• Lyon : des salariés du magasin Apple de la Part-Dieu en grève
    https://www.bfmtv.com/lyon/replay-emissions/bonjour-lyon/lyon-des-salaries-du-magasin-apple-de-la-part-dieu-en-greve_VN-202308220135.h

    Les salariés sont en grève tous les samedis du mois d’août pour dénoncer l’organisation des plannings et les difficultés de recrutement.

    Usuellement, cela n’apparait pas. On déplore la précarité de l’emploi, on en attribue toute la responsabilité politique au patron (une évidence dans nombre de cas cf. l’intérim massif dans l’automobile). Mais ici, les grèvistes exigent de ne pas travailler, ou de moins travailler le samedi : le patron doit embaucher des précaires (#étudiants) pour que ces samedis soient assurés par d’autres ! Un tel mécanisme où les garanties arrachées par des salariés implique l’embauche de travailleurs précaires opère dans bien des situations. Sans les congés payés, il n’y aurait par exemple qu’une quantité infime de saisonniers du tourisme.
    Pour que des garanties sociales substancielles soient concédées aux précaires, encore faudrait-il que (feu) le mouvement ouvrier, le syndicat, n’en restent pas à cette vision abstraite, idéologique, du travail qui les aveugle au point de ne pouvoir prendre en compte « les chômeurs en activité à temps réduit » ou les allocataires du RSA qui sont plus ou moins cycliquement employés. Jusqu’à ce que dans les têtes le vieux dicton ouvrier "le parasite ira dormir ailleurs" subisse un renversement radical pour désigner non plus l’expropriation des rentiers et des patrons mais une contribution majeure au discrédit des « cassoss » et autres « assistés », une manière de soutien à la guerre aux pauvres qui n’est pas pour rien dans le processus de droitisation politique (partielle, et parfois réversible) qui tend à s’imposer depuis des décennies.

    #grève #emploi #emploi_précaire #précaires #travailleurs_précaires #travail

    • Ces salariés lyonnais ne sont probablement pas syndiqués ; s’ils l’avaient été ils n’auraient pas hésité à brandir le sigle de leur crèmerie syndicale, quelle que soit la crèmerie. Cette affirmation n’a pas grand-chose de scientifique mais je n’ai jamais vu de syndicaliste poser devant une caméra sans drapeau ni badge.

      Plus sérieusement.

      Demander l’embauche d’étudiants ou autres précaires, pour soulager de la charge de travail dans l’entreprise n’est pas une revendication habituelle des syndicats (ce qui ne les exonère pas d’autres critiques). En tout cas, ce n’est jamais exprimé de façon aussi caricaturale. Il y a peut être des exceptions dans le commerce (qui n’est pas la branche la plus éclairée du monde syndical) mais généralement les syndicats, même les plus réformistes, demandent traditionnellement « plus d’embauches », sous-entendu : dans les mêmes conditions que les salariés « garantis ».

      Tu as probablement raison quant à l’incapacité des « garantis » (porté notamment par le monde syndical et le monde des orgas politiques) de prendre en compte la situation des « précaires » autrement qu’en préconisant leur disparition par une intégration abstraite, obéissant à une vision d’un même monde du travail homogène, ce dernier étant par principe, réparateur. Exemples : la requalification des Ubers ou la régularisation des sans-paps étant considérées généralement comme des victoires presque définitives. Sans compter, évidemment le discours de longue date, anti-RMI et donc anti-RSA très puissant dans la base ouvrière dite « garantie ». Roussel et Ruffin n’étant que les manifestations d’un clientélisme électoral visant à satisfaire et conforter l’idéologie du « salaire légitime contre l’assistanat », cette dernière étant fortement implantée dans la population ouvrière, parfois même par des précaires eux-mêmes.

      Pour en revenir à ces salariés lyonnais d’Apple, on voit, effectivement, à quoi peut conduire, dans un contexte de dégringolade de la culture de lutte de classe (je préfère utiliser ce terme que celui de « droitisation »), les revendications de salariés limitant le champ de la solidarité à celle de leur singularité locale. C’est un grand retour vers le passé, à celui des revendications ouvrières corporatistes. Rien de très réjouissant, décidément.

    • Grève dans les Apple stores de Lyon, les raisons de la discorde
      https://tribunedelyon.fr/economie/greve-apple-lyon

      L’Apple store de la Part-Dieu a commencé un mouvement de grève le 5 août et vient de clôturer son 4e samedi de grève. Rejoint par ceux de Confluence et Dijon, le mouvement risque de prendre de l’ampleur à la veille de la sortie du nouvel iPhone [le 22] septembre.

      #paywall..., un résumé
      https://www.macg.co/aapl/2023/08/la-greve-des-employes-en-apple-store-setend-et-menace-le-lancement-des-nouveaux

      Part-Dieu faisait partie depuis 2018 d’un programme pilote pour tester une nouvelle méthode de gestion des #plannings, où les demandes individuelles étaient prises en compte dans l’organisation générale. Depuis qu’un prestataire externe s’en charge, les plannings sont devenus très rigides et le taux d’#absentéisme, jusque-là parmi les plus bas en France d’après l’article, serait monté en flèche.

      Apple voudrait aussi augmenter le nombre de #samedis_travaillés, en passant d’un samedi libre toutes les trois semaines à un seul par mois. Autre grief des grévistes, un manque de remplacements des employés qui sont partis : la Tribune de Lyon cite un élu CFDT au CSE de Confluences qui suggère qu’Apple Retail France a perdu 300 employés depuis le début de l’année, sans chercher à embaucher davantage. La filiale établie en France qui gère les boutiques répondrait qu’elle ne peut pas se le permettre financièrement, un discours qui a du mal à passer quand on voit les comptes en banque de la maison mère.
      Ce manque d’employés obligerait ceux qui restent à tout faire, y compris des tâches qui ne sont pas dans leurs compétences. Les #techniciens qui diagnostiquent et réparent les produits tout comme les créatifs qui organisent les formations doivent pouvoir vendre s’il manque quelqu’un. Et en parlant de #vendre, les grévistes remettent aussi en cause la politique tarifaire d’Apple, tant sur le prix des produits eux-mêmes que sur les tarifs des réparations.
      Les boutiques officielles s’en tiennent au prix recommandé et elles sont désarmées face aux promotions constantes des concurrents, qui sont parfois physiquement présents à quelques pas des Apple Store. Les clients boudent logiquement les magasins ornés d’une pomme au profit des Fnac, Darty et autres Boulanger, quand ils ne vont pas directement sur Amazon. On peut imaginer que les ventes ne sont pas au beau fixe pour les Apple Store, une mauvaise performance qui servirait à l’entreprise pour justifier les nouvelles méthodes de gestion des employés ainsi que les salaires qui ne suivent pas l’inflation.

      dans le commerce du capitalisme tardif, le « samedi libre » est l’inverse de ce qu’imposait l’industrialisation soviétique.

      #temps_de_travail #commerce

    • je ne t’avais pas répondu @cabou sur ce point du "corporatisme", d’être pas syndiqués et tout le toutim. puis je trouve ce qui tiendra ici lieu de résumé d’une hypothèse, déjà vérifiée et qui le sera encore (comme elle le fut d’ailleurs avec les GJ, avant que la défaite en l’absence de toute consolidation réouvre la porte au poujadisme fasciste ou à divers complotismes), "l’intelligence des luttes, [se produit] à même la matière « impure » de l’accès des ouvriers à l’autodétermination." https://www.contretemps.eu/mario-tronti-operaisme-italie-marxisme-trajectoire-politique

    • Oui je suis d’accord avec ça, d’autant que « les ouvriers » n’ont de toute façon plus d’autre choix que l’autodétermination. Probablement comme depuis toujours. Le problème étant que le fil de l’histoire semble toujours se rompre. Ce qui oblige les protagonistes successifs à recommencer les mêmes écueils comme s’ils avaient été privés de mémoire.

    • je serais sans doute, par désespoir, tenté de te rejoindre mais puisqu’aux jours qui passent il y a a arracher de la joie, on peut se souvenir, a contrario, que chaque lutte est susceptible de porter une mémoire de l’expérience des défaites (voir le Castoriadis de l’expérience du mouvement ouvrier, ou même Benjamin et sa tradition des vaincus) de décider de son héritage.

      la foi dans le primat de la conscience et dans la pédagogie hypothèque l’action des révolutionnaires et des degauche. il y a une mémoire, même non explicite, même « simplement » incorporée (les révolutions perdent face à la violence imposée par l’ennemi, ou bien elles « gagnent » et éliminent les révolutionnaires et les oppositionnels), et il y a apprentissage depuis cela, au présent, forcément, c’est à dire face à l’intenable. ce n’est que très secondairement le résultat d’une pédagogie qui est souvent un obstacle, celui de la leçon, de l’expérience qui fait de l’ombre un présent où les conditions ne sont jamais réunies (voir l’exception Lénine, nourrie de la pratique des SR du siècle antérieur et, grâce à Trostky, de 1905).

  • Migration professionnelle : 150 jeunes sénégalais présélectionnés pour travailler au Canada – le soleil
    https://lesoleil.sn/migration-professionnelle-150-jeunes-senegalais-preselectionnes-pour-travai

    Migration professionnelle : 150 jeunes sénégalais présélectionnés pour travailler au Canada
    18 août 2023
    Des jeunes sénégalais seront bientôt au Canada dans le cadre d’un partenariat entre l’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes et Galileo Partners, un cabinet d’avocats spécialisé en immigration et recrutement international. L’Agence nationale pour la promotion de l’emploi des jeunes (Anpej) participe à une mission de recrutement avec son partenaire Galileo partners, un cabinet d’avocats spécialisé en immigration et recrutement international pour les entreprises du Québec et du Canada. Dans le cadre de cette activité, une rencontre s’est tenue, mercredi 16 août 2023, à Dakar, afin de partager avec les jeunes le maximum d’informations sur les opportunités au Canada.
    Galileo partners a entamé des entretiens d’embauche qui se tiennent du 14 au 18 août. Des rencontres qui incluent des sessions d’information sur la migration professionnelle. L’objectif de cette mission de quatre jours est de recevoir en entretien d’embauche les 150 jeunes présélectionnés à la suite de l’appel à candidature lancé le 18 juillet pour des postes d’électromécaniciens, de caristes-magasiniers, d’opérateurs de production ou encore de cuisiniers-serveurs. « Cette initiative vient à son heure dans un contexte marqué par l’émigration clandestine », a reconnu Tamsir Faye, Directeur général de l’Anpej. Ce dernier soutient que cela participe à aider les jeunes à trouver de l’emploi et leur permettre de choisir la voie de l’immigration régulière. « Nous avons eu l’occasion de travailler avec l’Anpej pour mettre sur pied un recrutement international », informe Francis Grignet, avocat en immigration et cofondateur de Galileo partners. Ce recrutement permet, selon lui, de donner l’occasion de venir rencontrer des travailleurs pour des employeurs canadiens dans des domaines où il y a une pénurie de main d’œuvre. « Cela nous permet également de donner la bonne information sur l’immigration canadienne aux jeunes sénégalais », a déclaré l’avocat en immigration. Arame NDIAYE

    #Covid-19#migrant#migration#senegal#canada#economie#travailleurmigrant#immigration#information#politiquemigratoire#postcovid

  • Entre désillusions et intégration, le sort contrasté des migrants venus travailler au Japon
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/08/10/entre-desillusions-et-integration-le-sort-contraste-des-migrants-venus-trava

