• Tous chasseurs cueilleurs !
    https://www.franceinter.fr/emissions/comme-un-bruit-qui-court/comme-un-bruit-qui-court-08-juin-2019

    Quand la civilisation menace l’#environnement... retour à la chasse et la cueillette. Entretien avec James C. Scott autour de son livre "#HomoDomesticus, une histoire profonde des premiers Etats".

    On a tous en tête des souvenirs d’école sur les débuts de l’Histoire avec un grand H. Quelque part entre le Tigre et l’Euphrate il y a 10 000 ans, des chasseurs-cueilleurs se sont peu à peu sédentarisés en domestiquant les plantes et les animaux, inventant dans la foulée l’#agriculture, l’écriture et les premiers Etats. C’était l’aube de la #civilisation et le début de la marche forcée vers le #progrès.

    Cette histoire, #JamesScott, anthropologue anarchiste et professeur de sciences politiques, l’a enseignée pendant des années à ses élèves de l’Université de Yale. Mais les découvertes archéologiques dans l’actuel Irak des dernières années l’ont amené à réviser complètement ce « storytelling » du commencement des sociétés humaines, et par là même remettre en question notre rapport au monde dans son dernier livre : Homo Domesticus, une histoire profonde des premiers Etats (Ed. La Découverte).

    Alors même que climat et biodiversité sont aujourd’hui plus que jamais menacés par les activités humaines, James C. Scott propose de réévaluer l’intérêt des sociétés d’avant l’Etat et l’agriculture. Car ces chasseurs-cueilleurs semi-nomades ont longtemps résisté face aux civilisations agraires, basées sur les céréales et qui, en domestiquant le monde, se sont domestiqués eux-mêmes, en appauvrissant leur connaissance du monde.

    Un reportage de Giv Anquetil.
    Les liens

    James C. Scott : « Le monde des chasseurs-cueilleurs était un monde enchanté » (Le grand entretien) par Jean-Christophe Cavallin, Diakritik

    Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce, Réflexions sur l’effondrement, Corinne Morel Darleux, Editions Libertalia

    "Amador Rojas invite Karime Amaya" Chapiteau du Cirque Romanès - Paris 16, Paris. Prochaine séance le vendredi 14 juin à 20h.

    Homo Domesticus, une histoire profonde des premiers Etats, James C. Scott (Editions La Découverte)

    Eloge des chasseurs-cueilleurs, revue Books (mai 2019).

    HOMO DOMESTICUS - JAMES C. SCOTT Une Histoire profonde des premiers États [Fiche de lecture], Lundi matin

    Bibliographie de l’association Deep Green Resistance
    Programmation musicale

    "Mesopotamia"- B52’s

    "Cholera" - El Rego et ses commandos

    #podcast @cdb_77

    • Homo Domesticus. Une histoire profonde des premiers États

      Aucun ouvrage n’avait jusqu’à présent réussi à restituer toute la profondeur et l’extension universelle des dynamiques indissociablement écologiques et anthropologiques qui se sont déployées au cours des dix millénaires ayant précédé notre ère, de l’émergence de l’agriculture à la formation des premiers centres urbains, puis des premiers États.
      C’est ce tour de force que réalise avec un brio extraordinaire #Homo_domesticus. Servi par une érudition étourdissante, une plume agile et un sens aigu de la formule, ce livre démonte implacablement le grand récit de la naissance de l’#État antique comme étape cruciale de la « #civilisation » humaine.
      Ce faisant, il nous offre une véritable #écologie_politique des formes primitives d’#aménagement_du_territoire, de l’« #autodomestication » paradoxale de l’animal humain, des dynamiques démographiques et épidémiologiques de la #sédentarisation et des logiques de la #servitude et de la #guerre dans le monde antique.
      Cette fresque omnivore et iconoclaste révolutionne nos connaissances sur l’évolution de l’humanité et sur ce que Rousseau appelait « l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes ».


      https://www.editionsladecouverte.fr/homo_domesticus-9782707199232

      #James_Scott #livre #démographie #épidémiologie #évolution #humanité #histoire #inégalité #inégalités #Etat #écologie #anthropologie #ressources_pédagogiques #auto-domestication

    • Fiche de lecture: Homo Domesticus - James C. Scott

      Un fidèle lecteur de lundimatin nous a transmis cette fiche de lecture du dernier ouvrage de James C. Scott, (on peut la retrouver sur le blog de la bibliothèque fahrenheit) qui peut s’avérer utile au moment l’institution étatique semble si forte et fragile à la fois.
      « L’État est à l’origine un racket de protection mis en œuvre par une bande de voleurs qui l’a emporté sur les autres »
      À la recherche de l’origine des États antiques, James C. Scott, professeur de science politique et d’anthropologie, bouleverse les grands #récits_civilisationnels. Contrairement à bien des idées reçues, la #domestication des plantes et des animaux n’a pas entraîné la fin du #nomadisme ni engendré l’#agriculture_sédentaire. Et jusqu’il y a environ quatre siècles un tiers du globe était occupé par des #chasseurs-cueilleurs tandis que la majorité de la population mondiale vivait « hors d’atteinte des entités étatiques et de leur appareil fiscal ».
      Dans la continuité de #Pierre_Clastres et de #David_Graeber, James C. Scott contribue à mettre à mal les récits civilisationnels dominants. Avec cette étude, il démontre que l’apparition de l’État est une anomalie et une contrainte, présentant plus d’inconvénients que d’avantages, raison pour laquelle ses sujets le fuyait. Comprendre la véritable origine de l’État c’est découvrir qu’une toute autre voie était possible et sans doute encore aujourd’hui.

      La première domestication, celle du #feu, est responsable de la première #concentration_de_population. La construction de niche de #biodiversité par le biais d’une #horticulture assistée par le feu a permis de relocaliser la faune et la flore désirable à l’intérieur d’un cercle restreint autour des #campements. La #cuisson des aliments a externalisé une partie du processus de #digestion. Entre 8000 et 6000 avant notre ère, Homo sapiens a commencé à planter toute la gamme des #céréales et des #légumineuses, à domestiquer des #chèvres, des #moutons, des #porcs, des #bovins, c’est-à-dire bien avant l’émergence de sociétés étatiques de type agraire. Les premiers grands établissements sédentaires sont apparus en #zones_humides et non en milieu aride comme l’affirment les récits traditionnels, dans des plaines alluviales à la lisière de plusieurs écosystèmes (#Mésopotamie, #vallée_du_Nil, #fleuve_Indus, #baie_de_Hangzhou, #lac_Titicata, site de #Teotihuacan) reposant sur des modes de subsistance hautement diversifiés (sauvages, semi-apprivoisés et entièrement domestiqués) défiant toute forme de comptabilité centralisée. Des sous-groupes pouvaient se consacrer plus spécifiquement à une stratégie au sein d’un économie unifiée et des variations climatiques entraînaient mobilité et adaptation « technologique ». La #sécurité_alimentaire était donc incompatible avec une #spécialisation étroite sur une seule forme de #culture ou d’#élevage, requérant qui plus est un travail intensif. L’#agriculture_de_décrue fut la première à apparaître, n’impliquant que peu d’efforts humains.
      Les #plantes complètement domestiquées sont des « anomalies hyperspécialisées » puisque le cultivateur doit contre-sélectionner les traits sélectionnés à l’état sauvage (petite taille des graines, nombreux appendices, etc). De même les #animaux_domestiqués échappent à de nombreuses pressions sélectives (prédation, rivalité alimentaire ou sexuelle) tout en étant soumis à de nouvelles contraintes, par exemple leur moins grande réactivité aux stimuli externes va entraîner une évolution comportementale et provoquer la #sélection des plus dociles. On peut dire que l’espèce humaine elle-même a été domestiquée, enchaînée à un ensemble de routines. Les chasseurs-cueilleurs maîtrisaient une immense variété de techniques, basées sur une connaissance encyclopédique conservée dans la mémoire collective et transmise par #tradition_orale. « Une fois qu’#Homo_sapiens a franchi le Rubicon de l’agriculture, notre espèce s’est retrouvée prisonnière d’une austère discipline monacale rythmée essentiellement par le tic-tac contraignant de l’horloge génétique d’une poignée d’espèces cultivées. » James C. Scott considère la #révolution_néolithique récente comme « un cas de #déqualification massive », suscitant un #appauvrissement du #régime_alimentaire, une contraction de l’espace vital.
      Les humains se sont abstenus le plus longtemps possible de faire de l’agriculture et de l’élevage les pratiques de subsistance dominantes en raison des efforts qu’elles exigeaient. Ils ont peut-être été contraints d’essayer d’extraire plus de #ressources de leur environnement, au prix d’efforts plus intenses, à cause d’une pénurie de #gros_gibier.
      La population mondiale en 10 000 avant notre ère était sans doute de quatre millions de personnes. En 5 000, elle avait augmenté de cinq millions. Au cours des cinq mille ans qui suivront, elle sera multipliée par vingt pour atteindre cent millions. La stagnation démographique du #néolithique, contrastant avec le progrès apparent des #techniques_de_subsistance, permet de supposer que cette période fut la plus meurtrière de l’histoire de l’humanité sur le plan épidémiologique. La sédentarisation créa des conditions de #concentration_démographique agissant comme de véritables « parcs d’engraissement » d’#agents_pathogènes affectant aussi bien les animaux, les plantes que les humains. Nombre de #maladies_infectieuses constituent un « #effet_civilisationnel » et un premier franchissement massif de la barrière des espèces par un groupe pathogènes.
      Le #régime_alimentaire_céréalier, déficient en #acides_gras essentiels, inhibe l’assimilation du #fer et affecte en premier lieu les #femmes. Malgré une #santé fragile, une #mortalité infantile et maternelle élevée par rapport aux chasseurs-cueilleurs, les agriculteurs sédentaires connaissaient des #taux_de_reproduction sans précédent, du fait de la combinaison d’une activité physique intense avec un régime riche en #glucides, provoquant une #puberté plus précoce, une #ovulation plus régulière et une #ménopause plus tardive.

