• Le temps libre est déterminant pour la formation des consciences et la vie des sociétés
    https://mouvements.info/le-temps-libre-est-determinant-pour-la-formation-des-consciences-et-de-

    Cet entretien s’inscrit dans un numéro sur la (re)politisation du #temps-libre (qui sortira fin juin 2023). Alors que la conquête du temps libre a été le moteur des luttes tout au long du XIXe et du XXe siècles, que fait la gauche du « temps libre » aujourd’hui ? Dans cet entretien, l’ancien candidat insoumis à l’élection présidentielle de 2022, explique comment il se saisit politiquement du temps libre, mais aussi quel est son rapport personnel à celui-ci.

    Mouvements . Au moment où nous réalisons cette interview, fin avril 2023, nous sortons tout juste du débat législatif sur les retraites. Dans vos interventions, dans le cadre de la lutte contre cette réforme, vous avez beaucoup insisté sur la notion de temps libre, pourquoi ?

    J-L.M . À la dernière élection présidentielle, la moitié des 18-24 ans ont voté pour moi. C’est un signal majeur de sa volonté de rupture avec le système et avec l’ordre établi. Or, cet ordre n’est pas seulement économico-politique, il est aussi culturel. Dans une vision un peu mécanique du marxisme ou de l’anticapitalisme, on met beaucoup en avant – et c’est nécessaire – la force des relations économiques, leur domination, et la condition d’exploitée de la grande masse de la population. Mais on l’oublie trop souvent, les êtres humains sont des êtres sociaux et se construisent aussi en dehors des relations contraintes du mode de production. Ce reproche avait été adressé à Karl Marx et lui-même s’en défendait. Les conditions dans lesquelles ils produisent et reproduisent leur existence matérielle sont à la fois sociales mais aussi culturelles. Nous entrons dans nos relations sociales par des rites, des coutumes et une idéologie de la manière de vivre en commun. Tout cela nous précède et se construit en dehors du travail, même si le travail et ses formes pèsent sur les espaces sociaux où nous nous développons. Enfant nous sommes dressés à nous intégrer à la société par le respect de ses us et coutumes. Adulte, nous nous construisons pendant notre « temps libre », ce temps de la vie où l’on dispose de soi-même, où l’on décide soi-même de ce que l’on va faire. Ce temps s’oppose au temps socialement contraint : celui du travail et de la production. La place de la relation culturelle à la société, donc à soi-même, est pour moi un moment, une étape déterminante de la formation des consciences politiques et de la vie des sociétés.

    Or cela me semble être un véritable angle mort dans le discours général. L’enjeu des retraites, au fond, c’est questionner l’idée qu’on se fait de son existence, du temps pendant lequel on va en disposer librement. Ici il faut bien voir comment notre vie est radicalement partagée entre d’un côté, le temps contraint – lui-même partagé entre celui des contraintes du salariat et celui de toutes les contraintes de la vie en société comme d’être père ou mère de famille – et de l’autre, notre temps libre. Je constate une grande confusion dans les esprits entre « temps libre » et « temps inactif ». On voit comment le fameux « droit à la paresse » de Paul Lafargue est caricaturé, alors que c’est le cœur même de l’humanisme : l’être humain doit être son propre créateur. C’est pour cela que Paul Lafargue écrit ce livre, au XIXe siècle, à un moment où il n’y a ni congés pour les salariés, ni limites horaires dans le travail de la journée, ni dans la semaine, ou si peu : il écrit ce livre pour défendre le droit absolu à disposer librement de soi. Cela inclut le droit de ne rien faire, le droit à la paresse, le droit de regarder les vagues passer les unes après les autres, etc. C’est un temps où je dispose et décide à chaque instant de ce qu’il va être. Pour le dire autrement, c’est une cure radicale de désintoxication des valeurs dominantes de la société capitaliste. C’est un temps inutile, mais au bon sens du terme, c’est-à-dire gratuit, soustrait à l’exploitation capitaliste.