    Entre désillusions et intégration, le sort contrasté des migrants venus travailler au Japon
    Par Bruno Philip (Tokyo, Fukuoka, (Envoyé spécial))
    Le nombre des travailleurs étrangers ne cesse d’augmenter dans l’Archipel, qui a un besoin croissant de main-d’œuvre. La satisfaction affichée par les mieux intégrés ne cache pas les espoirs déçus de nombre d’ouvriers.
    Ngo Gia Khanh est un solide gaillard de 22 ans aux cheveux ras, dont le regard un peu inquiet semble témoigner du parcours en dents de scie qui a été le sien depuis son départ du Vietnam, voici un an. Quand il a suivi la filière dite des « stagiaires techniques » permettant à des travailleurs étrangers sans qualification d’être embauchés dans des entreprises japonaises, il n’avait certes pas imaginé ce qui l’attendait. Natif de la province septentrionale de Quang Ninh, située dans le nord du Vietnam, le jeune homme avait deux objectifs, l’un étant le corollaire de l’autre : « Apprendre le japonais et faire carrière ici, au Japon. » Alors il est parti pour Hanoï, la capitale, où il a entrepris d’apprendre des rudiments de japonais. Puis des intermédiaires locaux l’ont mis en relation avec les organismes nippons chargés d’organiser le séjour au Japon des « stagiaires ». Et de leur trouver du travail. Au printemps 2022, il a fini par arriver à Tokyo.
    Khanh a rapidement dû déchanter (...)
    Le crépuscule démographique du Japon force les entreprises locales à recourir à de plus en plus de main-d’œuvre venue d’ailleurs, notamment dans les secteurs de la construction, des chantiers navals et des services hospitaliers. A la fin du siècle dernier, près de 90 millions de Japonais avaient entre 15 et 65 ans. En 2040, la même tranche d’âge devrait se réduire à 60 millions d’individus. Conséquence, selon un rapport publié par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), l’archipel aura besoin de 4,2 millions de travailleurs étrangers d’ici à 2030, et de 6,7 millions d’ici à 2040... Le Japon incarne l’un de ces rêves d’ailleurs et de promesses de lendemains souriants pour des jeunes sans emploi issus des milieux modestes des pays d’Asie du Sud et du Sud-Est. Mais cette filière dite des « stagiaires », réservoir de main-d’œuvre bon marché pour les entreprises qu’a connues Ngo Gia Khanh, est de plus en plus controversée : elle favorise les abus de pouvoir des patrons à l’égard d’ouvriers étrangers confrontés, entre autres difficultés, aux codes culturels complexes d’un univers nippon volontiers replié sur lui-même et, pour l’essentiel, resté ethniquement homogène : le nombre de résidents étrangers dépasse à peine les 2 % d’une population de 125 millions d’habitants. En théorie, cette filière devait permettre à des ouvriers peu ou pas du tout qualifiés d’acquérir des compétences qu’ils pourraient mettre à profit une fois rentrés dans leurs pays d’origine. Or la réalité est tout autre : « Ce programme de [stages techniques] est de longue date connu pour être un moyen d’exploiter les ouvriers », dénonçait en avril, dans un cinglant éditorial, le grand quotidien de centre gauche Asahi shimbun. Environ 340 000 travailleurs aujourd’hui employés au Japon ont suivi cette filière.
    Cette dernière est désormais si décriée qu’un panel d’experts mandatés par le gouvernement a recommandé au mois de mai qu’elle soit tout bonnement supprimée et remplacée par un système « réformé », plus respectueux « des droits de l’Homme », selon les termes du rapport. L’une des suggestions de ce panel propose que des « stagiaires » ayant acquis un certain niveau de maîtrise de leurs spécialités puissent accéder à la catégorie des « travailleurs qualifiés ». Ces derniers bénéficient d’emplois mieux payés et plus stables. Pour l’instant, on en est loin : « Environ 50 stagiaires viennent chaque mois se plaindre chez nous de leurs conditions de travail », s’émeut Yoshimizu Jiho, la fondatrice de l’Association de support mutuel Japon-Vietnam, qui a pour but d’aider des travailleurs vietnamiens.
    Une cueilleuse de fraises du département de Tochigi (centre du pays) narre de son côté une histoire encore plus tragique que celle du jeune Vietnamien : « Le contremaître m’a violée, je suis tombée enceinte, j’ai avorté », raconte, peinant à trouver ses mots, Sophan Ean, 21 ans, originaire de Battambang, ville du Nord-Ouest cambodgien. Aujourd’hui hébergée dans un refuge géré par une autre ONG, le Réseau de solidarité avec les migrants au Japon, son avenir reste précaire. « Je ne peux pas rentrer au pays, je me suis endettée auprès des intermédiaires khmers qui m’ont aiguillée sur la filière et, de toute façon, je ne trouverai pas un travail aussi bien payé au Cambodge », dit-elle. Sophan continue donc de cueillir les fraises dans la même entreprise. Et tant pis, comme elle l’avoue, si son violeur de contremaître s’obstine à essayer de la « séduire » à nouveau.
    Les questions migratoires ne sont pas encore devenues des motifs de querelle au Japon, en dépit des efforts des milieux d’extrême droite pour agiter les dangers d’une immigration excessive. En 2022, selon les statistiques du ministère du travail, le nombre de travailleurs étrangers, toutes filières confondues, s’élevait à 1,8 million de personnes. Mais le nombre de migrants a doublé depuis 2014 et quadruplé depuis 2008. La plupart d’entre eux sont vietnamiens, chinois, philippins et indonésiens.
    Sushil Paudel, 33 ans, originaire du Népal, dans son restaurant indien Himalaya, à Fukuoka (Japon), le 9 juin 2023. « On ne peut pas dire qu’un sentiment antimigrants ait émergé dans l’opinion publique », souligne le sociologue Naoto Higuchi, de l’université Waseda, de Tokyo. Jusqu’à présent, précise-t-il, les « gouvernements successifs du Japon ont pris soin de ne pas politiser cette question ». Même si celle-ci risque d’être de plus en plus à l’ordre du jour. Dans le même temps, en raison de la chute du yen, le Japon n’est plus aussi attractif que par le passé, ce qui pourrait à terme provoquer une chute de l’immigration, générant des problèmes inverses de ceux redoutés par l’extrême droite.
    Fukuoka, à cinq heures de Tokyo en Shinkansen – le TGV nippon –, grande agglomération située sur la côte ouest de l’île méridionale de Kyushu, brille ce soir-là de tous les feux d’un extraordinaire bouillonnement urbain. Empilements de cubes de béton alignés de part et d’autre de la rivière Naka, la ville, forte d’une population d’un million six cent mille âmes, est un chef-lieu régional mais aussi une importante destination « migratoire » de l’Archipel. « Il y a ici une dizaine de milliers de migrants venus du Népal », explique Sushil Paudel, 33 ans. Ce jeune Népalais originaire de Pokhara, une ville située au pied de l’Himalaya, a trouvé ses marques au Kyushu. Son récit est aux antipodes de celui des malheureux « stagiaires » rencontrés à Tokyo : Sushil est un homme heureux, rien ne le ferait partir du Japon. (...) D’autant que, « contrairement aux Coréens, aux Chinois et même aux Vietnamiens, qui ne sont guère appréciés des Japonais, les Népalais sont bien vus », veut croire Sushil. Ajoutant avec un brin d’ironie : « Tant qu’on n’est pas trop nombreux… » Le jeune Népalais n’est visiblement pas le seul à apprécier son exil. Zahid Abdullah, un Bangladais de 31 ans, sur place depuis six ans, a bataillé ferme pour décrocher son actuel travail de vendeur de voitures. Mais il a aujourd’hui le sentiment d’être respecté et se réjouit que les clients le félicitent pour son niveau de japonais. Dans la petite mosquée au discret minaret de la banlieue de Fukuoka, où le jeune Bangladais vient faire sa prière du soir en compagnie d’autres musulmans, originaires d’Indonésie, du Pakistan, du Ghana, d’Egypte, il reconnaît que son salaire ne lui permet pas encore d’« économiser grand-chose » ; mais il ajoute : « Jamais je n’aurais imaginé, quand j’étais encore au pays, faire un travail que j’aime autant. »Lui aussi originaire du Bangladesh, Rafiqul Islam Maruf, 56 ans, est arrivé pour la première fois au Japon en 1993 avec une bourse gouvernementale dans l’intention d’y finir son doctorat en informatique. Même s’il a vécu ici par intermittence, ce professeur de télémédecine a toutes les raisons de se féliciter des dix-sept ans passés dans l’Archipel. Marié à une Japonaise, père de deux enfants, il se souvient avoir été « le premier étudiant bangladais de la faculté d’ingénierie » où il étudiait alors. Plusieurs entreprises l’ont ensuite courtisé pour le dissuader de rentrer dans son pays natal, preuve d’un besoin croissant d’ingénieurs étrangers et signe de la politique japonaise d’immigration choisie. Rafiqul Islam Maruf songe malgré tout à retourner au Bangladesh dans quelques années, même s’il se dit satisfait d’une existence incomparable avec celle qu’il aurait eue s’il était resté dans son pays.

    #Covid-19#migrant#migration#japon#demographie#travailleurmigrant#politiquemigratoire#vieillissement#economie#postcovid

  • Foyers : invisibiliser les migrants - OCL
    https://oclibertaire.lautre.net/spip.php?article3893

    Le foyer Branly à Montreuil doit être démoli pour être rénové. C’est un foyer de travailleurs migrants, donc des hommes seuls (en France), majoritairement maliens, mais aussi d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Un comité de soutien s’est créé à l’appel du comité des résidents. Des rassemblements ont eu lieu, à l’inauguration officielle d’un foyer et devant la mairie.

    Le foyer comporte actuellement 195 lits officiels. Dans le cadre de la « mixité sociale », le nouveau foyer comportera 135 mini-studios et des appartements suffisamment grands pour accueillir des familles. Les résidents ont posé 5 revendications quand ils ont connu (tardivement évidemment) le projet : que les titulaires de lits âgés puissent transmettre leur contrat à quelqu’un de la famille, que des colocations soient possibles sur les appartements (certes analphabètes, ils ont bien repéré qu’il manquait 60 places), qu’une porte accessible aux personnes âgées et aux invalides soit posée durant les travaux, qu’un parking soit réservé durant ce même temps pour ceux qui travaillent avec leur voiture (nettoyage), et qu’on propose un relogement aux surnuméraires en situation régulière (il y a environ 250 surnuméraires, avec ou sans papiers). Ces revendications ont été posées en avril, les travaux étant censés commencer le 1er juin. C’était 5 revendications de trop. La réponse : vigiles pour bloquer le parking actuel, et l’ensemble des casiers ont été éventrés et toutes leurs affaires jetées par terre.
    Le comité de pilotage du projet comprend Adoma (l’ancien Sonacotra), la Préfecture, la mairie de Montreuil (communiste), Est Ensemble (le territoire (1))… Bien sûr, les résidents n’y ont jamais été invités.

    Manquerait plus que ça qu’on demande leur avis aux intéressés ! Une enquête sociale était prévue pour savoir qui méritait d’être relogé. Les résidents l’ont boycottée. Ils espéraient que ce soit un moyen de pression, cette enquête étant obligatoire avant le démarrage des travaux. Mais bon, la loi ne s’impose pas à tous, tout le monde sait ça.
    En fait, comme ailleurs, il ne s’agit pas seulement d’une grosse rénovation. Les foyers de travailleurs migrants sont transformés en résidences sociales, offre de logements temporaires pour les personnes en grande difficulté. Les travailleurs sont donc maintenant des personnes en grande difficulté, de surcroît pas forcément des migrants. Ceci explique que seulement 135 lits soient proposés. Il faut mixer, installer des familles, par définition pas présentes dans les foyers de travailleurs migrants. Et c’est bien pourquoi on refuse aux 60 titulaires évincés par le projet la possibilité d’une colocation dans des appartements suffisamment grands. « C’est contraire au projet social ». C’est pourquoi aussi la transmission du contrat à un membre de la famille est refusée : les organismes sociaux co-financeurs prétendent loger qui ils veulent où ils veulent.

    (...) l’opération devrait être rentable. On démolit les espaces collectifs et le parking pour construire le nouveau foyer (pardon, la nouvelle résidence) à la place, et ensuite on détruira l’ancien foyer pour revendre le terrain dans un quartier en pleine gentrification. (...)

    Ceci fait partie du « plan de traitement des foyers de travailleurs migrants », un plan national mis en place en 1997. Au départ, c’était un plan quinquennal. Un quart de siècle plus tard, l’opération n’est toujours pas terminée. Il reste par exemple 19 foyers à transformer rien qu’en Seine Saint Denis. Soi-disant, il s’agit de permettre une autonomisation du logement et de ses habitants. En réalité, en prétendant lutter contre le communautarisme, il s’agit de s’attaquer aux pratiques cultuelles musulmanes et de casser les solidarités. Les foyers actuels ont certes plusieurs lits par chambre, mais ils offrent des espaces collectifs importants : cantine où les résidents organisent eux-mêmes leur cuisine collective (ce qui permet de faire manger tout le monde, même ceux qui n’ont rien), cafeteria, espaces de commerce informel (épis de maïs, cigarettes, savon, boissons…), salles de prières, salles de réunions. Aucun espace collectif n’est prévu dans les résidences sociales. Tu arrives, tu rentres dans ta chambre et tu fermes ta porte, et c’est tout. Tu ne peux aller nulle part. C’est ça, l’intégration. Pas même un endroit pour cuisiner. (...)

    #foyers #foyer_Branly #migrants #travailleurs_migrants #logement #Montreuil

  • En Pologne, le chantier de la raffinerie de Plock met en lumière les contradictions du gouvernement sur la question migratoire
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/07/31/en-pologne-le-chantier-de-la-raffinerie-de-plock-met-en-lumiere-les-contradi

    En Pologne, le chantier de la raffinerie de Plock met en lumière les contradictions du gouvernement sur la question migratoire
    Par Jakub Iwaniuk (Plock (Pologne), envoyé spécial)
    Publié hier à 05h30, modifié hier à 09h37
    ReportageEn plein essor économique, la Pologne se voit obligée de faire appel à de la main-d’œuvre de pays toujours plus lointains. Une réalité qui, en période électorale, va à l’encontre du discours officiel du pouvoir national-populiste. Le monstre de béton et d’acier est visible de loin, au milieu des champs, avec ses imposantes grues par dizaines, ses cheminées crachant tantôt du feu, tantôt une épaisse fumée blanche. La raffinerie de Plock, à cent kilomètres de Varsovie, propriété du géant pétrolier public polonais Orlen, est l’une des plus grandes d’Europe. Le lieu est réputé pour sa production de polymères et autres matières premières issues du pétrole, exportés dans le monde entier. A l’image de la Pologne, le complexe est perpétuellement en travaux et en pleine croissance. Mais l’agrandissement de la raffinerie pour installer une troisième chaîne de production suscite un fort remous dans le pays. Le chantier vient d’être érigé en un temps record, un « village ouvrier » de 2 200 conteneurs habitables, destiné à accueillir près de 6 000 travailleurs d’Inde, du Pakistan, du Bangladesh, des Philippines, de Malaisie et du Turkménistan, alors même qu’à Varsovie le gouvernement est toujours prompt à instrumentaliser la question migratoire.
    Les travaux doivent durer jusqu’en 2027, et les sous-traitants d’Orlen, le coréen Hyundai Engineering et l’espagnol Tecnicas Reunidas, ont fait appel à ces travailleurs venus de l’autre bout du globe. Même le 1,5 million d’immigrants et de réfugiés ukrainiens ne suffit plus à combler la pénurie de main-d’œuvre qui touche de nombreux secteurs en Pologne. En ce mois de juillet, sous un soleil de plomb, les travaux vont bon train sur le site et le va-et-vient des poids lourds rend l’atmosphère poussiéreuse. Des employés de la sécurité d’Orlen mettent du film plastique pour camoufler le panneau « Camp » qui indique l’entrée du « village » ouvrier, terme privilégié par la communication de l’entreprise. « L’avantage, c’est que c’est un système très flexible, indique Anna Blazejewska, de la société Modular System, qui a conçu le lieu. On peut enlever ou ajouter des conteneurs en fonction des besoins. A la fin du chantier, tout disparaîtra et sera remis à l’état d’origine, c’est-à-dire un champ. »
    Les conteneurs sentent le neuf, le linge sur les lits superposés est encore sous emballage. Ils sont climatisés, mais la connexion Internet n’est pas accessible à l’intérieur. Chaque conteneur accueille une chambre de 13 mètres carrés pour quatre personnes. La cantine fournit de la nourriture des pays d’origine des ouvriers. Un magasin ouvrira bientôt et des terrains de cricket et de basket sont sur le point d’être construits. Tout est conçu pour que les travailleurs aient à quitter le lieu le moins possible. Il n’y a d’ailleurs aucun transport public vers le centre-ville, situé à une dizaine de kilomètres.
    Les ouvriers sont censés faire les trois-huit six jours par semaine. Mais il arrive que le village soit complètement désert, comme si tous les travailleurs – trois cents actuellement – étaient au travail en même temps. Les entreprises gestionnaires soulignent que ce genre d’infrastructures d’hébergement se déplace en permanence sur divers sites en Europe et dans le monde, et que les ouvriers n’en sont pas à leur premier contrat. A Plock, on note aussi la présence de plusieurs dizaines de Coréens : les ingénieurs et les cadres de chez Hyundai, hébergés, parfois avec leurs familles, dans des appartements et hôtels du centre-ville. Ici, ce ne sont pas les conditions d’hébergement ou de travail qui créent la polémique – les Polonais ont une longue tradition de migrations professionnelles dans des conditions rudimentaires –, mais les nationalités des nouveaux venus. En 2015, le parti national-populiste Droit et justice (PiS) était arrivé au pouvoir en tirant bénéfice des peurs suscitées par la crise migratoire en Méditerranée, agitant le spectre de l’arrivée massive d’« hommes issus d’autres cultures ». Lors des tensions migratoires provoquées à l’automne 2021 par le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko, la propagande gouvernementale n’avait pas de mots assez durs pour déshumaniser les migrants et justifier une politique de violents refoulements aux frontières. Le gouvernement a alors décidé d’ériger une clôture de 200 kilomètres à la frontière avec la Biélorussie. Ironie de la situation, c’est à cette époque que se négociaient les contrats pour l’agrandissement de la raffinerie de Plock.
    Située en banlieue de Plock, la commune rurale de Stara Biala, 12 000 habitants, sur laquelle est installé le village de conteneurs, est typique de la Pologne périurbaine. « Il est clair qu’à l’annonce de l’arrivée des travailleurs, il y a eu une forte inquiétude de la population, souligne le maire, Slawomir Wawrzynski, porte-voix des habitants depuis près de trente-cinq ans. Les gens font le rapprochement avec la situation en Europe, les vagues migratoires d’Afrique. Ils redoutent avant tout des situations difficiles que pourrait engendrer la présence soudaine de nombreux hommes culturellement différents. » En Pologne, la question migratoire est perçue par la population à travers un prisme principalement sécuritaire. Dans les environs de Plock, à l’annonce du projet, les craintes étaient telles que le vice-ministre de l’intérieur, Maciej Wasik, a fait le déplacement au mois de mai pour annoncer un renforcement des effectifs policiers, et même l’ouverture d’un commissariat vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur le terrain du camp ouvrier. L’entreprise Orlen et les pouvoirs publics ont mis en place une politique de communication très active, multipliant les conférences pour tuer dans l’œuf diverses rumeurs sur de supposés troubles ou sur le nombre de nouveaux venus.
    (...) Dans un pays largement monoethnique où le multiculturalisme ne va pas de soi, il s’apprend. Fait inédit, les autorités ont mis en place, à l’échelle locale, une politique de sensibilisation contre les discriminations. Intitulée « Le respect n’a pas de couleur », la campagne a été confiée à la police, qui fait le tour des écoles pour discuter avec les élèves des préjugés et du langage de haine, particulièrement sur Internet. Des posters vantant la diversité ont été distribués, et Orlen organise des « pique-niques d’intégration » entre employés polonais et étrangers, avec présentation des cultures et cuisines respectives. Le géant pétrolier a également financé plusieurs centaines de traducteurs électroniques de poche mis à disposition des pouvoirs publics, de la police aux ambulanciers. Ces initiatives d’une entreprise d’Etat étroitement contrôlée par le pouvoir n’ont quasiment aucune résonance à l’échelle nationale, tant elles contrastent avec le langage virulent du gouvernement de Mateusz Morawiecki sur l’immigration, à moins de trois mois des élections législatives. Alors que, dans le débat public, la confusion entre migrants économiques et demandeurs d’asile est totale, le pays n’a officiellement ni politique ni doctrine migratoires. A Plock, la plupart des habitants semblent croire qu’à l’image de l’éphémère village de conteneurs la Pologne se dirigerait vers un modèle de « multiculturalisme provisoire ». Les expériences dans d’autres pays européens montrent pourtant que les migrations professionnelles ont, à terme, un caractère durable. Une réalité dont le pays, qui a vu son niveau de vie doubler en l’espace de dix ans, commence à peine à prendre conscience.

