Mais comment font-ils ?
Cette semaine, le scandale sanitaire atteint les fabriques de yaourt, labné et fromage. Encore hier : Taanayel Center closed over serious health violations
▻http://www.dailystar.com.lb/News/Lebanon-News/2014/Dec-01/279431-taanayel-center-closed-over-serious-health-violations.ashx
Considered to be one of the biggest dairy factories in the Bekaa Valley, owned by Rami Abdul-Malak, the place was described as a “disastrous case” by inspectors, prompting Judge Farid Kallas, chief public prosecutor of the Bekaa Valley, to close it down.
The inspectors were also joined by a team from the Economy Ministry’s Consumer Protection Directorate.
Inspectors found expired yeast and artificial flavors, as well as expired and unlabeled preservatives. The butter too did not have an expiry label.
The factory also had a large quantity of kishik believed to have been made using expired dairy products.
Les produits laitiers, avec leur blanc immaculé, leurs saveurs inimitables, sont le symbole premier d’un art de vivre traditionnel naturellement sain dont les Libanais sont particulièrement fiers : du labné, des olives et du zaatar, et tu n’as plus besoin de médecin… Et voilà que même le labné, ce produit sain de chez sain, est pourri ?
Et que raconte aujourd’hui Octavia Nasr ? En gros, au Liban le seul problèmes c’est les politiciens, et là je te balance un gros stéréotype de fierté nationaliste blindé de culturalisme : I survived their Lebanon
►http://english.alarabiya.net/en/views/news/middle-east/2014/12/02/Surviving-in-Lebanon.html
Lebanon does not have industries to brag about except for hospitality and tourism. It does not manufacture cars, weapons or rockets but it has brains that are second to none and it makes a mean plate of tabbouleh. Its apples, cherries and figs will make anyone jealous.
[…]
I am grateful to this last visit because it awakened me to the truth that we are lovers of life and warriors of light and that there are many of us. We are the keepers of this land and no one should even dream of taking that away from us.
« brains that are second to none » ? « hospitality and tourism » ? « figs will make anyone jealous » ? Mais comment peux-tu encore oser sortir des poncifs aussi déplacés, Octavia ?
Tu sais que chaque année, j’arrive au Liban et deux jours plus tard j’emmène les enfants chez le médecin du village pour une méchante gastro ? Tu sais que, chaque année, je chope une chiasse carabinée ? Et que le reste du temps je suis gêné par des boyaux un peu noués ? Et une bonne grosse angine bactérienne pour faire bonne figure. Les gamins, chaque année, subissent une cure d’une semaine d’antibiotique. Parfois deux. Il faut se relever régulièrement la nuit pour changer les lits parce qu’un des petits a vomi dans ses draps. Certains étés, il devient difficile de retrouver les amis, parce que tous ceux qui arrivent de l’étranger sont tombés malade et doivent rester en permanence à moins de dix mètres des WC. Le médecin du village est devenu un ami personnel : quand j’arrive il m’appelle par mon prénom. Je le vois plus souvent que notre médecin de famille à Paris.
En général, nous mettons cela sur le compte de difficultés largement structurelles : les ruptures de chaîne du froid à cause des coupures d’électricité, les canalisations inadaptées, la pollution des eaux dans les zones agricoles, etc. Et puis la corruption, l’absence de contrôles…
Mais l’ampleur du scandale devrait t’interpeller, Octavia. Tu veux du culturalisme ? En voici.
À ce moment du scandale sanitaire, il faut réaliser qu’être un empoisonneur relève tout de même largement de la responsabilité individuelle. On peut blâmer la structure – certes certes – mais empoisonner ses clients pour faire du fric est un crime. Tu crois que personne n’a remarqué le manque de professionnalisme, les salaires démotivants parce que personne ne veut jamais payer personne, le j’m’en-foutisme systématique de gens incapables de se projeter au-delà de leur petit intérêt personnel ? Tu crois qu’on n’est pas prévenus des produits à éviter cette année parce qu’ils sentent bizarre, les restaus très populaires avant mais où on ne va plus parce que certains plats ne semblent plus très frais – et personne ne bronche, alors que sur plein d’autres sujets, la pression morale et sociale sur les individus est très lourde ? Tu crois que le culte du fric facile, de l’hyper-capitalisme et cette fierté nationale pour les histoires d’escroqueries ne sont pas choquantes, maintenant qu’on sait ce qu’on sait ?
Je vais te dire, Octavia : normalement je suis le premier à mettre en avant les causes structurelles et historiques qui mènent à plein de défauts visibles des comportements. Mais quand mes enfants sont sous antibiotiques, qu’on passe nos nuits à éponger le vomi, et que j’apprends qu’enfin un ministre fait son boulot, je ne peux décidément plus supporter cette espèce de discours culturaliste neuneu et nationaliste sur le thème du génie libanais. Parce que pour l’instant, ton génie libanais, ce n’est ni l’hospitalité ni le tourisme, c’est la #tourista.