• Scandée et destructrice : dans les camps nazis, la musique comme châtiment
    https://www.francemusique.fr/culture-musicale/scandee-imposee-destructrice-dans-les-camps-nazis-la-musique-comme-ins

    Un article passionnant.

    « On se dit toujours que la musique permettait de résister : il y a un peu une fantasmagorie construite autour de ça. » C’est ce qu’explique Élise Petit, docteure et musicologue, qui enseigne l’Histoire de la musique au département de musicologie de l’université de Grenoble. Grâce à ses recherches et à un travail de documentation minutieux, l’historienne s’est rendue compte que les usages de la musique étaient plus souvent contraints et militaires que clandestins et résistants. Marches forcées, diffusion par haut-parleurs lors d’exécutions... La musique a été utilisée massivement par les dirigeants des camps, et servait avant tout à faire « fonctionner au mieux la machine concentrationnaire et la machine de mort. »

    #Camps_concentration #Musique #Torture

  • Herausragend kompetent in juristischen Fragen zum Fall Assange, ebe...
    https://diasp.eu/p/12831105

    Herausragend kompetent in juristischen Fragen zum Fall Assange, ebenso hinsichtlich des Herganges, der zur Verhaftung in Schweden führte und zu den Verletzungen des Völkerrechts in der Behandlung Assanges durch Schweden, England und den USA - 2 h 13 min.

    „Internationale Buchpräsentation des UN-Sonderbeauftragten für Folter Prof. #NilsMelzer über den „Fall Julian #Assange“ – Weckruf für mehr Transparenz und Verantwortlichkeit – Kritik an Medien, die wegschauen Wien, 20.04.2021“

    gepostet hier: https://diasp.eu/posts/12775201#e68a31908c2d0139a8b4101b0efced44

  • La Coordination des collectifs de solidarité avec #Pınar_Selek 2000 - 2021

    2000 ........ 2020 ........
    Chère Pınar,
    Il y 20 ans, tu sortais enfin de prison, après deux ans d’enfermement et de tortures.
    20 ans plus tard, la géopolitique de la Turquie est bouleversée...
    Mais ton procès et les menaces contre toi continuent.
    Toi, tu continues tes luttes, comme tu l’avais promis en sortant de prison.
    Nous, nous continuons à tes cotés.
    Merci à toutes les personnalités qui ont accepté de joindre leur voix à la nôtre dans ce film pour te le dire.

    La Coordination des collectifs de solidarité avec Pınar Selek.

    https://www.youtube.com/watch?v=U24A7FiPxAc


    #Pinar_Selek #procès #droit_à_la_vie #torture #Turquie #prison #emprisonnement #lutte #témoignage #solidarité #solidarité_internationale #justice (!) #résistance #haine #arbitraire #arbitraire_du_pouvoir #répression_judiciaire #expliquer_c'est_excuser #terrorisme #Etat_de_droit #minorités #kurdes #islamisme #déradicalisation #évangélisation_de_l'islamisme #AKP #armée #processus_du_28_février #re-radicalisation #complotisme #conspirationnisme #nationalisme_turc #étatisation #Erdogan #stock_cognitif #amis_de_2071 #ennemis_de_2071 #2071 #pétitions #espoir
    #film #film_documentaire

    ping @isskein @cede @karine4

    • Pinar Selek et la faillite de l’état de droit en Turquie

      Plus de vingt ans ont passé depuis sa sortie de prison. Pinar Selek, toujours menacée d’une condamnation à perpétuité par le pouvoir turc, poursuit ses luttes en France et en Europe. Un film témoigne aujourd’hui des multiples combats de l’écrivaine et sociologue. L’histoire de Pinar Selek est devenue une part de l’Histoire de la Turquie. Et de la nôtre.

      La Coordination des collectifs de solidarité avec Pinar Selek (https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/160917/la-coordination-des-collectifs-de-solidarite-avec-pinar-selek-est-ne) diffuse un petit film sur l’écrivaine et sociologue. Ce film est important. Ute Müller en est la réalisatrice. Le film s’ouvre par les phrases fortes de l’écrivaine et journaliste Karin Karakasli : « Vous ne pouvez pas vous empêcher de répéter le nom de la personne que vous aimez comme un mantra », dit-elle. L’amie de Pinar la nomme ainsi : « la personne qui est mon honneur, ma fierté et mon bonheur ». Elle définit le procès de Pinar Selek de manière cinglante et précise : « Une violation du droit à la vie, un meurtre légal et une torture psychologique ». Tout est dit par la bouche de Karin Karakasli, qui prend soin de rappeler les faits de cette persécution invraisemblable.

      L’économiste et politologue Ahmet Insel souligne ensuite à quel point l’histoire de Pinar Selek est exemplaire de « l’arbitraire du pouvoir exercé par une répression judiciaire » et de « la faillite de d’état de droit en Turquie ». S’il rappelle que Pinar a été condamnée au moyen de preuves totalement inventées, c’est aussi pour observer une évolution de la répression politique en Turquie : le pouvoir accuse désormais ses opposants de terrorisme et les enferme sans avoir besoin de la moindre preuve. Suivent cinq autres témoignages et analyses, qu’il faut écouter attentivement, tous aussi importants les uns que les autres : celui de Umit Metin, Coordinateur général de l’ACORT (Assemblée Citoyenne des Originaires de Turquie), ceux de l’historien Hamit Bozarslan et du juriste Yériché Gorizian, celui de la journaliste Naz Oke et enfin les propos de Stéphanie, membre du Collectif de solidarité de la ville de Lyon.

      Parmi tous ces témoignages, il y a une phrase de Karin Karakasli qui résonne très fort et restera dans nos mémoires : « Vivre dans une Turquie où Pinar ne peut revenir, ne diffère pas d’une condamnation à vivre dans une prison en plein air ». Il faut en finir avec les prisons de pierre et les prisons en plein air. Pinar Selek, qui tient un blog sur Mediapart, invente des cerfs-volants qui traversent les frontières. Un jour les membres de ses collectifs de solidarité feront avec elle le voyage jusqu’à La Maison du Bosphore, où ils retrouveront Rafi, le joueur de Doudouk, cet instrument qui symbolise dans le roman de l’écrivaine la fraternité entre les kurdes, les arméniens et les turcs.

      Pascal Maillard,

      Membre de la Coordination des collectifs de solidarité

      https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/270421/pinar-selek-et-la-faillite-de-letat-de-droit-en-turquie

  • Renvois : la pratique des autorités migratoires suisses menace les #droits_humains

    Le #Tribunal_administratif_fédéral prononce encore et toujours le renvoi de personnes vers des « #Etats_tiers_sûrs » ou des « #Etats_d'origine_sûrs » sans procéder à un examen suffisant de la situation des droits humains dans ces pays et à une évalutation minutieuse des #risques encourus par les personnes concernées. Aussi s’accumulent les #mesures_conservatoires (#interim_measures) à l’encontre de la Suisse, sur la base desquelles les comités onusiens suspendent provisoirement les menaces de renvoi. Conclusion : les #critères_d’examen des autorités suisses sont inadéquats du point de vue des droits humains.

    Une femme seule avec des enfants fuit un pays en guerre civile pour se rendre en #Bulgarie, où elle obtient le statut de réfugiée. Sur place, elle est victime de #violence_domestique. Ne recevant pas de protection de la part des autorités bulgares, elle se réfugie en Suisse avec ses enfants. Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) rejette sa demande d’asile, invoquant qu’elle peut retourner en Bulgarie car il s’agit d’un « État tiers sûr ». Le Tribunal administratif fédéral confirme la décision du SEM*.

    Selon la loi sur l’asile (LAsi), une demande d’asile n’est généralement pas accordée si la personne requérante peut retourner dans un « État tiers sûr » dans lequel elle résidait avant de déposer sa demande en Suisse (art. 31a LAsi). En Suisse, les États de l’UE et de l’AELE sont considérés comme des pays tiers sûrs, car ils ont ratifié la Convention de Genève sur les réfugiés et la Convention européenne des droits de l’homme, qu’ils mettent en œuvre dans la pratique selon le Secrétariat d’État aux migrations. Le Conseil fédéral peut également désigner d’autres pays comme « États tiers sûrs » si ceux-ci disposent d’un mécanisme de protection efficace contre le renvoi des personnes concernées permettant de respecter le #principe_de_non-refoulement. Enfin, sont également considérés comme des « États d’origine sûrs » les pays dans lesquels les requérant·e·s d’asile sont à l’abri de toute persécution (art. 6a al. 2 let. a et b LAsi).

    Avec le soutien de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), la mère requérante d’asile et ses enfants déposent une plainte individuelle auprès du Comité des droits de l’enfant de l’ONU. Le Comité demande instamment à la Suisse de ne pas rapatrier la famille afin d’éviter que les enfants ne subissent un préjudice irréparable du fait des violations de leurs droits humains ; il ne peut en effet pas exclure que la famille se retrouve en danger en Bulgarie. Selon Adriana Romer, juriste et spécialiste pour l’Europe au sein de l’OSAR, cette affirmation est claire : « La référence générale au respect par un État de ses obligations en vertu du #droit_international n’est pas suffisante, surtout dans le cas d’un pays comme la Bulgarie. S’il y a des indications de possibles violations des droits humains, une évaluation et un examen minutieux sont nécessaires dans chaque cas individuel ».

    Le cas d’une demandeuse d’asile qui a fui un camp de réfugié·e·s grec pour se réfugier en Suisse illustre bien la problématique. Selon le Tribunal administratif fédéral (TAF), elle n’a pas fait valoir de circonstances qui remettraient en cause la #Grèce en tant qu’« État tiers sûr » (arrêt du TAF E-1657/2020 du 26 mai 2020). Les #viols qu’elle a subis à plusieurs reprises dans le camp de réfugié·e·s et l’absence de soutien psychologique sur place n’ont pas été pris en compte. Le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination à l’égard des #femmes (#CEDEF) est finalement intervenu un mois plus tard. C’est un sort similaire qu’a connu un requérant ayant survécu à la #torture, reconnu comme réfugié en Grèce. Bien que celui-ci ait dû vivre dans la rue et n’ait pas eu accès aux #soins_médicaux en Grèce, l’Office fédéral des migrations et le Tribunal administratif fédéral ont décidé que la « présomption d’ État tiers sûr » s’appliquait à la Grèce dans cette affaire (arrêt du TAF E-2714/2020 du 9 juin 2020). Là encore, le Comité contre la torture de l’ONU est intervenu et a empêché le renvoi. Pour Stephanie Motz, avocate zurichoise qui a plaidé dans les trois cas, deux fois avec l’association AsyLex et une fois avec l’avocate Fanny de Weck : « La situation dans les pays tiers n’est que sommairement examinée par le SEM et l’établissement des faits n’est pas suffisant pour être conforme au droit. En outre, il est fréquent que le Tribunal administratif fédéral n’examine pas en profondeur la situation des droits humains dans ces États, mais se contente de formuler des affirmations générales. En conséquence, les comités onusiens interviennent de plus en plus dans ces procédures ».

    Les critères d’évaluation peu rigoureux des autorités suisses concernent également les transferts au titre du #Règlement_de_Dublin, par lequel les requérant·e·s d’asile sont renvoyé·e·s vers l’État membre dans lequel ils et elles ont déposé leur première demande d’asile. À la fin de l’année dernière, le Comité contre la torture de l’ONU a dû interrompre temporairement un rapatriement Dublin de la Suisse vers la Pologne (arrêt du TAF F-3666/2020 du 23 juillet 2020).

    Enfin, le Comité pour l’élimination de la #discrimination_raciale de l’ONU (#CERD) est également intervenu au début de cette année lorsque la Suisse a voulu expulser un couple de #Roms vers le nord de la #Macédoine (arrêt du TAF E-3257/2017 du 30 juillet 2020, cons.10.2). Le couple était exposé à de sérieux risques et n’était pas protégé de manière adéquate par les autorités de #Macédoine_du_Nord. Le Tribunal administratif fédéral ayant désigné la Macédoine du Nord comme un « État d’origine sûr », le couple a, avec le soutien du Réseau de solidarité Berne, déposé une plainte individuelle auprès du CERD et peut rester en Suisse à titre provisoire.

    Plusieurs années peuvent s’écouler avant que les comités de l’ONU statuent définitivement sur les cas présentés. Dans trois de ceux-ci, le SEM a entre temps accepté les demandes d’asile. Dans les deux autres cas, grâce aux mesures conservatoires, les recourant·e·s sont également protégé·e·s pendant que le Comité examine le risque concret de violations des droits humains.

    En qualifiant un grand nombre de pays de « sûrs » de manière générale, les autorités suisses font courir de graves risques aux demandeur·euse·s d’asile. Les droits humains peuvent également être violés dans des #pays_démocratiques. Les nombreuses interventions des comités de l’ONU le montrent clairement : la pratique suisse n’est pas suffisante pour respecter les droits humains.

    *Pour la protection de la famille concernée, la référence correspondante n’est pas publiée.

    https://www.humanrights.ch/fr/qui-sommes-nous/autorite-migratoires-mesures-conservatoires
    #renvois #expulsions #migrations #asile #réfugiés #Suisse #TAF #SEM #justice #ONU #Dublin #renvois_Dublin

  • Maltraitances : les sœurs du Bon Pasteur retiennent leurs archives pour éviter un scandale
    20 février 2021 Par Sarah Boucault
    https://www.mediapart.fr/journal/france/200221/maltraitances-les-soeurs-du-bon-pasteur-retiennent-leurs-archives-pour-evi


    D’ex-jeunes filles placées dénoncent les violences subies, il y a plusieurs décennies, dans les foyers de la congrégation. Réunies dans une association, elles réclament réparation. L’institution, elle, s’organise pour préserver son image et limite l’accès aux dossiers.

    Reno* a toujours un trou dans le genou gauche. Une marque indélébile de son passage au foyer du Bon Pasteur à Loos, dans le Nord, de 1960 à 1964. Un jour, alors qu’elle refusait de laver à nouveau le sol qu’elle venait d’astiquer, une sœur l’a poussée violemment, pour la punir, dans des escaliers en brique. « J’ai atterri les mains et les genoux en sang et n’ai reçu aucun soin. Je me suis soignée avec un chiffon, se souvient-elle. Le lendemain, j’avais des cloques pleines de pus. » La septuagénaire, dépressive chronique, est encore marquée au fer rouge par ce placement traumatisant, à l’âge de 13 ans.
    Marie-Christine Vennat, Sylvie et Éveline Le Bris, le 15 janvier 2021. © SB Marie-Christine Vennat, Sylvie et Éveline Le Bris, le 15 janvier 2021. © SB
    Comme quinze autres femmes, elle est membre de l’association « Les Filles du Bon Pasteur », créée en décembre dernier. Ces anciennes pensionnaires, placées par des juges des enfants, ont décidé de s’unir pour dénoncer les maltraitances qu’elles ont subies, il y a des décennies, dans les maisons censées les protéger, gérées par la congrégation catholique du Bon Pasteur.

    Elles demandent des excuses publiques à la congrégation et au gouvernement, un dédommagement, la gratuité des soins physiques et psychologiques, et la récupération des points retraite pour le travail effectué gratuitement.

    Plus largement, elles sont plus de 800 « anciennes » sur un forum et 177 sur une page Facebook à échanger et à se soutenir. Beaucoup racontent maltraitances et violences – même si une partie affirme que les sœurs les ont aussi sauvées de familles néfastes et que leur placement a été une opportunité pour recevoir une éducation.

    Dans ce long cheminement de réparation, il est une étape essentielle : la restitution de leur dossier. Elles y découvrent la manière dont on parlait d’elles, les raisons de leur placement, des secrets de famille. Autant d’éléments éclairants et douloureux, qu’elles mettent des années à digérer. Au Bon Pasteur, l’épreuve s’avère plus brutale qu’ailleurs, car la congrégation exerce un contrôle strict sur les informations qui pourraient nuire à son image.

    Fondé en 1835 à Angers, le Bon Pasteur a pour vocation alors de « sauver » les jeunes filles de la débauche. Au pic de son activité, en 1940, la congrégation catholique compte 350 institutions dans quarante pays, 10 000 religieuses et 50 000 jeunes filles. Dans les années 1950 et 1960, des milliers d’adolescentes y sont placées, partout en France, par des juges pour enfants, dont le statut est créé par l’ordonnance de 1945 pour protéger les mineurs de familles considérées comme défaillantes.

    « Contrairement aux garçons, la délinquance des filles n’inquiète pas la société, explique Véronique Blanchard, historienne. On les protège alors du vagabondage, qui pourrait se transformer en prostitution. » À l’époque, si 95 % des garçons qui sont enfermés le sont pour des faits pénaux, ce n’est le cas que pour seulement 36 % des filles.

    Les trois quarts des jeunes filles qui entrent au Bon Pasteur ont entre 12 et 16 ans. « Beaucoup sont victimes d’agressions sexuelles, et considérées comme fautives et responsables », indique David Niget, historien. Le placement de Reno, par exemple, est la conséquence des abus sexuels de son père sur sa sœur. Même configuration pour Éveline Le Bris, la présidente de l’association : les viols d’un voisin la conduisent loin de sa famille, jusqu’à son enfermement.

    Aujourd’hui, la honte de l’étiquette « mauvaise fille » est toujours vive, et la colère, intense. « Ces femmes ont intégré le mal que la société pensait d’elles, souligne Véronique Blanchard. La culpabilité colle à la peau. »

    Marie-Christine Vennat devant le centre d’observation des Tilleuls, au Bon Pasteur d’Angers, en 1964. © DR Marie-Christine Vennat devant le centre d’observation des Tilleuls, au Bon Pasteur d’Angers, en 1964. © DR

    Dans la plupart des institutions, l’humiliation et la culpabilisation sont la règle. À l’arrivée, chaque fille subit un test de virginité. Marie-Christine Vennat, pensionnaire à Angers et Orléans entre 1964 et 1967, raconte que le médecin du Bon Pasteur lui a introduit un doigt dans le vagin. « Sans gant, ni spéculum, précise-t-elle. J’ai hurlé comme un cochon. Il m’a dit : “C’est bien.” Il y a deux ans, ma gynéco m’a appris que c’était un viol. » Dans le cadre de la Commission indépendante des abus sexuels dans l’Église (Ciase), qui rendra ses conclusions à la fin 2021, 6 500 victimes ont été entendues, dont des femmes passées au Bon Pasteur.

    Pour ces adolescentes éprises de liberté, les journées sont rythmées par le silence, les prières et le travail. Parmi les humiliations : la confiscation des biens personnels et des lettres des proches, les corvées de ménage à genoux, le drap sur la tête quand on a uriné au lit, le cachot, les cheveux rasés après les fugues, le parloir pour les visites, les rares soins et le manque de serviettes hygiéniques, qu’il faut récupérer usagées dans la poubelle. Certes, dans les années 1960, ces traitements ne sont pas inhabituels dans les institutions religieuses comme laïques.

    Mais Marie-Christine Vennat se souvient d’une scène effroyable : « Cette sœur nous hurlait dessus, nous battait. Un jour, elle a explosé la tête d’une fille sur le lavabo, elle était en sang. J’étais pétrifiée, je n’avais jamais vu une telle violence de ma vie. »

    Et les jeunes filles cousent ou blanchissent jusqu’à 8 heures par jour, pour des entreprises ou des particuliers, en échange d’une rémunération insignifiante. « Au bout de trois et demi, on m’a donné l’équivalent de 4 euros, témoigne Éveline Le Bris. J’ai pu aller deux fois chez le coiffeur et m’acheter un pull. » Selon leurs aptitudes, déterminées par un test, certaines étudient. D’autres sont considérées comme inaptes. « À 21 ans, elles sortent démunies et sous-qualifiées par rapport à ce qu’elles auraient pu faire à l’extérieur, précise David Niget. Dans un contexte où le CAP est créé, peu le passent car les sœurs prétextent souvent qu’elles sont trop bêtes. »

    Éveline Le Bris au Bon Pasteur d’Angers, le 21 juillet 1963. © DR Éveline Le Bris au Bon Pasteur d’Angers, le 21 juillet 1963. © DR

    Aujourd’hui, pour se réapproprier leur histoire et être reconnues comme victimes, les anciennes pensionnaires doivent avant tout récupérer leur dossier. Depuis 2002, la loi autorise les personnes qui ont été placées à le faire. Ces documents sont des archives publiques mais peuvent être conservées dans les institutions privées, du moment qu’elles respectent la loi en vigueur et qu’elles proposent un accueil similaire à celui préconisé dans le public.

    Quand Éveline Le Bris se rend au Bon Pasteur d’Angers, le 4 septembre 2020, pour consulter son dossier, le choc est rude. Placée en 1963, elle découvre qu’elle est décrite ainsi : « Tête baissée, mine renfrognée, cheveux roux mal coiffés tombant sur les yeux, Éveline a une présentation très défectueuse. C’est une fille genre vulgaire et fruste. » Pendant deux heures, une sœur du Bon Pasteur lui lit l’intégralité de son dossier. Mais « une fois encore, c’était elle qui me disait ce que j’avais fait, s’indigne la septuagénaire. On aurait dit Germinal. Elle m’a même dit : “Si c’est écrit, c’est que ça doit être vrai.” Je me suis pris une nouvelle avoinée morale. »

    Plus tard, elle récupère le dossier d’un autre placement, à l’Aide sociale à l’enfance du Mans (ASE), dans la Sarthe, cette fois. La violence des informations est similaire mais, au service des archives départementales, elle est reçue par deux assistantes sociales laïques : « Elles étaient émues et outrées. Sans me plaindre, elles étaient de mon côté. À Angers, au Bon Pasteur, ce n’était pas le cas. J’étais chez elles. »

    « Chez elles. » Avec son service d’archives « maison », le Bon Pasteur oblige les anciennes pensionnaires à revenir dans l’enceinte du traumatisme. Le service, structuré, a des normes de sécurité et de conservation exigeantes, et même, une archiviste à plein temps. Peu d’institutions offrent un tel trésor, ce qui permet à la congrégation de pratiquer une politique de contrôle. À huis clos, elles reconnaissent les sévices. « On m’a expliqué que me forcer à manger le vomi que je venais de dégurgiter dans mon assiette était de la maltraitance », rapporte Marie-Christine Vennat.

    Mais « lors d’une consultation, c’est intrusif de discuter de son intimité avec un travailleur social ou une sœur, remarque Adélaïde Laloux, doctorante en archivistique, qui travaille sur les dossiers d’enfants placés. Ces pratiques, répandues et légales, sont à l’origine de nouvelles formes de maltraitance ».
    Chercheurs non grata

    Autre différence avec les structures publiques : une attestation de communication des dossiers interdisant aux intéressées d’en divulguer le contenu – un document que les sœurs ont fait signer jusqu’à la fin 2018 au moins. Parfois, elles ne remettent même pas de double.

    Centre d’observation des Tilleuls au Bon Pasteur d’Angers, siège de la congrégation. © SB Centre d’observation des Tilleuls au Bon Pasteur d’Angers, siège de la congrégation. © SB
    Diffuser son propre dossier est pourtant autorisé, dans les limites fixées par la loi (respect de la vie privée d’autrui, anonymat des professionnels, respect de l’ordre public). « Encore un exemple de violence qui se perpétue », juge David Niget.

    Des descendants se voient aussi refuser l’accès au dossier de leur mère, alors que la loi prévoit que si la personne placée est décédée, ses enfants et petits-enfants peuvent le consulter. Si la personne est en vie, la loi indique également que la personne « peut mandater un tiers de son choix pour procéder à la consultation en son nom ».

    Pourtant, depuis plusieurs mois, Daniel R. se retrouve face à un mur. « Ma mère est d’accord mais elle ne veut pas le faire elle-même, raconte l’homme de 62 ans. J’ai demandé son dossier au Bon Pasteur, cinq ou six fois, par mail ou par téléphone. » Plusieurs fois, Daniel R. a reçu la même réponse : « Conformément à la loi, seule votre maman peut consulter son dossier. »

    Avec les chercheurs, surtout, le Bon Pasteur pratique une véritable rétention d’informations. Dès les années 1980, de nombreux historiens qui brûlent d’accéder à cette pépite archivistique aux rails et rayonnages impeccables se heurtent à un mur. Tous s’accordent à dire qu’obtenir une autorisation du Bon Pasteur est plus difficile qu’ailleurs.