    #Covid-19#migrant#migration#pologne#postcovid#economie#travailleurmigrant#integration#multiculuturalisme#etranger#afrique#asie

  • [France travail is coming] Dans l’Yonne, les allocataires du RSA déjà soumis à la pression, Faïza Zerouala

    Ainsi Thomas assure-t-il ressentir une pression quasi quotidienne alors qu’il considère n’être pas le mieux outillé pour faire face au monde du #travail et ses exigences. Un simple exemple : personne ne semble tenir compte du fait que les entretiens auxquels il est si souvent convoqué se déroulent à plusieurs kilomètres de chez lui, alors qu’il ne possède ni permis de conduire ni voiture. En zone rurale, où les bus sont rares, impossible de faire sans.

    Le quadragénaire n’a pas les moyens de se payer un ticket de TER et se refuse à frauder, par peur d’être contrôlé. Il ne lui reste donc qu’à marcher sur le bord de la route en essayant de gratter quelques kilomètres en stop. Plusieurs fois, il a rempli des demandes d’aide pour passer le permis, mais son dossier n’a jamais été retenu.
    Depuis des années, l’homme enchaîne les missions en pointillé. Et sans parler de l’éloignement géographique, cela se passe parfois mal : une de ces missions s’est arrêtée au bout de quelques jours : « Quand je suis revenu dans l’entreprise, ils avaient embauché quelqu’un d’autre à ma place, sans prévenir ! »

    Quant à Julie, depuis la perte de son emploi, personne ne lui a proposé de poste en rapport avec son importante expérience professionnelle. Le conseiller qui la suit lui a proposé de devenir aide à domicile, mais elle n’en a ni l’envie, ni, estime-t-elle, les compétences. Le conseil départemental lui a aussi demandé de suivre des formations de métiers administratifs, elle qui a travaillé plus de vingt ans dans le secteur. Julie en soupire encore.
    L’automne dernier, la jeune femme s’est rendu compte sur Internet que son allocation était notée comme suspendue, en rouge. Elle s’est rapprochée de la #CAF, qui lui a expliqué qu’elle était privée de RSA pour deux mois car elle n’avait pas répondu à un contrôle de situation. « J’ai donc été suspendue de mes droits, sans qu’on me prévienne par mail ou par un coup de téléphone », souligne-t-elle. Un courrier papier lui avait été envoyé un mois et demi plus tôt. Or sans domicile fixe, difficile pour Julie de recevoir du courrier…
    Elle garde un souvenir cuisant de son échange téléphonique avec l’agent·e de la CAF : « La personne m’a dit : “C’est la seule façon de vous faire bouger, dès qu’on vous coupe les vivres, vous vous manifestez !” On dirait qu’on est vraiment des numéros, des objets. »
    Ses problèmes ne se sont pas arrêtés là. Elle a aussi été convoquée pour une audience par le #département, au motif qu’elle n’avait pas établi de projet personnalisé pour retrouver un emploi, comme la loi l’impose. Selon son récit, l’entretien avec plusieurs interlocuteurs s’est mal passé. « Personne ne m’avait rien expliqué, mais ils cherchent la faille, ils cherchent à culpabiliser. Vous avez un devoir, mais aucun droit, en gros. C’est ça, le message. Le plus dur, c’était de ne pas répondre et de rester zen. »

    Il aurait aussi été demandé [par MJ consulting qui sous traite le suivi pour le compte du département] à Thomas d’être joignable par téléphone « 24 heures sur 24 », sous peine de voir son allocation suspendue. Mais l’homme a parfois des soucis de connexion à cause d’un réseau capricieux. Réponse du consultant : « Ce n’est pas possible au XXIe siècle. »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/300723/dans-l-yonne-les-allocataires-du-rsa-deja-soumis-la-pression
    https://justpaste.it/dfhv0

    #Yonne #MJ_Consulting #RSA #métiers_en_tension #coupure_de_revenu #revenu

  • France Travail : « Les travailleurs handicapés sont utilisés comme variable d’ajustement du marché du travail », Pierre-Yves Baudot et Jean-Marie Pillon.

    Le chantier France Travail ouvert par le gouvernement et le projet de loi « plein-emploi » présenté en conseil des ministres visent, entre autres, à intégrer les travailleurs handicapés dans le droit commun. L’intention est louable. La manière mérite toutefois une mise en perspective.
    Cette inclusion dans le marché de l’emploi se fait sans réfléchir à la façon dont le travail « produit » le handicap : en usant le corps d’une part (troubles musculosquelettiques, accidents du travail, dépression), en éloignant de l’autonomie financière les moins productifs d’autre part (sélectivité du marché du travail, intensité des cadences, organisation standardisée du travail).
    Elle se fait également en pensant le problème de l’inclusion comme une question d’appariement : ce qu’il manquerait aux travailleurs handicapés pour travailler, ce serait uniquement de l’information, de l’accompagnement et un travail d’intermédiation pour les rapprocher des employeurs.

    Augmenter le nombre de personnes employables

    Il n’y a rien dans ce projet de loi qui soit relatif à l’accessibilité ou à l’aménagement des postes de travail, rien non plus sur les obligations des employeurs, rien, enfin, sur l’accessibilité des zones d’activité. Ces occultations sont liées aux objectifs visés par cette réforme. D’une part, celle-ci s’inscrit dans une trajectoire de réformes visant à augmenter le nombre de personnes employables.

    Les lycéens en bac techno seront plus facilement accessibles aux entreprises via des guichets de stage installés dans les lycées, les demandeurs d’emploi seront incités à accepter plus facilement les offres d’emploi, leur durée d’indemnisation étant réduite. Les bénéficiaires du RSA devront travailler presque gratuitement pour conserver leurs droits. L’ensemble des salariés devra travailler deux ans de plus pour espérer une retraite à taux plein.

    Dans une période qui se rapproche statistiquement du plein-emploi, cet accroissement de la main-d’œuvre disponible vise à limiter la hausse des salaires induite par la raréfaction du nombre de personnes sans aucun emploi. Ces réformes n’ont pas pour objectif de réduire le nombre de personnes en sous-emploi (à temps partiel ou en emploi discontinu) ou de personnes vivant des minima sociaux. Au contraire : la réforme de l’assurance-chômage verra croître le nombre de travailleurs pauvres.

    La réforme des retraites augmentera, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) le nombre de personnes vivant grâce au RSA (+ 30 000 bénéficiaires) et augmentera le coût pour l’Etat de cette prestation (+ 150 millions d’euros pour le RSA). Le nombre de bénéficiaires et le coût de l’allocation adulte handicapé devraient aussi augmenter (+ 510 millions d’euros pour l’AAH) , beaucoup de travailleurs usés ne pouvant pas continuer deux ans de plus.

    Inclusion ou véritable émancipation ?

    D’autre part, cette réforme introduit une bascule cruciale.
    Historiquement, les personnes handicapées avaient été épargnées par l’injonction au travail salarié, compte tenu des causes de leur handicap (accident du travail, invalidité de guerre, maladies chroniques). On mesure alors le pas important qui a été franchi pour que l’ancienne secrétaire d’Etat aux personnes handicapées, Sophie Cluzel, ait pu dire « tout le monde est employable ».

    Certes, nul ne revendique que toute personne handicapée reste chez elle à attendre que le temps passe. Mais l’inclusion sur le marché ordinaire est ici imposée dans des conditions peu propices à une véritable émancipation. Le cas anglais nous alerte : au début des années 2010, le gouvernement britannique avait lancé une politique comparable, avec pour corollaire une hausse des #décès et du taux de #pauvreté (de 23 à 27 % entre 2013 et 2020) dans les foyers comptant une personne handicapée.

    A cela s’ajoute un enjeu institutionnel important : la réforme réduit le rôle des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Jusqu’alors, celles-ci décidaient, sur la base d’une évaluation pluridisciplinaire, de l’orientation professionnelle des travailleurs handicapés vers le milieu ordinaire ou vers le milieu protégé. Cette orientation n’est pas exempte de critiques : elle contribuait à construire des filières de travail ségrégué, maintenant les personnes handicapées, de l’enfance à l’âge adulte, dans des structures au sein desquelles leurs droits n’étaient pas les mêmes que ceux d’un travailleur ordinaire.

    Une rupture importante

    Le projet de loi entend effectivement remédier à ceci en accordant à ces travailleurs des droits identiques à ceux des travailleurs du secteur ordinaire. Mais il ne revient pas sur une dimension essentielle : faire de la « rémunération garantie » des travailleurs d’établissements et services d’aide par le travail (ESAT) un véritable salaire. Ceux-ci constituent une main-d’œuvre sous-payée pour un travail de plus en plus soumis à des impératifs de productivité. [120 000 travailleurs handicapés sont sous-payés en ESAT]

    Dans ses versions initiales, le projet de loi annonce une rupture importante : échappant aux MDPH, l’évaluation est confiée aux conseillers de France Travail qui se fonderont davantage sur l’aptitude au travail plutôt que sur la situation de handicap. Présentée comme un élément décisif d’inclusion des personnes handicapées dans le droit commun, cette réforme amène non à produire de l’autonomie par le travail, mais à subordonner davantage les personnes handicapées aux impératifs de production de valeur marchande – qui, pour une part, produisent le handicap.

    Si le salariat peut ouvrir la voie de l’autonomie, l’adaptation des conditions de travail et d’emploi demeure un préalable. Enfin, cette réforme fait peser l’intégralité de l’effort d’accès concret au marché de l’emploi sur les personnes handicapées, tout en autorisant France Travail à ne pas s’appuyer sur leurs projets pour décider de leur orientation.

    L’insertion professionnelle n’est pas favorisée

    Cette réforme ne contient aucune disposition structurelle pour favoriser leur insertion professionnelle : pas d’accroissement de la contrainte pour les employeurs, pas d’incitation au recours à des aménagements raisonnables, pourtant promus aux niveaux européen et international. Enfin, aucune disposition relative à l’accessibilité des transports, un des éléments constitutifs de l’éloignement de l’emploi des travailleurs handicapés.
    C’est pourtant le principal frein mentionné par les jeunes handicapés dans leur accès à l’emploi. En dépit de son inachèvement affiché, cette réforme est bien porteuse d’une vision politique claire de restructuration du marché du travail dans une perspective de plein-emploi et aveugle aux enjeux de conditions de #travail, d’#emploi et de #salaire.

    Ces dimensions-là ont peu de chances d’être amendées dans un jeu parlementaire cadenassé. Et, là encore, à leur corps défendant, les #travailleurs_handicapés sont utilisés comme variable d’ajustement du marché du travail.

    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/07/07/france-travail-les-travailleurs-handicapes-sont-utilises-comme-variable-d-aj

    #France_Travail #MDPH #ESAT #RSA #AAH #retraites

    • Le projet a l’air d’augmenter par tous les moyens la masse de personnes «  employables  » pour augmenter la pression sur les salaires et garantir un volume constant voire augmentant de main d’œuvre disponible à cout contrôlé, voire déclinant.

      Une sorte de «  choc de compétitivité  » qui passerait par un appauvrissement généralisé de la classe laborieuse, tout en dégageant un maximum «  d’improductifs  » de l’équation.

  • #Emmanuel_Lechypre, journaliste à BFM Business :

    « L’#échec des #politiques_de_la_ville, une quinzaine de #plans_banlieues depuis 1977. 100 milliards d’euro sur la table, et pas de résultats. La réalité c’est que la situation est bien plus difficile pour ces 7,5% de la population qui vivent dans les #banlieues que pour le reste du pays. Le taux de #chômage y est 2 fois plus élevé. La moitié des jeunes n’y a pas d’emploi, 4 habitants sur 10 n’ont aucun #diplôme, c’est le double de la moyenne nationale, et le taux de #pauvreté est 3 fois plus élevé que dans l’ensemble du pays.
    Quand vous regardez, est-ce que les habitants des #quartiers_pauvres reçoivent plus de #transferts_sociaux que les autres ? Non, en France métropolitaine on est à 6800 euros en moyenne par an. Là c’est 6100 euros dans les banlieues.
    Est-ce que ces territoires, plus pauvres, reçoivent beaucoup plus de la #solidarité_nationale qu’ils ne contribuent ? Ce n’est pas vrai. La Seine-Saint-Denis est le 3ème département en France le plus pauvre de France, et pourtant c’est le 8ème contributeur en termes de #cotisations_sociales.
    Est-ce que les quartiers pauvres sont mieux traités par l’Etat que la France périphérique ? Non, si on regarde les chiffres en matière de #santé, les quartiers populaires comptent moins de 250 professionnels offrant des #soins de proximité. C’est 400 en moyenne en France. Et même quand l’Etat dépense plus, les chiffres sont trompeurs. C’est vrai sur le coût moyen d’un élève accueilli en #éducation_prioritaire, il est plus élevé, sauf que la qualité de l’#enseignement qui est dispensé est moins bonne. »

    https://twitter.com/Laurent_Potelle/status/1675463787221008387
    https://www.bfmtv.com/economie/replay-emissions/good-morning-business/emmanuel-lechypre-banlieues-trop-peu-d-argent-trop-mal-depense-30-06_VN-20230
    #chiffres #statistiques #préjugés #idées_reçues #quartiers_populaires #réalité #Nahel #politique_de_la_ville

    ping @karine4 @isskein @cede

    • Violences en banlieue : la politique de la ville, une cible trop facile

      Depuis la mort de Nahel, l’extrême droite s’indigne des milliards qui auraient irrigué en vain les quartiers populaires. Mais avec des plans banlieues délaissés depuis des années, le problème semble surtout résider dans les rapports entre la jeunesse et la police.

      C’est une petite musique qui monte, après cinq nuits d’émeutes qui laissent le pays groggy. Une rage de justice, pour venger la mort de Nahel, 17 ans, tué par un tir policer le 27 juin, qui a tout emporté sur son passage : mairies, commissariats, écoles, centres des impôts ou de santé, médiathèques, boutiques et centres commerciaux, voitures et mobilier urbain. Jusqu’à cette tentative de mettre le feu à la mairie de Clichy-sous-Bois, tout un symbole : foyer des précédentes violences de 2005, la ville a longtemps été dirigée par l’actuel ministre de la Ville, Olivier Klein.

      Cette petite musique, le Rassemblement national la fredonne depuis des années, mais c’est Eric Zemmour qui l’a entonnée vendredi sur Twitter : « On a dépensé 40 milliards d’euros pour reconstruire ces quartiers avec le #plan_Borloo, 40 milliards ! Vous voyez le résultat aujourd’hui ? » Un discours démagogique : le #programme_national_de_rénovation_urbaine (#PNRU, 2004-2021), créé par la loi Borloo du 1er août 2003, n’a pas coûté 40 milliards, mais 12. Lesquels ont été financés aux deux tiers par #Action_Logement, l’organisme paritaire qui collecte le 1 % logement, un prélèvement sur la masse salariale. Le reste par les collectivités locales et l’Etat. Ces 12 milliards d’euros ont généré 48 milliards d’euros de travaux, une manne qui a surtout profité au BTP. En outre, le PNRU a généré 4 milliards de TVA, 6 milliards de cotisations et 40 000 emplois pendant dix ans. Merci la banlieue. Un deuxième programme, le #NPNRU (N pour nouveau), est en route. D’un montant identique, il court jusqu’en 2030.

