• #Productivisme et destruction de l’#environnement : #FNSEA et #gouvernement marchent sur la tête

    Répondre à la #détresse des #agriculteurs et agricultrices est compatible avec le respect de l’environnement et de la #santé_publique, expliquent, dans cette tribune à « l’Obs », les Scientifiques en rébellion, à condition de rejeter les mesures productivistes et rétrogrades du duo FNSEA-gouvernement.

    La #crise de l’agriculture brasse croyances, savoirs, opinions, émotions. Elle ne peut laisser quiconque insensible tant elle renvoie à l’un de nos #besoins_fondamentaux – se nourrir – et témoigne du #désarroi profond d’une partie de nos concitoyen·nes qui travaillent pour satisfaire ce besoin. Reconnaître la #souffrance et le désarroi du #monde_agricole n’empêche pas d’examiner les faits et de tenter de démêler les #responsabilités dans la situation actuelle. Une partie de son #traitement_médiatique tend à faire croire que les agriculteurs et agricultrices parleraient d’une seule voix, celle du président agro-businessman de la FNSEA #Arnaud_Rousseau. Ce directeur de multinationale, administrateur de holding, partage-t-il vraiment la vie de celles et ceux qui ne parviennent plus à gagner la leur par le travail de la terre ? Est-ce que les agriculteur·ices formeraient un corps uniforme, qui valoriserait le productivisme au mépris des #enjeux_environnementaux qu’ils et elles ne comprendraient soi-disant pas ? Tout cela est difficile à croire.

    Ce que la science documente et analyse invariablement, en complément des savoirs et des observations de nombre d’agriculteur·ices, c’est que le #modèle_agricole industriel et productiviste conduit à une #catastrophe sociale et environnementale. Que ce modèle concurrence dangereusement les #alternatives écologiquement et socialement viables. Que cette agriculture ne s’adaptera pas indéfiniment à un environnement profondément dégradé. Qu’elle ne s’adaptera pas à un #réchauffement_climatique de +4 °C pour la France et une ressource en #eau fortement diminuée, pas plus qu’à une disparition des #insectes_pollinisateurs.

    Actuellement, comme le rappelle le Haut Conseil pour le Climat (HCC), l’agriculture représente le deuxième secteur d’émissions de #gaz_à_effet_de_serre, avec 18 % du total français, derrière les transports. La moitié de ces émissions agricoles (en équivalent CO2) provient de l’#élevage_bovin à cause du #méthane produit par leur digestion, 14 % des #engrais_minéraux qui libèrent du #protoxyde_d’azote et 13 % de l’ensemble des #moteurs, #engins et #chaudières_agricoles. Le HCC rappelle aussi que la France s’est engagée lors de la COP26 à baisser de 30 % ses émissions de méthane d’ici à 2030, pour limiter le réchauffement climatique. L’agriculture, bien que répondant à un besoin fondamental, doit aussi revoir son modèle dominant pour répondre aux enjeux climatiques. De ce point de vue, ce qu’indique la science, c’est que, si l’on souhaite faire notre part dans le respect de l’accord de Paris, la consommation de #viande et de #produits_laitiers doit diminuer en France. Mais la solidarité avec nos agriculteur.ices ainsi que l’objectif légitime de souveraineté et #résilience_alimentaire nous indiquent que ce sont les importations et les élevages intensifs de ruminants qui devraient diminuer en premier.

    Côté #biodiversité, la littérature scientifique montre que l’usage des #pesticides est la deuxième cause de l’effondrement des populations d’#insectes, qui atteint 80 % dans certaines régions françaises. Les #oiseaux sont en déclin global de 25 % en quarante ans, mais ce chiffre bondit à 60 % en milieux agricoles intensifs : le printemps est devenu particulièrement silencieux dans certains champs…

    D’autres voies sont possibles

    Le paradoxe est que ces bouleversements environnementaux menacent particulièrement les agriculteur·ices, pour au moins trois raisons bien identifiées. Tout d’abord environnementale, à cause du manque d’eau, de la dégradation des sols, des événements météorologiques extrêmes (incendies ou grêles), ou du déclin des insectes pollinisateurs, qui se traduisent par une baisse de production. Sanitaires, ensuite : par leur exposition aux #produits_phytosanitaires, ils et elles ont plus de risque de développer des #cancers (myélome multiple, lymphome) et des #maladies_dégénératives. Financière enfin, avec l’interminable fuite en avant du #surendettement, provoqué par la nécessité d’actualiser un équipement toujours plus performant et d’acheter des #intrants pour pallier les baisses de production engendrées par la dégradation environnementale.

    Depuis des décennies, les #traités_de_libre-échange et la compétition intra-européenne ont privé la grande majorité des agriculteur·ices de leur #autonomie, dans un cercle vicieux aux répercussions sociales tragiques pouvant mener au #suicide. Si la FNSEA, les #JA, ou la #Coordination_rurale réclament une forme de #protectionnisme_agricole, d’autres de leurs revendications portent en revanche sur une baisse des #contraintes_environnementales et sanitaires qui font porter le risque de la poursuite d’un modèle délétère sur le long terme. Ce sont justement ces revendications que le gouvernement a satisfaites avec, en particulier, la « suspension » du #plan_Ecophyto, accueilli par un satisfecit de ces trois organisations syndicales rappelant immédiatement « leurs » agriculteurs à la ferme. Seule la #Confédération_paysanne refuse ce compromis construit au détriment de l’#écologie.

    Pourtant, des pratiques et des modèles alternatifs existent, réduisant significativement les émissions de gaz à effet de serre et préservant la biodiversité ; ils sont déjà mis en œuvre par des agriculteur·ices qui prouvent chaque jour que d’autres voies sont possibles. Mais ces alternatives ont besoin d’une réorientation des #politiques_publiques (qui contribuent aujourd’hui pour 80 % au #revenu_agricole). Des propositions cohérentes de politiques publiques répondant à des enjeux clés (#rémunération digne des agriculteur·ices non soumis aux trusts’de la grande distribution, souveraineté alimentaire, considérations climatiques et protection de la biodiversité) existent, comme les propositions relevant de l’#agroécologie, qu’elles émanent du Haut Conseil pour le Climat, de la fédération associative Pour une autre PAC, de l’IDDRI, ou encore de la prospective INRAE de 2023 : baisse de l’#élevage_industriel et du cheptel notamment bovin avec soutien à l’#élevage_extensif à l’herbe, généralisation des pratiques agro-écologiques et biologiques basées sur la valorisation de la biodiversité (cultures associées, #agro-foresterie, restauration des #haies favorisant la maîtrise des bio-agresseurs) et arrêt des #pesticides_chimiques_de_synthèse. Ces changements de pratiques doivent être accompagnés de mesures économiques et politiques permettant d’assurer le #revenu des agriculteur·ices, leur #accès_à_la_terre et leur #formation, en cohérence avec ce que proposent des syndicats, des associations ou des réseaux (Confédération paysanne, Atelier paysan, Terre de liens, Fédérations nationale et régionales d’Agriculture biologique, Réseau salariat, …).

    Nous savons donc que les politiques qui maintiennent le #modèle_agro-industriel sous perfusion ne font qu’empirer les choses et qu’une réorientation complète est nécessaire et possible pour la #survie, la #dignité, la #santé et l’#emploi des agriculteur·ices. Nombre d’enquêtes sociologiques indiquent qu’une bonne partie d’entre elles et eux le savent très bien, et que leur détresse témoigne aussi de ce #conflit_interne entre le modèle productiviste qui les emprisonne et la nécessité de préserver l’environnement.

    Une #convention_citoyenne

    Si le gouvernement convient que « les premières victimes du dérèglement climatique sont les agriculteurs », les mesures prises démontrent que la priorité gouvernementale est de sanctuariser le modèle agro-industriel. La remise en cause du plan Ecophyto, et la reprise en main de l’#Anses notamment, sont en totale contradiction avec l’urgence de s’attaquer à la dégradation environnementale couplée à celle des #conditions_de_vie et de travail des agriculteur·ices. Nous appelons les citoyen·nes et les agriculteur·rices à soutenir les changements de politique qui iraient réellement dans l’intérêt général, du climat, de la biodiversité. Nous rappelons que le sujet de l’agriculture et de l’#alimentation est d’une redoutable complexité, et qu’identifier les mesures les plus pertinentes devrait être réalisé collectivement et démocratiquement. Ces mesures devraient privilégier l’intérêt général et à long-terme, par exemple dans le cadre de conventions citoyennes dont les conclusions seraient réellement traduites dans la législation, a contrario a contrario de la précédente convention citoyenne pour le climat.

    https://www.nouvelobs.com/opinions/20240203.OBS84041/tribune-productivisme-et-destruction-de-l-environnement-fnsea-et-gouverne
    #tribune #scientifiques_en_rébellion #agriculture #souveraineté_alimentaire #industrie_agro-alimentaire

  • Une vraie #souveraineté_alimentaire pour la #France

    Le mercredi 6 décembre 2023, la FNSEA sortait du bureau d’Elisabeth Borne en déclarant fièrement que l’État abandonnait son projet de taxer l’usage des pesticides et des retenues d’eau. Cela vient conclure une séquence historique. Le 16 novembre déjà, l’Europe reconduisait l’autorisation du glyphosate pour 10 ans. Et, six jours plus tard, abandonnait aussi l’objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides à l’horizon 2030.

    Comment en est-on arrivé là ? La question a été récemment posée dans un rapport de l’Assemblée nationale. En plus du #lobbying habituel de la #FNSEA et de l’état de crise permanent dans laquelle vivent les agriculteurs et qui rend toute #réforme explosive, la question de la souveraineté alimentaire – qui correspond au droit d’un pays à développer ses capacités productives pour assurer la sécurité alimentaire des populations – a joué un rôle clé dans cette dynamique.

    La souveraineté alimentaire est ainsi devenue, depuis la crise du Covid et la guerre en Ukraine, l’argument d’autorité permettant de poursuivre des pratiques qui génèrent des catastrophes écologiques et humaines majeures. Il existe pourtant d’autres voies.

    Le mythe de la dépendance aux #importations

    De quelle souveraineté alimentaire parle-t-on ? Les derniers chiffres de FranceAgrimer montrent que notre « #dépendance aux importations » – comme aiment à le répéter les défenseurs d’un modèle intensif – est de 75 % pour le blé dur, 26 % pour les pommes de terre, 37 % pour les fruits tempérés ou 26 % pour les porcs.

    Mais ce que l’on passe sous silence, c’est que le taux d’#autoapprovisionnement – soit le rapport entre la production et la consommation françaises – est de 148 % pour le blé dur, 113 % pour les pommes de terre, 82 % pour les fruits tempérés et 103 % pour le porc. Le problème de souveraineté alimentaire n’en est pas un. Le vrai problème, c’est qu’on exporte ce que l’on produit, y compris ce dont on a besoin. Cherchez l’erreur.

    D’autres arguments viennent encore se greffer à celui de la souveraineté, dans un monde d’#interdépendances : la #France serait le « grenier à blé de l’Europe », il faudrait « nourrir les pays du Sud », la France serait « une puissance exportatrice », etc.

    Au-delà de l’hypocrisie de certaines de ces affirmations – en effet, les #exportations des surplus européens subventionnés ont détruit tout un tissu productif, en Afrique de l’Ouest notamment – il ne s’agit pas là d’enjeux liés à la souveraineté alimentaire, mais d’enjeux stratégiques et politiques liés à la #compétitivité de certains produits agricoles français sur les marchés internationaux.

    Comprendre : la France est la 6e puissance exportatrice de #produits_agricoles et agroalimentaires au monde et elle entend bien le rester.

    Voir la #productivité de façon multifonctionnelle

    S’il ne faut évidemment pas renoncer aux objectifs de #productivité_alimentaire nationaux, ces derniers gagneraient à être redéfinis. Car comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des besoins en #eau pour produire les aliments, de la dépendance aux #énergies_fossiles générée par les #intrants de synthèse, de l’épuisement de la #fertilité des #sols lié à la #monoculture_intensive ou encore des effets du #réchauffement_climatique ?

    Comment évoquer la souveraineté alimentaire sans parler des enjeux fonciers, de l’évolution du #travail_agricole (25 % des #agriculteurs sont en passe de partir à la retraite), du #gaspillage_alimentaire – qui avoisine les 30 % tout de même – des #besoins_nutritionnels et des #habitudes_alimentaires de la population ?

    La #productivité_alimentaire doit dorénavant se conjuguer avec d’autres formes de productivité tout aussi essentielles à notre pays :

    – la capacité de #rétention_d’eau dans les sols,

    – le renouvellement des #pollinisateurs,

    – le maintien des capacités épuratoires des milieux pour conserver une #eau_potable,

    – le renouvellement de la #fertilité_des_sols,

    – la régulation des espèces nuisibles aux cultures,

    – ou encore la séquestration du carbone dans les sols.

    Or, il est scientifiquement reconnu que les indicateurs de productivité relatifs à ces services baissent depuis plusieurs décennies. Pourtant, ce sont bien ces services qui permettront de garantir une véritable souveraineté alimentaire future.

    La #diversification pour maintenir des rendements élevés

    Une revue de littérature scientifique parue en 2020, compilant plus de 5000 études menées partout dans le monde, montrait que seules des stratégies de diversification des #pratiques_agricoles permettent de répondre à ces objectifs de #performance_plurielle pour l’agriculture, tout en maintenant des #rendements élevés.

    Les ingrédients de cette diversification sont connus :

    – augmentation de la #rotation_des_cultures et des #amendements_organiques,

    – renoncement aux #pesticides_de_synthèse et promotion de l’#agriculture_biologique à grande échelle,

    - réduction du #labour,

    - diversification des #semences et recours aux #variétés_rustiques,

    - ou encore restauration des #haies et des #talus pour limiter le ruissellement de l’#eau_de_pluie.

    Dans 63 % des cas étudiés par ces chercheurs, ces stratégies de diversification ont permis non seulement d’augmenter les #services_écosystémiques qui garantissent la souveraineté alimentaire à long terme, mais aussi les #rendements_agricoles qui permettent de garantir la souveraineté alimentaire à court terme.

    Les sérieux atouts de l’agriculture biologique

    Parmi les pratiques de diversification qui ont fait leurs preuves à grande échelle en France, on retrouve l’agriculture biologique. Se convertir au bio, ce n’est pas simplement abandonner les intrants de synthèse.

    C’est aussi recourir à des rotations de cultures impliquant des #légumineuses fixatrices d’azote dans le sol, utiliser des semences rustiques plus résilientes face aux #parasites, des amendements organiques qui nécessitent des couplages culture-élevage, et enfin parier sur la restauration d’un #paysage qui devient un allié dans la lutte contre les #aléas_naturels. La diversification fait ainsi partie de l’ADN des agriculteurs #bio.

    C’est une question de #réalisme_économique. Les exploitations bio consomment en France deux fois moins de #fertilisant et de #carburant par hectare que les exploitants conventionnels, ce qui les rend moins vulnérables à l’évolution du #prix du #pétrole. En clair, l’agriculture biologique pourrait être la garante de la future souveraineté alimentaire française, alors qu’elle est justement souvent présentée comme une menace pour cette dernière du fait de rendements plus faibles à court terme.

    Au regard des éléments mentionnés plus haut, il s’agit évidemment d’un #faux_procès. Nous sommes autosuffisants et nous avons les réserves foncières qui permettraient de déployer le bio à grande échelle en France, puisque nous sommes passé de 72 % du territoire dédié aux activités agricoles en 1950 à 50 % en 2020. Une petite partie de ces surfaces a été artificialisée tandis que la majorité a tout simplement évolué en friche, à hauteur de 1000 km2 par an en moyenne.

    Par ailleurs, le différentiel de rendement entre le bio et le #conventionnel se réduit après quelques années seulement : de 25 % en moyenne (toutes cultures confondues) au moment de la conversion, il descend à 15 % ensuite. La raison en est l’apprentissage et l’innovation dont font preuve ces agriculteurs qui doivent en permanence s’adapter aux variabilités naturelles. Et des progrès sont encore à attendre, si l’on songe que l’agriculture bio n’a pas bénéficié des 50 dernières années de recherche en #agronomie dédiées aux pratiques conventionnelles.

    Relever le niveau de vie des agriculteurs sans éroder le #pouvoir_d’achat des consommateurs

    Mais a-t-on les moyens d’opérer une telle transition sans réduire le pouvoir d’achat des Français ? Pour répondre à cette question, il faut tout d’abord évoquer le #revenu des #agriculteurs. Il est notoirement faible. Les agriculteurs travaillent beaucoup et vivent mal de leur métier.

    Or, on oublie souvent de le mentionner, mais le surcoût des produits bio est aussi lié au fait que les consommateurs souhaitent mieux rémunérer les agriculteurs : hors subventions, les revenus des agriculteurs bio sont entre 22 % et 35 % plus élevés que pour les agriculteurs conventionnels.

    Ainsi, le consommateur bio consent à payer plus parce que le bio est meilleur pour l’environnement dans son ensemble (eau, air, sol, biodiversité), mais aussi pour que les paysans puissent mieux vivre de leur métier en France sans mettre en danger leur santé.

    Par ailleurs, si le consommateur paie plus cher les produits bio c’est aussi parce qu’il valorise le #travail_agricole en France. Ainsi la production d’aliments bio nécessite plus de #main-d’oeuvre (16 % du total du travail agricole pour 10 % des surfaces) et est très majoritairement localisée en France (71 % de ce qui est consommé en bio est produit en France).

    Cette question du #travail est centrale. Moins de chimie, c’est plus de travail des communautés humaines, animales et végétales. C’est aussi plus d’incertitudes, ce qui n’est évidemment pas simple à appréhender pour un exploitant.

    Mais il faut rappeler que le discours sur le pouvoir d’achat des français, soi-disant garanti par le modèle hyper-productiviste de l’agriculture française, vise surtout à conforter les rentes de situations des acteurs dominants du secteur agricole. Car les coûts sanitaires et environnementaux de ce modèle sont payés par le contribuable.

    Rien que le #traitement_de_l’eau, lié aux pollutions agricoles, pour la rendre potable, coûte entre 500 millions d’euros et 1 milliard d’euros par an à l’État. Or, ce que le consommateur ne paie pas au supermarché, le citoyen le paie avec ses #impôts. Le rapport parlementaire évoqué plus haut ne dit pas autre chose : la socialisation des coûts et la privatisation des bénéfices liés aux #pesticides ne sont plus tolérables.

    Le bio, impensé de la politique agricole française

    Une évidence s’impose alors : il semblerait logique que l’État appuie massivement cette filière en vue de réduire les coûts pour les exploitants bio et ainsi le prix pour les consommateurs de produits bio. En effet, cette filière offre des garanties en matière de souveraineté alimentaire à court et long terme, permet de protéger l’eau et la #santé des Français, est créatrice d’emplois en France. Il n’en est pourtant rien, bien au contraire.

    L’État a promu le label #Haute_valeur_environnementale (#HVE), dont l’intérêt est très limité, comme révélé par l’Office français de la biodiversité (OFB). L’enjeu semble surtout être de permettre aux agriculteurs conventionnels de toucher les aides associés au plan de relance et à la nouvelle #PAC, au risque de créer une #concurrence_déloyale vis-à-vis des agriculteurs bio, d’autant plus que les #aides_publiques au maintien de l’agriculture biologique ont été supprimées en 2023.

    La décision récente de l’État de retirer son projet de #taxe sur l’usage des pesticides créé aussi, de facto, un avantage comparatif pour le conventionnel vis-à-vis du bio. Enfin, rappelons que la Commission européenne a pointé à plusieurs reprises que la France était le seul pays européen à donner moins de subventions par unité de travail agricole aux céréaliers bio qu’aux conventionnels.

    Ainsi, un céréalier bio français reçoit un tiers de subventions en moins par unité de travail agricole qu’un céréalier conventionnel, alors qu’en Allemagne ou en Autriche, il recevrait 50 % de #subventions supplémentaires. En France, l’État renonce aux taxes sur les pesticides tout en maintenant des #charges_sociales élevées sur le travail agricole, alors que c’est évidemment l’inverse dont aurait besoin la #transition_agroécologique.

    Que peuvent faire les citoyens au regard de ce constat déprimant ? Consommer des produits bio malgré tout, et trouver des moyens de les payer moins cher, grâce par exemple à la #vente_directe et à des dispositifs tels que les #AMAP qui permettent de réduire le coût du transport, de la transformation et de la distribution tout autant que le gâchis alimentaire, les variabilités de la production étant amorties par la variabilité du contenu du panier.

    Les agriculteurs engagés pour la #transition_écologique, de leur côté, peuvent réduire les risques associés aux variabilités naturelles et économiques en créant de nouvelles formes d’exploitations coopératives combinant plusieurs activités complémentaires : élevage, culture, transformation, conditionnement et distribution peuvent être organisés collectivement pour mutualiser les coûts et les bénéfices, mais aussi se réapproprier une part significative de la #chaîne_de_valeur laissée aujourd’hui au monde de l’agro-industrie et de la grande distribution.

    Il ne s’agit pas d’une #utopie. De nombreux acteurs essaient de faire émerger, malgré les résistances institutionnelles, ces nouvelles pratiques permettant de garantir la souveraineté alimentaire de la France à long terme.

    https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560
    #foncier #industrie_agro-alimentaire #alimentation #collectivisation
    #à_lire #ressources_pédagogiques

  • Arrêté du 19 décembre 2023 portant création d’un #traitement_automatisé de #données à caractère personnel dénommé « #table_de_correspondance_des_noms_et_prénoms »

    Le ministre de l’intérieur (secrétariat général) met en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé « table de correspondance des noms et prénoms », ayant pour finalités la consultation de l’#identité des personnes ayant changé de nom ou de prénom en application des articles 60, 61 et 61-3-1 du code civil et la mise à jour de cette identité dans les traitements de données à caractère personnel que lui-même ou les établissements publics qui lui sont rattachés mettent en œuvre.

    Peuvent être enregistrées dans le traitement mentionné à l’article 1er les données à caractère personnel et informations suivantes :
    1° Le nom de famille antérieur au changement de nom ;
    2° Le nom de famille postérieur au changement de nom ;
    3° Les prénoms antérieurs au changement de prénom ;
    4° Les prénoms postérieurs au changement de prénom ;
    5° La date et le lieu de naissance ;
    6° La date du changement de nom ou de prénom ;
    7° Le sexe ;
    8° Le cas échéant, la filiation.

    Peuvent avoir accès à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d’en connaître, à tout ou partie des données à caractère personnel et informations mentionnées à l’article 2 :
    1° Les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs des services actifs à la préfecture de police ou, le cas échéant, par le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de la police nationale ou, le cas échéant, par le directeur général dont ils relèvent ;
    2° Les personnels des unités de la gendarmerie nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les commandants d’unité ou, le cas échéant, par le directeur général de la gendarmerie nationale ;
    3° Les agents des services centraux du ministère de l’intérieur et des préfectures et sous-préfectures individuellement désignés et spécialement habilités, respectivement, par leur chef de service ou par le préfet et chargés de l’application de la réglementation relative aux étrangers, aux permis de conduire et aux titres d’identité et de voyages ;
    4° Les agents du service à compétence nationale dénommé « service national des enquêtes administratives de sécurité », individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de la police nationale ;
    5° Les agents du service à compétence nationale dénommé « Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire », individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général de la gendarmerie nationale ;
    6° Les personnels du service à compétence nationale dénommé « service national des enquêtes d’autorisation de voyage », individuellement désignés et spécialement habilités soit par le directeur général de la police nationale ;
    7° Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité, individuellement désignés et spécialement habilités par leur chef de service ;
    8° Les agents du service à compétence nationale dénommé « agence nationale des données de voyage », individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur de l’agence.

    https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048815187

    #changement_de_nom

    J’ai vu passer l’info sur cet arrêté sur mastodon, avec ce commentaire :

    Nos droits fondamentaux sont tellement peu/pas protégés qu’on en arrive à un fichage de facto des personnes trans via un tableau de correspondances noms prénoms qu’on retrouve dans une des dernières directives provenant du Ministère de l’Intérieur.

    Vous comprenez qu’on est réellement dans la m**** ou pas ?

    https://pouet.chapril.org/@miss__Tery/111705121859471659

    Je me pose la question de quelle est la raison de cet arrêté, de quels sont les dangers, car je n’arrive pas bien à comprendre le pourquoi du comment.

