• Au procès d’un maraîcher jugé pour avoir fait travailler des sans-papiers dans des conditions indignes : « Qui c’est qui va ramasser mes tomates ? J’ai pas le choix ! »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/06/11/au-proces-d-un-maraicher-juge-pour-travail-dissimule-qui-c-est-qui-va-ramass

    Au procès d’un maraîcher jugé pour avoir fait travailler des sans-papiers dans des conditions indignes : « Qui c’est qui va ramasser mes tomates ? J’ai pas le choix ! »
    Par Pascale Robert-Diard (Le Mans, envoyée spéciale)
    A Saint-Paterne-Le Chevain (Sarthe), bourg de 2 000 habitants près d’Alençon, Jean-Luc Pottier cultive les tomates, les herbes aromatiques et les poursuites judiciaires. Le maraîcher de 64 ans qui s’avance, mardi 10 juin, à la barre du tribunal correctionnel du Mans a le corps sec, la peau tannée, les cheveux très blancs, les yeux très bleus. Il porte bermuda, tee-shirt et chaussettes mi-basses dans des mocassins fatigués. La liste des faits qui lui sont reprochés est longue comme le bras : travail dissimulé, rétribution inexistante ou insuffisante de plusieurs personnes vulnérables, traite d’êtres humains, blanchiment, fraude fiscale aggravée, violation délibérée d’obligation de sécurité ou de prudence.
    Les parties civiles à son procès se prénomment Enkbold, Abdoulaye, Soulimane, Moufida, Mohamed, Mamoudou, Mahdi, Mamar, Armen, Tamaz, Anvar, Wahid, Mate, Anis, Aliou. Ils viennent d’Algérie, d’Arménie, de Russie, du Sénégal, de Georgie ou de Mongolie. Tous sont sans papiers. Non déclarés, payés entre 6,50 et 8 euros de l’heure en espèces, ils ont travaillé plusieurs mois, certains plusieurs années, dans la serre de Jean-Luc Pottier. Quinze heures par jour. Six, voire sept, jours sur sept en période de récolte. Le montant de la fraude au préjudice de la Mutuelle sociale agricole est estimé à 520 000 euros.
    C’est la deuxième fois que Jean-Luc Pottier est jugé pour travail dissimulé. « Dissimulé, c’est pas un mot pour moi. Moi, je suis un homme de la vérité », dit-il. Il est d’ailleurs « content d’être là » pour s’expliquer. Alors, oui, il ne déclarait pas ses salariés. « Je trouve personne pour travailler dans mon entreprise. La régularisation, j’ai essayé une fois, j’y suis pas arrivé. J’ai convoqué France Travail, impossible de trouver des salariés. Qui c’est qui va ramasser mes tomates ? J’ai pas le choix. » L’emploi d’un mineur ? Il reconnaît aussi. « Il était mineur mais costaud. » Et, non, ça ne lui a pas posé de problème. « Ben, mon fils, il a travaillé quand il était mineur. Moi, j’ai travaillé à 11 ans. » La traite d’être humains ? Alors, là, Jean-Luc Pottier ne comprend vraiment pas. « J’ai jamais été cherché personne. Ce sont eux qui viennent me voir. Ils se connaissent tous, ils font venir les copains. C’est du bouche-à-oreille. »
    Aux gendarmes qui l’interrogeaient pendant l’enquête, il avait déclaré : « Je suis comme l’abbé Pierre. Des gens frappent à ma porte et je leur donne du travail. » « Bon, l’abbé Pierre, avec ce qu’il a fait, on n’aurait pas cru, c’est plus un bon exemple, concède-t-il. Mais, chez moi, c’est un peu la maison du bon Dieu. Je prends ceux qui se présentent. Pour eux, c’était une chance. Moi, j’ai pas eu cette chance-là. » Les journées à rallonge, la pression, les cris, les insultes dénoncées par ses employés ? Même incompréhension. Au contraire, assure-t-il, « il y a une bonne ambiance dans mon entreprise. » Des exclamations et des rires fusent sur les bancs des parties civiles. Jean-Luc Pottier se retourne, furieux. « Si vous êtes pas contents aujourd’hui… » La présidente le rappelle à l’ordre, il poursuit : « Oui, ils font des heures, mais c’est parce qu’ils n’avancent pas ! Moi, je ne les force pas. C’est eux qui me disent : “On veut des heures, on veut de l’argent.” Vous savez, les personnes non déclarées me coûtent très très cher, parce qu’elles avancent doucement. La victime, c’est moi ! Je travaille énormément. C’est sûr qu’au prix où on m’achète mes tomates, je peux pas en vivre. »
    Depuis un an, son contrôle judiciaire lui interdit de gérer son entreprise. Un administrateur a remis de l’ordre dans la comptabilité et, officiellement, c’est désormais son jeune fils qui dirige l’exploitation. Les nouveaux employés, trouvés par l’intermédiaire des sœurs bénédictines – un « miracle », dit-il – sont « dûment déclarés, avec des fiches horaires ». « Tout a changé, on est sur les rails », affirme le maraîcher. « Moi, je fais des tomates extraordinaires. Sur les marchés, tout le monde se déchire pour les avoir. Si on me ferme l’entreprise, je m’élimine direct. Je mets tout mon argent dans mes tomates. Ça fait sept générations qu’on est maraîchers. J’adore mon travail, je me contente de peu. » Le 20 mai, Jean-Luc Pottier a été contrôlé sur un marché à Versailles. Celui qui l’aidait à décharger le camion était un de ses anciens employés, en situation illégale, revenu dans l’exploitation après le passage de l’inspection du travail. « Je voudrais le déclarer, parce que c’est un ami. Vous pourriez m’aider ? », demande-t-il tout à trac au tribunal.
    Contre le maraîcher récidiviste, le procureur a requis deux ans d’emprisonnement ferme. Jugement le 7 juillet.

    #Covid-19#migrant#migration#france#agriculture#traite#economie#travailleurmigrant#droit#sante

  • A Los Angeles, les syndicats en première ligne pour défendre les migrants
    https://www.lemonde.fr/international/article/2025/06/10/a-los-angeles-les-syndicats-en-premiere-ligne-pour-defendre-les-migrants_661

    A Los Angeles, les syndicats en première ligne pour défendre les migrants
    Par Corine Lesnes (Los Angeles, envoyée spéciale)
    Dans le centre de Los Angeles, la mobilisation semble chaque jour monter davantage contre les raids de la police de l’immigration et le déploiement de la garde nationale. « C’est notre ville, ce sont nos rues, explique Elizabeth Strater, vice-présidente du syndicat des ouvriers agricoles United Farm Workers. On ne va pas laisser faire sans réagir. » Les syndicalistes manifestaient, lundi 9 juin, aux pieds de la mairie de Los Angeles, sous les jacarandas de Grand Park. Ils étaient plus d’un millier, aux couleurs de leurs organisations respectives. Violet pour les membres de l’Union internationale des employés des services (SEIU), le puissant syndicat des services. Jaune pour celui des travailleurs de l’alimentation et du commerce. Dans la foule, les panneaux hostiles au « dictateur qui kidnappe les papas et les mamans » ou à la United States Immigration and Customs Enforcement (ICE), la police de l’immigration. « Arrêtez les raids ! », « Nous sommes tous des migrants ».
    Principale revendication : obtenir la libération de David Huerta, le chef du SEIU pour la Californie, une figure importante de la scène californienne. Agé de 58 ans, ancien agent d’entretien, le syndicaliste a été arrêté, vendredi, devant l’entrepôt d’une entreprise de vêtements soupçonnée d’employer des immigrés en situation irrégulière, où la police était venue perquisitionner. La justice lui reproche d’avoir fait obstruction à l’opération. Une vidéo le montre poussé à terre par un agent. Il a été légèrement blessé.
    L’administration Trump ignorait-elle qui il était ? A-t-elle voulu montrer, une nouvelle fois, que « nul n’est au-dessus de la loi fédérale » ? L’incarcération de M. Huerta a contribué au déclenchement des protestations désormais quotidiennes devant le centre de détention, dans Downtown LA. Elle a aussi suscité l’émotion des élus nationaux. En même temps qu’à Los Angeles, des manifestations ont eu lieu, lundi, à Washington, à Boston et à San Francisco pour réclamer sa libération.
    En début d’après-midi, David Huerta a été remis en liberté sous caution, mais il reste poursuivi pour complot empêchant l’action de la police fédérale. Un agent en civil a affirmé l’avoir vu consulter son téléphone et envoyer des messages, alors que des manifestants essayaient de tourner en rond devant la grille pour perturber les entrées. Pour Elizabeth Strater, il n’est pas surprenant que la mobilisation soit importante. « En Californie, on ne s’attaque pas au mouvement ouvrier », dit-elle. Les syndicats sont un facteur important d’intégration pour les Latinos. Ils offrent des bourses d’études aux enfants, des aides judiciaires, voire des possibilités de régularisation aux sans-papiers. « Est-ce que Trump se rend compte que les membres de la garde nationale qu’il a mobilisés sont, eux aussi, les enfants d’agents d’entretien ou d’ouvriers agricoles ? », interroge la responsable.
    Le Golden State est aussi l’Etat qui compte le plus grand nombre de personnes en situation irrégulière, notamment dans la Vallée centrale, où plus de la moitié des travailleurs agricoles sont sans statut légal. Mme Strater se moque des propos des partisans du président, qui prétendent « libérer » la Californie de ses « criminels » sans papiers. « Un Américain sur trente-cinq habite dans le comté de Los Angeles, souligne-t-elle. Et ils veulent nous libérer ? Mais l’Amérique, c’est nous ! »

    #Covid-19#migration#migrant#etatsunis#californie#politiquemigratoire#travailleurmigrant#syndicat#sante#migrationirreguliere#integration

  • Faux indépendants : #Deliveroo fait face à une pluie de #condamnations

    Plusieurs dizaines de décisions rendues récemment par la cour d’appel et les prud’hommes confirment que la plateforme de livraison aurait dû faire travailler les #livreurs en tant que #salariés, et non comme #autoentrepreneurs. L’entreprise assure que son modèle actuel est désormais légal.

    Année après année, et quel que soit le type de juridiction, la justice française dresse le même constat : la plateforme de livraison de repas Deliveroo aurait dû traiter comme des salarié·es les livreurs et livreuses qui, pendant des années, ont apporté leurs repas et leurs courses aux consommateurs et consommatrices.

    En les obligeant à exercer en tant qu’autoentrepreneurs alors qu’elle les maintenait dans une situation de #subordination, l’entreprise leur a fait porter le coût des #cotisations_sociales qu’elle aurait dû verser à l’Urssaf et les a privé·es des avantages liés à un #contrat_de_travail : paiement des heures supplémentaires, congés payés, droit au chômage, meilleure couverture sociale.

    Le 28 mai, la cour d’appel de Paris a rendu vingt-deux décisions donnant tort à Deliveroo et requalifiant en contrats de #travail les contrats liant l’entreprise à autant de livreurs ou livreuses. En première instance, l’entreprise avait été victorieuse dans plusieurs de ces dossiers. Neuf autres décisions, qui iront sans doute dans le même sens, sont attendues pour le mois de juillet.

    Interrogée par Mediapart, la société Deliveroo n’a pas indiqué qu’elle se pourvoirait en cassation, ces condamnations sont donc définitives. Tout comme vingt-quatre jugements prud’homaux de première instance, rendus en janvier dernier : Deliveroo avait fait appel des décisions, mais a renoncé à rendre ses conclusions à temps, laissant la procédure s’éteindre d’elle-même. Dans l’un de ces derniers dossiers, un livreur avait été licencié pour avoir fait grève, un droit pourtant à valeur constitutionnelle.

    La situation est embarrassante pour l’entreprise, dont la revente à #DoorDash, géant américain de la #livraison de repas, est en passe d’être finalisée, pour 3,4 milliards d’euros. En parallèle, une autre chambre de la cour d’appel a donné raison à quatre livreurs ayant travaillé pour #Foodora, une autre entreprise de livraison qui a quitté la France en 2018 et qui sera jugée au pénal courant 2026.

    L’avocat Kevin Mention, à la manœuvre dans tous ces dossiers, savoure en revanche le moment. « Ces décisions nous permettent d’affirmer que 100 % de nos recours sont favorables aux #coursiers après correction des quelques jugements de première instance, rendus par des juges non professionnels », se réjouit celui qui est un opposant historique à l’ubérisation des livreurs et coursiers.

    Il y a trois ans, le 22 avril 2022, Deliveroo avait été condamnée au pénal à 375 000 euros d’#amende pour les même faits : « le détournement planifié et généralisé » du #statut_d’indépendant entre 2015 et 2017, à une époque où l’entreprise s’installait en France et faisait donc travailler peu de monde – un peu plus de 2 000 personnes, contre au moins 60 000 aujourd’hui.

    En septembre 2022, trois des anciens dirigeants de l’entreprise ont vu leur #condamnation à des amendes confirmées en deuxième instance, tandis que leurs peines de prison ont été annulées. Deliveroo avait, elle, renoncé à faire appel.

    Volonté d’échapper aux cotisations

    Les jugements d’appel rendus fin mai concernent cette fois des dossiers individuels. « La cour d’appel a fait un travail énorme, en citant explicitement dans chaque cas plusieurs pièces issues des dossiers, là où des affirmations plus générales auraient été suffisantes, souligne Kevin Mention. J’y vois une volonté de montrer qu’elle accorde une importance à ces dossiers et que tout a été analysé avec précision. »

    Au fil des décisions, les juges ont pointé un à un les nombreux critères montrant que les livreurs n’étaient pas de vrais #travailleurs_indépendants.

    « Le livreur ne fixe pas librement ses tarifs, ne se constitue aucune clientèle propre, n’organise pas son travail, est contrôlé et est sanctionné dans le choix de ses horaires. Il est en outre soumis à une régularité de travail, sans qu’aucun élément ne permette d’établir qu’il choisisse lui-même ses horaires de connexion », écrivent-ils par exemple.

    « Les éléments relevés dénotent la direction et le contrôle exercés sur les livreurs qui font de ces derniers des #salariés », soulignent-ils ailleurs. Et ils rappellent les conséquences financières de cette stratégie, maintenue année après année : « L’évolution des contrats de prestations au fil des années alors que le fonctionnement de la société est resté le même établit la volonté de la société Deliveroo d’échapper au paiement des cotisations pour les livreurs qui étaient sous la subordination juridique de l’entreprise. »

    L’entreprise est donc tenue de payer elle-même les dizaines de milliers d’euros de cotisations sociales qu’elle s’était épargné de régler jusque-là. Quant aux livreurs et livreuses, ils et elles obtiennent chacun·e des dizaines de milliers d’euros – avec un record à presque 130 000 euros – sous forme de rattrapage d’heures supplémentaires non payées, de congés payés, de préavis de licenciement et d’indemnités diverses.

    « C’est une forme de #reconnaissance. J’ai été victimisée pendant des années, et là, la justice reconnaît notre souffrance », souffle Marie*, une intermittente du spectacle qui, la soixantaine passée, a enfourché son vélo en région parisienne de 2017 à 2021 « pour gagner des clopinettes ». Pendant plusieurs mois, elle a travaillé plus de quatre-vingts heures par semaine, « juste pour gagner le Smic », pleinement consciente de vivre « un #cauchemar ». Un mot qui revient avec insistance dans son témoignage.

    « Vous devenez une #esclave pour 30 euros par jour, vous entrez dans un #engrenage où vous bossez tout le temps, la nuit, le week-end. Tout en sachant que la manière dont l’entreprise vous fait travailler est illégale, témoigne-t-elle. Ils voulaient que je sois autoentrepreneuse pour ne pas payer de charges, mais ils me maintenaient en même temps dans une forme de #dépendance vis-à-vis d’eux. Ils voulaient gagner sur tous les tableaux. »

    Marie avait été déboutée aux prud’hommes, mais a gagné en appel, « très contente qu’ils se fassent démolir par la justice ». Plus flegmatique, Marc* est dans la même situation. Lui travaillait à scooter dans le Sud-Ouest, entre 2017 et 2021. « Le soir où ils ont supprimé mon compte de livreur, soi-disant parce que j’avais fait des doubles courses pour Deliveroo et Uber en même temps, j’ai écrit à Me Mention, dont j’avais repéré les messages dans les groupes de messageries de livreurs, raconte-t-il. J’étais confiant, la condamnation de l’entreprise est amplement méritée. »

    L’administration a validé le modèle actuel de Deliveroo

    Si elle ne s’étend pas sur les décisions de justice, Deliveroo insiste sur le fait que « les livreurs concernés par cette décision opéraient, pour l’essentiel, via un contrat historique », ancien. Depuis, assure la société, « le modèle opérationnel de Deliveroo a profondément changé et a été reconnu par les pouvoirs publics comme reposant sur une collaboration avec de véritables prestataires indépendants ».

    Cette question est au cœur du débat. Pour la plateforme de livraison, les raisons pour lesquelles elle a été condamnée pour ses pratiques de 2016 et 2017 ont disparu, et il n’existe plus de lien de subordination, et donc de contrat de travail entre elle et les livreurs et livreuses. Depuis 2020, elle a notamment supprimé les plannings et les différentes catégories de livreurs et livreuses qui pouvaient s’y inscrire en priorité ou non.