    • Dans la question des retraites, il faut se demander où est l’intérêt capitaliste. Il y en a deux. Faire travailler les gens plus longtemps, c’est évidemment les pousser à produire et continuer à les détrousser. Car le mode de production capitaliste exploite, à des fins privées, la gratuité du travail non payé qui forme la plus-value. Le premier objectif pour lui est donc d’augmenter cette part de plus-value. Deuxième élément, en lien avec le contexte d’accumulation du capital financier : les retraites représentent en France 343 milliards, qui s’échangent entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent plus. Et ce sans passer par la case profits, sans passer par des fonds de pension. C’est insupportable pour les capitalistes ! En 2019, le président Macron a fait adopter des mesures favorables aux fonds de pension. Ces cotisations sont déduites de vos impôts, et ensuite les pensions ne sont plus complètement imposables. Donc les avantages à se tourner vers les fonds de pension sont là…Et que rapporte le fait de faire travailler les gens plus longtemps  ? Les fonds de pension versent les pensions plus tard. Car pour les fonds de pension, c’est toujours trop tôt pour payer. Et quand l’âge légal est repoussé, il s’applique à tous les régimes de retraite. Par conséquent, repousser l’âge de la retraite c’est aussi encaisser des cotisations plus longtemps pour les fonds de pension. Opération juteuse : ils paieront plus tard et ils continuent à accumuler pendant ce temps-là. L’exploitation capitaliste, ce n’est pas nouveau, est une exploitation du temps.

      Le temps libre, c’est d’abord une récupération du temps confisqué, une soustraction du temps gratuit contraint à la production. En ce sens, c’est une mesure anticapitaliste, puisque ce temps n’est pas consacré à l’accumulation du capital et en réduit l’intensité. Dans ce contexte spécifique de la société capitaliste, le temps libre est aussi un temps subversif, parce que, par nécessité, il fonctionne sur d’autres normes, et surtout sur d’autres rythmes. Le capitalisme est animé par un rythme interne : le rythme de la circulation de l’argent et du profit, qui doit être le plus bref possible. Il lui faut sans cesse tendre vers le temps zéro. Tout est accéléré par le capitalisme : les échanges, les voyages, les séquences de cinéma, les rythmes de la musique, tout. La subversion, c’est donc de mettre en avant et de faire vivre des valeurs opposées à celles de l’accélération de l’histoire. Le philosophe Paul Virilio parle de « tyrannie de la vitesse ». Pour ma part, je parle de rythme. Cette tyrannie de la vitesse, cette accélération du rythme, ne sont pas déconnectées d’une vision de l’Histoire d’où le sens s’est échappé. L’agitation capitaliste, nécessaire à son fonctionnement, est le contraire du développement humain dont nos civilisations ont besoin.

      L’hégémonie idéologique néolibérale est achevée. Pendant les années 1980 et 1990, elle a absolument tout submergé, notamment dans le champ intellectuel, en repoussant aux marges tous ceux qui pensaient autrement. De fait a été imposé, d’une manière ou d’une autre, le concept de « fin de l’Histoire ». La société capitaliste était devenue indépassable, considérée comme le mode de fonctionnement et d’organisation de la civilisation humaine promis à être généralisé.

      Puis, progressivement, la situation s’est retournée à coups de luttes, à coups d’échecs de l’Empire, à coups de crises à répétition. Avec la crise climatique, tout le monde comprend combien ce système dévaste les êtres humains mais aussi l’écosystème. Le capitalisme impose des rythmes incompatibles avec la régénération de notre biosphère, il la détruit de manière parfois irréversible. La question écologique est le deuxième grand élément absent de la bataille des retraites. Le Président Macron dit qu’il faut produire davantage ! Mais pas du tout ! Il faut produire moins, mieux. Parmi la jeune génération, le sentiment va s’accroissant d’une impasse du système. Face à cela, on assiste à un renouveau éditorial de la gauche et de la pensée théorique, c’est heureux après tout ce qui avait disparu dans les années 1990…

  • Nos « bifurcations » valent mieux que leur « profit » : de quoi les (sacro-saintes) vacances sont-elles le nom en milieu d’#exploitation_capitaliste ?

    « Surtout profite de tes vacances ! » - Cueillir le jour sous régime capitaliste
    https://www.frustrationmagazine.fr/profite

    Mais pourquoi utilisons-nous tous une expression qui est restée longtemps l’apanage de Celio et d’Easyjet, après avoir été théorisée par Karl Marx comme le principal moteur des choix économiques et politiques de la classe bourgeoise, c’est-à-dire profiter de tout (des colonies, du travail des autres, de la destruction de la planète, des ressources limitées et rares, de nos frustrations, de nos peurs, de nos désirs…) ? En réalité, les seuls qui ont intérêt à se dire « profite ! » sont des patrons du CAC 40 qui, à la suite d’un déjeuner fin et cher, retournent à leurs activités ordinaires : « Profite bien des milliers de salariés qui bossent pour toi et tes actionnaires, Charles-Henri ! » « Merci Gonzague-Louis, profite bien des milliers de consommateurs que tu extorques chaque minute ! ».