    Juste ainsi, pour info, j’ai téléchargé dernièrement le formulaire pour la naturalisation, et une grande partie du formulaire traite des modalités de changement de nom, justement... Cela m’avait étonné que tant d’importance était donnée à la #francisation du nom, car c’est la première question posée en haut du formulaire :


    https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R16995

    Ici le formulaire pour la demande de francisation du nom :
    https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R43055
    Avec plein de règles/conseils sur comment le faire :
    https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F10528/personnalisation/resultat?lang=&quest0=0&quest=

  • Comment la CAF a traité mon dossier avec un « robot à dettes » | Le Club
    https://blogs.mediapart.fr/lucieinland/blog/150421/comment-la-caf-traite-mon-dossier-avec-un-robot-dettes

    26 mars, appel de la CAF. Le conseiller confirme que c’est bien « le logiciel » qui a traité mon dossier selon certains paramètres. Jugé trop complexe depuis la déclaration de création de micro-entreprise, il a été remis à zéro puis re-traité, d’où la demande de documents. Malgré mes questions je n’ai pas compris pourquoi seule ma situation d’auto-entrepreneuse est retenue, bien qu’aussi salariée, avec les déclarations de revenus adéquates. Le mail notifiant ma dette a été envoyé dès que l’algorithme a détecté une erreur dans mon dossier. La machine menace d’abord, les humain·es vérifient ensuite. Seul mon mail a permis à la CAF de classer vite et correctement mon dossier. Et ce sont bien leurs outils automatisés qui m’ont mis en difficulté.

  • Sous la pression des libéraux, l’#Allemagne souhaite externaliser le traitement de demandes d’asile en #Afrique

    Le gouvernement allemand a annoncé envisager d’externaliser le #traitement_des_demandes d’asile sur le continent africain, sous la pression des libéraux, membres de la coalition.

    L’Allemagne, à l’instar de tous les pays européens, a vu une augmentation de plus de 70 % des demandes d’asile en 2023 par rapport à l’année dernière. Une tendance à laquelle le FDP, parti libéral membre de la coalition gouvernementale, souhaite remédier.

    La solution ? Envoyer des demandeurs d’asile dans des pays non-membres de l’UE, notamment en Afrique, pour gérer les demandes.

    « J’attends du ministre de l’Intérieur qu’il examine dès que possible comment le traitement des demandes d’asile dans les pays tiers peut être facilité, car c’est ce que nous avons convenu dans notre accord de coalition », a déclaré à Euractiv Ann-Veruschka Jurisch, rapporteure parlementaire du FDP sur la migration.

    La première mesure devrait être prise avant la fin de la législature en 2025, a ajouté Mme Jurisch, renforçant ainsi les demandes du président du groupe du FDP au parlement allemand, Christian Dürr.

    « Cette disposition empêcherait les personnes qui n’ont aucune chance d’obtenir l’asile d’entreprendre la dangereuse traversée de la Méditerranée », a déclaré M. Dürr, le président du groupe FDP au Parlement allemand, mardi (31 octobre).

    Les députés sociaux-démocrates, dont le chancelier #Olaf_Scholz est membre, ont affirmé travailler sur une proposition législative en ce sens.

    Dès mardi, la ministre de l’Intérieur, #Nancy_Faeser, signait en outre un accord avec le #Maroc pour accélérer le #rapatriement des demandeurs d’asile refusés en échange d’une migration légale plus facile vers l’Allemagne.

    Dans le respect des droits humains

    La proposition du FDP rappelle le projet controversé du gouvernement britannique d’envoyer les demandeurs d’asile au Rwanda, projet dont la mise à l’essai, annoncée l’année dernière, avait créé un tollé dans la classe politique.

    Le Royaume-Uni a déjà rencontré des obstacles dans la mise en œuvre de ce programme, la législation étant en cours de révision depuis que la Cour européenne des droits de l’Homme a interrompu les vols vers le Rwanda pour des raisons liées aux droits humains.

    Le Royaume-Uni a donc menacé de se retirer de la Convention européenne des droits de l’Homme si la Cour ne statuait pas en sa faveur.

    Selon le FDP, les demandes d’asile pourraient en effet être externalisées « dans le respect de la Convention de Genève et de la Convention européenne des droits de l’Homme », malgré l’existence de gouvernements autoritaires en Afrique du Nord, a déclaré Mme Jurisch.

    « Il est hors de question de quitter la Convention européenne des droits de l’Homme », a-t-elle souligné, se désolidarisant des menaces britanniques. Toute législation viendrait compléter et non supplanter un accord européen en cours d’élaboration sur le traitement des demandes d’asile aux frontières extérieures de l’Union européenne.

    Le gouvernement se rapproche ainsi de la rhétorique plus radicale du parti de centre droit CDU/CSU, le plus grand parti d’opposition. Hendrik Wüst, Premier ministre CDU de l’État régional de Rhénanie-du-Nord–Westphalie et candidat potentiel à la chancellerie en 2025, avait lancé le débat plus tôt dans la journée de mardi (31 octobre) en appelant à transférer le traitement des demandes d’asile à l’étranger.

    M. Wüst a refusé de préciser si un éventuel futur gouvernement CDU prendrait des mesures plus radicales, un porte-parole ayant expliqué à Euractiv que la conception concrète de toute mesure devrait être déterminée par le gouvernement.

    Cependant, le porte-parole a salué les discussions de la coalition avec les pays africains en les décrivant comme « la bonne approche ».

    https://www.euractiv.fr/section/immigration/news/sous-la-pression-des-liberaux-lallemagne-souhaite-externaliser-le-traitemen

    #asile #migrations #réfugiés
    #offshore_asylum_processing #externalisation #Rwanda

    –-

    ajouté à la métaliste sur les différentes tentatives de différentes pays européens d’#externalisation non seulement des contrôles frontaliers, mais aussi de la #procédure_d'asile dans des #pays_tiers
    https://seenthis.net/messages/900122

    • En ce lundi, l’#armée_israélienne affirme avoir frappé, via les airs et au sol, plus de 600 cibles dans #Gaza ces vingt-quatre dernières heures. Dans le détail : « des dépôts d’armes, positions de lancement de missiles antichar, caches du #Hamas » et « des dizaines » de chefs du mouvement islamiste tués. Des chars israéliens sont postés à la lisière de #Gaza_City et le principal axe routier nord-sud est coupé. C’est vendredi en fin de journée que l’État hébreu a lancé son opération d’envergure, annoncée depuis près de deux semaines déjà. Mêlant #incursions_terrestres localisées – surtout dans le nord de l’enclave palestinienne – et #bombardements intensifiés. Samedi, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a prévenu : la #guerre sera « longue et difficile ».

      Vendredi, 17 h 30. La #bande_de_Gaza plonge dans le noir. Plus d’électricité, plus de réseau téléphonique, ni de connexion internet. Le #black-out total. Trente-six heures de cauchemar absolu débutent pour les Gazaouis. Coupés du monde, soumis au feu. L’armée israélienne pilonne le territoire : plus de 450 bombardements frappent, aveugles. La population meurt à huis clos, impuissante. Après avoir quitté Gaza City au début de la riposte israélienne (lire l’épisode 1, « D’Israël à Gaza, la mort aux trousses »), Abou Mounir vit désormais dans le centre de la bande de Gaza, avec ses six enfants. Ce vendredi, il est resté cloîtré chez lui. Lorsqu’il retrouve du réseau, le lendemain matin, il est horrifié par ce qu’il découvre. « Mon quartier a été visé par des tirs d’artillerie. L’école à côté de chez moi, où sont réfugiées des familles, a été touchée. Devant ma porte, j’ai vu tous ces blessés agonisants, sans que personne ne puisse les aider. C’est de la pure #folie. Ils nous assiègent et nous massacrent. Cette façon de faire la guerre… On se croirait au Moyen-Âge », souffle le père de famille, qui dénonce « une campagne de #vengeance_aveugle ». L’homme de 49 ans implore Israël et la communauté internationale d’agir urgemment. « La seule et unique solution possible pour nous tous, c’est la #solution_politique. On l’a répété un million de fois : seule une solution politique juste nous apportera la paix. »

      Toujours à Gaza City avec sa famille, la professeure de français Assya décrit ce jour et demi d’#angoisse : « On se répétait : “Mais que se passe-t-il, que va-t-il nous arriver ?” On entendait les bombardements, boum, boum, boum… Ça n’arrêtait pas ! Ma petite-fille de 1 an, la fille de mon fils, quand il y avait de grosses explosions, elle pleurait. Alors nous, on faisait les clowns pour lui faire croire que c’était pour rire. Et elle se calmait… Chaque matin, c’est un miracle qu’on soit encore là… » Chaque jour aussi, Assya demande si nous, journalistes, en savons plus sur un cessez-le-feu.

      Plus de 8 000 Gazaouis ont péri, mais leurs suppliques résonnent dans le vide jusqu’à présent. Elles sont pourtant de plus en plus pressantes, face à la #situation_humanitaire qui se dégrade dramatiquement. Ce samedi, des entrepôts des Nations unies ont été pillés. « C’est le signe inquiétant que l’ordre civil est en train de s’effondrer après trois semaines de guerre et de #siège de Gaza. Les gens sont effrayés, frustrés et désespérés », a averti Thomas White, directeur des opérations de l’UNRWA, l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens. Assya confirme : l’un de ses cousins est revenu avec des sacs de sucre, de farine, des pois chiches et de l’huile. Quand elle lui a demandé d’où ça venait, il lui a raconté, le chaos à Deir Al-Balah, dans le sud de l’enclave. « Les gens ont cassé les portes des réserves de l’UNRWA, ils sont entrés et ont pris la farine pour se faire du pain eux-mêmes, car ils n’ont plus rien. La population est tellement en #colère qu’ils ont tout pris. » Depuis le 21 octobre, seuls 117 camions d’#aide_humanitaire (lire l’épisode 2, « “C’est pas la faim qui nous tuera mais un bombardement” ») ont pu entrer dans la bande de Gaza dont 33 ce dimanche), via le point de passage de Rafah au sud, à la frontière égyptienne. L’ONU en réclame 100 par jour, pour couvrir les besoins essentiels des Gazaouis. Le procureur de la Cour pénale internationale Karim Khan a averti : « Empêcher l’acheminement de l’aide peut constituer un #crime. […] Israël doit s’assurer sans délai que les #civils reçoivent de la #nourriture, des #médicaments. »

      Les corps des 1 400 victimes des attaques du 7 octobre sont dans une #morgue de fortune. Beaucoup ont subi des sévices, ont été brûlés. L’#horreur à l’état pur

      En écho à cette situation de plus en plus dramatique, Israël a intensifié sa guerre de la #communication. Pas question pour l’État hébreu de laisser le Hamas ni les Palestiniens gagner la bataille de l’émotion au sein des opinions. Depuis une dizaine de jours, les autorités israéliennes estiment que les médias internationaux ont le regard trop tourné vers les Gazaouis, et plus assez sur le drame du 7 octobre. Alors Israël fait ce qu’il maîtrise parfaitement : il remet en marche sa machine de la « #hasbara ». Littéralement en hébreu, « l’explication », euphémisme pour qualifier ce qui relève d’une véritable politique de #propagande. Mais cela n’a rien d’un gros mot pour les Israéliens, bien au contraire. Entre 1974 et 1975, il y a même eu un éphémère ministère de la Hasbara. Avant cela, et depuis, cette tâche de communication et de promotion autour des actions de l’État hébreu, est déléguée au ministère des Affaires étrangères et à l’armée.

      Un enjeu d’autant plus important face à cette guerre d’une ampleur inédite. C’est pourquoi, chaque jour de cette troisième semaine du conflit, l’armée israélienne a organisé des événements à destination de la #presse étrangère. Visites organisées des kibboutzim où les #massacres de civils ont été perpétrés : dimanche dans celui de Beeri, mercredi et vendredi à Kfar Aza, jeudi dans celui de Holit. Autre lieu ouvert pour les journalistes internationaux : la base de Shura, à Ramla, dans la banlieue de Tel Aviv. Elle a été transformée en morgue de fortune et accueille les 1 400 victimes des attaques du 7 octobre, afin de procéder aux identifications. Dans des tentes blanches, des dizaines de conteneurs. À l’intérieur, les corps. Beaucoup ont subi des sévices, ont été brûlés. L’horreur à l’état pur.

      Mais l’apogée de cette semaine de communication israélienne, c’est la convocation générale de la presse étrangère, lundi dernier, afin de visionner les images brutes des massacres. Quarante-trois minutes et quarante-quatre secondes d’une compilation d’images des GoPro embarquées des combattants du Hamas, des caméras de vidéosurveillance des kibboutzim, mais aussi des photos prises par les victimes avec leurs téléphones, ou par les secouristes. Le tout mis bout à bout, sans montage. Des images d’une violence inouïe. Une projection vidéo suivie d’une conférence de presse tenue par le porte-parole de l’armée israélienne, le général Daniel Hagari. Il le dit sans détour : l’objectif est de remettre en tête l’ignominie de ce qui s’est passé le 7 octobre dernier. Mais également de dire aux journalistes de mieux faire leur travail.

      Il les tance, vertement : « Vous ! Parfois, je prends trente minutes pour regarder les infos. Et j’ai été choqué de voir que certains médias essayent de COMPARER ce qu’Israël fait et ce que ces vils terroristes ont fait. Je ne peux pas comprendre qu’on essaye même de faire cette #comparaison, entre ce que nous venons de vous montrer et ce que l’armée fait. Et je veux dire à certains #médias qu’ils sont irresponsables ! C’est pour ça qu’on vous montre ces vidéos, pour qu’aucun d’entre vous ne puisse se dire que ce qu’ils font et ce que nous faisons est comparable. Vous voyez comment ils se sont comportés ! » Puis il enfonce le clou : « Nous, on combat surtout à Gaza, on bombarde, on demande aux civils d’évacuer… On ne cherche pas des enfants pour les tuer, ni des personnes âgées, des survivants de l’holocauste, pour les kidnapper, on ne cherche pas des familles pour demander à un enfant de toquer chez ses voisins pour les faire sortir et ensuite tuer sa famille et ses voisins devant lui. Ce n’est pas la même guerre, nous n’avons pas les mêmes objectifs. »

      Ce vendredi, pour finir de prouver le cynisme du Hamas, l’armée israélienne présente des « révélations » : le mouvement islamiste abriterait, selon elle, son QG sous l’hôpital Al-Shifa de Gaza City. À l’appui, une série de tweets montrant une vidéo de reconstitution en 3D des dédales et bureaux qui seraient sous l’établissement. Absolument faux, a immédiatement rétorqué le Hamas, qui accuse Israël de diffuser « ces mensonges » comme « prélude à la perpétration d’un nouveau massacre contre le peuple [palestinien] ».

      Au milieu de ce conflit armé et médiatique, le Président français a fait mardi dernier une visite en Israël et dans les territoires palestiniens. Commençant par un passage à Jérusalem, #Emmanuel_Macron a réaffirmé « le droit d’Israël à se défendre », appelant à une coalition pour lutter contre le Hamas dans « la même logique » que celle choisie pour lutter contre le groupe État islamique. Il s’est ensuite rendu à Ramallah, en Cisjordanie occupée, au siège de l’Autorité palestinienne. « Rien ne saurait justifier les souffrances » des civils de Gaza, a déclaré Emmanuel #Macron. Qui a lancé un appel « à la reprise d’un processus politique » pour mettre fin à la guerre entre Israël et le Hamas. Tenant un discours d’équilibriste, rappelant que paix et sécurité vont de pair, le Président a exigé la mise en œuvre de la solution à deux États, comme seul moyen de parvenir à une paix durable. Une visite largement commentée en France, mais qui a bien peu intéressé les Palestiniens.

      Car si les projecteurs sont braqués sur Israël et Gaza depuis le début de la guerre, les Palestiniens de #Cisjordanie occupée vivent également un drame. En à peine trois semaines, plus de 120 d’entre eux ont été tués, selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne. Soit par des colons juifs, soit lors d’affrontements avec les forces d’occupation israéliennes. Bien sûr, la montée de la #violence dans ce territoire avait commencé bien avant la guerre. Mais les arrestations contre les membres du Hamas, les raids réguliers menés par l’armée et les attaques de colons prennent désormais une autre ampleur. Ce lundi matin encore, l’armée israélienne a mené un raid sur le camp de Jénine, au nord de la Cisjordanie, faisant quatre morts. Selon l’agence de presse palestinienne Wafa, plus de 100 véhicules militaires et deux bulldozers sont entrés dans le camp. Déjà, mercredi dernier, deux missiles tirés depuis les airs en direction d’un groupe de personnes avait fait trois morts à #Jénine.

      À chaque mort de plus, la colère monte derrière les murs qui encerclent les Territoires. À Gaza, mais aussi en Cisjordanie

      À chaque mort de plus, la colère monte derrière le mur qui encercle les territoires palestiniens. Du sud, à Hébron, au nord, à Naplouse, en passant par Jénine et Ramallah, les #manifestations ont émaillé ces trois dernières semaines, s’intensifiant au fil du temps. À chaque fois, les Palestiniens y réclament la fin de l’#occupation, la mise en œuvre d’une solution politique pour un #accord_de_paix et surtout l’arrêt immédiat des bombardements à Gaza. Ce vendredi, quelques milliers de personnes s’étaient rassemblés à Ramallah. Drapeaux palestiniens à la main, « Que Dieu protège Gaza » pour slogan, et la rage au ventre. Yara était l’une d’entre eux. « Depuis le début de la guerre, le #traitement_médiatique en Europe et aux États-Unis est révoltant ! L’indignation sélective et le deux poids deux mesures sont inacceptables », s’énerve la femme de 38 ans. Son message est sans ambiguïté : « Il faut mettre un terme à cette agression israélienne soutenue par l’Occident. » Un sentiment d’injustice largement partagé par la population palestinienne, et qui nourrit sa colère.

      Manal Shqair est une ancienne militante de l’organisation palestinienne Stop The Wall. Ce qui se passe n’a rien de surprenant pour elle. La jeune femme, qui vit à Ramallah, analyse la situation. Pour elle, le soulèvement des Palestiniens de Cisjordanie n’est pas près de s’arrêter. « Aujourd’hui, la majorité des Palestiniens soutient le Hamas. Les opérations militaires du 7 octobre ont eu lieu dans une période très difficile traversée par les Palestiniens, particulièrement depuis un an et demi. La colonisation rampante, la violence des colons, les tentatives de prendre le contrôle de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem et enfin le siège continu de la bande de Gaza par Israël ont plongé les Palestiniens dans le #désespoir, douchant toute perspective d’un avenir meilleur. » La militante ajoute : « Et ce sentiment s’est renforcé avec les #accords_de_normalisation entre Israël et plusieurs pays arabes [les #accords_d’Abraham avec les Émirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan, ndlr]. Et aussi le sentiment que l’#Autorité_palestinienne fait partie de tout le système de #colonialisme et d’occupation qui nous asservit. Alors cette opération militaire [du 7 octobre] a redonné espoir aux Palestiniens. Désormais, ils considèrent le Hamas comme un mouvement anticolonial, qui leur a prouvé que l’image d’un Israël invincible est une illusion. Ce changement aura un impact à long terme et constitue un mouvement de fond pour mobiliser davantage de Palestiniens à rejoindre la #lutte_anticoloniale. »

      #7_octobre_2023 #à_lire

    • Ma petite-fille de 1 an, la fille de mon fils, quand il y avait de grosses explosions, elle pleurait. Alors nous, on faisait les clowns pour lui faire croire que c’était pour rire.

      C’est exactement ce qu’on faisait ma femme et moi à notre fils de 4 ans en 2006 au Liban.

  • Les #LRA, zones de non-droit où sont enfermés des #sans-papiers

    Dans les locaux de rétention administrative, les droits des sans-papiers retenus sont réduits. Souvent sans avocats, ni même de téléphones, ils ne peuvent défendre leurs droits. Enquête dans l’angle mort de la rétention française.

    Commissariat de Choisy-le-Roi (94) – « Ce n’est pas le bon jour », répète le major Breny, en costume-cravate malgré la chaleur. Ce lundi 4 septembre 2023, l’atmosphère est glaciale quand la députée Ersilia Soudais (LFI) demande à visiter le local de #rétention_administrative (LRA) annexé au commissariat de Choisy-le-Roi. Méconnus du grand public, ces #lieux_d’enfermement sont destinés aux personnes étrangères et victimes d’une #décision_d’éloignement. Mais à la différence des #centres_de rétention_administrative (#Cra), elles y sont enfermées pour 48 heures au maximum. « Soit le Cra est plein, soit une décision est prise de les positionner temporairement en LRA », introduit le major.

    Le directeur du lieu commence par interdire aux journalistes les photos à l’intérieur. « Ici, nous sommes dans un #commissariat », lance-t-il. À plusieurs reprises, le major Breny nous renvoie vers une « disposition du Ceseda », le code de l’entrée et du séjour des étrangers. Laquelle ? « Regardez sur internet, je ne connais pas le Ceseda par cœur », s’agace-t-il. La disposition a beau être introuvable et l’interdiction illégale, le major n’en démord pas.

    Une #opacité qui concorde avec la situation nationale. En 2022, 27 LRA permanents existaient en France pour 154 places. Mais impossible de savoir combien de personnes y passent chaque année car l’administration ne communique aucun chiffre, au contraire des Cra. Entre ignorance des agents et méconnaissance des retenus au sujet de leurs droits qui y sont réduits, les LRA représentent un angle mort de la rétention. Une situation qui inquiète les associations, d’autant que les placements en LRA sont de plus en plus réguliers.

    Une ignorance du droit

    Le lendemain de la visite au LRA de Choisy-le-Roi, la députée Ersilia Soudais se rend au LRA de Nanterre (92). L’accueil est similaire. Après vingt minutes d’attente, le responsable commence par refuser l’accès aux journalistes. L’élue lui rappelle la procédure, ce qui ne le dissuade pas de vérifier auprès de ses supérieurs. Cinq minutes plus tard, il s’excuse :

    « On n’a jamais reçu de visite. »

    Ce LRA, situé au rez-de-chaussée de la préfecture, a été créé il y a moins d’un an, en novembre 2022. Selon les agents présents, il est principalement dédié à l’enfermement des personnes « dublinées », qui ont déjà demandé l’asile dans un autre pays de l’Union européenne. Il peut accueillir actuellement six personnes.

    À l’intérieur, l’agent tente à nouveau d’encadrer la visite. Il indique à Ersilia Soudais qu’elle ne peut pas discuter avec des retenus. Ce qui est encore une fois illégal. L’élue était en train d’échanger avec le seul prisonnier du LRA, un homme algérien. Débardeur blanc et cigarette à la bouche, il est enfermé depuis deux jours. Il demande un traducteur, mais la discussion est interrompue par la sous-préfète des Hauts-de-Seine, Sophie Guiroy Meunier, descendue de son bureau : « Vous êtes là dans quel cadre ? » À plusieurs reprises, la sous-préfète nous demande à quoi servent nos questions. « Mais vous écrivez un rapport ? » interroge-t-elle. Quarante minutes plus tard, la députée ressort sonnée de ces deux visites. « Ça me donne envie de me rendre dans d’autres LRA d’Île-de-France », déclare-t-elle en partant.

    Un accès juridique restreint en LRA

    À Nanterre, s’ils veulent appeler l’extérieur, les retenus doivent demander un portable aux agents. Or, le décret du 30 mai 2005 stipule qu’un LRA doit fournir une ligne téléphonique fixe en accès libre, parmi d’autres obligations, pour permettre aux retenus de contacter leurs avocats. Un policier balaye :

    « C’est plus simple comme cela. »

    La situation est représentative du #flou entretenu dans ces locaux, où l’accompagnement juridique n’est pas obligatoire, contrairement aux Cra. « Les personnes retenues ont un certain nombre de #droits. Mais, en pratique, elles n’ont pas d’informations suffisantes », affirme maître Berdugo, coprésident de l’Association pour le droit des étrangers (ADDE). À Choisy-le-Roi, les cinq retenus parlent très peu français et personne n’a l’air de connaître l’acronyme LRA.