    Les sanctions en cas de refus de course ou de retards ont aussi officiellement disparu, tout comme les instructions directes pendant une course. C’est d’ailleurs ce qu’attestent des constats d’huissiers, établis en 2023, qu’elle a présentés dans les dossiers jugés par la cour d’appel – ils n’ont pas été pris en compte puisqu’ils concernent une époque postérieure aux faits qui étaient jugés.

    Mais l’avocat Kevin Mention prend ces affirmations avec circonspection. « Les jugements que nous avons obtenus concernent des faits qui se sont déroulés bien après ceux qui ont été jugés au pénal, et qui concernaient les débuts de l’entreprise jusqu’en 2017, rappelle-t-il. Nous parlons de coursiers qui ont commencé à travailler en 2018 ou 2019, et ils disposent de nombreux éléments montrant qu’au fond, les pratiques de Deliveroo n’ont pas changé. Les contrôles sur la vitesse et le parcours perdurent, par exemple. »

    Sur ce point, Deliveroo est ferme et met en avant un soutien de poids : « L’administration a reconnu que le modèle actuel de Deliveroo proposait bien un véritable #travail_indépendant, ce dont nous nous réjouissons », déclare la plateforme. Selon nos informations, elle a en effet obtenu que l’#Urssaf donne officiellement son accord concernant son modèle actuel, comme elle l’a affirmé à plusieurs reprises lors de diverses audiences.

    Cette prise de position de l’Urssaf est un revirement spectaculaire. C’est en effet cette administration qui avait lancé la procédure ayant finalement abouti au procès pénal de 2022. Et comme Mediapart l’avait raconté, elle avait aussi adressé au parquet de Paris un signalement pour la période postérieure. Elle avait aussi envoyé à l’entreprise une très lourde demande de redressement d’au moins 100 millions d’euros, visant à lui faire payer les cotisations sociales pour les dizaines de milliers de livreurs et livreuses dont elle estimait à l’époque qu’ils et elles auraient dû être salarié·es.

    Une menace existentielle pour Deliveroo, qui avait entamé avec l’Urssaf des négociations sous haute tension, embauchant comme avocat le maire de Meaux et ancien ministre Jean-François Copé et nommant une administratrice judiciaire pour mener les discussions en toute confidentialité.

    L’entreprise a désormais clos ce chapitre et envisage l’avenir de manière bien plus sereine. Elle se prépare tout de même à affronter d’autres épisodes judiciaires : d’ici l’automne prochain, une centaine de décisions concernant des livreurs et livreuses auront été rendues par les prud’hommes et la cour d’appel. Et surtout, Kevin Mention prépare le dépôt d’une #plainte pénale sur les pratiques de Deliveroo pour la période post-2017. Il annonce avoir réuni plus de cent ex-forçats des livraisons, prêts à unir leurs forces contre la plateforme.

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/090625/faux-independants-deliveroo-fait-face-une-pluie-de-condamnations
    #ubérisation #justice #droit_du_travail #exploitation

  • Travailleurs sans-papiers : la nouvelle liste des métiers en tension a été publiée - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/64721/travailleurs-sanspapiers--la-nouvelle-liste-des-metiers-en-tension-a-e

    Travailleurs sans-papiers : la nouvelle liste des métiers en tension a été publiée
    Par Romain Philips Publié le : 22/05/2025
    La liste des dizaines de métiers en tension en France, base de référence pour accorder des titres de séjour aux travailleurs en situation irrégulière, a été publiée ce jeudi au Journal officiel. Cette version finale était très attendue mais ne convainc toujours pas les partenaires sociaux et collectifs de sans-papiers.
    Le gouvernement français a publié jeudi 21 mai la liste actualisée des métiers en tension. Elle énumère les quelque 80 métiers en manque de main-d’œuvre et doit permettre aux travailleurs étrangers de prétendre à un titre de séjour en France s’ils justifient de 12 mois de bulletins de salaire au cours de 24 derniers mois et trois ans de résidence en France.
    Disposition de la loi immigration de 2024, ce document vient remplacer la liste établie en 2021 et doit être mis à jour chaque année. Comme avant - et jusqu’à fin 2026 - les agriculteurs salariés", « infirmiers », « aides à domicile et aides ménagères », « aides de cuisine », « cuisiniers », « employés de maison et personnels de ménage », « maraîchers/horticulteurs salariés », ainsi que les employés de l’hôtellerie et du secteur du bâtiment figurent, entre autres, parmi les métiers dits « en tension » dans toutes les régions de France.
    Ce qui change, ce sont les métiers en tension selon les régions. C’est le cas des géomètres, recherchés en Normandie, des tuyauteurs en Ile-de-France ou des « ingénieurs et cadres télécommunications » dans les Hauts-de-France.
    « Enfin ! Ça faisait des mois et même des années qu’on l’attendait. Je pense à tous ces employeurs et ces salariés sous alias qui attendaient cette liste pour déposer leur dossier de demande de régularisation. C’est un soulagement pour eux », a réagi Franck Trouet, délégué général du Groupement des hôtelleries et restaurations (GHR) auprès de l’AFP. Selon France Travail, le besoin de main-d’œuvre dans ce secteur en 2025 est estimé à 336 000 emplois (CDI et CDD de plus de six mois) avec des « difficultés » de recrutement pour la moitié d’entre eux.
    S’il reconnait de « bonnes choses », comme la présence des aides à domicile et ménagères en Ile-de-France ajoutée sur la nouvelle liste, Jean-Albert Guidou, secrétaire général de l’union locale de la CGT à Bobigny (Seine-Saint-Denis) regrette toutefois « l’absence de pans entiers de l’économie où se trouvent une grande majorité de travailleurs sans-papiers ». En Ile-de-France par exemple, « le gros-œuvre du bâtiment, une grosse partie de la restauration, la logistique ou les déchets » ne sont pas dans la liste, réagit-il auprès d’InfoMigrants.
    « Cette liste devait être établie sur la base du nombre de travailleurs étrangers dans les secteurs économiques. Quand on reprend la liste, on s’aperçoit que ce n’est pas le cas », tance-t-il. Les aides de cuisine ou les serveurs sont recherchés dans toutes les régions, sauf l’Ile-de-France, principale région touristique du pays, avec des milliers de restaurants, « où les cuisines sont remplies de personnes en situation irrégulière », dit-il.
    Il cite également les métiers du nettoyage. Dans ce secteur, 95 100 actifs sont des immigrés, ce qui représente 45,8% du secteur, selon une enquête de l’Insee en 2022. « Entre les annonces au moment du projet de loi sur la liste et la réalité de ce qui sort aujourd’hui, il y a un fossé énorme. C’est une liste qui a pour objectif de laisser ces travailleurs dans la situation d’irrégularité qu’ils connaissent déjà aujourd’hui », dénonce le syndicaliste.
    Des postes qualifiés (ingénieur, cadre, agent de maîtrise, informaticien...) figurent dans la liste francilienne, des secteurs qui ne sont pas occupés par les travailleurs en situation irrégulière. « Les sans-papiers sont très peu à avoir les compétences pour ces métiers-là », explique à InfoMigrants Kemoko Sow, membre de la CSP75 (Coordination des sans-papiers de Paris).
    « Il faut faciliter la tâche aux sans-papiers qui travaillent, pas la compliquer », ajoute-t-il, très peu soulagé par la publication du document. Il craint même de voir les conditions de travail de sans-papiers se dégrader des certains secteurs car "pour les métiers qui ne sont pas dans la liste, l’obtention du titre de séjour sera plus difficile donc ça va pousser les employeurs à profiter de notre
    Pour la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, « cette nouvelle liste permet de répondre aux difficultés de recrutement persistantes, tout en favorisant l’intégration des personnes déjà présentes sur notre territoire ». Elle est « le fruit d’un dialogue social approfondi et attentif » qui « articule les exigences du marché du travail, les réalités humaines et les priorités économiques du pays », pour la ministre chargée du Travail et de l’Emploi Astrid Panosyan-Bouvet.
    Des négociations ont eu lieu mais « elles n’ont rien donné », selon Jean-Albert Guidou, rappelant que la liste « est fondamentalement la même que celle présentée avant les discussions ». Entre les deux listes, les « ouvriers qualifiés de la maintenance en mécanique » ont été ajoutés en Bretagne et les « pêcheurs, aquaculteurs salariés » l’ont été en Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire.
    Fin février dernier, une réunion entre syndicats et le gouvernement avait été organisée. « On a senti un ministère du Travail dans l’embarras lors de la réunion. Ils ont demandé nos remarques mais il n’y a pas eu de suite, sauf un courrier. Le ministre de l’Intérieur a imposé sa patte. Comme Retailleau l’avait annoncé quand il était sénateur, il ne veut pas de régularisation sous forme de métiers en tension », estime le syndicaliste.
    La secrétaire nationale de la CFDT en charge des politiques migratoires Lydie Nicol a, elle aussi, dénoncé auprès de l’AFP « une concertation qui n’en a eu que le nom ». « Cette liste tombe au moment où il faudrait déjà discuter de sa mise à jour annuelle (...) ce qui prouve que le gouvernement joue la montre afin de ne pas mettre en œuvre la seule mesure de la loi immigration permettant d’améliorer la régularisation par le travail », a estimé la représentante syndicale.

    #Covid-19#migrant#migration#france#politiquemigratoire#regularisation#economie#metierentension#travailleurmigrant#sante#droit

  • Invisibles

    Invisibles raconte des métiers mal connus, des parcours ignorés, des corps et des esprits abîmés. Des métiers dits « essentiels » et pourtant, les moins valorisés socialement et économiquement. À travers des récits intimes, cette série documentaire sonore met en lumière ce que certaines formes de travail font à nos vies et interroge nos responsabilités collectives. À qui profite cette #invisibilisation ? Qu’est-ce que ces récits racontent de notre système ?

    https://www.blast-info.fr/podcasts/invisibles-X4cDgcbvSW6qbsX-wTW3aA
    #travail #invisibilisation #récits #responsabilité
    #audio #podcast #sans-papiers #travailleurs_sans-papiers #égoutiers #métiers #pénibilité #retraite #BTP #métiers_en_tension #régularisation #stigmatisation

    ping @karine4

  • New report predicts surge in unexplained migrant worker deaths in Saudi Arabia

    A FairSquare report published today has found that there is a critical absence of effective policies and processes to determine the cause of migrant worker deaths in Saudi Arabia, and concluded that the surge of construction associated with projects such as NEOM and the 2034 men’s World Cup will in all likelihood lead to thousands of unexplained deaths of low-paid foreign workers in the country.

    A separate, independent investigation by Human Rights Watch, also released today, found that Saudi authorities have failed to adequately protect workers from preventable deaths, investigate workplace safety incidents, and ensure timely and adequate compensation for families.

    “Hundreds of thousands of young men, many of whom have young families, are being pitched into a labour system that poses a serious risk to their lives, a medical system that doesn’t have the capacity to determine the cause of their deaths, and a political system that doesn’t appear to either protect them or find out how they died, let alone compensate the families shattered by Saudi Arabia’s negligence,” said FairSquare co-director James Lynch.

    “While FIFA praises Saudi Arabia to the rafters and highly-paid western law firms generate vast profits for curating Saudi’s reputation, children in places like Nepal grow up without their fathers and never even learn how they died.”

    Underlying Causes: unexplained migrant worker deaths in Saudi Arabia is based on medical and government documentation relating to the deaths of 17 Nepali men in Saudi Arabia in 2023 and 2024 and a comprehensive examination of government data and peer-reviewed articles that address serious shortcoming in both occupational health and safety and medico-legal investigations in Saudi Arabia. The report also documents the emotional and economic impact of the deaths on the men’s families, most of whom received no meaningful information on how their loved ones died, and none of whom received any compensation from Saudi Arabia.

    We have loans. We have taken loans from the village money lenders. We have 1 million rupees [$7250] that we took to pay for my medical bills. I don’t have to say more. I just need help.” 22-year old widow of Surya Nath

    The 17 men whose deaths are investigated in the report were aged between 23 and 57 and all worked in low-paid labour-intensive sectors of the economy. Five died in workplace accidents, and 12 died from diseases or conditions. In cases of five deaths resulting from workplace accidents, families received no information to suggest that investigations had taken place, despite varying amounts of circumstantial evidence indicating that employer negligence may have been a factor. The families of 8 of the 12 men whose deaths did not result from workplace accidents had no medical documentation and no information on the specific cause of their family member’s death.

    “They are forcing me to give my small house to them if I can’t pay the money back. Three or four moneylenders are pressuring me to give them my house. Whom should I give it to? If I can’t pay it soon, I’ll be homeless.” Father of 28-year-old construction worker Arbind Kumar Sah, killed by a vehicle that struck him while he was working. His death certificate states incorrectly that he was killed in a fall.

    The case of 39-year old Badri Bhujel sheds light on the serious failings in Saudi Arabia’s systems to certify deaths. Bhujel worked as a machine operator for Samsung C&T, a contractor constructing nearly 30km of tunnels for the proposed city of NEOM, in the north west of Saudi Arabia. According to a hospital-issued death certificate seen by FairSquare, the cause of Bhujel’s death on 11 April 2024 was “alveolar and parietoalveolar conditions”, and it also notes that Bhujel had been diagnosed with pulmonary tuberculosis two days prior to his death. This diagnosis is consistent with accounts given by Bhujel’s colleagues, who told FairSquare that five days before his death Bhujel suddenly vomited large amounts of blood while at work and was taken to hospital by ambulance. However, the death certificate issued by the Ministry of Interior states only that Bhujel died from a “natural death” and includes none of the information reported by the doctors who treated Bhujel.

    According to peer-reviewed medical research, “respiratory diseases are frequent in tunnel workers” and result from “a variety of exposures, including total and silica dust, diesel exhaust fumes and nitrogen dioxide.” FairSquare wrote to Samsung C&T on 20 March 2025 to inquire if they had initiated any investigation into the circumstances of Badri Bhujel’s death, but at the time of publication they have not responded.

    The report found numerous structural and systemic problems in the manner in which Saudi Arabia’s medico-legal system investigates deaths and almost complete lack of transparency over the numbers and causes of non-Saudi deaths:

    - Saudi Arabia’s government ministries provide no information that allows for meaningful analysis of the numbers and circumstances of deaths.

    – Death certification documents issued by the Ministry of Interior in cases of deaths of non-Saudi Arabian nationals often do not reflect information contained on medical death certificates and appear to state the cause of death in all non-violent deaths as “natural death”.

    - A 2019 study by a Saudi pathologist examined all death certificates from a Riyadh hospital between 1997 and 2016 and found that in 100% of cases the cause of death was “either incorrect or absent” and that in 75% of cases there was no cause of death at all.

    – A 2022 peer-reviewed academic paper by five physicians from King Saud University, described how ”the medical environment [in Saudi Arabia] is generally opposed to autopsy” and found that “there is no system for medical autopsies and no training program that trains pathologists to do medical autopsy.”