      « Plus grand chantier civil de l’histoire »

      Trop d’argent aurait été déversé pour les quartiers populaires ? « Franchement, vous n’imaginez pas à quoi ressemblait leur #état_d’abandon, de #misère, l’#enfermement : la police ne rentrait pas dans ces quartiers, les poubelles n’étaient pas ramassées, personne n’y rentrait ! » s’énervait #Jean-Louis_Borloo mardi 27 juin. Avant d’engueuler Libération, qui l’interrogeait sur son bilan  : « A quoi ça a servi ? Avant le PNRU, qui est quand même le plus grand chantier civil de l’histoire de France, il y avait des émeutes sporadiques dans les quartiers, quasiment tous les jours, jusqu’au grand embrasement de 2005. »

      C’était quelques heures avant que Nanterre ne s’embrase. Hasard cruel du calendrier, le père de la #rénovation_urbaine se trouvait à la Grande Borne à Grigny (Essonne), dans le cadre d’un déplacement censé donner le coup d’envoi des « célébrations » des 20 ans de l’#Agence_nationale_pour_la_rénovation_urbaine (#Anru) et à quelques jours d’un Comité interministériel des villes présidé par Elisabeth Borne, qui devait enfin dévoiler le contenu du plan « Quartiers 2030 ». Issue de la loi la loi Borloo, l’Anru est aujourd’hui présidée par Catherine Vautrin, présidente LR du Grand Reims, qui a succédé à Olivier Klein.

      Si le plan Borloo a permis de pacifier les banlieues, il a été par la suite « victime de son succès ». « Quand ça a commencé à aller mieux, on a arrêté de s’occuper des banlieues, ce n’était plus un problème », explique l’ex-maire de Valenciennes. Il aura fallu l’« appel de Grigny » en 2017 suivi d’un rapport également signé par Borloo en 2018 et une déambulation d’Emmanuel Macron en Seine-Saint-Denis, en plein Covid, pour que le chef de l’Etat ne se décide enfin à lancer l’acte II de la rénovation urbaine.

      Entretemps, une génération aura été sacrifiée. « Les 15-17 ans qui constituent le gros des émeutiers, ce sont les oubliés de la politique de la ville, estime un ex-préfet de Seine-Saint-Denis. Ce mouvement doit engendrer une révolution des dispositifs permettant d’appréhender socialement cette classe d’âge, dont personne ne s’occupe, de Toulouse à Sevran. » L’éducation y joue un rôle central, et l’annonce faite le 26 juin par le chef de l’Etat à Marseille d’étendre les heures d’ouverture des collèges a été saluée par les acteurs de la politique de la ville, qui ne se résume pas à la rénovation urbaine.

      « La question, c’est la police, la police, la police »

      On en fait trop pour les banlieues, vraiment ? Quelques chiffres récents compilés par l’Insee : dans les 1 514 « quartiers prioritaires de la politique de la ville » (QPV), où vit 8 % de la population, le taux de pauvreté est trois fois plus élevé (43 %) que dans le reste des unités urbaines et le revenu médian plafonne à 13 770 euros par an et par foyer. Avec un taux de chômage de 18,6 %, plus du double du niveau national. Bref, « dans les QPV, les communes ont plus de besoins mais moins de ressources : 30 % de capacité financière en moins », rappelait Borloo dans son plan de « réconciliation nationale ». La politique de la ville n’est pas la charité, ou une faveur faite aux plus précaires.

      Dans ces quartiers, plus de la moitié des enfants vivent en situation de pauvreté : 57 %, contre 21 % en France métropolitaine. Ils grandissent la rage au ventre à force de se faire contrôler : dans ces quartiers dont souvent un quart des habitants ne sont pas nés en France, un jeune homme noir ou arabe a une probabilité vingt fois plus élevée d’être contrôlé que l’ensemble de la population, selon un rapport du Défenseur des droits de 2017. Pour le sociologue Renaud Epstein, on se trompe donc en imputant la révolte actuelle à l’échec de la rénovation urbaine. « La question, c’est la police, la police, la police, et éventuellement la justice. La rénovation urbaine n’a rien à voir là-dedans. Si ça chauffe à Pablo-Picasso [le quartier de Nanterre où vivait Nahel, épicentre des violences, ndlr], ce n’est pas parce qu’on va leur enlever leur mosaïque pour pouvoir rénover les tours Nuages ! »

      Elu municipal à Bobigny (Seine-Saint-Denis) et infatigable militant des quartiers populaires, Fouad Ben Ahmed peut dater la bascule au jour près. Le 3 février 2003, quand Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, se rend à Toulouse et lance : « La police n’est pas là pour organiser des tournois sportifs, mais pour arrêter les délinquants, vous n’êtes pas des travailleurs sociaux. » Dans la foulée, le directeur de la police toulousaine est limogé. « Dès lors, la police n’a plus été là pour protéger les jeunes, mais pour les interpeller. » L’élu socialiste n’oublie pas non plus la dimension économique des violences actuelles, qu’il qualifie d’« émeutes du pouvoir d’achat ». Ce dont témoignent les pillages de supermarchés de hard discount comme Aldi. A Grigny, le maire, Philipe Rio, le rejoint : « Depuis 2005, la pauvreté a explosé à Grigny, et la crise du Covid et l’inflation ont été un accélérateur d’inégalités et d’injustices. »

      Alors que Mohamed Mechmache, figure des révoltes urbaines de 2005 à travers son association ACLeFeu, réclamait ce dimanche « un vrai Grenelle pour les quartiers », certains craignent que ces émeutes ne plantent le dernier clou dans le cercueil de la politique de la ville. En clair : il n’y aura pas de PNRU 3 ni de 18e plan banlieue. « Vu l’état de sécession de la jeunesse, et en face la force de l’extrême droite, il n’y aura plus un sou pour les quartiers, c’est mort », confie un militant. Rencontrée samedi soir à Bobigny, Nassima, qui condamne les violences mais comprend la colère, le dit avec ses mots et la sagesse de ses 15 ans : « Déjà qu’on était délaissés, mais on va l’être encore plus car les Français vont se dire : “Ces gens, on les aide, pour qu’au final ils pillent.” »

      https://www.liberation.fr/societe/ville/violences-en-banlieue-la-politique-de-la-ville-une-cible-trop-facile-2023

    • Trop d’argent public dans les banlieues ? « Un vaste mensonge à des fins racistes et anti-pauvres »

      Après les révoltes urbaines, des commentateurs ont accusé les banlieues d’engloutir les #fonds_publics. La réalité ce sont plutôt des #services_publics moins bien dotés qu’ailleurs, et des travailleurs essentiels plus nombreux dans ces quartiers.

      Les banlieues seraient « gorgées d’#allocations_sociales », a dit Éric Zemmour. Ou bien encore seraient dépendantes du « trafic de drogues », a affirmé le patron du Medef au sujet de la Seine-Saint-Denis, avant de s’excuser. « Quand on regarde la réalité de près, le fantasme des milliards d’argent public déversés, d’habitants qui seraient gorgés de subventions est un vaste #mensonge », réagit Stéphane Troussel, président, socialiste, du département en question. La Seine-Saint-Denis, « c’est un département dans le top 10 des créations d’entreprises, en 20 ans, l’emploi y a bondi de 30 %», met par exemple en avant l’élu pour contredire les #préjugés.

      « Je ne suis ni angélique ni naïf, je sais aussi les difficultés, le niveau de chômage, le nombre d’allocataires du RSA, le taux de délinquance et de criminalité élevé, ajoute-t-il. Mais les clichés et caricatures exploités par les réactionnaires et l’extrême droite le sont à des fins politiques, à des fins racistes et anti-pauvres, pour exacerber le clivage entre ce que nous représentons en Seine-Saint-Denis, qui est un peu l’emblème des banlieues, et le reste de la France. »

      Des quartiers de travailleuses et travailleurs

      Les affirmations discriminatoires de quelques figures politiques depuis les émeutes qui ont secoué les quartiers populaires sont en grande partie contredites par la réalité. Dans la symbolique Seine-Saint-Denis, la population dispose « du plus faible niveau de vie de la France métropolitaine », pointait un rapport parlementaire en 2018. Le département présente aussi le taux de #chômage le plus élevé de la région Île-de-France : à 9,8% contre 5,4 % à Paris début 2023. Mais la Seine-Saint-Denis est aussi le département d’Île-de-France, « où la part des travailleurs clés dans l’ensemble des actifs résidents est la plus élevée », relevait l’Insee dans une étude en 2021.

      Les « #travailleurs-clés » de Seine-Saint-Denis sont entre autres aides à domicile, caissières et caissiers, ou encore vendeurs de commerces essentiels. Des #métiers dont tout le monde a perçu l’importance vitale pendant les confinements. L’atelier parisien d’urbanisme s’est aussi demandé où vivent les actifs des professions essentielles d’Île-de-France : personnel hospitalier, caissiers, ouvriers de la logistique, de la maintenance, aides à domicile, personnel de l’éducation…

      Sans surprise, du fait des prix de l’immobilier, elles et ils sont peu à vivre à Paris et beaucoup plus dans les départements des banlieues populaires. Les auxiliaires de vie, par exemple, résident plus fréquemment en Seine-Saint-Denis. Les livreurs sont sous-représentés à Paris, dans les Hauts-de-Seine et dans les Yvelines, mais surreprésentés dans les autres départements franciliens, principalement en Seine-Saint-Denis, dans le Val-d’Oise et le Val-de-Marne.

      Justice, police : #sous-dotation à tous les étages

      « Tous ceux qui ont étudié un peu la situation et essayé de la regarder objectivement ont constaté le #sous-équipement de notre département, notamment en termes de grands services publics, en matière de #justice, de #police, d’#éducation, de #santé », dit aussi Stéphane Troussel. L’élu cite le rapport parlementaire « sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en #Seine-Saint-Denis » rédigé en 2018 par un élu du parti de Macron et un élu LR.

      Le rapport pointe notamment l’inégalité d’accès à la justice. Par exemple, la durée de traitement des affaires au tribunal d’instance est de 8,6 mois en moyenne en Seine-Saint-Denis, contre moins de 5 mois pour ceux du 18e arrondissement ou du 15e arrondissement de Paris. La Seine-Saint-Denis dispose aussi de beaucoup moins d’officiers de police judiciaire, ceux et celles chargés d’enquêter, que Paris et les Hauts-de-Seine.

      « La police, dans un département populaire comme le nôtre, n’est pas assez dotée en moyens, qu’ils soient humains ou immobiliers, estime Stéphane Troussel. L’état des commissariats est scandaleux. » L’élu pense aussi qu’il faut changer la police. « Il faut un débat sur la doctrine d’intervention, les contrôles aux faciès, les conséquences des modifications législatives de 2017 [sur l’usage de leur arme par les policiers en cas de refus d’obtempérer, ndlr], sur la formation des policiers… Mais en attendant, je suis pour une police qui est un service public, qui rassure et protège d’abord les plus fragiles et les plus modestes, les femmes seules, les enfants et les jeunes, les personnes âgées. Aujourd’hui, je considère que la police n’a pas les moyens de cette action dans un département comme le nôtre. »

      Éducation : des milliers d’heures de cours perdues

      La situation n’est pas meilleure dans l’éducation. Il existe en Seine-Saint-Denis « une forme subie d’#exclusion_scolaire : l’absence d’enseignant devant les élèves », pointait le rapport parlementaire de députés LR et LREM. « En dépit des postes créés depuis cinq ans, la continuité de l’enseignement n’est toujours pas assurée en Seine-Saint-Denis, pour une raison “mécanique” qui tient à l’inefficacité du dispositif de remplacement des absences de courte durée », ajoutaient les deux parlementaires.

      L’an dernier, Mediapart avait comptabilisé 259 heures perdues en un mois dans un collège de Seine-Saint-Denis faute d’enseignants pour faire cours. Dans les Hauts-de-Seine, la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) recensait ce printemps déjà plus de 800 heures de cours perdues à Bagneux, commune populaire des Hauts-de-Seine.

      Pourtant, nombre d’établissements scolaires des banlieues populaires d’Île-de-France sont classés « réseau d’éducation prioritaire », Rep ou Rep+. Ce qui devrait signifier des moyens supplémentaires. 58 % des écoliers et 62 % des collégiens de Seine-Saint-Denis sont inscrits dans un établissement de ce type.

      « Dans les établissements Rep et Rep+, les moyens ne sont absolument pas à la hauteur des besoins, accuse Fatna Seghrouchni, professeure de français en collège dans le Val-d’Oise et cosecrétaire de la fédération Sud Éducation. « On entasse les élèves dans les classes, on surcharge les classes. » Quand elle est arrivée dans son collège il y a 17 ans, l’enseignante avait « 20 à 22 élèves par classe », témoigne-t-elle. « Alors que mon collège n’était pas encore classé #Rep. Aujourd’hui, on est à 26-28 tout en étant classé Rep. Cinq élèves en plus par classe, c’est oppressant pour les élèves eux-mêmes. Et l’établissement n’est pas fait pour accueillir autant d’élèves. »

      La responsable syndicale salue les programmes de soutien pour les établissements classés prioritaires, d’aides aux devoirs, les enveloppes budgétaires pour proposer des activités culturelles et sportives. Mais tout cela reste « du saupoudrage, dit-elle. Nous, nous demandons surtout moins d’élèves dans les classes, plus d’établissements scolaires, pour mieux accueillir tous les élèves, plus d’enseignants, plus de personnel en général, et une meilleure rémunération de tous les personnels. »

      Des grands projets qui ne profitent pas aux habitants

      Au cours des nuits de tensions fin juin et début juillet, Yohan Salès, conseiller municipal à Pierrefitte-sur-Seine pour la France insoumise, a arpenté les rues de sa ville à la rencontre des jeunes et des médiateurs. « On a discuté des débats des plateaux télé des derniers jours. Ce que disent les gens, c’est que l’argent de la politique de la ville, on ne le voit pas, rapporte-t-il. Dire que la Seine-Saint-Denis engloutit des millions d’argent public, c’est une lubie de la droite. L’investissement est en fait largement insuffisant. »

      Pour lui, beaucoup des grands projets menés par l’État dans le département de Seine-Saint-Denis ne profitent pas à la population des quartiers. « La vérité, c’est que sur la Plaine-Saint-Denis par exemple, que l’État veut transformer en un nouveau quartier d’affaires, il n’y a pas de volonté politique pour que les habitants du département puissent y travailler. Le chantier d’un site des Jeux olympiques (JO) a brûlé à Aubervilliers, mais ces JO ne vont pas profiter aux habitants du département ! Aucun habitant ne pourra se permettre le prix du billet d’un événement sportif de ces Jeux. » Le premier tarif démarre à 24 euros pour les JO et 15 euros pour les Jeux paralympiques, pour les places avec le moins de visibilité. Les tarifs vont jusqu’à frôler les 1000 euros pour les meilleures places.