      Les populations sédentaires cultivant des #céréales domestiquées, pratiquant le commerce par voie fluviale ou maritime, organisées en « #complexe_proto-urbain », étaient en place au néolithique, deux millénaires avant l’apparition des premiers États. Cette « plateforme » pouvait alors être « capturée », « parasitée » pour constituer une solide base de #pouvoir et de #privilèges politiques. Un #impôt sur les céréales, sans doute pas inférieur au cinquième de la récolte, fournissait une rente aux élites. « L’État archaïque était comme les aléas climatiques : une menace supplémentaire plus qu’un bienfaiteur. » Seules les céréales peuvent servir de base à l’impôt, de part leur visibilité, leur divisibilité, leur « évaluabilité », leur « stockabilité », leur transportabilité et leur « rationabilité ». Au détour d’un note James C. Scott réfute l’hypothèse selon laquelle des élites bienveillantes ont créé l’État essentiellement pour défendre les #stocks_de_céréales et affirme au contraire que « l’État est à l’origine un racket de protection mis en œuvre par une bande de voleurs qui l’a emporté sur les autres ». La majeure partie du monde et de sa population a longtemps existé en dehors du périmètre des premiers États céréaliers qui n’occupaient que des niches écologiques étroites favorisant l’#agriculture_intensive, les #plaines_alluviales. Les populations non-céréalières n’étaient pas isolées et autarciques mais s’adonnaient à l’#échange et au #commerce entre elles.
      Nombre de #villes de #Basse_Mésopotamie du milieu du troisième millénaire avant notre ère, étaient entourées de murailles, indicateurs infaillibles de la présence d’une agriculture sédentaire et de stocks d’aliments. De même que les grandes #murailles en Chine, ces #murs d’enceinte étaient érigés autant dans un but défensif que dans le but de confiner les paysans contribuables et de les empêcher de se soustraire.
      L’apparition des premiers systèmes scripturaux coïncide avec l’émergence des premiers États. Comme l’expliquait #Proudhon, « être gouverné, c’est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé ». L’#administration_étatique s’occupait de l’#inventaire des ressources disponibles, de #statistiques et de l’#uniformisation des #monnaies et des #unités_de_poids, de distance et de volume. En Mésopotamie l’#écriture a été utilisée à des fins de #comptabilité pendant cinq siècle avant de commencer à refléter les gloires civilisationnelles. Ces efforts de façonnage radical de la société ont entraîné la perte des États les plus ambitieux : la Troisième Dynastie d’#Ur (vers 2100 avant J.-C.) ne dura qu’à peine un siècle et la fameuse dynastie #Qin (221-206 avant J.-C.) seulement quinze ans. Les populations de la périphérie auraient rejeté l’usage de l’écriture, associée à l’État et à l’#impôt.

      La #paysannerie ne produisait pas automatiquement un excédent susceptible d’être approprié par les élites non productrices et devait être contrainte par le biais de #travail_forcé (#corvées, réquisitions de céréales, #servitude pour dettes, #servage, #asservissement_collectif ou paiement d’un tribu, #esclavage). L’État devait respecter un équilibre entre maximisation de l’excédent et risque de provoquer un exode massif. Les premiers codes juridiques témoignent des efforts en vue de décourager et punir l’#immigration même si l’État archaïque n’avait pas les moyens d’empêcher un certain degré de déperdition démographique. Comme pour la sédentarité et la domestication des céréales, il n’a cependant fait que développer et consolider l’esclavage, pratiqué antérieurement par les peuples sans État. Égypte, Mésopotamie, Grèce, Sparte, Rome impériale, Chine, « sans esclavage, pas d’État. » L’asservissement des #prisonniers_de_guerre constituait un prélèvement sauvage de main d’œuvre immédiatement productive et compétente. Disposer d’un #prolétariat corvéable épargnait aux sujets les travaux les plus dégradants et prévenait les tensions insurrectionnelles tout en satisfaisant les ambitions militaires et monumentales.

      La disparition périodique de la plupart de ces entités politiques était « surdéterminée » en raison de leur dépendance à une seule récolte annuelle d’une ou deux céréales de base, de la concentration démographique qui rendait la population et le bétail vulnérables aux maladies infectieuses. La vaste expansion de la sphère commerciale eut pour effet d’étendre le domaine des maladies transmissibles. L’appétit dévorant de #bois des États archaïques pour le #chauffage, la cuisson et la #construction, est responsable de la #déforestation et de la #salinisation_des_sols. Des #conflits incessants et la rivalité autour du contrôle de la #main-d’œuvre locale ont également contribué à la fragilité des premiers États. Ce que l’histoire interprète comme un « effondrement » pouvait aussi être provoqué par une fuite des sujets de la région centrale et vécu comme une #émancipation. James C. Scott conteste le #préjugé selon lequel « la concentration de la population au cœur des centres étatiques constituerait une grande conquête de la civilisation, tandis que la décentralisation à travers des unités politiques de taille inférieure traduirait une rupture ou un échec de l’ordre politique ». De même, les « âges sombres » qui suivaient, peuvent être interprétés comme des moments de résistance, de retours à des #économies_mixtes, plus à même de composer avec son environnement, préservé des effets négatifs de la concentration et des fardeaux imposés par l’État.

      Jusqu’en 1600 de notre ère, en dehors de quelques centres étatiques, la population mondiale occupait en majorité des territoires non gouvernés, constituant soit des « #barbares », c’est-à-dire des « populations pastorales hostiles qui constituaient une menace militaire » pour l’État, soit des « #sauvages », impropres à servir de matière première à la #civilisation. La menace des barbares limitait la croissance des États et ceux-ci constituaient des cibles de pillages et de prélèvement de tribut. James C. Scott considère la période qui s’étend entre l’émergence initiale de l’État jusqu’à sa conquête de l’hégémonie sur les peuples sans État, comme une sorte d’ « âge d’or des barbares ». Les notions de #tribu ou de peuple sont des « #fictions_administratives » inventées en tant qu’instrument de #domination, pour désigner des #réfugiés politiques ou économiques ayant fuit vers la périphérie. « Avec le recul, on peut percevoir les relations entre les barbares et l’État comme une compétition pour le droit de s’approprier l’excédent du module sédentaire « céréales/main-d’œuvre ». » Si les chasseurs-cueilleurs itinérants grappillaient quelques miettes de la richesse étatique, de grandes confédérations politiques, notamment les peuples équestres, véritables « proto-États » ou « Empires fantômes » comme l’État itinérant de #Gengis_Kahn ou l’#Empire_Comanche, constituaient des concurrents redoutables. Les milices barbares, en reconstituant les réserves de main d’œuvre de l’État et en mettant leur savoir faire militaire au service de sa protection et de son expansion, ont creusé leur propre tombe.

      Dans la continuité de Pierre Clastres et de David Graeber, James C. Scott contribue à mettre à mal les récits civilisationnels dominants. Avec cette étude, il démontre que l’apparition de l’État est une #anomalie et une #contrainte, présentant plus d’inconvénients que d’avantages, raison pour laquelle ses sujets le fuyait. Comprendre la véritable origine de l’État c’est découvrir qu’une toute autre voie était possible et sans doute encore aujourd’hui.

      https://lundi.am/HOMO-DOMESTICUS-Une-Histoire-profonde-des-premiers-Etats
      #historicisation

  • Une meute de chasseurs terrorise un cerf jusque dans une gare en bloquant les trains plusieurs heures.
    https://actu.orange.fr/france/sncf-un-cerf-traque-par-des-chasseurs-bloque-la-circulation-des-trains-m

    Selon un témoin interrogé par France 3 Hauts-de-France, les chasseurs ont poursuivi le cerf « avec leurs chiens jusque dans la gare ». La même source rapporte que les forces de l’ordre ont dû intervenir pour repousser les chasseurs, et garder les curieux à distance.