    • J’ai beaucoup aimé ce livre, même si je préfère encore son premier livre Ishmael (Dispo ici http://frishmael.wordpress.com)

      Particulièrement son étude du cirque traditionnel comme organisation tribale moderne. D’après mes souvenirs, le cirque n’a pas de hiérarchie (même s’il y a un directeur qui doit faire le sale boulot, il n’est pas plus important que les autres), les membres travaillent pour la perpétuation de la « tribu », et les membres lèguent à leur descendance non pas de l’argent mais un moyen de vivre (la maîtrise de leur art du cirque et une place dans le cirque). Et en plus le cirque est nomade mais c’est juste un clin d’œil.

      L’auteur évoque aussi son expérience dans une maison d’édition d’organisation tribale qu’il avait fondé.

      Je vois bien les GAEC ou autres structures agricoles comme des entreprises de type tribal avec une intégration forte des différentes composantes agricole en #permaculture qui font que les coûts et bénéfices ne seraient pas reliés à telle ou telle activité mais globalement à l’association. Et un tel groupement fournirait une base d’existence aux enfants de la structure.

      Je me demande à quel point les structures de la #paysannerie traditionnelle étaient tribales ? Il y avait une forte entraide mais la politique de « tout à l’aîné » ne va pas du tout dans ce sens

      cc @koldobika

    • Alors la politique de « tout à l’aîné », du moins tel que ça se pratiquait ici au Pays Basque, c’était justement pas « tout ». Ce que l’aîné·e (femme ou homme) récupérait c’était d’abord la responsabilité de la maison et des terres, pas la propriété. Le pouvoir de décision revenait en même temps aux maîtres jeunes (l’ainé·e et sa/son coinjoint·e) et aux maîtres vieux (les parents de l’aîné·e), mais la maison appartenait à la famille, élargie et transgénérationnelle. Ou plutôt c’est la famille qui appartenait à la maison.
      Les cadets avaient des choix plus restreints : épouser un·e aîné·e d’une autre ferme (mais statistiquement moins d’aînés que de cadets), le célibat dans la ferme familiale, le clergé, l’armée (cf. les « cadets de Gascogne », où on trouvait les mêmes structures familiales), l’émigration. C’était effectivement autoritaire et inégalitaire comme dit Todd, mais pas en terme de ressources matérielles.
      Après, pendant les périodes fastes, bon nombre de cadets ont aussi construits leurs propres maisons. Il faudrait que je reprenne un bouquin que j’ai sur ce sujet, pour pouvoir t’en dire plus.

    • En même temps si je comprends bien ton exemple, il y avait quand même une certaine propriété de fait à l’ainé (par rapport au reste de la fratrie) dans le sens où pour la génération suivante, ce sont forcément les enfants de l’aîné qui continuent le cycle.

      Mais j’ai l’impression que tant qu’il y a propriété privée, la question du partage ou non entre enfants, et dans quelles conditions, se pose.

    • J’aime bien ce passage :)

      Si le monde est sauvé, il ne le sera pas par des vieilles têtes avec des nouveaux programmes mais par des nouvelles têtes sans programme du tout.

      Pourquoi pas des nouvelles têtes avec des nouveaux programmes ? Parce que où vous trouvez des gens travaillant sur des programmes, vous ne trouvez pas des nouvelles têtes, vous en trouvez des anciennes. Les programmes et les vieilles têtes vont de pair, comme fouets de cochers et cochers.

      Le fleuve que j’ai mentionné plus tôt est le fleuve de la vision. Le fleuve de la vision de notre culture nous mène à la catastrophe. Des bâtons plantés dans son lit peuvent entraver son flux, mais nous n’avons pas besoin d’entraver son flux, nous avons besoin de détourner complètement son cours. Si le fleuve de notre vision culturelle commence à nous éloigner de la catastrophe et à nous diriger vers un futur soutenable, alors les programmes seront
      superflus. Lorsque le fleuve coule dans la direction que vous voulez, vous n’y mettez pas des bâtons pour l’entraver.

      Les vieilles têtes pensent : Comment faisons-nous pour faire cesser ces mauvaises choses ?

      Les nouvelles têtes pensent : Comment faisons-nous pour faire des choses qui soient comme nous voulons qu’elles soient ?

      cf. paragraphe 8 – Nouvelles têtes sans programmes

    • La question de la transmission me trotte dans la tête. Ça serait plus facile avec des biens communs gérés sur le long terme (forêts comestibles pour la nourriture, l’énergie, les matières premières) et un type d’habitat léger qui pourrait absorber facilement le grossissement de population si besoin est.

