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  • Vevey (Suisse) - Le canton veut sauver son port franc Le Courrier, Jeudi 12 mai 2016 Sophie Dupont

    Visé par les mesures d’économies de la Confédération, le bureau de douane serait voué à disparaître. C’est sans compter l’intense lobbying du canton et des communes pour sauver leur coffre-fort de luxe.

    Derrière ses murs gris, le port franc de la Société des entrepôts de Vevey abrite un butin d’environ 500 millions de francs : œuvres d’art, textiles, alcools et autres marchandises sur plus de 3000 m2. Depuis quel­que temps, cette discrète entreprise plus connue des multinationales que de la population locale a des sueurs froides.

    Dans son « programme de stabilisation », plan d’économies qui doit être encore approuvé par le parlement, la Confédération a prévu de supprimer tous les bureaux de douane de moins de cinq personnes – soit 52 postes de travail dans toute la Suisse – pour économiser 7 millions de francs. Avec ses trois employés, le poste de Vevey est en plein dans le viseur. La ­Société des entrepôts de Vevey (SEV) pourrait perdre son statut de port franc acquis en 1982.
    Résistance politique
    
Mais c’est sans compter le front de résistance politique qui s’est formé depuis le début de l’année. Canton et communes sont décidés à sauver leur port franc et pourraient bien réussir à faire entendre leur voix à Berne.

    Le Conseil d’Etat a directement interpellé Ueli Maurer par écrit et entend poursuivre son lobbying en sensibilisant les parlementaires vaudois au sort du port franc de Vevey. Les dix syndics de la Riviera ont pour leur part cosigné une lettre au directeur de l’Administration fédérale des douanes.

    Le Département fédéral des finances ne fait pas de commentaires sur le cas précis du canton de Vaud. « Le Conseil fédéral va se prononcer sur le programme de stabilisation 2017-2019 à l’une de ses prochaines séances et confirmera, ou non, la suppression des postes de douane », rapporte son porte-parole Roland Meier. Vevey est le seul port franc de Suisse romande concerné par les coupes. Le Conseil d’Etat genevois a pour sa part déploré la fermeture du poste de douane de Thônex-Vallard (GE), à l’autre bout du lac.

    Un mauvais calcul
    Pour le Gouvernement vaudois comme pour les communes, le Conseil fédéral fait un mauvais calcul en sous-estimant l’importance du poste de douane pour le tissu économique du quatrième canton exportateur de Suisse. « De par sa position de canton carrefour de la Suisse romande, Vaud joue assurément un rôle de plaque tournante dans le transfert de marchandises », considère le Conseil d’Etat, qui ajoute que la SEV tient la deuxième place après Genève pour le stockage et le transit d’œuvres d’art.

    Un deuxième port franc, situé à Chavornay, est pour sa part épargné par le plan d’économies de la Confédération. Pour le Gouvernement vaudois, les deux structures sont complémentaires. Par manque de temps, celui-ci n’a pas évalué les entrées financières pour le canton et les communes.

    « Ce bureau de douane rapporte à la Confédération un peu plus de 12 fois plus que ce qu’il coûte », relève Laurent Wehrli, syndic de Montreux et conseiller national PLR qui a personnellement écrit au chef du Département fédéral des finances. Selon lui, la présence d’entreprises comme Nestlé, Merck Serono et le nombre important d’expatriés justifie le maintien d’un port franc de proximité.

    Le port franc de Vevey compte environ 3000 clients et sa douane encaisse près de 20 millions par an. Parmi ses clients, la SEV compte des privés mais aussi de grandes entreprises implantées dans la ­région comme Nestlé, Bombardier ou Syngenta. Sans statut de port franc, la SEV deviendrait alors un « entrepôt douanier ouvert », statut qui n’a pas le même prestige auprès des clients. « Nous avons des collectionneurs d’art et de tableaux de maîtres qui comptent sur la sécurité et la fiabilité du port franc », explique Pierre-Alain Perroud, directeur de la SEV qui célèbre cette année ses 75 ans d’existence.

    Un inventaire détaillé
    
Pour lui, le temps où les ports francs servaient à cacher les biens des riches au fisc est révolu. « Beaucoup d’Européens venaient y stocker leur valeurs, admet-il. Mais sous pression de l’Union européenne, les changements législatifs obligent les entreposeurs à demander à leurs clients un inventaire détaillé des marchandises. »

    En 2014, le Contrôle fédéral des finances tirait pourtant la sonnette d’alarme et s’inquiétait de l’utilisation parfois frauduleuse des ports francs, entre optimisation fiscale et planque pour du matériel de source illégale.
    Source : http://www.lecourrier.ch/139003/le_canton_veut_sauver_son_port_franc
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