    #chasseurs
    #france_de_merde
    #terreur

  • Un pas de plus dans l’infamie - Freddy Gomez, A Contretemps, Bulletin bibliographique
    http://acontretemps.org/spip.php?article818

    On ne sait pas comment ça finira, mais on n’aura pas cessé d’alerter sur comment ça a commencé et se poursuit. Ce « ça », c’est l’infamie qu’on expérimente depuis maintenant deux grosses années [quatre en fait, ndc], une infamie qu’on ne cherche pas à adjectiver, mais que l’on ne peut que constater à chaque rassemblement et #manifestation où nous nous rendons, une infamie qui nous livre à l’infinie violence d’une #police dépourvue de toute conscience – y compris celle de ses propres intérêts –, une infamie qui, de palier en palier et d’acte en acte, ne répond qu’à un seul objectif, fixé par l’#État_policier : briser nos résistances, terroriser nos indignations, mutiler nos colères, organiser l’auto-confinement de nos désirs pluriels et convergents d’émancipation.

    Le samedi 12 décembre, jour de manifestation parisienne « autorisée », un nouveau cap fut franchi dans « la méthode », comme disent les stratèges flicards de cabinet. Il s’agissait, clairement, d’expérimenter sur une foule compacte de plusieurs milliers de personnes [1] un nouveau dispositif à l’allemande procédant par « bonds offensifs » aléatoires, véloces et répétés à l’intérieur du cortège en distribuant des horions à tour de bras et en ramassant du gardé à vue pour faire du chiffre. Tout cela à partir de critères assez basiques pour être compris par les cognes de base : quand c’est habillé de noir, c’est du black bloc ; à défaut de noir, on tape à côté. Cinquante mètres après la place du Châtelet, d’où partait, en remontant le Sébasto, la manifestation déclarée « pour la défense des #libertés », la première pénétration sauvage de flics eut lieu, de droite et de gauche par charges multiples. Premier avantage : créer des situations de panique à l’intérieur du cortège ; second avantage : le scinder, le morceler, le maintenir sous contrôle serré, multiplier les nasses en son sein, le réduire à n’être plus qu’un troupeau qui peut être abattu sur place à tout moment. La « méthode » procède d’une scélératesse inouïe. Elle est pensée pour déstabiliser, frapper de stupeur, humilier, terrifier. L’impression dominante, c’est que la rue ne nous appartient plus, qu’on défile dans une cour de prison, que le destin nous échappe. Tout ce qui fait de la manifestation un moment unique de réappropriation de l’espace nous est refusé. La fuite aussi, d’ailleurs, puisque le nassage latéral ne la permet pas.

    Le 12 décembre, à Paris, plus de 3 000 flics dopés à la haine occupèrent, rue par rue, le périmètre de la manif, chargeant constamment et sans raison un cortège déjà réduit à n’être plus qu’une foule emprisonnée et vouée à la bastonnade. Comment admettre une telle pratique ? Au nom de quel intérêt supérieur de l’État ? Pour qui nous prend-on pour nous traiter ainsi ? Au nom de quelle logique devrait-on admettre que des flics surarmés interviennent à la féroce au sein d’un cortège déjà maté du fait de leur écrasante présence pour le disloquer sous les coups. Et ce, non pour des actes commis ou en voie d’être commis, mais à partir des seules intentions que la hiérarchie policière prêterait à tel ou tel manifestant. Comment nommer cela ? Il fut un temps où aucune manifestation placée sous contrôle serré des flics ne se passait sans que résonnât ici ou là, et parfois à voix forte, le rituel slogan « Le fascisme ne passera pas ! ». On pourrait être en droit de se demander pourquoi on ne le l’entend plus, désormais. Et avancer comme explication que, pour nombre de manifestants d’aujourd’hui, la police est devenue si détestable, sa hiérarchie si sûre d’être couverte et l’État si objectivement dépendant d’elle que la Macronie, née d’un « vote utile » contre l’extrême droite, chasse désormais – et comment ! – sur son terrain. Ce qui est passé avec elle, c’est une politique de dévastation généralisée où aucun droit social, aucune garantie démocratique gagnés de vieille lutte, aucun refus de se plier à ses diktats ne sauraient être tolérés. Ce régime s’est mis de lui-même dans les pognes d’une police dirigée par des psychopathes à casquette prêts à tout pour écraser la « canaille » que nous sommes. Ce 12 décembre 2020, on aura au moins compris à quoi elle est prête, cette police. Il n’est pas sûr que sa démonstration de force brutale nous ait définitivement découragés, mais il est certain que cette date, où aucun black bloc n’a pété aucune vitrine, restera à jamais celle où cette police s’est lâchée sans complexe contre celles et ceux qui, souvent très jeunes, manifestaient un réel courage dans la constance de leurs convictions.

    Au total, il y eut 149 interpellations, 123 gardes à vue de 24 à 48 heures dont la plupart des interpellés, éradiqués du cortège comme black blocs potentiels, seront relâchés sans charge. Six d’entre eux en revanche se verront déférés en comparution immédiate devant le tribunal pour « groupements en vue de… », pour « outrage » ou pour « dissimulation de visage », chef d’inculpation qui, en situation de Korona galopant, ne manque pas d’être ubuesque. Il faut vraiment être juge et macronard pour faire preuve d’une telle sagacité.

    Vue par les #médias mainstream et le journalisme de préfecture, l’infamante gestion policière de cette manifestation fut décrite comme une parfaite réussite. À preuve : les sauvages manifestants dont elle a l’habitude de faire son spectacle avaient été privés de saccages. (...)

    #fascisation

    • Il fut un temps où le bloc bourgeois ordonna à sa police de tirer au ventre. L’Histoire avec une grande hache fourmille d’exemples de tueries en masse de ce genre. Il en fut un autre où, au sein même du bloc bourgeois, des « démocrates sincères », porteurs d’une tradition d’humanisme intransigeant, furent capables de défendre, becs et ongles, cette essentielle #liberté_de_manifester qu’à juste titre ils voyaient comme une soupape. Car ces gens-là, simplement éclairés, étaient des opposants au désordre, mais dotés de la capacité d’en discerner les causes et les effets dans leur propre camp – c’est-à-dire celui où s’épanouissaient leurs privilèges, leurs statuts et leurs rangs – quand il pouvait être menacé par des foules hostiles prêtes à tout pour laver les offenses que leur classe leur faisait subir. Souvent apparentée à la gauche, mais débordant aussi ses rivages, cette fraction du bloc bourgeois était le fruit d’une tradition historique, celle de la Révolution française, qui fut interclassiste. Jusqu’à mai 68 et la décennie agitée qui suivit la convulsion, cette fraction joua son rôle : elle défendit la liberté d’expression et de manifestation et elle veilla, tant que faire ce pouvait, à dénoncer les agissements des polices d’un Papon ou d’un Marcellin.

      On s’étonna, au vu de la très sévère répression qu’on appliqua aux Gilets jaunes, de l’absence majuscule de réaction pétitionnaire ou manifestante de cette fraction éclairée du bloc bourgeois. La raison, pourtant, en était simple. C’est qu’elle avait cessé d’être, que ces « grandes consciences » ou ces « belles âmes » avaient tout bonnement disparu, comme s’étaient considérablement réduites les zones d’influence où elle s’exerçait (...)

      #tradition_humaniste #bourgeoisie #démocrates

  • Lasst de Gaulles Erbe fahren

    Das Land hat seinem früheren Präsidenten viel zu verdanken, unter anderem auch dies: Das System ist ineffizient, weil das Verständnis von Staat und Bürger überkommen ist. Es wäre an der Zeit für ein demokratisches Update.

    Man darf es Staatsversagen nennen. In der Corona-Krise hat Frankreichs Führung auch in der zweiten Welle nichts im Griff. Zuletzt zählt das Land täglich etwa 60 000 Ansteckungen, seit Beginn der Pandemie sind es 1,6 Millionen. Europa-Rekord.

    Unter den vielen Formen der Überforderung, die im Umgang mit dem Virus zu beobachten sind, sticht das französische Beispiel hervor. Nirgendwo ist die Diskrepanz zwischen dem Anspruch der Eliten auf exzellente Regierungsführung und der Wirklichkeit des Krisenmanagements so groß. Das Virus stellt schonungslos infrage, wie in Frankreich Entscheidungen für das Gemeinwesen gesteuert und umgesetzt werden. Und das in einem Land, in dem der Staat Kern nationaler Identität ist.

    Das System steht in napoleonischer Tradition

    Der Fehler liegt im System, dem Erbe von Charles de Gaulle. Dessen später Nachfolger Emmanuel Macron wird jetzt, zum 50. Todestag des Begründers der Fünften Republik, den Geist de Gaulles um Beistand beschwören. Dabei ist de Gaulle nicht Teil der Krisenlösung, er ist Teil des Problems. Die politisch-administrative Struktur, in die der General die französische Demokratie in napoleonischer Tradition 1958 gepresst hat, entspricht weder den Herausforderungen durch das Virus noch der Komplexität einer modernen Gesellschaft. Die Corona-Lehre lautet: Beerdigt de Gaulle.