    Pourtant, les dossiers personnels des jeunes filles sont des archives publiques auxquelles les chercheurs ont généralement accès, sur dérogation. « Il semblerait que la congrégation considère que mes travaux sont ‘‘à charge’’ », constate Véronique Blanchard, autrice de plusieurs livres sur le sujet, qui n’a jamais vu l’ombre d’une archive.

    En 2014, au terme de décennies de lutte, cinq historiens voient tout de même les portes s’ouvrir. Dirigée par Magdalena Franciscus, sœur progressiste, la congrégation met 15 000 euros sur la table (la moitié d’un poste, complété par Angers Loire Métropole) et « commande » une enquête. Mais les sœurs ne cessent de répéter depuis qu’elles attendent le livre (sortie prévue fin 2021) avant de recevoir d’autres chercheurs…

    Le Bon Pasteur est en droit de conserver ses archives en son sein. Ce qui pose problème, ce sont les refus d’accès successifs, sans raison valable. Si ces archives dormaient dans un bâtiment public, la congrégation serait dans l’obligation de justifier son opposition. « D’emblée, le Bon Pasteur n’instruit pas la demande, c’est un refus immédiat, sans trace », pointe David Niget.

    Quand on lui demande pourquoi les archives ne sont pas transférées, la directrice des archives départementales de Maine-et-Loire, Élisabeth Verry, répond : « Deux kilomètres de papier, c’est énorme. » Avec des archives colossales, classées au millimètre et un service d’accueil dédié, on comprend entre les lignes que le Bon Pasteur est en position de force.

    Une fois sur place, d’anciennes pensionnaires constatent par ailleurs que leur dossier a été dépouillé. « Je me souviens de tests d’évaluation, où j’avais écrit, à chaque ligne : “Je veux ma liberté”, s’étonne Sylvie*, passée par le Bon Pasteur d’Angers, en 1967. Ils ont disparu. »

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    David Niget, membre de l’équipe de recherche de 2014, confirme : « Les dossiers ont été triés et nettoyés. Si on compare à d’autres institutions, ceux du Bon Pasteur sont deux fois moins épais. Des éléments personnels des filles ont été détruits. Le manque de place et la méconnaissance sont l’explication naïve ; cela arrive aussi dans le public. Mais il y a aussi une probable décision politique pour supprimer tout ce qui peut faire désordre. » Impossible de déterminer la date ni le volume des archives détruites. Sans l’accord des archives départementales, la destruction d’archives publiques est interdite depuis 2008.

    Une réalisatrice, qui tourne un film sur le Bon Pasteur, a aussi essuyé plusieurs refus. Alors qu’elle suit Éveline Le Bris, volontaire pour le tournage, elle demande à filmer sa consultation de dossier. « Notre protocole de consultation ne prévoit pas que les entretiens soient filmés et enregistrés », répond le Bon Pasteur. À l’ASE du Mans, à l’inverse, les caméras étaient bienvenues.

    La seule réaction publique de la congrégation date de novembre 2019, dans Le Courrier de l’Ouest. Patricia Diet, sœur provinciale (France, Pays-Bas, Belgique et Hongrie) et psychologue convertie sur le tard, formule des excuses : « Là où l’objectif était de retrouver la joie de vivre et la dignité personnelle, nous reconnaissons que des comportements inadaptés sont parfois venus ternir des intentions louables. Je le regrette profondément et demande pardon pour ces attitudes qui ont provoqué incompréhension et souffrance. » Mais elle ne s’adresse pas directement aux femmes concernées.

    En décembre dernier, sollicitée par Mediapart, sœur Marie-Luc Bailly, la remplaçante de Patricia Diet, en arrêt, admettait « des méthodes éducatives qui aujourd’hui nous feraient frémir », mais pondérait, en insistant sur le nombre de jeunes filles sauvées et en réduisant les victimes à deux femmes isolées : « Ces deux femmes sont très meurtries, elles ont le sentiment que l’on n’a pas pris leur demande au sérieux. Tous les trois, quatre ans, leur demande revient à la charge. Elles ont pourtant été rencontrées bien des fois. »

    La congrégation internationale du Bon Pasteur, basée à Rome et contactée à de nombreuses reprises par Mediapart, renvoie vers la congrégation française. Même refus du côté du Vatican, où le cardinal João Braz de Aviz, en charge des instituts de la vie consacrée et des sociétés de vie apostolique, et dernier responsable avant le pape, a décliné nos demandes d’interview.

    Dans le paysage catholique français, toutefois, d’autres voix s’élèvent. « Pour les sœurs du Bon Pasteur, il y a une sorte de choc frontal et une part de déni, observe Véronique Margron, la présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France (Corref). Pourtant, pour faire la distinction entre ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, il faut aller au bout de la vérité, là où des personnes ont subi des violences qu’elles n’auraient jamais dû subir. Il faut pouvoir exprimer sa honte, et plus que des excuses, il faut des actes. »

    Avis similaire chez Vincent Neymon, secrétaire général adjoint et porte-parole de la Conférence des évêques de France (CEF) : « Aucune institution ne doit échapper aux révélations de faits coupables qui ont pu avoir lieu en son sein. Ces institutions doivent non seulement chercher la vérité sur ces faits, mais aussi sur les silences ou les mensonges qui ont cherché à couvrir les personnes coupables. »

    Du côté de l’État français, la porte n’est pas fermée. « Cela mériterait un travail de recherche à part entière, note Emmanuelle Masson, porte-parole du ministère de la justice, qui ajoute que rien d’officiel n’a pour l’instant été lancé. Le transfert des archives vers le public est aussi une piste de réflexion. »

    D’autres pays ont, eux, entamé le travail de reconnaissance. En Australie, une grande enquête parlementaire a été menée, et des excuses sans équivoque figurent sur le site de la congrégation. Aux Pays-Bas, un rapport universitaire, commandé par le gouvernement, conclut au travail forcé.

    Fin 2020, 140 Néerlandaises ont ainsi reçu les excuses du ministère de la justice et un dédommagement de 5 000 euros chacune. Dans un courrier adressé aux victimes, en néerlandais, Patricia Diet convient que « les pratiques n’ont pas été correctes ». En Irlande, les enquêtes et les excuses se succèdent pour reconnaître la maltraitance dans les couvents des Magdalene Sisters, cousines du Bon Pasteur.

    « Dans la congrégation, la peur de la contagion du système irlandais prédomine, affirme David Niget. On pense encore pouvoir mettre le couvercle sur la marmite. Mais j’ai bon espoir pour qu’il y ait une reconnaissance un jour. Grâce à #MeToo, le statut de victime est aujourd’hui possible. Même si le moment de reconnaissance va être douloureux et conflictuel. »

  • L’Évasion d’un guérillero
    Écrire la violence

    Ernest London

    https://lavoiedujaguar.net/L-Evasion-d-un-guerillero-Ecrire-la-violence

    Militant de l’Armée populaire révolutionnaire (EPR), Andrés Tzompaxtle Tecpile, dit Rafael, est enlevé, détenu et torturé par l’armée mexicaine en 1996. Par un récit polyphonique, fruit d’un long travail d’enquête de terrain, le journaliste américain John Gibler dévoile la stratégie contre-insurrectionnelle de l’État mexicain. Il interroge également le processus d’écriture, les rapports de celle-ci avec une supposée objectivité, avec les partis pris, la violence qu’elle impose en voulant témoigner. Adaptant un mot d’ordre zapatiste, il défend la forme d’un écrit qui écoute (escribir escuchando). « Ce livre cherche à utiliser une arme coloniale, l’écriture, pour combattre la violence coloniale. »

    S’appuyant essentiellement sur trente heures d’entretien avec Andrés Tzompaxtle Tecpile, mais aussi sur les témoignages des journalistes qui ont assisté à son enlèvement, d’une travailleuse sociale et d’une avocate, membres d’une association de défense des droits de l’homme, sur les articles de presse parus au sujet de cette affaire, il livre un récit polyphonique, notamment de la détention, des séances de torture infligées pendant quatre mois, et de son incroyable évasion, objet de beaucoup de suspicions. Son enfance dans une communauté indigène nahua de la Sierra de Zongolica (Veracruz) est aussi racontée, imprégnée d’un permanent sentiment d’injustice qui le pousse à rejoindre la guérilla. « La violence à la fois ontologique et corporelle de l’invasion est gravée dans ce que nous appelons aujourd’hui l’État, le droit, l’économie. On perpétue le massacre du massacré en se justifiant par cette chose qu’on appelle le droit. » (...)

    #Mexique #guérilla #John_Gibler #écriture #écoute #violence #torture #guerre_sale #droit #État

    • Comme beaucoup j’attends depuis longtemps ces excuses comme un acte adulte et juste.
      Et je suis au désespoir pour toutes celleux qui subissent encore les « dommages collatéraux » de cette colonisation, et je me demande combien de générations vont continuer d’être humiliées parce que la france refuse de reconnaitre ses responsabilités ?
      Tant que la France n’aura pas regardé en face ses horreurs commises en Algérie et fait son mea-culpa, le terrain de la politique intérieure restera miné et rien ne pourra avancer vers l’intelligence.
      Macron le crétin en est la preuve même, et le racisme de toute l’organisation sociale, de l’urbanisme au taux de chômage, continue de se déployer avec la police française à la manœuvre.
      Je suis triste pour mes ami·es d’origine algérienne né·es en france tout comme pour les traumatisés de la guerre, mon oncle soldat durant la guerre et qui refuse d’en parler, mon beau-père soldat dans les tirailleurs qui a disparu abandonnant ses trois enfants en bas âge parce que devenu violent au retour de l’Algérie.
      Toute cette haine qui perdure dans la croyance de la supériorité raciale française qui a prévalut à la colonisation et à l’enrichissement de certains, il serait bien temps de s’en excuser.

    • Comme je te l’avais dit, la conquête de l’Algérie est peu documentée, et très mal connue. Alors que ce fut une boucherie. A lire les manuels scolaire, on a l’impression d’une installation presque pacifique dans un pays presque vide. Ce ne fut évidemment pas le cas mais on a bati une légende dorée allant plus ou moins dans ce sens puisque le meilleur et le plus grand lycée d’Alger s’appelait lycée Bugeaud.
      Après formuler des excuses, je ne sais pas si ça a vraiment un sens, pour la conquête s’entend, mais on pourrait au moins faire en sorte que l’enseignement de l’histoire soit correct (et envisager des poursuites au civil pour les mecs qui racontent objectivement n’importe quoi à la télé)

    • Effectivement, surprenant J.-M. Aphatie, à son tout meilleur.

      La référence à l’Argentine est bien venue : il est notoire que ce sont des militaires français, anciens de l’Algérie, qui ont « théorisé » les bases de la contre-insurrection (on dit maintenant à l’états-unienne Coin). David Galula a été LA référence pour les états-uniens et pour les militaires d’Amérique latine aux premiers rangs desquels les Argentins.
      https://fr.wikipedia.org/wiki/David_Galula

    • Selon ce post LinkedIn qui devient viral sur Facebook, la France a envoyé ces 60 camions de police pour soutenir la répression des manifestations en cours en #Tunisie.
      https://twitter.com/MedDhiaH/status/1353066462848507905


      https://www.linkedin.com/posts/marseille-manutention-roro-terminal_cette-semaine-marseille-manutention-te
      https://www.arquus-defense.com/fr
      On ne change pas une équipe qui gagne !

      Les camions étaient non seulement importés de France mais aussi fabriqués en France par Arquus, le principal fournisseur de l’armée française. Le producteur est anciennement connu sous le nom de Renault Trucks Defense. L’entreprise appartient au groupe suédois Volvo.

      #marchands_de_canons

    • https://www.sudouest.fr/2021/01/24/bugeaud-l-assassin-jean-michel-apathie-veut-que-la-france-demande-pardon-au

      "Bugeaud, l’assassin" : Jean-Michel Apathie veut que la France demande pardon aux Algériens


      Frilosité sur le sujet en Périgord

      Au fil de son réquisitoire (validé par Pascal Blanchard pour sa justesse historique), Jean-Michel Apathie s’est encore une fois prononcé pour "déboulonner" le maréchal colonisateur #Bugeaud, "figure de cette barbarie" et "assassin", en demandant que la Ville de Paris débaptise l’avenue qui porte son nom. La Dordogne, où il possédait une propriété à Lanouaille et fut maire d’Excideuil, est plus prompte à célébrer la figure du "soldat laboureur" à l’origine des comices agricoles. Aucun élu, y compris la nouvelle maire socialiste de Périgueux Delphine Labails, ne se s’est prononcé pour débaptiser les lieux célébrant Bugeaud ou retirer ses statues.

      “Nous, Français, avons martyrisé un peuple pendant un siècle.”
      Pour @jmaphatie, la France doit présenter des excuses aux Algériens. #Clhebdo pic.twitter.com/a2mhqoitJ5
      — C l’hebdo (@clhebdo5) January 24, 2021

      Bugeaud (1784–1849) était l’un des militaires chargé de la conquête de l’Algérie en 1844–1845. Nommé gouverneur général, il y a pratiqué « les enfumades » (mort par enfumage d’Algériens enfermés dans des grottes). Sur ses consignes, « plus de 1 000 hommes, femmes et enfants de la tribu des Ouled Riah qui s’étaient réfugiés avec leur bétail dans une grotte du Dahra, près de Mostaganem », en 1845, ont par exemple été asphyxiés.

    • Guerre d’Algérie : qui est Ali Boumendjel, à qui le rapport Stora recommande de rendre hommage ?
      par Chloé Leprince - france Culture
      https://www.franceculture.fr/histoire/guerre-dalgerie-qui-est-ali-boumendjel-a-qui-le-rapport-stora-recomman

      Le rapport sur “les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie de 2021" remis le 19 janvier 2021 à Emmanuel Macron par l’historien Benjamin Stora avait pour objectif officiel de "regarder l’histoire en face" d’une "façon sereine et apaisée" afin de "construire une mémoire de l’intégration". La ligne de crête choisie par Benjamin Stora est celle de la reconnaissance à défaut de "repentance" (ou d’excuses). Pour ça comme pour réanimer la volonté politique en berne, il faut des figures. Et l’une des 22 propositions que compte le rapport Stora (que vous pouvez consulter ici) consiste justement à renflouer, côté français, la #mémoire d’une personnalité importante de la guerre d’Algérie, Ali Boumendjel : l’historien suggère à Emmanuel Macron de reconnaître que l’armée française a assassiné l’avocat et dirigeant nationaliste algérien en 1957.

      Avec cette recommandation, Benjamin Stora met en exergue un dossier essentiel, et laborieux : celui des disparus de la guerre d’Algérie, et en particulier des milliers d’hommes, de frères, de maris, de pères ou d’oncles des Algériens et des Algériennes d’aujourd’hui, qui ont disparu un jour. Ce fut particulièrement le cas dans une période du conflit que l’on appelle “la bataille d’Alger”, et qui correspond à l’année 1957, lorsque le pouvoir civil des représentants de la France métropolitaine en territoire algérien a été confisqué par les militaires. Et en particulier, par des parachutistes. De cette époque demeure la trace d’une impuissance de la justice et de l’administration civile à faire respecter le droit et, en miroir, celle d’une impunité immense. De cette époque, reste, surtout, une mémoire béante dans des centaines de familles où l’on n’a rien su de ses morts. Et un besoin d’histoire.

      https://information.tv5monde.com/afrique/rapport-stora-la-famille-du-militant-assassine-ali-boumendjel-

      « Je crois que les responsables politiques français ne mesurent pas à quel point des familles entières ont été dévastées par les mensonges d’Etat », souligne aujourd’hui la nièce du militant assassiné. Elle aimerait que l’on reconnaisse que « le colonialisme est une atteinte à la dignité humaine au même titre que la Shoah et l’esclavage ».

      « La réhabilitation (d’Ali Boumendjel) est une approche de la vérité. C’est bien, à condition que l’on reconnaisse qu’il a été sauvagement torturé durant des semaines et que son assassinat a été masqué en suicide », dit-elle du rapport Stora.

      « Mais pourquoi le singulariser ? Il faut la vérité pour tous. Célèbres ou anonymes. Pourquoi ne pas célébrer le martyr inconnu ? ».

      #Guerre_d'Algérie #torture #histoire #décolonisation

    • Sur le rapport de Benjamin Stora : le conseiller contre l’historien, par Olivier Le Cour Grandmaison
      https://blogs.mediapart.fr/olivier-le-cour-grandmaison/blog/280121/sur-le-rapport-de-benjamin-stora-le-conseiller-contre-l-historien

      Le Benjamin Stora historien a capitulé devant le Benjamin Stora devenu conseiller pour permettre au second de présenter à Emmanuel Macron un programme commémoriel congruent à ses desseins électoraux. Afin de ne pas heurter certains groupes mémoriels au mieux conservateurs, au pire réactionnaires, et justifier par avance, conformément aux desiderata du chef de l’Etat, l’absence de reconnaissance officielle des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité perpétrés par la France, il fallait euphémiser ces derniers pour mieux rejeter cette revendication en faisant croire qu’elle est dangereuse, irresponsable et inutile.

    • Une histoire française. A propos du rapport Stora
      https://blogs.mediapart.fr/julien-cohen-lacassagne/blog/030221/une-histoire-francaise-propos-du-rapport-stora

      Benjamin Stora sait que l’histoire n’est jamais éloignée de la politique. Son style élégant et son érudition éclectique en ont aussi fait un authentique écrivain. Mais le dispositif d’une commande d’Etat interroge l’exigence d’indépendance qu’un intellectuel doit s’imposer. C’est parce que j’ai toujours aimé lire l’auteur de La Gangrène et l’Oubli que je lui adresse ici ma critique.

  • Rapport thématique – Durcissements à l’encontre des Érythréen·ne·s : actualisation 2020

    Deux ans après une première publication sur la question (https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7), l’ODAE romand sort un second rapport. Celui-ci offre une synthèse des constats présentés en 2018, accompagnée d’une actualisation de la situation.

    Depuis 2018, l’ODAE romand suit de près la situation des requérant·e·s d’asile érythréen∙ne∙s en Suisse. Beaucoup de ces personnes se retrouvent avec une décision de renvoi, après que le #Tribunal_administratif_fédéral (#TAF) a confirmé la pratique du #Secrétariat_d’État_aux_Migrations (#SEM) amorcée en 2016, et que les autorités ont annoncé, en 2018, le réexamen des #admissions_provisoires de quelque 3’200 personnes.

    En 2020, le SEM et le TAF continuent à appliquer un #durcissement, alors que la situation des droits humains en #Érythrée ne s’est pas améliorée. Depuis près de quatre ans, les décisions de renvoi tombent. De 2016 à à la fin octobre 2020, 3’355 Érythréen·ne·s avaient reçu une décision de renvoi suite à leur demande d’asile.

    Un grand nombre de requérant·e·s d’asile se retrouvent ainsi débouté·e·s.

    Beaucoup des personnes concernées, souvent jeunes, restent durablement en Suisse, parce que très peu retournent en Érythrée sur une base volontaire, de peur d’y être persécutées, et qu’il n’y a pas d’accord de réadmission avec l’Érythrée. Au moment de la décision fatidique, elles perdent leur droit d’exercer leur métier ou de se former et se retrouvent à l’#aide_d’urgence. C’est donc à la constitution d’un groupe toujours plus important de jeunes personnes, exclues mais non renvoyables, que l’on assiste.

    C’est surtout en cédant aux pressions politiques appelant à durcir la pratique – des pressions renforcées par un gonflement des statistiques du nombre de demandes d’asile – que la Suisse a appréhendé toujours plus strictement la situation juridique des requérant∙e∙s d’asile provenant d’Érythrée. Sur le terrain, l’ODAE romand constate que ces durcissements se traduisent également par une appréciation extrêmement restrictive des motifs d’asile invoqués par les personnes. D’autres obstacles limitent aussi l’accès à un examen de fond sur les motifs d’asile. Au-delà de la question érythréenne, l’ODAE romand s’inquiète pour le droit d’asile au sens large. L’exemple de ce groupe montre en effet que l’application de ce droit est extrêmement perméable aux incitations venues du monde politique et peut être remaniée sans raison manifeste.

    https://odae-romand.ch/rapport/rapport-thematique-durcissements-a-lencontre-des-erythreen%c2%b7ne%c2%b7

    Pour télécharger le rapport :
    https://odae-romand.ch/wp/wp-content/uploads/2020/12/RT_erythree_2020-web.pdf

    #rapport #ODAE_romand #Erythrée #Suisse #asile #migrations #réfugiés #réfugiés_érythréens #droit_d'asile #protection #déboutés #permis_F #COI #crimes_contre_l'humanité #service_militaire #travail_forcé #torture #viol #détention_arbitraire #violences_sexuelles #accord_de_réadmission #réadmission #déboutés #jurisprudence #désertion #Lex_Eritrea #sortie_illégale #TAF #justice #audition #vraisemblance #interprètes #stress_post-traumatique #traumatisme #trauma #suspicion #méfiance #procédure_d'asile #arbitraire #preuve #fardeau_de_la_preuve #admission_provisoire #permis_F #réexamen #santé_mentale #aide_d'urgence #sans-papiers #clandestinisation #violence_généralisée

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  • La via della vergogna Sulla rotta balcanica delle migrazioni

    Il viaggio disperato lungo la rotta dei Balcani, tra violenze e torture inaudite da parte della polizia Centinaia di profughi con diritto alla protezione respinti dall’Italia

    È la schiena curva e livida dei respinti a dire le sprangate. Sono le gambe sanguinanti a raccontare la disperata corsa giù dal valico. A piedi nudi, con le caviglie spezzate dalle bastonate e i cani dell’esercito croato che azzannano gli ultimi della fila. È l’umiliato silenzio di alcuni ragazzi visitati dai medici volontari nel campo bosniaco di #Bihac per le cure e il referto: stuprati e seviziati dalla polizia con dei rami raccolti nella boscaglia. I meno sfortunati se la sono cavata con il marchio di una spranga incandescente, a perenne memoria dell’ingresso indesiderato nell’Unione Europea.

    Gli orrori avvengono alla luce del sole. Affinché gli altri, i recidivi degli attraversamenti e quelli che dalle retrovie attendono notizie, battano in ritirata. Velika Kladuša e il valico della paura. Di qua è Croazia, Europa. Di la è Bosnia, fuori dalla cortina Ue. Di qua si proclamano i diritti, ma si usa il bastone. Oramai tra i profughi della rotta balcanica lo sanno tutti che con gli agenti sloveni e gli sbirri croati non si scherza.

    «Siamo stati consegnati dalla polizia slovena alla polizia croata. Siamo stati picchiati, bastonati, ci hanno tolto le scarpe, preso i soldi e i telefoni. Poi ci hanno spinto fino al confine con la Bosnia, a piedi scalzi. Tanti piangevano per il dolore e per essere stati respinti». Sono le parole di chi aveva finalmente visto i cartelli stradali in italiano, ma è stato rimandato indietro, lungo una filiera del respingimento come non se ne vedeva dalla guerra nella ex Jugoslavia. Certi metodi non sembrano poi cambiati di molto.

    Tre Paesi e tre trattamenti. I militari italiani non alzano le mani, ma sono al corrente di cosa accadrà una volta rimandati indietro i migranti intercettati a Trieste come a Gorizia. Più si torna al punto di partenza, e peggio andranno le cose. Le testimonianze consegnate ad Avvenire dai profughi, dalle organizzazioni umanitarie, dai gruppi di avvocati lungo tutta la rotta balcanica, sembrano arrivare da un’altra epoca.

    Le foto non mentono. Un uomo si è visto quasi strappare il tendine del ginocchio destro da uno dei mastini delle guardie di confine croate. Quasi tutti hanno il torso attraversato da ematomi, cicatrici, escoriazioni. C’è chi adesso è immobile nella tendopoli di Bihac con la gamba ingessata, chi con il volto completamente bendato, ragazzini con le braccia bloccate dai tutori in attesa che le ossa tornino al loro posto. I segni degli scarponi schiacciati contro la faccia, le costole incrinate, i calci sui genitali. Un ragazzo pachistano mostra una profonda e larga ferita sul naso, il cuoio capelluto malridotto, mentre un infermiere volontario gli pratica le quotidiane medicazioni. Un afghano appena maggiorenne ha l’orecchio destro interamente ricucito con i punti a zigzag. Centinaia raccontano di essere stati allontanati dal suolo italiano.