    Celui de Choisy-le-Roi a rouvert en février 2022, après une fermeture décidée par une ordonnance administrative, « compte tenu du #traitement_inhumain_et_dégradant infligé aux personnes », a noté l’ADDE. Parmi les points noirs à l’époque : l’obligation de demander aux agents l’autorisation de se rendre aux toilettes. Désormais, des travaux ont été effectués. Trois douches et des WC sont en accès libres, « pour huit places contre douze auparavant », détaille le major Breny. Concernant les retenus, le directeur du LRA assure :

    « Ils sont tous contents. Dehors, c’est plus dur. Ici, on s’occupe d’eux. Ils n’ont pas exprimé un mal-être particulier. »

    Un manque d’information qui coûte cher

    « C’est notre première nuit ici, on espère ne pas être envoyés en centre de rétention. On est tranquille », avance Ahmed, originaire d’Algérie. Mais quand on aborde leur situation juridique, les hommes lèvent les yeux de leur téléphone – qu’ils ont ici le droit de conserver – et s’interrogent. Ali (1), torse nu à cause de la chaleur, demande des renseignements à la députée sur les démarches juridiques qu’il doit entreprendre. « Est-ce que vous avez un avocat ? » lui demande-t-elle. Il répond non de la tête. Idem pour ses camarades. Pourtant, le délai de recours d’une #obligation_de_quitter_le_territoire (#OQTF) est de 48 heures devant le tribunal administratif. D’où la nécessité d’agir vite pour tenter de la faire annuler. « Les retenus sont présentés quatre jours après devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et il arrive qu’on apprenne qu’ils n’ont pas contesté l’OQTF », souligne maître Florian Bertaux, avocat au barreau du Val-de-Marne. Il renchérit :

    « Il n’y a pas de permanence au tribunal administratif dans notre département, donc pour faire un recours, il faut souvent déjà connaître un avocat. »

    Le recours est d’autant plus difficile à faire qu’aucun moyen de télécommunications n’est mis à leur disposition. Impossible donc d’envoyer un mail à son avocat. « Pour transmettre une décision, c’est très compliqué. Ils sont dépendants des services de police », continue maître Berdugo.

    Les retenus gaspillent parfois un temps précieux en essayant de joindre les mauvais interlocuteurs. Youssef (1), un père de famille défendu par maître Berdugo, a été placé au LRA de Nanterre fin août 2023. « En guise d’informations, on lui a donné une liasse sur laquelle il était indiqué qu’il pouvait être assisté par diverses associations, alors que c’était faux », raconte son conseil. Parmi les numéros écrits, celui de l’association la Cimade, qui n’intervient pourtant pas dans les LRA. En apprenant cela, Paul Chiron, chargé de soutien et des actions juridiques en rétention à la Cimade, s’étrangle :

    « C’est hallucinant. Nous refusons d’être dans les LRA car il n’y a pas de garanties suffisantes afin d’exercer nos missions. »

    Heureusement pour Youssef, il connaissait déjà maître Berdugo et avait une procédure en cours à la préfecture. Mais lors de sa comparution devant le JLD, les autres retenus du LRA altoséquanais n’ont pu faire de recours car les 48h de délais de contestation « étaient expirés ».

    Des LRA qui disparaissent du jour au lendemain

    Les avocats eux-mêmes ont du mal à suivre la situation des LRA. En juillet 2023, maître Berdugo et des confrères avaient tenté de faire fermer le LRA de Nanterre via un référé-liberté. « Lorsqu’on l’a préparé, on nous a indiqué qu’il n’y avait plus personne dans le LRA. Donc on a laissé tomber », raconte-t-il. Maître Berdugo continue :

    « La préfecture avait promis de ne plus saisir le juge, donc on pensait que le LRA ne fonctionnait plus. »

    Pour ne rien arranger, des #LRA_temporaires sont créés – en plus des permanents – par arrêtés préfectoraux lorsque des étrangers ne peuvent être placés tout de suite dans un Cra, en raison de circonstances particulières. « C’est très peu encadré », souffle Paul Chiron de la Cimade. Ces LRA sont hébergés dans des #hôtels, des #cités_administratives ou encore des #gendarmeries. StreetPress a contacté le directeur général de #Contacts_Hôtel, groupe auquel appartient le #Ashley_Hôtel qui a hébergé un LRA au Mans à partir de mars 2023. « L’hôtelier ne communique pas sur le sujet étant donné qu’il est soumis à une clause de confidentialité », a-t-il répondu. Parfois, les LRA ne durent qu’une seule nuit avant de disparaître et d’effacer le sort des personnes enfermées.

    Hors métropole, les LRA ont par exemple donné lieu à des « aberrations juridiques », d’après maître Flor Tercero, partie au mois d’avril à Mayotte. Elle assure que « les arrêtés de publication des LRA apparaissaient une fois qu’ils étaient fermés » et assène :

    « C’était l’omerta la plus totale. »

    Aucune donnée

    Ainsi, personne ne savait où se trouvaient les locaux de rétention ni combien de personnes y avaient été enfermées. « Dans certains LRA, les règlements intérieurs disaient qu’ils étaient faits pour douze personnes, mais dans les arrêtés de création des LRA, il y avait écrit quarante personnes. Une #surpopulation contestable. » Elle mentionne des familles qui tentaient de joindre leurs proches disparus et placés en LRA :

    « Elles ont appelé les centres de rétention, mais il n’y avait pas de numéro de téléphone dans les LRA. Elles les ont retrouvés ensuite plus tard aux Comores. »

    Ces dérives perdurent car les LRA ne sont que très peu contrôlés. « Nous sommes très peu saisis sur les LRA, et pour ceux qui sont temporaires, c’est souvent trop tard, ils ont fermé. Cette temporalité très brève rend nos visites compliquées », admet Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté. En sept ans, le CGLPL n’a pu se rendre que dans quatre LRA :

    « Notre dernière visite remonte en 2021 à Tourcoing. »

    De son côté, la Cimade constate une « flambée » des LRA et estime qu’ils étaient auparavant « bien moins utilisés qu’aujourd’hui notamment avec l’usage détourné qui en est fait depuis les instructions de Gérald Darmanin. » En témoigne un extrait de la circulaire du 3 août 2022, qui a demandé que les capacités des LRA soient augmentées « d’au moins un tiers ». De quoi interroger le chargé de soutien de l’asso Paul Chiron :

    « Avec quatre Cra en Ile-de-France, la question des circonstances de temps et de lieu nécessaire à la création d’un LRA, peut difficilement s’entendre. »

    La Cimade craint également que les #locaux_de_rétention ne soient utilisés à l’avenir pour enfermer des familles en toute discrétion. « Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a affirmé qu’il ne voulait plus d’enfants dans les Cra, mais il n’a rien dit sur les LRA », rappelle Paul Chiron. Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas été en mesure de fournir à StreetPress des données précises sur le nombre de personnes enfermées dans les LRA. Idem du côté de la préfecture de police. Quant à maître Berdugo, il a lancé un nouveau référé-liberté pour faire fermer le LRA de Nanterre. L’affaire passe ce 18 septembre 2023 devant le tribunal administratif de Cergy.

    (1) Les prénoms ont été modifiés.

    https://www.streetpress.com/sujet/1694682108-lra-non-droit-sans-papiers-etrangers-locaux-retention-admini

    #sans-papiers #France #migrations #enfermement

  • Les efforts de nos parlementaires afin d’intégrer la France d’en haut :

    
- Pourquoi un député au bout de seulement cinq ans de cotisation retraite touche une retraite moyenne de 1 500 €/mois alors qu’un employé pour 42 années de cotisation touchera 896 euros en moyenne ?

    – Pourquoi, au bout de deux mandats de six ans chacun, un sénateur peut-il toucher plus de 3 700 € par mois de retraite ?

    – Pourquoi la retraite des élus n’est-elle pas prise en compte dans l’écrêtement (8 200 €) des indemnités d’élus.

    – Pourquoi une cotisation retraite d’élu rapporte-t-elle en moyenne 6,50 € pour un euro cotisé pendant vingt ans alors qu’un salarié du régime général touche entre 0,87 et 1,57 € pour un euro cotisé pendant quarante-deux ans ?

    – Pourquoi un élu peut-il cumuler ses différentes retraites (jusqu’à 5 retraites) ?

    – Pourquoi un élu peut-il travailler en touchant sa (ses) retraite(s) d’élu complète(s) sans plafond de montant alors que le citoyen lambda ne peut le faire sans dépasser la valeur de son dernier salaire ?

    – Pourquoi les élus ont-ils une retraite par capitalisation et ’interdisent-ils résolument aux « autres » qui n’ont droit qu’à une retraite par répartition ?

    – Pourquoi les cotisations retraite des élus peuvent-elles être abondées par les collectivités, ce qui permet à un parlementaire de toucher sa retraite à taux plein avec moins d’annuités de cotisation ?

    – Pourquoi une partie de la pension de retraite des parlementaires est-elle insaisissable (même en cas de fraude ou d’amende) ?

    – Pourquoi un agent public qui voudrait se présenter à une élection législative ne devrait-il pas démissionner de la fonction publique ?
    Un salarié le doit, lui, s’il veut travailler ailleurs !

    – Pourquoi deux ans d’allocations chômage pour un salarié lambda du régime général et cinq ans pour les députés ? 
Ceux-ci ont-ils plus de mal à retrouver un travail ?

    – Pourquoi les députés qui ne se représentent pas peuvent-ils toucher l’allocation différentielle et dégressive de retour à l’emploi ? 
Un salarié qui démissionne n’a, lui, droit à rien !

    – Pourquoi faut-il avoir un casier judiciaire vierge pour entrer dans certaines professions et que ce n’est pas le cas pour être élu

    – Pourquoi la fraude dans la déclaration de patrimoine d’un élu ne vaut-elle pas la prison mais seulement 30 000 € d’amende alors que la simple fraude d’un citoyen pour faux et usage de faux d’un document délivré par l’Administration est punissable de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ?

    – Pourquoi un parlementaire (député ou sénateur) touche-t-il une IRFM (indemnité représentative de frais de mandat) de 5 770 € par mois pour un député et de 6 200 € par mois pour un sénateur, dont l’usage n’est pas contrôlable et pour lequel il n’a de compte à rendre à personne ?

    – Pourquoi, durant son mandat, un élu peut-il s’acheter un bien qu’il nomme souvent « permanence », le payer à crédit avec l’IRFM, qui est de l’argent public, et le garder ou le vendre pour son bénéfice personnel ?

    – Pourquoi les parlementaires cumulards peuvent-ils toucher plusieurs enveloppes de frais de représentation  ?

    – Pourquoi les restaurants trois étoiles (cinq étoiles ?) de l’Assemblée nationale et du Sénat coûtent-ils si peu cher à l’élu ?

    – Pourquoi un élu à revenu égal de celui d’un salarié paye-t-il moins d’impôt sur le revenu ?

    – Pourquoi parle-t-on toujours de réduire le nombre de fonctionnaires mais jamais celui des parlementaires ?

    – Pourquoi les sénateurs se sont-ils versé en 2011, au titre d’un « rattrapage exceptionnel », une prime de 3 531,61 € avant les congés d’été... ?

    – Pourquoi aucun chiffre n’existe sur la présence ou non des sénateurs lors des séances au Sénat ?

    – Pourquoi la pension de réversion d’un élu décédé est-elle de 66 % sans condition de ressources du survivant alors que celle d’un salarié du privé est de 54 % sous condition de ressources du survivant (aucune réversion au-dessus de 19 614,40 brut annuel !

    – Pourquoi la retraite d’un élu est-elle garantie et connue d’avance alors qu’un salarié du régime général n’est sûr de rien ?

    – Pourquoi un député peut-il cumuler plusieurs « réserves parlementaires » sans que cela se sache officiellement ?

    – Pourquoi l’indemnité de fonction d’un député et son IRFM ne sont-elles pas imposables ?

    – Pourquoi un député a-t-il droit au remboursement de frais de taxis parisiens (alors qu’il touche l’IRFM pour ça) ?

    – Pourquoi un ancien sénateur ou un ancien député ont-ils droit à la gratuité à vie en première classe SNCF ?

    – Pourquoi un ancien sénateur et son conjoint ont-ils le droit du remboursement de la moitié de 12 vols Air France par an et à vie ?

    – Pourquoi un sénateur peut-il emprunter jusqu’à 150 000 € à un taux préférentiel ?

    – Pourquoi les anciens ministres, leurs conjoints et leurs enfants ont-ils droit à la gratuité à vie des vols Air France et à la gratuité à vie des transports sur le réseau SNCF ?

    – Pourquoi y a-t-il dans le service des fraudes un service spécial pour les élus ?

    – Pourquoi une fraude d’élu est-elle différente des autres pour bénéficier d’un traitement de faveur ?

    – Pourquoi un élu condamné définitivement ne rembourse-t-il pas les frais d’avocat dépensés pour lui par la collectivité ?

    Il est vrai que ces différences existantes ne sont pas souvent évoquées par la presse par nos élus, les décideurs des modifications législatives !

    Source : http://richessem.eklablog.com/article-413-arnault-ses-mensonges-et-ceux-de-la-presse-sur-les-p

    #privilèges #députés #députées #sénateurs #sénatrices financement des #retraites #fraude #cotisations #cumul #abondement #allocations_chômage #casier_judiciaire #fraude #pension_de_réversion #réserves_parlementaires #IRFM #prêt #taux_préférentiel #SNCF #traitement_de_faveur

    • Pourquoi cette surveillance ultraviolente ?
      Nos chers élus ont peur de perdre les avantages, privilèges qu’elles/ils se sont attribué. Surveillons les !
      
 

      
- Pourquoi un député au bout de seulement cinq ans de cotisation retraite touche une retraite moyenne de  1 500 €/mois alors qu’un employé pour 42 années de cotisation touchera 896 euros en moyenne ?

      – Pourquoi, au bout de deux mandats de six ans chacun, un sénateur peut-il toucher plus de  3 700 € par mois de retraite ?

      – Pourquoi la retraite des élus n’est-elle pas prise en compte dans l’écrêtement  (8 200 €)  des indemnités d’élus.

      – Pourquoi une cotisation retraite d’élu rapporte-t-elle en moyenne 6,50 € pour un euro cotisé pendant vingt ans alors qu’un salarié du régime général touche entre 0,87 et 1,57 € pour un euro cotisé pendant quarante-deux ans ?

      – Pourquoi un élu peut-il cumuler ses différentes retraites (jusqu’à 5 retraites) ?

      – Pourquoi un élu peut-il travailler en touchant sa (ses) retraite(s) d’élu complète(s) sans plafond de montant alors que le citoyen lambda ne peut le faire sans dépasser la valeur de son dernier salaire ?

      – Pourquoi les élus ont-ils une retraite par capitalisation et ’interdisent-ils résolument aux « autres » qui n’ont droit qu’à une retraite par répartition ?

      – Pourquoi les cotisations retraite des élus peuvent-elles être abondées par les collectivités, ce qui permet à un parlementaire de toucher sa retraite à taux plein avec moins d’annuités de cotisation ?

      – Pourquoi une partie de la pension de retraite des parlementaires est-elle insaisissable (même en cas de fraude ou d’amende) ?

      – Pourquoi un agent public qui voudrait se présenter à une élection législative ne devrait-il pas démissionner de la fonction publique ?
      Un salarié le doit, lui, s’il veut travailler ailleurs !

      – Pourquoi deux ans d’allocations chômage pour un salarié lambda du régime général et cinq ans pour les députés ? 
Ceux-ci ont-ils plus de mal à retrouver un travail ?

      – Pourquoi les députés qui ne se représentent pas peuvent-ils toucher l’allocation différentielle et dégressive de retour à l’emploi ? 
Un salarié qui démissionne n’a, lui, droit à rien !

      – Pourquoi faut-il avoir un casier judiciaire vierge pour entrer dans certaines professions et que ce n’est pas le cas pour être élu

      – Pourquoi la fraude dans la déclaration de patrimoine d’un élu ne vaut-elle pas la prison mais seulement 30 000 € d’amende alors que la simple fraude d’un citoyen pour faux et usage de faux d’un document délivré par l’Administration est punissable de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende ?

      – Pourquoi un parlementaire (député ou sénateur) touche-t-il une IRFM (indemnité représentative de frais de mandat) de 5 770 € par mois pour un député et de 6 200 € par mois pour un sénateur, dont l’usage n’est pas contrôlable et pour lequel il n’a de compte à rendre à personne ?

      – Pourquoi, durant son mandat, un élu peut-il s’acheter un bien qu’il nomme souvent « permanence », le payer à crédit avec l’IRFM, qui est de l’argent public, et le garder ou le vendre pour son bénéfice personnel ?

      – Pourquoi les parlementaires cumulards peuvent-ils toucher plusieurs enveloppes de frais de représentation  ?

      – Pourquoi les restaurants trois étoiles (cinq étoiles ?) de l’Assemblée nationale et du Sénat coûtent-ils si peu cher à l’élu ?

      – Pourquoi un élu à revenu égal de celui d’un salarié paye-t-il moins d’impôt sur le revenu ?

      – Pourquoi parle-t-on toujours de réduire le nombre de fonctionnaires mais jamais celui des parlementaires ?

      – Pourquoi les sénateurs se sont-ils versé en 2011, au titre d’un « rattrapage exceptionnel », une prime de 3 531,61 € avant les congés d’été... ?

      – Pourquoi aucun chiffre n’existe sur la présence ou non des sénateurs lors des séances au Sénat ?

      – Pourquoi la pension de réversion d’un élu décédé est-elle de 66 % sans condition de ressources du survivant alors que celle d’un salarié du privé est de 54 % sous condition de ressources du survivant (aucune réversion au-dessus de 19 614,40 brut annuel !

      – Pourquoi la retraite d’un élu est-elle garantie et connue d’avance alors qu’un salarié du régime général n’est sûr de rien ?

      – Pourquoi un député peut-il cumuler plusieurs « réserves parlementaires » sans que cela se sache officiellement ?

      – Pourquoi l’indemnité de fonction d’un député et son IRFM ne sont-elles pas imposables ?

      – Pourquoi un député a-t-il droit au remboursement de frais de taxis parisiens (alors qu’il touche l’IRFM pour ça) ?

      – Pourquoi un ancien sénateur ou un ancien député ont-ils droit à la gratuité à vie en première classe SNCF ?

      – Pourquoi un ancien sénateur et son conjoint ont-ils le droit du remboursement de la moitié de 12 vols Air France par an et à vie ?

      – Pourquoi un sénateur peut-il emprunter jusqu’à 150 000 € à un taux préférentiel ?

      – Pourquoi les anciens ministres, leurs conjoints et leurs enfants ont-ils droit à la gratuité à vie des vols Air France et à la gratuité à vie des transports sur le réseau SNCF ?

      – Pourquoi y a-t-il dans le service des fraudes un service spécial pour les élus ?

      – Pourquoi une fraude d’élu est-elle différente des autres pour bénéficier d’un traitement de faveur ?

      – Pourquoi un élu condamné définitivement ne rembourse-t-il pas les frais d’avocat dépensés pour lui par la collectivité ?

      Il est vrai que ces différences existantes ne sont pas souvent évoquées par la presse par nos élus,
      les décideurs des modifications législatives !

      Faites tourner... l’omettra de leurs copains journalistes protège leur abattement fiscal 30% de leurs revenus. Il faut le savoir !!!

      #privilèges #députés #députées #sénateurs #sénatrices financement des #retraites #fraude #cotisations #cumul #abondement #allocations_chômage #casier_judiciaire #fraude #pension_de_réversion #réserves_parlementaires #IRFM #prêt #taux_préférentiel #SNCF #traitement_de_faveur

  • Un des, sinon le, traitement le plus prometteur actuellement pour le #cancer du sein métastatique HER2 +. Après un an et demi de traitements et 3 échecs thérapeutiques, je suis très heureuse d’avoir pu y accéder grâce à un essai clinique à l’Institut Gustave Roussy. Coordinatrix Xanax La Guerrière, @kinkybambou
    https://threadreaderapp.com/thread/1489390930608152579.html

    D’ici quelques mois, la HAS va revoir ses évaluations, compte tenu des résultats cliniques les plus récents, et ce traitement deviendra la seconde ligne pour toutes les femmes atteintes de ce type de cancer du sein (généralisé à d’autres organes + HER2+), agressif mais porteur d’altérations qui ont aussi « l’avantage » de pouvoir être ciblées par des thérapies spécifiques.

    Les essais sur son efficacité dans les cancers HER2+ du sein mais à des stades plus précoces, d’autres organes, et HER2-low, sont en cours ; les résultats préliminaires sont aussi très prometteurs.
    Ce traitement fait partie d’une nouvelle classe d’une classe elle-même récente de traitements, les anticorps conjugués, qui combinent un anticorps ciblant des protéines de surface des cellules cancéreuses (ici HER2) et des molécules cytotoxiques (chimio) très puissantes qui sont par cette voie délivrées au cœur des cellules ciblées (et non pas ventilées partout, y compris dans des cellules saines, comme les chimios systémiques « classiques »). La nouvelle classe d’anticorps conjugués a ceci de particulier qu’à cette structure générale s’ajoutent les propriétés du lien qui « accroche » les molécules de chimio à l’anticorps : il est clivable (cleavable), « cassable ».

    Concrètement, cela permet aux molécules de chimio envoyées dans les cellules possédant les récepteurs X ciblés par l’anticorps de « transiter » dans les cellules qui leur sont voisines, y compris si ces dernières ne sont pas porteuses des récepteurs X.
    Ce type de lien (linker) a été inventé par une équipe de R&D japonaise.

    C’est donc un produit de la bioingénierie au niveau moléculaire, qui permet de répondre à un problème auquel se heurte tout traitement cible du cancer : l’hétérogénéité tumorale.
    Un cancer, c’est une population mouvante de cellules qui mutent. Par ex, sont porteuses de beaucoup de protéines de surface X, d’autres moins, d’autres pas du tout.

    En plus, au sein des tumeurs solides, il y a des cellules saines qui participent à l’environnement du cancer, et « aident » à son développement.
    Ce qui pose un problème face aux traitements ciblés.
    Parce que le traitement qui cible les protéines X va tataner les cellules qui expriment beaucoup de X, moins celles qui en expriment moins, et ne pas affecter celles qui n’en expriment pas. Qui vont pouvoir continuer à se multiplier en mutant régulièrement.
    La nouvelle classe d’anticorps conjugués (ADC) permet de faire exploser cette limite thérapeutique : le cytotoxique, une fois dans les cellules cancéreuses cibles, va aussi passer dans ses voisines, quelles que soient leurs caractéristiques.
    Qui plus est, on se rend compte que certains ADC induisent des effets de boost sur les mécanismes de l’immunité, ajoutant un effet d’immunothérapie à celui des anticorps et des molécules cytotoxiques.
    (Je reviendrai sur le sujet avec tout un tas de sources une autre fois).

    #traitement_ciblé

  • Violences policières : à Calais, Darmanin ment ! [Actions collectives] ⋅ #GISTI
    https://www.gisti.org/spip.php?article6690
    Interviewé par France 3 Hauts-de-France le 9 octobre 2021, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré :

    « […] Ce que je peux dire, c’est que malgré tous les procès d’intention qu’on fait aux forces de l’ordre, je constate que pas un policier et pas un gendarme sur la côte littoral n’a été poursuivi par la justice […] et j’aimerais qu’on les respecte et qu’on les soutienne plutôt qu’on les insulte surtout lorsque manifestement ce sont des mensonges […] »

    Il répondait à une question concernant le dernier rapport de Human Rights Watch, « Infliger la détresse. Le traitement dégradant des enfants et des adultes migrants dans le nord de la France » [2] qui met en évidence le #harcèlement_policier dont sont victimes les personnes migrantes dans le nord de la France.
    https://www.infomigrants.net/fr/tag/calais
    https://www.youtube.com/watch?v=EW773L0d2-I&t=229s


    le « premier flic de France » est un menteur et All Cops Are bastards
    #violences_policières #Calais

    • France : #Traitement_dégradant des migrants dans la région de Calais

      Une stratégie de détresse infligée aux enfants et aux adultes

      Les autorités françaises soumettent régulièrement les adultes et les enfants migrants vivant dans des campements de fortune dans la région de Calais à des traitements dégradants, conclut Human Rights Watch dans un rapport publié aujourd’hui. Cinq ans après la démolition par les autorités françaises du vaste camp de migrants souvent surnommé « la Jungle », plus d’un millier de personnes vivent dans des campements dans et aux alentours de la ville.