    “It’s very difficult for me now. We don’t have a person to earn money now. How can I feed my children? They all are small” Widow of Sitaram Das, who left behind five children all under 15.

    https://www.youtube.com/watch?v=Z-IZa32q5kE

    https://fairsq.org/saudi-arabia-migrant-deaths
    #travailleurs_étrangers #Arabie_Saoudite #exploitation #migrations #décès #rapport #mourir_au_travail

  • Kenya : accusées d’escroquerie, 32 agences chargées d’envoyer des travailleurs à l’étranger ont été radiées
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/05/14/kenya-accusees-d-escroquerie-32-agences-chargees-d-envoyer-des-travailleurs-

    Kenya : accusées d’escroquerie, 32 agences chargées d’envoyer des travailleurs à l’étranger ont été radiées
    Par Arthur Frayer-Laleix (Nairobi, correspondance)
    Gulfway Recruitment Company, Royal Capital Placement, Geoverah Agency… Tels sont les noms de quelques-unes des 32 agences de placement de travailleurs à l’étranger qui viennent d’être interdites par les autorités au Kenya. Elles opéraient dans le cadre d’un vaste programme gouvernemental, « KaziMajuu », créé en 2023 pour aider la jeunesse à trouver du travail hors des frontières. Le terme, contraction de kiswahili et d’argot de Nairobi, signifie littéralement « travail à l’étranger ».
    L’annonce de la radiation des 32 sociétés a été faite mardi 6 mai par Alfred Mutua, le ministre du travail, alors qu’il était auditionné par une commission sénatoriale au sujet d’une vaste escroquerie à l’emploi de centaines de jeunes aspirant au départ. A la recherche d’un travail, ces derniers ont versé aux agences de placement l’équivalent de plusieurs centaines d’euros sans jamais recevoir de contrepartie.
    Plusieurs victimes venues témoigner devant les sénateurs de la commission ont livré les détails de l’arnaque. John Mwangi, employé sur des chantiers, et Calvin Nyamweya, un ouvrier à qui il avait été promis un travail au Qatar, ont raconté qu’après avoir passé plusieurs entretiens fructueux, des agents leur ont demandé 15 000 shillings kényans (103 euros) pour des examens médicaux.
    Godfrey Githae, un candidat à qui il a été proposé un poste de charpentier en Irak, a expliqué aux parlementaires s’être rendu à une convocation quelques jours après un entretien d’embauche réussi. Sur place, il signe un courrier d’offre d’emploi… mais n’en reçoit aucune copie. Surtout, on lui demande de l’argent. « On m’a demandé de payer un total de 55 000 shillings : 15 000 destinés aux frais médicaux et que j’ai dû emprunter à ma femme, et encore 40 000 censés servir, entre autres, au visa et à l’attestation. J’ai emprunté cette somme-là à une tante par alliance. » D’autres postulants, comme Frederick Keene, ont raconté avoir payé en argent liquide sans être recontactés ensuite.
    « Il s’agissait d’un programme gouvernemental. Pourquoi a-t-on demandé aux Kényans de payer de tels frais ? », a questionné la sénatrice Gloria Orwoba, membre de la commission parlementaire – à qui certains, comme le ministre du travail, ont reproché de ne pas être neutre et d’avoir des intérêts dans le dossier.
    « Ces agences existent depuis une vingtaine d’années au Kenya, mais leur nombre et leur visibilité ont augmenté sous la présidence de William Ruto, notamment parce qu’il a fait beaucoup de promesses à la jeunesse en matière de travail, estime Dauti Kahura, journaliste politique indépendant. Les autorités ne font pas le travail de vérification et d’enquête pour savoir si ces agences sont sérieuses ou non. » Même constat chez l’analyste politique Njahira Gitahi : « Une majorité de ces agences sont apparues ces deux dernières années avec l’administration Ruto. Leurs créateurs y ont vu un moyen de se faire de l’argent, surtout ceux qui étaient proches du gouvernement. »
    Durant sa campagne électorale victorieuse de 2022, William Ruto n’avait cessé de se présenter en candidat des « petites gens » face aux élites, développant un discours tourné vers les jeunes sans emploi, notamment les « hustlers », ces travailleurs de l’économie informelle. Il avait avancé le chiffre de 5 000 Kényans partant à l’étranger chaque semaine. « M. Ruto est le premier président à pousser officiellement les Kényans à trouver du travail ailleurs. Des programmes de formation spécifique ont même été mis en place par le gouvernement », explique Njahira Gitahi. Récemment, dans la ville de Mombasa, un intérieur de demeure saoudienne a été reproduit à l’identique pour que les aspirantes femmes de ménage puissent s’y entraîner avant leur départ pour Riyad. Sur place, celles-ci se retrouvent souvent exploitées dans des conditions « épouvantables », comme l’a décrit Amnesty International dans un récent rapport.
    En novembre 2024, le ministre Alfred Mutua a promis d’envoyer « un million de Kényans travailler à l’étranger chaque année », notamment en Jordanie, en Australie, en Arabie saoudite, au Qatar et en Allemagne. Parmi les emplois proposés, des postes de chauffeur, de personnel de maison et de nettoyeur de voiture. « Ce chiffre d’un million est totalement fantaisiste. Il n’y a pas un million de jobs qui attendent les Kényans à l’étranger. Le gouvernement veut montrer qu’il essaie de faire quelque chose sur la question du chômage et pense qu’en avançant un chiffre aussi énorme, cela lui donnera de la crédibilité », juge Dauti Kahura.
    En septembre 2024, une vingtaine d’agences de recrutement avaient déjà été radiées par la National Employment Authority (NEA), l’institution publique délivrant les autorisations d’exercer. L’information avait été donnée par Edith Okoki, sa directrice générale, alors qu’elle était auditionnée par la commission des affaires de la diaspora et des travailleurs migrants de l’Assemblée nationale. Evoquant la multiplication soudaine du nombre d’agences, elle avait expliqué que « les deux dernières écoulées n’avaient pas été faciles » : « Certaines des personnes avec lesquelles nous avions des problèmes avaient accès à des personnalités importantes. D’autres, une fois radiées, tentaient de revenir sous d’autres noms (…) Il était difficile de réglementer certaines de ces agences de recrutement parce que certains de leurs propriétaires avaient des relations élevées dans les hautes administrations. »

    #Covid-19#migrant#migration#kenya#politiquemigratoire#emigration#sante#economie#travailleurmigrant

  • Kenya : accusées d’escroquerie, 32 agences chargées d’envoyer des travailleurs à l’étranger ont été radiées
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/05/14/kenya-accusees-d-escroquerie-32-agences-chargees-d-envoyer-des-travailleurs-

    Kenya : accusées d’escroquerie, 32 agences chargées d’envoyer des travailleurs à l’étranger ont été radiées
    Par Arthur Frayer-Laleix (Nairobi, correspondance)
    Gulfway Recruitment Company, Royal Capital Placement, Geoverah Agency… Tels sont les noms de quelques-unes des 32 agences de placement de travailleurs à l’étranger qui viennent d’être interdites par les autorités au Kenya. Elles opéraient dans le cadre d’un vaste programme gouvernemental, « KaziMajuu », créé en 2023 pour aider la jeunesse à trouver du travail hors des frontières. Le terme, contraction de kiswahili et d’argot de Nairobi, signifie littéralement « travail à l’étranger ».
    L’annonce de la radiation des 32 sociétés a été faite mardi 6 mai par Alfred Mutua, le ministre du travail, alors qu’il était auditionné par une commission sénatoriale au sujet d’une vaste escroquerie à l’emploi de centaines de jeunes aspirant au départ. A la recherche d’un travail, ces derniers ont versé aux agences de placement l’équivalent de plusieurs centaines d’euros sans jamais recevoir de contrepartie.
    Plusieurs victimes venues témoigner devant les sénateurs de la commission ont livré les détails de l’arnaque. John Mwangi, employé sur des chantiers, et Calvin Nyamweya, un ouvrier à qui il avait été promis un travail au Qatar, ont raconté qu’après avoir passé plusieurs entretiens fructueux, des agents leur ont demandé 15 000 shillings kényans (103 euros) pour des examens médicaux.
    Godfrey Githae, un candidat à qui il a été proposé un poste de charpentier en Irak, a expliqué aux parlementaires s’être rendu à une convocation quelques jours après un entretien d’embauche réussi. Sur place, il signe un courrier d’offre d’emploi… mais n’en reçoit aucune copie. Surtout, on lui demande de l’argent. « On m’a demandé de payer un total de 55 000 shillings : 15 000 destinés aux frais médicaux et que j’ai dû emprunter à ma femme, et encore 40 000 censés servir, entre autres, au visa et à l’attestation. J’ai emprunté cette somme-là à une tante par alliance. » D’autres postulants, comme Frederick Keene, ont raconté avoir payé en argent liquide sans être recontactés ensuite.
    « Il s’agissait d’un programme gouvernemental. Pourquoi a-t-on demandé aux Kényans de payer de tels frais ? », a questionné la sénatrice Gloria Orwoba, membre de la commission parlementaire – à qui certains, comme le ministre du travail, ont reproché de ne pas être neutre et d’avoir des intérêts dans le dossier.
    « Ces agences existent depuis une vingtaine d’années au Kenya, mais leur nombre et leur visibilité ont augmenté sous la présidence de William Ruto, notamment parce qu’il a fait beaucoup de promesses à la jeunesse en matière de travail, estime Dauti Kahura, journaliste politique indépendant. Les autorités ne font pas le travail de vérification et d’enquête pour savoir si ces agences sont sérieuses ou non. » Même constat chez l’analyste politique Njahira Gitahi : « Une majorité de ces agences sont apparues ces deux dernières années avec l’administration Ruto. Leurs créateurs y ont vu un moyen de se faire de l’argent, surtout ceux qui étaient proches du gouvernement. »
    Durant sa campagne électorale victorieuse de 2022, William Ruto n’avait cessé de se présenter en candidat des « petites gens » face aux élites, développant un discours tourné vers les jeunes sans emploi, notamment les « hustlers », ces travailleurs de l’économie informelle. Il avait avancé le chiffre de 5 000 Kényans partant à l’étranger chaque semaine. « M. Ruto est le premier président à pousser officiellement les Kényans à trouver du travail ailleurs. Des programmes de formation spécifique ont même été mis en place par le gouvernement », explique Njahira Gitahi. Récemment, dans la ville de Mombasa, un intérieur de demeure saoudienne a été reproduit à l’identique pour que les aspirantes femmes de ménage puissent s’y entraîner avant leur départ pour Riyad. Sur place, celles-ci se retrouvent souvent exploitées dans des conditions « épouvantables », comme l’a décrit Amnesty International dans un récent rapport.
    En novembre 2024, le ministre Alfred Mutua a promis d’envoyer « un million de Kényans travailler à l’étranger chaque année », notamment en Jordanie, en Australie, en Arabie saoudite, au Qatar et en Allemagne. Parmi les emplois proposés, des postes de chauffeur, de personnel de maison et de nettoyeur de voiture. « Ce chiffre d’un million est totalement fantaisiste. Il n’y a pas un million de jobs qui attendent les Kényans à l’étranger. Le gouvernement veut montrer qu’il essaie de faire quelque chose sur la question du chômage et pense qu’en avançant un chiffre aussi énorme, cela lui donnera de la crédibilité », juge Dauti Kahura.
    En septembre 2024, une vingtaine d’agences de recrutement avaient déjà été radiées par la National Employment Authority (NEA), l’institution publique délivrant les autorisations d’exercer. L’information avait été donnée par Edith Okoki, sa directrice générale, alors qu’elle était auditionnée par la commission des affaires de la diaspora et des travailleurs migrants de l’Assemblée nationale. Evoquant la multiplication soudaine du nombre d’agences, elle avait expliqué que « les deux dernières écoulées n’avaient pas été faciles » : « Certaines des personnes avec lesquelles nous avions des problèmes avaient accès à des personnalités importantes. D’autres, une fois radiées, tentaient de revenir sous d’autres noms (…) Il était difficile de réglementer certaines de ces agences de recrutement parce que certains de leurs propriétaires avaient des relations élevées dans les hautes administrations. »

    #Covid-19#migrant#migration#kenya#politiquemigratoire#emigration#sante#economie#travailleurmigrant

  • Pour Terra Nova, « sans les travailleurs immigrés, une partie essentielle de notre économie s’arrête »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/05/12/pour-terra-nova-sans-les-travailleurs-immigres-une-partie-essentielle-de-not

    Pour Terra Nova, « sans les travailleurs immigrés, une partie essentielle de notre économie s’arrête »
    Par Sidonie Davenel
    Sans les travailleurs immigrés, l’économie française vacille. Ce constat est connu. Mais dans un moment politique où la lutte contre le « désordre migratoire » se hisse en tête des priorités du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, il trouve rarement sa place dans le débat public. Or, pour maintenir la soutenabilité de son modèle social et économique, la France devra accueillir entre 250 000 et 310 000 étrangers supplémentaires par an à l’horizon 2040-2050. C’est ce qui ressort d’un rapport intitulé « Les travailleurs immigrés avec ou sans eux ? » publié par le centre de réflexion Terra Nova, lundi 12 mai.
    L’estimation se situe entre le niveau moyen de l’immigration légale des années 2010 (245 000 entrées par an) et celui de 2022 (331 000 premiers titres délivrés). Pas de hausse significative, donc, mais simplement une continuité dans le recours à l’immigration, qui « sera décisif dans les années et décennies qui viennent si l’on veut maintenir le ratio de soutien entre actifs et inactifs à un niveau raisonnable », écrivent l’essayiste Hakim El Karoui et l’économiste Juba Ihaddaden, précisant que « sans les travailleurs immigrés, une partie essentielle de notre économie s’arrête ». Cette nécessité est à lire dans un contexte démographique particulier : la population française vieillit, la natalité baisse. Parallèlement, les besoins en services essentiels grimpent et de nombreux secteurs peinent à recruter.
    Les scénarios envisagés par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) pour assurer une population active suffisante – un taux de fécondité à deux enfants par femme et un solde migratoire de 120 000 personnes par an – ne permettent pas « d’empêcher une telle dégradation ». Selon les projections dévoilées par le rapport de Terra Nova, « l’évolution de la fécondité ne jouera qu’un rôle marginal » dans la progression du nombre d’actifs et le solde migratoire – soit la différence entre les entrées et les sorties d’immigrés – fixé à 120 000 personnes permettrait seulement de « contenir la baisse de la population active ». Le nombre d’actifs « s’élèvera à 32,2 millions de personnes en 2040 », ce qui impliquerait d’augmenter le solde migratoire annuel à 139 318 personnes. Or, en tenant compte des sorties d’immigrés, le nombre total d’entrées nécessaires serait de 309 758 par an. Comment les atteindre ? « En inventant une nouvelle politique d’immigration, où le travail aura une place centrale », déclare Hakim El Karoui.
    De façon générale, les immigrés occupent majoritairement les postes que les employeurs n’arrivent plus à pourvoir. En Ile-de-France, ils représentent 61,4 % des aides à domicile, 60,8 % des ouvriers du gros œuvre et près de la moitié des personnels de nettoyage. A l’échelle nationale, ils constituent 39 % des employés de maison, 28 % des agents de sécurité et 22 % des cuisiniers. Leur présence est également essentielle dans des secteurs plus qualifiés : 14 % des ingénieurs informatiques sont des travailleurs immigrés.
    Le rapport s’attache aussi à détricoter le mythe d’un coût démesuré de l’immigration pour la société. La Seine-Saint-Denis, un territoire avec une forte proportion d’immigrés (31,4 % en 2024, selon les chiffres du ministère de l’intérieur), est par exemple hautement contributrice au financement du système solidaire français, du fait de sa population active importante. « La protection sociale dépend avant tout du travail, et non de l’origine des travailleurs », conclut Hakim El Karoui.
    Qu’en est-il de la tolérance des Français à l’égard de l’immigration de travail ? Le deuxième volet du dossier se penche sur cette question, à partir d’une enquête réalisée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) auprès de 2 000 personnes. L’enquête révèle d’abord que les Français sont très mal informés au sujet de l’immigration, et ce, « dans des proportions spectaculaires ». Ainsi, les trois quarts d’entre eux surestiment la part des immigrés dans la population, qui s’élève à 10,7 % en 2023, selon l’Insee : un gros tiers pense qu’elle est supérieure à 25 %, et un sur dix que plus d’un habitant sur deux est un immigré. Au total, 84 % des Français se trompent et 12 % « ne savent pas ». « Cette méconnaissance nourrit une anxiété généralisée », commente Hakim El Karoui.
    Plus éloquent encore : 89 % des répondants sous-estiment le taux d’emploi des immigrés. Une « erreur de perception » qui contribue à ancrer dans les esprits l’idée que les immigrés vivraient principalement des aides sociales. Or, les données exposées plus haut montrent l’inverse : 62,5 % d’entre eux exercent un emploi – souvent précaire – dans des secteurs délaissés par les travailleurs nationaux et pourtant essentiels au bon fonctionnement de l’économie.
    Par ailleurs, « l’opinion publique se montre bien plus favorable à l’immigration lorsqu’elle est associée au travail », toujours selon l’enquête du Crédoc. Ainsi, 77 % des Français estiment qu’un travailleur étranger cotisant depuis plusieurs années mérite d’obtenir la nationalité française et 66 % se disent favorables à la régularisation des sans-papiers exerçant des métiers en tension. Des opinions qui entrent en dissonance avec la circulaire révélée le 5 mai par Bruno Retailleau, visant au contraire à limiter les naturalisations et à diminuer considérablement les régularisations.
    Pour Hakim El Karoui, ces résultats révèlent une ambivalence : si l’immigration est souvent présentée comme « un problème qui n’a pour seul destin que d’être combattu », elle est plus facilement acceptée lorsqu’elle est associée à une contribution concrète à l’économie et à la société. Une brèche dans laquelle se glisser pour ouvrir « un discours politique plus lucide et rationnel, fondé sur les faits et non sur les fantasmes ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#economie#regularisation#travailleurmigrant#sante#politiquemigratoire

  • Dans la Creuse, #Manssour_Sow, ouvrier agricole sans papiers, est suspendu à la décision de la #préfecture

    Cet exilé mauritanien travaille dans trois fermes et permet de nourrir de nombreux habitants, participant au « dynamisme » de tout un territoire. Mais depuis le 3 avril, il est assigné à résidence et menacé d’expulsion. Ses soutiens invitent les autorités à le régulariser.

    « Je n’aurais jamais cru en arriver là », soupire Manssour Sow. À l’autre bout du fil, le trentenaire se dit fatigué. Il explique qu’il « travaille », dans un métier en tension qui plus est, et qu’il a « tous les documents qui le prouvent ». « Je n’arrive pas à comprendre », dit-il.

    Quelques semaines plus tôt, cet exilé mauritanien a reçu un courrier de la préfecture de la Creuse, une convocation pour lui faire signer une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et une assignation à résidence (depuis contestée en justice). Manssour Sow avait déjà fait l’objet d’une OQTF en août 2022, après avoir vu sa première demande de régularisation rejetée.