    Una pratica, quella dei respingimenti a ritroso dal confine triestino fino agli accampamenti nel fango della Bosnia, non più episodica. «Solo nei primi otto mesi del 2020 sono state riammesse alla frontiera italo-slovena oltre 900 persone, con una eccezionale impennata nel trimestre estivo, periodo nel quale il fenomeno era già noto al mondo politico che è però rimasto del tutto inerte », lamenta Gianfranco Schiavone, triestino e vicepresidente di Asgi, l’associazione di giuristi specializzati nei diritti umani. «Tra le cittadinanze degli stranieri riammessi in Slovenia il primo posto va agli afghani (811 persone), seguiti da pachistani, iracheni, iraniani, siriani e altre nazionalità, la maggior parte delle quali – precisa Schiavone – relative a Paesi da cui provengono persone con diritto alla protezione ». A ridosso del territorio italiano arriva in realtà solo chi riesce a sfuggire alla caccia all’uomo fino ai tornanti che precedono la prima bandiera tricolore. Per lasciarsi alle spalle quei trecento chilometri da Bihac a Trieste possono volerci due settimane.

    Secondo il Danish Refugee Council, che nei Paesi coinvolti ha inviato numerosi osservatori incaricati di raccogliere testimonianze dirette, nel 2019 sono tornate nel solo campo di bosniaco di Bihac 14.444 persone, 1.646 solo nel giugno di quest’anno.

    I dati a uso interno del Viminale e visionati da Avvenire confermano l’incremento delle “restituzioni” direttamente alla polizia slovena. Nel secondo semestre del 2019 le riammissioni attive verso Zagabria sono state 107: 39 da Gorizia e 78 da Trieste. Il resto, circa 800 casi, si concentra tutto nel 2020. Il “Border violence monitoring”, una rete che riunisce lungo tutta la dorsale balcanica una dozzina di organizzazioni, tra cui medici legali e avvocati, ha documentato con criteri legali (testimonianze, foto, referti medici) 904 casi di violazione dei diritti umani. Lungo i sentieri sul Carso, tra i cespugli nei fitti boschi in cima ai dirupi, si trovano i tesserini identificativi rilasciati con i timbri dell’Alto commissariato Onu per i rifugiati o dall’Agenzia Onu per le migrazioni. I migranti li abbandonano lì. Testimoniano di come a decine avessero ottenuto la registrazione nei campi allestiti a ridosso del confine balcanico dell’Unione Europea.

    Quel documento, che un tempo sarebbe stato considerato un prezioso salvacondotto per invocare poi la protezione internazionale, oggi può essere una condanna. Perché averlo addosso conferma di provenire dalla Bosnia e dunque facilita la “riconsegna” alla polizia slovena. Anche per questo lo chiamano “game”.

    Un “gioco” puoi vincere una domanda d’asilo in Italia o in un’altro Paese dell’Ue, o un’altra tornata nell’inferno dei respingimenti. «Quando eravamo nascosti in mezzo ai boschi, la polizia slovena – racconta un altro dei respinti – era anche accompagnata dai cani. Qualcuno si era accucciato nel bosco e non era stato inizialmente visto, ma quattro o cinque cani li hanno scovati e quando hanno provato a scappare sono stati rincorsi dai cani e catturati».

    https://www.avvenire.it/attualita/pagine/lorrore-alle-porte-delleuropa

    #photographie #témoignage #images #violence #violences #Balkans #route_des_Balkans #asile #migrations #réfugiés #frontières #torture #Croatie #game #the_game #viols #Velika_Kladuša #Velika_Kladusa #Bosnie #Slovénie #refoulements_en_chaîne #push-backs #refoulements #réadmission #chiens

    • Violenza sui migranti, in un video le prove dalla Croazia

      Impugnano una spranga da cui pende una corda. Stanno per spaccare ginocchia, frustare sulla schiena, lanciare sassi mirando alla testa dei profughi. Sono soldati croati...

      https://www.youtube.com/watch?v=tacXXCD8UL8&feature=emb_logo

      Non è per il freddo delle gelate balcaniche che gli uomini appostati nella radura indossano un passamontagna. Il branco è lì per un’imboscata. Impugnano una spranga da cui pende una corda. Stanno per spaccare ginocchia, frustare sulla schiena, lanciare sassi mirando alla testa dei profughi. Sono soldati croati. E stavolta Zagabria non potrà più dire che non ci sono prove.

      Ora c’è un video che conferma le accuse di questi anni. Nei giorni scorsi, dopo la ricostruzione di Avvenire e la pubblicazione di immagini e testimonianze di alcune tra le migliaia di persone seviziate dai gendarmi, era intervenuta la commissaria agli Affari Interni dell’Ue, Ylva Johansson. «Abbiamo sentito di respingimenti dagli Stati membri e non è accettabile». Nessun accenno, però, alla violenza. Il governo di Zagabria, infatti, ha sempre respinto le accuse dei profughi respinti a catena da Italia, Slovenia e Croazia. «Nonostante i report lo Stato croato ha negato, mettendo in dubbio la credibilità dei migranti, degli attivisti e dei giornalisti – ricordano i legali del “Border violence monitoring” – citando la mancanza di prove fotografiche». Ora quelle prove ci sono.

      I fotogrammi e i video raccolti sul campo non lasciano spazio a dubbi. La frusta schiocca i primi colpi. Un uomo viene atterrato dopo che l’aggressore lo ha quasi azzoppato. Neanche il tempo di stramazzare tra i rovi che viene centrato in pieno volto. Poco distante, in un fossato che segna il confine con la Bosnia Erzegovina, altri due uomini a volto coperto, entrambi con divise blu scure, afferrano dei grossi sassi e li scagliano contro alcuni ragazzi che corrono per riguadagnare il confine bosniaco, a meno di 30 metri, dove gli aggressori croati sanno di non potere addentrarsi.

      https://www.youtube.com/watch?v=rtEDbuDbqzU&feature=youtu.be

      Le sequenze sono raccapriccianti. Le urla spezzano il fiato. I militari infieriscono ripetutamente su persone inermi. A tutti sono state tolte le scarpe, i telefoni, il denaro, gli zainetti con gli unici ricordi delle propRie origini. Un uomo piange. Il volto gonfio, una gamba dolorante, alcune ferite alla testa, il labbro superiore sanguinante. Nella sua lingua biascica la più universale delle invocazioni: «Mamma mia».

      Le immagini,che risalgono alla fine di marzo, sono state analizzate per mesi da legali e periti di vari Paesi per conto del “Border violence monitoring”, il network di organizzazioni di volontariato attivo in tutti i Balcani. Nel video integrale (sintetizzato da Avvenire in una versione di 4 minuti in questo articolo) si possono vedere i filmati con le ricostruzioni forensi. Oltre alle identità dei feriti è stato possibile riconoscere anche i corpi di appartenenza dei picchiatori: guardie di confine, nuclei speciali della polizia e militari dell’esercito.

      Le forze di sicurezza, come sempre, avevano pensato a impedire che le testimonianze potessero trovare riscontri fotografici. Questa volta, però, un ragazzo afghano è riuscito a beffarli. Poco prima del respingimento altri agenti in un posto di polizia avevano rubato denaro, telefoni ed effetti personali. Con le scarpe e i vestiti avevano fatto un falò. Nella concitazione, da uno degli zainetti è scivolato un telefono. Il ragazzo ha fatto in tempo a nasconderlo nelle mutande. Per consegnarci le immagini della vergogna all’interno dell’Unone europea.

      Dopo una corsa disperata, inseguito dalle sprangate e dalle scudisciate, una volta superato il fossato ha riacceso il cellulare danneggiato durante l’aggressione. C’era ancora abbastanza batteria. Si sente anche la sua voce mentre non riesce a tener ferme le mani: «Mi fa male una gamba, ho troppo dolore». Un altro accanto a lui comprende l’importanza di quegli istanti: «Ti tengo io, devi continuare a riprendere».

      Pochi giorni prima The Guardian aveva pubblicato un inchiesta di Lorenzo Tondo: la polizia croata veniva accusata di segnare i migranti islamici con una croce sulla testa, ma ancora una volta Zagabria aveva negato.

      Le riammissioni a catena, con cui dal confine italo–sloveno «si deportano illegalmente i rifugiati fino in Bosnia, hanno l’effetto di esporre le persone a condizioni inumane e a un rischio di morte: vanno pertanto immediatamente fermate», chiede il Consorzio italiano di solidarietà (Ics). Anche in Bosnia vengono denunciati episodi di violenza ed uso eccessivo della forza da parte della polizia.

      L’11 dicembre, sei giorni dopo la pubblicazione della prima puntata dell’inchiesta di Avvenire (LEGGI QUI), è intervenuta la Commissaria ai diritti umani del Consiglio d’Europa, il consesso che ha dato vita alla Corte europea dei diritti dell’Uomo. In una lettera la bosniaca Dunja Mijatovic parla delle «segnalazioni di gruppi di vigilantes locali che attaccano i migranti e distruggono i loro beni personali», esprimendo preoccupazione «per le segnalazioni di attacchi e minacce contro i difensori dei diritti umani che aiutano i migranti, tra cui una campagna diffamatoria e minacce di morte».

      E non sarà certo la prima neve a fermare le traversate.

      Ieri la polizia serba ha bloccato 300 persone in due distinte operazioni: 170 sono stati trovati nella zona di Kikinda, lungo un sentiero sul confine con la Romania; altri 140 sono stati vicino al valico di Horgos, alla frontiera con l’Ungheria. Sperano così di aggirare la sbirraglia.

      Nicola Bay, direttore in Bosnia del “Danish refugee council” spiega di avere identificato con la sua organizzazione «14.500 casi di respingimenti dalla Croazia alla Bosnia dall’inizio del 2020. Nel solo mese di ottobre, i casi sono stati 1.934, tra cui 189 episodi in cui migranti sono stati soggetti a brutale violenza, e in due episodi anche violenza sessuale, da parte di uomini in uniformi nere, con i volti mascherati». Perciò «non è accettabile che i respingimenti violenti siano utilizzati, di fatto, come strumento per il controllo dei confini dagli stati europei. È giunto il momento di esigere, da parte della Commissione Europea e degli stati membri della Ue, inclusa l’Italia, il pieno rispetto delle più basilari norme del diritto comunitario e internazionale».

      E non è escluso che grazie a queste immagini si apra finalmente una inchiesta giudiziaria per individuare i responsabili, i loro superiori e fermare i crimini contro gli esseri umani commessi nell’Unione Europea.

      https://www.avvenire.it/attualita/pagine/torture-su-migranti-al-confine-tra-croazia-e-bosnia-vide-scavo

    • L’inchiesta. Abusi sui migranti della rotta balcanica, scende in campo l’Ue

      Dopo le denunce su violenze e respingimenti, l’Agenzia Ue per i diritti umani: monitorare i comportamenti della polizia. Zagabria: violenze presunte. A Trieste con i volontari che curano le ferite

      https://www.youtube.com/watch?v=uBfEBYHMXXE&feature=emb_logo

      La lavanda dei piedi comincia all’ora del vespro. È il quotidiano rito dei volontari che ogni sera, nel piccolo parco tra la stazione e il vecchio porto, dai loro zaini da studente estraggono garze, cerotti, unguenti. Passano da lì gli impavidi del game, i superstiti della roulette russa dei respingimenti a catena, e a bastonate, verso la Bosnia. Cacciati fuori dai confini Ue.

      Dopo le nuove denunce di queste settimane, qualcosa tra Bruxelles e Zagabria si muove. L’agenzia Ue per i diritti fondamentali è pronta a monitorare i comportamenti delle polizie lungo i confini. Ma manca una data per l’avvio del piano di prevenzione degli abusi.

      Pochi giorni fa a Bruxelles hanno chiuso un rapporto che racconta di vicende sfuggite alle principali cronache internazionali. Sono ancora in corso le indagini per episodi ch si ripetono da anni senza che mai si arrivi a individuare delle responsabilità. Nel novembre 2017 «una bambina afghana di sei anni, Madina Hosseini, è stata uccisa da un treno in transito al confine tra Croazia e Serbia» si legge nel dossier, che precisa: «Secondo il rapporto del difensore civico croato, Madina e la sua famiglia erano arrivate in Croazia e avevano chiesto asilo, quando è stato detto loro di tornare in Serbia». Una violazione delle norme sul diritto d’asilo finita in dramma. La famiglia è stata trasferita «in un veicolo della polizia vicino alla ferrovia e istruita a seguire i binari fino alla Serbia. Poco dopo, la bambina di sei anni è stata uccisa da un treno». D allora non molto è cambiato in meglio.

      Da Kabul a Trieste sono 4mila chilometri. Da qui il villaggio di casa è lontano, la guerra anche. C’è chi l’ultimo tratto lo ha percorso cinque volte. Perché acciuffato dagli agenti sloveni, infine riportato in Bosnia dopo una lezione della polizia croata. E c’è chi a Trieste invece c’era quasi arrivato, ma è stato colto dalla polizia italiana sulla fascia di confine, e poco dopo «riammesso» in Slovenia, come prevede un vecchio accordo tra Roma e Lubiana siglato quando implodeva la ex Jugoslavia.

      Scarpe sfondate, vestiti rotti, le caviglie gonfie e gli occhi troppo stanchi di chi l’ultima volta che s’è accucciato su un materasso era in un qualche posto di polizia. Per Gianfranco Schiavone, vicepresidente dell’Associazione per gli studi giuridici sull’immigrazione (Asgi), è più che «anomalo che la riammissione possa avvenire senza l’emanazione di un provvedimento amministrativo». Anche perché «è indiscutibile che l’azione posta in essere dalla pubblica sicurezza attraverso l’accompagnamento forzato in Slovenia produce effetti rilevantissimi – aggiunge – sulla situazione giuridica dei soggetti interessati».

      Ricacciati indietro senza neanche poter presentare la domanda di protezione, molti passano per le mani delle guardie croate. Anche qui, però, il compatto muro di omertà tra uomini in divisa comincia a incrinarsi. La diffusione di immagini e filmati che documentano la presenza di gendarmi tra i picchiatori di migranti sta convincendo diversi agenti a denunciare anche i loro superiori. Gli ordini, infatti, arrivano dall’alto. Il merito è dell’Ufficio per la protezione dei diritti umani di Zagabria, dotato di poteri investigativi che stanno aprendo la strada a indagini della magistratura, garantendo l’anonimato ai poliziotti che collaborano con le indagini. Il ministero dell’Interno di Zagabria respinge le accuse arrivate nelle ultime settimane da testate come Der Spiegel, The Guardian e Avvenire, riguardo le violenze commesse dalle autorità lungo i confini. Foto e filmati mostrano uomini in divisa armati di spranghe e fruste. «Non si può confermare con certezza che siano membri regolari della polizia croata», si legge in una nota. «La polizia croata protegge il confine dalla migrazione illegale, lo protegge dalle azioni illegali e dai pericoli – aggiunge – che possono portare con sé persone senza documenti e senza identità, e lo fa per fornire pace e sicurezza al popolo croato». Tuttavia «non tolleriamo alcuna violenza nella protezione delle frontiere né (la violenza) è parte integrante delle nostre azioni». Riguardo al filmato e alla ricostruzione di Border Violence Monitoring «concludiamo che non abbiamo registrato azioni in base alla data e al luogo dichiarati nell’annuncio». Quali indagini siano state condotte non è però dato saperlo. «Controlleremo accuratamente i presunti eventi».

      Mentre dal Carso i primi refoli della sera si scontrano con quelli che soffiano dal mare, i volontari appostati nei dintorni della statua della principessa Sissi si preparano a un’altra serata con dolori da alleviare e lamenti da ascoltare. Lorena Fornasier, 67 anni, psicoterapeuta, e suo marito Gian Andrea Franchi, 83 anni, professore di filosofia in pensione, passano spesso di qua. Raccolgono quelli messi peggio. Lo fanno da anni, senza clamore, e si devono a loro le prime denunce sui maltrattamenti subiti dove finiscono i Balcani e comincia la Mitteleuropa.

      «Bisogna portare in tribunale dei casi individuali con l’intento di definire un precedente che sia valido per tutti, per attivare dei cambiamenti normativi che permettano un maggiore rispetto dei diritti fondamentali», osserva Giulia Spagna, direttrice per l’Italia del Danish refugee council, le cui squadre continuano a raccogliere prove di abusi lungo tutta la dorsale balcanica. «Da una parte – aggiunge – si devono offrire soluzioni concrete alle persone che hanno subito soprusi, attraverso supporto legale, oltre che medico e psicologico. Dall’altra usare questi episodi per influenzare le politiche europee e nazionali».

      https://www.avvenire.it/attualita/pagine/a-trieste-tra-chi-cura-le-ferite-reportage-migranti

  • Entretien avec #Mathieu_Rigouste : une #généalogie coloniale de la police française
    (2017 —> pour archivage)

    L’entretien qui suit est la transcription d’une conversation ayant eu lieu le 23 septembre 2016 afin de figurer dans le 8ème numéro de The Funambulist (disponible en ligne et dans certaines librairies) dedié a une critique de la police dans differents contextes politiques et géographiques (États-Unis, Palestine, Égypte, Allemagne, Brésil, France). https://thefunambulist.net/magazine/police

    LÉOPOLD LAMBERT : Mathieu, ton travail consiste à beaucoup d’égards de mettre à jour la #généalogie_coloniale déterminante de la #police_française. J’aimerais donc commencer cette conversation avec le #massacre du #17_octobre_1961 qui a vu la police parisienne tuer entre 40 et 100 algérien-ne-s lors de manifestations ayant rassemblé environ 30 000 personnes en solidarité avec le #FLN. Lorsque nous évoquons la répression sanglante de l’état français au moment de la révolution algérienne, nous pensons souvent aux #violences commises en Algérie mais pas nécessairement en « métropole » ; c’est pourtant là que ce se détermine la police française d’aujourd’hui en relation à la partie de la population provenant d’anciennes colonies de « l’Empire » (nous en parlerons plus tard). Peux-tu nous décrire cette relation, ainsi que de la figure déterminante de #Maurice_Papon, préfet pour le régime Vichiste, puis à #Constantine en Algérie et enfin à l’œuvre à Paris donnant l’ordre d’un tel massacre ?

    MATHIEU RIGOUSTE : Il y a plusieurs racines de l’#ordre_sécuritaire. L’axe de mes recherches, c’est la #restructuration_sécuritaire qui accompagne la restructuration néolibérale du #capitalisme à l’époque contemporaine. Dans tous mes travaux je retombe sur ce mécanisme dans lequel on voit la société impérialiste française importer dans son système de #contrôle, de #surveillance, de #répression des dispositifs qui viennent des répertoires coloniaux et militaires. Au sein de l’Algérie qui est la colonie de peuplement et d’expérimentations d’une gestion militaire de la population colonisée la plus poussée, sont développés des répertoires d’#encadrement qui vont influencer en permanence, depuis 1830, la restructuration du contrôle de la population « en métropole ». Notamment par l’application de ces dispositifs sur les populations directement désignées comme étant la continuité des indigènes en Algérie, c’est-à-dire principalement les #arabes à #Paris. On a donc des répertoires particuliers, des #régimes_policiers de #violences appliqués aux colonisés « en #métropole » qui font un usage régulier de pratiques de #coercition, d’#humiliation, de #rafles, d’#assassinats, de #tortures longtemps avant la #guerre_d’Algérie et de manière continue. On a déjà une police dans les années 30 qui s’appelle #Brigade_de_surveillance_des_Nord-Africains (#BNA) qui est donc une police opérant sous critères racistes, chargée par l’utilisation de la coercition d’encadrer les français de souche nord-africaine. Ces répertoires vont se transmettre. La continuité de l’état, ça veut dire la continuité des personnels, des administrations, des bureaucraties. Et à travers la restructuration des unités de police, se transmettent des systèmes de #discours, d’#imaginaires, d’#idéologies, et de #pratiques.

    Donc au moment du 17 octobre 1961, il y a déjà tous ces répertoires qui appartiennent à l’arsenal de l’encadrement normal et quotidien des arabes à Paris. J’essaye d’alimenter une piste un peu nouvelle qui apporte un regard supplémentaire aux travaux critiques qui avaient été faits sur la question et qui essaye de montrer comment les doctrines de #contre-insurrection dominaient la pensée militaire de l’époque et comment elles ont été importées et réagencées après leur application industrielle pendant la guerre d’Algérie, notamment à partir de 1956, pour passer du répertoire militaire et colonial dans le répertoire policier de l’écrasement des arabes à Paris. Tu l’as dit, ça passe par des personnels ; on pense à la figure de Maurice Papon en effet, mais aussi à des « étages » moyens et inférieurs de la police, les #CRS, les #gendarmes_mobiles… tout le monde fait son séjour en Algérie pendant la guerre en tant que policier en formation ou pour servir puisqu’on avait utilisé la plupart des effectifs militaires et policiers disponibles à l’époque. Il y a donc déjà une masse de policiers et de gendarmes qui ont été faire la guerre aux colonisés et ils se sont appropriés le modèle de contre-insurrection, le modèle de #terreur_d’Etat. Et puis, il y a aussi tout le contingent, les « #appelés », toute une génération de jeunes mâles qui vont se construire – certains, en opposition, mais une minorité – dans cette guerre d’Algérie, et à travers toute l’économie psychique que ça suppose, les #peurs et la #férocité que ça va engendrer dans toute une génération qui prendra ensuite les manettes de la #Cinquième_République.

    Ce que j’essaye de montrer donc, et que l’on voit bien dans le discours de Maurice Papon à l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN) en 1960, c’est que lui en tant que #IGAME, c’est-à-dire super préfet itinérant en Algérie, se forme à la contre-insurrection – c’était déjà un spécialiste des mécanismes de #purges, il s’était illustré par la #déportation des juifs de Bordeaux pendant l’occupation – et donc, assez logiquement, est nommé super préfet en Algérie pour organiser l’écrasement de la #révolution_algérienne. Il se forme ainsi à la contre-insurrection et expériment une forme de remodelage d’une contre-insurrection militaire et coloniale en contre-insurrection militaro-policière et administrative. Il se fascine completement pour cette doctrine qui exhorte à se saisir de l’ennemi intérieur pour pacifier la population, qui dit que le guérillero, le partisan, est comme un poisson dans l’eau, l’eau étant la population, et donc qu’il faut se saisir de la population. Ce système idéologique et technique va être élevé au rang de doctrine d’état et devenir hégémonique dans la pensée militaire francaise à partir de 1956. Dès lors, la doctrine « de la guerre (contre) révolutionnaire » alimente la restructuration des appareils de défense intérieure, « la #défense_intérieure_du_territoire » à l’époque, c’est-à-dire les grands plans de #militarisation_du_territoire en cas d’invasion soviétique. #Papon fait partie de la plateforme de propulsion d’une analyse qui dit que probablement une invasion soviétique – c’est la grille de lecture générale de toute la pensée militaire de l’époque – serait certainement précédée de manifestations géantes communistes et nord-africaines. Papon a en quelque sorte ouvert les plans de défense intérieure du territoire le 17 octobre. Il n’y avait eu que très peu de renseignements du côté de la Préfecture et ils ont été pris au dépourvu ; lorsqu’ils se sont rendus compte le 16 au soir, ou le 17 au matin qu’il y allait il y avoir des manifestations, ils sont allés chercher dans les répertoires disponibles, en l’occurrence la défense intérieure du territoire qui sont donc des plans de gestion militaire de la métropole en cas d’invasion soviétique. Ca explique pas mal de choses sur la puissance du dispositif mis en œuvre. Sur la radio de la police, on diffusait des messages d’#action_psychologique, on disait que les arabes avaient tué dix policiers à tel endroit, etc. pour exciter la #férocité des policiers. Il y a encore un autre aspect qu’il faut prendre en compte – j’y travaille en ce moment – c’est le soulèvement des masses urbaines de décembre 1960 en Algérie. C’est un peu la réponse à la #bataille_d’Alger, c’est-à-dire la réponse du peuple colonisé à la contre-insurrection. C’est un déferlement des masses (avec des enfants, des vieux, des femmes, etc.) dans les rues des grandes villes algériennes qui déborde la militarisation, déborde la contre-insurrection militaire et policière et emporte le versant politique de la guerre d’Algérie alors que le versant militaire était quasiment perdu. Le FLN et l’#Armée_de_Libération_Nationale étaient quasiment K.O. technique, militairement parlant et c’est donc le plus petit peuple qui remporte l’aspect politique de la guerre d’Algérie. Ça va marquer très très fort les administrations, les états-majors politiques, militaires et policiers et quand Papon se fait « ramener » à Paris c’est parce qu’il est reconnu comme un spécialiste de la gestion des arabes aux colonies et qu’on lui demande de faire la même chose à Paris. Il emporte donc cette mémoire avec lui et au moment où son état-major obtient l’information qu’il va il y avoir des manifestations organisées par le FLN et que des algériens vont marcher, depuis les périphéries vers le centre-ville – c’est-à-dire le même mouvement qu’en décembre 1960 en Algérie – il va utiliser l’arsenal d’écrasement qui est à sa disposition.