      Le rapport de 86 pages, intitulé « Enforced Misery : The Degrading Treatment of Migrant Children and Adults in Northern France » (« Infliger la détresse : Le traitement dégradant des enfants et adultes migrants dans le nord de la France »), documente les opérations répétées d’expulsion massive, le harcèlement policier quasi quotidien et les restrictions pesant sur la délivrance d’aide humanitaire et sur l’accès à cette aide. Les autorités mettent en œuvre ces pratiques abusives principalement dans le but de forcer les personnes à partir ailleurs, sans résoudre leur statut migratoire ni l’absence d‘abri et sans dissuader de nouvelles arrivées.

      « Rien ne peut justifier de soumettre des personnes à une humiliation et un harcèlement quotidiens », selon Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch. « Si l’objectif est de décourager les migrants de se regrouper dans le nord de la France, ces politiques sont un échec flagrant, et entraînent de graves souffrances. »

      Human Rights Watch a mené des entretiens avec plus de 60 personnes migrantes, dont 40 se sont identifiées comme des enfants non accompagnés, à Calais et aux alentours, ainsi que dans la commune voisine de #Grande-Synthe, d’octobre à décembre 2020, puis de juin à juillet 2021. Human Rights Watch a également rencontré des responsables de la préfecture et du département du #Pas-de-Calais, ainsi que de la mairie de Grande-Synthe.

      Environ deux mille personnes, dont au moins 300 enfants non accompagnés, vivaient dans des campements à Calais et ses alentours à la mi-2021, d’après les associations humanitaires. Plusieurs centaines de personnes supplémentaires, dont de nombreuses familles avec enfants, étaient installées dans une forêt à Grande-Synthe, près de la ville de Dunkerque.

      Les actions de la #police visant à faire partir les adultes et enfants migrants de Calais et de Grande-Synthe n’ont pas découragé les nouvelles arrivées et ne semblent pas avoir réduit le nombre de traversées irrégulières de la Manche, qui ont battu des records en juillet et août. En revanche, ces pratiques policières ont infligé une détresse croissante aux personnes migrantes.

      « Quand la police arrive, nous avons cinq minutes pour sortir de la tente avant qu’elle ne détruise tout. Mais ce n’est pas possible, pour cinq personnes dont de jeunes enfants, de s’habiller en cinq minutes dans une tente », a indiqué une femme kurde d’Irak à Human Rights Watch en décembre 2020.

      Les policiers exigent très fréquemment des migrants qu’ils quittent temporairement le terrain sur lequel ils se trouvent pendant qu’ils confisquent – et souvent détruisent – les tentes, bâches et sacs de couchage que les gens n’ont pas réussi à emporter avec eux. Au cours de l’année 2020 et de la première moitié de 2021, la police a soumis la plupart des #campements de Calais à ces #expulsions de routine environ un jour sur deux. À Grande-Synthe, ces expulsions ont eu lieu une à deux fois par semaine.

      En 2020, la police a procédé à plus de 950 opérations routinières d’expulsion à Calais et au moins 90 expulsions de routine à Grande-Synthe, saisissant près de 5 000 tentes et bâches et des centaines de sacs de couchage et de couvertures, d’après Human Rights Observers (HRO), une association qui assure un suivi régulier des expulsions de ces campements par la police.

      La police expulse aussi régulièrement tous les occupants d’un campement, prétendant qu’il s’agit d’opérations de « mise à l’abri ». Mais l’abri n’est fourni que pour quelques jours. De plus, les autorités procédant à ces expulsions collectives n’assurent pas efficacement l’identification des enfants non accompagnés et ne prennent pas de mesures spécifiques pour les protéger.

      Du fait de ces #tactiques, les enfants et les adultes sont constamment en alerte et concentrés sur leur survie au jour le jour. Beaucoup sont hagards, en manque de sommeil et, comme l’a observé l’institution française de la Défenseure des droits en septembre 2020, « dans un état d’#épuisement physique et mental ».

      Les autorités font par ailleurs peser des restrictions légales et pratiques sur la délivrance d’#aide_humanitaire et sur l’accès à cette aide. Des arrêtés municipaux interdisent la #distribution_de_nourriture et d’#eau par les associations humanitaires dans le centre-ville de Calais. Les sites où une assistance est fournie par l’État sont souvent déplacés ; ou bien l’aide est distribuée en même temps que les expulsions.

      Les services des autorités ne répondent pas aux besoins des femmes et des filles. Les campements de fortune à Calais ne disposent pas de toilettes séparées pour les femmes et il n’y a pas de toilettes à Grande-Synthe. Les #toilettes existantes ne sont par ailleurs pas correctement éclairées, exposant les #femmes et les #filles à des risques particuliers. Toutes les personnes vivant dans les campements manquent d’eau en raison des difficultés pour y accéder, mais cela pose des problèmes particuliers aux femmes et aux filles lors de leurs #menstruations.

      L’#hébergement_d’urgence, en France, est en principe accessible à toute personne en ayant besoin, mais le système est débordé. Les hébergements d’urgence à Calais sont souvent complets et encore plus limités à Grande-Synthe. L’hébergement d’urgence est habituellement limité à quelques nuits, même pour les familles avec de jeunes enfants. Il existe un système distinct d’#accueil_d’urgence pour les #mineurs_non_accompagnés, mais il est également souvent complet ou presque, et de nombreux enfants s’en voient refusé l’accès.

      Les policiers ont par ailleurs harcelé des bénévoles de HRO, d’Utopia 56 et d’autres associations non gouvernementales qui observent la police lors des expulsions. Certains policiers ont déclaré à tort aux observateurs qu’ils ne pouvaient pas filmer leurs opérations, les menaçant d’arrestation.

      Ces #pratiques_abusives contribuent à une politique de #dissuasion par laquelle les autorités cherchent à éliminer ou éviter tout ce qui, à leurs yeux, attire les migrants dans le nord de la France ou encourage l’établissement de campements. Cette approche ne tient pas compte de la réalité, à savoir que le réel attrait de cette côte est sa proximité avec le Royaume-Uni, situé à seulement 30 km au niveau du pas de Calais.

      « Les exilés ne voyagent pas jusqu’au nord de la France parce qu’ils ont entendu dire qu’ils pourraient y camper dans les bois ou dormir sous un pont. Ils ne viennent pas parce que des associations distribuent un peu d’eau et de nourriture. Ils viennent parce que c’est là que se trouve la frontière », a expliqué Charlotte Kwantes, coordonnatrice nationale d’Utopia 56.

      La fin de la période de transition du Brexit implique que le Royaume-Uni ne peut plus renvoyer la plupart des demandeurs d’asile adultes vers la France sans avoir préalablement examiné leur demande d’asile. Le gouvernement britannique a également cessé d’accepter de nouvelles demandes de transfert au nom du regroupement familial, qui était en pratique la seule option légale permettant aux enfants non accompagnés d’entrer au Royaume-Uni.

      Les préfets du Pas-de-Calais et du Nord, départements où se situent Calais et Grande-Synthe, devraient mettre fin aux #expulsions_répétées des campements de migrants et cesser de saisir les biens des personnes, a déclaré Human Rights Watch. Les préfectures devraient travailler de concert avec les autorités départementales pour assurer des solutions alternatives d’hébergement à même de permettre aux personnes de se poser et de les aider à faire des choix éclairés, comme demander l’asile ou un autre statut en France ou ailleurs, ou bien repartir dans leur pays d’origine.

      Les autorités françaises de protection de l’enfance devaient faire davantage pour informer les enfants non accompagnés au sujet des options qui s’offrent à eux, notamment intégrer le système d’aide sociale à l’enfance, leur permettant d’accéder à un statut légal à leur majorité.

      L’Union européenne devrait mettre en place un système de partage des responsabilités entre ses États membres qui évite de faire peser une pression excessive sur les pays de première arrivée et les pays de destination les plus prisés, et qui tienne dûment compte des liens familiaux et sociaux, ainsi que des préférences individuelles des demandeurs d’asile.

      Le gouvernement britannique devrait mettre en place des moyens sûrs et légaux permettant aux personnes migrantes de se rendre au Royaume-Uni afin de demander refuge, d’être réunies avec les membres de leur famille, de travailler ou d’étudier.

      « Les autorités françaises devraient renoncer à leur stratégie défaillante à l’égard des migrants », conclut Bénédicte Jeannerod. « Il est nécessaire qu’elles adoptent une nouvelle approche pour aider les gens, au lieu de constamment les harceler et leur infliger des abus. »

      https://www.hrw.org/fr/news/2021/10/07/france-traitement-degradant-des-migrants-dans-la-region-de-calais

      #rapport #HRW #points_de_fixation

    • merci @cdb_77
      https://www.hrw.org/fr/news/2021/10/14/le-deni-par-le-ministre-francais-de-linterieur-des-abus-policiers-contre-les
      https://twitter.com/MichaelBochenek/status/1446130172126654466

      Le harcèlement systématique et les restrictions d’accès à l’aide humanitaire que les autorités françaises font subir aux migrants n’empêchent pas les nouvelles arrivées, mais provoquent une grande détresse.

      https://video.twimg.com/ext_tw_video/1446129388735500288/pu/vid/720x720/0FaLXNbE9O8_G1DV.mp4

  • La vie souterraine de Berlin, entre infrastructure et politique Clarence Hatton-Proulx

    Eau, électricité, gaz : dans Remaking Berlin, Timothy Moss propose une histoire des réseaux d’infrastructures de Berlin de 1920 à 2020, montrant comment leur fonctionnement a varié au gré des régimes politiques.


    Timothy Moss, Remaking Berlin. A History of the City through Infrastructure, 1920–2020, Cambridge (Massachusetts), MIT Press, 2020, 472 p.

    Pour quiconque s’intéresse à l’histoire des villes, le cas de Berlin est particulièrement riche. En moins d’un siècle, la capitale allemande a connu une succession de régimes politiques différents : république de Weimar, règne nazi, division de la ville en deux républiques concomitantes (une libérale et une socialiste) pendant plus de quarante ans, puis, après la réunification des deux Allemagne en 1990 https://metropolitiques.eu/Qu-est-il-arrive-a-Berlin-depuis-1989.html , son nouveau statut de capitale. Cette diversité incomparable de régimes politiques se prête bien à l’étude d’un objet pourtant réputé pour sa résistance au changement et son insularité par rapport aux contextes sociaux : l’infrastructure. Timothy Moss, auteur de Remaking Berlin, remet magistralement en cause ces deux idées reçues à partir d’une monographie passionnante. Son étude est originale à plusieurs égards. Alors que l’infrastructure est habituellement traitée de manière sectorielle, Moss fait le choix d’étudier cinq types d’infrastructure simultanément : l’électricité, le gaz, le chauffage urbain, l’eau et le traitement des eaux usées. Ce choix permet de rendre compte des dynamiques de compétition comme de symétrie entre les différents réseaux étudiés. De plus, analyser l’évolution de ces réseaux sur le temps long, entre 1920 et 2020, met au jour les continuités et les changements du traitement des réseaux par des régimes politiques hétérogènes.

    Quatre tensions importantes ressortent du livre. Le mode de gestion des entreprises d’infrastructure change plusieurs fois pendant le siècle étudié, oscillant entre municipalisation – actionnariat et contrôle majoritaire de la municipalité – et privatisation. Sous la république de Weimar (1919-1933), les services en réseau sont contrôlés par la municipalité. Elle s’en sert pour propulser la production industrielle et la modernisation des équipements domestiques. Après une période d’incertitude liée à l’hyperinflation qui culmina en 1923, les entreprises municipales d’infrastructure améliorent la qualité et la portée de leurs réseaux et proposent des tarifs relativement bas, ce qui augmente rapidement le nombre de ménages connectés. Leurs bénéfices contribuent ainsi de manière importante au budget municipal. Ce mode de gestion est mis en cause par la Grande dépression et par des déficits budgétaires municipaux qui se sont creusés à cause de la crise. Bewag, l’entreprise d’électricité de Berlin, est privatisée en 1931. Si la municipalisation comme mode de gestion des infrastructures connaît ensuite un regain d’intérêt sous les nazis, c’est parce qu’elle permet d’expulser les actionnaires étrangers, en particulier juifs. Les entreprises d’infrastructure, qui étaient toutes publiques à Berlin-Est et sous contrôle municipal majoritaire ou minoritaire à Berlin-Ouest après le conflit, seront finalement toutes privatisées dans les années 1990. La raison invoquée ne tient pas tant à des performances insuffisantes, puisque Bewag et Berliner Wasserbetriebe (BWB), l’entreprise d’eau, étaient profitables. Leur vente a plutôt pour objectif de renflouer les coffres de la ville, laissés vides par la désindustrialisation massive et la chute des subventions fédérales accordées à Berlin après la réunification. BWB sera finalement municipalisée à nouveau en 2013, ce qui montre à quel point le triomphe d’un mode de gestion, quel qu’il soit (entreprise d’État, gestion municipale, privée), dépend de contextes politiques historiquement mobiles.

    La deuxième tension importante concerne le mode d’approvisionnement en eau et en énergie, constamment tiraillé entre le local et le lointain. Dès les années 1920, les gestionnaires d’infrastructures berlinois mettent l’accent sur la nécessité de produire localement, alors que la production d’électricité commence à s’éloigner des centres urbains dans plusieurs autres pays occidentaux. Suite à la scission physique du territoire de Berlin à partir de 1948, les dirigeants de Berlin-Ouest confirment cette option locale – une décision forcée par l’isolement politique et géographique de la ville entourée par la République démocratique allemande (RDA) et accélérée par le blocus soviétique mis en place cette année-là. Afin de se soustraire à d’autres blocus potentiels, Berlin-Ouest adopte une politique d’autarcie facilitée par les financements généreux de la République fédérale (RFA). Des stocks énormes de charbon et de pétrole sont constitués sur le terrain des centrales électriques et gazières de Berlin-Ouest et la capacité maximale de l’infrastructure d’eau et d’énergie est elle aussi considérablement augmentée pour tendre vers l’autosuffisance, au risque de développer un réseau inefficace en cas d’utilisation trop faible. À Berlin-Est, on constate le phénomène inverse : la production de gaz et d’électricité est graduellement déplacée hors du centre urbain, notamment pour valoriser le lignite est-allemand extrait en Lusace, puis le gaz naturel soviétique. Cette même tension est aussi soulevée pendant la période nazie. Alors que l’eau de Berlin provient de son aquifère, Hitler insiste pour que celle-ci vienne plutôt de sources de montagne. Cette lubie coûteuse ne verra pas le jour.

    Le troisième type de tensions, entre priorités urbaines et agenda national, est parfaitement illustré par la période nazie https://metropolitiques.eu/La-conquete-d-une-petite-ville-par.html . Berlin, capitale du nouveau Reich et, aux yeux d’Adolf Hitler, symbole de la métropole « dégénérée » aux mains des prolétaires marxistes et des Juifs, est un terrain idéal pour mettre en œuvre les politiques nazies. Les intérêts municipaux sont subordonnés à ceux du Parti et de l’État. Les dirigeants nazis imposent ainsi la construction d’un gazoduc de Watenstedt à Berlin afin d’assurer l’approvisionnement des usines de munitions de la capitale. Ils obligent Bewag à acheter le tiers de son électricité au fournisseur électrique national. L’agenda nazi donnait la priorité à l’utilisation des eaux usées pour produire des fertilisants agricoles utilisés dans les fermes à proximité de la ville et négligeait la qualité de l’eau sanitaire. Toutes ces mesures s’inscrivent dans un contexte de préparation à une guerre imminente qui oblige à renforcer l’autarcie nationale, au détriment de l’indépendance de la ville de Berlin. Quand le conflit éclate, ce sont évidemment les usages militaires de l’infrastructure qui priment sur les usages civils, contraignant les ménages à restreindre leur consommation pour que l’industrie de guerre puisse tourner à plein régime. Les infrastructures urbaines sont relativement épargnées par les bombardements alliés et l’artillerie soviétique, notamment en raison de leur caractère en partie souterrain. Cela n’empêchera pas que la période d’après-guerre soit marquée par des insuffisances chroniques d’approvisionnement en charbon, limitant la fourniture d’électricité et de gaz et compliquant l’activation des pompes à eau – indiquant de ce point de vue la centralité de l’utilisation du charbon dans le fonctionnement des différents types d’infrastructure. La destruction partielle du système d’épuration des eaux usées ainsi que des logements conduit en outre au déversement de quantités impressionnantes d’eaux non traitées dans les cours d’eau de la ville.

    La dernière tension se rapporte à la distance, au cours de tout le siècle écoulé, entre les prévisions de demande et les fluctuations imprévisibles de la consommation. Sur la base de projections démographiques ambitieuses, les dirigeants des entreprises d’infrastructures formulent la plupart du temps des prévisions de hausse de la demande afin de justifier l’extension des réseaux. Selon Moss, le mot d’ordre de cette stratégie, dominante pendant la période, est « construire et offrir ». On la retrouve à l’époque de Weimar, en RDA https://metropolitiques.eu/Une-exploration-urbaine-urbex-a-Plauen.html , ou encore dans la Berlin réunifiée. Pourtant, elle se heurte souvent à la réalité. Les plans quinquennaux socialistes prévoyaient que la consommation moyenne d’eau à Berlin-Est doublerait entre 1959 et 1980, mais cette hausse importante n’a pas eu lieu. Une même hypothèse optimiste de hausse de la demande caractérise les projections suivant la réunification berlinoise. Or, la quantité d’électricité et d’eau consommée dans la ville décline entre 1990 et 2011. 13 439 millions de kWh sont vendus à Berlin en 1990, contre 11 371 en 2011. 369 millions de mètres cubes sont distribués à Berlin en 1989, contre 217 en 2013. Cette baisse s’explique entre autres par la désindustrialisation massive de l’agglomération ainsi qu’une légère baisse démographique. Mais l’histoire de Berlin est également ponctuée de tentatives relativement infructueuses de réduction de la demande, notamment pendant la Seconde Guerre mondiale et en RDA.

    La suite  : https://metropolitiques.eu/La-vie-souterraine-de-Berlin-entre-infrastructure-et-politique.html

    #Berlin #histoire #ville #villes #municipalité #infrastructures #politique #gestion_municipale #électricité #gaz #chauffage_urbain #eau #traitement_des_eaux_usées #histoire

  • BALLAST | Rachida Brahim : « Mettre en lumière les crimes racistes, c’est nettoyer nos maisons »
    https://www.revue-ballast.fr/rachida-brahim-mettre-en-lumiere-les-crimes-racistes-cest-nettoyer-nos

    Durant sept ans, #Rachida_Brahim, doc­teure en socio­lo­gie, a exa­mi­né 731 #crimes_racistes — des attaques ou des meurtres com­mis de 1970 à 1997, en France conti­nen­tale. Ce minu­tieux tra­vail d’en­quête est deve­nu un livre, La Race tue deux fois : il vient de paraître aux édi­tions Syllepse. La notion de « #classe » révèle l’ordre hié­rar­chique socio-éco­no­mique qui archi­tec­ture l’en­semble de la socié­té ; celle de « genre » met au jour les rap­ports sociaux à l’œuvre entre les sexes ; celle de « race » explique, en tant que construc­tion his­to­rique, les #inéga­li­tés, #dis­cri­mi­na­tions et pro­cé­dés déshu­ma­ni­sants qui frappent les groupes mino­ri­taires. Penser la façon dont les trois s’en­tre­lacent porte un nom bien connu dans les mondes mili­tants et aca­dé­miques : l’#in­ter­sec­tion­na­li­té — un nom que le ministre de l’Éducation natio­nale, Jean-Michel Blanquer, a, tout à son intel­li­gence, récem­ment assi­mi­lé aux « inté­rêts des isla­mistes ». Pour com­prendre l’his­toire des crimes racistes et l’im­pu­ni­té dont leurs auteurs conti­nuent de béné­fi­cier, Rachida Brahim est for­melle : il faut ques­tion­ner les logiques raciales propres à notre ordre social. Nous l’a­vons rencontrée.

    #racisme

    • Plein de choses intéressantes dans cet article, mais entre autres à rajouter au dossier sur les #statistiques sur les assassinats policiers, principalement en #France mais aussi dans d’autres pays :
      https://seenthis.net/messages/601177

      #Violence_policière #Violences_policières #brutalité_policière #Assassinats_policiers #racisme #racisme_d_Etat #justice #impunité
      –------------------------------
      Aussi sur le racisme à l’ #Université

      Cette mise en abyme, je l’ai vécue lors de ma soutenance de thèse : mon directeur de thèse et le président du jury m’ont expliqué que j’étais « hors-sujet ». D’après eux, le fait que je sois moi-même d’origine algérienne m’aurait empêchée de prendre de la distance avec le sujet. Car, si j’y étais parvenue, j’aurais compris que toute ces histoires de crimes n’étaient qu’une affaire de classe… Ce qu’on me demandait, en somme, c’était de nier les données d’archives, la parole des enquêtés et ma propre pensée pour demeurer, comme eux, aveugle à la race. Nous serions pourtant un certain nombre à être sincèrement ravis d’apprendre que c’en est vraiment fini de la race… Mais c’est intéressant, parce que ça confirme ce que Bourdieu, Passeron ou Foucault ont démontré il y a bien 50 ans maintenant, à savoir que l’Université, c’est l’École. Et c’est d’abord une institution étatique au même titre que la Police ou la Justice. Elle fait ce que l’État attend d’elle. Son but n’est pas de produire du savoir pour améliorer radicalement la société mais de maintenir une pensée dominante qui profite à l’ordre établi. Ce que l’Université évalue, ce n’est pas votre capacité à penser depuis votre propre densité mais votre capacité à vous soumettre.

      Puisqu’elle en parle, son directeur de thèse était #Laurent_Mucchielli et son jury de thèse en 2017 était composé de #Stéphane_Beaud (président du jury, qui refuse de croire au racisme et pense que ce ne sont que des histoires de classe...), #Françoise_Lorcerie, #Patrick_Simon, #Christian_Rinaudo, #Nacira_Guénif_Souilamas
      https://www.theses.fr/2017AIXM0163

      En France, entre les années 70 et fin 90, alors que la notion de crime raciste occupait fréquemment la sphère militante et médiatique, elle ne constituait pas une catégorie juridique dans la sphère judiciaire. La mésentente concernant le traitement des crimes racistes semble trouver son origine dans le fait que deux conceptions d’une même réalité ont pu coexister pendant une trentaine d’années : la réalité du groupe concerné par ces violences d’une part et celle émanant du droit étatique d’autre part. Alors que pour les premiers, le caractère raciste des violences ne faisait aucun doute, pour les parlementaires l’idée même d’un mobile raciste a régulièrement été rejetée. D’un point de vue législatif, il a fallu attendre l’année 2003 pour que la France adopte une loi permettant de prendre en compte l’intention raciste d’un crime. Depuis cette date, sous certaines conditions, le mobile raciste peut constituer une circonstance aggravante dans les infractions de type criminel. Cette thèse s’intéresse à ces deux vérités et aux circonstances qui ont déterminé leur existence. Elle vise notamment à interroger le rôle joué par le droit étatique dans la production et le maintien des catégories ethnoraciales par delà la politisation des violences qui en résultent. D’un point de vue empirique, l’enquête a consisté à confronter la parole des militants ayant dénoncé une double violence, celle provoquée par les agressions d’une part et celle induite par leur traitement pénal d’autre part, à un ensemble de sources archivistiques émanant des services du ministère de l’Intérieur et du Parlement. D’un point de vue théorique, les apports de la sociologie et de l’histoire de l’immigration ont été complétés en intégrant les réflexions des théories de l’ethnicité et de la Critical Race Theory. En définitive, cette recherche met en évidence le fait que l’universalisme républicain fait partie intégrante du processus de racialisation. En revenant sur les dispositions majeures de la politique d’immigration et sur la figure stigmatique de l’homme arabe, un premier axe s’intéresse à la manière dont le droit étatique a particularisé une catégorie d’individus en participant à la production des catégories ethnoraciales. Un deuxième axe vise à caractériser les crimes racistes qui ont été dénoncés entre les années 70 et fin 90. Un dernier axe enfin étudie la carrière juridique du mobile raciste durant cette même période. Il expose la manière dont la législation antiraciste a invisibilisé la question des crimes racistes et maintenu les catégories ethnoraciales en appliquant des règles universelles à des groupes qui ont auparavant été différenciés.