      Comment se payer des places, même à quelques dizaines d’euros, quand « une situation de détresse alimentaire frappe les habitants » des banlieues, comme l’alertaient quelques semaines avant la mort de Nahel et les émeutes, des dizaines d’élus locaux des quartiers populaires de différents horizons politiques ? « Les banlieues sont au bord de l’#asphyxie », leurs habitants ont « le sentiment d’être abandonnés par la République », écrivaient aussi ces édiles. Face à cette situation, le président de la Seine-Saint-Denis Stéphane Troussel en appelle à « une action publique de remise à niveau qui porte un choc structurel d’égalité. Sans cela, ma crainte, c’est que les écarts ne cessent de s’accroître ». Dans son département, en Île-de-France, et au-delà.

      https://basta.media/trop-d-argent-public-dans-les-banlieues-un-vaste-mensonge-a-des-fins-racist

      ici aussi :
      https://seenthis.net/messages/1010259

  • Tunisie : dans la ville portuaire de Sfax, l’espoir blessé des migrants subsahariens
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/06/29/tunisie-dans-la-ville-portuaire-de-sfax-l-espoir-blesse-des-migrants-subsaha

    Tunisie : dans la ville portuaire de Sfax, l’espoir blessé des migrants subsahariens
    Depuis le début de l’année, six fois plus de migrants qu’à la même période en 2022 sont partis de Tunisie vers l’Europe. Mais beaucoup d’Africains viennent dans le pays maghrébin pour s’y installer pour étudier et travailler.
    Par Nissim Gasteli(Sfax, Tunisie, envoyé spécial)
    Publié hier à 19h00, modifié hier à 19h00
    La lumière des projecteurs déchire le crépuscule. Sur la pelouse synthétique du stade de la faculté des sciences économiques de Sfax, Baba Car, le capitaine de la sélection estudiantine sénégalaise, dépose le ballon au point de penalty avant de faire quelques pas en arrière. L’arbitre siffle. Le jeune homme s’élance et frappe avec force et précision. Le malheureux gardien ne peut rien. Le stade exulte. En cette soirée de début mai, le Sénégal l’emporte 2 à 1 face au Tchad dans ce match de poule de la Coupe d’Afrique des nations universitaires de football.
    Au bord du terrain, un homme s’agite comme un gamin. « Bravo les gars ! Bravo ! », répète-t-il en félicitant les vainqueurs. Jogging, sweat-shirt, casquette, Franck Yotedje a troqué ses habits de membre actif de la société civile pour la tenue de coach. Ce Camerounais de 31 ans, installé à Sfax depuis sept ans, préside l’association Afrique Intelligence. C’est à son initiative qu’a été organisée la compétition dans le but de rassembler, autour du sport, les jeunes originaires d’Afrique subsaharienne venus étudier dans le pays et leurs camarades tunisiens. A travers ce type d’événement, l’association œuvre ces dernières années à favoriser l’intégration des migrants. Elle agit particulièrement à Sfax, cité portuaire à la riche tradition marchande et deuxième ville du pays, où une communauté relativement importante d’étudiants, de stagiaires et de travailleurs est établie. Mais elle se bat surtout depuis quelques mois pour préserver un semblant de cohésion sociale, fortement ébranlée par la vague de violences racistes libérée le 21 février par le discours du président Kaïs Saïed à l’encontre des « hordes de migrants clandestins ».
    En désignant la migration subsaharienne comme « un plan criminel pour changer la composition du paysage démographique en Tunisie », le chef de l’Etat tunisien a fait de tout migrant subsaharien un complice présumé de ce prétendu complot. Tout s’est enchaîné dans la foulée de la harangue. Expulsés par leurs bailleurs, licenciés par leurs employeurs, les étrangers ont en outre dû essuyer des attaques physiques.
    « Pendant le Covid, il y a eu un énorme élan de solidarité avec les migrants. Beaucoup de choses se sont mises en place pour venir en aide aux plus précaires. Après la pandémie, ça a permis l’organisation d’activités de cohésion sociale, de plaidoyer et on a obtenu certaines avancées. » Mais aujourd’hui, « tout est à refaire ».
    Dans les semaines qui ont suivi la saillie présidentielle, Afrique Intelligence a recensé 246 agressions contre des migrants. Plus récemment, dans la nuit du 22 au 23 mai, une attaque raciste au couteau et au sabre perpétrée par des Tunisiens contre des migrants subsahariens a fait un mort et deux blessés. A Sfax, le climat est devenu électrique. Dimanche 25 juin, plusieurs centaines de personnes sont descendues dans les rues de la cité portuaire devant le siège du gouvernorat pour protester contre la présence des migrants dans la ville. Les quelques écriteaux « Live together but live in peace » (« vivre ensemble mais vivre en paix ») et « No to racism » (« non au racisme ») ne sauraient faire oublier les chants de la foule : « Sfax n’est pas à vendre ! », « Fermez les frontières ! », « Le peuple veut l’expulsion des migrants ! ». A l’issue de la manifestation, certains protestataires ont même jeté des pierres vers des migrants soudanais installés dans un parc à proximité. Nombre d’habitants de Sfax opposés à la présence de ces derniers justifient leur véhémence par une « augmentation visible du nombre de migrants », responsable selon eux d’une « explosion de la criminalité ». L’un d’eux brandit son téléphone pour montrer la vidéo de ce qui semble être une rixe intracommunautaire entre plusieurs migrants dont l’un porte une machette. Les manifestants insistent : ils ne sont pas « racistes ». Ils se soucient juste, disent-ils, de « leur sécurité ».
    « Quand on voit ça, on se sent rejetés, on se dit que la Tunisie ne veut pas de nous. C’est bien pour cela que beaucoup de gens sont partis », se désole Loïc Oyono, sept années passées à Sfax. Attablé à un café, cet entrepreneur camerounais de 29 ans à la voix suave, au style soigné, lunettes de soleil sur la tête malgré la nuit ambiante, s’affiche « solidaire avec les autres migrants ». Mais il précise que derrière les catégories globalisantes des « Africains » ou des « Subsahariens », il y a en réalité une pluralité de parcours. Les étudiants et stagiaires composent un premier groupe. Loïc Oyono en fait partie. Ils sont près de 8 000 à avoir choisi de venir poursuivre leurs études en Tunisie. A leurs côtés s’ajoutent des travailleurs et de travailleuses venus – généralement par avion – d’Afrique de l’Ouest pour occuper des emplois délaissés dans les secteurs du travail domestique, de l’agriculture, de la manufacture et du bâtiment. « Nombre d’entre eux ne sont pas en transit [vers l’Europe]. Ils ont trouvé un petit cocon, ils gagnent un peu d’argent et ils arrivent à vivre », rapporte M. Oyono. Puis, plus récemment, « il y a eu du changement » , ajoute-t-il. « On a noté une augmentation des migrants subsahariens issus de trajectoires différentes, notamment ceux arrivés par les frontières de la Libye et de l’Algérie », relève le Camerounais. Sfax, jusqu’alors port d’attache pour de nombreux citoyens du continent venus y chercher un avenir universitaire ou professionnel, s’est transformé en plateforme de départ vers l’Europe, alternative aux bases d’embarquement libyennes, sous pression croissante des garde-côtes du littoral tripolitain. La Tunisie a d’ailleurs supplanté son voisin comme premier point de départ vers le Vieux Continent : depuis le début de l’année, 30 000 personnes ont déjà rejoint les côtes italiennes, dont une grande majorité en partant du littoral nord de Sfax. C’est six fois plus qu’à la même période de 2022.
    (...) Aux abords du marché, dans un parc peu fréquenté, de nouveaux migrants sont récemment apparus : plusieurs dizaines de Soudanais arrivés à la suite de l’éclatement à la mi-avril de la guerre dans leur pays. Précaires parmi les précaires, ils attendent une traversée pour l’Europe. Certains ont déjà tenté plusieurs fois le périple, mais ont été rattrapés au large par la Garde nationale maritime et ramenés au port de Sfax. Si la variété des trajectoires migratoires peut produire une confusion auprès de la population, entretenue au sommet de l’Etat, le patronat local, lui, sait tout ce qu’il doit à une population de travailleurs qu’il ne souhaite pas voir filer. « Il est vrai qu’aujourd’hui nous avons des difficultés à trouver de la main-d’œuvre », reconnaît Slim Marrakchi, porte-parole de l’antenne sfaxienne de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica). « Ce qu’on propose, c’est la régularisation de ces migrants », lance-t-il comme un appel aux autorités. Les propositions de l’organisation sont précises : des cartes de séjour provisoires de trois ou six mois, lesquelles seraient prolongées « s’ils réussissent à trouver un emploi ». La position peut surprendre dans le contexte actuel mais elle reste pragmatique. Car Sfax est une ville industrielle, souvent qualifiée de poumon économique de la Tunisie. Et elle a besoin de bras, notamment dans des emplois non qualifiés que les Tunisiens ont tendance à délaisser, malgré le chômage.« Sfax, c’est la ville où il faut être, car il y a cette âme du travail », abonde Loïc Oyono, dont l’esprit d’entreprise a trouvé ici de quoi s’épanouir. Il est fort dommage, déplore-t-il, que nombre de résidents ne voient « la migration qu’à travers quelque chose de néfaste, de négatif ». Car, souligne-t-il, beaucoup parmi les nouveaux arrivants « apportent du positif » avec leur parcours « d’entrepreneurs, de membres de la société civile et de brillants étudiants », autant de profils qui « sont une force pour le pays ».

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afriquesubsaharienne#libye#immigrationirreguliere#politiquemigratoire#routemigratoire#economie#etudiant#travailleur#postcovid#regularisation

  • « Considérer les migrations indépendamment des soubresauts du monde et des relations diplomatiques revient à se condamner à l’impuissance »
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/06/25/considerer-les-migrations-independamment-des-soubresauts-du-monde-et-des-rel

    « Considérer les migrations indépendamment des soubresauts du monde et des relations diplomatiques revient à se condamner à l’impuissance »
    Chronique
    auteur
    Philippe Bernard
    Alors que la droite, notamment Edouard Philippe, veut remettre en cause l’accord de 1968 avec l’Algérie sur les questions migratoires, Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde », rappelle dans sa chronique que la maîtrise des flux passe aussi par les relations avec les pays d’origine.
    Publié le 25 juin 2023 à 05h00,
    L’immigration est une question bien trop sérieuse – et complexe – pour être laissée aux seuls politiques quand ils en caricaturent les réalités et les enjeux pour tenter de se hisser au pouvoir en bernant l’opinion. Le succès, à droite et jusqu’auprès d’Edouard Philippe, de l’idée de dénoncer l’accord de 1968 sur l’entrée, le séjour et l’emploi des Algériens en France, en est le dernier exemple en date. L’idée est tout sauf neuve – le texte a déjà été renégocié trois fois, avec trois avenants en 1985, en 1994 et en 2001, et sa remise en cause est un serpent de mer. Mais elle présente toutes les caractéristiques de la bombe à fragmentation politique, en plein forcing de la droite et l’extrême droite pour durcir le projet de loi sur l’immigration finalement relancé par le gouvernement.
    Détaché de sa – longue – histoire, l’accord en question apparaît comme une anomalie : il a pour conséquence de faire échapper les immigrés algériens au droit commun des lois françaises sur les étrangers pour les soumettre à des dispositions négociées par les deux Etats. Des Algériens « privilégiés » ! S’agissant de la première communauté étrangère vivant en France (887 000 personnes), la formule tient de la provocation, alors que la rancœur à l’égard de l’ancienne colonie continue, plus de soixante ans après l’indépendance, à alimenter les discours hostiles à l’immigration. Au moment aussi où l’Algérie use de l’arme migratoire, en refusant de réadmettre ses ressortissants visés par une obligation de quitter le territoire français.
    Pour les besoins de sa cause, Xavier Driencourt, l’ancien ambassadeur de France en Algérie qui a relancé le débat sur l’accord de 1968, commet un double contresens, historique et juridique. Contrairement à ce qu’il prétend, le texte, loin d’avoir été conçu pour favoriser les Algériens, a été négocié au contraire par Paris pour en limiter l’afflux – un quota de 35 000 par an était fixé – à un moment où la France désirait diversifier les origines de sa main-d’œuvre immigrée. Surtout, il s’agit de rééquilibrer un tant soit peu les accords d’Evian de 1962 dont l’une des clauses essentielles – le maintien de la libre circulation entre les deux pays – a été doublement balayée par l’histoire : tandis que les Français d’Algérie ont été expulsés, les Algériens, sitôt l’indépendance acquise, ont afflué massivement – paradoxe, lourd de sens et rarement souligné – chez leur ancien colonisateur.
    En 1968, la France a donc obtenu la fin de la libre circulation en échange du maintien d’un statut spécifique pour les Algériens. Mais les avantages de ce dernier ont été élagués au fil des trois avenants et lorsque Jacques Chirac, au moment des attentats terroristes de 1986, a généralisé l’obligation du visa. Ceux qui subsistent aujourd’hui – comme la libre installation des commerçants, qui permet, de fait, à des étudiants algériens de pérenniser leur séjour en France – sont difficiles à justifier.
    Le maintien de ce régime particulier ne constitue pas une brèche majeure dans la législation migratoire française. Mais sa dénonciation permet à la droite de mettre en cause les supposées faiblesses d’Emmanuel Macron sur l’immigration, mais aussi à l’égard du régime algérien – ses concessions mémorielles non payées de retour –, au moment où le président, Abdelmadjid Tebboune, rétablit un couplet antifrançais de l’hymne national algérien et célèbre à Moscou la « coopération algéro-russe ».Alors qu’une énième réforme des lois françaises sur l’immigration est présentée comme le moyen de contrôler le flux des arrivées, la campagne de la droite sur l’Algérie met en lumière le fait que cette maîtrise passe aussi par les relations avec les pays d’origine et l’action sur les causes économiques et politiques des émigrations. Le dossier devrait ressortir au moins autant du Quai d’Orsay que de la Place Beauvau.
    L’équation franco-algérienne est, de ce point de vue, emblématique. Depuis 1962, la question de l’émigration algérienne – on parlait de « main-d’œuvre » jusqu’aux années 1980 – n’a jamais cessé de figurer, aux côtés du vin, du gaz et du pétrole ou des innombrables sujets de transaction diplomatique, comme une monnaie d’échange entre les deux pays, faisant l’objet de discours hypocrites cachés sous les proclamations d’amitié.
    La France a souvent cherché à restreindre l’arrivée des Algériens. De son côté, le pouvoir algérien, sous couvert de discours nationalistes et d’une rhétorique outragée sur le mépris de l’ancien colonisateur, n’a cessé d’encourager les départs, commode soupape sociale et politique et source non négligeable de transferts financiers. Aujourd’hui, en amenant la France à remettre en liberté au bout de quatre-vingt-dix jours (le maximum légal) les délinquants algériens placés dans les centres de rétention qu’elle refuse de reprendre, et en fermant les yeux sur la grosse ardoise de soins impayés dans les hôpitaux parisiens, les généraux au pouvoir à Alger mettent en pratique les propos tenus au Figaro par M. Tebboune en décembre 2022 : « Les Algériens devraient avoir des visas [pour la France] d’une durée de cent trente-deux ans [la durée de la colonisation]. »
    Le cas d’école algérien le rappelle clairement : considérer les migrations indépendamment des soubresauts du monde, oublier qu’elles constituent une arme diplomatique redoutable entre les mains des pays du Sud, faire fi, le cas échéant, de l’histoire commune, revient à se condamner à l’impuissance. Alors que Giorgia Meloni promettait un « blocus maritime » pour stopper les migrants, la présidente du conseil italien fait aujourd’hui assaut de diplomatie et de financement envers la Tunisie. Les 61 % de Français qui estiment, selon le récent sondage IFOP-Fiducial pour Le Journal du dimanche et Sud Radio, que l’élection de Marine Le Pen « nuirait à l’image de la France à l’étranger », ont bien compris qu’un tel isolement n’aurait rien de bon. C’est vrai, y compris en matière d’immigration.