    • @nicolasm, je pense que ce qui peut aider la société à démarrer autre chose, à amorcer un nouveau départ , c’est que chacun puisse réaliser que la vraie richesse se trouve dans l’humain (à commencer par soi), l’échange, la solidarité, et non dans le PIB ou la croissance. Si « ca met du temps à démarrer », c’est que les gens sont trop occupés à travailler. Dans le nouveau départ, je verrais bien la possibilité de recréer l’abondance - la nourriture abondante, etc - à la place de la rareté artificiellement entretenue.

      #nouveau-départ #abondance #temps-libre #richesse #humain

    • On s’est mal compris, je disais que je trouvais que le bouquin mettait du temps à démarrer (justement j’ai pas trop accroché au passage sur le fleuve et les bâtons ;)

      Mais sinon oui, Daniel Quinn est un des auteurs qui m’ont le plus marqués, et ses bouquins sont très facile à lire malgré la complexité de ce qui est soulevé. Je recommande tout ses bouquins avant Beyond civilization qui sont Ishmael, Story of B (sur l’animisme) et My Ishmael (sur l’éducation et l’école). Dispo en anglais et en numérique sur le net si on cherche un peu.

    • La Taupe (@la_taupe) :

      Dans le nouveau départ, je verrais bien la possibilité de recréer l’abondance - la nourriture abondante, etc - à la place de la rareté artificiellement entretenue.

      C’est aussi ma vision. Si on est libéré de la préoccupation d’avoir à manger, et si les paysages qui nous nourrissent sont beaux et apportent une sorte de bien être (je ne sais pas vraiment comment dire, mais dans le sens ou le fait de voir du vert et de la vie améliore la guérison des patient.e.s d’hopital), alors peut être qu’on pourra espérer mieux. Mais ça ne sera pas suffisant. Ce sont toujours les paysan.ne.s qui crèvent en premier de la faim, donc le problème est aussi ailleurs, et c’est un morceau plus difficile à changer que la production de nourriture.

    • Edward Goldsmith (ou Teddy Goldsmith) a été l’un des principaux fondateurs de l’écologie politique et co-fondateur de l’ONG Survival international pour la défense des peuples indigènes .

      Le document Blueprint for Survival, dont il est co-auteur, - imprimé en France sous le titre de « Changer ou disparaître » - a été publié en 1972 dans la revue The Ecologist.

      https://en.wikipedia.org/wiki/Blueprint_for_Survival

      It recommended that people live in small, decentralised and largely de-industrialised communities. Some of the reasons given for this were that:

      – it is too difficult to enforce moral behaviour in a large community
      – agricultural and business practices are more likely to be ecologically sound in smaller communities
      – people feel more fulfilled in smaller communities
      – reducing an area’s population reduces the environmental impact

      The authors used tribal societies as their model which, it was claimed, were characterised by their small, human-scale communities, low-impact technologies, successful population controls, sustainable resource management, holistic and ecologically integrated worldviews, and a high degree of social cohesion, physical health, psychological well-being and spiritual fulfilment of their members.

      #Edward_Teddy_Goldsmith #survival #blueprint #ecology

      http://www.teddygoldsmith.org/page3.html
      https://en.wikipedia.org/wiki/Edward_Goldsmith
      http://www.edwardgoldsmith.org/books/a-blueprint-for-survival
      http://alerte-environnement.fr/2009/08/17/changer-ou-disparaitre

      L’hommage d’Hervé Kempf à Edward Goldsmith :
      http://www.reporterre.net/spip.php?article527

  • Le chômage de masse qui vient : une liste #collaborative d’idées et de questions au sujet de l’emploi et du chômage.

    – que faire de la masse de gens qu’on met au chômage et qui va se retrouver sans travail ?
    – peut-on anticiper un minimum le chômage de masse ?
    – utilité du travail productif (industriel et marchand) versus utilité du travail non-productif (non-industriel et non-marchand)
    – utilité sociale des personnes sans travail
    – travail contre-productif ou parasitaire
    – utilité du temps libre (l’oisiveté) pour soi et pour les autres
    – propositions politiques : revenu d’existence incondionnel / revenu de base
    – rareté du travail : comment est-ce possible ?
    – rareté du travail productif dans le cadre industriel
    – notion d’emploi et d’employabilité
    – plein emploi : est-ce encore possible ?
    – peut-on et comment voir plus loin que le concept d’emploi et de travail productif ?