    • La race tue deux fois

      « De telles listes sont dressées depuis les années 1970. Compilées par plusieurs générations de militants, elles sont enfouies dans les caves des archives associatives et présentent toutes le même format, à la fois sec et funeste. On y trouve la date du crime, le nom de la victime, suivis d’une ou deux phrases laconiques. Elles frappent par leur rudesse, leur longueur et leur nombre. Poser une liste conduit inexorablement à en trouver une autre quelques jours plus tard. Ces listes expriment l’idée d’une #injustice. Elles dénoncent le racisme et l’#impunité du racisme. Elles pointent du doigt les crimes, mais également la grande majorité des #procès qui ont fini par des peines légères avec sursis ou des acquittements, quand ce n’est pas un non-lieu qui est venu clore l’affaire.

      Elles disent en substance que la #racialisation, autrement dit le fait de placer des personnes dans une catégorie raciale afin d’asseoir un #rapport_de_pouvoir et d’en tirer profit, tue deux fois. La première #violence touche à l’#intégrité_physique de la personne. La seconde violence a lieu à l’échelle institutionnelle. Elle est une conséquence du #traitement_pénal qui ignore la nature raciste des crimes jugés. »

      De la grande vague de violence de #1973 dans le sud de la #France aux #crimes_policiers des années 1990 en passant par les crimes racistes jalonnant les années 1980, cet ouvrage, issu d’une #base_de_données de plus de 700 cas, nous invite à prendre la mesure de cette histoire à l’heure où le #racisme_institutionnel et l’action de la #police continuent chaque année à être à l’origine de nombreux #morts.

      https://www.syllepse.net/la-race-tue-deux-fois-_r_65_i_821.html
      #livre #histoire

  • La justice allemande interdit les renvois vers la Grèce

    Un tribunal régional refuse de transférer des réfugiés parvenus en Allemagne, contrairement à ce que prévoit l’accord de Dublin. Il craint des #traitements_dégradants.

    La justice allemande a décidé que les réfugiés ayant obtenu l’asile en Grèce ne devaient pas être renvoyés là-bas en raison du « risque sérieux de #traitement_inhumain_et_dégradant », selon une décision rendue publique ce mardi.

    Le haut tribunal administratif de Münster, dans l’Etat régional de Rhénanie du Nord-Westphalie, a estimé que les demandes d’asile en Allemagne de personnes déjà reconnues comme réfugiées en Grèce ne pouvaient pas être rejetées au motif qu’elles seraient irrecevables.

    Les juges ont justifié leur décision prise le 21 janvier par les risques actuellement encourus si elles étaient renvoyées en Grèce.

    La Cour avait été chargée de statuer sur le recours en appel de deux plaignants, l’un Palestinien de Syrie et l’autre érythréen, qui avaient obtenu une protection internationale en Grèce.

    Les deux avaient ensuite vu leur demande d’asile en Allemagne rejetée mais selon les deux jugements, ces personnes sont menacées « de misère matérielle extrême » si elles sont renvoyées vers Athènes.

    Elles ne pourraient être accueillies ni dans un centre d’hébergement pour migrants, ni dans des appartements ou des structures d’accueil de sans-abri qui manquent de place, selon la même source.

    « En raison de la situation actuelle sur le marché du travail et de la situation économique, les plaignants ne trouveraient pas de travail en cas de retour en Grèce », poursuivent les juges.
    Accueil catastrophique

    Les organisations de défense des droits humains et des droits des réfugiés dénoncent régulièrement les conditions d’accueil catastrophiques des demandeurs d’asile en Grèce, en particulier dans les camps insalubres sur les îles de la mer Egée.

    Et même une fois reconnus comme réfugiés, certains continuent de survivre dans des conditions très difficiles, parfois sans accès à un logement ou à un travail.

    La Grèce est l’un des principaux points d’entrée dans l’Union européenne des réfugiés souvent originaires du Moyen-Orient et d’Afghanistan qui fuient les conflits ou la pauvreté.

    https://www.tdg.ch/la-justice-allemande-interdit-les-renvois-vers-la-grece-553304674396
    #Dublin #règlement_dublin #renvois #expulsions #renvois_Dublin #justice #interdiction #2021

    –---

    En mars 2016, la commission européenne avait pris la décision de reprendre les renvois Dublin vers la Grèce...
    https://seenthis.net/messages/549554

    ... qu’une décision de justice avait interdit en #2011 suite à la décision de la #CourEDH (#Cour_européenne_des_droits_de_l’homme) en lien avec la sentence "#M.S.S. v. Belgium and Greece", reconnaissant des défaillances “systémiques” dans l’accueil des demandeurs d’asile et dans les procédures de détermination du besoin de protection.
    https://seenthis.net/messages/779987
    #Belgique

    ping @isskein @karine4 @_kg_

  • La Cour européenne confirme l’absence de #traitement_médical adéquat pour les demandeurs d’asile sur Samos

    Le 16 octobre 2020, la #Cour_européenne_des_droits_de_l'homme (#CEDH) a ordonné au gouvernement grec de fournir un examen médical et un traitement nécessaires à huit demandeurs d’asile souffrant d’#hépatite_B.

    Pour retrouver le lien vers la décision : https://ihaverights.eu/i-a-and-others-v-greece

    #santé #accès_aux_soins #asile #migrations #réfugiés #Samos #Grèce #traitement_médical #examen_médical #justice

  • Recueillir les larmes, en ignorer les causes : le traitement médiatique pourri du malheur agricole - FRUSTRATION
    https://www.frustrationmagazine.fr/recueillir-les-larmes-en-ignorer-les-causes-le-traitement-mediat

    Un système qui endette et accule

    C’est bien d’un système politique et économique dont est victime Christian Rougier. Ce système qui génère de l’endettement par l’investissement excessif et des faibles revenus par des prix trop bas fait des heureux : les grandes entreprises d’outils agricoles se frottent les mains, à fourguer des tracteurs à 100 000€ au premier venu. Les semanciers, fabricants de phytosanitaires (dont le géant Bayer-Monsanto) et les distributeurs d’aliments pour animaux, mais aussi les acheteurs et intermédiaires que sont les coopératives agricoles et la grande distribution. Toutes ces très grandes entreprises ont intérêt à ce que les agriculteurs soient pris à la gorge, sidérés par un endettement qui ne les rend certainement pas libre de leurs mouvements. Comment changer de modèle et rompre avec ces vautours quand on doit 500 000€ à la banque ?

    #traitement_médiatique
    #agriculture #exploitant·es #paysannerie #PAC

    • Car le drame de cet homme, c’est de devoir embaucher des locaux. D’où le titre de l’article, “Saison agricole : “Si on embauche des locaux, on ne va pas sortir nos récoltes””. Pourquoi cela ? “Des gens sont partis au bout de quelques jours et on en a remercié qui n’étaient pas efficaces. Il leur faut des pauses-café et cigarettes, ils ont mal aux vertèbres ou aux genoux et ils ne veulent pas arriver trop tôt.”

      Sans complexe, le producteur (un bien grand mot quand on fait travailler les autres) explique l’ardeur au travail des étrangers en comparaison des Français au fait que les premiers “ont faim et ils n’ont droit à rien”. Alors qu’en France “Il y a trop de social”.

      Ah ah !

      Je corrige : semencier.
      #agrobusiness #agribusiness #agribashing

  • La pandémie COVID-19 – la dimension géographique du phénomène

    Basé sur des messages transmis par des collègues du laboratoire EDYTEM de l’Université de Savoie :

    La diffusion d’une pandémie comporte des aspects éminemment géographiques, qui font appel aux modèles de diffusion, à l’analyse des réseaux, à celle des mobilités, … Elle se prête à la représentation cartographique, et pose à ce titre des problèmes de sémiologie graphique spécifique. La diffusion d’une épidémie est aussi le reflet du fonctionnement d’une société, et à ce titre la rapidité de la diffusion de l’épidémie de COVID-19 dans le monde est évidemment le résultat de la mondialisation. En même temps, cette mondialisation et la diffusion quasi instantanée de l’information permet de suivre en temps réel la propagation de l’épidémie. Les outils de cartographie interactive en temps réel deviennent ainsi un réel outil de gestion de crise.

    Pour ceux qui le souhaitent, on vous invite d’abord à consulter l’excellent article suivant, qui fait la synthèse à la fois historique et actuelle des approches géographiques, et plus généralement graphiques, des épidémies. :
    https://cartonumerique.blogspot.com/2020/01/cartographie-epidemies.html

    Il est régulièrement mis à jour. Vous y verrez comment une analyse de la progression du virus, par les cartes, est riche d’enseignements, mais aussi parfois peut être anxiogène selon la sémiologie retenue. Vous y verrez aussi tout un tas de documents, graphes et courbes, renvoyant aux outils d’#analyse_spatiale.

    Beaucoup de liens et de sites sont listés notamment à la fin de l’article.
    La diffusion d’une pandémie est systémique et elle se prête également à la modélisation. Cette approche cherche à expliquer et comprendre ce système complexe.

    Un site web interactif a été créé par une équipe de chercheurs de différentes disciplines, tous spécialistes de la modélisation des systèmes complexes et désireux de mobiliser leurs compétences pour répondre aux nombreuses interrogations que soulève l’épidémie de COVID-19. L’idée est de permettre à chacun de poser la/les questions qui le travaillent et d’y répondre, aussi rapidement que possible, en mobilisant les connaissances scientifiques sur le sujet mais aussi des outils de visualisation scientifique, de modélisation et de simulation.
    https://covprehension.org

    D’autres ressources :

    Sur la géographie de la #quarantaine et la fameuse courbe que l’on cherche à aplatir :
    https://www.geographyrealm.com/geography-of-quarantines

    Un article sur #mondialisation et #épidémie : il montre l’influence des mégacités et de leur interconnexion dans la diffusion des épidémies. Il a été écrit avant la pandémie actuelle, mais sa pertinence ne s’en trouve que renforcée :
    http://cafe-geo.net/wp-content/uploads/epidemies-mondialisation.pdf

    N’oublions pas que c’est une #analyse_géographique (par la #cartographie) qui a permis, en 1854, à #John_Snow, médecin britannique, d’identifier la source de l’épidémie de #Choléra à #Londres.
    https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pid%C3%A9mie_de_chol%C3%A9ra_de_Broad_Street

    Cette approche géographique est évidemment majeure dans la discipline « #épidémiologie »
    https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89pid%C3%A9miologie

    Cependant, un article de 2016 met en garde sur « l’épidémie cartographique », à propos du #traitement_cartographique de la crise du virus #Ebola :
    http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-thematiques/geographie-de-la-sante-espaces-et-societes/geographie-appliquee/tous-cartographes-ebola

    Le site d’ESRI propose des cartographies interactives sur la France, mais aussi sur de nombreux pays :
    https://www.esrifrance.fr/coronavirus-ressources.aspx

    –-> compilation de liens par Philippe Schönheich, reçue par mail, le 06.04.2020

    #géographie #pandémie #épidémie #coronavirus #covid-19 #ressources_pédagogiques #flattening_the_curve

    ping @simplicissimus @fil @reka

    • Géopolitique du Covid-19

      La #propagation du virus, qui ne cesse de s’étendre, suit une logique de diffusion très claire : celle de la #mondialisation, et plus exactement de la #mondialisation_urbaine. De Wuhan à Milan en passant par New York et Lagos, un tour du monde du Covid-19 révèle que la pandémie est non seulement une métaphore mais une enfant de la mondialisation. Elle ne fait que mettre ses pas dans ceux des hommes et ne fait que calquer son rythme, sa vitesse de propagation et sa #géographie sur ceux de l’humanité mondialisée.