    #Covid-19#migration#migrant#france#algerie#immigration#emigration#politiquemigratoire#economie#paysdorigine#OQTF#sante#travailleurmigrant#tunisie#diplomatie

  • Licenciements : le bilan explosif des ordonnances Macron | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/social-eco/licenciements/licenciements-le-bilan-explosif-des-ordonnances-macron-800240

    Les deux économistes se concentrent sur les effets du plafonnement des indemnités prud’homales versées aux salariés licenciés sans cause réelle et sérieuse (ordonnance de septembre 2017). Elles prennent tout d’abord au sérieux le principal argument invoqué par l’exécutif : réduire les coûts du licenciement devait inciter les patrons à embaucher davantage en CDI.

    Las, les chercheuses ne trouvent aucune donnée corroborant cette fable. On observe bien une hausse des embauches en CDI, mais le retournement de tendance remonte à 2014 : « Alors qu’elles étaient plutôt en baisse sur la période 2007-2014, (ces embauches) augmentent de façon continue ensuite avec une croissance plus marquée entre 2016 et 2017, notent-elles. Après 2017 (c’est-à-dire après l’introduction des ordonnances), elles poursuivent leur hausse mais de manière moins prononcée. »

    • Les effets des ordonnances Macron de 2017 sur les licenciements étudiés, Bertrand Bissuel, Le Monde

      Deux chercheuses se sont penchées sur l’impact de ces textes et avancent l’hypothèse d’une hausse des licenciements pour faute, qui permettent aux employeurs de ne pas indemniser leur salarié.

      La réforme du code du travail au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron a-t-elle eu comme incidence d’augmenter les licenciements pour faute ? Cette hypothèse est avancée dans une étude que la très sérieuse revue Droit social datée du mois de juin vient de publier, sous forme de synthèse. Ses deux autrices se montrent prudentes : à ce stade, notent-elles, il est impossible d’affirmer de façon certaine qu’un lien de causalité existe.

      Julie Valentin, maîtresse de conférences à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, et Camille Signoretto, maîtresse de conférences à l’université Paris-Cité, ont cherché à cerner l’impact des ordonnances de septembre 2017. Ces textes avaient pour ambition de « libérer » la capacité d’initiative des entreprises et de mieux « protéger » les travailleurs, avec comme ligne directrice de favoriser les créations de postes.

      Pour savoir si la réforme a eu la répercussion escomptée, Julie Valentin et Camille Signoretto ont collecté de nombreuses statistiques, qui mettent en évidence une inflexion notable : entre la fin de 2017 et la fin de 2021, le nombre de licenciements pour faute s’est accru de 32,3 % ; c’est un rythme plus soutenu que celui observé entre le troisième trimestre de 2015 et le troisième trimestre de 2017 (+ 28,4 %), avant l’entrée en vigueur des ordonnances.

      Un petit nombre de professions concernées

      Cette accélération de la hausse « peut être envisagée comme un effet » des changements décidés en 2017. Deux dispositions seraient concernées. L’une plafonne les dommages-intérêts accordés par la justice prud’homale à un salarié ayant fait l’objet d’un licenciement injustifié. Le but était de « sécuriser » les employeurs et de « lever la peur de l’embauche » en rendant prévisible le coût d’une rupture du contrat du travail, en cas de contentieux. Ce mécanisme a eu pour conséquence de faire baisser un peu le montant des sommes qu’une juridiction octroie à une personne injustement congédiée par son patron.
      L’autre mesure citée par les deux économistes résulte d’un décret de septembre 2017, qui a augmenté le montant des indemnités légales versées par une entreprise quand elle licencie un ou plusieurs membres de son personnel.

      Julie Valentin et Camille Signoretto se demandent si la combinaison de ces deux dispositions n’a pas conduit des employeurs à privilégier les licenciements pour faute. Dans ce dernier cas, ils ne sont pas tenus d’indemniser leur salarié. Celui-ci peut, certes, contester la rupture du contrat de travail, mais si les prud’hommes lui donnent gain de cause, les dommages-intérêts peuvent s’avérer bien moins importants, donc, qu’avant la réforme. Autrement dit, le patron aurait un intérêt financier à procéder de la sorte. Cependant, pour pouvoir établir le lien de causalité, des investigations complémentaires seraient nécessaires, insistent les deux autrices de l’article dans Droit social.

      Une chose paraît acquise, ajoutent-elles : les licenciements pour faute « sont concentrés sur un petit nombre de professions » – une quinzaine, en l’occurrence. Apparaissent dans la liste les employés du secteur de la #propreté, les salariés du #commerce_alimentaire et de la #restauration, les #chauffeurs-livreurs. Il s’agit, en somme, d’activités relevant de la « deuxième ligne », avec des conditions de travail « particulièrement dégradées » et où le taux de syndicalisation est, très souvent, faible.

      #travail #travailleurs_précaires #précarisation #licenciement_pour_faute #indemnités_de_licenciement #prud’homes

  • 🛑 Esat : les travailleur·ses handicapé·es exploité·es - POLITIS

    https://www.politis.fr/articles/2023/05/esat-les-travailleur%C2%B7ses-handicape%C2%B7es-exploite%C2%B7es

    Lili Guigueno, militante antivalidiste, attire l’attention sur la situation des personnes handicapé·es exploité·es en établissements et services d’aide par le travail (Esat).

    Dans un contexte où les droits sociaux sont systématiquement attaqués pour mieux créer les conditions du plein-emploi répressif, la lutte contre la réforme des retraites a été l’occasion d’attirer l’attention sur les travailleurs et travailleuses handicapé·es exploité·es en établissements et services d’aide par le travail (Esat), hors du droit du travail. Une carte blanche de Lili Guigueno, militante antivalidiste (...)

    #Travailleurs_handicapés #handicap #ESAT #exploitation #validisme #antivalidisme

    ⏩ Lire l’article complet…

    ▶️ https://www.politis.fr/articles/2023/05/esat-les-travailleur·ses-handicape·es-exploite·es

  • Migration to Britain hits a record high
    https://www.economist.com/britain/2023/05/25/migration-to-britain-hits-a-record-high

    Migration to Britain hits a record high
    The country is remarkably comfortable with it. So far
    May 25th 2023
    NEARLY SEVEN years have passed since the Brexit referendum in 2016. The desire to “take back control” of Britain’s borders and end free movement of labour from the European Union was what motivated many to vote Leave. In the three years before 2016, long-term net migration—immigration minus emigration—had averaged 285,000. Few would have expected that after Brexit still more people would come. Yet in 2022 net migration, according to eagerly awaited official statistics published on May 25th, rose to 606,000, a record for a calendar year. Perhaps surprisingly, Britons appear pretty comfortable with higher numbers, even if their politicians don’t.
    Since Britain formally left the EU in January 2020, non-EU nationals have accounted for nearly all net migration. Four-fifths of the 1.2m people who arrived in Britain in 2022 were citizens of non-EU countries, according to the Office for National Statistics (ONS). The contribution of EU citizens, which was nearly half of net migration between 2010 and 2019, has fallen steadily since the Brexit vote.

    #Cocid-19#migrant#migration#grandebretagne#politiquemigratoire#immigration#postcovid#postbrexit#travailleurmigrant

  • Royaume-Uni : l’immigration à un niveau record, malgré le Brexit
    https://www.lemonde.fr/international/article/2023/05/26/royaume-uni-l-immigration-a-un-niveau-record-malgre-le-brexit_6174901_3210.h

    Royaume-Uni : l’immigration à un niveau record, malgré le Brexit
    Contrairement aux promesses des partisans d’une sortie de l’Union européenne, le nombre d’arrivées nettes a doublé depuis 2016. Un constat qui met en difficulté le gouvernement conservateur de Rishi Sunak.
    Par Cécile Ducourtieux(Londres, correspondante)
    Publié aujourd’hui à 05h30, modifié à 07h31
    Il s’agissait d’une des principales promesses du Brexit : le divorce d’avec l’Union européenne allait permettre de « reprendre le contrôle » sur l’immigration au Royaume-Uni, assuraient les partisans du « Leave », pendant la campagne référendaire de 2016. Et pourtant, sept ans plus tard, le solde migratoire – la différence entre immigration et émigration sur les douze mois de l’année – a pratiquement doublé. Alors qu’il se situait à 335 000 en 2016, il a atteint en 2022 le niveau historique de 606 000, avec 118 000 arrivées nettes de plus qu’en 2021. Des chiffres publiés jeudi 25 mai par l’Office national britannique des statistiques (ONS). Ce record pose un sérieux problème au gouvernement conservateur de Rishi Sunak, incapable de réconcilier son discours anti-migrants avec une réalité économique et sociale complexe.
    L’accueil humanitaire des Ukrainiens fuyant l’agression russe (environ 114 000) et des Hongkongais refusant la reprise en main autoritaire de la Chine (environ 52 000) a tiré les chiffres à la hausse. Tout comme les délivrances de visas étudiants et de travail. L’ONS suggère que cette nette tendance à la hausse pourrait ralentir, le nombre d’arrivées humanitaires ayant diminué ces derniers mois. Les chiffres de la migration nette « sont trop élevés », a reconnu Rishi Sunak jeudi sur la chaîne ITV, ajoutant qu’il voulait « les faire baisser », sans cependant indiquer de combien. Et pour cause : cela fait treize ans que les gouvernements conservateurs successifs manquent leurs objectifs migratoires. En 2011, David Cameron promettait de ramener la migration nette « à quelques dizaines de milliers par an », alors que les arrivées annuelles dépassaient déjà les 200 000. Il avait réitéré cet engagement dans le programme de la campagne tory pour les élections générales de 2015. Idem pour Theresa May lors du scrutin anticipé de 2017, alors que les arrivées nettes dépassaient les 300 000 par an. Boris Johnson s’est montré plus prudent, en amont des élections parlementaires de 2019, abandonnant les objectifs chiffrés, se contentant de promettre « moins de migrants peu qualifiés » et moins d’arrivées nettes qu’en 2018.
    Depuis début 2021, le Brexit « dur » choisi par Londres a pourtant mis fin à la liberté de circulation des Européens et le gouvernement a introduit un système de visas lui permettant de contrôler le nombre d’arrivées. Cette politique de migration choisie, avec une volonté assumée d’attirer des personnes qualifiées disposant de salaires élevés (les visas de travail sont pour la plupart délivrés sous conditions de ressources) s’est traduite par un solde migratoire négatif pour les Européens en 2022 (– 51 000) mais par un rebond de la migration nette non-européenne (662 000 arrivées en 2022). Les visas de travail délivrés aux Non-Européens et à leurs familles ont atteint des niveaux record (235 000), tout comme les visas étudiants (276 000), attribués majoritairement à des Indiens et des Chinois.
    Lire aussi (2021) : Article réservé à nos abonnés Brexit : les Européens confrontés au durcissement des règles migratoires britanniques
    Il faut dire que l’économie britannique est structurellement en manque de main-d’œuvre : plus d’un million d’emplois ne sont pas pourvus. Les Européens ont déserté les postes mal rémunérés de l’hôtellerie-restauration et les Britanniques manquent à l’appel pour les remplacer ou pour aller s’employer comme saisonniers dans les champs et les vergers. Le ministère de l’agriculture a confirmé fin mai la délivrance de 45 000 visas de saisonniers en 2024. Le système de santé public (le NHS), lui non plus, ne peut pas fonctionner sans un recours massif à la main-d’œuvre étrangère (16 % de ses effectifs en 2022), les autorités ayant négligé d’investir dans la formation d’infirmiers et de médecins britanniques et refusant de revaloriser leurs rémunérations (les internes en médecine appellent à nouveau à trois jours d’arrêt de travail mi-juin). « Il n’y a pas de raisons que le Royaume-Uni ne soit pas capable de former des chauffeurs routiers, des bouchers ou des saisonniers ! », s’est emportée Suella Braverman, la très radicale ministre de l’intérieur britannique, mi-mai. Rishi Sunak s’est gardé de tenir le même type de propos simplistes, mais son gouvernement refuse d’assumer des chiffres trahissant un manque de cohérence des politiques conservatrices. « Les autorités sont hypocrites : elles reprochent aux entreprises de ne pas augmenter leurs salaires pour attirer les Britanniques, sans donner l’exemple puisqu’elles continuent d’employer des personnels étrangers peu coûteux dans le secteur public hospitalier et de l’aide à la personne », soulignait jeudi Jonathan Portes, économiste au King’s College de Londres, lors d’une conférence organisée par le centre de recherche UK in a changing Europe. Pris au piège de son soutien au Brexit, Downing Street évite aussi de souligner les aspects positifs de la migration. Il y a pourtant matière, le succès des visas étudiants confirmant l’attractivité des universités britanniques et permettant, grâce aux coûteux frais de scolarité des étudiants étrangers, de subventionner l’enseignement supérieur britannique.
    Les travaillistes, qui disposent d’une confortable avance dans les sondages (environ 15 % d’intentions de vote), ont dénoncé la « perte de contrôle » de l’immigration par les Tories. Il faut dire que le gouvernement n’a pas non plus réussi à stopper les arrivées en « small boat » : environ 40 000 personnes ont traversé la Manche en bateaux pneumatiques, en 2022. Et l’exécutif est toujours incapable de mettre en œuvre son accord de déportation des demandeurs d’asile vers le Rwanda, censé décourager les traversées. Le projet est gelé dans l’attente d’une décision de la Cour suprême britannique, qui doit statuer sur sa légalité. La gauche britannique défend cependant elle aussi une « diminution » de la migration nette, pour éviter de contrarier un électorat populaire et Brexiteur qui lui a fait défaut lors des élections de 2019. Pourtant, suggère Robert Ford, politiste à l’université de Manchester, qui s’appuie sur les études du cabinet Ipsos, « les partis politiques semblent en retard sur l’opinion publique dont l’attitude sur la question migratoire a évolué depuis le Brexit. Elle reconnaît par exemple l’apport positif des étrangers dans les secteurs de la santé et de l’aide aux personnes ».

    #Covid-19#migration#migrant#sante#grandebretagne#immigration#frontiere#politiquemigratoire#travailleurmigrant#maindoeuvre#economie#postcovid#postbrexit

  • « Pays-Bas, un empire logistique au coeur de l’Europe » : https://cairn.info/revue-du-crieur-2023-1-page-60.htm
    Excellent papier du dernier numéro de la Revue du Crieur qui montre comment le hub logistique néerlandais a construit des espaces dérogatoires aux droits pour exploiter des milliers de migrants provenant de toute l’Europe. Ces zones franches optimisent la déréglementation et l’exploitation, générant une zone de non-droit, où, des horaires de travail aux logements, toute l’existence des petites mains de la logistique mondiale dépend d’une poignée d’employeurs et de logiciels. L’article évoque notamment Isabel, le logiciel de l’entreprise bol.com qui assure la mise à disposition de la main d’oeuvre, en intégrant statut d’emploi, productivité, gérant plannings et menaces... optimisant les RH à « l’affaiblissement de la capacité de négociation du flexworker ». Une technique qui n’est pas sans rappeler Orion, le logiciel qui optimise les primes pour les faire disparaitre... https://www.monde-diplomatique.fr/2022/12/DERKAOUI/65381

    Les boucles de rétroaction de l’injustice sont déjà en place. Demain, attendez-vous à ce qui est testé et mis en place à l’encontre des migrants qui font tourner nos usines logistiques s’élargisse à tous les autres travailleurs. #travail #RH #migrants

  • MuArF
    https://twitter.com/MuArF/status/1644589870843568128

    🔥 [Action en cours] Bonjour à toustes ! Le chantier de carrefour Pleyel est bloqué et occupé ce matin pour contester les projets de loi darmanin sur l’immigration. Besoin de soutien le plus rapidement possible ! 🔥

    #JO #Travailleurs_immigrés #BTP #accidents_du_travail #intérim #sans-papiers

  • Sur la mobilisation contre la réforme des retraites.