    Finalement, « ils ne [lui] ont pas fait signer la nouvelle #OQTF, en disant que c’était une erreur ». Mais la première mesure d’éloignement étant toujours en cours (elles sont exécutoires durant trois ans depuis la loi Darmanin), il est assigné à résidence depuis le 3 avril, contraint de pointer chaque jour à la gendarmerie.

    « Ça me fait mal, c’est comme si j’étais un criminel. Cette situation m’empêche de dormir la nuit. » La gendarmerie étant éloignée de son lieu de vie, la préfecture a depuis accepté de réduire la fréquence des pointages à trois fois par semaine. De nombreux soutiens de Manssour Sow invitent la préfecture à réexaminer sa situation.

    Sollicités par Mediapart, ni les services de la préfète de la Creuse ni le cabinet du ministre de l’intérieur n’ont répondu à l’heure où nous publions cet article. Selon nos informations, la préfecture a accepté de prendre un nouveau dossier le 16 avril, après qu’une délégation a été reçue par le secrétaire général la semaine précédente. « On a compris que ce qui bloquait, c’était la circulaire Retailleau », raconte une source ayant participé à l’entrevue.

    Adressées aux préfets le 23 janvier, ces consignes venues du ministre de l’intérieur durcissent les conditions de régularisation des sans-papiers, en imposant un délai de présence en France de sept ans et l’absence d’OQTF pour toute demande. « La circulaire met la pression sur les préfets aujourd’hui. Peu importe la situation des gens, ils l’appliquent », poursuit cette source.
    Un secteur et un territoire qui peinent à recruter

    Le dossier de Manssour Sow n’est pas anodin : il se trouve à la croisée de plusieurs chemins, entre agriculture et monde rural, métiers en tension et régularisation des travailleurs sans papiers… Et c’est sans doute ce qui explique le soutien très large dont le jeune homme bénéficie depuis l’annonce de son assignation à résidence.

    « Tout le monde me connaît dans le coin », confie l’intéressé à Mediapart. « Quand les habitants ont appris ce qui lui arrivait, ils sont allés se rassembler devant la préfecture, et ce alors qu’ils ne sont pas forcément militants », complète Olivier Thouret, représentant de la Confédération paysanne creusoise.

    Ce dernier est témoin des difficultés de recrutement que connaît le secteur, notamment « pour les petites fermes en vente directe » – Manssour Sow travaille depuis deux ans dans trois fermes différentes dans la Creuse. Pour pouvoir tenir dans la durée, précise Olivier Thouret, « on a besoin d’emplois, parce que c’est aussi très chronophage ». Ces emplois ne sont pas toujours à temps plein, mais permettent d’assurer la « vivabilité » des fermes. Et « ni France Travail ni les services de remplacement ne permettent de trouver la polyvalence » dont elles ont besoin.

    « Le travail se passe bien, raconte Manssour Sow. Je m’occupe des vaches laitières et des vaches limousines, mais aussi de la volaille et des cochons. Je dois les nourrir, les sortir, les soigner. Je fais plein d’activités différentes. » Il participe aussi à la fabrication de yaourts et de fromages vendus aux particuliers.

    L’une des fermes qui l’embauchent a également une serre pour le maraîchage ; une autre activité qu’il maîtrise. « Manssour est d’une polyvalence quasi extrême, commente Olivier Thouret. Cela montre sa volonté de s’adapter aux besoins locaux. »

    Selon Catherine Couturier, ancienne députée de la première circonscription de la Creuse (La France insoumise) ayant suivi le dossier de Manssour Sow, les services de la préfecture seraient « embêtés » par la situation, et par la mobilisation qui l’accompagne. Lors du rendez-vous auquel elle a participé, la délégation « a insisté sur les spécificités du métier et la difficulté que les fermes rencontrent pour trouver de la main-d’œuvre formée ».

    « On parle d’une agriculture qui fait de la vente directe, avec des marchés de proximité et des livraisons en épicerie dans de petits bourgs. Cela vient donc en contradiction avec les objectifs affichés par l’État », souligne-t-elle, comme pour le programme « villages d’avenir » et les projets alimentaires territoriaux (PAT).

    « Ces fermes participent à l’animation du territoire et apportent une dynamique sociale », reprend Olivier Thouret, qui rappelle que les marchés sont aussi l’occasion de se rencontrer, d’échanger et de s’alimenter en mangeant local. « On ne peut pas faire croire qu’en enlevant ce maillon de la chaîne [Manssour Sow – ndlr], ça continuera de fonctionner comme avant. »
    Une rencontre décisive

    Pour la société creusoise, perdre Manssour Sow serait une « catastrophe », estime Fabien, lui aussi paysan et atterré par la situation. « On nous parle sans arrêt de repeupler la Creuse, on a trois fermiers qui sont unanimes sur son savoir-faire, sa connaissance de la vie des sols et des bêtes… »

    Si Manssour Sow connaît aussi bien son métier, c’est parce qu’il était éleveur dans son pays d’origine, la Mauritanie, qu’il a dû quitter en 2019 après avoir vu ses terres accaparées par autrui. Son père a été emprisonné durant huit mois et a perdu la vie deux mois après sa libération, du fait de « mauvais traitements ».

    Manssour Sow fuit et vit un temps au Maroc, sans se douter une seconde, dit-il, qu’il gagnerait l’Europe un jour. « J’étais avec des amis d’enfance, du même village que moi, et ils ont décidé de partir parce qu’ils n’arrivaient plus à gagner leur vie au Maroc. »

    Après un passage par la rue à Paris, il rejoint un hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda) à Peyrat-le-Château (Haute-Vienne), heureux de s’éloigner des grandes villes pour retrouver le calme auquel il était habitué. Mais sa demande d’asile finit par être rejetée et il se voit contraint de quitter son lieu d’hébergement.

    Il est alors pris en charge par une association locale, qui lui propose une chambre. « Je faisais du bénévolat pendant ma demande d’asile, j’ai donc connu plein de gens, ça m’a aidé. » Il apprend également le français, qu’il maîtrise depuis.

    Une rencontre change le cours de sa vie alors qu’il fait du stop au bord de la route : « Une dame qui m’a parlé des fermes alentour qui avaient besoin de travailleurs déjà formés. » Il fait alors un stage découverte. « Je suis né et j’ai grandi avec les animaux, ils ont tout de suite vu que je connaissais le métier. »

    Membre de Réseau éducation sans frontières (RESF) et mère de l’une des employeuses de Manssour Sow à Maisonnisses, Pierrette Bidon vante ses qualités. « C’est quelqu’un de discret et de droit, qui aime son travail et sait faire énormément de choses. Il est décrit comme un “pilier” par l’un de ses collègues. »
    Une première tentative de régularisation qui a échoué

    La retraitée se souvient des premières tractations avec la préfecture de la Creuse, lors du refus de sa demande d’admission exceptionnelle au séjour en 2022, doublé d’une OQTF. Le dossier est alors déposé « trop tôt », et ne remplit pas les conditions de la circulaire Valls – qui permettait, jusqu’à la circulaire Retailleau, de régulariser les personnes sans papiers selon divers motifs et critères précis.

    « Mais la préfète de l’époque avait accepté notre recours gracieux, et était prête à réexaminer sa situation si de nouveaux éléments étaient apportés. » Dont un CDI et des fiches de paie qui démontreraient son insertion professionnelle.

    Manssour Sow est embauché par trois fermes dans la foulée, début 2023, mais la préfète de l’époque est entre-temps remplacée. « Il a déposé une nouvelle demande en 2024 », témoigne Pierrette Bidon.

    En dehors de la circulaire Retailleau, Manssour Sow pourrait prétendre à un titre de séjour en vertu de la loi Darmanin, qui ouvre la voie à la régularisation pour les travailleurs des métiers en tension. Mais la demande reste sans réponse durant plusieurs mois.

    En juillet 2024, après une relance auprès de la préfecture, il lui est demandé d’envoyer le timbre fiscal pour compléter son dossier. « On pensait que c’était bon signe, mais il ne s’est rien passé ensuite », regrette Pierrette Bidon. Jusqu’à ce courrier l’invitant à se rendre en préfecture pour son assignation à résidence en 2025.

    « J’ai dit à la préfecture de ne pas me renvoyer en Mauritanie, car c’est dangereux pour moi là-bas », confie Manssour Sow, dont la mère et la petite sœur ont fui pour le Sénégal. « Je ne m’imagine pas quitter la France, mais ce n’est pas moi qui décide. Ça fait bientôt cinq ans que je vis ici et j’ai toujours été actif : on ne peut pas dire que je ne me suis pas intégré », conclut-il.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/170425/dans-la-creuse-manssour-sow-ouvrier-agricole-sans-papiers-est-suspendu-la-
    #sans-papiers #migrations #France #agriculture #élevage #dynamisme_territorial #assignation_à_résidence #expulsion #régularisation #travail #intégration_professionnelle #métiers_en_tension #Creuse #assignation_à_résidence #loi_Darmanin #criminalisation_de_la_migration #circulaire_Retailleau #travailleurs_sans-papiers #titre_de_séjour

    via @karine4

  • « En Russie, l’impact démographique de la guerre en Ukraine s’ajoute au déclin structurel de la population depuis la chute de l’URSS »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/04/12/en-russie-l-impact-demographique-de-la-guerre-en-ukraine-s-ajoute-au-declin-

    « En Russie, l’impact démographique de la guerre en Ukraine s’ajoute au déclin structurel de la population depuis la chute de l’URSS »
    Tatiana Kastouéva-Jean
    Directrice du Centre Russie/Eurasie de l’IFRI
    L’un des problèmes actuels de l’économie russe, reconnu par tous les hauts responsables, est le manque de main-d’œuvre. Fin 2024, plus de 80 % des entreprises russes déclarent éprouver des difficultés à recruter, dans un marché du travail où le taux de chômage est tombé à son plus bas niveau historique, 2,4 % en mars. Aucun secteur n’est épargné, y compris le complexe militaro-industriel dans lequel l’Etat russe investit massivement depuis 2022.
    Pour faire face, les employeurs proposent des salaires de plus en plus attractifs, alimentant l’inflation. Ils révisent à la baisse le niveau d’exigence pour les recrutements, alors qu’aucun indicateur ne permet de constater une amélioration de la productivité du travail en Russie, qui représente un peu plus de la moitié de celle des Etats-Unis, selon une récente étude russe.
    Le manque de cadres, notamment, s’est aggravé avec la guerre en Ukraine : des centaines de milliers de personnes combattent au front ou comptent déjà parmi les morts et les blessés. Jusqu’à 1 million de personnes auraient quitté le pays pour échapper au durcissement du régime ou à la mobilisation militaire.Cet impact démographique de la guerre s’ajoute au déclin structurel de la population depuis la chute de l’URSS. Le faible taux de natalité des années 1990 a abouti à des générations creuses qui font aussi peu d’enfants. Selon l’agence fédérale des statistiques, Rosstat, on comptait plus de 12 millions de Russes entre 15 et 19 ans en 2001, mais seulement 7,8 millions en 2024. Et l’annexion de la Crimée et des quatre régions ukrainiennes, intégrées dans les statistiques russes depuis 2023, ne corrige pas la tendance de fond.
    L’immigration pourrait être une réponse. Mais l’arrivée de travailleurs étrangers – venant majoritairement de pays d’Asie centrale, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kirghizistan – est perçue avec méfiance par la population russe. Après l’attentat sanglant du Crocus Center en mars 2024, commis par des ressortissants tadjiks, plus de 80 000 migrants en situation irrégulière ont été expulsés, soit deux fois plus qu’en 2023.La plupart des migrants sont mal intégrés en Russie : sous-payés et ayant peu de droits, ils vivent souvent en communautés closes, qui sont aussi parfois des foyers de radicalisation. Selon une décision récente, les écoles russes n’accepteront désormais plus les enfants ne maîtrisant pas la langue russe : une mesure qui risque d’accentuer l’isolement des communautés immigrées et de décourager les nouvelles arrivées.
    La situation pousse les autorités et les employeurs dans une recherche frénétique de solutions. Ceux de l’Extrême-Orient se tournent vers des pays plus exotiques comme, par exemple, la Corée du Nord ou la Birmanie pour le secteur du bâtiment. Plusieurs entreprises du textile ont commencé un transfert de la production vers l’Asie centrale. Une idée surprenante concerne le « visa idéologique » que les autorités russes proposent depuis août 2024 aux personnes qui fuient les politiques néolibérales de leurs pays natals et partagent les valeurs traditionnelles russes. A la différence des exigences pour les migrants centrasiatiques, ces visas ne demandent pas la maîtrise du russe. Depuis janvier 2024, un institut a vu le jour pour faciliter le retour des compatriotes partis à l’étranger. Il ne s’agit pourtant que de gouttes dans l’océan des besoins du marché du travail russe.
    La tension actuelle sur le marché du travail se combine à la réflexion sur la démographie de demain. Le président russe prône la famille nombreuse comme nouvelle norme. Des mesures natalistes – financements, avantages sociaux, accès facilité au logement – sont en vigueur depuis plusieurs années en Russie, mais n’apportent pas le résultat escompté. Le taux de fécondité y est actuellement de 1,41, malgré quelques exceptions régionales, comme en
    La diffusion des idées childfree [faire le choix de ne pas avoir d’enfant] ou des thématiques LGBTQ+ a été interdite en Russie. Le débat est régulièrement relancé sur l’interdiction de l’avortement, sans aboutir pour l’instant, car l’idée est peu populaire dans la société russe, qui, dans ses comportements, est proche du mode de vie occidental et n’apprécie pas l’ingérence de l’Etat dans ce domaine privé. Mais une dizaine de régions proposent des aides financières aux mineures enceintes pour les inciter à garder l’enfant.
    Il est légitime de douter du succès en temps de guerre des mesures natalistes qui n’ont pas apporté les résultats escomptés en temps de paix. Selon les prévisions médianes de l’ONU, si l’actuelle tendance démographique se poursuit en Russie, sa population se réduira à moins de 136 millions de personnes d’ici à 2050 (contre 144 millions en 2023). De quoi se poser des questions sur son développement économique, mais aussi ses ambitions de grande puissance.

    #Covid-19#migrant#migration#russie#demographie#guerre#economie#travailleurmigrant#asie#ouzbekistan#tadjikistan#kirghizistan#coree#birmanie

  • « Les migrations temporaires de travail » : un salariat bridé et exploité
    https://www.lemonde.fr/emploi/article/2025/04/10/les-migrations-temporaires-de-travail-un-salariat-bride-et-exploite_6593585_

    « Les migrations temporaires de travail » : un salariat bridé et exploité
    Par François Desnoyers
    Au cœur de l’Andalousie, les exploitations agricoles accueillent chaque année nombre de travailleurs étrangers. Dans les serres où l’on cultive des fraisiers, des femmes marocaines sont chargées de la récolte. Elles ont été préalablement sélectionnées sur un critère bien précis : ce sont des mères de famille dont les enfants sont restés au Maghreb. C’est, aux yeux des recruteurs, le moyen le plus sûr de s’assurer qu’« elles ne chercheront pas à s’installer en Espagne » une fois leur mission terminée. Une manière, pour les employeurs, de disposer des « profils les plus vulnérables », afin qu’ils ne soient « pas en situation de contester leurs conditions de séjour, d’emploi ou de travail ».
    Au fil du numéro « Les migrations temporaires de travail » de la Chronique internationale de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), un collectif de chercheurs dévoile les mécaniques à l’œuvre, en Espagne comme dans dix autres pays (Allemagne, Italie, Canada…), pour mettre au pas un « salariat bridé » et exploité, composé de femmes et d’hommes ayant quitté leur pays pour quelques semaines ou quelques mois.Les auteurs font en préambule le constat d’une forte augmentation, ces dernières années, de ces migrations de travail. Des déplacements favorisés, notamment, par « la volonté convergente des acteurs des politiques publiques de mettre en place une immigration de “travail sans travailleurs” pour répondre aux besoins des employeurs ». Un développement rendu également possible par « l’importante opacité générée par la multiplication des statuts, le sous-dimensionnement des possibilités de contrôle et l’absence réelle d’outils de suivi et d’évaluation ».
    De pays en pays, les auteurs nous expliquent comment ces travailleurs de l’agriculture, de la construction ou de la restauration sont placés dans des situations de forte dépendance à leur employeur. En cause, en particulier, les régimes de migration temporaire de travail qui prévoient, dans la plupart des cas, « la perte du droit de séjour en cas de rupture du contrat de travail ».
    Sur le terrain, les abus sont multiples. C’est le cas par exemple en Autriche, dans le secteur de l’aide à domicile, où la présence des travailleuses étrangères se révèle indispensable pour que les prestations sociales soient assurées. Heures supplémentaires non prises en compte, temps de pause non respectés… Ces femmes sont « surexploitées » dans « des proportions dantesques », juge Kevin Guillas-Cavan. Le chercheur associé à l’IRES décrit un système « délibérément organisé par le gouvernement, qui a mis en place un statut de fausse indépendance contraire au droit du travail autrichien et communautaire ».
    Que faire face aux droits non respectés, aux conditions de travail dégradées et, parfois, à la complicité silencieuse des autorités ? La revue décrit des organisations syndicales bien souvent impuissantes. « La position exigeant l’égalité de traitement [entre tous les travailleurs] reste souvent au niveau des principes », notent Axel Magnan et Antoine Math, chercheurs à l’IRES.
    Face à ce sombre tableau, les auteurs voient toutefois un signe d’espoir dans la capacité de certains de ces travailleurs migrants temporaires à s’organiser et à revendiquer leurs droits. En Allemagne, par exemple, où de « multiples infractions aux normes sociales » sont relevées, des « actes de résistance » ont lieu au quotidien : ralentissements de production, arrêts de travail spontanés… Avec, parfois, un impact. « La menace de la démission semble être l’arme la plus efficace pour contraindre l’employeur à des arrangements et des concessions, surtout dans un contexte marqué par une relative rareté de main-d’œuvre. »
    « Les migrations temporaires de travail », « Chronique internationale de l’Institut de recherches économiques et sociales », n° 188, coordonné par Axel Magnan et Antoine Math, 268 pages, 15 euros.