      Ce qui frappe, dans le flot de reportages, de tentatives d’explication, d’articles parus jusqu’ici sur le coronavirus, c’est la focalisation sur l’aspect pandémique (nombre de morts, de personnes infectées, extension de la maladie, etc.) ou politique de la crise (mauvaise gestion de la pandémie par les gouvernants italien ou américain, quarantaine stricte comme en Chine ou souple comme en Allemagne, etc.) ainsi que sur « l’après ». En revanche, étrangement, peu de monde semble s’intéresser à la géographie de la pandémie : où est-elle née ? Comment s’est-elle diffusée ? Quels en sont les principaux foyers ? Pourquoi tels pays sont-ils plus touchés que d’autres ? En clair, qu’est-ce que la pandémie nous dit de notre monde ?
      Hormis la compassion qu’on éprouve nécessairement devant les drames qui se nouent sous nos yeux en Italie, en Espagne et ailleurs, il est nécessaire de garder la tête claire et de décoder la trajectoire géographique du Covid-19. Car même si l’on a aujourd’hui l’impression que le virus s’abat partout, qu’il frappe au hasard aussi bien en Inde qu’en Afrique ou en Iran, en fait, il suit une logique de diffusion très claire : celle de la mondialisation, et plus exactement de la mondialisation urbaine.
      Dès l’origine, la mondialisation explique vraisemblablement la naissance du virus dans la province du Hubei en Chine à la fin de l’année 2019. Même si elle demande à être confirmée par les scientifiques, l’hypothèse la plus plausible repose sur l’idée que la chauve-souris aurait transmis le coronavirus au pangolin, et que ce dernier l’aurait à son tour transmis à l’homme. Or, le pangolin est l’un des animaux les plus braconnés au monde. Il existe notamment un trafic illégal très important qui part de l’Afrique (Cameroun, RDC, Centrafrique, Guinée, Gabon, Congo, Nigeria) ainsi que de l’Asie du Sud-Est (Birmanie notamment) et qui a pour destination essentiellement la Chine, où l’animal arrive vivant.
      Mais avant de devenir le symbole de la pandémie, le petit mammifère à écailles figurait depuis longtemps comme l’un des symboles du trafic animal international et d’une forme de mondialisation illégale sur laquelle tout le monde ou presque fermait les yeux. Comme les deux pandémies précédentes au début des années 2000 (virus H5N1 et Sras), le coronavirus est donc parti des régions rurales chinoises, où la tradition d’élevages intensifs d’animaux, y compris des animaux sauvages, en dehors de tout respect des conditions élémentaires d’hygiène et sanitaires, perdure, sans que les autorités y aient mis fin. Cette pratique crée un danger pour l’homme quand un virus animal se transmet à l’homme. C’est ce qui s’est passé dans le Hubei dès la fin de l’année 2019.
      Malheureusement, l’État chinois a d’abord nié le problème pendant trois semaines, laissant se dérouler les fêtes du Nouvel An chinois qui ont permis au coronavirus de se propager partout, notamment dans la capitale régionale, Wuhan, qui va devenir l’épicentre de la crise et qui va vivre sous quarantaine totale pendant onze semaines. Succès – très médiatisé – de l’opération à Wuhan et en Chine… Mais le virus, lui, s’était déjà diffusé ailleurs. Malgré ce que nous font croire les autorités chinoises avec des chiffres qu’on ne pourra jamais vérifier, il est clair que le coronavirus n’a pas été contenu à la seule province du Hubei. Il s’est très probablement diffusé aux provinces voisines, le Hunan, le Chongqing, le Henan, et aux métropoles, Shanghai et Pékin.
      Ensuite, vu les liens commerciaux et humains que la Chine continentale entretient avec Taïwan, Singapour, Hong Kong et la Corée du Sud, il n’est pas étonnant de constater que ces pays sont les premiers touchés par la vague pandémique hors de Chine, au tout début de l’année 2020. Dans un deuxième temps, le virus s’étend à la fois en direction de l’ouest, vers l’Inde, le Pakistan et l’Iran, ainsi que vers le sud suivant en cela les nouvelles routes de la mondialisation : Viet Nam, Thaïlande, Cambodge sont touchés à leur tour. Les flux migratoires sont intenses dans cette partie de l’Asie du Sud-Est transformée en gigantesque « atelier du monde » notamment dans l’industrie textile. Les donneurs d’ordre sont américains, libanais, français, italiens, allemands… À cette époque-là, l’Europe pense encore que l’épidémie sera contenue en Chine et en Asie du Sud-Est. Elle ne réagit pas aux alertes lancées par l’Office Mondial de la Santé (OMS). Fatale erreur.
      Le premier foyer (et non pas cas) avéré du coronavirus détecté sur le sol européen le 21 février 2020 se trouve en Italie du Nord, en Lombardie, plus précisément dans la région de Bergame, non loin de Milan. La Lombardie, avec ses 10 millions d’habitants, est de loin la région la plus prospère et la plus performante d’Italie : elle réalise à elle seule 22% du PIB du pays. C’est aussi, avec la Vénétie voisine, la région la plus urbanisée de la péninsule avec son maillage complexe et interdépendant de grandes villes, de villes moyennes, de petites villes et de villages qui a permis la diffusion très rapide du virus, comme Michel Lussault le montre remarquablement dans son article paru dans AOC le 14 avril.
      Grâce notamment à son industrie textile et son industrie de la mode mondialement réputée, la Lombardie est connectée à la planète entière. Les fabricants de vêtements, de chaussures ou d’accessoires disposent de succursales, d’usines et de filiales partout, surtout en Asie du Sud-Est. Est-ce par ces relations commerciales que le virus, via quelques individus infectés, s’est transporté de la Chine intérieure à l’Italie du Nord ? On ne le sait pas mais c’est probable.
      Toujours est-il que depuis l’épicentre de la Lombardie, le virus a d’abord ravagé Bergame, Brescia et Milan, capitale économique de l’Italie, avant de remonter vers le Nord et de gagner le Tyrol, l’Autriche et la Bavière (le Land le plus touché d’Allemagne actuellement), puis de descendre vers le Sud de la Péninsule, vers Rome, Naples et Bari, heureusement sous une forme moins létale. Ce qui est sûr, c’est que le virus prospère dans les grandes villes. Rien de plus normal puisque celles-ci constituent des concentrés de population dont de nombreux groupes socio-professionnels extrêmement mobiles (hommes d’affaires, commerciaux, artistes, étudiants en échange universitaire, touristes, sportifs professionnels, travailleurs migrants et saisonniers…). L’équation virus / métropole / mondialisation va se vérifier de manière limpide en Espagne.
      Fruits d’une certaine forme de mondialisation religieuse, les pèlerinages constituent aussi des foyers potentiels de pandémie et diffusent le virus très rapidement dans le monde.
      La façon dont le virus a pénétré en Espagne fin janvier puis début février 2020 est un résumé de la mondialisation. Le 31 janvier 2020, un touriste allemand est testé positif sur l’île de la Gomera dans les Canaries. Le virus est alors présent sur le sol espagnol et il va se propager à tout le pays à la suite d’un deuxième événement : le 19 février, alors que l’épidémie commence à sévir en Italie, 2 500 supporters du club de football de Valence effectuent le voyage en Italie pour supporter leur équipe en 1/8 de finale aller de Ligue des Champions contre l’Atalanta de… Bergame. Le match a lieu au stade San Siro de Milan. Bergame et Milan sont les haut lieux de la pandémie, et vu la promiscuité existant dans les stades de foot et dans les bars pour la « troisième mi-temps » d’après-match, il est évident que nombre de supporters espagnols ont été infectés à cette occasion[1].
      Peu de temps après, Valence et surtout Madrid deviennent les principaux foyers du virus en Espagne, ainsi que Barcelone en Catalogne. Madrid (capitale et première ville du pays), Barcelone (capitale économique et deuxième ville du pays), Valence (grande ville touristique, premier port à conteneurs de Méditerranée, premier port de marchandises d’Espagne, troisième ville du pays) : de nouveau, le coronavirus frappe le pays au cœur, là où le double mouvement de métropolisation et de mondialisation a été le plus efficace pour assurer aux métropoles productives et attractives ainsi qu’à leur hinterland prospérité et rayonnement.
      La France, quant à elle, est touchée à peu près au même moment que l’Espagne. Le confinement est déclaré le 13 mars. Le premier foyer de coronavirus déclaré n’a, à première vue, pas grand-chose à voir avec le processus de mondialisation. Il s’agit de la région Grand-Est, avec comme épicentre la ville de Mulhouse, quasiment frontalière avec l’Allemagne et la Suisse. Or, comme on le sait maintenant, Mulhouse avait accueilli fin février un très grand rassemblement évangélique avec des fidèles venant du monde entier, y compris d’Italie et d’Asie. Au cours de ce rassemblement, des centaines de personnes ont été contaminées à leur insu et ont ensuite regagné leur foyer non seulement en Alsace mais aussi partout en France, jusqu’en Guyane. À Mulhouse, la situation fut très vite dramatique, les hôpitaux furent débordés et on n’y pratique plus qu’une « médecine de catastrophe » ou une « médecine de guerre », aux dires des soignants.
      Ce triste épisode nous rappelle que les rassemblements religieux ou œcuméniques et les pèlerinages (La Mecque, Jérusalem, Lourdes, Saint-Jacques de Compostelle…) mettent en contact des fidèles ou des pèlerins qui viennent de régions très éloignées les unes des autres. Fruits d’une certaine forme de mondialisation qu’on peut qualifier de mondialisation religieuse, ils constituent donc des foyers potentiels de pandémie et ils diffusent le virus très rapidement dans le monde.
      L’autre grand foyer français est plus « attendu » : il s’agit de Paris et de l’Île-de-France. Cette région concentre 19% de la population française sur seulement 2,2% du territoire national, et elle présente ainsi des densités de population extrêmement élevées : plus de 1 000 habitants par km² dans la région et jusqu’à 21 000 habitants par km² pour la ville de Paris. En outre, elle concentre un quart de l’emploi national et 31% de la richesse. Très attractive, ville globale, Paris attire des salariés de toute la France, de toute l’Europe et du monde entier. Paris et l’Île-de-France étaient donc, d’une certaine manière, prédestinées à être sévèrement touchées par la pandémie de Covid-19. C’est exactement le même schéma qui s’est produit deux semaines plus tard à New York aux États-Unis.
      Les États-Unis, probablement touchés par la pandémie juste après l’Europe, ont perdu des semaines très précieuses en minimisant, par la voix de leur président, l’impact du virus sur le sol américain. Mi-février, le président Trump annonçait qu’il avait bon espoir que la pandémie soit terminée en avril. On sait maintenant que le mois d’avril restera comme le plus meurtrier dans l’histoire du Covid-19 aux États-Unis. Il faudra attendre le dimanche 1e mars pour que soit officiellement annoncé le premier malade atteint de coronavirus à New York, une auxiliaire médicale revenue d’Iran (belle ironie de l’histoire quand on sait que l’Iran est l’ennemi juré des États-Unis). Cela dit, le virus était déjà présent aux États-Unis avant le 1e mars, des centaines d’Américains revenus d’Asie ou d’Europe étant infectés sans le savoir.
      Depuis la fin du mois de mars, New York est l’épicentre de la pandémie aux États-Unis, avec une situation sanitaire tout aussi dramatique que dans les pires foyers de crise européens mais démultipliée par les caractéristiques de la ville : ville ouverte et global city par excellence, concentrant 20 millions d’habitants (ville et État) dont beaucoup d’étrangers, hub mondial (JFK), New York est la capitale de l’économie-monde et la bourse de Wall Street en est le cœur. D’un point de vue géographique, New York est une ville à la fois très dense dans l’hypercentre (sur l’île de Manhattan notamment) et assez étalée vers ses périphéries. Enfin, elle est située au cœur de la mégalopolis nord-américaine « BosWash » et ses 60 millions d’habitants. Il ne faut donc pas s’étonner si, à part New York, les grandes villes de la mégalopole, Boston, Philadelphie, Washington, Baltimore, sont touchées à leur tour.
      Entre-temps, les autres grandes régions économiques des États-Unis, la Floride et Miami, la Californie et Los Angeles, l’État de Washington, sont également touchés. Dans cet État, Seattle, la capitale, n’échappe pas à la pandémie, au contraire. Le comté de King, qui englobe la ville de Seattle, constitue le principal foyer de Covid-19 aux États-Unis avec New York. C’est à Seattle que le premier cas avéré de coronavirus a été détecté sur le sol américain, le 21 janvier 2020. Le patient était un homme de 35 ans rentré de Wuhan quelques jours auparavant. Pensant avoir dans un premier temps circonscrit le virus, les autorités ont dû acheter en catastrophe des « motels de la quarantaine » pour y placer des personnes fragiles et des sans domicile fixe, au grand dam de la population locale.
      Ironie ou plutôt leçon de l’histoire, Seattle fait figure de ville très dynamique, hyper-connectée et à l’avant-garde de la modernité. Elle concentre les sièges sociaux de trois des firmes transnationales les plus puissantes du monde, Boeing, Microsoft et Amazon. À ce titre, et de par sa situation sur la côte Pacifique des États-Unis, elle attire des salariés du monde entier à commencer par l’Asie (Chine, Corée du Sud, Japon, Taïwan…) avec laquelle elle entretient des liens étroits. Enfin, sa proximité géographique, linguistique et culturelle avec la métropole de Vancouver au Canada en fait l’une des régions économiques les plus attractives du pays — mais aussi l’une des zones de contamination potentielle les plus virulentes.
      La carte du degré d’intensité de la pandémie sur le continent africain est un décalque de la carte de la mondialisation.
      À l’autre bout du continent, le premier cas de contamination au Covid-19 en Amérique du Sud est signalé le 26 février 2020 au Brésil. La personne en question avait voyagé en Italie. À partir de là, le virus va se propager sans heurts pendant tout le mois de mars, notamment dans la capitale économique et première métropole du sous-continent, Sao Paulo. C’est cette ville qui concentre la majorité des cas de Covid-19 même si, entre-temps, l’épidémie s’est propagée aux autres grandes villes du pays, Rio et Belo Horizonte. Les autres métropoles d’Amérique latine, Buenos Aires, Bogota, Caracas, sont aussi les plus touchées et font office de porte d’entrée du virus sur le sous-continent, virus qui ensuite se répand aux villes moyennes et aux régions de l’intérieur.
      Du fait des deux tendances fortes à la métropolisation et à la littoralisation de l’économie latino-américaine, ce sont les métropoles côtières qui sont de loin les plus touchées par le virus. Par leurs ports de commerce, leur aéroport international et leurs firmes transnationales, ces métropoles reçoivent et émettent des flux incessants d’hommes et de marchandises. Ce sont donc des proies de choix pour le virus. Certaines sont d’ores et déjà dans des situations critiques puisqu’à la crise sanitaire s’ajoute la pénurie alimentaire.
      Ainsi, Guayaquil, deuxième ville d’Équateur avec 3,6 millions d’habitants, qui s’enorgueillit sur Wikipedia d’être « un port très actif », « l’aéroport international le plus moderne du Sud » et « la gare de bus la plus moderne d’Amérique latine », paye un prix très élevé à son ouverture internationale. La « perle du Pacifique » est aujourd’hui, avec ses rues jonchées de cadavres, la ville-martyr du Covid-19 en Amérique du Sud. Officiellement, le Covid-19 aurait fait 120 victimes en Équateur à la date du 2 avril 2020. Mais comme le montrent les photos et les reportages inquiétants sur Guayaquil, ces chiffres sont très largement sous-estimés. L’Équateur est aujourd’hui le deuxième pays le plus touché du sous-continent après le Brésil.
      Longtemps, comme en Europe et en Amérique d’ailleurs, les Africains se sont cru épargnés par la pandémie. Et c’est vrai que lorsque l’on observe la carte mondiale de la pandémie, le continent africain apparaît encore en « blanc », avec moins de 10 000 infections et 414 décès à la date du 3 avril. Mais le blanc pourrait vite virer au gris et même au noir tant les pays africains sont démunis par rapport à la pandémie. La carte du degré d’intensité de la pandémie sur le continent africain s’avère être un décalque de la carte de la mondialisation sur ce même continent. En effet, ce sont les pays les plus développés et les plus ouverts aux flux internationaux, au Nord (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte) comme au Sud (Afrique du Sud), qui sont les plus touchés.
      Une étude scientifique récente, publiée sur le site medrxiv.org, tente de dresser la liste des pays africains les plus affectés par le coronavirus. Elle est intéressante car elle croise de nombreux critères qui a priori n’ont pas grand-chose à voir entre eux, comme le nombre de liaisons aériennes quotidiennes de chaque pays avec la Chine. Trois pays ressortent nettement : l’Égypte, l’Algérie et l’Afrique du Sud. Ce sont justement les pays africains qui ont été les premiers touchés. Cette donnée nous rappelle que depuis une dizaine d’années, la Chine a investi en Afrique comme aucun autre pays au monde, qu’elle s’est implantée commercialement presque partout, au point que la « Chinafrique » aurait remplacé la « Françafrique ».
      En dehors des pays déjà cités, Lagos (Nigeria), Nairobi (Kenya) et Addis-Abeba (Éthiopie) entretiennent aussi des relations commerciales et aériennes intenses avec des villes chinoises. Ces grandes métropoles africaines sont aujourd’hui à leur tour touchées par le virus. Toute la question est désormais de savoir dans quelle mesure la pandémie va se répandre à l’ensemble du continent africain, ou si elle restera peu ou prou cantonnée aux grandes villes.
      Que retenir de ce tour du monde du Covid-19 brossé à très grands traits ? Contrairement à l’économiste Daniel Cohen qui affirme que « le Covid-19 agit comme une métaphore de la démondialisation » (Libération, 19 mars 2020), les faits, plus valides que les prédictions, disent précisément le contraire. Le Covid-19 est non seulement une métaphore mais un enfant de la mondialisation. C’est un « opérateur spatial redoutable » (M. Lussault). Comme toutes les pandémies, il lui faut, pour se développer et se propager, des porteurs de virus mobiles. Or, dans le monde globalisé qui est le nôtre, tout s’accélère depuis une trentaine d’années. Les hommes, les marchandises et les capitaux bougent de plus en plus vite et en tout point du globe.
      L’avènement de l’internet, de la téléphonie mobile puis des réseaux sociaux ont achevé de faire de nous des êtres connectés. Cette connection n’est pas que virtuelle, elle est aussi bien réelle. Elle prend la forme de grands événements sportifs, de grands rassemblements religieux, de voyages d’affaires, de congrès, meetings et colloques internationaux, de migrations de travail ou encore de voyages touristiques. Chacun de ces flux connaît depuis trente ans une très nette augmentation. Or, « flux » est le maître-mot de la mondialisation.
      La pandémie pourrait laisser la place à une menace bien plus dangereuse : la pénurie alimentaire qui, couplée au réchauffement climatique, pourrait engendrer une crise migratoire sans précédent et une déstabilisation politique.
      Les grands gagnants de la mondialisation depuis trente ans sont les points du globe qui réussissent à la fois à capter une partie des flux mondiaux à leur profit et à émettre ou rediriger d’autres flux vers d’autres régions du monde. Les pôles urbains de rang mondial (ville globale, mégalopole, mégapole, métropole mondiale) et leur déclinaison logistique (hub aéroportuaire, complexe industrialo-portuaire, gare centrale) profitent pleinement du double processus de métropolisation et de globalisation en cours depuis une trentaine d’années. De même, la littoralisation des activités confère aux métropoles côtières une prééminence accrue par rapport aux régions intérieures. Ainsi, les plus grandes villes du monde ainsi que les métropoles littorales, dont les habitants se montrent très mobiles et hyper-connectés, sont assurément les grandes gagnantes de la mondialisation.
      Et ce sont assurément les grandes perdantes du Covid-19. À ceux qui, en ces temps de grande confusion et de panique, seraient tentés d’y voir une punition divine ou l’ultime avertissement de la nature adressé à l’humanité avant « le grand effondrement », la géopolitique oppose un cinglant démenti. Non, il n’y a rien d’irrationnel ni de punitif dans l’apparition du coronavirus en 2019 et dans sa propagation aux grandes métropoles de la planète en 2020. Même s’il est particulièrement virulent, le Covid-19 ne fait que mettre ses pas dans ceux des hommes et il ne fait que calquer son rythme, sa vitesse de propagation et sa géographie sur ceux de l’humanité mondialisée.
      Il commence par frapper la mondialisation en ses cœurs, qui sont aussi les pôles majeurs de l’économie mondiale, puis de là, il s’étend à ses poumons c’est-à-dire aux villes et aux régions de l’intérieur et aux zones rurales. Il touche actuellement ses franges, les favelas de Rio et de Sao Paulo, les townships de Johannesburg et de Durban, les bidonvilles de Mumbai et de Calcutta comme les quartiers-ghettos des banlieues pauvres de Seine-Saint-Denis – autrement dit l’envers du monde moderne et ouvert – car ces espaces qu’on nous présente à tort comme fermés et impénétrables sont aussi, à leur façon (informelle), des acteurs de la mondialisation. Ainsi, au bout du compte, seules des régions situées à l’extrême limite de l’écoumène, comme le Nunavut au Nord du Canada, échapperont au virus mondial, et encore.
      Cependant, au sein d’une même population, d’un même pays, d’une même ville, la pandémie ne touche pas tout le monde avec la même intensité. La corrélation entre la structure par âge de la population et le taux de létalité du Covid-19 recoupe en bonne partie la géographie jusqu’ici établie : c’est dans les zones urbanisées des pays développés, où la proportion de personnes âgées de plus de 70 ans est plus importante que la moyenne, que le Covid-19 frappe le plus.
      En clair, les pays de la Triade (États-Unis, Europe de l’Ouest, Japon), ceux où la population est vieillissante et où l’espérance de vie est la plus élevée du monde, sont proportionnellement plus touchés que d’autres pays nettement moins développés mais à la population beaucoup plus jeune comme ceux d’Afrique sub-saharienne. Ce à quoi il faut tout de suite objecter que la promiscuité, les systèmes de santé fragiles de ces pays et leur manque de moyens les expose malgré tout à un risque de contamination.
      Par conséquent, nous ne sommes pas tous égaux devant la lutte contre le virus ni face à ses conséquences pour « l’après ». Dans la gestion de crise elle-même, force est de constater que les rares pays qui ont anticipé, ne serait-ce que de quelques jours, l’arrivée sur leur sol de la pandémie enregistrent aujourd’hui un nombre de personnes infectées et surtout de décès nettement moindre que les autres. Que ce soit en fermant leurs frontières précocement (République tchèque, Slovaquie, Hongrie), en dépistant systématiquement la population (Corée du Sud, Taiwan) ou en plaçant les zones touchées en quarantaine stricte (Chine), les pays ayant pris la menace au sérieux et arrêté tout de suite des mesures exceptionnelles ont réussi à contenir la pandémie.
      En revanche, tous ceux et ils sont nombreux, de l’Inde aux États-Unis, du Royaume-Uni au Brésil, de la Russie à la Turquie, dont les gouvernements n’ont pas pris à temps les mesures qui s’imposaient alors qu’ils savaient que la pandémie allait les frapper à leur tour, ceux-là payent la négligence coupable de leurs dirigeants au prix fort[2].
      Pour ce qui est de l’après-pandémie, même si la ville de New York, la Lombardie, la Catalogne, la région madrilène, londonienne ou parisienne ont payé, paient ou paieront un lourd tribut humain à la pandémie, elles s’en remettront et leurs économies aussi, car elles en ont les moyens financiers. De ce point de vue, je crois davantage à une re-mondialisation rapide des échanges et à une re-connection des flux après la crise qu’à une démondialisation. Par contre, les pays pauvres d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie risquent fort d’être durablement affectés par le Covid-19, et de plusieurs manières.
      Vu la faiblesse du système médical et l’impossibilité pour la plupart des États de faire strictement appliquer des mesures de confinement à une population qui a besoin de travailler pour survivre, le virus se propagera et continuera à faire des malades et des victimes, même en nombre relativement faible. Mais si l’on en croit le dernier rapport de l’ONG Oxfam, la pandémie pourrait laisser la place à une menace bien plus dangereuse : la pénurie alimentaire, qui, couplée au réchauffement climatique, pourrait engendrer une crise migratoire sans précédent et une déstabilisation politique. Ces États seront alors dans un tel dénuement qu’ils seront dépendants de l’aide humanitaire et économique des pays riches.
      D’un point de vue géopolitique, le Covid-19 agit ainsi comme un puissant révélateur (au sens photographique du terme) des failles de ce que le géographe Olivier Dollfus appelait le système-monde, qui sont les failles du capitalisme mondialisé. Comme une sorte de face sombre de la mondialisation, le virus risque fort d’accroître les inégalités déjà béantes entre pays riches et pays pauvres, entre métropoles sur-développées et métropoles sous-développées, entre monde fluide et connecté au « Nord » et monde pauvre et englué dans ses insolubles problèmes intérieurs au « Sud ». Telle est l’amère leçon géopolitique du Covid-19 : les villes globales et les pays développés ont été les premiers touchés par la pandémie, mais à long terme, les grands perdants seront les pays pauvres et émergents. Les cadavres jonchés à même le sol de Guayaquil sont là pour nous le rappeler douloureusement.

      [1] Dans le domaine des matchs de football de Ligue des Champions où l’appât du gain et des recettes des droits télévisés l’emportent sur le principe de précaution élémentaire, la France n’a aucune leçon à donner. Le 26 février 2020, soit une semaine après le match de Valence contre l’Atalanta de Bergame, l’Olympique lyonnais recevait lors d’une « soirée de gala » le club italien de la Juventus de Turin dans un stade plein à craquer au sein duquel 3 000 supporters italiens avaient trouvé place, malgré la peur et les polémiques. Le football, sport-roi en Europe, est aussi un acteur de la mondialisation et un potentiel vecteur de virus.
      [2] Sur ce point, il faut noter que les dirigeants des six pays en question sont tous des hommes notoirement égocentriques, ambitieux et imprévisibles, qui ont d’autant moins voulu prendre au sérieux la pandémie à ses débuts qu’ils sont habités par un sentiment d’invincibilité. En se moquant de l’épidémie, en niant l’évidence puis en tergiversant alors que la raison commandait d’agir, ils ont exposé leur population à une vague épidémique sans précédent et portent une lourde responsabilité dans le chaos qui s’est ensuivi. Vu leur profil psychologique, il est très peu probable qu’ils fassent amende honorable après la crise et qu’ils se jugent eux-mêmes. L’histoire, elle, les jugera-t-elle ?

      https://aoc.media/analyse/2020/05/06/geopolitique-du-covid-19

      #Boris_Grésillon

    • La mondialisation du confinement. Une faille dans la #planétarisation de l’#urbain ?

      Si le virus du Covid-19 s’est propagé aussi rapidement, c’est aussi parce que l’urbanisation est désormais planétaire et qu’aujourd’hui les grandes villes sont connectées les unes aux autres, insérées dans des flux internationaux de biens et de personnes.

      À l’heure où nous écrivons, les confinements décidés pour juguler la propagation du Covid-19 concernent quatre milliards d’êtres humains. La simultanéité de ces décisions politiques est exceptionnelle. Le résultat sera une récession d’une ampleur inédite depuis les années 1930. Sur tous les continents, les gouvernements ont ainsi brutalement entravé la fluidité des échanges marchands, mis à mal la machine économique et déstabilisé les sociétés. Ils ont également sévèrement restreint les libertés publiques.

      Limiter le confinement aux seuls foyers, comme lors des grandes pandémies précédentes (de la Grande Peste, où furent instaurés des cordons sanitaires autour des zones infectées jusqu’aux récentes épidémies d’Ebola, de MERS ou de SRAS), aurait évidemment permis de limiter considérablement l’impact économique et social de la pandémie. Et c’est bien ce qui a été tenté au départ : la Chine, d’où a surgi la pandémie, a circonscrit le périmètre du confinement au foyer de Wuhan, puis à la région dans laquelle s’insère la mégalopole industrielle, le Hubei. Elle est ainsi parvenue à juguler, pour l’instant, la propagation du virus sur son territoire.
      L’Italie, premier pays européen concerné par l’épidémie, a initialement tenté de suivre cette voie en restreignant la mise en quarantaine aux seuls foyers. Mais le pays a dû se résoudre à étendre rapidement le cordon sanitaire pour finalement confiner l’ensemble du territoire national. Rares sont les pays qui ont ensuite tenté la stratégie de quarantaine locale ou même régionale. Pourquoi de telles mesures de confinement, aussi peu discriminantes spatialement, et donc aussi coûteuses économiquement et socialement, sont-elles partout apparues comme la seule solution ?

      Les caractéristiques propres du virus jouent évidemment un rôle. Certes, le sacrifice de l’économie et de la vie sociale à la santé ne découle pas directement du taux de mortalité du virus : estimé entre 0,4 % et 1,3 %, celui-ci est nettement plus faible que les épidémies récentes, et notamment celles du SRAS (11 %) et du MERS (34 %). En outre, le Covid-19 n’est pas particulièrement contagieux, avec un taux de reproduction (ou R zéro) proche de celui du SRAS, maladie dont on a pourtant su maîtriser la diffusion. Mais il possède des caractéristiques spécifiques, qui rendent sa diffusion particulièrement difficile à contrôler. Il se transmet plutôt rapidement et est difficile à repérer en raison des nombreuses personnes qui, sans présenter de symptômes marqués, n’en sont pas moins contagieuses.

      Cette disposition du virus à trouver des hôtes à partir desquels se répandre sans se faire remarquer a joué un rôle essentiel. Cela lui a permis de tirer parti d’une évolution restée relativement silencieuse et mal comprise : l’urbanisation planétaire. Le virus a donc pu se jouer des mesures habituelles de cordons sanitaires et de mise en quarantaine des foyers d’infection. Ce faisant, le règne de l’économie comme enjeu surplombant les politiques publiques est venu se heurter à une nouvelle réalité géographique... que l’économie a elle-même largement construit.
      L’urbain déborde la ville

      Comment définir l’urbain ? On l’oppose classiquement au rural. Mais quels sont les critères de distinction ? Un groupement dense de quelques milliers d’habitants était désigné comme une ville au Moyen-Age, alors qu’aujourd’hui il évoque davantage la campagne. À l’inverse, un village périurbain de quelques centaines d’habitants situé à proximité d’une métropole peut paraître aujourd’hui plus urbain que de nombreuses villes : ses habitants peuvent en effet accéder rapidement à des ressources bien plus fournies que celles offertes à l’habitant d’une ville moyenne située dans un territoire périphérique (une préfecture d’un département du centre de la France par exemple). Bref, ce que l’on appelle l’urbain doit désormais être dissocié des critères morphologiques à partir duquel on persiste à le qualifier, à savoir la densité et la diversité des activités et des fonctions.

      Mais qu’est-ce que l’urbain dans ce cas ? Dans le monde rural traditionnel, on observe la juxtaposition de groupements relativement autonomes. Les villages ont des relations entre eux, mais ils peuvent survivre (presque) indépendamment. À l’inverse, dans le monde urbain, chacun apporte une contribution au fonctionnement d’un ensemble. Dans ce cadre, chacun dépend des contributions des autres pour sa survie. La grande ville, avec ses différents quartiers, est l’incarnation traditionnelle de l’urbain. Aujourd’hui, elle s’est ramifiée spatialement. La ville que l’on dit « globale » est profondément insérée dans des flux internationaux de biens, de personnes, de matières et de capitaux : par exemple le siège social de telle firme sera à Paris, mais ses usines et son service clientèle ne seront plus dans la banlieue parisienne, mais à Wuhan et Rabat.

      Les grandes villes sont aussi liées aux lieux de villégiature, comme on a pu le voir avec la migration de leurs habitants au moment du confinement. Ces espaces sont souvent considérés comme relevant des campagnes. Mais celles-ci sont pourtant bien urbaines. Un village de bord de mer ou une station de ski sont tout autant urbains qu’une grande ville, en ce qu’ils fonctionnent avant tout en relation avec d’autres lieux relativement éloignés : ceux où vivent les propriétaires de résidence secondaire, et plus largement les vacanciers. Ces lieux dédiés aux loisirs possèdent par ailleurs une qualité essentielle de l’urbanité : le brassage des populations, entre les saisonniers, les habitants permanents, et les visiteurs qui, dans certains cas, peuvent venir du monde entier.

      À une échelle plus restreinte, celle des espaces qui peuvent être parcourus quotidiennement pour aller travailler, les grandes métropoles dépendent directement d’espaces situés bien au-delà du périmètre qu’on leur attribue. Ce sont notamment les espaces ruraux qui accueillent les couches populaires et classes moyennes inférieures qui jouent le rôle de soutiers des économies métropolitaines, comme on l’a vu avec le mouvement des Gilets jaunes.

      Bref, l’urbain est aujourd’hui constitué de tout un ensemble de lieux dont les liens se déploient à de multiples échelles géographiques, du quartier, voire du logement, à la planète. Des espaces a priori éloignés des définitions courantes de la ville sont ainsi devenus urbains. C’est le cas, par exemple, des plateformes pétrolières, des mines ou encore des espaces agricoles. Tous sont en effet dépendants de marchés urbains, tant pour leur fonctionnement que pour leurs débouchés. Et les échelles d’interdépendance sont locales tout autant que planétaires : les habitants d’une ville française moyenne embauchent le plombier du quartier tout en consommant de la viande d’animaux nourris au soja latino-américain, en regardant la télévision sur des écrans coréens ou en utilisant du pétrole algérien. Autrement dit, le métabolisme d’un lieu le lie à la planète entière.

      Un débat récent, qui a rencontré peu d’échos en France, évoque précisément ces évolutions. Il a été déclenché par la réactualisation du concept d’ « urbanisation planétaire », sur la base d’anciennes propositions de Henri Lefebvre (sur l’extension de la société urbaine et du tissu urbain vers une « urbanisation complète »). Dans un ouvrage publié en 2014, Schmidt et Brenner plaident ainsi pour une refonte complète des catégories d’analyse usuelles, et en premier lieu la distinction entre ville et campagne. Très ambitieux théoriquement, l’ouvrage a suscité d’intenses débats, peinant à emporter l’adhésion, faute notamment de preuves empiriques convaincantes. Pourtant, depuis l’émergence du Covid-19 jusqu’à sa diffusion, et depuis la réponse publique à la crise sanitaire jusqu’à ses conséquences économiques et sociales, beaucoup d’événements récents peuvent être lus et mieux compris au prisme de l’urbanisation planétaire. Ce faisant, cette crise apporte un étayage empirique décisif à cette proposition théorique.

      Très schématiquement, l’urbanisation planétaire, dont le déploiement est intimement lié à la globalisation du capitalisme, s’exprime dans quatre processus étroitement interconnectés : la disparition des « mondes sauvages », l’interconnexion mondiale des territoires, le brouillage de la dichotomie entre ville et campagne, et enfin la planétarisation des inégalités urbaines.
      Un virus au cœur de l’urbanisation planétaire

      Les maladies humaines d’origine animale, dont les zoonoses, représentent 60 % des maladies infectieuses à l’échelle mondiale et trois quarts des nouveaux agents pathogènes détectés ces dernières décennies. Ces maladies viennent pour l’essentiel du « monde sauvage ». Elles peuvent certes émerger dans des élevages, mais dans ce cas le virus émerge généralement via des contaminations par des animaux sauvages. Les maladies de type zoonotique ne sont donc pas sans lien avec la fin du « monde sauvage » associée à l’urbanisation planétaire. Dans toutes les régions du globe, les espaces considérés comme sauvages sont transformés et dégradés par l’avancée de l’urbanisation sous toutes ses formes, qu’il s’agisse d’exploiter des gisements, de planter des hévéas ou de construire des villes nouvelles. Cette avancée bouleverse les écosystèmes et établit de nouveaux contacts entre la faune, la flore et les humains.
      Les géographes qui ont mené des recherches sur les pandémies récentes, notamment celle du SRAS, ont montré le rôle déterminant de l’avancée de l’urbanisation dans l’émergence des nouveaux agents infectieux. Ce n’est ainsi pas un hasard si les derniers virus les plus importants ont émergé dans des territoires (Chine, Afrique de l’Ouest, Moyen-Orient) où l’urbanisation avance de la manière la plus effrénée, démultipliant les contacts nouveaux entre les sociétés humaines et les mondes restés les plus sauvages.