    Le texte de l’introduction au Cercle Léon Trotsky du 10 mars 2023, par Jean-Pierre Mercier (vendredi 10 mars 2023). #conférenceLO #Lutte_Ouvrière

    https://videos.lutte-ouvriere.org/download/video/20230310-clt-chine-introduction-retraites-sd.mp4

    La journée de manifestations et de grèves du 7 mars a encore été très massive, preuve que la mobilisation contre le projet de Macron ne faiblit pas.

    Dans un certain nombre d’entreprises comme à la SNCF, ou dans plusieurs raffineries ou chez les éboueurs de Paris et dans d’autres grandes villes, les travailleurs ont décidé de continuer la grève. Et à côté de cela, il y a une multitude d’actions et de débrayages dans des entreprises. Toutes ces actions contribuent à maintenir la pression sur le gouvernement et le #grand_patronat. Eh bien, il n’y a pas le choix, il faut continuer !

    En opposition à cette mobilisation, les médias et le gouvernement mettent en avant le calendrier parlementaire.

    Après le cirque à l’Assemblée nationale où l’opposition et la majorité ont joué respectivement leur partition, c’est au tour du Sénat de faire son bla bla.

    Alors, à grand renfort de publicité, chaque article est voté avec une majorité finalement toute trouvée. Des sénateurs grassement payés, aux longues siestes digestives légendaires, au régime de retraite exceptionnellement généreux, viennent donc de voter l’article 7 qui vole 2 ans de vie à plus de 36 millions de travailleurs.

    Car bien sûr, il n’est pas question ici, de s’attaquer aux régimes très spéciaux des retraites chapeau des PDG des groupes du #CAC40 qui engloutissent des dizaines de millions € par an ou ceux des grands bourgeois qui n’ont de toute façon pas de retraite à prendre, passant toute leur vie à vivre sur le dos des travailleurs.

    Une fois votée au Sénat, le projet de loi repassera à l’Assemblée nationale. Le seul suspense consiste à savoir si le gouvernement trouvera une majorité ou sera contraint à dégainer le 49.3.
    La belle affaire !

    Le gouvernement espère que ce moment-là sonnera la fin de la mobilisation.

    Eh bien il dépendra aux millions de travailleurs d’en décider autrement car nous contestons le droit à ces parlementaires de décider de ci qui est bon ou mauvais pour les travailleurs !

    Quand on parle de la situation avec les travailleurs, de ce qu’il faudrait faire, ils nous disent souvent : il faut tout bloquer. Et dans la tête de bien des travailleurs, bloquer cela signifie en réalité, faire grève.

    Et faire grève cela coute cher. Les médias, tellement ils craignent que les travailleurs se mettent grève le rabâche constamment.

    Oui, c’est vrai que ça coûte cher mais quel prix nous payons en laissant passer les coups et les attaques ? Certainement beaucoup plus cher que de s’engager réellement dans la lutte.

    Et bien souvent, parce que les travailleurs ne se sentent pas encore la force et la détermination de se mettre eux-mêmes en grève, se limitent à exprimer leur soutien à ceux qui font grève, à ceux qui bloquent, parfois même en donnant de l’argent aux caisses de grève…

    Et bien ça ne suffit pas, et nous devons prendre le temps de nous expliquer avec nos camarades de travail sur ce sujet. Ne serait-ce que parce que le mot de « blocage » peut recouvrir des idées, des politiques bien différentes voire opposées.

    Du fait de leur position incontournable dans l’économie, les travailleurs ont la capacité de peser sur les évènements sociaux et politiques du pays car ils sont à la base du fonctionnement, du moindre rouage de la société.

    S’il arrêtent le travail, s’ils se mettent en grève, c’est la société tout entière qui s’arrête, comme cela a été le cas en 1936 et en 1968, où 5, 6, 8 millions de travailleurs ont cessé le travail, y compris dans les métiers et les catégories où il n’y avait jamais eu de grève auparavant.
    La #grève, la #grève_générale, c’est le moment où la colère, la détermination des travailleurs est telle que plus personne ne se pose la question de savoir si l’on a, ou non, les moyens de faire grève, où chacun connait et assume la difficulté, les sacrifices qu’implique le fait de perdre son salaire pour se battre. C’est dans ces moments que le monde du travail, dans son ensemble, est susceptible de peser réellement sur le cours des choses, tout simplement parce que la société ne peut pas fonctionner sans les travailleurs.

    C’est toute la différence qu’il y a – et le patronat et le gouvernement le savent bien – entre une grève qui se généralise et une grève par procuration, portée par une fraction du monde du travail, occupant une position stratégique dans l’économie, comme les #cheminots, les #routiers ou ceux des #raffineries, même avec le soutien massif de la majorité de la population. Soutenir ne suffira pas : il faudra tôt ou tard que la majorité des #travailleurs et notamment ceux des grandes entreprises industrielles du privé soient entraînés à leur tour dans la grève par ceux qui ont commencé la lutte.

    En réalité, chaque profession occupe une position stratégique dans une entreprise et chaque secteur d’activité occupe à lui tout seul une position stratégique dans le fonctionnement de l’économie.
    Mais la force des travailleurs elle réside dans son nombre. C’est quand la masse des travailleurs se mobilise, agit qu’elle devient puissante et peut tout changer.

    Oui, la seule voie possible pour espérer faire plier un gouvernement ou le grand patronat c’est quand la grande masse des travailleurs prends le chemin de la grève, d’une grève profonde, déterminée car à ce moment-là tout peut devenir possible.

    Bien sûr, une grève générale aurait pour conséquence immédiate de bloquer, de paralyser le fonctionnement de l’économie.

    Mais elle permet surtout de débloquer les travailleurs de leur poste de travail auquel ils sont enchaînés, prisonniers physiquement et même dans leur tête. La grève, elle libère les corps et l’esprit.

    C’est en se mettant en grève que les travailleurs peuvent occuper leur entreprise et jusqu’à contester la propriété privée patronale.
    Et ça, nos patrons en sont pleinement conscients, bien plus que la majorité des travailleurs. Et c’est cela qu’ils craignent plus que tout !
    Par exemple, cette semaine, la direction centrale de Stellantis a mis au chômage préventivement, les usines de Sochaux, Mulhouse, Rennes, Hordain, Poissy qui sont les grosses usines de production du groupe. Préventivement, pour que les travailleurs, à l’appel des équipes militantes, ne puissent même pas se réunir en Assemblée générale même sur le temps de pause. Et de telles fermetures préventives, sous les prétextes les plus bidons, ont eu lieu dans de nombreuses grandes usines du pays.

    Les patrons savent que le mécontentement est présent et ne veulent courir aucun risque ou tout simplement ne veulent pas simplifier la tâche des militants pour que la mobilisation démarre dans les usines.
    Alors cette semaine à Stellantis, c’est le patron qui a bloqué lui-même, volontairement, sa propre production.
    Ce ne sont pas les travailleurs qui bloquent l’économie, ce sont les capitalistes. Ce sont eux qui bloquent et sabotent l’économie, pas les travailleurs qui la font tourner.
    Ce sont les capitalistes qui bloquent les millions de travailleurs sans emploi qui sont en train de s’appauvrir au chômage et à qui Macron vient encore de supprimer des droits.

    Ce sont les capitalistes qui sont en train de bloquer des millions de jeunes et de moins jeunes travailleurs dans la précarité leur imposant les postes les plus durs et les plus mal payés.

    Ce sont les capitalistes qui bloquent les salaires face à une inflation galopante.

    Ce sont les capitalistes qui veulent nous bloquer deux ans de plus au boulot.

    Ce sont les capitalistes qui bloquent l’économie en la sabotant avec leur spéculation, leur rentabilité, leurs bénéfices, leurs dividendes.
    Ce sont les capitalistes qui bloquent l’économie avec leur sacrosainte propriété privée de leurs usines et de leurs banques.

    En tant que communistes révolutionnaires, notre objectif est que les travailleurs se débarrassent de ces parasites et de ces saboteurs, prennent en mains les rênes de la société, non pas pour la bloquer mais pour la réorganiser de fond en comble pour la faire tourner et satisfaire les besoins élémentaires de la population !
    Car il faut bien avoir conscience d’une chose : si la mobilisation actuelle contre l’attaque brutale de Macron sur les retraites est complètement légitime, ce que nous prépare la grande bourgeoisie au niveau international est d’une tout autre ampleur.

    Depuis un an, il y a la guerre en Ukraine, une guerre dont personne ne voit la fin à court terme. Une guerre où l’impérialisme américain a tout intérêt à ce qu’elle continue car cela lui permet de renforcer sa position économique en Europe.

    La guerre en Ukraine a accéléré la politique de chaque État occidental pour augmenter leur budget militaire dans des proportions jamais atteintes depuis bien longtemps. Les états-majors alertent les gouvernements sur le fait que les armées ne sont pas en état de faire une guerre « de haute intensité » comme ils disent, c’est-à-dire d’entrer véritablement dans une guerre, longue, coûteuse et terriblement meurtrière. Alors les États dégainent des dizaines, parfois des centaines de milliards pour réarmer, au plus grand profit des marchands de canon.
    Oui ils nous préparent tous la guerre !

    Et avant d’entrer en guerre réelle, c’est-à-dire militaire, le monde capitaliste et principalement les États les plus riches ont déjà commencé une autre guerre, la guerre économique mondiale.

    L’exposé de ce soir va être consacré à la politique de l’impérialisme américain vis-à-vis de la Chine. Mais la guerre économique se déroule également entre les Etats-Unis et les pays européens.

    Le monde capitaliste est en pleine crise économique. Tout peut basculer d’un jour à l’autre à la suite d’un krach boursier par exemple. Et tout ce que la bourgeoisie fera pour défendre ses profits et ses intérêts, soyez en sûrs, elle le fera avec la peau des travailleurs, sur le dos de toute la société.

    Dans la société capitaliste, tout est lié : aussi bien l’attaque de Macron contre les retraites que la crise économique et les menaces de guerre.
    Dans cette situation qui s’aggrave, ce qu’il y a de profondément positif dans la #mobilisation sur les #retraites, c’est cette capacité de la classe ouvrière à se mobiliser, à exprimer son opposition en comptant uniquement sur elle-même, en agissant en tant que classe, en faisant grève, en manifestant.

    Cela n’est pas suffisant ? oui, c’est vrai !

    Mais ce n’est qu’une bataille parmi d’autres dans la guerre de classe qui a le mérite de remuer les consciences, de faire en sorte que de très nombreux travailleurs se posent des questions sur ce qu’il faudrait faire pour faire plier #Macron, qui se posent des questions sur comment être plus nombreux en grève, en manifestation.

    Les périodes de mobilisations sociales ont cela de positif – et c’est entre autres pour cette raison que les patrons et leurs larbins politiques les craignent – que les travailleurs se posent mille et une questions sur tous les sujets de la vie sociale et politique : les vraies raisons de l’#augmentation_des_prix, quoi faire pour que les #salaires augmentent, que faire face aux menaces de guerre, bref mille et une questions sur le fonctionnement général de la société.

    Oui, c’est vrai aussi, notre camp social a du retard sur la bourgeoisie et son personnel politique, tant sur la conscience politique que sur la détermination à se battre et à défendre coûte que coûte ses intérêts.
    Mais ce retard peut se combler très vite. Parce que justement dans les périodes de mobilisation sociale, même limitées comme celle que nous vivons actuellement, on discute politique comme on n’avait pas discuté depuis longtemps. Alors cela laisse entrevoir comment, dans une période bien plus aigüe de #lutte_sociale, les consciences peuvent évoluer extrêmement vite.

    Alors, dès aujourd’hui, il faut mettre toutes les chances de notre côté, ne pas perdre de temps. Il faut être sur la brèche, ne laisser filer aucune occasion de discuter et de prendre contact, il faut sauter sur la moindre discussion, en ayant comme objectif de s’entourer d’un maximum de travailleurs qui se posent des questions et qui cherchent des réponses. C’est à ce prix que nous pourrons espérer avancer dans la construction du #parti_communiste_révolutionnaire qui sera indispensable pour l’emporter quand éclateront les grandes explosions sociales.

    Il faut effectuer ce travail militant en défendant inlassablement, contre vents et marées, la perspective de la lutte de classe, en gardant notre confiance inébranlable dans la capacité de la classe ouvrière à retrouver sa #combativité, son intelligence, sa #conscience_de_classe.

    En étant convaincu qu’elle saura le moment venu réécrire les plus belles pages de son histoire révolutionnaire, en débarrassant la société des tous ces #capitalistes qui ne savent nous préparer que la misère et la guerre.

    Alors camarades, bon courage dans ce travail militant et rendez-vous les 11 et 15 mars dans la rue, en grève et en manifestation.

    Vive la grève ! Vive la #classe_ouvrière !

    #communisme_révolutionnaire #lutte_de_classe #réforme_des_retraites

    • L’Intersyndicale, entre absence de détermination et recherche de compromis impossible
      https://tendanceclaire.org/breve.php?id=42790

      Ce manque de détermination s’est vu, par exemple, le 7 mars au matin, avant que toute la force de la classe ouvrière ne se soit déployée en ce jour historique, lorsque Laurent Berger s’est attaqué au slogan utilisé par un dirigeant de la fédération CGT de la pétrochimie de « mettre l’économie à genoux », discréditant, dans le même temps, toute tendance à la grève reconductible. « L’économie à genoux, ça veut dire nos emplois », a déclaré Laurent Berger, avant d’ajouter : « il est hors de question de le faire pour la CFDT, ça a toujours été très clair ». Une déclaration en phase avec la position de Olivier Dussopt, ministre du Travail qui avait expliqué la veille : « mettre l’économie à genoux, c’est en réalité mettre les travailleurs à genoux. C’est mettre ceux qui rencontrent déjà des difficultés dans des difficultés encore plus grande », avant d’ajouter que la mobilisation du 7 mars « ne change[ait] pas le caractère nécessaire de la réforme » pour réaffirmer la détermination du gouvernement.

      De son côté, Philippe Martinez, qui avant le 7 mars se gargarisait de la nécessité de généraliser les grèves reconductibles partout où c’était possible, ne s’est pas rendu sur un seul des piquets des secteurs en grève pour renforcer cette dynamique, choisissant dans la pratique de ne rien faire qui puisse mettre en péril l’unité de l’Intersyndicale.

      Cette attitude des deux principaux dirigeants syndicaux du mouvement actuel rappelle celle de toutes les bureaucraties syndicales lorsqu’elles sont contraintes d’aller au-delà de leurs souhaits. En 1926, alors que l’Angleterre entrait dans une grève générale et une confrontation ouverte entre les classes, Léon Trotsky s’exprimait ainsi sur la bureaucratie syndicale britannique de l’époque :

      « La puissance d’Etat n’est pas une idée, mais un appareil matériel. Si l’appareil d’administration et d’oppression est paralysé, la puissance d’Etat est paralysée également. Dans la société moderne, on ne peut pas dominer sans avoir en mains les chemins de fer, la navigation maritime, les postes et télégraphes, les stations de force électrique, le charbon, etc… Le fait que Macdonald [principal leader travailliste] et Thomas [leader syndicaliste et travailliste] repoussent tout but politique quelconque les caractérise eux-mêmes, mais ne caractérise en aucune façon Ia nature de la grève générale qui, si elle est menée jusqu’au bout, doit inévitablement placer la classe révolutionnaire devant la nécessité de l’organisation d’une nouvelle puissance d’Etat. Mais à cela s’opposent de toutes leurs forces précisément ceux qui ont été placés par le cours des événements à la tête de la grève générale. Et c’est en cela que consiste le danger principal. Des hommes qui ne veulent pas la grève générale, qui nient le caractère politique de la grève générale, qui ne redoutent rien tant que les conséquences d’une grève victorieuse, doivent inévitablement faire tous leurs efforts en vue de maintenir la grève dans les cadres d’une demi-grève semi-politique, c’est-à-dire, en fait, la priver de ses forces. Il faut voir les faits tels qu’ils sont. Les principaux efforts des chefs officiels du Labour Party et d’un nombre considérable des leaders syndicaux n’auront pas pour but de paralyser l’Etat bourgeois au moyen de la grève, mais, bien au contraire, de paralyser la grève générale au moyen de l’Etat bourgeois. » [3]

      Aujourd’hui, les déclarations et l’opposition absolue de Berger à tout appel à la grève reconductible, l’attitude suiviste de Martinez, la lettre de l’Intersyndicale à Macron exigeant un compromis impossible ainsi que la continuité des journées d’action isolées (parfois sans appel de l’Intersyndicale à la grève comme ce samedi 11 mars) dessinent une situation où nous nous trouvons dans le cadre d’une « demi-grève semi-politique », pour reprendre les termes de Trotsky, et ce malgré les énormes difficultés du gouvernement qui n’a jamais été autant sur la défensive dans l’application d’une contre-réforme. Et cela sans même que la France de 2023 soit jamais entrée dans une grève générale comme ce fut le cas en Angleterre en 1926. L’entière responsabilité en incombe aux dirigeants syndicaux.