    Lang ist die Serie aus Irrtümern und bürokratischen Erschwernissen in Frankreichs Kampf gegen die Pandemie. Anfangs bestritt die Regierung den Nutzen von Schutzmasken, und die Gesundheitsbehörden erkannten nicht, wie wichtig eine Teststrategie ist. Inzwischen wird massiv getestet, aber die Auswertung kann Wochen dauern. Der Mangel an Intensivbetten verursacht weiter viele Tote. Von 12 000 Betten, die vor der zweiten Welle versprochen wurden, fehlen 4000. Dabei gibt Frankreich, gemessen an der Wirtschaftsleistung, ebenso viel für Gesundheit aus wie Deutschland; nur erhält es für dieses Geld weniger Schutz.
    Das Land leidet unter einem Eliten-Inzest

    Die Verwaltung besticht nicht durch Effizienz. Dafür besitzt sie im Präsidialsystem eine dominante Stellung. De Gaulle gründete nach dem Krieg die zu Recht viel kritisierte Elitehochschule ENA, die neben dem heutigen Staatschef und dem Premierminister auch die wichtigen Entscheider im Hintergrund stellt. Sie mögen alle kluge Köpfe sein - ihr Eliten-Inzest bringt dennoch oft kompliziert-kafkaeske Entscheidungen hervor, im schlimmsten Fall schlechte Krisenpolitik. Macron wollte die ENA abschaffen. Aber Frankreichs mächtigste Lobby widersteht.

    Das System ist ineffizient, weil sein Verständnis von Staat und Bürger überkommen ist: Die Spitze hat immer recht, selbst wenn sie irrt. Deshalb verbessert sich dieses System kaum, es lernt nicht. Oder nur sehr langsam, zu langsam für ein schnelles Virus. Zu dessen Bekämpfung greift Macron in de Gaulle’scher Manier auf Notstandsgesetze zurück und unterwirft sein Corona-Kabinett dem Verteidigungsgeheimnis. Transparenz und Demokratie gelten als lästige Hindernisse. Nur: So schafft man keine Akzeptanz für den Corona-Kampf, der noch lange dauern wird.

    De Gaulle war ein großer Staatsmann. Ein Kriegsheld und später ein Präsident, der seinem Land Gehör verschaffte. Auch die Deutschen haben ihm viel zu verdanken: die Aussöhnung mit Frankreich.

    Doch heute verhindert sein Verfassungserbe gutes Regieren. Frankreich muss sich von ihm lösen. Es braucht ein demokratisches Update. Einen Staat, der modern ist - auch und vor allem an der Spitze.

    https://www.sueddeutsche.de/meinung/frankreich-lasst-de-gaulles-erbe-fahren-1.5107621!amp?__twitter_impress

    #La_France_vue_d'Allemagne #vu_d'Allemagne #France #de_Gaulle #gaullisme #tradition_napoléonienne #administration #administration_française #covid-19 #gestion #coronavirus #ENA #grandes_écoles #Macron

    –---

    Quelques passages traduits en français par Pascal Thibaut sur twitter et ici :

    « on peut parler d’une #faillite de l’#Etat. Les responsables français ont aussi perdu le contrôle des choses durant cette deuxième vague. Nulle part ailleurs, on ne voit un tel fossé entre les ambitions des #élites et leur management de #crise »
    "Le virus met cruellement en cause la manière dont les #décisions sont adoptées et mises en place en France. Et cela dans un pays où l’Etat joue un rôle central pour l’#identité_nationale".
    « L’erreur réside dans l’héritage de de Gaulle dont Macron invoque l’héritage 50 ans après sa mort. Les structures fondées en 1958 dans un #esprit_napoléonien ne peuvent répondre aux défis d’une pandémie et à une société complexe. Conclusion : il faut enterrer de Gaulle ».
    « Les Enarques sont peut-être des esprits brillants mais leur #inceste_élitaire produit trop souvent des décisions complexes et kafkaiennes et dans le pire des cas une mauvaise gestion de crise. »
    "le système est inefficient car sa compréhension de l’Etat et de ses citoyens est dépassée. Le sommet a toujours raison même quand il a tort. C’est pourquoi le système s’améliore peu et ne tire que trop lentement des leçons de ses erreurs. Trop lentement pour un virus".
    « Pour le combattre, Macron recourt à la mode gaullienne à des lois d’urgence et soumet le conseil des ministres au secret défense. La #transparence et la #démocratie sont perçes comme gênants. Mais cela ne favorise pas le soutien de la population. »
    "La France a besoin d’un #update_démocratique, d’un Etat moderne surtout pour sa direction"

    https://twitter.com/pthibaut/status/1324795895586660352

  • L’impensé colonial de la #politique_migratoire italienne

    Les sorties du Mouvement Cinq Étoiles, au pouvoir en Italie, contre le #franc_CFA, ont tendu les relations entre Paris et Rome en début d’année. Mais cette polémique, en partie fondée, illustre aussi l’impensé colonial présent dans la politique italienne aujourd’hui – en particulier lors des débats sur l’accueil des migrants.

    Au moment de déchirer un billet de 10 000 francs CFA en direct sur un plateau télé, en janvier dernier (vidéo ci-dessous, à partir de 19 min 16 s), #Alessandro_Di_Battista savait sans doute que son geste franchirait les frontières de l’Italie. Revenu d’un long périple en Amérique latine, ce député, figure du Mouvement Cinq Étoiles (M5S), mettait en scène son retour dans l’arène politique, sur le plateau de l’émission « Quel temps fait-il ? ». Di Battista venait, avec ce geste, de lancer la campagne des européennes de mai.
    https://www.youtube.com/watch?v=X14lSpRSMMM&feature=emb_logo


    « La France, qui imprime, près de Lyon, cette monnaie encore utilisée dans 14 pays africains, […] malmène la souveraineté de ces pays et empêche leur légitime indépendance », lance-t-il. Di Battista cherchait à disputer l’espace politique occupé par Matteo Salvini, chef de la Ligue, en matière de fermeté migratoire : « Tant qu’on n’aura pas déchiré ce billet, qui est une menotte pour les peuples africains, on aura beau parler de ports ouverts ou fermés, les gens continueront à fuir et à mourir en mer. »

    Ce discours n’était pas totalement neuf au sein du M5S. Luigi Di Maio, alors ministre du travail, aujourd’hui ministre des affaires étrangères, avait développé à peu près le même argumentaire sur l’immigration, lors d’un meeting dans les Abruzzes, à l’est de Rome : « Il faut parler des causes. Si des gens partent de l’Afrique aujourd’hui, c’est parce que certains pays européens, la #France en tête, n’ont jamais cessé de coloniser l’Afrique. L’UE devrait sanctionner ces pays, comme la France, qui appauvrissent les États africains et poussent les populations au départ. La place des Africains est en Afrique, pas au fond de la Méditerranée. »

    À l’époque, cette rhétorique permettait au M5S de creuser sa différence avec la Ligue sur le dossier, alors que Matteo Salvini fermait les ports italiens aux bateaux de migrants. Mais cette stratégie a fait long feu, pour des raisons diplomatiques. Celle qui était alors ministre des affaires européennes à Paris, Nathalie Loiseau, a convoqué l’ambassadrice italienne en France pour dénoncer des « déclarations inacceptables et inutiles ». L’ambassadeur français à Rome a quant à lui été rappelé à Paris, une semaine plus tard – en réaction à une rencontre de dirigeants du M5S avec des « gilets jaunes » français.

    En Italie, cet épisode a laissé des traces, à l’instar d’un post publié sur Facebook, le 5 juillet dernier, par le sous-secrétaire aux affaires étrangères M5S Manlio Di Stefano. À l’issue d’une rencontre entre Giuseppe Conte, premier ministre italien, et Vladimir Poutine, il écrit : « L’Italie est capable et doit être le protagoniste d’une nouvelle ère de #multilatéralisme, sincère et concret. Nous le pouvons, car nous n’avons pas de #squelettes_dans_le_placard. Nous n’avons pas de #tradition_coloniale. Nous n’avons largué de bombes sur personne. Nous n’avons mis la corde au cou d’aucune économie. »

    Ces affirmations sont fausses. Non seulement l’Italie a mené plusieurs #guerres_coloniales, jusqu’à employer des #armes_chimiques – en #Éthiopie de 1935 à 1936, dans des circonstances longtemps restées secrètes –, mais elle a aussi été l’un des premiers pays à recourir aux bombardements, dans une guerre coloniale – la guerre italo-turque de 1911, menée en Libye. Dans la première moitié du XXe siècle, l’Italie fut à la tête d’un empire colonial qui englobait des territoires comme la Somalie, la Libye, certaines portions du Kenya ou encore l’Éthiopie.

    Cette sortie erronée du sous-secrétaire d’État italien a au moins un mérite : elle illustre à merveille l’impensé colonial présent dans la politique italienne contemporaine. C’est notamment ce qu’affirment plusieurs intellectuels engagés, à l’instar de l’écrivaine et universitaire romaine de 45 ans #Igiaba_Scego. Issue d’une famille somalienne, elle a placé la #question_coloniale au cœur de son activité littéraire (et notamment de son roman Adua). Dans une tribune publiée par Le Monde le 3 février, elle critique sans ménagement l’#hypocrisie de ceux qui parlent du « #colonialisme_des_autres ».

