C’est vrai que la france est le pire pays au monde niveau toilettes publiques... Et quand il y en a, elles sont payantes. La France le seul pays au monde où il faut payer pour chier...
« Si votre W.-C. perso déclare forfait, préparez-vous à vous creuser la cervelle. Ou un trou. Car dégotter des toilettes dans l’espace public relève de la mission impossible.
Et un jour, mes toilettes furent bouchées. Le plombier ne viendrait que le lendemain. Restait l’errance urbaine à la recherche d’un lieu d’aisance. Ma chance est immense, car j’habite Paris, l’une des cités les mieux loties en matière de commodités publiques. De plus, nous sommes au XXIe siècle, ce qui me donne accès à l’une des 400 sanisettes gratuites de la capitale. Aurais-je eu envie de me soulager place du Châtelet il y a cinquante ans, l’opération eût été moins aisée. Certes, les vespasiennes campaient plus nombreuses sur les trottoirs. Mais ces lieux de drague notoires étaient réservés aux hommes. Alors, quand l’entreprise JCDecaux créa des latrines mixtes et sécurisées à l’aube des années 1980, les Parisiennes entrèrent dans une nouvelle ère. Lorsqu’en 2006 la mairie décida d’en instaurer la gratuité, alors que leur location coûte encore aujourd’hui quelque 16 millions d’euros par an, ce fut Byzance dans la capitale.
Chasse au trésor
Il n’empêche, j’hésite. Le W.-C. public a mauvaise réputation. Le site d’avis de voyageurs Zoover a interrogé 3 000 vacanciers sur la question. Le chiotte français arrive en tête des plus sales d’Europe, avant le turc et le polonais. Quant à le dénicher, c’est souvent une véritable chasse au trésor. Les malades chroniques de l’intestin ne le savent que trop bien. Parmi leur cortège de maux existe celui de devoir courir aux toilettes plusieurs fois par jour. Pour eux, l’Association François-Aupetit a tenté de recenser les possibilités urbaines dans une application de géolocalisation. « Ce référencement est extrêmement difficile tant les informations sont indisponibles, indique Nathalie Rutayisire, responsable de projet de l’association. Sans compter qu’une grande partie des toilettes repérées sont hors-service parce que mal entretenues, ou fermées pour éviter une occupation par des publics indésirables. »
C’est l’excuse de Guillaume Pepy, pédégé de la SNCF, quand on l’interpelle sur les cinquante centimes d’euros nécessaires pour accéder aux W.-C. de ses gares. Partout, le chiotte républicain et égalitaire a muté en droit de péage. Dans le métro parisien, on compterait une dizaine de W.-C. pour plus de cinq millions d’usagers quotidiens, voyageurs pressés pas épargnés par l’envie pressante ou pauvres à la recherche d’un peu de chaleur et d’un abri. A la station Cluny-La Sorbonne s’est installé un water-closet de luxe, géré par l’entreprise Point W.-C. : « Le petit coin ne sera plus jamais comme avant ! Désormais, il faudra parler d’escale bien-être », vante la RATP. En d’autres termes, uriner hygiéniquement pour un euro sans le PQ. La démission du service public en matière urinaire va loin. Les toilettes du Luxembourg, gérées par le Sénat, sont ainsi payantes, et hommes et femmes ne sont pas soumis au même tarif…
Epidémie d’hépatite A
L’Association François-Aupetit se tourne, elle, désormais vers les cafetiers à qui elle propose, par convention, d’ouvrir gracieusement leurs toilettes aux malades dotés d’une carte spécifique. « Nous démarchons le privé pour pallier le manque public », résume sobrement Nathalie Rutayisire. Mais si certains sont condamnés à rester chez eux pour accéder à un W.-C. sans débourser un kopeck, d’autres n’ont même pas ce loisir. Il y a plus de dix ans, l’association La raison du plus faible a enquêté sur l’offre d’hygiène pour les personnes à la rue : 80 % des villes de plus de 50 000 habitants avaient tout bonnement fait disparaître les toilettes accessibles sans condition. La situation ne s’est pas améliorée.