    #Covid-19#migrant#migration#travailleurmigrant#migrationtemporaire#economie#droit#sante

  • #Daniel_Veron : « Le #rejet social des #travailleurs_migrants renforce leur attrait économique »

    Les travailleurs migrants sont souvent perçus comme indispensables pour l’économie de leur pays d’accueil, tout en étant stigmatisés et désignés comme indésirables. Cette apparente contradiction n’en est pas une, explique le sociologue Daniel Veron, maître de conférences à l’université de Caen et auteur de Le travail migrant, l’autre délocalisation (La Dispute, 2024).

    C’est justement parce que ces travailleurs étrangers sont stigmatisés qu’ils sont corvéables à merci et que leur embauche est si intéressante pour les employeurs, rappelle-t-il en soulignant notamment qu’avec l’intérim et l’ubérisation, les travailleurs sans papiers sont toujours les premières victimes de la précarisation du travail. Ils en sont même les cobayes, avant extension à l’ensemble des travailleurs.

    Le chercheur, qui voit dans le travail migrant une forme de « délocalisation sur place » et discute la notion de « métiers en tension », propose quelques pistes pour lutter contre le dumping social et améliorer le sort de ces travailleurs.

    Vous avez étudié l’exploitation moderne du travail des étrangers dans plusieurs pays (Argentine, France et Canada). Quand est-elle apparue et pourquoi ?

    Daniel Veron : L’histoire du recours à des déplacements de populations pour exploiter leur travail est très ancienne, on pourrait la faire remonter à l’esclavage. Mais dans sa forme moderne, cela se joue entre le XIXe et le XXe siècle, concomitamment au développement des Etats-nations et des balbutiements de la protection sociale. Les premières lois organisant la migration de travail apparaissent en même temps que les premières règles protégeant les droits des travailleurs, afin justement de commencer à contourner ces régulations, en faisant en sorte soit qu’elles ne s’appliquent pas aux étrangers, soit que le statut infériorisé de ces popula­tions justifie qu’on les paye – et les traite – mal.

    En France, comment se sont construites les politiques d’immigration qui font des travailleurs migrants des « indésirables mais indispensables » ?

    D. V. : L’édifice des politiques migratoires commence à se structurer au moment de la Première Guerre mondiale. Dès cette période, il oscille entre deux pôles. D’une part, la nécessité économique : des secteurs ont besoin de cette main-d’œuvre étrangère. D’autre part, ces mêmes personnes sont rejetées et pointées du doigt : on dénonce leur caractère inassimilable, en particulier si elles sont originaires des colonies françaises.

    On retrouve cette double logique dans d’autres pays, au Canada par exemple, où, à la fin du XIXe siècle, la migration chinoise est perçue à la fois comme une menace pour l’ordre social et racial, et comme indispensable, pour la construction des chemins de fer notamment.

    Ce qui apparaît comme une contradiction n’en est pourtant pas une. C’est précisément parce que ces hommes et ces femmes sont stigmatisés qu’ils sont désirables, d’un point de vue économique. Face à la dégradation de leurs conditions de vie, ils n’ont d’autre choix que d’accepter des conditions de travail au rabais et des salaires moindres. Leur relégation comme citoyens de seconde zone justifie ce traitement. Le rejet social renforce donc l’attrait économique.

    Dans votre livre, vous défendez l’idée que le travail migrant est une forme de « délocalisation sur place » des activités économiques non délocalisables ­physiquement. Pouvez-vous expliquer ?

    « Pour un certain nombre de secteurs dont la production n’est pas délocalisable, une opération équivalente est à l’œuvre, avec l’embauche des travailleurs sans papiers »

    D. V. : J’emprunte cette expression à l’anthropologue Emmanuel Terray 1, qui l’a forgée dès les années 1990 à propos, déjà, des travailleurs sans papiers. Pour un certain nombre de secteurs dont la production n’est pas délocalisable (le bâtiment, le nettoyage, l’aide à la personne, etc.), une opération équivalente est à l’œuvre, avec l’embauche de ces employés. Ils n’ont ainsi pas accès aux acquis et avantages sociaux dont bénéficie la main-d’œuvre locale en pleine possession de ses droits.

    Il existe en outre des formes légales de contournement, comme le travail détaché dans l’Union européenne. Ce dispositif permet d’asseoir une partie de la relation de travail sur la législation d’un autre pays et, in fine, de baisser le prix de certains segments de main-d’œuvre. Ce sont les faces légale et illégale d’une même pièce. Dans le premier cas, l’absence de droits permet de payer moins cher certains travailleurs, tandis que dans le second, c’est un montage légitime.

    Cette logique de délocalisation sur place est au cœur des métiers dits « en tension », dont le gouvernement est en train d’actualiser la liste et qui servira de base de référence pour accorder des titres de séjour aux travailleurs en situation irrégulière…

    D. V. : Tout à fait. Mais il y a un écueil important autour de la définition des secteurs dits en tension. On peut tout d’abord se demander si ce leitmotiv de la pénurie de main-d’œuvre ne relève pas d’une dimension plus qualitative que quantitative, une façon de dire que celles et ceux qui occupent ces emplois de facto ne seraient pas assez compétents, ce qui justifie de les payer moins cher.

    Et de fait, les présences et absences sur ces listes interrogent. Certains secteurs ne font pas face à des pénuries de main-d’œuvre, justement parce qu’ils recrutent beaucoup de salariés sans papiers. Ils ne sont donc pas sur la liste, voire n’y ont pas intérêt. Pour d’autres au contraire, cela facilite les recrutements de main-d’œuvre étrangère. Enfin, d’autres n’y sont pas parce que cela déboucherait sans doute, aux yeux du gouvernement, sur « trop » de régularisations.

    Vous écrivez que « le travail migrant est en première ligne des stratégies contemporaines du capital pour fissurer les institutions salariales ». Comment ?

    D. V. : A partir des années 1970, on assiste en France à deux mutations concomitantes. D’un côté, la désindustrialisation et la transformation de l’appareil productif accélèrent les phénomènes de sous-traitance et le développement de l’intérim. L’emploi se précarise et les étrangers sont les premiers touchés : ils ont supporté près de la moitié des suppressions d’effectifs dans l’industrie automobile entre 1975 et 1990. Ils subissent également de plein fouet l’expulsion du marché primaire du salariat, c’est-à-dire de l’emploi protégé par le contrat en CDI, vers le marché dit secondaire, avec des statuts plus précaires.

    « Depuis les années 1970, les travailleurs sans papiers subissent les premiers le mouvement de précarisation du monde du travail »

    De l’autre côté, les étrangers sont vulnérabilisés administrativement puisque la France met fin à l’immigration de travail en 1974 et instaure des politiques plus restrictives, qui produisent de l’illégalisation. Ainsi, depuis les années 1970, les travailleurs sans papiers subissent les premiers le mouvement de précarisation du monde du travail. Intérim structurel, travail au noir ou à temps partiel et multi-emploi pour les femmes dans le secteur domestique notamment, ubérisation aujourd’hui : ils sont systématiquement en première ligne face aux nouvelles formes d’emploi précaire. Ces innovations se diffusent bien sûr à d’autres franges du salariat et viennent fragiliser la protection du travail en général ainsi que les institutions salariales dans leur ensemble.

    Face à ces assauts contre les droits des travailleurs sans papiers, que faire ?

    D. V. : A chaque fois, l’exploitation du travail migrant repose sur la production d’un différentiel de traitement et donc de prix entre deux segments de main-d’œuvre. Ce qui crée, par répercussion, un effet de pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail de tous les travailleurs.

    Si l’on veut lutter contre ces effets de dumping social, il faut donc remédier à tout ce qui crée un différentiel de prix du travail, qu’il soit justifié par des formes légales (comme le travail détaché), par l’absence de droit (comme pour les sans-papiers), mais aussi parfois par des logiques racistes ou sexistes. Il est donc totalement contre-productif, pour qui défend les droits des salariés, de rendre la vie impossible aux personnes clandestines, à qui on refuse le droit au séjour.

    La remise en cause de l’aide médicale de l’Etat (AME), une proposition récurrente, réduirait les possibilités d’un arrêt de travail en cas de soucis de santé par exemple, renforçant l’effet d’emprisonnement dans le travail. La suppression de l’AME favoriserait au final ce différentiel de traitement. Pour améliorer les conditions salariales et de travail de toutes et tous, il faut donc exiger l’égalité pleine et entière pour les sans-papiers.

    https://www.alternatives-economiques.fr/daniel-veron-rejet-social-travailleurs-migrants-renforce-attra/00114504
    #migrations #économie #travail #travailleurs_étrangers #stigmatisation #corvéables #interim #ubérisation #précarisation #conditions_de_travail #sans-papiers #travailleurs_sans-papiers #cobayes #délocalisation_sur_place #métiers_en_tension #dumping #exploitation #déplacements_de_populations #esclavage #migration_de_travail #régulations #droits_des_travailleurs #indésirables #main-d'oeuvre_étrangère #menace #indispensabilité #désirabilité #attrait_économique #droits #travail_détaché #détachement #titres_de_séjour #régularisations #immigration_de_travail #illégalisation #emploi_précaire #salaires #dumping_social

    ping @karine4

    • Le travail migrant, l’autre délocalisation

      Alors que les lois anti-immigration s’empilent, durcissant chaque fois un peu plus les conditions des travailleur·ses migrant·es, la main-d’œuvre étrangère s’avère pourtant toujours aussi indispensable dans de nombreux secteurs (BTP, restauration, nettoyage, travail à domicile, etc.). Le recours à ce « travail migrant » se fait au travers d’une variété de statuts, légaux ou non, qui permettent la mise au travail des personnes migrantes dans des conditions moins favorables et plus intensives que celles qui ont cours sur le marché du travail français. Travailleurs et travailleuses « sans-papiers », « temporaires » ou « détaché·es » : le recours au travail migrant apparaît bien comme une modalité particulière de mise en œuvre d’une forme de « délocalisation », à ceci près qu’elle s’exerce « sur place ».

      Daniel Veron montre comment cette surexploitation des travailleur·ses migrant·es s’affirme comme l’un des outils cruciaux d’une dégradation générale des conditions de travail. Dès lors, le seul horizon pour déjouer la pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail ne peut passer que par la lutte pour l’égalité des droits de toutes et tous.

      https://ladispute.fr/catalogue/le-travail-migrant-lautre-delocalisation
      #livre #travail_migrant #délocalisation

  • La transformation merveilleuse de la #classe_ouvrière en étrangers


    https://www.youtube.com/watch?v=0tzyT30dQ6Q

    Samir utilise des photos de famille privées, des animations, des clips musicaux et des documents d’archives inconnues pour raconter de manière divertissante l’histoire de la migration des pays du Sud voisins vers la Suisse, de l’après-guerre à nos jours.
    Alors que jusque dans les années 1950, le PS et les syndicats ont dirigé la #culture_ouvrière suisse, ces institutions ont petit à petit perdu leur importance et une nouvelle force est apparue, qui a façonné notre société jusqu’à aujourd’hui : la #migration_du_travail. Aujourd’hui, plus personne ne parle de « classe ouvrière ». Et le terme « #ouvrier » est devenu synonyme d’ « #étranger ».

    https://www.dvfilm.ch/fr/movies/documentaries/die-wundersame-verwandlung-der-arbeiterklasse-in-auslaender
    #film #documentaire #Suisse #travailleurs_étrangers #film_documentaire #Samir #immigration #travail #économie #Gastarbeiter #logement #baraquements #saisonniers #immigrés_italiens #xénophobie #racisme #italianité

  • ‘I hope this isn’t for weapons’ : How Syrian #data_workers train AI

    The development and training of AI systems depend on hundreds of millions of data workers. Many of them are situated or displaced from the Global majority, and are generally kept in the dark on how the data they produce will be used.

    I met Fatma in June 2019 in Sofia, Bulgaria. Four years prior, she had been forced to leave her home in Aleppo with her whole family: her mother, father, older brother, and two younger siblings. Fatma was 17 when her parents paid the equivalent of nine thousand euros to men who smuggled the seven family members in the back of a van across landscapes and borders, until reaching Finland via Sofia. The smugglers had promised a house and a car in Finland for the sum paid, but this promise went unfulfilled. Instead, after six months, Fatma’s family was deported to Bulgaria because their “fingerprints were registered in Sofia first.” “We lost everything to have a good life because our lives were in danger,” she lamented. “Were they in danger because of the war?” I asked. “It was personal,” she replied cryptically.

    Fast forward to 2019, and Fatma, now 21, was living with her family in a refugee camp in the Bulgarian capital. While assisting her father at the camp’s hairdressing salon, she also worked part-time for the data-labeling company where I was conducting fieldwork. Interestingly, she was recruited by the company at the refugee camp. Following initial training in “digital skills” and English, Fatma was ready to assume her role as a data worker. During our initial conversation, she was at the company’s office, seated alongside Diana, another Syrian asylum seeker who was engaged in labeling images of people based on race, age, and gender. In contrast, Fatma was immersed in a project that involved satellite images and semantic segmentation—a critical task for computer vision that involves the meticulous separation and labeling of every pixel in an image. This form of data work holds particular importance in generating training data for AI, especially for computer vision systems embedded in devices such as cameras, drones, or even weapons. Fatma explained that the task basically consisted of separating “the trees from the bushes and cars from people, roads, and buildings.” Following this segmentation, she would attach corresponding labels to identify each object.
    Data Work Requires Skill

    Explained in this manner, the work might seem trivial and straightforward. Such tasks fall under what is known as microwork, clickwork, or, as I refer to it, data work. This constitutes the labor involved in generating data to train and validate AI systems. According to the World Bank, there are between 154 million and 435 million data workers globally, with many of them situated in or displaced from the World Majority. They often work for outsourcing platforms or companies, primarily as freelancers, earning a few cents per piece or task without the labor protections, such as paid sick leave, commonly found in more traditional employment relationships. Data workers generate data through various means that range from scraping information from the internet to recording their voices or uploading selfies. Similar to Fatma, they frequently engage in labeling tasks. Additionally, data workers may contribute to algorithm supervision, such as rating the outputs of recommender systems on platforms like Netflix or Spotify and assessing their usefulness, appropriateness, and toxicity. In other instances, data workers might be tasked with plainly impersonating non-existing AI systems and be instructed to “think like a robot” while pretending to be a chatbot, for instance.

    Despite its crucial role in the development and maintenance of AI technologies, data work is often belittled as micro or small, involving only a few clicks, and dismissed as low-skill or blue-collar. In fact, the platform Clickworker, a prominent provider of on-demand data work, claims on its website that “the tasks are generally simple and do not require a lot of time or skill to complete.” However, this assertion is inaccurate. During my fieldwork in Bulgaria, for instance, I attempted to segment and label satellite imagery, finding it extremely challenging. The work demands precision when drawing polygons around different objects in the pictures, which is also strenuous on the eyes and hands. Moreover, it requires contextual knowledge, including an understanding of what vegetation and vehicles look like in specific regions. Following the segmentation and labeling process by Fatma and her team, a rigorous quality check is conducted by a woman in the client’s company. Fatma’s manager in Bulgaria mentioned that the quality control person was “remarkably fast with the quality check and feedback” and added, “She’s able to do this quickly because she knows the images and the ground.” While taking note of this, I wondered how well the quality controller knows the ground. Does she come from the area where these images were taken? Is she, like Fatma, a refugee? Has her displacement been leveraged as expertise?

    I asked Fatma if the satellite images she was working on could be of Syria. She said she thought the architecture and vehicles looked familiar. Staring at the screen, she whispered, “I hope this isn’t for weapons.” Neither she nor I could be certain.
    The Known and the Unknown

    Fatma’s fear of the satellite images being used for AI weapons is not unfounded. The proliferation of autonomous drones and swarm technologies has experienced exponential growth in recent years, facilitated by the integration of AI in reconnaissance, target identification, and decision-making processes. Illustrating a poignant example, facial recognition technologies have been utilized to uphold the segregation and surveillance of the Palestinian people, while automated weapons have played a crucial role in the ongoing genocide in Gaza. Companies like the Israeli SmartShooter boast about their lethal capabilities with the slogan “One Shot, One Hit.”