    Bien entendu, tout cela va semer des graines dans toute la Cinquième République qui est fondée autour du coup d’état militaire qui porte De Gaulle au pouvoir en 1958 et à travers toute cette grammaire idéologique qui considère les arabes et les communistes comme un #ennemi_intérieur dont il faudrait se saisir pour protéger la France et « le monde libre ». Voilà pour le contexte idéologique.

    LÉOPOLD LAMBERT : Dans le livre qu’est devenu ta thèse, L’ennemi intérieur (La Découverte, 2009), tu décris cette généalogie dans de grands détails. Peux-tu nous parler en particulier de la manière dont la doctrine de contre-insurrection coloniale française, élaborée d’abord par des militaires comme le Maréchal #Bugeaud au moment de la colonisation de l’Algérie, puis par d’autres comme #Roger_Trinquier, ou #Jacques_Massu au moment de la guerre de son indépendance a par la suite influencé d’autres polices et armées à l’échelle internationale – on pense notamment à Ariel Sharon ou David Petraeus ?

    MATHIEU RIGOUSTE : On peut dire que c’est à l’origine même de la construction de l’Etat. L’Etat se forge comme #contre-révolution. C’est un appareil qui permet aux classes dominantes de refermer soit le mouvement révolutionnaire soit le temps et l’espace de la guerre pour asseoir leur domination. Tout état se forme donc sur des appareils de contre-insurrection. Du coup, on trouve une pensée contre-insurrectionnelle chez #Sun_Tzu ou dans toute autre philosophie politique. Mais effectivement avec l’avènement de l’état nation moderne, du capitalisme et de sa version impérialiste, la contre-insurrection va elle-même prendre des formes modernes, industrielles, va se mondialiser, va se techniciser, va se rationaliser, et va évoluer en même temps que les systèmes technologiques. Du coup on a des formes modernes de doctrines de contre-insurrection chez le Maréchal Bugeaud en effet. Lui-même, son parcours et sa pensée reproduisent le mécanisme de restructuration impériale, c’est-à-dire l’importation de dispositifs issus de l’expérimentation coloniale et militaire vers le domaine du contrôle. Il va ainsi pouvoir expérimenter des pratiques contre-insurrectionelles à travers la conquête de l’Algérie avec toute sortes de dispositifs qui vont perdurer, comme les rafles, les déplacements de population, etc. et d’autres qui vont être mis de côté comme les enfumades, mais il y reste bien une logique d’extermination durant toute la conquête de l’Algérie.

    Pendant les dernières décennies de sa vie, Bugeaud ne cesse d’insister sur le fait qu’il a constitué une doctrine de contre-insurrection applicable au mouvement ouvrier en métropole. Il passe également beaucoup de temps à démontrer les similarités qu’il y aurait entre le processus révolutionnaire – ce que lui appelle « les insurrections » – au XIXe siècle en métropole et les révoltes aux colonies. À la fin de sa vie, il écrit même un livre (qui ne sera pas distribué) qui s’appelle La guerre des rues et des maisons dans lequel il propose de transférer son répertoire de contre-insurrection à la guerre en ville en métropole contre le peuple et dans lequel il développe une théorie d’architecture qui va se croiser avec toute l’hausmannisation et qui correspond à l’application de la révolution industrielle à la ville capitaliste. On va donc voir des doctrines militaires et coloniales passer dans le domaine policier en même temps que Hausmann « perce la citrouille » comme il dit ; c’est-à-dire en même temps qu’il trace les grandes avenues qui permettent à la police ou l’armée de charger les mouvements ouvriers. On introduit également tout cet imaginaire de la tuberculose, des miasmes, etc. On assimile les misérables à une maladie se répandant dans Paris et il faudrait donc faire circuler l’air. C’est comme aujourd’hui dans la rénovation urbaine, on ouvre des grands axes pour que la police puisse entrer dans les quartiers populaires le plus facilement possible et aussi pour les enfermer. Et on invoque la circulation de l’air. On a donc ces logiques avec tout un imaginaire prophylactique, hygiéniste, qui se met en place en même temps qu’on importe le répertoire contre-insurrectionnel dans le domaine de la police sur toute la seconde partie du XIXe siècle.

    Avec la restructuration impérialiste, les Etats-nation, les grandes puissances impérialistes du monde occidental vont s’échanger en permanence leurs retours d’expériences. On en a des traces dès 1917 après la révolution russe, où on voit donc les polices et les armées du monde occidental se faire des comptes rendus, s’échanger des synthèses d’expérience. Et c’est comme ça tout au long du XXe siècle. Tu parlais d’Ariel Sharon ; on a des traces du fait que des envoyés spéciaux de l’armée (et peut-être aussi de la police) israélienne qui ont été en contact et qui ont sans doute été également formés au Centre d’Instruction à la Pacification et à la contre-Guérilla (CIPCG) en Algérie. Les spécialistes de la contre-insurrection français et israéliens s’échangent donc, dès la guerre d’Algérie, des modèles d’écrasement de leurs ennemis intérieurs respectifs. On a donc une sorte de circulation permanente des textes révolutionnaires et contre-révolutionnaires. J’avais travaillé là-dessus pour une préface que j’ai écrite pour la réédition du Manuel du guérillero urbain ; on pense que ce manuel a beaucoup plus circulé dans les milieux contre-insurrectionnels que dans les mouvements révolutionnaires – ceux-ci disaient d’ailleurs qu’il n’avaient pas vraiment eu besoin d’un manuel de guérilla urbaine dans les années 1970. On a donc une circulation permanente et parfois paradoxale des textes révolutionnaires et contre-révolutionnaires, et des expériences.

    LÉOPOLD LAMBERT : Et des films comme La bataille d’Alger !

    MATHIEU RIGOUSTE : Exactement ; j’allais y venir. Ce film est d’abord censuré les premières années mais il va circuler en sous-main et il va être validé très rapidement par l’armée française qui dit que les choses se sont passées de manière très proche de ce qu’on voit dans le film. Celui-ci va donc à la fois permettre d’introduire la question contre-insurrectionnelle et le modèle français notamment. Bien que ça n’ait pas forcément forcé l’application exacte de ce modèle dans toutes les armées occidentales, on retrouve ce film dans beaucoup de formations militaires étrangères. On retrouve le film dans des mouvements révolutionnaires également : on sait par exemple que les zapatistes le projettent de temps en temps et s’en servent, d’autant que l’armée mexicaine est une grande collaboratrice de l’armée française. La gendarmerie mexicaine qui a tué des enseignants à Oaxaca il y a trois mois venait d’être formée par la gendarmerie française à ce modèle de gestion des foules, mais aussi au maniement des armes que la France vend avec.

    LÉOPOLD LAMBERT : Dans un autre livre, La domination policière (La Fabrique, 2012), tu dédies un chapitre entier à une branche de la police française qui est sans doute celle contribuant le plus à la continuation de la ségrégation coloniale de la société française, en particulier dans les banlieues, la Brigade AntiCriminalité (BAC). Quelqu’un comme Didier Fassin a fait une étude anthropologique très utile mais, somme toute assez académique puisque venant de l’extérieur, mais toi-même a vécu la plus grosse partie de ta vie en banlieue parisienne, à Gennevilliers et tes écrits peuvent ainsi nous donner un regard plus incarné à la violence raciste (et souvent sexiste et homophobe) qu’une telle branche de la police développe. Peux-tu brièvement nous retracer l’histoire de la BAC et nous parler de son action en banlieue ces dix dernières années (cad, depuis les révoltes de 2005) ?

    MATHIEU RIGOUSTE : Les Brigades AntiCriminalités représentent assez bien ce que j’essaye de démontrer dans mes travaux sur le capitalisme sécuritaire parce qu’elle a deux origines ; c’est la fusion des polices endo-coloniales et de la restructuration néolibérale de l’État. Ce sont des polices qui vont être formées au début des années 1970 et qui vont aller puiser dans les personnels, dans les grilles idéologiques, dans les boites à outils pratiques des polices endocoloniales. Je dis endocolonial pour parler de ces polices comme la Brigade de surveillance des Nord-Africains, et par la suite les Brigades Agression et Violence qui déploient les repertoires coloniaux sur des populations internes au pays sur des critères socio-racistes. Je parle d’endocolonialisme car ce ne sont pas les mêmes régimes de violence que ce qui est appliqué aux colonies et ce ne sont pas les mêmes régimes de violence appliqués aux classes populaires blanches – les Black Panthers ne se prenaient pas tellement la tête ; ils parlaient juste de colonies intérieures. Et parce que la société impérialiste a besoin de maintenir la surexploitation et la surdomination d’une partie des classes populaires, la partie racisée, elle a aussi besoin d’une police spécifique pour ça. C’est pour ça qu’après 1945, c’est-à-dire après le vrai-faux scandale de la collaboration de la police française à la destruction des juifs d’Europe, la bourgeoisie Gaulienne invente « la France résistante » et tente de faire croire que ce racisme a été renvoyé aux oubliettes. Mais bien-sûr on va reproduire les mêmes types de dispositifs avec souvent les mêmes personnels – on va aller rechercher les gens qui étaient dans les BNA vu qu’ils savent faire et qu’on va leur refiler le même boulot – et on va trouver une nouvelle dénomination, celle des Brigades Agression et Violence. Un appareil de gestion socio-raciste va ainsi être mystifié par cette dénomination, ce qu’on retrouve également dans la dénomination d’AntiCriminalité aujourd’hui dans cette rhétorique de la « guerre à la délinquance » qui permet de cacher les appareils de production du socio-apartheid derrière des mythes légalistes.

    On se retrouve donc avec une police qui fait à peu près la même chose, qui se rationalise, se modernise, et au tout début des années 1970, c’est-à-dire juste après 1968 – parce que dans tous ces ennemis intérieurs, il y a aussi le gauchiste, la figure qui n’avait jamais complètement disparue du révolutionnaire qu’incarnait la figure du fellagha – on considère qu’il faut des polices modernes qui vont aller dans les quartiers populaires installer la nouvelle société rationnelle, optimisée, néolibérale, etc. On va donc aller chercher dans les répertoires d’idées, de pratiques, de personnels, pour forger une nouvelle police. La première expérimentation se fait en Seine-Saint-Denis, c’est pas un hasard et en 1973, on file à un ancien des Brigades Agression et Violence la charge de policer les quartiers populaires de Seine-Saint-Denis et son unité va donc s’appeler la Brigade AntiCriminalité. Il va mettre à profit tout ce qu’on apprend à l’époque dans les grandes écoles de la nouvelle société, c’est-à-dire, ce qui s’appellera bientôt le néomanagement : l’application aux appareils d’état de la restructuration néolibérale dans les entreprises en quelques sortes. D’ailleurs, la doctrine de la guerre contre-révolutionnaire va elle-même être transposée dans les théories néolibérales et on parlera de doctrines de « guerre économique » par exemple. Il s’agit de détruire l’entreprise ennemie, en l’empoisonnant, en quadrillant son marché, en utilisant des agents de renseignement, tout ça nait au cours des années 1970. Cette première BAC va influencer la naissance d’autres unités sur le même mode dans différente villes et on va ainsi appliquer aux quartiers populaires des méthodes de gestion endocoloniales ce qui va mener aux premières grandes révoltes contre les violences policières dans les cités.

    Il apparait également une nouvelle logique comptable qu’on va appeler aujourd’hui « la politique du chiffre » qui consiste à optimiser le rendement, la productivité de la machine policière. Faire du chiffre, ça veut dire faire le plus possible de « bâtons », c’est-à-dire des « mises-à-disposition ». Ils appellent ça « faire une affaire » ; une affaire, c’est ramener quelqu’un et une histoire à traiter pour l’Officier de Police Judiciaire (OPJ) et si cette histoire est suffisamment utilisable pour en faire une affaire auprès du procureur et du coup aller jusqu’en justice et mettre cette personne en prison ou en tout cas essayer, ça fera un « bâton ». Ces bâtons gonflent une carrière et donc par exemple un commissaire qui veut « grimper », devenir préfet ou je ne sais quoi, il a tout intérêt à développer des unités de BAC dans son commissariat parce que celles-ci font beaucoup de mises-à-disposition puisqu’elles fonctionnent sur le principe du flagrant délit – les Brigades Nord-Africaines fonctionnaient déjà sur cette idée. Le principe du flagrant délit, c’est un principe de proaction. On va laisser faire l’acte illégal, on va l’encadrer, voire l’alimenter, voire même le suggérer ou le produire complétement pour pouvoir se saisir du « délinquant » au moment où il passe à l’action. La BAC est donc un appareil qui tourne beaucoup autour de la production de ses propres conditions d’extension. Cette logique de fond, c’est notamment ça qui va faire que les BAC vont se développer dans l’ère sécuritaire, c’est parce qu’elles font beaucoup de chiffre et qu’elles produisent également beaucoup de domination socioraciste, dont l’Etat a besoin pour contenir le socio-apartheid. Ceci se trouve dans le fait que le plus facile pour faire des mises-à-disposition et remplir ainsi cette mission néolibérale consiste à « faire » des ILS et des ILE : des Infractions à la Législation sur les Stupéfiants – des mecs qui fument des joints – et des Infractions à la Législation sur les Étrangers – des sans-papiers. Comment on trouve du shit et des gens qui n’ont pas de papiers ? Eh bien on arrête les noirs et les arabes. On traine donc autour des quartiers populaires pour faire des arrestations au faciès sur les classes populaires de couleur.

    Voilà comment nait en gros la BAC dans les années 1970 ; elle s’est ensuite développée tout au long des années 1980, d’abord par l’intermédiaire des BAC de Surveillance de Nuit (BSN) et au début des années 1990 et l’avènement de Charles Pasqua – le symbole le plus caricaturale des logiques politiques, policières et militaires de la guerre d’Algérie et dont la carrière politique est structurée autour de la chasse à l’ennemi intérieur – au Ministère de l’Intérieur, il va intensifier cette utilisation des répertoires de contre-insurrection et va être à la pointe de la genèse du système sécuritaire français. C’est lui notamment qui va rendre possible que toutes les villes de France puisse développer des BAC. Ce qui est à nouveau très intéressant du point de vue du capitalisme sécuritaire c’est que les BAC sont des unités qui utilisent beaucoup de matériel, et qui en revendiquent beaucoup, qui « gueulent » pour être de plus en plus armées. Ça c’est très intéressant pour les industriels de la sécurité. Pour les flashballs par exemple ; les BAC ont demandé à en être armées très vite, elles veulent les nouveaux modèles et elles participent avec les industriels à créer les nouveaux modèles et, bien-sûr, c’est elles qui utilisent le plus de munitions : le flashball est utilisé tous les soirs pour tirer dans les quartiers populaires de France. C’est la même chose pour les grenades lacrymogènes ; on en voit beaucoup dans le maintien de l’ordre des manifestations de mouvements sociaux dans les centre-villes mais les gaz sont utilisés quotidiennement dans les quartiers populaires.

    Le phénomène continue de se développer dans les dix dernières années. La BAC semble vraiment caractéristique de ce capitalisme sécuritaire, notamment par sa férocité mais aussi par son aspect ultralibéral, ultraproductif, ultraoptimisé, ultraviril, ultramédiatique : la BAC se met en scène, les agents s’inspirent énormément de ce qu’ils voient à la télévision… On a même une extension de ce qu’elle a inventé comme système de domination et d’écrasement des quartiers populaires vers la gestion des autres mouvements sociaux, comme récemment des luttes contre la loi travail. Généralement, la BAC est utilisée comme dispositif de pénétration, de saisie, de capture et elle est de plus en plus combinée à des dispositifs d’encerclement, d’enfermement, d’étranglement dans lesquels on utilise plutôt les CRS, les gardes mobiles. On a vu pendant le mouvement contre la loi travail, les BAC qui étaient employées à faire « du maintien de l’ordre ». À Toulouse, on a vu les effectifs des BAC sont utilisés dans l’expérimentation de nouveaux dispositifs hybrides : capable de faire et du maintien de l’ordre et de la capture, de l’intervention, de passer de l’un à l’autre en permanence, et de passer à des niveaux d’intensité très hauts très rapidement. La BAC rejoint ainsi la logique de restructuration de tous les appareils en ce moment qui consiste à devenir rhéostatique : être capable de s’adapter comme le mode de production toyotiste, c’est-à-dire s’adapter le plus instantanément à la demande, avec le moins de stock et de dépenses possibles et de la manière la plus rationalisée qui soit.

    LÉOPOLD LAMBERT : Tout comme Hacène Belmessous dans le deuxième numéro de The Funambulist, tu décris la manière dont « la rénovation urbaine » enclenchée en 2003 constitue à beaucoup d’égards une manière pour la police de s’approprier l’espace urbain des banlieues. Peux-tu nous en dire plus ? Cela intéressera sans doute beaucoup la moitié (ou le tiers) des lecteurs/-trices de The Funambulist qui sont architectes ou urbanistes !

    MATHIEU RIGOUSTE : Il y a effectivement un sursaut en 2003, mais ça avait commencé bien avant. Un des premiers grands quartiers qui est soumis à une politique de ce qu’ils appellent « la rénovation urbaine », mais ce qui est en fait de la destruction et du réaménagement, c’est le quartier où je suis né ; le Luth à Gennevilliers. Il s’agissait d’une coopération du Plan Pasqua et du Parti Communiste Français (PCF) qui gère la ville depuis les années 1930, tous deux ravis de se débarrasser des familles les plus pauvres et d’essayer une nouvelle forme de gestion des quartiers populaires. C’est un processus constant : la ville capitaliste au gré des crises de suraccumulation du capital, se restructure pour continuer à concentrer des masses de travailleurs pauvres autour de ses centres d’accumulation du capital. Et dans ces quartiers populaires, ces campements, ces bidonvilles, ces territoires misérables, les dominé-e-s, les exploité-e-s, les opprimé-e-s, les damné-e-s, inventent en permanence des formes d’auto-organisation, d’autonomisation, de fuites et de contre-attaques, des cultures d’insoumission et des manières de se rendre ingouvernables. Il faut donc en permanence, pour le pouvoir, à la fois une police qui permette de détruire cette dynamique d’autonomisation récurrente et de survie – parce qu’en fait les gens n’ont pas le choix – et un réaménagement des territoires : il faut à la fois ségréguer et pénétrer ces territoires pour aller y détruire tout ce qui peut émerger de subversif. Et l’urbanisme tient un rôle fondamental dans la restructuration sécuritaire de la ville capitaliste. Cette logique est déjà à l’œuvre dans les bidonvilles durant la guerre d’Algérie ; on a des polices spécialisées à la gestion des bidonvilles, c’est-à-dire au harcèlement, à la brutalisation, à la surveillance, au fichage, parfois à la torture, parfois même aux assassinats et aux disparitions d’habitants du bidonville et qui détruisent les cabanes des habitant.e.s parce que même dans le bidonville, on voit ré-émerger des formes de mises-en-commun, d’auto-organisation, de politisation révolutionnaire, de colère, d’entraide, toute sorte de choses qui menace le pouvoir et qui nécessite donc une intervention. En plus d’intervenir avec de l’idéologie, du divertissement ou de l’aménagement, il faut intervenir avec de la coercition.

    On retrouve ce processus dans toute l’histoire de la ville capitaliste ; c’est une dialectique permanente. Sauf que ce qui nait dans les années 1970, c’est un schéma qu’on va voir apparaître ; à partir du moment où on met des polices féroces, comme la BAC, autour des quartiers populaires, celles-ci produisent de la violence policière et donc produisent de la colère. Les dominé-e-s, face à ça, vont produire des tactiques, des techniques, des stratégies, des pratiques de résistance et de contre-attaque. Ça va donner lieu à des révoltes, parfois très spontanées, parfois plus organisées : une histoire des contre-attaques face à la police nait dans les années 1970 et on se rend compte, au gré de ces révoltes et de leur répression et de leur gestion médiatique que des municipalités en collaboration avec la police et les média sont capables de désigner aux pouvoirs publics et au reste de la population en général un quartier populaire comme ingérable, infâme, irrécupérable. Ceci s’accompagne d’une logique humanitaire ; aller « sauver des gens » alors que les revendications pour des meilleures conditions de vie sont permanentes et que les habitants n’obtiennent jamais rien.

    Toute cette logique va activer au cours des années 1970 la reconnaissance par les pouvoirs publics et par le capital industriel et financier du fait que lorsqu’on est capable de désigner un quartier populaire comme infâme, on va pouvoir activer un circuit de capitaux financiers d’abord, puis industriels, liés à ce qu’on va appeler de manière publicitaire « la rénovation urbaine », c’est-à-dire un protocole de restructuration de ce quartier qui peut aller jusqu’à sa destruction complète. Il va ainsi apparaitre beaucoup de régimes de restructuration : certains consistent à éloigner les populations les plus pauvres ou les moins gouvernables, d’autres vont organiser l’évacuation totale de ces populations, d’autre encore qu’on observe beaucoup depuis le début des années 2000 à travers la mystification de la mixité sociale consistent à parler de réhabilitation mais à en fait déplacer les plus pauvres, sans détruire le quartier. On fait ça à la fois avec de la police et de la prison, mais aussi avec la hausse des loyers provoquée par l’arrivée de nœuds de transports en commun qui permet de faire venir des cadres qui ne se seraient pas déplacés jusque-là ; la petite bourgeoisie à laquelle on veut permettre de venir s’installer à la place des quartiers populaires. Bref, à travers tout ce programme publicitaire qu’est la rénovation urbaine, la transformation des quartiers populaires en quartiers petits-bourgeois va attirer des flux de capitaux gigantesques, notamment liés au fait que depuis le début des années 2000, l’État investit énormément pour appuyer les pouvoirs locaux dans leur politiques de restructurations urbaines. C’est de l’argent qui va retomber immédiatement dans les poches des industriels du bâtiment et aussi dans celles des industriels de la sécurité, encore une fois, parce qu’on voit qu’une fois que la police, les média, la prison et les autorités municipales ont réussi à « déblayer le terrain », le réaménagement des quartiers se fait en partenariat avec tous les industriels du bâtiment mais aussi des technologies de surveillance, de design – les cliques du néo-urbanisme – les publicitaires, les commerces, bref tout un système d’entreprises qui vivent autour de ça. La logique de fond est à la fois le renforcement du socio-apartheid, mais aussi une forme de colonisation interne à travers l’expansion de la ville capitaliste et l’invention de nouvelles formes d’encadrement de la vie sociale.

    LÉOPOLD LAMBERT : À l’heure où nous parlons, l’état d’urgence promulgué par François Hollande au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 a déjà été renouvelé trois fois. Pour un certain nombre de francais-e-s blanc-he-s de classe moyenne ou riches, cela ne représente qu’une nuisance négligeable mais pour la population racisée française, en particulier ceux et celles que l’on nomme pudiquement « musulman-ne-s d’apparence » ce régime légal donnant une latitude encore plus importante à la police insiste encore d’avantage sur l’existence d’une sous-citoyenneté qui ne dit pas son nom. Travailles-tu actuellement sur la manière dont l’état d’urgence agit comme précédent à la fois légal et dans les pratiques policières ? Peux-tu nous en parler ?