    À ses yeux, la polémique sur le franc CFA a soulevé la question de l’effacement de l’histoire coloniale en cours en Italie : « Au début, j’étais frappée par le fait de voir que personne n’avait la #mémoire du colonialisme. À l’#école, on n’en parlait pas. C’est ma génération tout entière, et pas seulement les Afro-descendants, qui a commencé à poser des questions », avance-t-elle à Mediapart.

    Elle explique ce phénomène par la manière dont s’est opéré le retour à la démocratie, après la Seconde Guerre mondiale : #fascisme et entreprise coloniale ont été associés, pour mieux être passés sous #silence par la suite. Sauf que tout refoulé finit par remonter à la surface, en particulier quand l’actualité le rappelle : « Aujourd’hui, le corps du migrant a remplacé le corps du sujet colonial dans les #imaginaires. » « Les migrations contemporaines rappellent l’urgence de connaître la période coloniale », estime Scego.

    Alors que le monde politique traditionnel italien évite ce sujet délicat, la question est sur la table depuis une dizaine d’années, du côté de la gauche radicale. Le mérite revient surtout à un groupe d’écrivains qui s’est formé au début des années 2000 sous le nom collectif de Wu Ming (qui signifie tout à la fois « cinq noms » et « sans nom » en mandarin).

    Sous un autre nom, emprunté à un footballeur anglais des années 1980, Luther Blissett, ils avaient déjà publié collectivement un texte, L’Œil de Carafa (Seuil, 2001). Ils animent aujourd’hui le blog d’actualité politico-culturelle Giap. « On parle tous les jours des migrants africains sans que personne se souvienne du rapport historique de l’Italie à des pays comme l’Érythrée, la Somalie, l’Éthiopie ou la Libye », avance Giovanni Cattabriga, 45 ans, alias Wu Ming 2, qui est notamment le co-auteur en 2013 de Timira, roman métisse, une tentative de « créoliser la résistance italienne » à Mussolini.

    Dans le sillage des travaux du grand historien critique du colonialisme italien Angelo Del Boca, les Wu Ming ont ouvert un chantier de contre-narration historique qui cible le racisme inhérent à la culture italienne (dont certains textes sont traduits en français aux éditions Métailié). Leur angle d’attaque : le mythe d’une Italie au visage bienveillant, avec une histoire coloniale qui ne serait que marginale. Tout au contraire, rappelle Cattabriga, « les fondements du colonialisme italien ont été posés très rapidement après l’unification du pays, en 1869, soit huit ans à peine après la création du premier royaume d’Italie, et avant l’annexion de Rome en 1870 ».

    La construction nationale et l’entreprise coloniale se sont développées en parallèle. « Une partie de l’identité italienne s’est définie à travers l’entreprise coloniale, dans le miroir de la propagande et du racisme que celle-ci véhiculait », insiste Cattabriga. Bref, si l’on se souvient de la formule du patriote Massimo D’Azeglio, ancien premier ministre du royaume de Sardaigne et acteur majeur de l’unification italienne qui avait déclaré en 1861 que « l’Italie est faite, il faut faire les Italiens », on pourrait ajouter que les Italiens ont aussi été « faits » grâce au colonialisme, malgré les non-dits de l’histoire officielle.
    « La gauche nous a abandonnés »

    Au terme de refoulé, Cattabriga préfère celui d’oubli : « D’un point de vue psychanalytique, le refoulé se base sur une honte, un sentiment de culpabilité non résolu. Il n’y a aucune trace de ce sentiment dans l’histoire politique italienne. » À en croire cet historien, l’oubli colonial italien deviendrait la pièce fondamentale d’une architecture victimaire qui sert à justifier une politique de clôture face aux étrangers.

    « Jouer les victimes, cela fait partie de la construction nationale. Notre hymne dit : “Noi fummo da sempre calpesti e derisi, perché siam divisi” [“Nous avons toujours été piétinés et bafoués, puisque nous sommes divisés” – ndlr]. Aujourd’hui, le discours dominant présente les Italiens comme des victimes des migrations pour lesquelles ils n’ont aucune responsabilité. Cette victimisation ne pourrait fonctionner si les souvenirs de la violence du colonialisme restaient vifs. »

    Un mécanisme identique serait à l’œuvre dans la polémique sur le franc CFA : « On stigmatise la politique néocoloniale française en soulignant son caractère militaire, à quoi on oppose un prétendu “style italien” basé sur la coopération et l’aide à l’Afrique. Mais on se garde bien de dire que l’Italie détient des intérêts néocoloniaux concurrents de ceux des Français », insiste Cattabriga.

    L’historien Michele Colucci, auteur d’une récente Histoire de l’immigration étrangère en Italie, est sur la même ligne. Pour lui, « l’idée selon laquelle l’Italie serait un pays d’immigration récente est pratique, parce qu’elle évite de reconnaître la réalité des migrations, un phénomène de longue date en Italie ». Prenons le cas des Érythréens qui fuient aujourd’hui un régime autoritaire. Selon les chiffres des Nations unies et du ministère italien de l’intérieur, ils représentaient environ 14 % des 23 000 débarqués en Italie en 2018, soit 3 300 personnes. Ils ne formaient l’année précédente que 6 % des 119 000 arrivés. De 2015 à 2016, ils constituaient la deuxième nationalité, derrière le Nigeria, où l’ENI, le géant italien du gaz et du pétrole, opère depuis 1962.

    « Les migrations de Somalie, d’Éthiopie et d’Érythrée vers l’Italie ont commencé pendant la Seconde Guerre mondiale. Elles se sont intensifiées au moment de la décolonisation des années 1950 [la Somalie est placée sous tutelle italienne par l’ONU de 1950 à 1960, après la fin de l’occupation britannique – ndlr]. Cela suffit à faire de l’Italie une nation postcoloniale. » Même si elle refuse de le reconnaître.

    Les stéréotypes coloniaux ont la peau dure. Selon Giovanni Cattabriga, alias Wu Ming 2, « [ses collègues et lui ont] contribué à sensibiliser une partie de la gauche antiraciste, mais [il n’a] pas l’impression que, globalement, [ils soient] parvenus à freiner les manifestations de racisme » : « Je dirais tout au plus que nous avons donné aux antiracistes un outil d’analyse. »

    Igiaba Scego identifie un obstacle plus profond. « Le problème, affirme-t-elle, est qu’en Italie, les Afro-descendants ne font pas partie du milieu intellectuel. Nous sommes toujours considérés un phénomène bizarre : l’école, l’université, les rédactions des journaux sont des lieux totalement “blancs”. Sans parler de la classe politique, avec ses visages si pâles qu’ils semblent peints. »

    Ce constat sur la « blanchitude » des lieux de pouvoir italiens est une rengaine dans les milieux militants et antiracistes. L’activiste Filippo Miraglia, trait d’union entre les mondes politique et associatif, en est convaincu : « Malgré les plus de cinq millions de résidents étrangers présents depuis désormais 30 ans, nous souffrons de l’absence d’un rôle de premier plan de personnes d’origine étrangère dans la politique italienne, dans la revendication de droits. À mon avis, c’est l’une des raisons des défaites des vingt dernières années. »

    Miraglia, qui fut président du réseau ARCI (l’association de promotion sociale de la gauche antifasciste fondée en 1957, une des plus influentes dans les pays) entre 2014 et 2017 (il en est actuellement le chef du département immigration) et s’était présenté aux législatives de 2018 sur les listes de Libres et égaux (à gauche du Parti démocrate), accepte une part d’autocritique : « Dans les années 1990, les syndicats et les associations ont misé sur des cadres d’origine étrangère. Mais ce n’était que de la cooptation de personnes, sans véritable ancrage sur le terrain. Ces gens sont vite tombés dans l’oubli. Certains d’entre eux ont même connu le chômage, renforçant la frustration des communautés d’origine. »

    L’impasse des organisations antiracistes n’est pas sans rapport avec la crise plus globale des gauches dans le pays. C’est pourquoi, face à cette réalité, les solutions les plus intéressantes s’inventent sans doute en dehors des organisations traditionnelles. C’est le cas du mouvement des Italiens de deuxième génération, ou « G2 », qui réunit les enfants d’immigrés, la plupart nés en Italie, mais pour qui l’accès à la citoyenneté italienne reste compliqué.

    De 2005 à 2017, ces jeunes ont porté un mouvement social. Celui-ci exigeait une réforme de la loi sur la nationalité italienne qui aurait permis d’accorder ce statut à environ 800 000 enfants dans le pays. La loi visait à introduire un droit du sol, sous certaines conditions (entre autres, la présence d’un des parents sur le territoire depuis cinq ans ou encore l’obligation d’avoir accompli un cycle scolaire complet en Italie).