    PS : ici « productif » fait référence à la production industrielle et marchande, à la société de consommation, et au clivage entre d’un côté les producteurs et de l’autres les consommateurs.

    #chômage #emploi #employabilité #travail #activité #revenu #existence #productivisme #temps-libre #oisiveté

    @aude_v

    •  :-) c’est très joliement résumé @monolecte.

      C’est clair, il y a une distinction nette à faire entre #travail et #emploi. Et effectivement, y a bien largement suffisamment de travail pour tout le monde dans la société. Mais il me semble que le mot « travail » est un terme d’une signification très large ; il suffit de penser aux professionnels du sport (joueurs de foot, pilotes de formule 1, ...) ou du monde des arts et du spectacle (les comédiens, les clowns, ...). J’aurais tendance à dire qu’il y a des formes de « travail » qui sont librement choisis (plus en rapport avec une passion) et d’autres qui relèvent plus de la nécessité ou de la contrainte.

    • – que faire de la masse de gens qu’on met au chômage et qui va se retrouver sans travail ? —> réinvestir la #paysannerie, repeupler les zones rurales de moyenne montagnes dépeuplées qui ont moins subi l’industrialisation de l’#agriculture, reconvertir les exploitations géantes en fermes à taille humaine plus productives à l’hectare et faisant vivre plus de monde
      – peut-on anticiper un minimum le chômage de masse ? —> oui, avec une politique agricole adaptée
      – utilité du travail productif (industriel et marchand) versus utilité du travail non-productif (non-industriel et non-marchand) —> dans le travail productif il faut aussi ajouter la production de bouffe, le maintien du tissu social rural et de la biodiversité bocagère et pastorale
      – utilité sociale des personnes sans travail —> apprentis paysans (par exemple)
      – utilité du temps libre (l’oisiveté) pour soi et pour les autres —> fêtes, musique, écriture (combinaison de l’art et des rythmes sociaux et saisonniers, réancrés dans des réalités locales et connectés à leur dimension universelle)
      – propositions politiques : revenu d’existence incondionnel / revenu de base —> et réinvestissement des conditions de notre subsistance, plutôt que de les déléguer entièrement à l’industrie. En ce sens, une #dotation_inconditionnelle_d'autonomie comme droit de tirage dans des ressources me paraît déjà plus judicieuse qu’un revenu de base strictement monétaire.
      – rareté du travail : comment est-ce possible ? —> cette rareté va progressivement disparaître avec la raréfaction des #énergies_fossiles
      – rareté du travail productif dans le cadre industriel —> recréation de travail productif durable dans le secteur primaire
      – notion d’emploi et d’employabilité —> ha ha (pardon)
      – plein emploi : est-ce encore possible ? —> ça va peut-être le redevenir
      – peut-on et comment voir plus loin que le concept d’emploi et de travail productif ? —> en posant la question de la maîtrise, collective et locale, des conditions de notre subsistance

    • On tend à répèter que le travail est au centre de la société, et que la société s’organise autour du travail. Au point qu’on ne parle essentiellement que de valeur travail .

      Connaissez-vous la pièce de théâtre L’éloge de l’oisiveté interprétée par Dominique Rongvaux ?

      http://www.youtube.com/watch?v=7KpxsqwNF0o

      Cette pièce s’est inspirée de l’essai Éloge de l’oisiveté écrit en 1935 par Bertrand Russel, et dont voici un extrait :

      Autrefois, les gens étaient capables d’une gaieté et d’un esprit ludique qui ont été plus ou moins inhibés par le culte de l’efficacité. L’homme moderne pense que toute activité doit servir à autre chose, qu’aucune activité ne doit être une fin en soi.
      L’idée que les activités désirables sont celles qui engendrent des profits a tout mis à l’envers.

      La technique moderne a permis de diminuer considérablement la somme de travail requise pour procurer à chacun les choses indispensables à la vie.
      Si le salarié ordinaire travaillait quatre heures par jour, il y aurait assez de tout pour tout le monde, et pas de chômage (en supposant qu’on ait recours à un minimum d’organisation rationnelle).
      Quand je suggère qu’il faudrait réduire à quatre le nombre d’heures de travail, je ne veux pas laisser entendre qu’il faille dissiper en pure frivolité tout le temps qui reste. Je veux dire qu’en travaillant quatre heures par jour, un homme devrait avoir droit aux choses qui sont essentielles pour vivre dans un minimum de confort, et qu’il devrait pouvoir disposer du reste de son temps comme bon lui semble.