    MATHIEU RIGOUSTE : Je ne travaille pas précisément sur cet aspect des choses mais bien-sûr, je suis ce qui est en train de se passer, notamment au sein des luttes dans lesquelles on avance et on réfléchit sur cet aspect-là. Et effectivement, tu le résumes bien, il y a toute une partie des strates privilégiées, même des classes populaires qui ne se rend pas compte de ce à quoi sert l’état d’urgence parce qu’il ne le voit pas et les média ont vraiment un rôle fondamental là-dedans. C’est ça aussi le socio-apartheid : les vies sont séparées, elles ne se croisent pas. Effectivement l’état d’urgence a permis une intensification de la ségrégation mais aussi de mécanismes d’oppression contre les quartiers populaires, ce qui peut rester complétement invisible pour le reste de la population. L’angle d’attaque, c’est l’Islam et les violences, ce sont des perquisitions fracassantes : explosion de la porte, on met tout le monde a terre et en joue, parfois on gaze à l’intérieur des appartements, parfois on tabasse. Ca provoque des traumatismes très forts dans les familles ; on a des récits de perquisitions en pleine nuit et les enfants, la maman, la grand-mère, plusieurs mois après, cherchent à être suivis par des psychologues. À l’école, c’est dramatique, les enfants n’y arrivent pas, après que des unités militaro-policières ont débarqué chez eux en mode anti-terrorisme. Les violences, ce sont aussi des assignations à résidence ; on a du mal à le saisir lorsqu’on ne le vit pas, mais il s’agit d’un système d’encadrement très dur car il faut aller pointer régulièrement. La plupart de ces histoires, je tiens à le dire, se dégonflent après ; il y a déjà des victoires dans les tribunaux parce que l’immense majorité de ces assignations à résidence sont fondées sur rien du tout, surtout par le fait que la personne a été désignée par quelqu’un comme étant « très pratiquante », possiblement « radicalisée », c’est de l’ordre de la délation. Ce sont donc des violences très fortes et très profondes dans les familles, principalement musulmanes à travers ces perquisitions, ces assignations à résidence et ces procédures judiciaires qui durent bien-sûr et qui épuisent. Les noms des gens sont lâchés dans la presse, toute une ville peut d’un seul coup vous considérer comme un probable terroriste.

    Donc voilà, l’état d’urgence permet l’intensification du socio-apartheid, de l’islamophobie et des racismes d’état, ce qui se conjugue assez bien à la gestion quotidienne des quartiers populaires dans la France impérialiste.

    https://blogs.mediapart.fr/leopold-lambert/blog/200117/entretien-avec-mathieu-rigouste-une-genealogie-coloniale-de-la-polic
    #colonialisme #colonisation #bac #police #Algérie #France #histoire #entretien #interview

  • Hebdo #95 : savoir, lutter, poétiser – #entretien avec #Pinar_Selek

    20 ans. Pinar Selek fête un anniversaire singulier, celui de sa libération des #prisons turques, où elle fut enfermée sur des motifs fallacieux. Avec cette militante féministe, libertaire et antimilitariste, sociologue, conteuse, détricoteuse des systèmes de domination et autrice dans le Club, nous avons évoqué l’état des #contre-pouvoirs en #Turquie, les menaces sur les #libertés_académiques en #France, ses luttes de l’exil à la défense des exilé·e·s, et sa combativité politique infatigable qui puise, entre autres, dans la #sororité.

    Pinar Selek, militante féministe turco-française, libertaire et antimilitariste, sociologue et docteure en sciences politiques, fête ces temps-ci un anniversaire singulier : les vingt ans de sa libération des prisons turques, où elle fut enfermée sur des motifs fallacieux. « 20 ans après ma libération », publié la semaine dernière dans le Club de Mediapart, est un texte tissé d’ellipses où affleure à la fois la rémanence d’une douleur encore présente et une grande vitalité.

    L’autrice raconte la #solidarité entre codétenues, le #massacre terrible vécu lors d’un transfert de prison, où elle a vu mourir ses amies ; puis, un jour, l’étrange adrénaline de la #libération, après deux ans et demie d’#enfermement et 28 jours de #grève_de_la_faim. Puis très vite, le discours antimilitariste improvisé à la sortie de #prison (« pas agressif mais créatif », écrit-elle dans une formule qui pourrait résumer la doctrine secrète de toutes ses luttes), qu’elle prononce « remplie d’une #puissance magique ». Et la foule hétéroclite et joyeuse venue l’accueillir, composée d’enfants de la rue, de combattants des libertés et d’ami·e·s… « Dans ce contexte d’une #violence extrême, j’étais arrivée à faire entendre une voix antimilitariste. Ma déclaration publique était une promesse. La #promesse d’une# lutte contre tous les systèmes de #domination, contre toutes les formes de violence et de #discrimination. J’ai tenu ma promesse, jusqu’à aujourd’hui. »

    En 1998, alors que Pinar Selek refusait de livrer les noms des militants kurdes qu’elle étudiait en tant que chercheuse en sociologie, elle est accusée d’avoir fomenté un attentat immonde (une explosion sur un marché qui s’est avéré causée par une fuite de gaz et non par une bombe), arrêtée, jetée en prison. Elle y fut torturée pendant plus de dix jours. Après sa libération en 2000 grâce à des expertises qui prouvaient son innocence, s’ensuivirent des années de va-et-vient et de harcèlement judiciaire durant lesquelles elle fut acquittée quatre fois, des décisions sans cesse annulées, un calvaire ajouté à la torture. En 2017, le procureur de la Cour de Cassation requiert une condamnation à perpétuité. Depuis, la nouvelle de cette condamnation peut tomber d’un jour à l’autre. Entre temps, Pinar a écrit des contes, des romans, un livre important sur le silence qui auréole le génocide arménien, obtenu la nationalité française et un doctorat de sciences politiques et multiplié les actions militantes – pour saisir l’ampleur de cette vie, on peut lire le beau livre biographique de conversations avec Guillaume Gamblin, L’Insolente, chroniqué dans le Club par Pascal Maillard.

    Depuis mars 2019, Pinar Selek écrit dans le Club tantôt sur les travailleurs non régularisés, ces sans-droit précaires du capitalisme mondialisé, sur une lutte féministe en Corse ou de Tunis, tantôt les scientifiques en exil, sur l’horreur des prisons en Turquie, un festival de poésie au Pays Basque ou encore l’idée d’une grève internationale des femmes.

    Au gré de cette géographie des luttes en archipel et de son nomadisme indocile, les textes ficèlent entre eux ces espaces rebelles où les plus petits êtres concoctent un autre monde. Ici les fourmis (les féministes, « ces fourmis qui portent de petites graines sur leurs dos, qui construisent, qui créent, qui ouvrent des chemins »), là les lucioles, ces coléoptères incandescents qui peuplent l’un de ses textes les plus lumineux, à propos d’une action collective autour des « 7 de Briançon », ces solidaires de la montagne jugés pour avoir aidé des exilé·e·s et refusé de les laisser mourir dans les Alpes. Dans ce billet, elle reproduit son discours, prononcé à la frontière franco-italienne. Contre la violence des Etats et des prisons, le militarisme, les nationalismes et le libéralisme sauvage, elle proclame la force des lucioles. « Les lucioles dépassent les frontières. Les frontières des prisons, des nations, des Etats, de l’Ordre. Elles se rencontrent, s’aident à passer les frontières, discutent, réfléchissent, agissent et chantent ensemble. » Dans ces billets, cette femme qui se décrit elle-même comme une « militante de la poésie » dessine une singulière poétique des luttes.

    Ecoféministe, libertaire, antimilitariste, Pinar Selek dévoile comment s’entrelacent les différentes oppressions et mène une existence « multidimensionnelle », comme elle aime à dire. Avec d’autres féministes, elle organise pour début juin prochain un mouvement transnational de lutte, « Toutes aux frontières ! », contre la politique frontalière et migratoire européenne, son histoire militariste et patriarcale, et ses effets dévastateurs pour les exilé·e·s.

    Pour l’épauler face à la persécution de l’Etat turc, ses différents comités de soutien se sont réunis en 2017 en coordination, et réfléchissent à marquer cet anniversaire. En attendant, nous avons parlé de l’état de la répression en Turquie, des menaces sur les libertés académiques en France, de l’exploitation du vivant, des politiques européennes liberticides… Mais aussi et surtout – et là, dans le cadre blafard de l’entrevue par visios interposées surgissait le plus revigorant des sourires – de sa combativité politique infatigable qui puise dans la sororité, dans l’intime, et se tisse avec une simple quête de bonheur.

    ***

    Cela fait 20 ans que vous avez été libérée, mais la procédure judiciaire n’est toujours pas terminée… où en est ce procès interminable ?

    Mon dernier acquittement a été prononcé en 2014. Désormais, c’est la Cour suprême qui doit rendre la décision définitive. En 2017, le procureur général de la cour suprême a fait un communiqué, dans lequel il demandait une condamnation à perpétuité, sans possibilité d’amnistie, et avec enfermement à l’isolation. Entre temps, ma famille a commencé à recevoir des documents officiels concernant l’argent de l’indemnisation pour l’attentat dont j’ai été accusée.

    Aujourd’hui, théoriquement, je peux aller en Turquie, il n’y a pas eu de mandat d’arrestation ; mon dernier livre, publié en 2019, se vend bien et reçoit de bonnes critiques, je ne suis pas persona non grata. Mais beaucoup de gens pensent que c’est terminé, que je suis tranquille, alors que je suis toujours dans situation difficile. Je ne suis pas simplement accusée de participation à une organisation terroriste, je suis accusée de quelque chose d’horrible, d’inimaginable. Si la Cour me déclare coupable, je serai pour toujours associée à ce massacre, malgré mes convictions antimilitaristes [voir ici l’entretien avec Jade Lindgaard, « Résister à la militarisation du monde », ndlr]. Quand je prends des positions pour les Kurdes ou les Arméniens, ils utilisent ce procès pour me ramener à ce crime. Je ne suis pas seulement une traîtresse pour la Turquie, je suis une criminelle. C’est très difficile à vivre.

    Entre l’époque où vous avez été emprisonnée et les répressions d’aujourd’hui par le gouvernement Erdogan, qu’est-ce qui a changé ?

    Mon procès, qui dure depuis à peu près 23 ans, montre justement la continuité d’un contexte autoritaire qui n’a pas commencé avec le dernier gouvernement. Les observateurs ont tendance à imputer la dérive autoritaire turque à Erdogan seul. Depuis le génocide arménien et la construction de la République sur l’oppression de ses minorités, il y a toujours eu un contexte autoritaire — et non un régime autoritaire —, et des violences d’Etat, qui provient cette constance.

    Ce qui a changé, ce sont des points de méthode. Je vois quelques différences. Quand j’étais en prison, la torture lourde était de mise. Après mes dix jours de torture intensive, je n’ai pas pu bouger les bras pendant 6 mois, mes cheveux étaient tombés… et les 90 femmes avec moi en prison étaient également torturées, y compris les jeunes simplement arrêtées en manifestation ; la plupart étaient violées, surtout les femmes kurdes, et je les entendais crier la nuit. La torture était la méthode institutionnalisée et systématique pour les aveux. Maintenant, la torture est plus ciblée, mais ils utilisent la technique des témoins secrets : beaucoup de personnes ne savent pas quelles sont leurs accusations, et le pouvoir utilise de faux témoins pour les condamner. Mais finalement, tous ces changements de méthode sont assez peu significatifs : dans tous les cas, tu es victime de quelque chose de très lourd lorsque tu es emprisonnée sans savoir pourquoi, et qu’on constitue des accusations montées de toutes pièces.

    Face à un système judiciaire aussi arbitraire, existe-t-il des recours dans la Turquie actuelle quand on est accusé injustement ?

    Mon père, avocat de 90 ans (qui plaide toujours !) [qui a fait de la prison pendant plus de quatre ans après le coup d’Etat de 1980, ndlr], est venu à Nice, il y a quelques temps, pour une conférence. La question était : qu’est-ce qu’être avocat dans un pays où il n’y a pas l’Etat de droit ? Sa réponse : « regardez le procès de Pinar, il dure depuis 20 ans. Si c’est si long, c’est grâce à nous ! ». Autrement dit, s’il n’y avait pas les avocats, qui trouvent des petite tactiques pour éviter les condamnations iniques, j’aurais certainement été condamnée en deux jours. Par ailleurs, ces procès sont des espaces publics, des agoras. Beaucoup de personnes viennent écouter, soutenir les opposants politiques qui sont jugés : une part des luttes sociales se passe dans les tribunaux, en Turquie. Les avocats, notamment, permettent de rester dans l’optique de la lutte et de la justice et de faire bouger les choses. Mon procès, et ceux des autres, cela fait partie des luttes pour la justice.

    À part les avocats, quel est l’état des luttes sociales et des contre-pouvoirs dans ce contexte turc de répression des libertés publiques ? l’Etat les étouffe-t-il complètement, comment s’organise la résistance ?

    Ce n’est pas évident d’être toujours en train de se battre pour ses droits. La population est fatiguée… Toute jeune, quand je faisais mes petites recherches sur les Kurdes, animée par un besoin de savoir, c’était très naïf, cela relevait d’un besoin très simple. En Turquie, pour faire des choses très simples, on se retrouve à vivre des expériences très dures. Concernant les contre-pouvoirs, j’ai écrit sur les transformations de l’espace militant en Turquie et montré que même si en général, les structures sociales et politiques d’une société déterminent les actions de la population, même dans un contexte autoritaire où les structures sont très fermées, il peut surgir de l’imprévisible. L’histoire des luttes sociales en Turquie est très intéressante à cet égard car elles montrent que même dans un contexte fermé de haute répression, les mouvements contestataires peuvent se multiplier et construire de nouveaux modes d’action.

    Après le troisième coup d’Etat en 1980, le mouvement féministe a émergé en fustigeant l’image de la femme moderne portée par le militarisme de l’époque, la récupération et l’instrumentalisation du corps des femmes par le nationalisme. Mais elles critiquaient aussi le gauchisme patriarcal, et elles ont initié un nouveau cycle de contestation en Turquie. Dans leur sillage, à partir de mi-80, on a vu l’émergence du mouvement LGBT, des libertaires, des écologistes, des écologistes sociaux, et des antimilitaristes. Des mouvements très convergents qui ont construit un réseau militant assez large et difficile à contrôler par l’État.

    Dans un contexte de répression, la convergence inattendue de tous ces mouvements a contribué à des voyages de concepts et d’expériences, et dans chaque groupe, il y a eu des conflits internes, des recompositions, des transformations ; ils ont révolutionné la gauche turque par le bas. Cela a eu des effets politiques réels, avec la création du Parti démocratique des peuples, dans lequel se sont coalisés les Kurdes, les féministes, les Arméniens. Ils ont réussi à peser politiquement, même si la plupart ont été emprisonnés… Mais la résistance est là. Ce 25 novembre, les féministes ont occupé les rues, et notamment beaucoup de jeunes. Et je me dis que tant que je continue à résister, cela donne aussi du courage aux autres. Je suis consciente de cette responsabilité. De même, les emprisonnés continuent à dénoncer le gouvernement, ne cèdent pas, il y a des grèves de la faim, les modes opératoires sont multiples. Cette combativité est multiforme. Mais je suis tout de même inquiète, évidemment.

    Vous avez quitté la Turquie en 2009. Dans L’insolente, vous dites que l’exil, c’est perdre des repères. Depuis cet exil, avez-vous construit de nouveaux repères ?

    En 2009, j’ai d’abord été en Allemagne. J’avais une ressource militante et plusieurs cordes à mon arc : j’étais écrivain, militante multi-engagements, chercheuse, cela faisait différents réseaux à mobiliser. J’ai trouvé dans les autres pays mes camarades. Des camarades aux noms à consonance différente : français, allemands, italiens !

    Vous considérez-vous toujours comme une exilée ? Ou plutôt comme une nomade ?

    Je suis davantage une nomade. Les nomades ne voyagent pas pour faire du tourisme mais pour les besoins de la vie, notamment pour des nécessités économiques, et en allant et venant, ils créent leur « chez eux » dans ces routes, ils laissent des traces. Ce ne sont pas des routes au sens de Foucault lorsqu’il parle des fous au Moyen-âge et à la Renaissance, qui étaient bringuebalés, prisonniers d’une forme de circulation perpétuelle, à la manière des exilés aujourd’hui que l’on renvoie d’un pays à un autre… Cette circulation leur interdit de créer, de construire, parce que c’est une fuite perpétuelle, un voyage sans fin, qui est une forme de prison en plein air. Moi, je ne suis pas condamnée à circuler et à fuir, je fais mon chemin. Peut-être que dans quelques années, je déciderai que j’aurai assez voyagé, et que je préférerai m’installer. Mais c’est cette expérience du nomadisme qui m’a sauvée de de l’exil.

    Dans votre billet, vous évoquez cette formule de Virginia Woolf : « en tant que femme je ne désire pas de pays, mon pays c’est le monde entier ». Qu’est-ce que cette phrase signifie pour vous ?

    Pour illustrer cette phrase de Virginia Woolf, avec une grande coordination féministe européenne, nous essayons d’organiser une grande action contre les frontières, cette construction issues des guerres, virile, militariste, début juin [informations à venir dans le blog de Pinar Selek, ndlr]. Nous allons réunir des dizaines de milliers de féministes qui contestent la politique européenne des frontières, pour affirmer que cette politique ne peut être menée en notre nom. Les femmes exilées sont une part importante des migrant·e·s, elles sont victimes de violences terribles, et invisibilisées.

    Cela me rappelle votre billet « La manifestation des Lucioles », pour une action collective autour du délit de solidarité à Briançon. Vous y écriviez : « Je manifeste en tant que femme. Une catégorie sociale qui n’a pas contribué à tracer les frontières. Et chaque fois qu’on transgresse ces frontières, on taillade le patriarcat ».

    Oui, exactement !

    En tant que chercheuse, que vous inspirent les récentes attaques du gouvernement contre les chercheurs en sciences humaines et sociales (Macron qualifiant les universitaires de « sécessionnistes », par exemple), visant notamment ceux qui travaillent sur les minorités raciales ? Êtes-vous inquiète pour les libertés académiques en France ?

    Oui, je suis très inquiète, sur plusieurs points. Les dernières déclarations du gouvernement d’abord, auxquelles vous faites référence. Mais les universitaires sont répondu massivement, nous nous sommes mobilisés, on s’est positionnés, et je pense qu’ils ne peuvent pas nous avoir ! Avec la LPR, ils veulent détruire les postes qui donnent une autonomie aux chercheurs. C’est très dangereux pour l’avenir de la recherche. Enfin, la privatisation ! Quand tu veux trouver un fonds pour ta recherche, il faut chercher des fonds privés, et cela tue l’autonomie des chercheurs aussi.

    Evidemment, ce n’est pas comme en Turquie, je n’ai pas à cacher mes clés USB par peur qu’on vienne confisquer mes recherches, mais le fait que l’Université demeure un service public est une indispensable garantie de son autonomie. Ce n’est pas seulement l’Etat qui sape cette indépendance, mais aussi les pouvoirs économiques, et en cela, la libéralisation de la presse sous Mitterrand doit nous servir de leçon. C’est un nouveau type de centralisation économique qui va rendre les universités concurrentielles. Nous les professeurs, on n’est pas concurrents, on est complémentaires !

    Pourquoi êtes-vous devenue sociologue et en quoi la sociologie est-elle « une forme de savoir qui peut renforcer les autres », comme vous le dites dans L’insolente ?

    Je ne voulais pas être quelque chose, je voulais faire. « Être » quelque chose, ça nous limite. Mais j’ai choisi la sociologie parce que je me posais beaucoup de questions. J’étais dans un pays conflictuel, j’avais vécu, enfant, le coup d’Etat en 1980, vu les transformations du pays et je voulais comprendre. Pour ne pas céder, et peut-être aussi pour pouvoir changer ce pays. Les sciences sociales, c’est aussi une méthode pour penser collectivement, qui oblige à la clarté et à s’inscrire dans une discussion collective, assumer qu’on ne peut pas être neutre en examinant l’ordre social, qu’on a chacun nos oeillères en fonction de notre position de la société ; la sociologie oblige à dire par quelle fenêtre on regarde. Cette méthode a changé ma vie. De plus, en Turquie, le champ universitaire n’était pas un champ clos. Le même désir de compréhension et d’analyse animait les universités et les espaces dévolus aux luttes sociales. La sociologie était publique et non pas enfermée dans des murs épais, loin des luttes de terrain.

    Je suis heureuse de m’être emparée de ces outils qui m’aident aussi dans mon militantisme et pour construire une façon de vivre… Cela ne veut pas dire que lorsque j’arrose les fleurs ou que je fais l’amour, je le fais en sociologue ! Et c’est une façon d’analyser le monde social qui, bien que précieuse, n’est pas suffisante ; je crois au besoin de la pluridisciplinarité. Pour comprendre le monde qui m’entoure, j’ai aussi eu besoin notamment de la littérature et de la philosophie. Besoin de Jean Genet, Deleuze, Virginia Woolf, Camille Claudel…

    Dans vos écrits et vos luttes, vous tissez et dévoilez le lien entre les oppressions sociales et la domination du vivant. Vous définissez-vous comme écoféministe ? Comment féminisme et écologie s’entremêlent-ils ?

    Notre relation avec les autres vivants structure l’entièreté des rapports sociaux de domination, et c’est là ce qui relie l’exploitation du vivant et les luttes contre l’oppression des femmes. Notre civilisation s’est trouvée une légitimité à tuer et exploiter massivement d’autres êtres, qui sont sans voix et sans droits. Le discours qui accompagne cela, selon lequel ces êtres sont moins « civilisés », moins intelligents, explique aussi comment on traite les exilés. Les hommes en tirent un blanc-seing pour exploiter le vivant de la dichotomie entre nature et rationalité, nature et culture. Les animaux existent pour nous. Sans repenser complètement ce mécanisme, on ne peut pas modifier radicalement notre civilisation.

    Moi, je ne me dis pas « humaniste ». Ça veut dire quoi humain ? L’humain a fait beaucoup de dégâts et de mal à ses pairs. C’est un mot qui occulte tous ses crimes. Je me sens attachée aux luttes de libération des animaux, parce que tout notre système de domination part de là. Qu’ils soient plus faibles et non organisés ne doit pas justifier qu’on régule leur vie et leur mort. L’écoféminisme est important pour moi, comme en témoigne mon dernier roman, Fourmis fêtardes (qui n’est pas encore traduit en Français), qui se passe à Nice et met en scène un mouvement de libération des chiens. Ecrire ce livre a été une expérience transformatrice pour moi. Il est peuplé d’exilés et de nomades, et j’y ai créé mon univers.

    J’ai découvert récemment un réseau écoféministe de paysannes dans les Pyrénées, qui construisent un lieu d’accueil, une sorte de refuge pour les femmes. J’étais avec elles cet été — et ça aussi, c’est aussi une manière de créer des repères ! —. Ces collectifs et ces lieux, je les trouve grâce au réseau du journal Silence, journal écologiste social, féministe, antimilitariste, qui essaie de faire converger ces luttes. Je ne me définis pas seulement comme écoféministe. Je suis aussi féministe antimilitariste, féministe libertaire…

    Dans L’insolente, vous racontez qu’en 1998, vos co-détenues ont passé des jours à vous masser tout le corps après vos deux semaines de torture. Elles vous ont aidé à aller mieux et vous ont rafistolé. Est-ce que c’est une expérience de sororité qui a compté dans la construction de votre féminisme ?

    Tout à fait ! Changer les structures, changer les lois, c’est une grande part des luttes. Mais nous devons nous renforcer entre nous, façonner ensemble une autre façon de vivre. Le soutien entre femmes dans cet épisode de ma vie, cela touche à l’intime, au corps, et c’est incroyablement concret. Quand tu vis une expérience comme celle-là, que tu vis cette solidarité avec toutes les cellules de ton corps, tu te transformes très intimement, tu évolues ! Tu te renforces comme par une sorte de magie. Sans l’amitié, la solidarité, la sororité, aucun système politique ne tient. Mais c’est aussi le bonheur qui commence avec ces expériences intimes. Quand j’apprends à cicatriser, à soigner une blessure grâce à une amie, c’est une expérience très vraie et politique. Symétriquement, quand j’aide une autre personne, son corps devient en quelques sortes le mien, une connexion entre les corps se crée, et au cœur de l’expérience de solidarité, c’est aussi mon corps qui se renforce. C’est ainsi qu’on peut saisir et vivre la lutte dans toute sa profondeur.

    Votre conception du féminisme a donc pris forme, notamment, grâce à des expériences de l’intime et du soin.

    Oui. La phrase bien connue « le privé est politique » m’a changé la vie. Evidemment, d’abord parce que les dominations se déroulent dans le privé, touchent à la sexualité et aux identités sexuelles [Pinar Selek combat aussi l’hétéronormativité, ndlr] ; mais aussi parce que les féministes ont montré les liens invisibles entre les choses du quotidien et ce qui est structurel dans la société, entre le privé et le public. Une fois que l’on a compris où se jouent les processus de domination, on peut créer de nouvelles formes d’existence, de nouveaux liens avec les autres êtres et avec le vivant. La vraie question est : comment s’épanouir et avoir des relations avec les autres êtres qui sont belles ? comment les rendre libérées de l’ordre social, enlever nos uniformes ?