    Ce mouvement était parvenu à imposer le débat à la Chambre basse en 2017, sous le gouvernement de Matteo Renzi, mais il perdit le soutien du même Parti démocrate au Sénat. « La gauche a commis une grave erreur en rejetant cette loi, estime Igiaba Scego, qui s’était investie dans la campagne. Cette réforme était encore insuffisante, mais on se disait que c’était mieux que rien. La gauche nous a abandonnés, y compris celle qui n’est pas représentée au Parlement. Nous étions seuls à manifester : des immigrés et des enfants d’immigrés. Il y avait de rares associations, quelques intellectuels et un grand vide politique. À mon avis, c’est là que l’essor de Matteo Salvini [le chef de la Ligue, extrême droite – ndlr] a commencé. »

    Certains, tout de même, veulent rester optimistes, à l’instar de l’historien Michele Colucci qui signale dans son ouvrage le rôle croissant joué par les étrangers dans les luttes du travail, notamment dans les secteurs de l’agriculture : « Si la réforme de la nationalité a fait l’objet de discussions au sein du Parlement italien, c’est uniquement grâce à l’organisation d’un groupe de personnes de deuxième génération d’immigrés. Ce mouvement a évolué de manière indépendante des partis politiques et a fait émerger un nouvel agenda. C’est une leçon importante à retenir. »

    https://www.mediapart.fr/journal/international/241219/l-impense-colonial-de-la-politique-migratoire-italienne?onglet=full
    #colonialisme #Italie #impensé_colonial #colonisation #histoire #migrations #causes_profondes #push-factors #facteurs_push #Ethiopie #bombardements #guerre_coloniale #Libye #histoire #histoire_coloniale #empire_colonial #Somalie #Kenya #Wu_Ming #Luther_Blissett #littérature #Luther_Blissett #contre-récit #contre-narration #nationalisme #construction_nationale #identité #identité_italienne #racisme #oubli #refoulement #propagande #culpabilité #honte #oubli_colonial #victimes #victimisation #violence #néocolonialisme #stéréotypes_coloniaux #blanchitude #invisibilisation #G2 #naturalisation #nationalité #droit_du_sol #gauche #loi_sur_la_nationalité #livre

    –—
    Mouvement #seconde_generazioni (G2) :

    La Rete G2 - Seconde Generazioni nasce nel 2005. E’ un’organizzazione nazionale apartitica fondata da figli di immigrati e rifugiati nati e/o cresciuti in Italia. Chi fa parte della Rete G2 si autodefinisce come “figlio di immigrato” e non come “immigrato”: i nati in Italia non hanno compiuto alcuna migrazione; chi è nato all’estero, ma cresciuto in Italia, non è emigrato volontariamente, ma è stato portato qui da genitori o altri parenti. Oggi Rete G2 è un network di “cittadini del mondo”, originari di Asia, Africa, Europa e America Latina, che lavorano insieme su due punti fondamentali: i diritti negati alle seconde generazioni senza cittadinanza italiana e l’identità come incontro di più culture.

    https://www.secondegenerazioni.it

    ping @wizo @albertocampiphoto @karine4 @cede

    • (c’est une playlist (tout l’album exactement), où une trentaine de morceaux courts s’enchaînent pour ne former qu’une grande guirlande mélancholique et pesante, un truc de montagnards)

    • un truc marrant aussi pour compléter la galaxie rébét, c’est de connaître le père karaghiozis, héros du théâtre d’ombre, qui a un peu les même intonations de voix que les rebètes fumeurs de spliff (intonations qui ressemblent étrangement à un bon gros accent parigo soit-dit en passant). Là, c’est karagiozis à l’eurovision... Hélas, pour bien saisir les blagues, ça demande un niveau de keugré que j’ai pas... mais bon https://www.youtube.com/watch?v=bHX-y7p20kU

      On retrouve ce ton gouaille-clown là-dedans par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=AuY1NXugb80

      mais c’est pas vraiment du rébétiko... λαϊκή, c’est de la musique laïque, du laos, du peuple, populaire...

    • (aussi il me semble bien que ΕΙΜΑΙ ΠΡΕΖΑΚΙΑΣ soit un tsiftétéli, une danse du ventre, plutôt qu’un rébétiko (ah mais Αμανές τσιφτετέλι Ουσάκ aussi, c’est même marqué dessus tsiftételi, et c’est mélangé à un amanès, une musique où l’on dit aman aman, mon dieu mon dieu, un genre en soi aussi)

    • #merci @tintin, ouais, cette Roza a chanté diverses choses, aussi en Turc. Une affection particulière pour les rebetes qui me rappellent les terroni, des migrants, cette fois passe frontière, avec une langue commune à celle de la « terre d’accueil ».

      "je me suis pris tant de coups au 12, à la gendarmerie, qu’à la fin, pauvre de moi, je me suis retrouvé tout maigre...’, Adinatisa O Kaimenos - A. Kostis
      https://www.youtube.com/watch?v=KAp01GgsoLk

      « Nos mangkés se plaignent » Παραπονούνται οι μάγκες (Paraponoundai i mangkés, Giovan Tsaous), Antonis Kalyvopoulos - Αντώνης Καλυβόπουλος
      https://www.youtube.com/watch?v=5cXpkTt7nfQ

      ΟΙ ΓΥΡΟΛΟΓΟΙ (Les joueurs de gramophone ambulants), 1935, ΚΩΣΤΑΣ ΡΟΥΚΟΥΝΑΣ
      https://www.youtube.com/watch?v=Txq6pcCc26Y

      I Eleni I Zondochira [Eleni the Divorcee], Andonis Kalivopoulos (1936)
      https://www.youtube.com/watch?v=E-r8a-Ng8e8

      Το φλιτζάνι του Γιάννη - Ρίτα Αμπατζή, Rita Abatzi
      https://www.youtube.com/watch?v=gCPno10Wu9A

      In the cellar [Στην υπόγα] - A.Kostis [Α. Κωστής]
      https://www.youtube.com/watch?v=8vctBbS7-jU

      Shooting dice [Το μπαρμπούτι] - Kostas Roukounas
      https://www.youtube.com/watch?v=keq16azHXgs

      Le frais Péloponnèse - Δροσάτη Πελοπόννησος, Stelakis Perpiniadis
      https://www.youtube.com/watch?v=Ze0qRnsZnL4

    • Façon revival et squats, les paris des #parias perdurent.

      REBETIKO ! i filakis to oropou ; (yorgos batis) by ULTRATURK
      https://www.youtube.com/watch?v=qeJIsvy3CkY

      Yorgos Batis - Γιώργος Μπάτης- Ο μπουφετζής (1932)
      https://www.youtube.com/watch?v=Xxo6HeXYgdY

      Εσκενάζυ Ρόζα - Της το βγάλανε
      https://www.youtube.com/watch?v=_ChUSSSk0M4

      Η ΜΠΑΜΠΕΣΑ ΡΟΖΑ ΕΣΚΕΝΑΖΥ
      https://www.youtube.com/watch?v=ZnPxUXfae9A

    • Aux sources du Rebetiko. Chansons des bas-fonds, des prisons et des fumeries de haschisch. Smyrne - Le Pirée - Salonique (1920-1960) @cie813 je devrais pouvoir le retrouver pour te le prêter
      http://les.nuits.rouges.free.fr/spip.php?article33

      Depuis la première édition de Road to Rembetika en 1975, nous en savons désormais beaucoup plus sur ce genre musical si original. Les travaux de chercheurs, les découvertes de producteurs, de musiciens et de simples amateurs ont livré toute une masse d’informations et de documents qui nous permettent de mieux connaître l’#histoire et les développements du rébétiko, ainsi que la manière dont il fut reçu par le #public grec. Des films, des documentaires et des fictions-télé ont pris pour thème le rébétiko. Quant au matériel phonographique, il est désormais accessible sous forme de disques compacts accompagnés de notices souvent fort détaillées, sans parler des nombreuses #vidéos visibles sur la Toile. Lorsque ce livre fut écrit, il fallait se contenter de disques en 78-tours. Des recherches systématiques, menées par une poignée d’étudiants dans les archives de compagnies discographiques en Grèce, en Turquie, en Allemagne et aux Etats-Unis, ont permis d’établir une chronologie plus précise du rébétiko, mais, cependant, une bonne partie des questions posées au milieu des années 1970 n’a pas encore trouvé réponse, y compris celles, fondamentales, qui tiennent à la définition du genre – qui comprend plusieurs formes –, à la détermination de ses origines ou à la mesure de son importance dans l’histoire musicale de la Grèce.

      Sur l’origine du mot rébétiko (qui pourrait provenir du turc rebet : #hors-la-loi ou #déclassé), nous ne sommes guère plus avancés que pour celle du mot jazz. Tiki tiki tak, enregistrée à Constantinople pour la compagnie Favorite vers 1924 et destinée au marché d’outre-Atlantique, fut probablement une des toutes premières compositions portant cette estampille, bien que cette désinvolte petite chanson s’avère assez éloignée du rébétiko classique. Mais certaines sources rapportent que le mot fut employé dès le milieu des années 1910… Toujours est-il qu’entre 1924 et 1926, quatre grandes compagnies discographiques : Odeon, Gramophone, Columbia et Polydor commencèrent à réaliser des enregistrements en Grèce même. Quelques années après, la compagnie gréco-américaine Orthophonic, dirigée par Tétos Dimitriadis, produisit une série destinée au marché américain. Un enregistrement réalisé par Pol (Léopold Gal) aux Etats-Unis, probablement à la fin des années 1920, est la première occurrence que je connaisse. En Grèce même, une affiche publicitaire pour le Neos Cosmos Café, imprimée en 1930, indique que le public était déjà familiarisé avec ces termes  : elle annonce un programme de chansons interprétées par Nouros et Stellakis devant comprendre « les dernières chansons européennes et rébétiques, ainsi que de pathétiques #amanés ».