    Surveillance drones, predictive analytics, and decision support systems are utilized for strategic planning in “threat anticipation” and real-time monitoring along border regions. For instance, the German Federal Office for Migration and Refugees (BAMF) employs image biometrics for identity identification and voice biometrics for dialect analysis to ascertain asylum seekers’ country of origin and evaluate their eligibility for asylum. This system purportedly recognizes dialects of Arabic, Dari, Persian/Farsi, Pashto, and Kurdish. As revealed by BAMF in response to a query initiated by German MPs, data workers subcontracted through the platform Clickworker (the same platform that claims tasks are simple and low-skill) participated in producing the voice samples required to develop the system.

    Fortunately, the data company in Bulgaria has a strong policy in place to reject requests related to warfare technologies. Fatma’s manager explained that “we have rejected projects related to (…) training artificial intelligence for different types of weapon applications. So, I felt that this really did not fit with our social mission, and when I responded to the client, I said that we’re working with conflict-affected people, and that’s why (…) But it was also a kind of boycott of such projects to be developed at all.” She added that the satellite imagery labeled by the team had been commissioned by a central European firm developing autonomous piloting systems for air transportation, not weapons. This information correlates with the client’s website. However, the website also states that their technology is additionally used for unmanned aerial vehicles (UAV), commonly known as drones, with applications including surveillance.
    Workers’ Ethical Concerns

    Privacy infringements and the potential for discriminatory profiling are among the most obvious concerns related to AI systems applied to border surveillance and warfare. Despite these risks disproportionately affecting their own communities, sometimes with lethal consequences, most data workers are kept in the dark concerning the ultimate purpose of the data they contribute to producing. The outsourcing of data work to external organizations, often situated far away from the requesters’ geographical location, complicates workers’ efforts to navigate the intricate supply chains that support the AI industry. Instructions given to data workers seldom provide details about the requester or the intended use of the data. Consequently, most data workers do not know the name and nature of the companies seeking their services, the products that will be trained on the datasets they generate, or the potential impacts of these technologies on individuals and communities. AI companies frequently rationalize the veil of secrecy as a means of safeguarding their competitive edge.

    The fact that data workers are integrated into industrial structures designed to keep them uninformed and subject to surveillance, retaliation, and wage theft does not mean that they do not have ethical concerns about their work and the AI applications it supports. In fact, there have been instances where data workers have explicitly alerted consumers to privacy-related and other ethical issues associated with the data they generate. For example, in 2022, Venezuelan data workers reported anonymously that Roomba robot vacuum cleaners capture pictures of users at home, which are then viewed by human workers.

    Amid the COVID-19 pandemic in 2021, I piloted a workshop series with fifteen data workers, this time located in Syria. The three-day event was designed to understand work practices and relationships in geographically distributed data-production contexts, creating a space for workers to discuss concerns. The workshop activities revealed that receiving information and having spaces to voice and discuss the ethical implications of the data they handle were of the utmost importance to the workers. They worried about the protection of data subjects’ privacy and advocated for a mandatory clause that would compel requesters to disclose the intended uses of the data. Additionally, the workers expressed concerns about the mental health implications of working with violent, offensive, or triggering data.

    Data workers possess a unique vantage point that can play a crucial role in the early identification of ethical issues related to data and AI. Encouraging consumers and society at large to align with them in advocating for increased transparency in the AI data production pipeline is essential. Workers like Fatma and her colleagues could offer valuable insights into the utilization of satellite images for surveillance technologies, for instance. Similarly, the native speakers who contributed their voices to generate audio snippets for dialect recognition may shed light on the applications of such systems against asylum seekers in Germany.

    Unfortunately, the challenge lies in the fact that the AI industry, for evident reasons, has structured its production processes for data workers to function more as silent tools than as whistleblowers.

    https://untoldmag.org/i-hope-this-isnt-for-weapons-how-syrian-data-workers-train-ai
    #travailleurs_de_données #entraînement #IA #AI #intelligence_artificielle #éthique #réfugiés #dublinés #camps_de_réfugiés #segmentation #travail #algorithmes #images_satellitaires #labeling #armes #armement #drones #voix #profiling #contrôles_frontaliers

  • Au Royaume-Uni, la surprenante liste officielle des métiers en tension - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/63093/au-royaumeuni-la-surprenante-liste-officielle-des-metiers-en-tension

    Au Royaume-Uni, la surprenante liste officielle des métiers en tension
    Par Sertan Sanderson Publié le : 28/02/2025
    Le visa de « travailleur qualifié » est de plus en plus sollicité pour rejoindre le Royaume-Uni. Pour l’obtenir, les autorités britanniques publient régulièrement une liste de métiers en tension. La dernière en date, qui comprend « promeneur de chiens », « professeur de pilates » ou encore « esthéticien canin » n’a toutefois pas manqué de susciter des interrogations chez les chercheurs britanniques.
    Un chercheur de l’Université d’Oxford a découvert que la liste du Royaume-Uni des « professions éligibles » pour les visas de « travailleurs qualifiés » ("Skilled worker" visa) comprend des professions plutôt inhabituelles.
    Robert McNeil, qui travaille pour le Centre pour la migration à la prestigieuse université britannique note avec étonnement que "les politiques d’immigration post-Brexit du Royaume-Uni permettent spécifiquement d’accorder des visas de travailleur qualifié aux travailleurs étrangers pour des postes comme les « promeneurs de chiens », « professeur de yoga » ou « esthéticiens canins’ ».
    Plusieurs pays en Europe - y compris le Royaume-Uni - s’efforcent d’attirer des travailleurs qualifiés à l’international dans des secteurs clés, où la pénurie de main-d’œuvre est susceptible d’avoir un impact sur la vie économique du pays. Au Royaume-Uni, certains profils pour ces visas sont toujours demandés dans le domaine de la santé (soins infirmiers, la rééducation physique ou l’assistance maternelle). Le domaine de l’informatique est également en quête de personnels qualifiés.Dans le travail manuel, le pays recherche aussi des plombiers, menuisiers, soudeurs ou encore maçons qui se font de plus en plus rares sur le marché du travail britannique. Ces métiers donnent la possibilité aux étrangers possédant les qualifications recherchées de s’installer plus facilement dans le pays.
    Enfin, les scientifiques sont très demandés au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens, allant des domaines de la chimie aux sciences de l’espace.
    C’est pourquoi les universités du Royaume-Uni travaillent en étroite collaboration avec les gouvernements du monde entier pour préparer l’avenir en augmentant la proportion de ressortissants étrangers à des postes hautement qualifiés.
    Professeurs de yoga, organistes d’église, créateur de vêtements de mariée Cependant, au-delà de ces professions, la liste du Royaume-Uni compte plus de 300 métiers et met en évidence une pénurie sur des postes auxquels l’on pense moins, comme les assistants vétérinaires, les agents de probation et les bibliothécaires. Ou encore des illustrateurs, des chorégraphes, des créateurs de vêtements de mariage et des organistes d’église.À en croire cette liste, le Royaume-Uni est également en quête de professeurs de yoga, de skippers de yacht, de barmans et d’ouvriers agricoles.
    « Beaucoup de ces métiers peuvent être difficiles et nécessiter des compétences particulières, mais ils ne sont peut-être pas ceux auxquels pensent la plupart des gens lorsqu’ils imaginent des postes essentiels sur lesquels des employeurs britanniques recrutent à l’étranger », explique Robert McNeill au quotidien The Guardian.
    « Par exemple, même si on peut être hautement qualifié pour couper les griffes d’un chien ou coiffer un caniche, est-ce que cela est pour autant essentiel pour l’économie britannique ? »
    Le chercheur voit un lien direct entre le Brexit - la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne (UE) en 2020 - et les professions figurant sur la liste du ministère de l’Intérieur. « En même temps que la fin de la libre circulation, le gouvernement a réduit le seuil de compétences pour pouvoir prétendre à un visa de travail. Auparavant, seuls les emplois diplômés qualifiés concernaient les citoyens non européens », a-t-il souligné. Selon Robert McNeil, puisque les citoyens de l’UE ne sont plus autorisés à s’installer et travailler sans visa au Royaume-Uni, de nombreux postes « moyennement qualifiés » ont dû être ajoutés à la liste des emplois qualifiés.
    Il faut néanmoins préciser que toutes les professions listées ne donnent pas lieu à la délivrance d’un visa de travailleur qualifié. Dans certains cas, seules des personnes travaillant déjà au Royaume-Uni peuvent prétendre à prolonger leur visa en se dirigeant vers l’un des métiers en tension. Certains postes nécessitent enfin de passer par d’autres voies d’immigration légales.
    Le ministère de l’Intérieur a réagi dans le Guardian en expliquant que si la liste des « professions éligibles » peut sembler « éclectique », toutes les personnes dont le métier figure sur la liste ne seront pas automatiquement admissibles."Demander un visa n’est que la première étape pour pouvoir venir travailler au Royaume-Uni", note sobrement le ministère de l’Intérieur.Pour presque toutes les professions figurant sur la liste, un travailleur étranger doit être parrainé par un employeur britannique pour obtenir un visa de travailleur qualifié. Aussi, la plupart des postes exigent de pouvoir prouver un revenu minimum de 38 700 pounds par an, soit 46 720 euros. Le gouvernement a également annoncé son intention de favoriser des programmes de formation pour les travailleurs britanniques aux métiers qui nécessitent actuellement des recrutements à l’étranger.

    #Covid-19#migrant#migration#royaumeuni#metierentension#economie#brexit#visas#travailleurqualifie#politiquemigratoire#sante

  • Inclusion : en Espagne, les inégalités persistent pour les migrants - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/62977/inclusion--en-espagne-les-inegalites-persistent-pour-les-migrants

    Inclusion : en Espagne, les inégalités persistent pour les migrants
    Par Marlène Panara Publié le : 20/02/2025
    L’accès à la santé, à un logement ou au marché du travail reste plus difficile pour les étrangers extra-européens que pour les Espagnols, d’après un nouveau rapport du ministère de la Migration. Et ce, alors que l’immigration a largement bénéficié à l’économie du pays en 2024.
    C’est un rapport qui va à l’encontre des discours xénophobes régulièrement prononcés sur les réseaux sociaux ou dans la bouche de certains politiques. Dans son étude publiée mercredi 19 février, le ministère espagnol de l’Inclusion, de la Sécurité sociale et des Migrations met en lumière les multiples inégalités subies par la population étrangère dans le pays. Le document liste les difficultés d’accès pour les migrants aux services de base tels que la santé, l’éducation, l’emploi et le logement, par rapport aux Espagnols.
    Objectif du rapport ? Aider « les administrations publiques et les organisations de la société civile à développer des stratégies, plans et actions pour l’intégration et l’inclusion des immigrés et demandeurs de protection internationale » et « lutter contre le racisme, la discrimination raciale, et la xénophobie », peut-on lire dans le document.
    En 2024, la croissance du produit intérieur brut (PIB) de l’Espagne a atteint 3,2%, soit l’un des plus hauts taux de l’Union européenne, notamment grâce à l’apport des travailleurs étrangers à l’économie du pays. Dans certains secteurs, ils représentent près de 50% de la main-d’œuvre. Le gouvernement planche donc sur la création de politiques publiques qui favorisent leur inclusion dans la société.
    « L’Espagne a l’opportunité de bien faire », a déclaré la ministre de l’Inclusion, Elma Saiz. « Les administrations publiques doivent relever le défi que représente l’inclusion des migrants et mettre en œuvre des plans qui facilitent l’intégration », a-t-elle ajouté lors de la présentation du rapport, qui donne donc des pistes sur lesquelles les autorités doivent travailler.
    En premier lieu dans le domaine de l’éducation, où les inégalités sont de taille. Le décrochage scolaire est 20 % plus élevé chez les jeunes étrangers (31 %) que chez les Espagnols (11 %). Par ailleurs, bien que les migrants s’engagent davantage dans des formations professionnelles, ils le font moins dans les diplômes moyens, supérieurs et universitaires (jusqu’à 12 % de moins), indique le document.Autre secteur touché, le logement. « Les difficultés à se loger liées à l’augmentation des prix des loyers touchent l’ensemble de la population espagnole mais ont un impact encore plus important sur les citoyens d’origine étrangère », explique El Diario. Conséquence, de nombreux exilés se retrouvent à la rue : en 2022, sur un échantillon de 309 migrants, 41 étaient sans abri, affirme le ministère.
    La proportion d’étrangers vivant dans des logements suroccupés ou saturés est aussi plus importante. En 2023, ils étaient 23 % dans cette situation contre 6 % des Espagnols et 7 % des immigrés de l’Union européenne (UE). « Ce chiffre a augmenté ces dernières années pour toutes les nationalités, mais avec une plus grande incidence dans le cas des étrangers hors UE », précise l’étude.
    Dans le secteur de la santé également, des inégalités persistent. Selon le rapport, la population non européenne bénéficie moins des services de santé que les Espagnols. Un décret-loi royal garantit pourtant « l’universalité des soins de santé » en Espagne, c’est-à-dire « le droit à la protection de la santé et aux soins de santé, dans les mêmes conditions, à toutes les personnes de l’État espagnol ».
    D’après le rapport, le pourcentage de personnes de plus de 15 ans qui, au cours des 12 mois précédents, a consulté un médecin était de 87 % pour les Espagnols à 82 % pour les étrangers. Pour les rendez-vous en physiothérapie - traitements visant à rétablir la motricité - il passe de 18 % à 11 %. Seule exception : les services des urgences. Un pourcentage légèrement plus élevé d’étrangers consulte ces services, ce qui s’explique, selon le ministère, par une « plus grande exposition » des étrangers aux accidents du travail « en raison des emplois auxquels ils accèdent principalement », comme le secteur de la construction.
    En 2024, le gouvernement a tenté de réduire les écarts. En mai, il a approuvé le projet de loi garantissant l’accès à la santé à tous les exilés résidant dans le pays, y compris les sans-papiers. Les personnes arrivées en Espagne via le regroupement familial, les demandeurs d’asile et bénéficiaires d’une protection temporaire sont aussi concernés.L’universalité des soins de santé avait été entravée il y a plus de dix ans par une loi promulguée à l’initiative du Parti populaire (droite). « Nous voulons bannir à jamais l’exclusion sanitaire […] introduite en 2012 » et « refermer cette blessure », avait déclaré la ministre de la Santé, Mónica García.
    L’étude met également en évidence les fortes disparités qui prévalent entre nationalités dans le marché du travail : « Les étrangers sont concentrés dans des professions moins qualifiées, avec des conditions moins bonnes [...] un risque d’accident plus élevé, des horaires de travail plus longs et des salaires plus bas ».
    Et ce, dans des secteurs tels que l’hôtellerie, le commerce et la construction. « Les emplois de bureau peu qualifiés et à faible rémunération, notamment dans les centres d’appels » sont aussi très pourvoyeurs de travailleurs étrangers, notait une étude de la Banque d’Espagne publiée en août 2024.

    Cette discrimination, « en plus d’être injuste et de marquer la vie de ceux qui la subissent, affecte également négativement l’ensemble de l’économie de l’État », lui faisant perdre près de 17 milliards d’euros, selon un rapport de l’Observatoire espagnol du racisme et de la xénophobie, publié en novembre dernier.
    À noter en revanche, l’Espagne affiche le taux d’activité des étrangers le plus haut de l’UE. D’après la Banque nationale, le taux d’emploi des exilés - qui disposent d’un titre de séjour dans le pays - s’élève à 78 %, devant l’Allemagne (73 %), l’Italie (71 %) et la France (70 %). Des chiffres rendus possibles grâce à un contexte économique post-pandémie favorable. Depuis 2020, « l’accès à l’emploi des migrants s’est accéléré », note cette étude.Une situation qui s’explique en partie par les mesures prises par Madrid pour faciliter l’accès à l’emploi des exilés qui s’installent sur son territoire. En septembre 2022, le gouvernement a validé une réforme permettant à des milliers d’entre eux d’accéder au marché du travail. Celle-ci a notamment permis aux personnes en situation irrégulière mais qui peuvent justifier d’un séjour dans le pays d’au moins deux ans d’obtenir un titre de séjour de 12 mois, à une condition : effectuer une formation dans les secteurs qui manquent de main-d’œuvre.
    Les premières victimes des inégalités soulevées dans le rapport restent les personnes en situation irrégulière sur le sol espagnol. Parmi ces sans-papiers, il y a « des familles avec des enfants qui ne peuvent pas accéder à la santé ou à l’éducation », « victimes d’un système pervers qui les maintient dans l’extrême précarité », avait dénoncé Lamine Sarr à InfoMigrants, membre du mouvement Regularizacion Ya.Le groupe est à l’origine d’une pétition citoyenne de 700 000 signatures, réclamant la régularisation des sans-papiers en Espagne.
    Pour les défenseurs du projet, le texte vient combler une défaillance administrative qui empêche les exilés d’accéder à des droits fondamentaux et de bénéficier des services publics. « Nous faisons partie de la société et nous effectuons des travaux essentiels, mais nous ne pouvons pas louer d’appartement, ou signer un contrat », affirme le mouvement. « On nous dit que nous sommes essentiels, mais il nous manque les droits les plus élémentaires ».

