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  • L’artiste est mort, vive l’artiste ? Le Death Effect en question - Artmarketinsight - Artprice.com
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    Dans The Economics of American Art, Ekelund et Jackson ont testé leur hypothèse en examinant 6.118 résultats de ventes aux enchères de peintures créées par 17 artistes américains d’après-guerre décédés entre 1987 et 2013. Ils ont constaté une hausse régulière du prix de 6% par an en moyenne au cours des cinq années précédant le décès, suivie d’une baisse à peu près équivalente l’année de leur mort, soit une baisse de 26% en moyenne. Ensuite, les prix repartent généralement à la hausse. Ces calculs semblent se vérifier ailleurs dans le monde. Prenons par exemple les progressions de chiffres d’affaires d’artistes cotés au niveau international, de plus de 99 ans.

    SHINODA Toko est une artiste japonaise née en 1913. Son art est aux frontières de la calligraphie et de l’art abstrait. Il est intéressant de constater que, depuis 2015, malgré un nombre de lots vendus relativement stable, son chiffre d’affaires est en nette progression, culminant en 2020 avec ce record frappé à 81 250 $ en septembre dernier chez Christie’s. A près de 108 ans, l’artiste, qui n’a jamais cessé de peindre, continue de voir sa cote progresser.


    Comment cela se fait-il ? Dans le monde de l’art, la demande pour un artiste est influencée par de nombreux facteurs, comme la réception critique, les expositions ou encore les institutions qui possèdent ses œuvres. L’offre d’un autre côté, ne repose que sur un seul facteur : l’artiste (et ses marchands).

    L’offre ne dépendant que de l’artiste, cela fait de lui, économiquement parlant, un monopole. Rien ne peut être plus rassurant pour un collectionneur que de savoir que la mort d’un artiste peut être prochaine, il est alors sûr que l’offre deviendra, de fait, limitée. Cependant, selon Ekelund, Weiss et Jackson, cette anticipation est biaisée. Car un certain nombre d’autres critères peuvent affecter l’offre immédiatement après la mort : l’idée préconçue de l’augmentation des prix après la mort d’un artiste pourrait conduire des propriétaires à mettre beaucoup d’œuvres sur le marché à ce moment-là. Son galeriste ou son représentant pourrait annoncer plusieurs expositions et inonder le marché. Les héritiers ou ayant-droits pourraient vouloir organiser une vente d’atelier ayant le même effet. L’imprévisibilité de l’offre après décès rend tout simplement impossible la mesure d’un Death Effect.

    Il n’y a donc aucune assurance que la valeur d’une œuvre soit plus conséquente immédiatement après la mort de son créateur. Il existe trop de variables dans l’équation pour que le décès seul soit décisif. Il y a peut-être une chance que cette valeur augmente dans les 5 ans précédant la mort d’un artiste, mais là encore, les statistiques ne recouvrent pas toujours les réalités d’un marché qui aura toujours besoin de chefs-d’œuvre.