/817 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 portant établissement d’un cadre pour l’interopérabilité des systèmes d’information de l’UE dans le domaine des frontières et des visas

      Point 9 du préambule du règlement UE 2019/817

      "Dans le but d’améliorer l’efficacité et l’efficience des vérifications aux frontières extérieures, de contribuer à prévenir et combattre l’immigration illégale et de favoriser un niveau élevé de sécurité au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union, y compris la préservation de la sécurité publique et de l’ordre public et la sauvegarde de la sécurité sur les territoires des États membres, d’améliorer la mise en œuvre de la politique commune des visas, d’aider dans l’examen des demandes de protection internationale, de contribuer à la prévention et à la détection des infractions terroristes et d’autres infractions pénales graves et aux enquêtes en la matière, de faciliter l’identification de personnes inconnues qui ne sont pas en mesure de s’identifier elles-mêmes ou des restes humains non identifiés en cas de catastrophe naturelle, d’accident ou d’attaque terroriste, afin de préserver la confiance des citoyens à l’égard du régime d’asile et de migration de l’Union, des mesures de sécurité de l’Union et de la capacité de l’Union à gérer les frontières extérieures, il convient d’établir l’interopérabilité des systèmes d’information de l’UE, à savoir le système d’entrée/de sortie (EES), le système d’information sur les visas (VIS), le système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS), Eurodac, le système d’information Schengen (SIS) et le système européen d’information sur les casiers judiciaires pour les ressortissants de pays tiers (ECRIS-TCN), afin que lesdits systèmes d’information de l’UE et leurs données se complètent mutuellement, tout en respectant les droits fondamentaux des personnes, en particulier le droit à la protection des données à caractère personnel. À cet effet, il convient de créer un portail de recherche européen (ESP), un service partagé d’établissement de correspondances biométriques (#BMS partagé), un répertoire commun de données d’identité (#CIR) et un détecteur d’identités multiples (#MID) en tant qu’éléments d’interopérabilité.

      http://www.europeanmigrationlaw.eu/fr/articles/actualites/bases-de-donnees-interoperabilite-reglement-ue-2019817-frontier