    Le bonheur, c’est quelque chose que vous revendiquez. En quoi le bonheur fait-il intrinsèquement partie de la lutte, qui est souvent vue comme quelque chose de sérieux ?

    C’est parfois difficile d’exprimer cette idée dans les collectifs militants. Ici, en France, on parle surtout de liberté et pas de bonheur. Moi, je veux être libre (je suis libertaire !) et heureuse. Ce qui anime mes luttes, c’est de se sentir bien, tout simplement. Épanouie. La liberté, c’est cela aussi. En Turquie, où la religion prend une place importante, un jour, une femme voilée a pris la parole à nos réunions féministes pour dire qu’à la mosquée, on lui parlait d’elle et de son bonheur, alors que dans cet espace militant, on ne parlait que des actions à mener et des lois qu’il faudrait changer… Elle touchait un point important. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut faire comme les religions, mais celles-ci répondent à des questions existentielles ; et les luttes, et leurs objectifs, oublient parfois la complexité de la vie et de nos besoins en tant qu’êtres humains. Vouloir être heureuse, cela fait partie de moi. Je suis multidimensionnelle. Mais c’est très simple : je suis déterminée dans mes luttes, et ça me renforce aussi. Je veux être libre et heureuse, et mon bonheur passe aussi par le fait que les autres ne souffrent pas.

    https://blogs.mediapart.fr/edition/lhebdo-du-club/article/101220/hebdo-95-savoir-lutter-poetiser-entretien-avec-pinar-selek

    #torture #harcèlement_judiciaire #condamnation #nomadisme #lucioles #fourmis #féminisme #poésie #poétique_des_luttes #oppressions #toutes_aux_frontières #résistance

    • La manifestation des Lucioles à #Briançon

      A Briançon, j’ai participé à une action collective autour des « 7 de Briançon », condamnés pour délit de solidarité et ayant reçu le prix suisse des droits humains « Alpes ouvertes » 2019. Nous avons bravé ensemble les frontières, les fascismes, les violences.

      Je viens de rentrer de Briançon, de ce territoire frontalier dans lequel se matérialisent les politiques migratoires façonnées par les rapports de domination de sexe, de race et de classe. Dans ces territoires, la criminalisation de la mobilité des opprimé.es se traduit par des corps glacés, des corps morts, des corps qui ne rêvent plus, ou bien par des réseaux criminels qui recrutent des esclaves sans protection, sans droit, au sein de l’Europe occidentale. Bien sûr que cette violence ne peut pas être mise en place sans la criminalisation de la solidarité. A Nice où j’habite, je passe mon temps devant les tribunaux, pour être solidaire avec d’autres solidaires poursuivis pour « délit de la solidarité ». Et à Briançon, j’ai participé à une action collective autour des "7 de Briançon" condamnés pour délit de solidarité. Nous avons bravé ensemble les frontières, les forteresses, les fascismes, les violences.

      Le prix suisse des droits humains "Alpes ouvertes" 2019 () est remis aux "7 de Briançon" en signe de reconnaissance et de remerciement pour leur engagement courageux dans le sauvetage de réfugié·es en montagne et dans la dénonciation des actes racistes et xénophobes. La remise de ce prix par le "Cercle d’Amis Cornelius Koch" et le Forum Civique Européen était organisée comme une action historique, émouvante, très émouvante. Nous étions une centaine devant les locaux de la police, à la frontière franco-italienne, à Montgenèvre, Police de l’air et des frontières (PAF) qui est devenue plus célèbre que les pistes de ski…Malgré le froid, nous y sommes restés quelques heures, pour la remise des prix, pour prendre la parole, pour manifester. Un an après la manifestation anti-génération identitaire qui avait déclenché les arrestations puis le jugement des 7 de Briançon. Ensuite nous sommes allés un peu plus loin, où on avait trouvé le corps glacé de Tamimou Dherman qui venait du Togo, espérant une vie meilleure. Le 7 février 2019 son corps ne rêvait plus. Notre manifestation a continué par de multiples formes, pour dire que nous ne nous habituerons pas à la mort de Tamimou, ni aux condamnations des solidaires. Nous ne nous habituerons pas à ce monde triste.

      J’ai pris la parole à la frontière et j’ai dit ceci :

      « La planète tourne. Sur cette planète, il y a une lutte infernale entre deux mondes. Le monde des oppresseurs, des dominants et le monde des lucioles qui ne veulent pas être esclaves. Maintenant, ici, nous sommes un tout petit point d’un de ces deux mondes, celui des lucioles. Celui qui se construit en permanence. Nous sommes un tout petit point de cette construction permanente.

      Je suis ici en tant que militante, en tant que réfugiée et en tant que femme.

      Je prends la parole en tant que militante qui appartient à ce fameux monde des lucioles qui n’acceptent pas ce monde injuste, qui n’acceptent pas l’horreur et qui résistent. Qui défendent et qui créent la vie, la beauté, la poésie. Qui prennent leurs lumières de leurs rêves et qui éclairent quand il fait nuit.

      Je marche avec vous en tant qu’exilée qui a vécu des difficultés, qui est passée de l’autre côté des frontières, mais aussi de l’autre côté de la relation : de solidaire à victime. Grâce à cette expérience, j’ai découvert avec joie que les dominants n’ont pas réussi à pourrir la société et qu’il y a beaucoup de femmes et d’hommes libres et beaux.

      Je manifeste en tant que femme. Une catégorie sociale qui n’a pas contribué à tracer les frontières. Et chaque fois qu’on transgresse ces frontières, on taillade le patriarcat.

      En tant que militante, en tant que réfugiée, en tant que femme, je vous remercie pour avoir transgressé ces frontières et je remercie le "Cercle d’Amis Cornelius Koch" et le Forum Civique Européen de partager les coups. La solidarité est une des bases du monde que nous construisons. Ceux qui nous imposent leur ordre, ont les armes, les prisons, l’argent. Mais ils n’arrivent pas à nous mettre en ordre. Ils mobilisent donc le fascisme avec ses nouvelles couleurs. La conception « Plutôt Hitler que le Front populaire » s’est transformée, aujourd’hui, en « Plutôt les identitaires que les solidaires ». La réponse des Lucioles est courte : « No passaran ».

      Les lucioles dépassent les frontières. Les frontières des prisons, des nations, des Etats, de l’Ordre. Elles se rencontrent, s’aident à passer les frontières, discutent, réfléchissent, agissent et chantent ensemble. Ces lucioles se croisent et se recroisent dans différents coins de la planète. Elles se reconnaissent, elles se donnent, elles s’épaulent… Comme maintenant.

      Par nos actions, nous contribuons à la construction d’une contre-culture basée sur la solidarité, la liberté et la justice. Et ce, au cœur du néo-libéralisme sauvage.

      A cette frontière franco-italienne, un italien, deux suisses, quatre français se retrouvent dans la solidarité avec des Africains. D’autres personnes, italiennes, turques, érythréennes, suisses, allemandes, des autrichiens prennent le relais… Vous voyez, les frontières de l’ancien monde s’effondrent.

      La camisole se découd. On y est presque ».

      () Le prix suisse des droits humains "Alpes ouvertes", instauré par Cornelius Koch, l’abbé suisse des réfugié·es (1940-2001)*, est décerné à des personnes et à des groupes engagés activement pour les droits des réfugié·es, des migrant·es, des personnes socialement défavorisées et des minorités menacées en Europe.

      https://blogs.mediapart.fr/pinar-selek/blog/260419/la-manifestation-des-lucioles-briancon
      #frontière_sud-alpine

    • #Toutes_aux_frontières ! Appel à une action féministe à #Nice

      Venez, venez avec vos cerfs-volants à Nice, le 5 juin pour participer à notre belle action féministe transnationale ! Pour contester ensemble les politiques européennes de la criminalisation de la migration ! Préparez vos cerfs-volants, vos danses, vos chansons pour dire que « en tant que féministes, nous n’acceptons pas les frontières ». Venez à Nice le 5 juin 2021...

      TOUTES AUX FRONTIERES !

      APPEL A UNE ACTION FEMINISTE EUROPEENNE A NICE

      Venez, venez avec vos cerfs-volants à Nice, le 5 juin pour participer à une action féministe transnationale ! Pour contester ensemble les politiques européennes de criminalisation de la migration ! Préparez vos cerfs-volants de multiples formes et de couleurs, pour les faire voler ensemble à Nice, pour dire que « en tant que féministes nous n’acceptons pas les frontières ». Préparez vos danses, vos chansons pour chanter et danser avec des dizaines de milliers de féministes, contre la criminalisation des migrations ! Venez à Nice le 5 juin 2021, pour contribuer à l’expression féministe transnationale dont ce monde triste a tant besoin !!!

      Depuis 2015, la politique européenne de fermeture des frontières a été renforcée et la migration d’autant plus criminalisée. L’espace Schengen ne cesse de renforcer un arsenal répressif à l’égard des personnes contraintes à l’exil. La fermeture des frontières ne fait que développer les économies mafieuses dans lesquelles s’articulent toutes formes de violences faites aux exilé.es. Ces politiques de criminalisation de la mobilité pèsent particulièrement sur les femmes, qui représentent 54% des migrant.e.s en Europe, ainsi que sur les lesbiennes et les personnes trans. Durant sa trajectoire migratoire, toute personne non conforme à l’ordre patriarcal est cible des violences sexistes. Il est grand temps de déployer nos forces pour rendre visible ce qui ne l’est pas.

      Nous, féministes habitantes de l’Europe, de toutes les conditions sociales et de tous les âges, quelles que soient nos provenances, nos choix, nos mondes… nous élevons nos voix pour dire « Non ! Vous ne nous représentez pas… Ces politiques ne peuvent être menées en notre nom ! Nous ne voulons plus de vos murailles qui nous entourent ! Non ! Pas en notre nom ! » Parce que, comme disait Virginia Wolf, femme de lettre féministe « En tant que femme je n’ai pas de pays. En tant que femme je ne désire aucun pays. Mon pays à moi, femme, c’est le monde entier ». Parce que les frontières politiques sont une construction virile et militariste, issues des guerres, des violences, des morts.

      Pour rompre avec cette histoire militariste et patriarcale, nous organisons, le 5 juin 2021, une grande action féministe transnationale à Nice, ville stratégique pour la gestion de la frontière Vintimille-Menton. Dans ce lieu symbolique, nous, féministes de tous les pays européens, manifesterons ensemble car les politiques migratoires se font à l’échelle européenne : c’est aussi à cette échelle que nous ripostons.

      Des événements culturels accompagneront notre manifestation, organisée et représentée par des féministes, femmes, lesbiennes, personnes trans. Toute personne est bienvenue pour participer, pour contribuer, pour aider à la logistique et nous soutenir dans cette démarche émancipatrice.

      A l’issue de la rencontre féministe européenne « Femmes, migrations, refuges », du 27 au 29 septembre 2019 à Genève, à l’initiative de la Marche Mondiale des Femmes / Suisse, pas moins de 263 militantes s’étaient retrouvées pour donner corps à un réseau européen féministe de résistances. Ensuite, le réseau s’est élargi et a renforcé notre détermination. Nous vous invitons à nous rejoindre et à enrichir notre belle action. Avec votre présence, votre parole, votre créativité…

      Nos différentes positions, sources d’influences, sensibilités féministes ne sauraient être un frein à nos convergences autour de cette action collective qui se fera dans la plus grande transparence.

      Souhaitez-vous faire partie de l’organisation ? Pourriez-vous apporter un soutien officiel ? Un soutien financier ? Pourriez-vous créer des collectifs locaux pour coorganiser cette action et préparer vos venues, proposer des activités de toutes sortes : créer, penser, chanter, danser le monde comme nous le rêvons ?

      https://blogs.mediapart.fr/pinar-selek/blog/160121/toutes-aux-frontieres-appel-une-action-feministe-nice#at_medium=cust
      #féminisme

    • Les clients sont des hommes qui ont un regard sur les femmes qui les transforment en animaux de ferme. Vous pouvez le voir assez bien dans des phrases comme : « Je ne suis pas obligé d’acheter la vache entière si je veux un peu de lait ». Les clients comparent aussi volontiers les prostituées à la nourriture / aux biens de consommation : « À la maison, il y a toujours de la soupe aux pois, je veux juste des fois du rôti de porc » ou « C’est très bien de toujours conduire une Opel, mais de temps en temps, on s’autorise aussi à avoir quelque chose de plus spécial ».
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      Selon les statistiques qu’on évoque, en Allemagne, soit un homme sur cinq va voir les prostituées, soit trois hommes sur quatre. On peut calculer que chaque jour (!) un à 1,2 million d’hommes se rendent dans les maisons closes allemandes. Ne sont pas inclus les hommes qui regardent la prostitution filmée (= pornographie). Parce qu’ils sont bien des clients quelque part.

      #domination #torture #viol #culture_du_viol #prostitution #putier #male_gaze #masculinité

  • Le tonneau d’infamie.
    En feuilletant un ouvrage consacré à la tonnellerie je tombe sur ce supplice semble-t-il réservé au femmes


    Ça m’a fait repensé au billet de @mad_meg à propos de ces femmes enfermées dans des constructions leur permettant à peine de bouger.
    #femmes #torture

  • Des #violences_policières qui confinent à la #torture au commissariat du 19e arrondissement. Témoignages de quelques gardés à vue qui racontent leur "saison en enfer".

    Des gardés à vue dénoncent « des actes de torture » au commissariat du 19ème arrondissement | StreetPress
    https://www.streetpress.com/sujet/1605124303-police-actes-torture-commissariat-19eme-paris

    En 2013, déjà, StreetPress racontait le passage à tabac d’un collégien dans ce même commissariat. Il avait eu le bras cassé. Au fil des années, plusieurs autres articles de presse ont documenté les violences de certains fonctionnaires de cet arrondissement. Et en 2018, deux policiers (identifiés grâce à des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux) ont été condamnés pour des violences commises sur des lycéens de Bergson. Plus récemment Yann Manzi, témoignait auprès de Konbini d’une scène d’une grande violence commise le 1er septembre au sein du commissariat toujours, mais en journée. C’est aussi au sein de ce comico que le journaliste Valentin Gendrot a mené une infiltration. Dans son livre, Flic, publié aux éditions Gouttes d’Or, il raconte plusieurs violences policières. Son témoignage, largement relayé, a déclenché l’ouverture d’une enquête confiée à l’IGPN.

    Mediapart publie ce jeudi 12 novembre, des enregistrements qu’il a réalisés pendant ces six mois sous couverture. Ce jeudi 12 novembre, Valentin Gendrot et le journaliste David Dufresne sont également auditionnés à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la commission d’enquête parlementaire « relative à l’état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l’ordre ». Les révélations de StreetPress devraient nourrir utilement les débats.

    Contacté par StreetPress, le parquet de Paris confirme que des enquêtes ont été ouvertes à la suite de la publications du livre de Valentin Gendrot et du témoignage de Yann Manzi, révélé par Konbini. Les investigations sont en cours et sont couvertes par le secret. Le parquet n’avait pas encore répondu à nos questions relatives aux autres procédures évoquées dans cet article, au moment de la publication.

    Voir aussi : https://seenthis.net/messages/886245

  • Procès de la torture en Syrie : les dossiers "César" pour la première fois devant une cour
    https://www.justiceinfo.net/fr/tribunaux/tribunaux-nationaux/45961-proces-torture-syrie-dossiers-cesar-premiere-devant-cour.html

    La semaine dernière à Coblence, le célèbre dossier « César » a été présenté comme élément de preuve devant un tribunal, pour la première fois. Un expert médico-légal a témoigné dans le procès Al-Khatib, qui a analysé les cadavres photographiés sur plus de 50 000 clichés. Sa conclusion : la torture et les meurtres étaient systématiques dans tous les centres de détention des services de renseignement.

    « Compression de la gorge », « état nutritionnel affaibli », « blessures non compatibles avec le maintien en vie », les mots de l’expert médico-légal résonnent comme des abstractions. Mais les images ramènent à la réalité. Corps après corps, la projection s’enchaîne sur le mur de la salle d’audience. Certains sont minces comme des squelettes, d’autres ont des blessures ouvertes. Un corps est entièrement bleu, tandis que d’autres (...)

    #Tribunaux_nationaux

  • Un général accusé d’avoir couvert des actes de torture brigue la présidence d’Interpol | Mediacités

    Inspecteur général de la police des #ÉmiratsArabesUnis, #AhmedNasserAl-Raisi est, pour le moment, le seul candidat connu à la tête de l’agence mondiale basée à #Lyon. Deux britanniques, dont l’un a accepté de témoigner pour #Mediacités, l’accusent d’avoir fermé les yeux sur des actes de torture dont ils disent avoir été victimes.

    https://www.mediacites.fr/enquete/lyon/2020/11/10/un-general-accuse-davoir-couvert-des-actes-de-torture-brigue-la-presidenc

    #interpol #police

  • #Eyal_Weizman. The Architecture of Memory

    Nick Axel How has 3Forensic_Architecture ’s work with witnesses evolved over the years?

    Eyal Weizman In our first experiments, we were inspired by Harun Farocki’s work such as Serious Games (2009–2010) to take witnesses through a set of immersive experiences, back through the “scene of the crime,” so to speak. This was an attempt to open up, even critique, the over-reliance on both the spoken word and text within what came to be called “the era of the witness.” We wanted to show that communication is also based on gesture, on movement, and on mental-spatial navigation. When we reflected on a number of our experiments with forensic psychologists, we learnt of an important distinction. Memory always shifts between what psychologists call egocentric and allocentric perspectives. An egocentric perspective is a situated view—you remember a scene as you experienced it at eye level—while allocentric perspective allows you to see yourself from the outside—your relation to other things that are behind you or around corners.

    NA How does the experience of trauma relate to these different types of perspective?

    EW Trauma is a moment where those two perspectives, the egocentric and the allocentric, diverge or collide. Part of trauma therapy is about allowing victims to navigate between the egocentric and the allocentric: the reconstruction of their experience—what they saw, what they heard, what they smelled, what they felt—and an understanding of the spaces and the actors that conditioned it. It allows them to gain a more comprehensive understanding of what happened.

    NA In a number of your cases, the way victims were able to express their testimonies is not through words, but with a pen. What is it like to work with people who have gone through such traumatic experiences, and what role does drawing have in your ability to elucidate their experiences?

    EW Trauma often causes an understanding of a particular situated experience to be lost. This means that as the interviewer, in the early stages of an interview, you need to be tuned both to understanding the descriptions you are being told and also to the potential errors within it. Errors are information in their own right. In one of the interviews we undertook in relation to the Saydnaya project, a witness that was beaten in a straight corridor remembered it to have been a spherical space, with all the cells looking at them. This difference in memory allows us to understand something about the experience of total incarceration. It’s a paradox, but errors confirm, to a certain extent, the fact of an intense experience. The more intense the experience has been, the more frequent memory errors are. An error is sometimes more truthful than a faithful cartesian description.

    NA How can you tell what is an error and what isn’t?

    EW In some situations we know because of other sources of information, such as other testimonies, photographs of the space, or videos of the incident, but in others we don’t. In these cases, we need to constitute a relation between an egocentric perspective and an allocentric map of the environment. In order to do this, we often start our interviews with a plan, with an allocentric view, and ask the witness, “What was your understanding at the time of how the scene was laid out?” In a sketch, or a series of sketches, the witness is asked to locate themselves in relation to objects, spaces, and actors. Then, working slowly together with the witness, we extrude the plan, which allows the eye level to be lowered, and for an egocentric perspective to be taken. Dimensions don’t need to be exact, because the witness already has that space in their memories. Then there’s a circular process of negotiation in which memory incrementally starts building, detailing, refining the space, and at the same time, the space starts elucidating the memory. This is a crucial moment and its very volatile. It has much potential, but also involves great risks. We do not want to create secondary memories; we don’t want the memory of the reenactment to become mixed with and distort the original memory. But in this process, in this constant search for memory, things slowly get aligned.

    NA Do you think this leads to a new understanding of architecture, or of space?

    EW As an architect, we often draw the outline or the contour of buildings, then we divide them internally; we work from the outside-in. The process of incarceration makes one experience and measure architecture from the inside-out. I remember former prisoners speaking about the actual pattern of stones within a terrazzo tile. From there they were able to determine the dimension of this floor tile, and from the floor tile, by counting how many there are, the size of the cell. Then, they may try to understand how many cells there are in a corridor by the measuring the distance of shouts, the footsteps they hear, or echoes. Once you start drawing the plan from the inside-out, you never really stop. You certainly don’t stop at the edge of the building. You start thinking, how far away are you from where you were arrested, or from your family? How far are you from a border, and in case of a war, from the forces that may come to liberate you? You build the world around the detail you experience, and this allows you to position yourself within that world and orient yourself.

    NA These models that you build are much more than just an architectural model. How do you, or how do the people you make them with, understand them?

    EW Many of the people we speak with carry trauma with them. The models we’ve built with these witnesses, from their memories, allow them often to externalize what is otherwise and sometimes inaccessibly in their heads. They can see themselves. They can study the building as if from the outside. The models allow people to say “now that you have created this model, I can start to forget.”

    https://www.e-flux.com/architecture/confinement/357171/the-architecture-of-memory
    #mémoire #architecture_forensique #Harun_Farocki #traumatisme #prison #emprisonnement #architecture #Saydnaya #torture #Syrie

    via @isskein et @mobileborders

    • En 2004, dans Vivre Ensemble, on parlait déjà de ORS...
      Abri PC du #Jaun Pass :

      La logique de la dissuasion

      Le régime d’aide d’urgence imposé aux personnes frappées de non-entrée en matière (NEM) vise à déshumaniser l’individu. Tout est fait pour leur rendre le séjour invivable et les pousser à disparaître dans la clandestinité, comme le montrent les exemples ci-dessous relevés en Suisse allemande, où les personnes frappées de NEM et les requérants déboutés de la procédure d’asile sont placés dans des « centres d’urgence » ou « centres minimaux » (Minimalzentren). Petit tour des lieux dans les cantons de Berne et Soleure.

      Le canton de Berne, pionnier en la matière, avait déjà concrétisé le principe d’assignation à un territoire (art. 13e LSEE) bien avant l’entrée en vigueur de la loi au 1er janvier 2007, en ouvrant deux centres d’urgence, l’un sur le col du Jaun en juin 2004 et l’autre qui lui a succédé en 2005, sur l’alpage du Stafelalp : « Si notre choix s’est porté sur le Col du Jaun », expliquait la Cheffe de l’Office de la population lors d’une conférence de presse le 7 juin 2004, c’est notamment parce que cette solution « (…) n’incite pas à s’attarder en Suisse. » Et que : « D’autres personnes vont l’utiliser également. Il s’agit de personnes qui ont activement empêché leur renvoi ou qui dissimulent leur identité et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une décision de refus d’entrer en matière… ».

      L’abri PC du Jaun

      Un des journalistes présents le décrit ainsi dans le Journal du Jura du 8 juin 2004 :

      « A l’extérieur, des grillages ont été installés afin que le lieu soit un peu isolé, et pour protéger les requérants d’éventuels importuns. (…) Les gens sont répartis dans des chambres de quatre à douze personnes (…) les requérants ne touchent pas d’argent liquide, mais des prestations en nature. Ce sont des bons qu’ils peuvent échanger contre de la marchandise au kiosque tenu par l’ORS (Organisation pour mandats spéciaux et en régie SA) qui gère le centre (…) ».

      Très peu de requérants s’y rendirent ; d’autres s’enfuirent, telle une mère avec une petite fille de deux ans qui vint chercher de l’aide à… Soleure ! Une jeune femme fut hospitalisée, suite à une grève de la faim.

      Sur l’alpage

      A l’abri de protection civile du col du Jaun fermé en novembre 2004, succéda le centre d’urgence du Stafelalp. En 2005, les NEM et d’autres personnes désignées comme des « NIKOS », abréviation de « Nichtkooperativ », ont été logés dans une ancienne colonie de vacances isolée, située sur l’alpage de Stafelalp. Dans ce centre, comme auparavant dans celui du Jaun, les requérants ont été cantonnés dans un périmètre de 2 km autour du centre, avec interdiction formelle de franchir ces « frontières ». Le centre de Stafelalp plus fréquenté que celui du Jaun était considéré comme « trop attractif » pour les autorités, et la durée moyenne de séjour des NEM (52 jours) trop longue. Il fallait trouver autre chose.