A Marseille, par exemple, rien n’est moins simple que de se soulager dignement. La cité, deuxième ville de France en population, ne dispose que de sept W.-C. payants. A tel point que des habitants facétieux ont récemment organisé une « chasse aux toilettes publiques » sur le vieux port. La blague fait sourire mais alerte également sur la galère quotidienne de 12 000 personnes sans domicile fixe. Médecins du Monde a d’ailleurs tenté de réveiller les autorités sur la question. En pure perte. L’ONG, qui gère un centre de consultation médicale pour publics précaires, s’est retrouvée l’été dernier avec une épidémie d’hépatite A sur les bras, largement imputable à l’absence d’eau et de W.-C. en libre-service. « Le droit universel d’accès à l’eau, reconnu par l’ONU, n’a pas passé les portes de Marseille, déplore Cendrine Labaume, coordinatrice générale. L’absence d’équipement public s’inscrit dans une guerre contre les pauvres, et non contre la pauvreté. »
Les sanisettes et Notre-Dame
C’est bien l’avis de la Coalition eau, un regroupement d’ONG qui a élaboré un projet de loi visant à graver l’accès à l’eau et à l’assainissement dans le droit français. Le texte, qui sera examiné en 2014, prévoit l’obligation d’installer des W.-C. publics pour les communes de plus de 3 500 habitants, « en vue d’assurer la salubrité publique et la dignité de tous ». Une fois cette base hygiénique acquise, il sera toujours temps de s’attaquer aux autres inégalités de l’accès au trône. Mes copines et moi passons ainsi en moyenne 2,5 fois plus de temps à l’intérieur des sanitaires que ces messieurs. La faute notamment à la position nécessitant effeuillage, très pénible en hiver. Résultat : pour un même nombre de W.-C., on attend toujours plus aux toilettes des filles. Les Suédois sont en train de résoudre le problème en apprenant aux petits garçons à pisser assis et essayent de faire passer une loi pour obliger les hommes à renoncer aux urinoirs. A Paris, de toute façon, c’est en toute discrétion que chacun choisit sa position une fois que la porte de la sanisette a coulissé comme celle d’un vaisseau interstellaire. 13 millions de visiteurs s’y sont isolés l’année dernière, soit autant d’entrées qu’à Notre-Dame. N’y tenant plus j’ai d’ailleurs fini par me décider. Sur le boulevard de Belleville, j’ai patienté entre deux prostituées chinoises gelées qui prenaient leur pause-pipi. A mon tour dans l’habitacle, l’expérience ne fut pas inoubliable. Mais soulageante et démocratique. »
« Les toilettes sont un sujet éminemment politique, rappelle le sociologue Julien Damon. Mais contrairement à ses voisins, la France ne l’aborde qu’en se pinçant le nez…
Pourquoi les toilettes brillent-elles par leur absence dans l’espace public ?
Elles n’ont pas disparu, mais il y en a moins qu’autrefois. Nous avons d’abord, tous ou presque, des toilettes privées. Le taux d’équipement français est de 98 %, alors qu’il était de 60 % en 1960. A mesure que l’équipement progressait dans l’univers privé, l’espace public en a été débarrassé. Ces toilettes publiques étaient d’ailleurs très mal vues, parce que parfois mal fréquentées, connues comme lieux de consommation de drogue et de prostitution, etc. Leur maintenance, enfin, représente un coût. Peu d’élus veulent devenir le Monsieur Pipi qui a mis en route un plan volontariste en la matière. Celui-ci ne manquerait pas d’être raillé dans les journaux satiriques, ce qui n’aurait pas lieu dans d’autres pays.
Uriner dans l’espace public, est-ce un problème culturel ?
Dans n’importe quelle ville japonaise et jusqu’à la capitale roumaine, vous avez la possibilité de satisfaire vos besoins les plus fondamentaux partout, dans des services propres et gratuits. La situation française apparaît d’ailleurs très choquante pour un certain nombre de nos voisins européens, des Scandinaves aux Anglais, en passant par les Allemands. Nous tolérons en effet que nos rues sentent la pisse ! Puisque pour nombre de personnes, il n’y a pas d’autre exutoire que pisser contre un mur, nous subissons ce phénomène visuel et odorant insupportable. C’est également un comportement de mâle sale, de marquage du territoire, totalement inacceptable dans d’autres cultures européennes. Ce comportement, interdit et potentiellement sanctionné par une amende, n’est pas toléré ailleurs en Europe comme il l’est chez nous.
Les toilettes sont-elles un objet politique ?
En France, oui, et ce depuis les querelles de Clochemerle, village de roman (de Gabriel Chevalier, publié en 1934, ndlr) dans lequel le maire déchaîne les passions en décidant d’installer un urinoir près de l’église. C’est un sujet bien plus politique qu’économique. La preuve : les villes veulent devenir des smart cities (des « villes intelligentes », ndlr), à des coûts faramineux, alors qu’elles n’ont même pas de toilettes de qualité.
Comment garantir le droit à pisser ?
Se soulager est un besoin fondamental. Que, dans l’espace public, soit mis en place des équipements pour cela devrait relever du code de l’urbanisme. Gratuité, propreté et sécurité sont fondamentales. Il faut des obligations de service public en la matière, que cette question soit ensuite gérée par le public ou le privé. D’autant que la population française vieillit et que les besoins vont augmenter. Les pouvoirs publics devraient par exemple subventionner les bistrotiers et les restaurateurs pour qu’ils mettent à disposition leurs W.-C. De toute façon, aujourd’hui, si vous êtes malin et bien habillé, vous pouvez aller dans les plus belles toilettes du monde en permanence. Il suffit d’entrer fièrement au Ritz et de faire comme si vous saviez où elles se trouvent. Il faut que cela soit possible partout et légalement organisé. »