      Le bonheur et la joie de vivre prendront la place de la fatigue nerveuse, de la lassitude et de la dyspepsie. Il y aura assez de travail à accomplir pour rendre le loisir délicieux, mais pas assez pour conduire à l’épuisement.
      Les hommes et les femmes ordinaires, deviendront plus enclin à la bienveillance qu’à la persécution et à la suspicion. Le goût pour la guerre disparaîtra, parce que celle-ci exigera de tous un travail long et acharné. La bonté est, de toutes les qualités morales, celle dont le monde a le plus besoin, or la bonté est le produit de l’aisance et de la sécurité, non d’une vie de galériens. Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous sommes montrés bien bête, mais il n’y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment.

      Bertrand Russell, Éloge de l’oisiveté, 1935 (extraits)
      Mathématicien, logicien, philosophe, libre penseur britannique, prix Nobel de littérature en 1950.

      #oisiveté

    • Si vous avez déjà eu le temps de regarder L’éloge de l’oisiveté, cette pièce de Dominique Rongvaux - cf. vidéo youtube dans un commentaire plus haut - , pensez-vous maintenant que la question de l’oisiveté et du temps libre est au moins aussi importante que celle du travail ?

      Personnellement, je trouve que les discours académiques et institutionnels nous enferment généralement tous dans le cadre de la morale du travail : la morale du travail comme devoir , et la valeur travail.

      #morale #devoir #travail

    • @la_taupe, ce genre de texte est toujours intéressant bien sûr, mais il ne faut pas oublier de le replacer dans son contexte historique et matériel. Et entre autre qu’à ce moment il y avait abondance d’énergies et de matières fossiles, et beaucoup moins de pollutions (même si certains socialistes non-scientifiques avaient déjà critiqués la mocheté et la puanteur de l’industrialisme, ce n’était pas encore dans les proportions actuelles).

      Ce qui n’empêche pas d’être d’accord pour dire qu’on peut grandement réduire le temps de chacun nécessaire aux besoins de base (nourriture, habitat, vêtements, en gros). Pourtant, plus on avance dans le temps, plus tout est détruit partout (par ex, et non des moindre, la biomasse du sous-sol !), plus on va devoir passer du temps à réparer les choses pour arriver à se nourrir correctement.

      Le temps qu’il va falloir passer pour se nourrir ou se vêtir sans pétrole (ou plus précisément, avec immensément moins), n’est pas négligeable. Mais cela peut se faire sans que ce soit une corvée horrible suivant les conditions sociales dans lesquelles on organise ces activités (càd pas toutes les activités chiantes sur les mêmes personnes, en coopératives et pas en concurrence, etc).

      Et sinon, la glace au lait de brebis, produite localement, c’est excellent de temps en temps, @aude_v ! :D

    • @rastapopoulos , comme tu sembles l’expliquer, la clé serait la réappropriation du temps par chacun, pour mettre ce temps au service des besoins réels : par exemple consacré à l’intérêt général, à la réparation des impacts environnementaux, aux lien social, à la pratique de valeurs capable de pacifier une société.

      Certainement, la nécessité de préparer une transition à l’après-pétrole, celle écologique de restaurer et réparer ce qui a été détruit, comme la biomasse des sols, les activités de subsistance en général, exigent/exigeront une main d’oeuvre importante et un investissement en temps conséquent.

      Cela dit, les individus ont aussi besoin de temps pour eux-même, de temps libre, ou de temps oisif. Et c’est justement ce temps libre, qui à mon avis, est capable de nous reconnecter aux choses essentielles, à la nature et à nous-même. Ensuite, je pense que ce temps libre est capable de créer spontanément de la générosité, de la bonté, du lien, du partage, et de l’entre-aide.

      Finalement, si je devais répondre à la question de « que faire pour occuper utilement les gens (au chômage, etc) dans ce contexte de crise et de transition ? », je répondrais volontier par « commençons par leur offrir du temps libre, ensuite ils prendront le temps de décider par eux-même (la démocratie est faite en principe pour ça), comment ils peuvent se rendre utile à la société, simplement en mettant en oeuvre leur réflexion, leur sens critique, et leur bon sens ».

    • Ce n’est pas spécialement « utopique », ça me parait surtout très vague et déconnecté de la réalité concrète : pour vivre, il faut de la nourriture saine et un endroit décent où dormir, pas du « temps libre » ou de l’argent.

      Voilà pourquoi le principe de redistribuer des denrées (de qualité) ou des logements (décents) directement, plutôt qu’un revenu, me parait pour l’instant beaucoup plus subversif et générateur de libertés futures.