    #Covid-19#migrant#migration#espagne#immigration#travailleurmigrant#economie#inegalite#sante#education#logement

  • Italy: Migrants responsible for at least one third of food grown in #Puglia

    Migrant workers are responsible for producing at least one third of the food produced in the southern Puglia region of Italy, said Italian farmers’ association Coldiretti recently.

    In the Puglia region of southern Italy, “almost a third of Made in Italy food products are produced by foreign workers, with 22,314 workers from around the world working regularly in agriculture, equal to 10 percent of all non-EU agricultural workers in the country,” the Puglia branch of the Italian farmers association Coldiretti Puglia said in a February 11 statement.

    It went on to underscore that, “foreign workers are highly represented in the agricultural sector,” and that, “despite the gradual drop over the past five years, they remain essential in Puglia for tree crops, where they account for 53.8 percent (fruit and viticulture), and 17.7 percent in horticulture (strawberries, melons, salads, tomatoes, and radicchio).”

    Red tape means workers ’arrive when harvest is over’

    “Almost 88 percent of non-EU farmhands are employed on a seasonal basis and account for 10 percent of contracted workers regularly employed in agriculture,” the statement noted.

    “These are workers that often have for years been collaborating with Italian agricultural firms and who every year cross the border to return to their home countries,” it added.

    “This is a need that has become more pressing due to the lack of Italian manpower and depends on the calendar for harvests.” This “significant presence” of foreign workers “is not however enough to meet the needs of agricultural firms, especially due to some gaps in the current regulations, starting from the click day mechanism [on which applications can be made online to get entrance visas to Italy, Ed.], with small quotas that are not updated in relation to the seasonal needs of the agricultural sector.”

    Coldiretti Puglia went on to point out: “It often happens, in fact, that workers arrive when the harvesting for which they had been requested has already ended.”

    ’Direct management for migration needed’

    The quotas set aside for the agricultural sector are significant, and in Italy’s agricultural sector about 35 percent of the workers are immigrants.

    “To overcome the current difficulties, it is important to shift to a direct, controlled management of migration flows,” believes the association.

    “The latest modifications of regulations on the immigration decree are an important step towards simplification and respect for the timeline of workers’ entrance [into the country], which should be implemented with greater involvement of employer associations and consulates. In this way, it would also be easier to discover any instances of labor exploitation,” #Coldiretti Puglia concluded.

    https://www.infomigrants.net/en/post/62887/italy-migrants-responsible-for-at-least-one-third-of-food-grown-in-pug

    #agriculture #Pouilles #agriculture #migrations #travailleurs_étrangers

  • « J’ai cru que c’était un attentat » : L’extrême droite attaque une projection de film antifasciste | StreetPress
    https://www.streetpress.com/sujet/1739796836-extreme-droite-attaque-projection-film-antifascistes-paris-c

    Plusieurs dizaines de néofascistes ont attaqué la projection d’un film antifasciste à Paris. Une victime a été poignardée. Le parquet a ouvert une enquête pour tentative d’homicide volontaire, et six militants d’extrême droite ont été interpellés.

    « Le bruit était tellement fort que j’ai cru que c’était un attentat », souffle Marie (1), militante de Young Struggle, une organisation socialiste internationaliste de la diaspora #kurde et turque :

    « Quand Pierre est remonté, il était couvert de sang, de la tête aux pieds. »

    Dimanche 16 février, vers 17h, alors que la section parisienne de Young Struggle organisait la projection d’un film antifasciste – Z, du réalisateur franco-grec Costa-Gavras – du bruit alerte les militants présents dans une salle au premier étage. Derrière les deux portes blindées qui les séparent, un groupe cagoulé, armé de « tessons de bouteilles » selon le parquet de Paris, de casques de moto et d’au moins une arme blanche, tente de forcer l’entrée. « Ils hurlaient : “Sortez bande de fils de putes, sortez”, en cognant la porte », se souvient Marie. La jeune femme, en compagnie de quatre de ses camarades, commence à descendre du premier étage des locaux de l’Association culturelle des #travailleurs_immigrés #turcs, l’Actit, qui accueille la projection. « On a fait l’erreur de ne pas regarder par la fenêtre, on n’a pas vu qu’ils étaient aussi nombreux », explique Marie. « Deux d’entre nous ont ouvert la porte, et les #fascistes se sont exclamés : “Ah, vous êtes là”, avant de se jeter sur eux. La majorité d’entre nous a réussi à remonter, sauf Pierre (1). » Le jeune homme, militant de Young Struggle et de la CGT, tente de refermer la porte blindée qui donne sur la rue, sans succès. Dans la cour de l’immeuble du 10ème arrondissement de #Paris, il est passé à tabac par une dizaine de militants fascistes. L’un d’entre eux le poignarde dans le dos et à la main droite. Puis, le groupe quitte la cour et s’enfuit dans la rue aux cris de « #Paris est nazi, #Lyon aussi », laissant quelques stickers du Kop of Boulogne (KOB) : « KOB veille » dans son sillage, comme l’a relevé Libération.

    #attaque_raciste #racisme #néo_nazis #nazis #GUD #Jeunesse_Boulogne #Hussards_Paris #Yamna_Squad #extrême_droite

    • Aujourd’hui, 12 % des plus de 15 ans se trouvent en situation d’isolement relationnel (+1 % par rapport à 2023), c’est-à-dire qu’ils n’ont aucun ou très peu de contacts physiques avec d’autres personnes.

      L’isolement concerne tout particulièrement les personnes aux ressources les plus modestes. En 2024, 17 % des personnes disposant de bas revenus sont isolées, contre seulement 7 % de celles disposant de hauts revenus. Cet écart a progressé de 4 points en un an.
      L’isolement touche avant tout les personnes au foyer et les ouvriers : leur taux d’isolement dépasse respectivement de 8 et 4 points le taux moyen.

      Le sentiment de solitude concerne 24 % des Français âgés de plus de 15 ans, qui affirment se sentir régulièrement seuls.
      La solitude affecte davantage les chômeurs : 44 % d’entre eux se sentent seuls.

      [...]

      Le sentiment d’abandon, d’exclusion ou d’inutilité demeure toujours très élevé : 33 % des répondants le ressentent souvent ou de temps en temps. Ils appartiennent, tendanciellement, aux catégories les plus précaires de l’échantillon, tout comme les personnes isolées.

      #isolement #solitude #sentiment_de_solitude #revenu #travailleurs_indépendants #chômeurs #maman_solo ...

  • Nouvelle #circulaire_Retailleau : Un pas de plus dans la guerre contre les migrant-es ! !

    Le ministre de l’intérieur, #Bruno_Retailleau, multiplie depuis des mois les déclarations visant à supprimer les possibilités d’accueil et de #régularisation des personnes migrantes. Sur fond de #racisme décomplexé inspiré par l’extrême droite, le ministre passe aujourd’hui de la parole aux actes. Il vient de publier une circulaire qui abroge la #circulaire_Valls de 2012, et donne aux préfets des consignes fermes de #non-régularisation des personnes étrangères vivant en France sans titre de séjour.

    Dans la continuité de la loi Darmanin de janvier 2024, cette circulaire met à bas les possibilités de #régularisation_exceptionnelle des étrangers au titre de la situation familiale ou du travail, telle que pratiquées jusqu’alors en application de la circulaire Valls.

    Elle augmente la #durée_de_séjour requise sur le territoire à #7_ans au lieu de 5 ans précédemment, voire 3 ans au titre du travail, pour pouvoir solliciter une #régularisation_à_titre_exceptionnel.

    Elle rend quasi-impossible la régularisation d’une personne ayant subi une #OQTF, exécutée ou pas, même datant de plusieurs années.

    Elle impose des critères de maîtrise du #français et de « respect des #valeurs_républicaines » qui permettent un total arbitraire de la part des #préfectures dans l’examen des dossiers de demande de régularisation.

    Alors même que la liste des #métiers_en_tension, des plus restrictives et établies selon les seuls critères du patronat, n’est toujours pas actualisée, cette circulaire ferme la porte à toute possibilité de régularisation à des centaines de milliers de travailleuses et #travailleurs_sans-papiers qui font tourner des secteurs entiers de l’économie du pays, comme dans la logistique, le nettoyage, la restauration, le BTP, l’aide à la personne et bien d’autres.

    La première conséquence de cette circulaire sera l’#exploitation de ces personnes, contraintes à une #clandestinité et donc une #précarité renforcée, exclues de tous #droits_sociaux, de toutes les protections accordées aux autres salariées, et donc à la merci d’un patronat qui, de toutes façons, trouve son intérêt et ses profits dans l’exploitation des travailleurs-euses sans-titre.

    L’Union syndicale Solidaires dénonce avec force cette déclaration de #guerre_à_l’immigration du gouvernement Bayrou/Retailleau/Darmanin.

    Elle continue d’exiger la régularisation de tous les sans papier, à commencer par nos camarades de Chronopost en lutte depuis plus de 3 ans.

    Elle appelle à se mobiliser aux côtés des autres organisations syndicales, des associations d’aide aux migrants-tes, des collectifs de sans-papiers pour soutenir et participer à toutes les actions en cours et en préparation pour s’opposer à l’application à ces mesures scélérates, et en obtenir l’abrogation !

    https://solidaires.org/sinformer-et-agir/actualites-et-mobilisations/communiques/nouvelle-circulaire-retailleau-un-pas-de-plus-dans-la-guerre-contre-les-
    #France #migrations #sans-papiers #clandestinisation #guerre_contre_les_migrants
    ping @karine

  • Les #travailleurs_sans_papiers désemparés par le gel des régularisations


    Joana (son prénom a été modifié), 51 ans, Angolaise, montre les clés confiées par ses employeurs, à Paris, le 9 décembre 2024. CAMILLE MILLERAND/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »

    Lorsqu’il était ministre de l’intérieur (2020-2024), Gérald Darmanin avait promis un effort de régularisation des travailleurs sur les #métiers_en_tension, mais la dissolution de l’Assemblée nationale, en juin, et la démission du gouvernement Attal ont rebattu les cartes. L’actualisation attendue par décret de la liste de ces métiers a été enterrée de fait.

    Lorsqu’il est arrivé Place Beauvau, Bruno Retailleau a annoncé une diminution des #régularisations et son intention de remplacer la #circulaire_Valls de 2012. Ce texte sert de base à quelque 30 000 régularisations chaque année, à travers une liste de critères indicatifs – tels qu’un nombre de fiches de paie, d’années de présence en France ou de scolarisation des enfants. Si le gouvernement Barnier a été censuré avant que cette circulaire soit récrite, il semble que les préfets ont sans attendre mis en œuvre le durcissement des pratiques voulu par l’ancien président du groupe Les Républicains au Sénat. Un mouvement qui s’ajoute aux difficultés d’accès aux #préfectures et de dépôt de demandes déjà à l’œuvre depuis des années.

    Ainsi, à la Préfecture de police de Paris – celle qui régularise le plus – les réunions collectives qui permettaient à des syndicats de soumettre des dossiers de travailleurs ont été suspendues depuis la rentrée. D’ordinaire, Pascale Breuil-Kaci, chargée de mission travailleurs sans papiers pour la CFDT [toujours si maximalistes], dépose par ce biais trente dossiers de régularisation tous les six mois. La réunion de décembre a été annulée. La CGT, qui faisait examiner une trentaine de dossiers par mois, n’a plus d’audience depuis novembre. « C’est la première fois depuis 2015 que je suis confrontée à ce blocage », témoigne Pascale Breuil-Kaci.
    Sollicitée, la Préfecture de police renvoie vers le ministère de l’intérieur, qui précise seulement que la nouvelle #circulaire_de_régularisation voulue par M. Retailleau est « en préparation » et que sa mise en œuvre dépendra du prochain ministre de l’intérieur. En attendant, « il semblerait qu’il y ait une consigne nationale, estime Adèle Tellez à la CGT de Paris. Demander une régularisation va devenir impossible. Non seulement cela va créer un ressentiment élevé mais ça ferme la porte à la mise en lumière de situations illégales, jusqu’à des cas de traite des êtres humains, sur lesquels on ne pourra plus alerter. »
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/14/inquietude-sur-un-gel-des-regularisations-de-travailleurs-sans-papiers_64477

    https://justpaste.it/fw5vk

    #étrangers #droit_des_étrangers #droit_du_séjour

  • #Régularisation des migrants en #Espagne : ce que contient la nouvelle loi

    La réforme de la loi Immigration, qui vise la régularisation de centaines de milliers de sans-papiers en Espagne, a été publiée au journal officiel mercredi. Quelles en sont les principales mesures ? InfoMigrants fait le point.

    Au lendemain de son adoption par le gouvernement, la réforme visant à faciliter la régularisation de centaines de milliers de migrants a été publiée dans le bulletin officiel (BOE), équivalent espagnol du journal officiel, mercredi 20 novembre. D’après la ministre de l’Inclusion, de la Sécurité sociale et des Migrations Elma Saiz, elle entrera en vigueur sous forme d’arrêté royal le 20 mai 2025.

    Objectif affiché par le gouvernement avec cette réforme : simplifier les procédures d’obtention des permis de séjour et de travail, pour une meilleure intégration des migrants dans la société.

    Voici les principaux points dévoilés dans le journal officiel :

    Du nouveau dans les différents #titres_de_séjour « racines »

    En Espagne, il existe des permis de séjour spécifiques appelés « #arraigos », ou « #racines » en français. Ils sont destinés à des personnes en situation irrégulière, qui peuvent justifier de leur #enracinement dans la société espagnole pour régulariser leur situation. Fin 2023, plus de 210 000 personnes disposaient d’un titre racine en Espagne, 85 000 de plus qu’en 2022.

    « Racine de la deuxième chance »

    C’est un nouveau type de titre « racine » créé par la réforme. Il permet aux personnes qui disposaient d’une autorisation de séjour depuis deux ans, mais dont la validité a expiré et qui n’ont pas pu renouveler cette autorisation, de demander de nouveau un titre de séjour.

    Pour y prétendre, il faut pouvoir justifier de deux ans de #résidence en Espagne.

    « Racine socio-formatif »

    Il remplace le titre « pour la formation », créé en 2022. Pour l’obtenir, il faut se former à un métier en manque de main-d’œuvre, mais le demandeur peut désormais exercer un emploi dès le début de sa formation.

    Deux ans après sa mise en œuvre, ce permis de séjour n’a pas rempli toutes ses promesses. « La loi a servi à régulariser la situation de nombreuses personnes, mais à très court terme, avait réagi cet été Ahmed Khalifa, président de l’association marocaine pour l’intégration des migrants en Espagne. Et la suite du processus a conduit à des irrégularités, car beaucoup de personnes ne pouvaient pas satisfaire les conditions demandées ».

    « Il faut permettre aux exilés de travailler tout en suivant la #formation », avait déclaré à la presse Jorge Marín, de la Confédération espagnole des organisations professionnelles (CEOE). C’est désormais chose faite avec la réforme de la loi.

    « Racine socioprofessionnel »

    Appelé auparavant « #arraigo_laboral », ce nouveau titre racine réduit le nombre d’heures travaillées exigées pour obtenir le permis, de 30 à 20 heures. Il nécessite lui aussi deux ans de résidence en Espagne.

    « Racine sociale »

    Ce titre exige deux ans de résidence en Espagne contre trois auparavant. Il faut en revanche toujours prouver l’existence de #liens_familiaux avec d’autres résidents légaux dans le pays, et son #intégration à la société espagnole.

    Ce permis racine n’exige pas la présentation d’un #contrat_de_travail, mais le requérant doit prouver par d’autres moyens qu’il dispose de « #moyens_économiques ».

    « Racine familiale »

    Jusqu’à présent, ce titre racine concernait seulement les parents et les enfants des citoyens de nationalité espagnole. Ce n’est plus le cas : il est désormais réservé aux parents d’enfants mineurs et aux aidants de personnes handicapées, originaires de pays extra européens.

    Quelques aménagements pour les #visas

    Les visas disponibles en Espagne restent : le visa de court séjour, de longue durée, de résidence, de transit aéroportuaire, de caractère extraordinaire, et enfin le visa pour la recherche d’emploi.

    Désormais, tous ces visas ont une durée de validité d’un an, renouvelables pour quatre. « Cela permettra d’éviter des situations d’irrégularité inattendues », avance El Mundo.

    À noter également, il ne sera plus nécessaire de quitter le pays pour obtenir un titre de résidence de longue durée, après avoir eu un permis de séjour temporaire.

    Des solutions pour les demandeurs d’asile #déboutés

    La nouvelle loi intègre aussi une régularisation temporaire pour les demandeurs d’asile déboutés. Ces derniers pourront en effet faire une demande pour le titre racine de leur choix. Ils devront pour cela prouver six mois de présence sur le sol espagnol.

    Les personnes concernées ont un an, à partir de la notification du refus, pour présenter une demande de titre racine.

