• Élèves en difficultés de parents fortement diplômés (Cairn.info)
    http://www.cairn.info/revue-sociologie-2010-4-page-457.htm

    La métaphore de la transmission culturelle entre parents et enfants qui met en avant le fait que l’héritage familial ne se limite pas à des dimensions économiques ou biologiques, a pu faire oublier que la socialisation et les apprentissages familiaux ne relèvent pas d’une opération mécanique ou automatique. En la faisant travailler jusqu’à ses points de rupture et dans différentes acceptions, en la confrontant à des observations empiriques notamment menées dans des situations où elle ne semble pas « fonctionner », nous avons pu insister sur les conditions matérielles ou symboliques dans lesquelles les enfants peuvent ou ne peuvent pas construire des savoirs ou des savoir-faire qui s’appuieraient sur ceux de leurs parents.
    En effet, des manières de faire ou de penser qui pourraient s’avérer scolairement rentables restent concrètement indisponibles pour les enfants de par la division du travail éducatif et domestique entre parents. Ils peuvent également être tenus à distance du fait de l’état des rapports de force internes à la constellation familiale ou par le biais des processus d’identification (notamment sexués) qui trament les relations parents-enfants. Ces relations peuvent être interprétées à la lumière du modèle de la communication (entre émetteurs et destinataires qui ne sont pas toujours en mesure de transmettre ou de recevoir l’information) à condition de tenir compte des limites de cette analogie.
    C’est sur fond d’hétérogénéité du patrimoine dispositionnel parental que jouent ces conditions de la transmission culturelle, hétérogénéité que l’acception biologique de la métaphore permet de faire travailler utilement. Cette analogie autorise également l’explicitation du caractère indésirable de certaines transmissions. Issu d’une acception économique de la métaphore, le concept de capital culturel, quant à lui, parce qu’il est indissociable de celui de marché, met l’accent sur ce qui se joue à l’intersection de plusieurs instances d’éducation qui sont aussi des lieux d’évaluation des comportements individuels. Or c’est au point de contact entre deux de ces instances socialisatrices que se situe notre objet de recherche, la transmission culturelle familiale étant mesurée à l’aune de la situation scolaire.

    #éducation #difficultés_scolaires_paradoxales #transmission_familiale #capital_culturel

    On constate les effets manifestement plus forts des diplômes maternels sur la scolarité des enfants : les croisements entre les difficultés scolaires des collégiens et les indicateurs de dotation scolaire du père et de la mère font apparaître des coefficients de contingence plus élevés concernant les transmissions maternelles . De même il est notable que les pratiques maternelles de lecture (ou d’incitation des enfants à cette pratique, comme nous l’avons vu précédemment) entretiennent des liens plus intenses que les pratiques paternelles avec la scolarité des enfants. Ce constat n’est pas sans lien avec d’autres indicateurs qui mettent en relief la prise en charge féminine de la plupart des tâches éducatives et domestiques (par exemple 71,8 % des collégiens de l’enquête sont aidés dans leurs devoirs par leur mère, 41,5 % par leur père), cette inégale répartition des tâches étant avérée dans de nombreux travaux (notamment, Gissot, Héran et Manon, 1994). Concrètement et tendanciellement, les enfants passent plus de temps avec leur mère qu’avec leur père ce qui peut rendre raison de la prépondérance, statistiquement mesurée, de l’héritage maternel.

    Les difficultés des garçons sont plus souvent identifiées par les parents ou les enseignants comme les signes d’un manque de travail, là où ce sont des manques de « capacités » qui vont expliquer les difficultés des filles. Statistiquement parlant, les collégiens sont plus souvent qualifiés par leurs parents d’élèves « indisciplinés » ou « ayant des facilités » ou « besoin d’être encadrés » que les collégiennes. Dans les entretiens avec les enseignants mais aussi avec les parents on retrouve ce clivage sexué dans la description des collégiens dans leur rapport à l’autorité (les filles disciplinées s’opposant aux garçons chahuteurs), à l’effort (les filles étant plus souvent considérées comme « travailleuses », « régulières dans l’effort » et « sérieuses » que les garçons) et aux savoirs (les garçons étant le plus souvent que les filles perçus comme « intelligents » « assurés » et « confiants »). Ces écarts de perception ont été observés dans d’autres recherches où ils peuvent être interprétés comme révélateurs de stéréotypes.
    Ces modèles sexués ont des implications dans les types de relations qui se nouent entre enfants et parents, notamment dans le domaine scolaire où les garçons en difficultés sont contrôlés, là où les filles sont soutenues ce qui produit de manière dialectique des rapports différenciés aux contraintes.

    #genre