    • Ou à minima de permettre à celleux qui le veulent d’avoir accès à des ressources pour construire une maison ou habiter dans un habitat léger, ou de pouvoir produire de la nourriture (changement de réglementation, réappropriation du foncier, débetonnage, biorémédation de terrains en ville, etc, etc). Là on en est ou carrément on bloque la porte à des personnes qui ne demandent pas grand chose pour se prendre en charge.

    • Voilà pourquoi le principe de redistribuer des denrées (de qualité) ou des logements (décents) directement, plutôt qu’un revenu, me parait pour l’instant beaucoup plus subversif et générateur de libertés futures.

      @rastapopoulos, tu as raison, une fois ces besoins vitaux assurés, on est libre et disponible pour d’autres choses. Mais je ne crois pas qu’actuellement les travailleurs ou les gens en situation d’emploi puissent accepter brutalement tes propositions. En Suisse, « ils » viennent de se prononcer par référendum contre « le » revenu de base, un revenu, certes, très élevé, mais qui aurait permis d’assurer un logement et une alimentation de qualité pour tout le monde.

      Tant qu’il y aura suffisamment de gens inclus sur le marché du travail (et donc complètement absorbés par l’idéologie du « travail ») tes propositions auront du mal à passer auprès de l’opinon publique. Je serais curieux, parcontre, de savoir ce qu’en diraient les espagnols et les grecs, vu leur taux de précarité.

      En revanche, je pense que l’opinion publique accepterait plus facilement l’idée de travailler moins pour avoir plus de temps libre.
      Je pense aussi que le temps libre est un facteur important d’organisation collective, par exemple pour préparer la transition énergétique au niveau local, et expérimenter collectivement ou individuellement des utopies concrète.

    • @nicolasm, j’aime bien les idées d’expériences participatives, qui permettent de s’impliquer, pour la production locale de nourriture ou pour l’auto-construction d’habitats. Vraiment intéressant.

      Pour la production de nourriture, j’ai connaissance du mouvement Incredible edible ( Incroyables comestibles ), je suppose que tu connais - j’ai bien aimé la vidéo de présentation de François Rouillay.

      Pour le foncier, c’est clair, y aurait certainement bien des choses à revoir.

      –—
      PS : merci à tout le monde pour les commentaire, ça fait vraiment plaisir ! :-)

    • Il existe une différence majeure entre la valeur « emploi », entendue comme la notion de salariat, et la valeur « travail », entendue comme la notion d’activité. En France, et en Europe en général, le concept de plein-emploi est un leurre. Les politiques successives contre le chômage n’ont jamais réussi à endiguer sa progression. Et quand bien même, si chacun pouvait finalement obtenir un emploi salarié, nous pensons que chaque citoyen doit être libre de choisir, et non contraint par un rapport de force continu qui l’oblige à être employé dans des conditions qui ne permettent pas son développement personnel. Le choix de l’activité doit être guidé par des motivations comme la confiance et l’épanouissement, et pas uniquement par la valeur financière. Avec l’instauration d’un revenu de base en Europe, le travail prendrait un essor inestimable, que ce soit en terme d’orientations économiques (nouveaux marchés, nouveaux métiers), d’emploi (création et multiplication de structures), mais aussi en terme de bénévolat, une valeur travail importante qui souffre actuellement d’une image ternie par la domination de l’employabilité.

      http://www.so-pirate.eu/blog/la-liste-so-pirate-introduit-le-revenu-de-base-dans-son-programme-europeen

    • @ La Taupe. Non, non, non. Attention à ne pas confondre entre revenu de base et salaire minimum. La Suisse à voté NON contre le « smic » de chez vous. Mais le peuple ne s’est pas encore prononcé sur l’initiative du « revenu de base » dont on cause ici. Et parti comme c’est, trop mal ficelé, trop mal expliqué...il va y avoir un raz de marée de NON. Je crois que c’est pour ça qu’on ne s’est encore pas prononcé là-dessus.
      Et 4’000 balles, c’est cher, d’accord, mais il faut voir ce que la vie coûte en Suisse aussi...Cette initiative a mal été emballée et c’est dommage.
      Va falloir se focaliser sur les conventions collectives de travail maintenant. Je crois que ça, c’est plus important, car nous avons beaucoup perdu ces dernières années et il va falloir remettre la pendule au milieu du village.
      Que les Helvètes arrêtent de voter avec leur porte-monnaie !!!
      Que bigre !