    Assouplissement du #regroupement_familial

    Les enfants de moins de 26 ans - contre 21 sous l’ancienne loi - peuvent prétendre au regroupement familial. Les couples « non officiels » aux yeux des autorités, qui ne sont pas mariés par exemple, peuvent également bénéficier de ce titre de séjour. Ils doivent cependant pouvoir « prouver une relation affective », détaille encore le journal.

    La réunification des enfants et des parents victimes de traite ou de violence sexuelle est également facilitée par la nouvelle loi.

    Plus de protection pour les #travailleurs_saisonniers

    La nouvelle autorisation de séjour pour les travailleurs #saisonniers renforce leurs droits. Elle exige désormais que chaque travailleur soit notifié par écrit et dans sa langue, de ses droits et de ses futures conditions de travail. Le permis inclut également la possibilité de changer d’employeur en cas d’abus, ou d’autres causes ayant empêché le détenteur de travailler, comme l’arrêt d’une récolte dans une exploitation.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/61342/regularisation-des-migrants-en-espagne--ce-que-contient-la-nouvelle-lo
    #loi #sans-papiers #migrations #travail

    ping @karine4

    • En Espagne, le gouvernement souhaite régulariser 900 000 sans-papiers en trois ans

      À contrepied de ses voisins européens qui durcissent leur politique migratoire, l’Espagne a adopté le 19 novembre une réforme pour faciliter la régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière. Le texte répond avant tout aux besoins économiques du pays.

      Dans la petite pièce transformée en salle de classe, sept élèves observent, l’air concentré, Roberto Llerena distribuer le polycopié du jour. « J’espère que vous avez eu le temps de revoir le vocabulaire d’anglais chez vous », claironne-t-il. Chaque semaine, ce professeur enseigne à des femmes, pour la plupart sans-papiers, les bases du métier de réceptionniste au sein de la Fondation Madrina. La structure aide principalement de jeunes mères en situation irrégulière ou d’exclusion sociale. Elle leur fournit de l’aide alimentaire, une prise en charge médicale, mais aussi un accompagnement professionnel.

      Depuis bientôt un mois, les apprenties redoublent d’efforts : la réforme du règlement sur l’immigration leur a redonné espoir. « Quand j’en ai entendu parler, ça a vraiment été une bonne nouvelle » confie Chavelys, un sourire timide aux lèvres. Cette colombienne, arrivée il y a neuf mois en Espagne avec son mari et son bébé, souhaite travailler au plus vite. « Je vais pouvoir solliciter un permis de travail plus rapidement : au lieu de trois ans, j’aurai juste deux ans à attendre ». De l’autre côté de la table, Mabel, elle aussi originaire de Colombie, renchérit : « Quand tu n’as pas de papier, on te ferme la porte dans beaucoup d’endroits (…) Énormément de monde va bénéficier de la réforme. »

      Maintenir « le niveau de vie » de l’Espagne d’ici 2050

      Approuvée fin novembre par le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez, cette réforme a pour objectif d’accélérer l’obtention des permis de séjour et de flexibiliser leurs conditions d’attribution. Elle pourrait permettre la régularisation de 300 000 travailleurs sans-papiers par an d’ici 2027. Une main d’œuvre indispensable pour maintenir « le niveau de vie » de l’Espagne d’ici 2050, selon le gouvernement. Le pays est touché par le vieillissement démographique, et son taux de natalité est parmi les plus bas d’Europe.

      Les régularisations devraient bénéficier à plusieurs secteurs économiques en tension, comme ceux de la construction, de l’agriculture, de l’hôtellerie ou de la restauration. Les étrangers y représentent déjà jusqu’à la moitié des effectifs. Fran de las Heras, propriétaire d’un restaurant dans le centre de Madrid, ne cache pas sa joie. Pour ce professionnel, la réforme était indispensable. S’il peine à recruter serveurs et cuisiniers, les candidats, eux, ne manquent pas. « Parfois, jusqu’à cinq personnes par jour viennent me demander du travail », avoue-t-il en faisant briller les verres à vin suspendus au-dessus du bar. « J’aimerais les employer, car elles sont très compétentes, mais elles n’ont pas de papiers et ne peuvent donc pas travailler. »

      Beaucoup d’établissements sont dans la même situation. D’après la dernière enquête de la principale association hôtelière espagnole, plus de 60 % des restaurateurs auraient du mal à recruter. « J’espère que cette réforme va équilibrer l’offre et la demande, et que tout ira mieux » observe Fran.

      Une vision « plus humaine » de la migration

      La réforme répond à un impératif économique, mais pas seulement. Pour Elma Saiz, la ministre de l’Inclusion, de la Sécurité sociale et des Migrations, à l’origine de cette réforme, le texte a aussi une portée « humaniste ». « Nous sommes conscients de l’importance des liens familiaux, et nous avons pour cela assoupli les conditions nécessaires au regroupement familial », souligne la ministre socialiste qui s’exprime aussi bien en espagnol qu’en français.

      Avec cette réforme, les couples n’auront plus besoin d’être mariés pour solliciter le regroupement familial, tant qu’ils peuvent prouver leur relation « intime ». L’âge limite des enfants pour être éligible à ce motif d’immigration sera quant à lui porté à 26 ans — contre 21 ans actuellement et 18 ans en France.

      Pour Elma Saiz, ce nouveau règlement sur l’immigration est « nécessaire », mais aussi bénéfique à l’ensemble de la société. Pour appuyer son propos, elle cite régulièrement la formule lancée par le Premier ministre Pedro Sanchez à la tribune du Congrès des députés le 9 octobre : « L’Espagne doit choisir : être un pays ouvert et prospère ou un pays fermé et pauvre. Nous avons choisi la première option ».

      Avec l’adoption de cette loi, l’Espagne devient, selon la ministre socialiste, « le phare de l’Europe » et l’ambassadrice d’une « politique migratoire qui met au centre les droits humains ». Un défi de taille pour le pays. Il est l’une des principales portes d’entrée des migrants en Europe. Depuis début janvier, presque 57 000 personnes y sont entrées illégalement, principalement en empruntant la dangereuse route des îles Canaries. C’est 13 % de plus que l’année dernière.

      Cette politique migratoire « humanitaire et responsable », n’est pas du goût de toutes les formations politiques. « Vous êtes en train de prendre des décisions, Madame la ministre, très dangereuses », a chargé le 27 novembre la députée du parti d’extrême droite VOX, Rocio de Meer, devant le Parlement : « elles vont transformer notre nation, et pourraient l’anéantir à long terme ». La très conservatrice andalouse a dénoncé « l’effet d’appel » que la réforme allait provoquer. VOX a présenté une motion de censure pour abroger le texte. Elle a été rejetée grâce aux votes de la gauche, de l’extrême gauche et de plusieurs partis indépendantistes. La droite s’est quant à elle abstenue.
      Les demandeurs d’asile, « perdants » de la réforme

      Pour les associations d’aide aux migrants, la réforme a aussi des zones d’ombre. Selon Elena Muñoz, avocate et spécialiste du droit d’asile, si elle bénéficiera à de nombreux travailleurs étrangers, étudiants et familles, elle va néanmoins porter préjudice aux plus de 190 000 demandeurs d’asile en attente de traitement de leur dossier.

      Auparavant, les migrants dont la demande d’asile était refusée pouvaient immédiatement solliciter un autre type de permis de séjour en prouvant qu’ils avaient vécu deux ans ans sur le territoire espagnol. Avec la réforme, le temps passé par les migrants en Espagne durant le traitement de leur demande d’asile — environ deux ans — ne sera plus pris en compte. S’ils sont déboutés, les compteurs seront remis à zéro : ils devront passer deux ans supplémentaires en situation irrégulière avant de pouvoir solliciter une autorisation de séjour.

      Une injustice pour Elena Muñoz. Cette professionnelle qui travaille depuis 17 ans au sein de la commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR) craint que le texte ne décourage des personnes qui pourraient bénéficier du droit d’asile, à se lancer dans la procédure. « Pour moi, le gouvernement tente de décourager les migrants de bénéficier d’une protection internationale, par crainte qu’ils n’utilisent ce motif pour tenter de se régulariser », tacle-t-elle. D’après la ministre Elma Saiz, cette crainte est infondée : « Il est très important que les demandeurs d’asile aient accès à la protection internationale, et la réforme en offre toutes les garanties » rassure-t-elle.

      Alors que la réforme entrera en vigueur le 20 mai prochain, l’immigration s’est imposée ces dernières années comme l’un des principaux sujets de débat dans la société espagnole. D’après la dernière enquête du centre d’investigation sociologique publiée en novembre, elle serait considérée comme un problème par presque 20 % des personnes interrogées. Une inquiétude grandissante des citoyens, qui ne décourage cependant pas Pedro Sánchez. « Nous, les Espagnols, sommes les enfants de la migration. Nous ne serons pas les parents de la xénophobie. Faisons une politique migratoire dont nos aînés peuvent être fiers. Et faisons une politique migratoire qui garantit l’avenir de leurs petits-enfants. » a conclu le 9 octobre le Premier ministre devant le Parlement.

      https://www.france24.com/fr/europe/20241221-en-espagne-le-gouvernement-souhaite-r%C3%A9gulariser-900-000-sans

  • Comme des Italiens en #Suisse (1/5) : La liberté en Suisse et ailleurs

    Les Italiens sont des millions à avoir émigré vers la Suisse, d’abord à la fin du 19ème siècle, puis dans un second mouvement après la Deuxième Guerre mondiale. Ils sont venus pour travailler, dans des conditions souvent très difficiles. Ils n’étaient pas les bienvenus, même si la Suisse avait besoin d’eux, notamment pour ses grands chantiers comme la construction du tunnel du Gothard, pour édifier sa modernité. Les Italiens et les Italiennes formaient d’ailleurs encore en 2023 la population étrangère la plus importante de Suisse.

    A la fin des années 1880, la Suisse connaît un tournant dans son histoire démographique : de pays d’émigration, elle devient un pays d’immigration. La Suisse évolue et devient un pays désirable, en premier lieu pour ses Italiens.

    Rosita Fibbi est sociologue affiliée au Forum suisse pour l’étude des migrations et de la population à l’université de Neuchâtel. Elle répond aux questions de Marie Giovanola.

    https://www.rts.ch/audio-podcast/2024/audio/comme-des-italiens-en-suisse-1-5-la-liberte-en-suisse-et-ailleurs-28688945.html
    #immigration #migrants_italiens #Italie #immigration #racisme #main-d'oeuvre
    #audio #podcast #surpopulation_étrangère #Überfremdung #politique_migratoire #saisonniers #émeutes #missions_catholiques #fanfare #police_fédérale_des_étrangers #travailleurs_étrangers #accord_migratoire #rotation_de_la_main-d'oeuvre #permis_saisonniers #rotation #histoire #humiliation #visite_médicale #screening_sanitaire #trauma #corps #nudité #marginalisation #montagne #hébergement #baraquements #conditions_de_vie #écart #périphérie #marginalisation_spatiale #industrie #stabilisation #regroupement_familial #permis_de_séjour #discriminations #enfants_du_placard #enfants_cachés #expulsions #Schwarzenbach #initiatives_Schwarzenbach #James_Schwarzenbach #initiative #colonies_libres #permis_de_séjour #naturalisation #votations

  • Donner à entendre les voix des #ouvrières exploitées de #Douarnenez

    Cent ans après la grève des sardinières devenue une lutte symbole du mouvement ouvrier féminin, la journaliste #Tiphaine_Guéret publie un livre-enquête sur les #femmes précaires et racisées qui travaillent aujourd’hui dans les #conserveries_industrielles du port finistérien.

    C’est une grève victorieuse mythique du mouvement ouvrier féminin. Le 21 novembre 1924, à Douarnenez, deux mille travailleuses des conserveries de sardines du port finistérien débrayent pour demander la revalorisation de leurs salaires de misère et dénoncer leurs conditions de travail épouvantables.

    L’ouvrière #Joséphine_Pencalet, qui sera en 1925 l’une des premières femmes élues conseillères municipales en France, devient alors la figure de proue de cette lutte. Deux leaders syndicaux nationaux, Charles Tillon, futur héros de la Résistance, et Lucie Colliard, militante féministe, organisent la solidarité à l’échelle nationale pour appuyer ce mouvement initié par des femmes.

    Après quarante-six jours de mise à l’arrêt des vingt conserveries de Douarnenez, le patronat cède aux demandes de ces ouvrières rebaptisées les #Penn_Sardin – « tête de sardine », en breton.

    Cent ans plus tard, ce jalon de l’histoire des combats syndicaux est devenu un mythe, objet de films documentaires, de livres, de chansons... Mais que reste-t-il de cette mémoire des luttes en dehors de sa folklorisation ? Qui travaille désormais dans ces conserveries ?

    Journaliste indépendante, Tiphaine Guéret a mené l’enquête durant cinq mois auprès des ouvrières de #Chancerelle – qui produit les #boîtes_de_conserve de la marque #Connétable –, fleuron agro-industriel de Douarnenez fondé en 1853. Le groupe fabrique aujourd’hui 115 millions de boîtes par an et emploie 1 900 personnes, dont l’usine de Douarnenez représente un gros tiers des salarié·es.

    Dans Écoutez gronder leur colère. Les héritières des Penn sardin de Douarnenez (éditions Libertalia, octobre 2024), la journaliste a rassemblé les voix des travailleuses précaires de cette conserverie. Car, cent ans plus tard, le travail de la sardine demeure essentiellement féminin. Par ailleurs, depuis une vingtaine d’années, « des employées racisées, plus ou moins fraîchement exilées, sont venues grossir les rangs de la production – jusqu’à constituer l’écrasante majorité des travailleuses », raconte Tiphaine Guéret.

    En rang et debout, ces ouvrières turques, congolaises, ou vietnamiennes – on dénombre 26 nationalités dans l’entreprise – passent huit heures par jour à trimer devant un énorme tapis roulant, à l’étripage et l’emboîtage des sardines à la main. « Femmes, prolétaires et racisées, elles campent au carrefour des rapports de domination », rappelle la journaliste.
    Un sentiment d’appartenance à la classe ouvrière

    Au long des pages, la journaliste documente méticuleusement l’enfer des 2/8 – le fait de faire tourner sur le même poste de travail deux équipes par roulement de huit heures consécutives – et des nouvelles méthodes de management qui sapent le moral et ravagent les corps de ces travailleuses.

    Toutes sont en proie à des tendinites à répétition, à des phlébites dues à la station debout, à des malaises à cause de la chaleur voire ont eu un doigt emporté par les machines.

    Tiphaine Guéret décrit aussi l’atomisation du monde ouvrier. Les salariées permanentes et les intérimaires mangent à l’usine sur des tables séparées. Et les différentes communautés exilées échangent peu entre elles, les femmes étant souvent happées à la sortie de l’usine par le travail domestique qui les attend en rentrant.

    Malgré tout, « quelque chose d’un sentiment d’appartenance à la #classe_ouvrière » persiste dans les hangars bruyants et odorants de Chancerelle.

    Le 11 mars 2024, 250 travailleurs et travailleuses du site de Douarnenez se mettent en grève, las de l’inflation qui rognent des salaires qui ne dépassent pas les 1 600 euros mensuels. Pour nombre de ces ouvrières, ce débrayage signe leur première mobilisation. Dès le lendemain, un accord est signé prévoyant notamment une revalorisation du taux horaire de 2,3 %.

    Une petite victoire bien loin du Grand Soir, mais qui résonne avec celle des Penn Sardin de 1924. Comme le souligne dans le livre une des ouvrières : « Cent ans plus tard, on n’est toujours que des femmes, on n’a toujours pas de vie familiale : certaines avant-hier ont quitté l’usine à 22 heures et ont pris la route en sachant que leur enfant serait couché quand elles arriveraient chez elle. »

    Mais d’avertir : « Nous, on lui a bien dit à la direction : la prochaine fois, ce ne sera pas qu’une journée. »

    https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/211124/donner-entendre-les-voix-des-ouvrieres-exploitees-de-douarnenez
    #exploitation #travail #ouvrières #classe_ouvrière #travailleuses_étrangères #industrie_agro-alimentaire

    • Écoutez gronder leur colère

      La grève des sardinières de Douarnenez, en 1924, est restée dans les mémoires. Victorieuse, leur lutte est aujourd’hui un symbole des mobilisations ouvrières féminines.
      Cent ans après, on continue de travailler la sardinedans les zones industrielles de ce petit port finistérien. L’#étripage et l’#emboîtage sont encore largement réalisés à la main et ce sont toujours des femmes qui s’y collent. Des femmes du coin en fin de carrière, de jeunes intérimaires et, surtout, des « #petites_mains » exilées. Toutes soumises à une tâche ingrate et harassante, à l’injonction au #rendement. Face à la dureté du labeur, au manque de considération, à la menace de l’automatisation, des #solidarités se nouent et la lutte syndicale retrouve un peu de vigueur après plusieurs années d’apathie. Assez pour provoquer la révolte ?
      La #mémoire_des_luttes n’a de sens qu’à condition de servir les combats d’aujourd’hui.Voilà ce que ce livre voudrait rappeler, en donnant à entendre des voix que l’on écoute trop rarement.

      https://editionslibertalia.com/catalogue/poche/ecoutez-gronder-leur-colere