      Cette avancée se traduit notamment par de nouvelles exploitations agricoles intensives. Ainsi, les risques d’émergence de virus ont été démultipliés par l’augmentation phénoménale de la consommation de viande à l’échelle de la planète, et plus particulièrement en Chine. Les élevages, destinés à alimenter les nouvelles classes moyennes des mégalopoles telles que Wuhan, s’étendent dans des espaces toujours plus vastes, conquis sur le monde sauvage. La déforestation en particulier perturbe l’habitat des chauves-souris, dont on connaît le rôle dans l’apparition de nouveaux virus transmissibles à l’homme. Elles sont supposées d’ailleurs être à l’origine de la pandémie actuelle, avec le pangolin comme possible hôte intermédiaire. Si cela était encore nécessaire, l’émergence du Covid-19 vient démontrer la perméabilité de la supposée frontière entre nature et culture, perméabilité que l’urbanisation planétaire vient constamment augmenter.

      Un deuxième aspect clé de la thèse de l’urbanisation planétaire est l’émergence de « galaxies urbaines » dont les différents éléments interagissent de manière presque simultanée avec l’ensemble du globe. Le virus est un révélateur de l’importance de cette échelle planétaire. Certes, la grippe espagnole et, avant elle, la peste noire ont été des pandémies mondiales, mais la situation actuelle se singularise par la rapidité de la diffusion du virus. Les enquêtes épidémiologiques menées en France soupçonnent l’apparition de premiers cas dès la fin 2019, alors même que le gouvernement chinois mettait encore en question la possibilité d’une transmission du virus entre humains. Cette rapidité met en lumière toute l’ampleur des flux humains. Au cours des trois premiers mois critiques, entre décembre 2019 et février 2020, 750 000 passagers sont entrés aux États-Unis en provenance de Chine. Couplée à la capacité du virus à se transmettre hors de tout symptômes, l’ampleur des flux humains explique qu’il se soit avéré impossible de contenir les foyers de l’épidémie.

      L’accélération de l’urbanisation planétaire a clairement été sous-estimée, ce qui a contribué à l’impréparation des gouvernements. Il y a huit siècles, la Grande Peste avait mis une quinzaine d’années pour parcourir la route de la Soie jusqu’à l’Europe. Les principales épidémies récentes se sont évidemment diffusées plus rapidement, mais nettement moins que le Covid-19. En 2003, quatre mois après l’apparition du SARS-COV, on comptait 1 600 cas de contaminations dans le monde, contre près de 900 000 pour le SARS-COV-2 au bout de la même période, soit 500 fois plus. C’est que la globalisation était encore bien loin d’être ce qu’elle est aujourd’hui : en 2018, on estimait le nombre de passagers transportés par avion à 4,2 milliards, presque trois fois plus qu’en 2003. Et l’aéroport de Wuhan, l’une des principales plateformes de correspondance de Chine, joue un rôle clé dans cette dynamique. Le virus s’est ainsi dispersé hors de Chine à une vitesse que peu de gens avaient vraiment anticipé.

      Personne n’ignore que beaucoup de biens sont importés de Chine, mais on imagine surtout des usines qui fabriquent à profusion, et à bas coût, des objets qui permettent aux classes populaires occidentales de continuer à faire partie de la société de consommation. On est pourtant loin du simple échange des biens à bas coût contre des biens à haute valeur ajoutée. Les flux sont beaucoup plus complexes et multiformes du fait des délocalisations et de la planétarisation des chaînes de fabrication. On trouve ainsi à Wuhan une centaine d’entreprises françaises, dont des fleurons nationaux, notamment Renault et PSA. Loin du bas-de-gamme associé à la Chine, leurs usines produisent des centaines de milliers de véhicules, en misant sur la globalisation du style de vie occidental. Ces relations économiques s’accompagnent d’intenses flux humains de cadres, de techniciens ou de commerciaux qui s’ajoutent aux personnes qui gèrent les flux logistiques.

      Avec le Covid-19, l’Europe a appris à ses dépens que la Chine fait intégralement partie de son monde, ou plutôt qu’elle n’est plus qu’un élément d’un vaste réseau dont les territoires chinois sont d’autres éléments clés, des immenses exploitations productrices de tomates destinées à l’exportation, aux usines suburbaines de métropoles plus grandes que Paris mais au nom inconnu du grand public, en passant par des centres d’affaires dont la verticalité donne une allure presque provinciale à la Défense.

      Troisième élément central de la thèse de l’urbanisation planétaire : la métropole n’est plus réductible à la ville dense et verticale. Certes, les haut-lieux du pouvoir économique, (notamment financier), s’incarnent dans des quartiers d’affaires hérissés de tours. Mais ce n’est là qu’une figure de la métropolisation, et même de la ville. Loin de se réduire à un centre historique et à un quartier d’affaires, la métropole contemporaine doit plutôt s’appréhender comme un entrelacs de réseaux qui mettent quotidiennement en relation des lieux de formes, de tailles et de fonctions très diverses. Brenner et Schmidt évoquent un processus continu d’« implosions/explosions », où des îlots de densité surnagent au milieu de traînées irrégulières d’urbanisation diffuse. Largement partagé en géographie urbaine, ce constat a été singulièrement confirmé par la localisation des foyers d’infection par le SARS-COV-2. Ces foyers révèlent en effet des interconnexions souvent insoupçonnées, ou en tout cas rarement mises en avant.

      Les discours sur la géographie de la mondialisation opposent souvent des cœurs métropolitains connectées à des territoires laissés de côté, ceux de la France périphérique. Or la diffusion du virus révèle une géographie de la globalisation bien plus complexe, dont la thèse de l’urbanisation planétaire rend bien compte. En France les premiers foyers ont été Méry-sur-Oise (une commune de 10 000 habitants, située aux confins de la banlieue parisienne), Les Contamines-Montjoie (une station de ski alpine), La Balme-de-Sillingy (un village du périurbain d’Annecy) et une église évangélique de Mulhouse. On est loin des cœurs des grandes métropoles françaises. En Italie, les premiers foyers ont également été des villages ou des petites villes (Codogno ou Vo’) plutôt que les quartiers centraux de Milan ou de Venise.

      Avec ces premiers foyers européens, le virus a révélé le rôle des périphéries métropolitaines dans la mondialisation des chaînes de valeur industrielles. C’est que les flux ne concernent pas seulement les quartiers d’affaires des grandes villes : ils se tissent avant tout entre des lieux de production. L’intensité des liens entre les usines textiles du Val Seriana et la Chine explique pourquoi ce territoire périurbain situé au nord-est de Bergame est devenu l’un des premiers foyers italiens. Et en Allemagne, l’infection a été repérée pour la première fois à Starnberg, commune de 20 000 habitants située à une vingtaine de kilomètres de Munich, mais connectée au reste du monde par son usine d’équipements automobiles. Bien sûr, les centres des grandes villes sont devenus aujourd’hui les principaux épicentres de l’épidémie (ce dont New-York est devenu l’exemple le plus éloquent), au point que certains mettent en cause ce qui jusqu’ici apparaissait comme un atout économique : la densité et l’intensité des échanges qu’elles permettent. Il n’en reste pas moins que les premiers foyers européens n’ont pas été identifiés dans les cœurs métropolitains.

      Résumons l’essentiel : face au brouillage des périmètres urbains, face à l’étendue des réseaux formés par les noyaux d’urbanisation et face à l’intensité des flux qui parcourent ces réseaux, il s’est rapidement révélé impossible d’isoler des foyers. Les seuls cordons sanitaires qu’il a été possible de mettre en place sont les bonnes vieilles frontières nationales. Et encore ces frontières restent-elles souvent assez perméables, faute de pouvoir rompre les chaînes logistiques internationales, ou de pouvoir se passer des travailleurs frontaliers.
      La planétarisation des inégalités urbaines

      Un quatrième élément, central, caractérise enfin l’urbanisation planétaire : la reconfiguration de la dimension spatiale des inégalités. L’urbanisation des inégalités ne date bien sûr pas d’hier. Permise par la révolution néolithique, l’apparition des premières villes repose sur l’extraction d’un surplus agricole au détriment de l’autosuffisance paysanne, afin de nourrir une classe libérée des contraintes de la production alimentaire. Plus près de nous, la ville médiévale, dont les limites sont encore relativement nettes, s’organise autour d’un lieu central, lui-même clairement identifié et matérialisé : un marché. D’après Max Weber, celui-ci permet l’émergence d’une classe sociale, la bourgeoisie, laquelle s’engage en retour dans un processus d’accumulation. En repoussant les barrières féodales ou religieuses, et en intégrant un arrière-pays de plus en plus éloigné dans l’économie urbaine, cette accumulation jette les bases du capitalisme. Et de fait, l’un des chapitres de l’ouvrage de Schmidt et Brenner montre comment la restructuration complète des campagnes anglaises constitue in fine un processus d’extension de la ville et du pouvoir de sa bourgeoisie qui allait progressivement jeter les bases de la révolution industrielle. Les enclosures ont en effet appuyé la transformation de millions de paysans sans terre en une main-d’œuvre bon marché, en les poussant vers les faubourgs de Londres et Manchester.

      L’urbanisation prend ensuite progressivement le relais de l’industrialisation comme principal moteur du capitalisme. Il est dès lors possible de lire sa planétarisation comme la phase ultime de l’extension des relations hautement inégalitaires qu’elle tisse entre les territoires. Bien sûr, ces processus s’accompagnent de l’apparition de classes moyennes dans des pays où elles n’existaient pratiquement pas. Mais, à l’échelle mondiale, ce sont les plus riches qui tirent le plus de bénéfices de la globalisation. Et ces différences se lisent dans l’espace. Par exemple, les travaux récents menés à l’échelle internationale concluent en l’existence d’une « gentrification planétaire » qui voit les plus aisés s’approprier les cœurs des principales métropoles. Cette appropriation s’accompagne de la mondialisation d’une forme de ségrégation puisque, dans toutes les grandes métropoles, les classes populaires se trouvent rejetées de plus en plus loin en périphérie. Même les favelas du centre de Rio subissent les pressions de la gentrification.

      Ces inégalités jouent un rôle majeur dans l’impact du Covid-19 sur nos sociétés. En effet, les pandémies surviennent plus particulièrement durant les périodes d’accroissement des disparités sociales. Peter Turchin observe une corrélation historique entre le niveau des inégalités, l’intensité des liens entre territoires éloignés, et la violence des pandémies. En effet, plus une classe s’affirme dans son aisance, plus elle dépense dans la consommation ostentatoire, souvent dans des produits de luxe originaires de lieux éloignés. Or les virus voyagent avant tout avec le commerce de longue distance. Ce fait n’est pas nouveau : l’effondrement presque simultané des empires chinois et romain dans les premiers siècles de notre ère s’explique en partie par la virulence des épidémies qui se diffusaient le long des routes commerciales. Mais les mobilités étaient alors sans commune mesure avec celles d’aujourd’hui. Pour les flux humains mondiaux, la différence est particulièrement marquée pour les classes supérieures. Leur sociabilité a toujours été internationale, voire cosmopolite. Mais leur mobilité a pris une nouvelle dimension sous l’effet de la globalisation, et de l’urbanisation planétaire. Dès lors, face à un nouveau virus à la fois hautement social et difficilement détectable, les classes supérieures se sont présentées comme un potentiel super-diffuseur collectif. Et cela a bien été leur rôle pendant l’hiver 2020.

      Des enquêtes seront nécessaires pour préciser les canaux de diffusion du virus, mais la rapidité de cette diffusion a d’ores et déjà révélé l’importance des séminaires internationaux, des flux d’étudiants, des déplacements touristiques et professionnels. Ces flux, et notamment ceux sur lesquels repose la mondialisation industrielle, ont allumé les premiers foyers européens, qui ont ensuite contribué à diffuser le virus non seulement dans l’ensemble de l’Europe, mais aussi vers d’autres continents, notamment l’Afrique. Ces premiers foyers sont apparus socialement peu sélectifs, illustrant le fait que la mondialisation se fait aussi par le bas et pas seulement via des déplacements de cadres ou de touristes aisés. Ainsi, les adeptes de la Porte ouverte chrétienne, dont le rassemblement à Mulhouse a été un des premiers foyers français, ou de l’église Shincheonji de Jésus en Corée du Sud, ne s’apparentent pas aux catégories supérieures. Et la désormais fameuse « patiente 31 », à l’origine de 80 % des infections en Corée du Sud, n’avait pas voyagé. Elle ne faisait donc pas partie des élites voyageuses.
      Pourtant, quand on reprend la chronologie des différents foyers identifiés de par le monde, on est frappé par l’importance des lieux fréquentés par les classes supérieures. Au Brésil, c’est depuis un club de plage de Rio, le plus select du pays, que l’épidémie s’est propagée. À Hong-Kong, les premiers foyers sont apparus dans des hôtels de haut standing (comme pour le SRAS d’ailleurs). En Égypte, c’est une croisière sur le Nil qui a entraîné l’infection d’une partie des passagers (surtout originaires d’Europe et d’Amérique du Nord), mais aussi de l’équipage égyptien. En Australie, une croisière est aussi en cause : le virus s’est propagé avec les passagers infectés disséminés dans le pays après avoir débarqué d’un paquebot. En Norvège, en Islande, au Danemark, en Suède ou Finlande, la diffusion du Covid-19 est liée à des retours de vacances dans des stations de ski des Alpes, et notamment celle d’Ischgl. En Europe de l’Est, la pratique du ski est aussi en cause : c’est des restaurants et des clubs huppés de Courchevel que le virus est parti vers la Russie, l’Ukraine et la Biélorussie. Même l’Afrique du Sud a été contaminée via les Alpes : la première entrée identifiée du virus est liée à un vacancier de retour d’un week-end de ski en Italie. Au Mexique et aux États-Unis, des chaînes de contamination se sont aussi constituées depuis les pistes du Colorado. L’Uruguay, quant à lui, a vu ses cas se multiplier à la suite d’un mariage dans la haute société, à laquelle assistait une grande couturière tout juste rentrée de vacances en Espagne. Ces exemples montrent à quel point la propagation du virus s’est notamment appuyée sur des pratiques fondées à la fois sur des interactions sociales intenses dans des lieux confinés (restaurants, conventions, cocktails, clubs) et sur des déplacements internationaux tout aussi intenses. Ceci explique également que la pandémie ait d’emblée lourdement frappé les personnalités politiques de premier plan, groupe partageant le même type de pratiques.

      L’impression du caractère élitaire de la contagion internationale a pu être renforcée par la difficulté d’accéder aux tests (ce qui renvoie à une autre forme d’inégalité face à la pandémie). Il n’empêche qu’à la différence de la tuberculose ou du choléra, qui tuent avant tout dans des pays pauvres et des bidonvilles, la nouvelle épidémie n’a pas initialement frappé les quartiers populaires denses. Elle s’est notamment diffusée par les réseaux des classes supérieures, qui prennent appui sur des pratiques de sociabilité multi-localisées, intenses et éphémères. Le cas de Singapour est éloquent. Le premier cas confirmé remonte au 23 janvier. Il concerne un Chinois originaire de Wuhan de passage dans un resort haut de gamme. Les premières infections non importées sont repérées le 4 février, dans un magasin fréquenté par des touristes chinois. C’est seulement deux mois plus tard, en avril, que l’épidémie atteint des groupes sociaux nettement plus modestes, avec la déclaration d’un foyer dans un dortoir de travailleurs migrants. Compte-tenu de la dynamique de l’épidémie, ce décalage dans le temps est considérable.
      Le virus a donc d’abord largement frappé les groupes qui bénéficient le plus de l’urbanisation planétaire. Il s’est diffusé à la faveur de leur mobilité. C’est ce qui fait que l’Europe s’est très rapidement substituée à la Chine comme principale propagatrice du virus. De fait, les données phylogénétiques le confirment : la diffusion du virus en Afrique vient avant tout d’Europe. Même en Inde, si les premiers cas sont liés à la Chine, les premiers foyers sont liés à l’Europe. Se dessine alors, au cours de cette seconde phase de la pandémie, une autre mondialisation, caractérisée par des flux entre la plaque tournante européenne et les pays nouvellement infectés.
      Cette coloration européenne du virus dans les premières étapes de sa propagation hors d’Asie de l’Est explique ainsi la diffusion du néologisme de « coronisation » en Afrique puis en Inde. L’association initiale du virus aux classes aisées explique quant à elle pourquoi au Mexique, un gouverneur a pu prétendre publiquement que les pauvres étaient immunisés contre le Covid-19. De même, dans les quartiers noirs des États-Unis, il a, un temps, pu être perçu comme une maladie de « Blancs riches ».
      Des flux de la mondialisation aux quartiers populaires

      Ces idées ont fait long feu. Dans un second temps, le virus s’est plus largement diffusé, à la fois spatialement et socialement. Là encore, la thèse de l’urbanisation planétaire aide à comprendre comment. D’abord, la mondialisation a aussi ses soutiers. Le cas de Singapour l’illustre : même si c’est à un rythme nettement plus lent que pour les catégories aisées, le virus a aussi été transporté par ceux que l’on appelle des migrants plutôt que des expatriés. Les conditions de vie de ces derniers, avec la promiscuité propre aux dortoirs, a favorisé une contagion marquée, plus difficilement contrôlable que dans les condominiums des quartiers aisés. D’une manière générale, la distanciation sociale est difficile dans les bidonvilles, figures majeures de l’urbanisation planétaire, qui abritent une proportion considérable de la population des grandes métropoles africaines, latino-américaines ou asiatiques.
      Le virus s’est également diffusé en suivant les réseaux constitués par les systèmes métropolitains. Les migrations qui ont suivi le confinement ont démontré toute l’étendue et la diversité de ces interdépendances, bien au-delà des banlieues et des couronnes périurbaines. Ces migrations ont été empêchées dans certains pays comme la Chine ou la Norvège. Mais, en Inde ou dans plusieurs pays d’Afrique, on a pu voir l’importance du nombre de migrants et la précarité de leur statut au cœur des grandes métropoles : le retour à la campagne a pour eux été une question de survie. Dans les pays riches où la mise en œuvre du confinement a été relativement permissive, comme aux États-Unis ou en France, on a pu voir les étudiants retourner chez leurs parents quand ils le pouvaient et les plus aisés quitter les cœurs métropolitains pour des lieux de résidence plus confortables. L’analyse de l’INSEE montre ainsi que 11 % des résidents parisiens ont quitté la ville. Les départs des plus aisés vers leurs résidences secondaires ont marqué les esprits. En France ou aux États-Unis, de nouvelles inégalités spatiales sont ainsi apparues plus clairement, à des échelles beaucoup plus vastes que celles usuellement considérées pour opposer les cœurs de métropoles et leurs banlieues populaires ou même leurs lointaines couronnes périurbaines. L’exode urbain vers les résidences secondaires a nourri une rancœur chez les habitants des territoires d’accueil qui ne sera pas facilement résorbable.

      Si la trajectoire de la pandémie met en exergue la spatialité des inégalités, c’est aussi parce qu’à la base de l’échelle sociale, le télétravail a souvent été impossible et que la mobilité quotidienne s’est maintenue, notamment vers les zones denses concentrant les activités. Durant le confinement, ce sont principalement les habitants des quartiers populaires qui continuent à devoir se rendre sur leur lieu de travail et à avoir des contacts (certes des catégories aisées continuent à se déplacer pour travailler, les médecins au premier chef, mais elles sont moins nombreuses en proportion). Ajoutée à la dépendance plus élevée aux transports en commun, cette mobilité a largement contribué à la diffusion du virus dans les classes populaires. Ceci explique pourquoi les quartiers populaires concentrent plus de cas et plus de morts.

      Dans le premier foyer repéré aux États-Unis, une maison de retraite de Kirkland, dans la banlieue de Seattle, les employés, en large majorité des femmes, ont fortement contribué à propager le virus. Elles ont en effet été réticentes à évoquer leur contamination, non pas par crainte du stigmate social (comme dans certains milieux aisés au début de la pandémie), mais plus prosaïquement par crainte de perdre leur emploi et par absence de congés maladie. En outre, elles sont fréquemment contraintes de cumuler plusieurs emplois précaires, dont l’un, souvent, dans le secteur de la restauration, domaine d’activité dont on connaît le rôle potentiel dans la diffusion du virus.

      Ainsi, le Covid-19 souligne les nouvelles inégalités territoriales fabriquées à travers l’urbanisation planétaire. Si les liens qui se tissent d’un bout à l’autre de la planète bénéficient avant tout aux catégories aisées, les épicentres ont émergé dans des espaces populaires, pourtant à l’écart des foyers initiaux : en France et aux États-Unis, les stations de ski étaient les principaux foyers mais la Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France, et Détroit, la plus pauvre des grandes villes des États-Unis, sont devenus les épicentres. À la Nouvelle-Orléans, la pandémie s’est diffusée à la faveur de Mardi gras, importée par les touristes et les fêtards, dont certains avaient eu le bon goût de se déguiser en virus. Ce sont aujourd’hui les quartiers pauvres de la ville qui payent à la maladie l’un des plus lourds tributs de l’ensemble des États-Unis.
      Ces inégalités sont en effet redoublées par la haute sélectivité du virus qui, outre les personnes âgées, cible notamment les individus présentant des facteurs de co-morbidité (diabète, insuffisance cardiaque etc.). Or ces affections ne sont évidemment pas également distribuées dans la société et dans l’espace. Aux États-Unis, où les inégalités entre et dans les métropoles sont particulièrement marquées, le virus s’avère nettement plus mortel, d’une part dans les villes à majorité noire (La Nouvelle-Orléans, Chicago, Détroit, Milwaukee), et d’autre part dans les quartiers pauvres, c’est-à-dire dans les ghettos transformés en déserts alimentaires et médicaux sous l’effet des politiques d’austérité. Ainsi, à Chicago, l’écart d’espérance de vie moyenne entre les quartiers atteint jusqu’à 30 ans, soit plus d’une génération. Ce faisant, le Covid-19 ne fait que redoubler des inégalités majeures en matière d’accès à la santé, puisque ceux qui en meurent le plus souvent sont aussi ceux dont l’espérance de vie recule depuis plusieurs années sous l’effet d’autres facteurs (overdoses, suicides, empoisonnement de l’eau, etc.).

      Des recherches devront affiner ce qui vient d’être dressé à grands traits et apporteront certainement des nuances, mais le tableau d’ensemble paraît clair : le Covid-19 révèle l’ampleur des inégalités associées à l’urbanisation planétaire, avec d’un côté des classes aisées nomades qui, pour leurs loisirs ou leur activité professionnelle, ont transporté le virus aux quatre coins de la planète, et d’un autre côté des classes populaires beaucoup plus sédentaires, qui travaillent à leur service. Ce sont ces dernières qui paieront le prix le plus élevé de la pandémie.
      Le gouvernement de l’urbanisation planétaire en question

      Il faut évidemment se garder de toute prévision hâtive. L’impact de la pandémie dépendra notamment de sa durée. Si, pour une raison ou une autre, elle est jugulée rapidement, on peut s’attendre à un retour à la normale. Mais si le virus s’installe durablement, les relations sociales et la vie économique vont être fortement perturbées. La crise du Covid-19, en partie issue de l’urbanisation planétaire, pourrait donc en retour l’affecter profondément. Elle pourrait notamment modifier les hiérarchies établies entre les types d’espaces urbains. En dépit des premières étapes de la diffusion de la pandémie, il est probable que resurgisse une crainte de la ville dense. De fait, une fois l’épidémie installée, le virus s’est diffusé plus fortement dans les grands centres urbains et leurs banlieues. Face à ce constat, après avoir quitté les villes et changé d’habitudes pendant le confinement (transformation de la résidence secondaire en résidence principale, pratique accrue du télétravail, etc.), une partie des classes aisées sera peut-être tentée de prolonger l’expérience, surtout si, comme on peut s’y attendre, les transports deviennent durablement plus compliqués dans les grands centres denses. Les lignes bougeront lentement, mais peut-être un nouveau cycle, moins favorable à la densité, s’enclenchera-t-il. Une telle évolution pourrait réduire la pression immobilière sur les grands centres métropolitains et les rendre de nouveau un peu plus accessibles aux soutiers des économies métropolitaines. Elle favoriserait sans doute aussi une meilleure prise en considération politique des mondes périurbains et ruraux. Mais elle s’accompagnerait d’une pression encore accrue sur les ressources environnementales de ces territoires (concurrence entre agriculture, habitat et commerce, pollution accrue par le recours à la voiture individuelle, etc.). De telles perspectives renforcent, si besoin était, la nécessité d’une démocratisation et d’une extension des périmètres de la planification. Ce n’est désormais qu’à l’échelle de vastes régions métropolitaines que peuvent être légitimement débattus et arbitrés les conflits actuels comme futurs sur l’usage des sols, entre préservation environnementale, répartition des logements, et relocalisation industrielle et agricole.