    • @geneghys, désolé pour cette confusion de ma part, et merci d’avoir rectifié l’erreur. En plus, il ne s’agissait pas d’un référendum mais d’une initiative populaire.

      http://www.liberation.fr/monde/2014/05/18/suisse-salaire-minimum-et-avions-de-combat-au-menu-des-votations_1020040

      Pour expliquer le résultat de ce vote, ils invoquent la peur des conséquences sur les petites entreprises, qu’elles soient obligées de réduire le temps de travail ou de mettre au chômage.

      @monolecte, merci pour ce texte du PP et pour le lien :)

      @aude_v, merci pour les pistes de réflexion que tu proposes, j’ai commencé à lire ton blog d’écologie politique. J’apprécie l’écologie politique pour son soucis de l’humain, de la solidarité (et je suppose donc la réciprocité ) , de la convivialité, et du respect des différents modes de vie. Et je comprends tout à fait que le « chômage » puisse aussi être un choix de vie, ce qui me rappelle effectivement les documentaire de Pierre Carles à ce sujet.

      Vous avez raison, penser au temps libre comme « la » solution fait déconnecté de la réalité, notamment dans le contexte de la transition à l’après-pétrole. Quoique dans le cadre actuel, choisir de ne rien faire - être au chômage volontaire et donc forcément un peu oisif - est probablement un acte autant politique que cultiver son jardin ...

    • @Taupe. C’est pas grave ! Tout le monde se fout dedans avec notre système politique. Et il ne faut pas croire que 22 frs/h soit un salaire décent...ici, c’est limite-limite.
      Mais cette initiative a au moins eu le mérite de secouer les patrons des entreprises qui ont rétabli une CCT ou convention collective qui défend un peu mieux les travailleurs. C’est une bonne chose.
      Et à défaut de reconnaître qui travaille au noir sur les chantiers pour un salaire de misère (mais légal en Europe), les ouvriers devront peut-être porter un badge que les inspecteurs pourront reconnaître de loin. Parce que ce sont surtout les frontaliers qui sont lésés, mais pas que. Cela entraîne aussi le dumping salarial. D’où la grogne de celles et ceux qui vivent sur sol helvète et qui ne touchent pas 4’000 balles par mois...
      Chez nous, on les appelle les woorking-poors, c’est dire comme la vie est chère, d’où un salaire « élevé » comme dit dans l’article du Libé.
      Le patronnat a encore joué avec la peur des travailleurs et a gagné ! Misère !

    • @geneghys, donc finalement c’est certainement une très bonne chose qu’il y ait eu un débat sur le salaire minimum avant la « prochaine » votation à propos du revenu de base inconditionnel.

      http://bien.ch/fr/story/actualites/chancellerie-federale-linitiative-formellement-abouti

      L’initiative populaire pour un revenu de base a été déclarée valable par la Chancellerie Fédérale.
      (...)
      Et maintenant, que va-t-il se passer ? Le Conseil Fédéral va se pencher sur le revenu de base et préparer un rapport sur le sujet. Il a un an pour cela. Ensuite le débat s’ouvrira au Parlement. Quant à la votation populaire, elle est prévue d’ici deux ou trois ans.

      La votation en Suisse serait donc pour dans 2 ou 3 ans... faut savoir garder patience, non ?

      Que Bigre ! :-)

    • @Taupe Déjà ?!!! Mais il est mal ficelé ce projet. En soi, il va de nouveau jamais passé, nom d’une pipe en bois de chêne ! Ils sont cons, ils font tout pour bousiller une bonne initiative !!
      Il faut voir la faisabilité et comment on peut trouver les subsides. C’est pourquoi, je propose que les salaires des robots soient reversés dans un pot commun et le chef d’entreprise aura droit au 10% pour l’entretien des machines, comme on le fait maintenant avec des emplois qui vont disparaître.
      Pourquoi personne veut lire ce que j’écris !!!
      Que Bigre ! Argggg
       :-)

    • le capitalisme est l’art et la manière de vendre ce qui est gratuit (la terre et la création monétaire), pour se rendre gratuit ce qui lui coûte.

      Et la seule chose qui coûte vraiment, c’est le temps de vie. Vous pouvez capitaliser du temps de vie dans l’espace, mais pas dans le temps lui même. C’est à dire, vous pouvez utiliser le temps de vie d’autrui à votre avantage, mais uniquement dans le temps de vie qui vous est imparti. Au delà, ce sera vos enfants... Ainsi, en capitalisant le temps de vie d’autrui, vous multipliez le votre et divisez celui d’autrui. Car sans cela, personne ne pourrait faire construire un château et dire « ceci est ma propriété ».