      Il est clair que le rôle de l’industrie du disque, ainsi que celui joué par les musiciens grecs établis en Amérique, ont été déterminants dans la promotion du genre. La précieuse discographie des musiques et chansons folkloriques enregistrées aux Etats-Unis, établie par Richard Spottswood (1990), aussi bien que la gravure en 33-tours, puis en cd, des vieux 78-tours, montrent que les amateurs du style musical d’Asie mineure débordaient le cadre de la communauté hellénique. Les cafés-aman de New York et Chicago, possédés par celle-ci, étaient aussi fréquentés par des Arméniens, des Turcs, des Syriens et d’autres familiers de la musique de l’Empire ottoman déclinant. Les musiques enregistrées en Amérique parvenaient facilement en Grèce et vice-versa, renforçant les influences réciproques.

      Pour établir plus précisément les origines du rébétiko et ses premières manifestations, il faudrait aussi se plonger dans la documentation amassée en Turquie sur le sujet. Consécutivement au regain d’intérêt manifesté par la Grèce pour cette musique dans les années 1980-90, un véritable enthousiasme pour le rébétiko s’est manifesté dans ce pays. C’est ainsi que Road to Rembetika a été traduit en turc et publié à Istanbul en 1993. Des articles consacrés à ce genre musical ont paru ensuite dans la presse, tandis que des universitaires établissaient des comparaisons avec les #chansons populaires turques de la même époque.

      On admet généralement aujourd’hui que non seulement les modes, les rythmes, les termes musicaux et les instruments du rébétiko dérivent de la #musique_populaire ottomane, mais encore que beaucoup de ces chansons ne sont tout simplement que des versions grecques de chansons populaires de Constantinople ou de Smyrne. En outre, toute la tradition de l’#improvisation vocale et instrumentale est aussi orientale. Bien sûr, et comme toutes les autres, la musique turque était elle-même hybride, façonnée par d’incessants échanges entre les diverses communautés religieuses ou ethniques vivant en Anatolie ou dans les Balkans.

      Le rébétiko est l’héritier d’une #tradition_orale où l’improvisation avait une part importante. Les plus vieux musiciens que j’ai pu rencontrer m’ont confirmé qu’ils tenaient ces morceaux d’amateurs ou de semi-professionnels, habitués des fumeries et des tavernes du Pirée. Selon eux, certaines chansons n’avaient pas d’auteur connu, à la différence d’autres qu’ils attribuaient à un auteur particulier. Ils étaient rarement d’accord sur ces questions, ainsi d’ailleurs que sur les titres des morceaux, qui variaient selon les lieux. En revanche, ils se rappelaient tous que les improvisations ne portaient pas seulement sur la musique mais aussi sur les paroles.

      Les liens existants entre la musique soufie et le rébétiko sont encore à préciser, mais ils semblent évidents. Le tournoiement du corps, la transe qui saisit le danseur de zeïbékiko, ont été comparés par maints observateurs aux rites des derviches. L’argot rébétique est aussi révélateur d’une certaine proximité. Ainsi, le mot dervichi, qui désigne un homme (parfois une femme) qui fume du haschisch et fréquente le téké , bref un vrai rébétis…

      Suite à cette tradition, le rébétiko du Pirée, celui de Markos Vamvakaris et de ses amis, que j’appelle « classique », marque à la fois une continuité et une rupture. Cette dernière est due à la prééminence du bouzouki, à un style vocal nouveau, et à la composition de chansons originales, dont beaucoup mettent en scène le demi-monde urbain et même le milieu. Ces développements datent des années 1920 et du début des années 1930 au Pirée, lorsque la rencontre des #réfugiés d’Asie mineure avec des musiciens piréïotes produisit cette nouvelle musique, qui eut une résonance immédiate dans le public grec.

      Trois questions pourront ne jamais recevoir de réponses satisfaisantes : à partir de quelle date peut-on vraiment parler de rébétiko ? pourquoi le rébétiko devint-il si populaire ? et quand cessa-t-il d’être du rébétiko pour devenir autre chose ? Ces questions d’authenticité, de pureté, de croisement et de fusion se sont posées à propos de tous les styles musicaux qui ont accédé à une certaine notoriété – tels le tango, le flamenco, le fado, les canzone di la malavita calabraises ou le jazz –, et ont toutes fait l’objet de polémiques ardentes.

      Si l’on peut associer avec certitude un genre artistique avec une époque et un lieu, il est toujours difficile de préciser quand et où exactement il est apparu et quand il a disparu, au profit d’un autre, plus adapté aux goûts de la société. De même, ses frontières, brouillées par de multiples croisements et interactions d’influences, sont toujours mouvantes et imprécises : des rythmes rébétiques ont été utilisés par des chanteurs démotiques ; et le rébétiko lui-même ne s’est pas privé de récupérer tout ce qui était susceptible de l’être  : depuis les amanés jusqu’au fox-trot, en passant par le tango et la chanson napolitaine.

      Il faudrait aussi noter le destin identique de toutes ces musiques. Apparues dans les bas-fonds de la société ou venues d’ailleurs, leur initiale mauvaise réputation et leur étrangeté ont été utilisées comme argument commercial par des producteurs avisés qui les ont offertes à la consommation d’une clientèle bourgeoise d’abord, puis plus populaire. Mais ainsi, et peu à peu, elles perdaient leurs caractéristiques contestataires originelles et, plus ou moins consciemment, s’adaptaient, se « formataient » aux goûts de la société, jusqu’à perdre tout ce qui avait fait leur charme initial. Le rébétiko n’a pas échappé à cet engrenage inévitable, déclenché dès la fin des années 1930, quand les rébétès furent conviés à enregistrer leur musique confidentielle de drogués du Pirée et à la présenter devant les auditoires sélects d’Athènes.

      Bon nombre de figures qui apparaissent dans ce livre sont mortes depuis sa parution, aussi dédié-je cette édition à leur mémoire. Parmi eux, l’incomparable chanteuse Sotiria Bellou  ; le compositeur de rébétikos le plus prolifique Vassilis Tsitsanis  ; et aussi – bien qu’il n’y soit pas mentionné – Grigoris Bithikotsis, chanteur-fétiche de Theodorakis dans les années 1960. Une autre absence cruelle est celle d’Ole Smith, dont l’établissement de la discographie rébétique aux Etats-Unis est l’un des nombreux mérites. Et enfin, et surtout, mon principal informateur, mon professeur et mon ami Thanassis Athanassiou est passé de l’autre côté. J’espère, où qu’il soit, qu’il trouvera toujours un petit mavraki (joint) quand il en aura l’envie.

      Sur la demande de mon éditeur, j’ai procédé pour cette troisième édition française à un certain nombre d’ajouts, qui ont conduit à une refonte partielle du livre et à l’apparition de trois chapitres supplémentaires, ainsi que d’un index. Ces ajouts sont tirés en grande partie d’articles universitaires que j’ai consacrés ces dernières années à divers aspects de la question, plus particulièrement les #femmes du rébétiko et l’importance du zeïbékiko dans la culture grecque contemporaine. Evidemment, ils n’ont pas été plaqués tels quels mais légèrement réécrits pour que cet ouvrage, qui est avant tout d’initiation, ne perde pas ce caractère. De nouvelles illustrations ont aussi été insérées.

      Cette édition a aussi bénéficié du précieux travail de remastérisation des vieux enregistrements originaux, effectué par John Stedman et sa compagnie JSP Records à partir des collections du rébétophile Charles Howard. Quiconque est intéressé par le rébétiko sera bien inspiré d’acquérir cette série de coffrets, qui comprend notamment l’intégralité des chansons d’avant-guerre de V. Tsitsanis. Nous le remercions, ainsi que son collaborateur Andrew Aitken, pour leur gracieuse collaboration qui nous a permis de renouveler la sélection musicale du disque joint.

      G. H. Ithaca (USA), 2010.

  • Apologie du terrorisme : leurs « amis » Facebook ont prévenu la police - Rue89 - L’Obs
    http://rue89.nouvelobs.com/2015/01/23/apologie-terrorisme-leurs-amis-facebook-ont-prevenu-police-257229

    Ces affaires soulèvent une question gênante : quand il s’agit de Facebook, où la frontière entre vie publique et vie privée est ambiguë, comment les publications sont-elles signalées ?

    Un bouton permet de rapporter les posts faisant « l’apologie de la violence », sur Facebook. Ces signalements sont traités dans les 72 heures, les cas d’apologie au terrorisme étant examinés en priorité par un modérateur et retirés dans la foulée, si la publication enfreint la loi locale.

    Dans certains cas, et ce n’est pas systématique, Facebook en informe directement les autorités judiciaires. « Lorsque la situation l’exige », précise un porte-parole de la firme américaine qui, « pour raison de sécurité », ne veut donner aucun détail.