      En janvier 2006, le centre fut fermé et les NEM ont été réintégrés dans un centre de transit. Ils ne touchent pas d’argent mais ont droit à trois repas par jour. Ils s’y déplacent plus librement, du moins à pied. Mais le fait qu’ils ne disposent d’aucun pécule pour payer les transports publics restreint leur liberté de mouvement aux alentours et dans la commune de Lyss où est situé le centre.

      Soleure ne fait pas mieux

      Depuis mai 2006 (auparavant ils bénéficiaient d’aide en espèce et aucun hébergement n’avait été mis à leur disposition), les « NEM » soleurois sont logés dans le centre d’accueil pour requérants d’asile situé sur la montagne du Balmberg, mais ils n’y sont pas nourris. Ils y touchent 8 fr. par jour pour leur entretien, versés sur place tous les jeudis par le responsable du centre. Le contrôle de présence est journalier et ceux qui s’absentent perdent leur pécule pour les jours d’absence, voire leur droit à l’hébergement en cas de récidive. Les occupants n’ont pas le droit d’y accueillir des amis pour la nuit. Le visiteur externe doit demander une autorisation au responsable (qui lui est parfois refusée sous divers prétexte) pour y entrer.

      Là-haut sur la montagne !

      Le lieu est isolé. On y trouve trois téléskis et un restaurant, mais aucun magasin, si bien que les requérants frappés de NEM sont obligés d’utiliser l’autobus circulant de Soleure au Balmberg (prix du billet aller et retour : 11 fr.!) pour faire leurs achats et se procurer le nécessaire. Si les requérants d’asile encore en procédure, également logés dans ce centre, bénéficient de tickets de bus gratuits, ce n’est pas le cas des personnes frappées d’une NEM. Ils n’ont le droit de consulter un médecin qu’en cas d’urgence et c’est un des responsables du centre, sans formation médicale, qui prend la décision. Depuis quelques mois, les NEM doivent débourser quelques centimes pour des comprimés : antidouleurs, aspirine etc. (obtenus gratuitement auparavant) distribués sur place par le préposé à la pharmacie.

      Une stratégie efficace

      Le régime drastique, l’isolement et le nombre de descentes de police qui les terrorisent fait qu’au bout de quelques semaines, les NEM soleurois « disparaissent » dans la clandestinité. La méthode, il faut le reconnaître, est efficace et la stratégie de découragement sur laquelle l’Office des réfugiés (actuellement l’Office fédéral des migrations) avait misé dans un rapport de mars 2000 pour se débarrasser des indésirables, a l’air de se réaliser. Les six NEM qui sont encore au Balmberg ne pèsent pas lourd, en regard des centaines de ces « disparus volontaires », soumis dans les centres d’urgence « à une pression psychique insupportable » au point qu’ils ont préféré la clandestinité. Beau résultat pour un pays qui se vante d’être un Etat de droit.

      https://asile.ch/2007/02/05/suisse-allemandecentres-d%e2%80%99urgence-pour-nemla-logique-de-la-dissuasion

    • RTS | Des voix s’élèvent contre la prise en charge des migrants par des entreprises privées

      Amnesty International dénonce la situation dans le centre de migrants de Traiskirchen en #Autriche. L’organisation pointe du doigt la surpopulation et les conditions d’hygiène déplorables qui y règnent. Or ce centre est géré par la filiale autrichienne de l’entreprise privée zurichoise ORS. Une nouvelle qui relance le débat sur l’encadrement des requérants par des privés.

      https://seenthis.net/messages/402089

    • The Corporate Greed of Strangers
      –-> ORS Service AG in Austria and Switzerland

      Other international players like the Swiss company ORS Service AG are also expanding into Germany. ORS in 2015 had five reception centres in Munich.

      ORS Service is based in Zurich in Switzerland and was set up as a private company to work with the Swiss federal government from 1991 to house asylum seekers. For twenty years, through to 2011, although the contract should have been retendered every five years the Swiss government did not put the contract out to tender.

      In 2011 ORS Service outbid European Homecare for the federal contract in Austria for reception centres under the responsibility of the ministry of interior. By the end of 2014, they were providing twelve reception centres including tent camps in Salzburg and Linz and being paid around 22 million euros by the federal government. ORS runs Austria’s main initial reception centre in the town of Traiskirchen, near Vienna, which was designed for around 1700 refugees. By the summer of 2015 over 3,000 refugees were living there, Amnesty International called the ORS camp ‘shameful’, with 1,500 people forced to sleep outside on lawns and nearby roads.

      On its home territory ORS Service works in partnership with the Swiss Securitas private security company in delivering a very controversial reception and accommodation policy which has included remote locations and housing asylum seekers underground in wartime military bunkers. Reception and detention policies have been influenced by Swiss politics which over the past few years have been dominated by the anti-immigrant Swiss People’s Party (UDC) which has become the largest party at the federal level. Currently refugees arriving in Switzerland have to turn over to the state any assets worth more than 1,000 Swiss francs (£690) to help pay for their upkeep, a practice that has drawn sharp rebukes for Denmark.

      https://seenthis.net/messages/465487

    • Quand l’accueil des personnes en exil devient un bizness

      A l’origine, il s’agit d’une agence d’intérim lausannoise créée en 1977 nommée ORS Services SA. En 1992, la société devient ORS Service AG et déménage à Zurich. En 2005, le fondateur de l’entreprise la revend à #Argos_Soditic qui la revend à #Invision en 2009, qui finalement la revend à #Equistone en 2013. Equistone Partners Europe est un fond d’investissement international avec des antennes dans 4 pays européens. ORS déclare un chiffre d’affaires de 65 millions de francs suisses pour 2014, essentiellement en provenance de fonds publics. Selon plusieurs médias, celui-ci atteint 85 millions en 2015 mais son bénéfice n’a jamais été divulgué. Alors quand Claude Gumy, directeur opérationnel à Fribourg dit dans le journal Le Temps « Notre but n’est pas de gagner de l’argent pour le compte d’investisseurs. Nous nous occupons avant tout d’êtres humains », de qui se moque-t-il ? Pour faire des économies l’État suisse délègue la gestion de « l’accueil » a des investisseurs qui après avoir spéculé sur les marchandises et dépouillé les pays pauvres spéculent sur les flux migratoires qu’ils ont ainsi engendrés. Leur entreprise est d’ailleurs réputée pour sa collaboration inconditionnelle avec les services étatique et la police dont les pratiques répressives ne font aucun doute.

      https://seenthis.net/messages/573420

    • Gestion de l’asile | ORS Fribourg : Quand l’État fait la sourde oreille. Business is Business ?

      Pour faire la lumière sur les agissements d’ORS, le mouvement solidaritéS et le collectif Droit de rester ont rédigé un rapport d’une trentaine de pages. Il recense les témoignages de quelques dizaines de personnes : usagèr.e.s d’ORS, bénévoles et travailleurs/euse sociaux/ales. Le groupe s’est confronté à la réticence de certain.e.s témoins potentiels. ORS interdit à ses employé.e.s de parler de l’entreprise à des personnes externes, sous peine de sanctions, même après la fin du contrat.

      https://seenthis.net/messages/786789
      #rapport

    • ODAE-romand | L’envers du décor dans les centres fédéraux

      Une demandeuse d’asile a passé près de six mois dans les CFA de #Zurich, #Boudry et de #Giffers. Dans le bulletin d’Augenauf de novembre 2020, elle raconte les #conditions_de_vie, les #brimades, #vexations et #violences quotidiennes qu’elle y a vécues. L’ODAE romand en publie quelques extraits.

      https://seenthis.net/messages/893672

      Texte original publié par Augenauf (en allemand) :
      https://www.augenauf.ch/images/BulletinProv/Bulletin_106_Nov2020.pdf

    • Lettre ouverte au SEM - Droits humains gravement violés au Centre Fédéral d’Asile de #Boudry : peut-on encore parler d’un centre “d’asile” ?

      Chères et chers journalistes et sympathisant·es,

      Vous trouverez ci-dessous une lettre ouverte que nous avons adressée ce jour au Secrétariat d’Etat aux Migrations, à travers Messieurs Mario Gattiker, Secrétaire d’Etat, et Pierre-Alain Ruffieux, responsable asile pour la Suisse romande. Elle a également été envoyée à Monsieur Jean-Nathanaël Karakash, conseiller d’Etat neuchâtelois en charge du Département de l’Economie et de l’Action Sociale.
      Droits humains gravement violés au Centre Fédéral d’Asile de Boudry : peut-on encore parler d’un centre “d’asile” ?

      –---

      Nous dénonçons depuis longtemps des situations inhumaines au Centre Fédéral d’Asile (CFA) de Boudry (NE)[1], mais les cas de réfugié·es subissant de #mauvais_traitements - le mot est faible - s’accroît de façon préoccupante. Ce qui se passe depuis plusieurs mois maintenant est intolérable et ne peut rester sans réaction de notre part.

      Selon nos informations et observations, nous ne sommes pas face à des cas isolés, mais devant un véritable #système_punitif, qui va au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. #Abus_de_pouvoir de certain·es agent·es de sécurité de l’entreprise #Protectas, #mépris et #comportements_racistes qui créent un climat de #peur et poussent à bout certain·es habitant·es du Centre. Visites impromptues du personnel de sécurité dans les chambres, sans frapper, ni dire bonjour, gestion catastrophique des #conflits, sans souci de calmer le jeu, ni d’écouter. "Ils ne savent pas parler, ils répriment”, raconte un habitant du Centre. Des requérant·es jugé·es arbitrairement et hâtivement comme récalcitrant·es sont enfermé·es pendant des heures dans des containers insalubres et sous-chauffés. Plusieurs témoignages attestent d’une salle sans aucun mobilier, avec des taches de sang et des odeurs de vomi et d’urine. Beaucoup en ressortent traumatisés. Une personne s’est récemment retrouvée en état d’#hypothermie [2].

      Les témoignages vont tous dans le même sens : peur de porter #plainte par #crainte des conséquences pour sa procédure d’asile ou par crainte de recroiser les mêmes agent·es de sécurité. Mais les faits sont là : utilisation abusive du #spray_au_poivre, #plaquages_au_sol, #insultes_homophobes, #harcèlement envers des personnes vulnérables et #hospitalisations suite à l’#enfermement dans des cellules. Plusieurs #tentatives_de_suicide sont attestées et il y a eu #mort d’homme : le 23 décembre, un requérant d’asile est décédé aux abords du Centre de Boudry. Il s’agissait d’une personne vulnérable, suivie en psychiatrie et qui avait déjà tenté de se suicider. Alors que cette personne avait besoin d’aide, à plusieurs reprises, le personnel de sécurité de Protectas lui a refusé l’accès au Centre, du fait de son état d’ivresse.

      A Boudry, la #violence est banalisée. Au lieu d’apaiser les conflits, les agent·es de Protectas les attisent. Des membres du personnel de sécurité abusent de leur pouvoir en faisant régner leurs propres lois. Ainsi, alors que les #cellules_d’isolement ne sont prévues que pour protéger les requérant·es d’asile et le personnel du CFA de personnes ayant un comportement violent et pour une durée n’excédant pas deux heures[3], on constate que la réalité est tout autre. Le moindre dérangement est réprimé par un #enfermement_abusif et qui dépasse souvent le temps réglementaire, allant jusqu’à un #isolement d’une nuit entière. Nous avons eu connaissance d’un mineur qui a été enfermé alors que le règlement l’interdit. De telles #privations_de_liberté sont illégales. Pour échapper à ces mauvais traitements, beaucoup quittent la procédure d’asile en cours de route.

      Les droits humains sont violés dans les CFA, en toute impunité, dans un #silence de plomb que nous voulons briser. Ce qui se passe à Boudry se passe aussi ailleurs[4] et c’est la conséquence d’une logique de camps. C’est tout un système que nous dénonçons et non pas des dysfonctionnements ponctuels.

      ***

      Face à cette gestion désastreuse et les drames humains qu’elle entraîne, nous demandons qu’une enquête indépendante soit ouverte établissant les faits en toute objectivité. En accord avec les personnes qui ont pris contact avec Droit de Rester, nous sommes prêt·es à témoigner.

      Nous demandons que des mesures concrètes soient prises pour mettre fin à ce système défaillant, qui transforme les CFA en prisons. Il n’est pas normal que le budget alloué à l’encadrement sécuritaire par le SEM soit plus important que celui consacré à l’encadrement social et sanitaire dans les CFA. Il est nécessaire de renverser la vapeur en engageant des professionnel·les du travail social et de la santé en nombre suffisant et ayant pour mission de soutenir, d’écouter, de soigner et de répondre aux besoins spécifiques des requérant·es d’asile. Ceci dans l’optique de créer un climat de bienveillance, réparateur des traumatismes vécus sur la route de l’exil par les personnes dont ils-elles ont la charge. Actuellement, les agent·es de sécurité ont des prérogatives immenses qui ne devraient absolument pas leur être confiées en raison d’un manque de formation flagrant.

      Nous demandons la suppression immédiate de ces cellules-containers et la refonte complète du régime de sanctions.

      Nous exigeons la fin de la privatisation du domaine de l’asile ; l’arrêt de toute collaboration avec des entreprises de sécurité ou d’encadrement privées de surcroit cotées en bourse (telles que Protectas, Securitas ou ORS) dans le cadre des CFA et autres lieux d’hébergement. L’asile n’est pas un business. L’argent attribué à ces tâches par l’Etat doit revenir à des structures sociales et de soins publiques.

      Nous exigeons transparence et respect du droit suisse et international. Actuellement les CFA sont des boîtes noires : les règlements internes sont inaccessibles, les requérant·es d’asile n’obtiennent pas les rapports des sanctions prononcées à leur encontre, rapports rédigés par Protectas dont le contenu varie à leur guise afin de justifier les sanctions aux yeux du SEM. Toute sanction devrait être prononcée par du personnel cadre du SEM.

      Nous demandons l’introduction d’un organe de médiation indépendant de gestion des plaintes vers qui les requérant·es d’asile lésé·es pourraient se tourner. Finalement, il est nécessaire d’ouvrir les portes des CFA aux organisations et personnes de la société civile – comme c’est notamment le cas en Hollande, pays dont la Suisse s’est inspirée pour mettre en œuvre le système actuel – afin de rompre l’isolement et de cesser avec ces zones de non-droit.

      Nous demandons aussi la fermeture du Centre spécifique des Verrières, restreignant la liberté de mouvement de ses occupants de par son emplacement-même et conçu comme un centre punitif. C’est de soutien psychologique et de soins dont les requérant·es d’asile, y compris celles et ceux qui sont jugés récalcitrant·es, ont besoin à leur arrivée. L’équité des soins par rapport à ceux offerts à la population résidente doit être effective. Ce sont l’isolement, l’exclusion, la promiscuité et l’armada d’interdits qui accentuent les traumatismes, les addictions, le stress et les tensions. Stop à la logique de camp !

      C’est une alerte que nous lançons. Nous espérons qu’elle sera entendue et attendons qu’elle soit suivie d’effets dans les meilleurs délais.

      Contact médias :
      Denise Graf, 076 523 59 36
      Louise Wehrli, 076 616 10 85
      Caterina Cascio, 077 928 81 82

      [1] Voir par exemple ici : https://rester.ch/wp-content/uploads/2020/05/2020.05.28_Communiqu%C3%A9_de_presse_camp_nous_d%C3%A9non%C3%A7ons-1.pdf ou là : https://www.canalalpha.ch/play/minimag/episode/3819/risque-de-suicide-quel-soutien-psy-pour-les-migrants-a-boudry

      [2] Le 17 février, la radio RTN révèle un cas d’hypothermie survenue au centre de Boudry 2 jours plus tôt : https://www.rtn.ch/rtn/Actualite/Region/20210215-Etat-d-hypothermie-au-Centre-de-Perreux.html

      [3] Voir à ce sujet les p. 51-52 du Plan d’exploitation Hébergement : https://www.plattform-ziab.ch/wp-content/uploads/2020/10/SEM_PLEX_2020.pdf

      [4] A ce sujet, sur les violences au Centre de Giffers : https://asile.ch/2020/06/23/le-courrier-violences-a-chevrilles, sur celles au centre de Bâle : https://3rgg.ch/securitas-gewalt-im-lager-basel , témoignages récoltés par Migrant Solidarity Network (1 et 2), ici le rapport de la Commission Nationale de Prévention de la Torture : https://asile.ch/wp-content/uploads/2021/01/CNPT_CFA_DEC_2020-fr-1.pdf et là le communiqué de humanrights.ch : https://www.humanrights.ch/fr/qui-sommes-nous/commentaire-violences-cfa

      Lettre reçu via la mailing-list Droit de rester, le 12.03.2021

    • Les conséquences de l’asile au rabais

      Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) est enfin sorti de son mutisme. Mercredi, sous pression, après d’énième révélations sur des cas de mauvais traitements dans les centres d’asile, il a annoncé qu’il mandatait une enquête indépendante concernant plusieurs cas de recours excessif à la force.

      C’est une avancée car, jusqu’ici, l’institution n’avait jamais reconnu de dysfonctionnements. Alors que quatre plaintes avaient été déposées contre la société de sécurité #Protectas en juin dernier par des demandeurs d’asile blessés au centre de #Chevrilles, il n’avait pas bronché, déléguant d’éventuelles sanctions à la société privée. Plus d’un an après, justice n’a toujours pas été rendue. Certains plaignants ont été expulsés…

      Le SEM affirme avoir aussi suspendu 14 membres du personnel de sécurité impliqués dans différentes affaires, notamment pour un recours abusif à des « #salles_de_réflexion », que certain·es nomment « salles de torture ». Berne a été sommé de réagir suite à un enregistrement clandestin qui prouve que les agent·es n’hésitent pas à falsifier des rapports dans le but de justifier le recours à la violence. Le SEM a annoncé qu’il allait réexaminer les modalités de recrutement du personnel de sécurité et leur formation.

      C’est un premier pas, mais insuffisant. Quatorze suspensions pour combien d’incidents impunis ? « J’ai vu des gens se faire tabasser sous mes yeux… la plupart ne portent jamais plainte. Si tu te plains, tu peux être sûr que les sévices doubleront », nous confiait hier un homme qui a résidé au centre de #Boudry et de Chevrilles.

      Les associations actives dans le domaine de la migration dénoncent depuis des années le processus de #privatisation de l’asile. La Confédération recoure à des sociétés privées pour assurer la sécurité et l’encadrement dans ses centres. Or, ces entreprises ont pour objectif de faire du profit. Il n’est pas étonnant qu’elles lésinent sur les moyens. Recrutements à la va-vite, formations inexistantes et contrats précaires engendrent des situations explosives où le personnel est démuni face à une population au parcours extrêmement difficile.

      La Suisse doit faire mieux, elle en a les moyens. Alors que des personnes cherchent ici protection, elles rencontrent violence et mépris. Il est inacceptable que nos impôts continuent à financer un système arbitraire perpétuant une terreur que les personnes migrantes ont fuit au péril de leur vie.

      https://lecourrier.ch/2021/05/06/les-consequences-de-lasile-au-rabais

    • Documentation | Violences dans les centres fédéraux d’asile

      Depuis plusieurs mois en Suisse des cas de violences perpétrées dans et autour des centres fédéraux d’asile (CFA) ont été dénoncés. Sans changements significatifs opérés, d’autres sont à craindre. Pour que les personnes réfugiées ne soient pas à nouveau des victimes isolées, il est important d’apporter un regard externe sur ce qui se passe au sein des CFA. Ces questions touchent à la cohésion sociale. Le 5 mai 2021, les résultats d’une enquête de médias associés ont été présentés au public (https://www.rts.ch/info/suisse/12175381-bavures-et-rapports-trafiques-la-securite-derape-dans-les-centres-feder), révélant à nouveau des exactions commises par les employé.es des sociétés de sécurité envers des résident.es. Le Secrétariat d’État à la migration (SEM) a réagit par voie de presse (https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/sem/medien/mm.msg-id-83389.html) en annonçant l’amorce d’une enquête indépendante. Les médias et la société civile jouent un rôle essentiel pour faire la lumière sur des questions de sécurité publique et de respect des droits humains.

      Le 5 mai dernier les résultats d’une enquête de la RTS (https://www.rts.ch/info/suisse/12175381-bavures-et-rapports-trafiques-la-securite-derape-dans-les-centres-feder), SRF et la WOZ a été rendue publique. En s’appuyant sur des enregistrements et témoignages, elle documente plusieurs exactions commises par les personnes en charge de la sécurité dans différents centres fédéraux d’asile. “Des rapports sont parfois truqués par les agents de sécurité pour se couvrir. En réaction à ces révélations, le Secrétariat d’État aux migrations a fait suspendre 14 de ces employés de sociétés privées et lance une enquête externe” (RTS). Le téléjournal de midi, de 19h30 et l’émission Forum en ont parlé. Le matin même, le SEM a publié un communiqué annonçant avoir été informé du recours à des “mesures coercitives disproportionnées” de la part d’agent.es de sécurité. Demandé depuis plusieurs années par la société civile, il annonce avoir chargé l’ancien juge Niklaus Oberholzer d’une enquête indépendante et vouloir réfléchir au recrutement et à la formation de ces personnes . Le quotidien Le Courrier (https://lecourrier.ch/2021/05/05/quatorze-agent%c2%b7es-de-securite-suspendu%c2%b7es) est allé à la rencontre du collectif Droit des rester Neuchâtel qui doute de ces dernières mesures : « Nous demandons que ce soit des entités publiques à but non lucratif qui gèrent l’encadrement. Celles-ci doivent engager des professionnel·les de la médiation, du travail social, de l’interculturalité et de la santé. »

      Avant cela, le 28 avril 2021 le Secrétariat d’État à la migration (SEM) avait publié un communiqué (https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/sem/medien/mm.msg-id-83251.html) déplorant l’augmentation des menaces envers les centres d’asile fédéraux (CFA). Il y est fait état de déprédations faites aux bâtiments, mais également de menaces et de mises en danger d’employé.es du SEM. Dans le viseur, des « groupes de gauche radicale » qui feraient appel via leur site à des actes de vandalisme, ou même appel à la violence envers des employé⸱es. Les associations de défense du droit d’asile ont condamné de tels procédés. La Plateforme Société civile dans les centres fédéraux s’est positionnée (https://mailchi.mp/d2895a50615c/neuigkeiten-baz-nouveauts-cfa) en rejetant toute forme de violence. Le collectif bâlois 3RGG -auteur d’un rapport répertoriant les actes violents envers les personnes requérantes d’asile au sein du centre fédéral d’asile du canton de Bâle (BässlerGut) – se distancie également de ces méthodes (https://asile.ch/2021/04/30/3rgg-communique-violences-dans-les-camps-federaux-dasile) qui ne sont pas les leurs. Ses auteurs regrettent que leurs appels à se mobiliser contre les violences impunies du personnel de sécurité envers des résident⸱es isolé⸱es n’ait connu que peu d’échos dans les médias et dans la vie des centres en conséquent.
      Jusqu’ici ce sont d’autres types de dénonciations de violence en lien avec les CFA qui ont été exprimées. En 2021, au CFA de Boudry (NE) c’est un cas d’hypothermie (https://lecourrier.ch/2021/02/17/hypothermies-au-centre-dasile) pour une personne placée en « cellule de dégrisement » qui a servit de révélateur à ce que Droit de rester Neuchâtel décrit comme un « réel système punitif ». En 2020, dans le centre de renvoi de Giffers, quatre #plaintes (https://asile.ch/2020/09/22/solidarite-tattes-giffers-visite-aux-requerants-qui-ont-denonce-des-violences) ont été déposées contre la société de sécurité Protectas pour des exactions envers des résident.es. A BässlerGut, le travail d’enquête (https://asile.ch/2020/07/30/enquete-violences-au-centre-federal-de-bale-quand-le-systeme-deraille) poussé qu’avait publié le collectif 3 RGG faisait état de violences graves perpétrées par des personnes en charge de la sécurité envers les personnes résidentes, avec des processus de dénonciation inefficient à l’interne. La commission nationale de prévention de la torture (CNPT) après une visite au sein de plusieurs CFA en janvier 2021 suggérait elle aussi des améliorations (https://asile.ch/2021/01/20/cnpt-rapport-dobservation-des-centres-federaux-dasile-la-violence-pointee-du-d) concernant la gestion des conflits, la prévention de la violence et la gestion des plaintes. Une des réponses offerte par le SEM est celle de la réouverture du centre spécifique des Verrières pour accueillir les personnes qui « représentent une menace pour elles-mêmes ou pour autrui ». L’OSAR s’inquiète (https://www.osar.ch/communique-de-presse/centre-des-verrieres-les-requerants-dasile-doivent-beneficier-dune-representati) de cette mise à l’écart pour des personnes généralement fragilisées. Selon l’organisation, il vaudrait bien mieux miser sur la prévention de la violence et renforcer l’encadrement.