      À une autre échelle, le Covid-19 met aussi à l’épreuve la manière dont la planète est gouvernée. Avec l’urbanisation planétaire, les interdépendances entre les lieux, les territoires et les espaces se sont largement affranchies des frontières nationales. En outre, les échanges internationaux sont devenus plus complexes et multiscalaires, au sens où ce n’est pas la France qui entre en relation avec la Chine, mais la station de ski des Contamines-Montjoie qui se trouve raccordée avec une forêt du Hubei, via un touriste Anglais revenu d’une conférence à Singapour où il a côtoyé d’autres cadres chinois, qui eux-mêmes avaient peut-être dîné avec un ami médecin employé dans un hôpital de Wuhan. Comment gouverner les liens ainsi constitués ? On sent bien que face à ces réseaux, fermer les frontières nationales oscille entre le dérisoire et l’excessif. Le dérisoire car le virus a souvent passé les frontières avant même qu’on ait eu l’idée de les fermer, et l’excessif tant leur fermeture introduit des perturbations économiques et sociales majeures.

      On revient ici au point de départ de cet article. On peut en effet faire l’hypothèse que, si une mesure aussi brutale et aveugle que le confinement a été imposée à des milliards d’individus, c’est faute de pouvoir se sevrer brutalement des flux portés par l’urbanisation planétaire (un chiffre suffit à mesurer la difficulté : 80 % des produits actifs des médicaments mondiaux viennent d’Inde ou de Chine). C’est aussi faute de pouvoir gouverner ces flux. Leur gouvernement est au cœur des débats actuels sur le traçage et le suivi des contacts de personnes potentiellement malades. Le problème est que plane ici le spectre du renforcement du contrôle et de la surveillance, observé par Foucault lorsque frappait la peste. Beaucoup craignent qu’une telle évolution vers le contrôle des flux s’effectue sous un angle disciplinaire, voire liberticide. Et ce d’autant plus qu’une offre, émanant des multinationales de la sécurité et de la surveillance électronique, ne demandera qu’à rencontrer des États désireux de réaffirmer leur capacité à protéger leurs citoyens. Dans ce contexte, comment tracer sans interférer sur les libertés fondamentales ? Les sociétés civiles découvrent avec un certain vertige ce à quoi le gouvernement des flux pourrait conduire.

      La question, déjà épineuse dans un cadre national, l’est encore plus dans un cadre international. L’Europe par exemple, après avoir mis en place des dispositifs de protection des données personnelles parmi les plus stricts au monde, pourrait-elle faire volte-face et imposer ce qui s’apparenterait à une surveillance généralisée des mouvements ? Ce genre de question et l’impossibilité d’y répondre positivement ont poussé la plupart des gouvernements à conclure que le virus serait d’autant plus difficile à éliminer qu’un pays qui se donnerait les moyens de le faire se trouverait fortement contraint dans ses relations avec ses voisins. La Nouvelle-Zélande, pays dans lequel le virus ne semble presque plus circuler, impose ainsi depuis le 29 avril dernier une quarantaine d’au moins 14 jours à tous les nationaux qui rentrent de l’étranger ; les autres, à l’exception des Australiens, sont tout bonnement interdits d’entrée. Est-il possible de tenir longtemps comme cela, quand le virus continue à circuler aux portes du pays ? Comme le Covid-19 présente une morbidité qui, à la différence du SRAS, ne semble pas totalement inacceptable, tenter de vivre avec cette maladie a pu sembler la « moins mauvaise » des solutions. C’est ainsi que de nombreux pays ont renoncé à chercher à éliminer le virus pour plutôt en contrôler la diffusion via la distanciation sociale (dont le confinement est une variante extrême), faisant le pari qu’avec un traitement, un vaccin ou une immunité collective, la pandémie finira par devenir une maladie banale, comme la grippe. Ce pari a déjà valu un premier confinement dévastateur, sans garantie qu’il n’y en ait pas d’autres. Si la situation ne s’améliore pas, les voix seront de plus en plus nombreuses à demander si l’urbanisation planétaire vaut son prix.

      https://laviedesidees.fr/La-mondialisation-du-confinement.html

    • Does lockdown work? A spatial analysis of the spread and concentration of Covid-19 in Italy

      The spread of Covid-19 is a global concern, especially in the most developed countries where the rapid spread of the virus has taken governments by surprise. Adopting a spatial approach to this issue, we identify the spatial factors that help explain why some areas are hit harder than others, based on the Italian example (with the Lombardy region as the epicentre in Europe). Our analysis combines an autoregressive spatial model and a bivariate spatial autocorrelation from a pool of data collected from the Italian provinces to propose a real-time analysis of the spread and concentration of the virus. The findings suggest that the most globally connected areas are also the worst hit, and that the implementation of a lockdown at the beginning of March 2020 was a crucial and effective approach to slowing the spread of the virus further.

      https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/00343404.2021.1887471

  • « Pour la moitié des Français, la violence est rassurante, pour l’autre, elle est choquante. Je formule l’hypothèse selon laquelle le gouvernement a flatté son ancrage à droite en laissant faire. »

    La viralité a fait des violences policières un symptôme de l’état de la démocratie.
    http://imagesociale.fr/8236


    Télérama publie dans son numéro daté du 29 février deux articles consacrés au traitement médiatique des violences policières. Olivier Tesquet m’a interrogé sur la soudaine visibilité des images diffusées depuis plus d’un an. Je reproduis ci-dessous le texte de l’entretien.

    BFMTV, TF1, France 2… Jamais les chaînes télé ne s’étaient retrouvées devant autant d’images de violences policières. André Gunthert, maître de conférences en histoire visuelle à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), analyse cette soudaine visiblité.
    À force de blesser et mutiler depuis plus d’un an (éborgnements, mains arrachées, ITT en pagaille…), les violences policières se sont imposées dans les grands médias généralistes, quand bien même le gouvernement persiste à nier leur caractère systémique, insistant sur des dérives individuelles qu’il convient de punir au cas par cas. Diffusées sur les réseaux sociaux, reprises par les chaînes d’info en continu, les images qui ont infiltré l’espace médiatique ont joué un rôle essentiel dans la prise de conscience. Leur viralité a fini par donner aux brutalités une qualité de « symptôme de l’état de la démocratie », selon André Gunthert, maître de conférences en histoire visuelle à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

    -- Quel regard portez-vous sur la profusion de vidéos de violences policières depuis plus d’un an ?
    -- Il faut comprendre que ces images s’accompagnent d’une grille de lecture. Pour simplifier, l’une est de droite, l’autre est de gauche. La première pose une question : pourquoi le pouvoir a-t-il laissé se poursuivre ces violences visibles dans l’espace public ? Il aurait pu tenter de faire interdire la diffusion de ces vidéos sur les réseaux sociaux, mais il ne l’a pas fait. Selon un récent sondage Odoxa, le pays est coupé en deux. Pour la moitié des Français, la violence est rassurante, pour l’autre, elle est choquante. Je formule l’hypothèse selon laquelle le gouvernement a flatté son ancrage à droite en laissant faire. Quant à la médiatisation de gauche des violences policières, elle répond au modèle du copwatching, de la vigilance citoyenne...

  • UN DÉCRET AUTORISE LE FICHAGE D’OPINIONS POLITIQUES, LES ORIENTATIONS SEXUELLES, PHILOSOPHIQUES, RELIGIEUSES, ETC…

    « #Gendnotes » : une mesure liberticide imposée discrètement par décret

    Un nouveau palier autoritaire est franchi dans l’indifférence générale. L’Etat va encore plus loin dans la création d’ennemis de l’intérieur en se donnant les moyens de ficher et de transmettre des informations telles que les #opinions_politiques, l’#appartenance_syndicale, les #orientations_sexuelles, l’#état_de_santé, etc… Il s’agit du dispositif « Gendnotes » qui est censé moderniser les prises de notes des gendarmes, et accroît considérablement les possibilités de contrôles en portant gravement atteinte aux libertés les plus fondamentales.

    Les destinataires de ces #informations_personnelles dites de “#pré-renseignement” pourront être les #maires des communes concernées par les individus, les préfets (cf. art. 4) ou les #autorités_judiciaires (cf. art. 1). Ces #données pourront être collectées « à l’occasion d’actions de #prévention, d’investigations ou d’interventions nécessaires à l’exercice des missions de polices judiciaire et administrative ».

    Alors que des fichages infâmes tels que l’#origine_raciale existent déjà dans les dossiers de police, ce décret ira encore plus loin, et va généraliser de telles pratiques. On aimerait croire à la fakenews mais non.

    Dans le décret n° 2020-151 du 20 février 2020 (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041615919&categorieLien=id, Le ministre de l’intérieur est autorisé à mettre en œuvre ce #traitement_automatisé de données à caractère personnel dénommé GendNotes au sein de la Gendarmerie. Le principe d’un décret, c’est qu’il passe en force, sans débat, en catimini.

    L’article 2 explique qu’en cas « d’#absolue_nécessité » il sera possible de faire rentrer des informations « relatives à la prétendue origine raciale ou ethnique, aux opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’appartenance syndicale, à la santé ou à la #vie_sexuelle ou l’orientation sexuelle ».

    Qu’entendre par une notion aussi floue qu’« absolue nécessité » sachant que dans les enquêtes visant des écologistes, les militants, les Gilets Jaunes et plus généralement tout opposant politique, cela fait déjà longtemps que les moyens de l’antiterrorisme sont appliqués !

    Récemment, le gouvernement semblait scandalisé par l’atteinte à la vie privée de Benjamin Griveaux mais son indignation est sélective. L’atteinte à la vie privée d’une population entière ne semble lui poser aucun problème !

    « Essayez la dictature et vous verrez »

    (Emmanuel Macron. 23/01/2020)

    https://www.nantes-revoltee.com/%E2%9A%AB-un-decret-autorise-le-fichage-dopinions-politiques-les-or

    #décret #fichage #autoritarisme #surveillance #gendarmerie #mairie #préfecture #investigation #police_judiciaire #police_administrative #France #macronisme

    ping @etraces @davduf @fil

  • Nommer la violence d’Etat - Libération
    https://www.liberation.fr/france/2020/01/28/nommer-la-violence-d-etat_1775798
    #didier_fassin

    En refusant de reconnaître la #banalité et la #gravité des #violences_policières sur l’ensemble de la société, les #autorités de l’Etat se rendent de facto #complices des #exactions des #forces_de_l’ordre.

    Jusqu’à récemment, on avait pu ignorer cette #violence_d’Etat car elle frappait essentiellement les #quartiers_populaires et leurs habitants, pour la plupart d’origine immigrée, auxquels elle imposait un #traitement_d’exception. Désormais, on ne le peut plus guère, car elle s’abat sur l’ensemble de la société, ou tout au moins sur celles et ceux qui protestent contre la politique conduite par un #gouvernement qui, par faiblesse autant que par arrogance, croit que l’autoritarisme peut pallier sa perte d’#autorité. Hier atteinte aux droits de certains, elle est aujourd’hui atteinte aux droits de tous.

  • #Centre_de_traitement_des_déchets d’#Ivry occupé

    A 7h30 ce matin (15.01.2020), 200 personnes ont forcé l’entrée de la #Tiru d’#Ivry_sur_Seine (centre de traitement des déchets près du périph quai d’Ivry).

    Ce #blocage a été coordonné par les CGT #égoutiers de Paris et Energie ainsi que l’UD 94 et les grévistes de l’AG interpro (enseignants/territoriaux) d’Ivry.

    Comme l’information de l’#action avait fuité, nous étions attendus : 2 camionnettes et une dizaines de flics. Il ne s’attendaient peut-être pas à notre nombre et peut-être pas non plus à ce qu’on rentre.
    Plusieurs poussées : une pour rentrer, une autre pour faire sortir les flics et une dernière pour fermer la porte derrière eux.

    On déplore 2 copines blessées : une aux côtes, l’autre à une jambe.

    Les portes ont été cadenassées puis soudées. Reste une entrée par un portillon qu’il va donc falloir surveiller.

    À 11h, on a tenu une Ag pour lancer l’organisation du blocage 24/24.

    Historiquement, le site a déjà été bloqué 23 jours en 2010 et 21 jours en 2016 (pendant Nuit Debout). Les agents du site sont en grève.

    Ce site de #traitement_des_déchets produits un peu d’électricité mais surtout des vapeurs pour le #chauffage urbain parisien. On ajoute à ça que les bennes sont pleines et ne peuvent plus déposer les #ordures sur le site. Pour le moment les camions sont détournés vers un site #Derichebourg à #Vitry_sur_Seine dont la capacité de stockage n’excède pas 2 jours.

    Autour de #Paris il y a 3 Tiru de cette taille : #Saint_Ouen (occupée), Ivry (occupée), et #Romainville. Ainsi qu’un petit centre à #Issy_les_Moulineaux.
    Bien sûr un appel à participer au blocage ou soutenir celuici. Les actions possibles vont de la simple visite de soutien au #campement pour la nuit en passant par diverses tâches logistiques.

    Reçu via une mailing-list militante, le 15.01.2020

    #grève #action #mobilisation #résistance #déchets

    • Commentaire reçu par la même mailing-list :

      Cette opération est un franc succès pour l’instant, grâce à une organisation très efficace. Un grand bravo déjà pour ça.

      Le plein de victuailles a été fait, il est servi sur palette...

      Des étudiants géniaux de l’ENS ont préparé un énorme couscous sous leur tente. Ils sont incroyables.

      On passe du rock, du rap du reggae ou de la fusion... à l’image de cette convergence là dans le froid.
      Sous les lumières métalliques on entend les cheminots et l’énergie débattre avec l’éducation.
      Et puis là-bas il y a la RATP qui tape la balle avec qques autres. A côté, cet hospitalier qui se frotte les yeux près du feu.
      Il y a la culture d’Ivry, les copines de Vitry, les fidèles du petit-matin... toutes celles et tous ceux qu’on ne connaissait pas il y a un mois et à qui l’on dit, tous les jours, « à tout à l’heure ! » ou « à demain ! ».

      Ça ressemble à ma définition de société.

  • La reconnaissance faciale des manifestants est déjà autorisée
    https://www.laquadrature.net/2019/11/18/la-reconnaissance-faciale-des-manifestants-est-deja-autorisee

    Depuis six ans, le gouvernement a adopté plusieurs décrets pour autoriser l’identification automatique et massive des manifestants. Cette autorisation s’est passée de tout débat démocratique. Elle résulte de la combinaison insidieuse de trois dispositifs : le fichier TAJ (traitement des antécédents judiciaires), le fichier TES (titres électroniques sécurisés) et la loi renseignement. L’hypocrisie du gouvernement est totale lorsqu’il prétend aujourd’hui ouvrir un débat démocratique sur la reconnaissance (...)

    #algorithme #CCTV #biométrie #facial #reconnaissance #©gislation #LaQuadratureduNet #Traitement_d’Antécédents_Judiciaires_(TAJ) #TES #STIC #JUDEX #CNIL #LOPPSI #activisme (...)

    ##Traitement_d’Antécédents_Judiciaires__TAJ_ ##surveillance

  • Differential impact of endocrine therapy and chemotherapy on quality of life of breast cancer survivors: a prospective patient-reported outcomes analysis | Annals of Oncology | Oxford Academic
    https://academic.oup.com/annonc/advance-article-abstract/doi/10.1093/annonc/mdz298/5583691

    Published:08 October 2019

    Background

    In early breast cancer (BC), there has been a trend to escalate endocrine therapy (ET) and to de-escalate chemotherapy (CT). However, the impact of ET versus CT on the quality of life (QoL) of early BC patients is unknown. Here, we characterize the independent contribution of ET and CT on patient-reported outcomes (PROs) at 2 years after diagnosis.
    Patients and methods

    We prospectively collected PROs in 4262 eligible patients using the European Organization for Research and Treatment of Cancer QLQ-C30/BR23 questionnaires inside CANTO trial (NCT01993498). The primary outcome was the C30 summary score (C30-SumSc) at 2 years after diagnosis.
    Results

    From eligible patients, 37.2% were premenopausal and 62.8% postmenopausal; 81.9% received ET and 52.8% CT. In the overall cohort, QoL worsened by 2 years after diagnosis in multiple functions and symptoms; exceptions included emotional function and future perspective, which improved over time. ET (Pint = 0.004), but not CT (Pint = 0.924), had a persistent negative impact on the C30-SumSc. In addition, ET negatively impacted role and social function, pain, insomnia, systemic therapy side-effects, breast symptoms and further limited emotional function and future perspective recovery. Although CT had no impact on the C30-SumSc at 2-years it was associated with deteriorated physical and cognitive function, dyspnea, financial difficulties, body image and breast symptoms. We found a differential effect of treatment by menopausal status; in premenopausal patients, CT, despite only a non-significant trend for deteriorated C30-SumSc (Pint = 0.100), was more frequently associated with QoL domains deterioration than ET, whereas in postmenopausal patients, ET was more frequently associated with QoL deterioration, namely using the C30-SumSc (Pint = 0.004).
    Conclusion(s)

    QoL deterioration persisted at 2 years after diagnosis with different trajectories by treatment received. ET, but not CT, had a major detrimental impact on C30-SumSc, especially in postmenopausal women. These findings highlight the need to properly select patients for adjuvant ET escalation.

    #cancer_du_sein #hormonothérapie #traitement_endocrinien #qualité_de_vie #paywall

    • Un article sur les mauvais effets de l’hormonothérapie, suite à l’étude de L’Hôpital Gustave Roussy

      Cancer et ménopause : l’hormonothérapie dégrade plus la qualité de vie que la chimio
      https://www.ledauphine.com/magazine-sante/2019/10/28/cancer-et-menopause-l-hormonotherapie-degrade-plus-la-qualite-de-vie-que

      Cancer et ménopause : l’hormonothérapie dégrade plus la qualité de vie que la chimio
      Chez les femmes ménopausées, la qualité de vie est plus altérée sur le long terme par l’hormonothérapie que par la chimiothérapie.
      Chez les femmes ménopausées atteintes d’un cancer du sein, l’hormonothérapie provoquerait plus d’effets indésirables que la chimiothérapie. Sur le long terme, le confort de vie au quotidien s’en trouverait altéré.

      L’hormonothérapie prévient efficacement (JE NOTE SIC) le risque de rechute des cancers du sein hormono-dépendants*. Mais cette stratégie thérapeutique impacterait durablement la qualité de vie des femmes ménopausées.

      Pour en savoir plus, l’équipe du Dr Inès Vaz-Luis, oncologue spécialiste du cancer du sein et chercheuse à Gustave-Roussy**, a suivi 4 262 femmes atteintes d’un cancer du sein. Leur qualité de vie a été évaluée lors du diagnostic, puis à 1 et 2 ans. « Le traitement de ces patientes était composé de chirurgie et pour certaines de chimiothérapie et/ou de radiothérapie », détaillent les scientifiques. Environ 75 à 80% d’entre elles étaient ensuite placées sous hormonothérapie pendant un minimum de 5 ans.

      l’hormonothérapie du #cancerdusein sur la qualité de vie des patientes, étudié grâce à une analyse de la cohorte CANTO portant sur plus de 4 200 patientes.

      Deux ans après le diagnostic…
      Globalement, la qualité de vie s’est dégradée chez toutes les patientes.

      Mais les séquelles ont pris plus d’ampleur chez les femmes sous hormonothérapie. Précisément, deux ans après le diagnostic, « l’hormonothérapie (…) a un impact plus long et plus délétère sur la qualité de vie notamment des femmes ménopausées ».

      L’impact de la chimio plus lourd chez les femmes non ménopausées
      A l’inverse, « l’impact de la chimiothérapie est plus important sur la qualité de vie des femmes non ménopausées, particulièrement sur la détérioration des #fonctions_cognitives ».

      La prévention est de mise alors que les recommandations internationales se basent sur une prescription de l’hormonothérapie pendant 5 à 10 ans . Objectif, repérer les profils à risque pour leur « proposer une prise en charge des symptômes les plus impactant, notamment ceux liés à la ménopause, les douleurs musculo-squelettiques, la dépression, la fatigue sévère, ou encore les dysfonctions cognitives, et d’y associer des soins de support comme l’exercice physique et les thérapies cognitivo-comportementales ».

      En fait on va encore te dire que c’est psychologique et qu’il faut jouer du zygomatique plus souvent ?

      *A eux seuls, les cancers hormono-dépendants représentent 75% des cancers du sein
      **Laboratoire « Identification de nouvelles cibles thérapeutiques en cancérologie » (Inserm/Université ParisSud/Gustave Roussy)

    • Well. Je trouve #markdown super ... pour exporter du html. Dès qu’il s’agit d’aller vers d’autres formats, ça demande d’installer tellement de dépendances pour avoir quelque chose de propre (par exemple des images redimensionnées à la taille du fichier d’export) qu’à ce stade, je finis toujours par copier coller dans libreoffice mon document pour pouvoir le transmettre à d’autres. (j’utilise uberwriter, mais c’est vrai aussi pour les autres soft testés (atom...).

    • @supergeante mais markdown c’est juste pour rédiger l’intérieur des chapitres, forcément ça fait pas tout. Dans l’idée d’un workflow complet du genre Syntaxe légère => web => print, il faut forcément coupler avec d’autres outils, pour contrôler finement les images ou autres choses non texte de ce genre. À priori avec un langage de template qui fait vraiment tout ce qu’il y a « autour » de la transformation pur du texte, càd faire le plan, l’entourage des chapitres, retailler les images, etc.

      Nous actuellement on ne fait pas ça avec markdown mais avec SPIP, mais le principe reste le même. Du coup ya la syntaxe légère SPIP, mais aussi les modèles d’insertion d’images aussi. La syntaxe légère est transformée comme pour markdown, mais donc il y a un squelette qui s’occupe de mettre tous les chapitres ensemble et produire le HTML final. Qui ensuite est mis en forme avec une CSS print (avec tous les trucs modernes).

      Là on fait tout nous-mêmes, pour tout contrôler, mais on peut très bien imaginer que des outils comme Pandoc ou autre fasse aussi ce travail. Je veux dire, c’est à ce morceau du workflow (après la gestion de la syntaxe légère) de retailler les images, et si ça manque, faut leur demander. :)

      – Syntaxe légère, organisé en chapitres (tout dans le même document, ou bien dans plusieurs fichiers, ou comme nous dans une base de données avec nos objets « Chapitres » de SPIP)
      – La syntaxe légère est transformée en HTML
      – Un autre outil, langage de template ou autre, s’occupe de composer le document complet avec vraiment tout (sommaire, pied de pages, travail des images, etc).
      – On a alors un unique HTML complet
      – Qui est soit transformé en PDF à partir d’une CSS, soit en ODT, ou autre encore (mais c’est toujours à partir du HTML qui est pivot à priori)

  • Deepfake : Zao, la nouvelle appli chinoise virale inquiète les utilisateurs
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/ia-machine-learning-iot/deepfake-zao-nouvelle-appli-chinoise-virale-inquiete-utilisateurs

    Ce n’est pas la première fois qu’une application transformant le visage des utilisateurs suscite l’inquiétude. À l’été 2019, l’application russe FaceApp téléchargée des millions de fois en quelques jours, avait également créé la polémique. Cette appli qui permet de se voir vieilli de 40 ans en quelques secondes avait été critiquée pour sa politique de confidentialité. En l’utilisant, vous acceptez de céder la propriété de votre photo d’origine ainsi que sa version modifiée à l’entreprise russe Wireless Lab OOO, qui gère l’application. Ce qui signifie que la société peut notamment exploiter votre photo à des fins commerciales. Mi-juillet, la Cnil avait publié sur son site une mise en garde et des conseils à l’attention des utilisateurs de ce type d’appli.

    Zao est une nouvelle illustration de l’ère du « World Wide Face ». Un concept proposé par Olivier Ertzscheid sur son blog Affordance. Pour le chercheur enseignant en sciences de l’information et de la communication, le visage est devenu une monnaie d’échange et un outil de surveillance de masse.

    #Deep_fake #Traitement_image