    Le réseau social collabore avec la justice : il peut supprimer sur demande et après examen toute publication mais aussi communiquer des informations sur ses utilisateurs.

    Mais dans la plupart des affaires jugées ou en cours pour apologie du terrorisme, ce n’est pas Facebook qui a contacté la police. Plutôt les utilisateurs eux-mêmes.

    #tradition_française

  • #Violences en #cuisine : les vieilles traditions ont la vie dure
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/11/29/violences-en-cuisine-les-vieilles-traditions-ont-la-vie-dure_4531560_3224.ht
    On dirait les justifications des conjoints ou des parents violents : inadmissibles. Ce sont des salariés, pas des #esclaves.

    Cinq chefs de renom sont ainsi venus débattre de cette question des violences dans la restauration, lundi 17 novembre, dans un amphi comble de Sciences Po. Christian Etchebest, Grégory Marchand, Ludo Lefebvre, Cyril Lignac et Adeline Grattard ont pris leurs distances avec ces méthodes, mais ces chefs qui ont réussi n’éludent pas certains aspects bénéfiques de cette formation à la dure. « Je me souviens d’avoir dû porter des choses très très lourdes, peut-être pour me faire souffrir, confie la chef Adeline Grattard (Yam’Tcha). Mais j’ai eu besoin de vivre ça pour en arriver là où je suis. Si on ne m’avait pas humiliée, peut-être que je serais restée plus timorée, que je n’aurais pas osé certaines choses. »

    Christian Etchebest (La Cantine du Troquet) partage le point de vue de sa consœur : « Oui, j’ai pris des coups de pied au cul, oui j’ai pris un carré d’agneau dans la tête, mais je ne suis pas choqué. Parce que c’est pas de la violence gratuite. » Grégory Marchand, également intervenant ce soir-là, a, lui, fait les frais de ces pratiques. Victime de « violences morales », il a claqué la porte de l’établissement britannique où il travaillait. Le chef du Frenchie ne condamne pas pour autant cette méthode, à condition qu’elle soit exercée avec « respect » . « La ligne est très fine entre une méchanceté et un apprentissage », reconnaît-il.

    À mettre en perspective avec le fameux « À bas les #restaurants » http://seenthis.net/messages/105016

    • Le syndrome de Stockholm dans l’éducation (au sens large) devrait être un peu plus étudié.
      Enfants maltraités, élèves, étudiants acceptant et, pire, remerciant leurs bourreaux, car c’est « pour leur bien », reproduiront ce système d’éducation dans leur famille et leur travail (ou alors devront faire des années d’analyse et des efforts surhumains pour ne pas le faire).
      Evidemment que si c’est de la violence gratuite. La violence pas gratuite c’est quand tu es agressé-e et que tu réponds dans le même registre.
      Le « je n’aurais pas été aussi bon » si on ne m’avait pas violenté me fait rigoler (jaune) : t’en sais quoi si tu avais eu de l’amour si tu n’aurais pas été meilleur envers toi-même et les autres, et aussi bon dans ton boulot, puisque tu n’en as pas eu, mais que toutes les études le montrent ?
      Merci pour le rappel de à bas les restaurants.

    • J’ai collé quelques fessées à ma fille, mais plus le langage a pris de la place, plus ça m’a paru débile. Je pense que si j’avais un autre enfant, ça ne serait plus possible, j’ai trop évolué sur la question. Cela dit, prendre conscience, cela veut dire qu’on admet avoir été maltraitant : je pense que beaucoup de gens ne peuvent pas assumer de n’être pas aussi beaux dans le miroir que voulu.
      Après, ça ne sert à rien de regretter sans en parler. Ma fille me répond : « oui, mais je l’avais mérité ».
      Donc, là, on en vient à déconstruire notre propre discours antérieur. Quand je raconte que ma mère me battait avec un martinet, ma fille trouve cela barbare. Je lui répond qu’à mon époque, le truc était en vente libre et que beaucoup de parents achetaient le truc à priori, comme faisant partie de « l’arsenal éducatif standard ». Ce qui n’est déjà plus le cas pour sa génération.
      « Oui, mais ça ne fait pas vraiment mal, la fessée. »
      Non, ce n’est pas le but, le but c’est l’humiliation et la domination, tu trouves ça mieux pour expliquer la vie à quelqu’un ? « Non, pas vraiment non plus. »
      Bon ben maintenant que tu es grande et que tu as tout compris, tu va faire ta part dans cette maison et faire la vaisselle. « Ah non, j’ai mieux à faire et tu ne peux plus me coller de fessée pour me contraindre. » Le but n’est pas la contrainte, mais la participation volontaire à l’effort collectif... Si tu ne nous aides pas, tu es privée d’écrans. « Mais c’est dégueulasse, c’est du chantage ! » Yep, mais sans adhésion volontaire de ta part, pour l’instant, on n’a pas encore trouvé mieux... et toi ?

    • Sur un autre registre, avec mon compagnon, on se retrouver régulièrement à expliquer à des personnes extérieures que non, se faire engueuler, insulter ou humilier n’est pas admissible en entreprise, que ce n’est pas le mode de fonctionnement normal et que rien ne les oblige à supporter ça. Pourtant, autour de nous, ça ressemble beaucoup à la manière normale de confondre ses employés avec des serpillières. Mais cette soumission totale est d’autant plus ancrée dans les esprits qu’avec l’ assouplissement du droit du #travail, les salariés sont de plus en plus fragilisés dans leur poste, que le #harcèlement est devenu le mode habituel de gestion du personnel et que partout, la violence psychologique (voire aussi physique, mais pas trop, la loi protège encore un peu quand il y a des traces) est normalisée, banalisée avec des dégâts invraisemblables dans la population.
      Ces conditions rendent les gens malades et là, la Sécu les traque à son tour comme simulateurs. Cette violence permanente en col blanc est assez terrifiante et monstrueuse.

    • Pour l’éducation des enfants avec des fessées, baffes etc, je sais surtout la difficulté de se sortir d’un schéma violent parce qu’on l’a « dans la peau », que chaque fois qu’il y a une frustration ou un énervement, ce ne sont pas les mots qui viennent mais l’envie de frapper.
      @monolecte Autant j’ai donné quelques fessées à ma fille, autant je m’en excusais ensuite, et désespérais chaque fois de ne pas y échapper, j’avais l’impression que ma mère me contrôlait et guidait mes gestes, j’étais effrayée. Je voyais des gens proches, dans ma famille, donner des fessées à leurs enfants parce qu’ils faisaient pipi au lit et je devais me sortir absolument de ce cercle, parce qu’en théorie j’avais toutes les clefs. J’en ai beaucoup parlé, de la violence que j’avais subi que je risquais de retransmettre, des moyens d’y mettre fin.
      De comment remplacer cette énergie dévastatrice par des mots avant que ça ne déborde, savoir se mettre en colère sans violence, taper sur un coussin au besoin, apprendre à dire aussi pourquoi on devient la maman gorille stupide qu’on ne veut pas être. Pis, ça a marché, j’ai trouvé le chemin des mots, incroyable et splendide, j’en suis encore émue, parce que c’est tout de même nettement plus pérenne et enrichissant comme moyen de transmission, pour tout le monde : l’enfant, le parent mais aussi l’engendrement positif de ce choix sur sa dialectique avec le monde.

      Et je mettrais le tag #sexisme aussi dans toutes ces formations violentes : gynécologie-obstétrique , médecine, cuisine …
      Car à y regarder de plus près, c’étaient et ce sont encore des activités culturellement genrées et réservées dans le quotidien aux femmes : sage-femme, soignante, cuisinière, éducation. Le basculement professionnel en fait des activités masculines, dont les formations leur sont peut-être interdites parce que construites dans cette optique de les empêcher d’approcher, car seuls les hommes sont éduqués à supporter et à valoriser une telle violence.

  • BBC News - Ukraine far-right leader Muzychko dies ’in police raid’
    http://www.bbc.com/news/world-europe-26729273

    Oleksandr Muzychko, better known as Sashko Bily, died in a shoot-out with police in a cafe in Rivne in western Ukraine, the interior ministry said.

    He was a leader of Right Sector, a far-right group which was prominent in the recent anti-government protests.


    Oleksandr Muzychko, alias Sashko Bily
    avec l’insigne de l’#UNA-UNSO sur la manche

    Oleksandr Muzychko - Wikipedia, the free encyclopedia
    http://en.wikipedia.org/wiki/Oleksandr_Muzychko

    Oleksandr Ivanovych Muzychko (Ukrainian: Олександр Іванович Музичко, 19 September 1962 – 24 March 2014), also known under the nickname Sashko Bily (Сашко Білий), was a Ukrainian political activist, a member of UNA-UNSO and coordinator of Right Sector in Western Ukraine. He fought in the First Chechen War on Chechen side.
    During the First Chechen War he led the UNA-UNSO “Viking” group. In 1995 Muzychko was convicted in causing a heavy bodily harm to an individual. In 1997 he attempted to kill one of the UNA-UNSO members in Kiev. In 2003 Muzychko was sentenced to 3.5 years in prison for racketeering and kidnapping.

    #Volhynie