      Liées à des conditions structurelles, ces dénonciations de part et d’autres ne s’arrêteront probablement pas là. Dans ce jeu du chat et de la souris, les médias et la société civile jouent un rôle important pour faire la lumière sur des dynamiques en présence. L’éditorial du dernier numéro de la revue Vivre Ensemble le rappelait : ” […] les centres fédéraux réunissent les deux ingrédients de la violence institutionnelle : fermés d’accès au regard public, ils donnent au personnel un pouvoir énorme sur une catégorie de personnes. Or, les véritables garde-fous à l’impunité et à l’arbitraire se situent du côté de la transparence. Et la société civile est bien là, du côté des victimes, et ne manque pas de le lui rappeler. “

      https://asile.ch/2021/05/07/documentation-violences-dans-les-centres-federaux-dasile

    • Centres fédéraux | À l’écoute des victimes

      Le #déni des autorités intenable face à la médiatisation des violences

      Le mois de mai aura vu la question des violences dans les CFA tenir une belle place dans l’actualité. D’abord avec les enquêtes de la RTS, de la SRF et de la Wochenzeitung, puis avec le rapport d’Amnesty International qui relate des cas de maltraitances à l’égard de requérant·es d’asile qui pourraient s’assimiler à de la torture [1]. Des témoignages de victimes, mais également d’ancien·es employé·es des centres ont été recueillis et des enregistrements, effectués à l’insu du personnel de sécurité, ont permis d’établir que leurs rapports de sanction à destination du SEM sont truqués.

      Ces enregistrements proviennent du téléphone d’une femme enfermée dans un container-cellule. Le mobile lui avait été confisqué par le personnel de sécurité et a capté deux heures de leurs conversations. Cela se passe donc dans la loge des agent·es de sécurité de Protectas, il y a quelques mois au CFA de Boudry dans le canton de Neuchâtel. On y entend les agent·es discuter du contenu du rapport qu’ils doivent faire parvenir au SEM pour justifier leur mise en cellule. Une agente qui n’a pas assisté aux événements est chargée de le taper. Les cellules, ce sont donc ces containers sans aucuns meubles, dotés seulement d’une petite fenêtre, à l’odeur de vomi, d’urine et tâchés de sang au sol. Les requérant·es d’asile y sont enfermé·es, parfois pendant deux heures, parfois plus. Une caméra permet de les filmer.

      Ces pratiques, éminemment choquantes ne sont pas étonnantes. Elles sont davantage la conséquence d’un système, plutôt que le fait d’individus. Car les événements qui ont eu lieu dans différents CFA, à différentes dates, se ressemblent de façon troublante. À l’origine de ces actes de violence, il y a le plus souvent des événements que l’on pourrait qualifier d’incidents. Un téléphone volé, un masque sous le nez ou une perte de patience dans la longue file d’attente pour le repas. Et plutôt que d’apaiser les conflits de façon non violente et bienveillante, le personnel de sécurité les amplifie en usant de sa force physique et verbale, de ses gros bras et de son uniforme imposant. À cela s’ajoutent des mesures radicales comme ces mises en cellule appliquées de façon arbitraire et non conforme au règlement du SEM. Comme on l’a entendu, il suffit d’enjoliver le rapport pour le SEM pour maquiller ces imperfections. Le SEM doit d’ailleurs en être conscient, mais en déléguant ces tâches à des prestataires privés, il peut allégrement fermer les yeux. La responsabilité est dissoute dans la chaîne hiérarchique. Alors que légalement le SEM est pleinement responsable.

      Les dénonciations de nombreux collectifs dans différents CFA depuis plus d’une année et à de nombreuses reprises ont longtemps été traitées avec mépris par le SEM, qui a toujours nié ou prétendu avoir pris des mesures. Il aura fallu ces preuves irréfutables et un dégât d’image important pour le faire plier, un tout petit peu.

      Il a annoncé la suspension de 14 agent·es de sécurité, un audit interne, une enquête externe à Boudry par un ancien juge fédéral, la suppression des containers et une réflexion sur la mise en place d’un bureau externe chargé de recueillir les plaintes des requérant·es d’asile. On peut se réjouir de ce dernier point. Mais reste encore à voir quelle sera la mise en œuvre concrète. Pour le reste, ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas là d’une révolution, mais bien d’une communication bien rôdée.

      Car évidemment il ne suffira pas que les containers insalubres soient remplacés par de jolies salles de « réflexion » aux couleurs apaisantes. Parce que sales ou propres, cela restera des cellules. Il n’est pas suffisant non plus que les agent·es de sécurité impliqué·es dans les quelques affaires récemment médiatisées soient remplacé·es par d’autres. Tant que le cadre de travail sera le même, les mêmes violences se reproduiront. Il suffit de lire le rapport d’Amnesty et les témoignages d’anciens agents de sécurité ou d’assistants sociaux pour comprendre combien celles-ci font partie de la culture d’entreprise. On ne peut que redouter qu’un nouveau lieu à haut potentiel de violence systémique sorte de terre à Genève, dans le cadre du projet de construction d’un centre fédéral au Grand-Saconnex (lire ici).

      Tant que les requérant·es d’asile continueront à être considéré·es comme une catégorie de la population à part, rien ne changera. Il faudra continuer de dénoncer ce qui se passe derrière les portes de ces centres. Et d’écouter, sans mettre en doute, la parole des réfugié·es qui se seraient bien passé de subir de nouvelles violences, après avoir fui celles de leur pays et en avoir subi sur la route de leur exil. On peut ici souligner le rôle des médias qui ont, à travers leurs investigations, contribué à amener sur la place publique des pratiques dénoncées depuis de nombreuses années par des organisations de la société civile. Et contraint les autorités d’asile à sortir du bois.

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      INÉDIT | Immersion dans la loge des agent·es de sécurité du CFA de Boudry

      L’enregistreur vocal du smartphone était enclenché. Confisqué par des agent·es de sécurité du Centre fédéral de Boudry, le téléphone d’une requérante d’asile a enregistré par inadvertance durant près de deux heures les conversations qui se sont tenues dans leur loge. Nous publions la retranscription complète et inédite de cette capture audio, anonymisée.

      Discussions entre membres du personnel, interactions avec des requérant·es d’asile : les échanges sont révélateurs d’un climat latent d’irrespect et de violence ordinaire induite par le rapport de force et le choix de confier l’encadrement des résident·es des Centres fédéraux d’asile à des agents de sécurité démunis d’outils de médiation. La gestion uniquement sécuritaire des tensions, inévitables dans des lieux de vie collectifs, l’absence de prise en compte par le personnel d’une réalité évidente, celle que les personnes logées là sont dans une angoisse existentielle liée à leur demande de protection, l’impunité renforcée par des mécanismes visant à tout régler « à l’interne », ressortent de leurs propos. Dans la dernière édition de la revue « Vivre Ensemble », nous avons publié un extrait de cet enregistrement : celui-ci montre comment les agent·es trafiquent un rapport justifiant la mise en cellule d’isolement d’une femme, en accusant celle-ci d’acte de violence. La retranscription complète de l’enregistrement montre que celle-ci était venue solliciter l’aide de la sécurité pour que celle-ci aide un enfant (en pleurs) à récupérer un téléphone portable qu’il s’était fait voler par un homme hébergé au centre, et que face au refus de l’agent, elle avait voulu en référer à la direction du centre. La suite permet de s’immerger dans un huis clos quasi fictionnel.

      https://asile.ch/2021/08/23/centres-federaux-a-lecoute-des-victimes
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      Transcription d’un enregistrement audio réalisé au Centre fédéral d’asile de Perreux (Boudry)

      Date: mercredi 20 janvier 2021, en fin de journée

      Légende

      A : femme requérante d’asile, dont le téléphone a capté cet enregistrement
      AS 1 : agent de sécurité impliqué dans la scène de démarrage du conflit
      AS 2 : agent de sécurité qui vient rapidement en renfort du 1er. Il semble qu’il y ait deux personnes derrière AS 2. Les voix sont difficiles à identifier
      AS 3 : agente de sécurité avec une fonction qui semble supérieur à AS 1 et 2
      AS 4 : agente de sécurité avec une fonction dirigeante, ou en tout cas davantage administrative car elle rédige les rapports
      + autres agent·es non-distingués les un·es des autres
      Le téléphone d’un enfant vient d’être volé dans le centre par un requérant d’asile à qui il l’avait confié. « A » interpelle alors un agent de sécurité pour lui demander d’agir et de retrouver le téléphone. L’agent de sécurité pense que l’enfant est son fils, mais ce n’est pas le cas. A enclenche alors le mode enregistrement sur son téléphone.

      A : You’re the security and you should to take a look
      Agent de sécurité 1 : No, no security for look the child, look your phone there
      A : I’ll complain, I’ll complain about that interacting
      AS 1 : No, what what, the time where you put your phone here, no security must look, it’s your mission.
      A : You’ll not try to search, not at all ?
      AS 1 : No, no, no, that your responsability.
      A : But you’re security
      AS 1 : That your responsability. Look, your children, madame, your children, they go up. The time when something happens to up, you come see security ?
      A : But normally you’re accessing the doors without permission ?
      AS 1 : I ask you, you no see your children you (mot incompréhensible)
      A : I’ll complain about that. What is your name or number of the working ? Because you’re just not searching for this telling stuff but discussing about me
      AS 1 : Yes
      A : You don’t do that. So what is your name because I need to complain.
      AS 1 : For me ?
      A : Yes or number of working.
      AS 1 : My number ?
      A : Yes
      AS 1 : For what ?
      A : For working. Because you’re working here and you have the number. I’ll complain, believe me, you don’t do your work
      AS 1 : No. Madame, I’m telling you something, ok ? I know place you’re coming from, ok ?
      A : Poland
      AS 1 : Ok in Switzer… I don’t know.
      A : We’re complainig pretty much and we’ll complain, not to the SEM, but your boss I’ll complain, Protectas, and to the SEM, to the SEM, to the government and to the everyone.
      AS 1 : If you don’t take your responsability… (en s’adressant à un autre requérant d’asile) Brother, brother, come in please. Tell this woman, ok, « if you come here… »
      A : (également à l’autre requérant d’asile) He doesn’t want to check the stealing stuff but they’re accessing the doors and checking the people. But he can’t check the stealing stuff.
      AS 1 : Can you leave me talk with him ?

      Brouhaha car A et AS 1 parlent en même temps avec beaucoup de bruits en arrière-fond et notamment l’enfant qui s’est fait voler son téléphone qui pleure. On entend plusieurs autres requérants d’asile parler de ce qui s’est passé. AS1 finit par proposer à A de se rendre à la loge des agent.es de sécurité pour discuter de l’affaire.

      AS 1 : Can you go to the security office ?
      A : (A l’enfant qui pleure) Yes, we’ll look for you phone. (à AS 1) You still didn’t tell me your number !

      Echanges entre différents requérants d’asile avec l’agent de sécurité. A redemande le numéro de l’agent et insiste.

      AS 1 : Take my picture
      A : No, I don’t want to take your picture
      AS 1 : Take my picture
      A : Ok no problem

      A le prend en photo. On entend ensuite du bruit et on imagine que l’AS1 essaie de lui retirer son téléphone et user de la force. A commence à gémir « ahouaoua, ahouaha » (« aïe » à de multiples reprises).

      https://asile.ch/2021/06/30/inedit-immersion-dans-la-loge-des-agent%c2%b7es-de-securite-du-cfa-de-boudry

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      Violences | un arrière-goût de déjà-vu

      Une enquête est en cours pour déterminer si des mesures coercitives disproportionnées ont été utilisées à l’encontre de requérants d’asile dans certains centres fédéraux. Il s’agirait, selon certains, de dérives individuelles. Selon d’autres, l’autorité a tort de sous-traiter une tâche régalienne à des sociétés privées.

      En fait, le problème se pose depuis belle lurette. En 1993 déjà, l’aumônerie genevoise auprès des requérants d’asile (AGORA) relevait, dans une lettre à l’Office fédéral des réfugiés (ODR), le SEM d’alors, que le personnel mis en place dans le Centre d’enregistrement de La Praille, inauguré l’année précédente, « n’était ni assez nombreux ni suffisamment formé pour remplir sa tâche. » L’aumônerie ajoutait que ce personnel n’assurait pas « un minimum d’écoute permettant de désamorcer les tensions ».

      La gestion de ce centre avait été confiée à l’ORS Service SA et à Securitas. Le CHERANE (Conseil pour l’hébergement des requérants non-enregistrés) qui, avec le soutien d’associations et du canton, assurait depuis deux ans l’accueil des candidats à l’asile, avait été écarté. Le M. Réfugiés de l’époque, Peter Arbenz, avait déclaré « ne pas avoir besoin d’assistants sociaux avec une mentalité tiers-mondiste ». Le Conseil d’État genevois avait boycotté l’inauguration, expliquant le refus de l’offre du CHERANE par « la crainte d’introduire le loup des œuvres d’entraide dans la bergerie fédérale ». « Les locaux de la discorde », avait titré la Tribune de Genève (18.04.1992).

      L’aumônerie, qui pouvait, avec de strictes limitations, pénétrer dans le Centre d’enregistrement, a dénoncé maintes fois, au cours des années suivantes, ce qu’elle considérait comme des abus. Certes, des membres du personnel faisait preuve d’empathie envers les requérants, mais, dans l’ensemble, le système policier établi manifestait bien plus une méfiance, voire un rejet qu’un accueil de personnes en quête de protection.

      À mes yeux, cette attitude reflétait le regard de peur, ou même d’hostilité porté par une partie de la population et des autorités sur des requérants d’asile dont beaucoup venaient de subir moult épreuves et souffrances. J’ai peur qu’il en soit toujours de même.

      https://asile.ch/2021/08/23/violences-un-arriere-gout-de-deja-vu

      #violence #torture #maltraitance #Protectas #SEM #Boudry #responsabilité

  • 17 octobre 2020, on commémore aussi le couvre feu du 17 octobre... 1961

    A ce sujet, #Georges_Azenstarck (1934-2020) vient de mourir. Photographe pour l’Huma, il avait documenté la vie des pauvres et des ouvriers, mais aussi la nuit du #17_octobre_1961, manifestation d’Algériens contre le couvre feu !!!

    Sous les ordres de #Maurice_Papon, la police parisienne a tué des dizaines d’Algériens, dont beaucoup furent jetés à la Seine. C’était il y a 59 ans, dans Paris, le massacre de civils le plus sanglant depuis la Commune. Pendant 30 ans les rares témoins ont essayé de rompre l’omerta organisée par les États français et algériens, par les partis de droite et d’extrême droite et certains partis de gauche.

    Azenstarck, le photographe qui a témoigné contre Maurice Papon
    Chloé Leprince, France Culture, le 8 septembre 2020
    https://histoirecoloniale.net/Le-photographe-George-Azenstarck-temoin-majeur-du-17-octobre-1961

    Dans ce documentaire de Faiza Guène et Bernard Richard, produit en 2002, il décrit sa soirée passée avec son collègue photographe à « L’Huma », les cadavres qu’il voit depuis le balcon du journal, qui s’entassent en contrebas dans la rue, du côté du Rex, “comme des sacs à patates”. Il décrit aussi les Algériens que la police traîne par le col, vifs ou morts, et ce camion qu’on appelait encore “panier à salade”, qui stationne une grosse dizaine de minutes sous sa fenêtre et lui masque la vue. Lorsque le camion remettra le moteur, les cadavres entassés auront disparu. Les tirs se sont tus, Azenstarck descend en trombe, il tente de photographier ce policier qui, seau d’eau à la main, tente en vain de nettoyer le sang sur le trottoir. On l’empêche assez vite de mitrailler. Mais ses pellicules de la soirée du 17 octobre 1961 serviront a posteriori à étayer la réalité : on a bien massacré des Algériens dans les rues de Paris ce soir-là.

    Mémoire du 17 Octobre 1961 (Bernard Richard et Faïza Guène, 2002, 17 minutes)
    https://www.youtube.com/watch?v=xVGT19qOUBA

    Le témoignage du photographe, ainsi que ses tirages, sont d’autant plus précieux qu’il s’est d’abord agi de planches contact : ni le 18 octobre 1961 ni les jours qui suivront, l’Humanité ne publiera les images de Georges Azenstarck. En 2011, il montre ses photos et parle de leur disparition mystérieuse du siège de l’Humanité, au début du film de la plasticienne Ariane Tillenon :

    17 octobre 1961 : "50 ans après, je suis là" (Ariane Tillenon, 2011, 15 minutes)
    https://www.youtube.com/watch?v=8pzuDOmELdY

    #France #Paris #racisme #Algériens #FLN #guerre_d'Algérie #manifestation #violence_policière #L'Huma #17octobre1961 #immigration #bidonvilles #colonialisme #police #pogrom_policier #massacre #histoire #violences_policières #impunité #torture

  • #Décolonisations : du sang et des larmes. La rupture (1954-2017) —> premier épisode de 2 (voir plus bas)

    Après huit années de conflits meurtriers, l’#Empire_colonial_français se fragilise peu à peu. La #France est contrainte d’abandonner l’#Indochine et ses comptoirs indiens. Les peuples colonisés y voient une lueur d’espoir et réalisent que la France peut-être vaincue. Les premières revendications d’#indépendance se font entendre. Mais la France reste sourde. Alors qu’un vent de liberté commence à se répandre de l’Afrique aux Antilles en passant par l’océan indien et la Polynésie, un cycle de #répression débute et la République répond par la force. Ce geste va nourrir des décennies de #haine et de #violence. Ce #documentaire, réalisé, à partir d’images d’archives, donne la parole aux témoins de la #décolonisation_française, qui laisse encore aujourd’hui des traces profondes.

    https://www.france.tv/france-2/decolonisations-du-sang-et-des-larmes/decolonisations-du-sang-et-des-larmes-saison-1/1974075-la-rupture-1954-2017.html
    #décolonisation #film_documentaire #colonialisme #colonisation #film

    #France #Indochine #Empire_colonial #FLN #Algérie #guerre_d'Algérie #guerre_de_libération #indépendance #François_Mitterrand #Algérie_française #Section_administrative_spécialisée (#SAS) #pacification #propagande #réformes #attentats #répression #Jacques_Soustelle #Antoine_Pinay #conférence_de_Bandung #Tunisie #Maroc #Gaston_Defferre #Cameroun #Union_des_populations_du_Cameroun (#UPC) #napalm #Ruben_Um_Nyobe #Ahmadou_Ahidjo #Milk_bar #armée_coloniale #loi_martiale #bataille_d'Alger #torture #haine #armée_française #Charles_de_Gaulle #paix_des_Braves #humiliation #camps #déplacement_des_populations #camps_de_déplacés #déplacés #internement #Madagascar #Côte_d'Ivoire #Guinée #Ahmed_Sékou_Touré #communauté_franco-africaine #liberté #Organisation_de_l'armée_secrète (#OAS) #17_octobre_1961 #accords_d'Evian #violence #pieds-noirs #rapatriés_d'Algérie #Harki #massacre #assassinats #déracinement #camp_de_Rivesaltes #invisibilisation #néo-colonialisme #ressources #gendarme_d'Afrique #Françafrique #Felix-Roland_Moumié #territoires_d'Outre-mer #Michel_Debré #La_Réunion #Paul_Vergès #Polynésie #Bureau_pour_le_développement_des_migrations_dans_les_départements_d'Outre-mer (#Bumidom) #racisme #Djibouti #Guadeloupe #Pointe-à-Pitre #blessure #mépris #crimes #mémoire

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    Et à partir du Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’Outre-mer... un mot pour désigner des personnes qui ont « bénéficier » des programmes :
    les « #Bumidomiens »
    –-> ajouté à la métaliste sur les #mots en lien avec la #migration :
    https://seenthis.net/messages/414225
    #terminologie #vocabulaire

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    Une citation de #Jean-Pierre_Gaildraud, qui dit dans le film :

    « Nous étions formatés dans une Algérie française qu’il ne fallait pas contester. C’était ces rebelles, c’étaient ces bandits, ces égorgeurs qui menaçaient, qui mettaient en péril une si belle France. En toute bonne foi on disait : ’La Seine traverse Paris comme la Méditerranée traverse la France’ »

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    « Il faut tourner une page et s’abandonner au présent. C’est sûr, mais comment tourner une page quand elle n’est pas écrite ? »

    Hacène Arfi, fils de Harki

  • #Libye : « Entre la vie et la mort ». Les personnes refugiées et migrantes prises dans la tourmente des #violences en Libye

    En Libye, les personnes réfugiées et migrantes sont piégées dans un cycle de violences caractérisé par de graves atteintes aux #droits_humains, telles que la #détention_arbitraire pendant de longues périodes et d’autres formes de privation illégale de liberté, la #torture et d’autres #mauvais_traitements, les #homicides illégaux, le #viol et d’autres formes de #violences_sexuelles, le #travail_forcé et l’#exploitation aux mains d’agents gouvernementaux et non gouvernementaux, dans un climat d’#impunité quasi totale.

    https://www.amnesty.org/en/documents/mde19/3084/2020/fr
    #migrations #asile #réfugiés #violence #rapport #Amnesty_international #privation_de_liberté #droits_fondamentaux

    ping @karine4 @isskein

  • Waiting for the Barbarians : « Vous êtes un tortionnaire obscène. Vous méritez d’être pendu ! » - World Socialist Web Site
    https://www.wsws.org/fr/articles/2020/09/09/barb-s09.html
    https://www.wsws.org/asset/bd5b8ef7-4231-46d6-9b73-7167c1ec3f9c/image.jpg
    #cinéma #film #torture
    Je l’ai vu il y a 2 jours et c’est effectivement un très bon film, pas du tout bon pour le moral, par ailleurs. On y voit comment tout peut être rapidement pourri par un seul salopard tordu, mais doté de la nécessaire #autorité et la veulerie de la foule qui n’attend qu’une pichenette pour basculer dans la barbarie.
    Indispensable contrepoint à l’ensauvagement du monde.

    En tout cas, l’écrivain a conservé les moments les plus forts du roman. Le discours passionné mais équilibré de Rylance devant Joll est un moment de grande force morale dans les deux œuvres. « Vous êtes l’ennemi », déclare-t-il. « Vous êtes un tortionnaire obscène. Vous méritez d’être pendu ! » Rarement les cinéastes contemporains et d’autres n’osent mettre des mots aussi honnêtes dans la bouche de leurs personnages, des mots avec lesquels des millions de personnes seront d’accord, et combien c’est sain, rafraîchissant et nécessaire !

    De même, le magistrat s’enquiert plus tard avec douceur auprès de Mandel, se référant aux activités de torture de ce dernier, comme le dit le roman (quelque peu condensé dans le film), « Comment trouvez-vous possible de manger après, après avoir ... travaillé sur des gens ? C’est une question que je me suis toujours posée sur les bourreaux et autres personnes de ce genre. ... Est-ce que vous trouvez facile de manger après ? J’imagine que l’on voudrait se laver les mains. Mais un lavage ordinaire ne suffirait pas, il faudrait une intervention sacerdotale, un cérémonial de purification, vous ne pensez pas ? Une sorte de purge de l’âme aussi : c’est ainsi que je l’imagine. Sinon, comment serait-il possible de revenir à la vie quotidienne, par exemple s’asseoir à table et rompre le pain avec sa famille ou ses camarades ? »

    Waiting for the Barbarians, comme il se doit, a rendu les critiques généralement nerveux et mal à l’aise. Qui voudrait voir un tel film alors qu’il est parfaitement possible – et assez facile – d’éviter ce genre de désagrément et de rester un philistin satisfait de soi ?