      Et pourtant, la possibilité de gagner existe

      Cette semaine, Le Monde publiait un article du collectif de chercheurs Quantité critiqué, dans lequel le collectif présentait les résultats de son enquête sur l’opinion des actifs sur la réforme des retraites et sur leur participation au mouvement social. Cette enquête montre toutes les potentialités du mouvement actuel et sur lesquelles nous avons cherché à insister depuis le début du mouvement. Cette enquête montre ainsi « un rejet massif dans toutes les catégories d’actifs [qui] nourrit la mobilisation », un « refus massif [qui] envoie d’abord à un fait documenté depuis des années : la détérioration des conditions d’emploi et de travail ». En ce qui concerne les secteurs déjà mobilisés, les auteurs ajoutent que « si l’opposition à la réforme des retraites est massive dans tous les secteurs d’activité, tous les individus ne sont pas également armés pour se mobiliser. Les individus jusque-là mobilisés dans les grèves ou les manifestations (15 % des actifs) correspondent à une fraction spécifique des opposants, d’abord caractérisée par la proximité avec un syndicat. Davantage que la syndicalisation, c’est le lien avec les syndicats et le fait d’entretenir des relations de solidarité au travail qui apparaissent décisifs. L’isolement au travail joue ainsi un rôle ambivalent : s’il alimente l’opposition à la réforme, il constitue, dans le même temps, un frein à l’action. »

      Mais le plus intéressant de cette enquête est l’examen de cette « armée de réserve » qui pourrait se mobiliser : « Dans le secteur privé, ce sont en revanche surtout les ouvriers qualifiés, puis les agents de maîtrise et les employés, qui se sont les plus mobilisés. Elément inédit, les salariés de la sous-traitance affichent un niveau de mobilisation égal à celui du reste du salariat (15 %) et un fort potentiel de mobilisation, avec une forte proportion de personnes estimant pouvoir basculer dans l’action (20 %). » Le collectif conclue ainsi que « 15 % des actifs n’ont pas encore participé à la mobilisation mais se disent "prêts à le faire". Ce sont d’abord des jeunes (19 % des 18-24 ans), mais également ceux qui subissent les plus mauvaises conditions de travail et les plus grandes difficultés financières (16 % chez ceux qui en éprouvent tous les mois). »

      Nous insistons sur cette dimension depuis le début de ce grand mouvement social : la question stratégique centrale est de savoir comment mettre en action ces secteurs importants du mouvement de masse. Ces derniers sont plus éloignés des syndicats mais sont ceux qui rejettent le plus la réforme et qui, par ailleurs, souffrent des pires conditions de travail et craignent de perdre leur niveau de vie dans les mois à venir. Mais on peut en dire de même des jeunes, dont la plupart sont ultra précaires, comme l’a démontré l’explosion du recours au colis alimentaires du début de la crise Covid jusqu’à aujourd’hui. La stratégie de l’Intersyndicale de se limiter uniquement au retrait de la réforme et de ne pas élargir le champ des revendications aux questions ultra-sensibles des salaires et des conditions de travail empêche pour l’instant l’entrée massive de ces secteurs dans la mobilisation. Parallèlement, l’Intersyndicale cherche à ce que, si elle venait à se concrétiser, cette entrée en scène se fasse dans le cadre de journées pacifiques proposées par les dirigeants syndicaux, limitant d’emblée le caractère politique et explosif qu’aurait l’irruption des secteurs les plus exploités de la classe ouvrière.

      C’est ce dernier point que redoutent les dirigeants syndicaux qui ne parviennent pas à trouver une issue honorable au conflit. Laurent Berger s’est ainsi expliqué sur France Bleu Loire Océan jeudi 9 mars, observant dans les rangs des militants « une sorte d’incompréhension, de malaise et de colère qui commence à monter ». François Hommeril, président de la CFE-CGC ajoutait pour sa part que, dans les lieux de travail « la base est très en colère, le gouvernement mise sur une résignation et les gens le savent », se disant pour sa part « très inquiet » car la situation « peut vraiment dégénérer ». Un autre dirigeant syndical soulignait pour sa part : « On tient pour l’instant mais beaucoup de copains veulent en découdre, quand on écrit au chef de l’Etat que la situation pourrait devenir explosive, ce n’est pas une blague [4]. »

      Malheureusement, du fait de la stratégie défaitiste de Berger et Martinez, à laquelle Jean-Luc Mélenchon a également adhéré malgré les mises en scène parlementaire de ses troupes, le risque est que tout ceci finisse par s’essouffler. Pour reprendre Trotsky,« en enlevant à la grève son programme politique, les réformistes sapent la volonté révolutionnaire du prolétariat, mènent le mouvement dans une impasse et obligent ainsi les différentes catégories ouvrières à mener des combats isolés... Tel est le danger principal de la lutte actuelle [5]. »

      Depuis Révolution Permanente, à travers le Réseau pour la Grève Générale qui se prépare à organiser un grand meeting de la grève ce lundi 13 mars à la Bourse du travail à Paris avec certains des principaux secteurs en grève, nous nous opposons consciemment à cette stratégie de l’Intersyndicale. Nous luttons pour tous les éléments qui vont dans le sens de l’auto-organisation, de l’auto-activité et de la coordination des grévistes, en cherchant à créer des liens et en élaborant un programme offensif qui fasse écho aux sentiments des secteurs les plus exploités, en créant un petit pôle qui se bat pour imposer à la direction actuelle du mouvement une autre perspective que celle qui mène à la défaite.

      Comme le dit justement un des référents du réseau, dirigeant syndical CGT dans la principale raffinerie de France, au Havre, relayé par Mediapart : « Au micro, Alexis Antonioli, secrétaire général de la CGT de la raffinerie, appelle aussi à reconduire la grève. Il annonce, comme au niveau national, plus de 70 % de grévistes. Mais l’arrêt complet des installations – pour lequel il faut compter un délai de cinq jours de "mise en sécurité" – n’est pas encore à l’ordre du jour. Pour l’heure, il s’agit seulement d’assurer le service minimum dans la raffinerie. Et le délégué syndical de tacler la stratégie de l’intersyndicale, jugée trop molle : "Leur calendrier avec des dates saute-moutons, 24 heures toutes les deux semaines, c’est la stratégie de la défaite… Si on envisage de se mettre quinze jours, trois semaines en grève, ce n’est pas juste pour obtenir le statu quo, c’est pour aller plus loin et reconquérir la retraite à 60 piges, avec 55 ans pour les métiers pénibles." Applaudissements nourris [6]. »

      Sans aucune ambiguïté, nous affirmons que, contrairement à ce que défend l’Intersyndicale, nous devrons bloquer le pays et construire la grève générale pour gagner. Mais pour que la victoire devienne une réalité et que nous puissions lutter jusqu’au bout, nous devons gagner les masses au fait de rejoindre les secteurs stratégiques, sur un programme offensif commun. C’est le seul moyen de vaincre Macron et sa contre-réforme.

  • Comment réussir sa résistance passive au néolibéralisme ? - Source d’inspiration : Sabotage de la valeur travail (1/2)
    https://www.frustrationmagazine.fr/sabotage-performance

    Depuis quelques mois, les grands #médias s’emballent autour d’une tendance selon eux inquiétante et dangereuse, je l’appellerai : "la grève volontaire mais non visible du travail », ou « démission silencieuse » ; on oserait imaginer que le nombre de #travailleurs dans le monde diminue, ce qui impliquerait moins de productivité, et comble de la malchance, des personnes qui feraient alors "le strict minimum" définis sur leur contrat de #travail. Que révèle cette #tendance ? selon certaines sociétés de presse. Cette tendance de résistance plus instituées comme la grève ou, nettement moins efficace, le « dialogue social » entre « partenaires sociaux » montre bien qu’il est grand temps de rendre notre économie plus humaniste. En partageant le travail par exemple, le "travailler moins pour travailler tous" antithèse du "travailler plus pour gagner plus". Si on fait comme cela, on aura résolu la question du #chômage et de la #pauvreté. Par ailleurs, la #résistance aux heures supplémentaires, voire à un sentiment d’appartenance stéréotypé, est très efficace, et permet de réduire l’exploitation au travail : retrouver sa dignité face à l’arbitraire patronal voire trouver la force d’aller plus loin : le sabotage au travail, ou une façon possible de reprendre le pouvoir sur son travail et, à terme, de changer la société.

  • La mobilisation contre la réforme des retraites : enjeux et perspectives
    https://mensuel.lutte-ouvriere.org/2023/02/25/reforme-des-retraites-vers-un-reveil-de-la-combativite-ouvri

    En organisant et en encadrant la contestation, les chefs des confédérations syndicales, #Laurent_Berger en tête, sont dans leur rôle de «  lieutenants ouvriers de la classe capitaliste – pour reprendre la formule du militant socialiste américain Daniel de Leon reprise par Lénine dans La maladie infantile du communisme (le «  gauchisme  »)

    Laurent Berger ne s’est pas radicalisé, mais il a pris la mesure de l’opposition à cette réforme et se donne les moyens de l’encadrer, main dans la main avec les autres confédérations, et en premier lieu la #CGT

    Fort des antennes que lui donnent les 600 000 adhérents de la #CFDT et sa place de premier syndicat aux élections professionnelles, en particulier dans le privé et dans des entreprises moyennes, Berger a pu mesurer le rejet de cette loi qui va obliger des millions de travailleurs à se faire exploiter deux ans de plus, ou à rester plus longtemps au chômage et aux #minima_sociaux. Il sait qu’à la colère suscitée par cette attaque sur les #retraites s’ajoute la flambée des prix, qui plonge des millions de ménages dans l’angoisse de ne pouvoir se chauffer, ni mettre de l’essence dans sa voiture ni se loger ou se nourrir correctement.

    En répétant «  La mobilisation est à l’image de la CFDT  », il tire certes la couverture à lui et passe sous silence que l’immense majorité des manifestants ne sont ni syndiqués ni attirés par les cortèges de la CFDT. Mais il exprime une réalité  : un nombre important de manifestants et de grévistes viennent d’entreprises petites ou moyennes, des milieux employés, techniciens, agents de maîtrise ou cadres, qui participent rarement aux journées nationales de grève. Dans les grandes entreprises où des syndicats pro-patronaux sont majoritaires, et pour lesquels appeler à la grève est un quasi-sacrilège, comme chez #Airbus, #Stellantis ou #Toyota, ces syndicats se sont sentis obligés d’appeler aux manifestations et y ont amené de nombreux travailleurs. Même des travailleurs habituellement peu combatifs refusent l’idée de travailler deux ans de plus. Beaucoup sont révoltés par le fait qu’on va leur imposer, à eux qui créent toutes les richesses, de nouveaux sacrifices, alors que l’argent de l’État coule à flots pour arroser le #grand_capital.

    L’#intersyndicale peut d’autant plus garder le contrôle de la mobilisation que celle-ci n’est pas explosive.

    Si les chiffres des #manifestants et des salariés qui débrayent sont élevés, atteignant ceux des meilleures journées de 2010 ou de certaines manifestations de 1995, aucun secteur, pas plus les #cheminots que les #raffineurs, les travailleurs de l’énergie que ceux des services publics, n’est encore parti en grève à la suite des journées réussies. Les arguments sur le coût de la #grève pour les #grévistes, largement relayés par les chefs syndicaux pour justifier leur calendrier, indiquent surtout les hésitations de bien des travailleurs à engager un combat qu’ils savent difficile.

    La mobilisation n’est pas explosive, mais cela peut changer :

    Un mouvement de masse a sa propre dynamique. Après des années de reculs, de précarisation, de perte de confiance dans leur force collective et même de la conscience d’appartenir à une même classe sociale, les travailleurs partent de loin. La réussite des cinq journées de mobilisation a déjà permis à ceux qui y ont participé de prendre conscience qu’ils n’étaient pas tout seuls. Se retrouver à des milliers dans des petites villes, à des dizaines de milliers dans les plus grandes, à un ou deux millions dans tout le pays, permet de sentir qu’on appartient à une force collective qui se voit, qui agit, qui proteste. L’appel de l’inter­syndicale à faire du 7 mars une journée de grève générale massive, «  une France à l’arrêt  », les appels de plusieurs #syndicats, dans plusieurs secteurs, comme la #RATP, l’#énergie, la #chimie, à partir en grève reconductible à partir du 7 mars, donneront peut-être l’impulsion et la confiance en eux à un nombre significatif de travailleurs pour entrer réellement dans la lutte.

    Il faudra que la mobilisation s’étende et s’approfondisse dans les entreprises du privé, et notamment dans les bastions que sont
    les grandes entreprises.

    Instaurer un rapport de force favorable aux travailleurs, ce n’est certainement pas organiser «  le #blocage du pays  », selon le vocabulaire sciemment trompeur des journalistes, des dirigeants politiques ou syndicaux, qu’ils en soient partisans ou adversaires.

    La force des travailleurs, c’est qu’ils font tout fonctionner. S’ils se mettent massivement en grève, tout s’arrête, car ils sont irremplaçables. Mieux encore, ils ont la capacité de tout faire fonctionner selon leurs propres priorités, s’ils prennent le contrôle des moyens de production et de transport. Ils peuvent par exemple couper le courant aux propriétés de #Bernard_Arnault ou à une usine d’armement, et le rétablir à des familles qui ne peuvent plus payer leurs factures. Dans la lutte en cours, ce qui pourrait faire reculer Macron, c’est la crainte que la mobilisation affecte la pompe à profits, et que le grand patronat craigne que les travailleurs ne s’arrêtent pas à la seule question des retraites mais présentent la liste de toutes leurs doléances. Face à une telle menace, face au risque de développement d’une grève générale, c’est le Medef qui ordonnera à Macron de remballer sa réforme sans délai.

    Si le mouvement prenait cette orientation et cette ampleur, on verrait les confédérations syndicales, et pas seulement celles dites réformistes comme la CFDT, mettre tout leur poids pour l’arrêter et le canaliser vers des voies de garage, comme elles l’ont fait moult fois dans le passé.

    C’est pourquoi la tâche actuelle des militants révolutionnaires est de politiser le maximum de travailleurs, d’élever leur niveau de conscience, en profitant du climat engendré par la mobilisation contre les retraites, pour préparer l’avenir.

    Il faut multiplier les discussions, sous toutes les formes, sur tous les sujets qui concernent le sort et l’avenir de notre classe.

    Cela commence par comprendre que Macron n’est qu’un serviteur politique de la bourgeoisie, un exécutant remplaçable de ses intérêts généraux immédiats ou plus lointains . Dans cette période de crise économique générale, où la rivalité entre les grands groupes internationaux pour se partager la plus-value, accéder aux marchés, à l’énergie, aux matières premières, fait rage, la feuille de route de tous les gouvernements bourgeois, dans tous les pays, est simple  : réduire au maximum la part de richesses qui revient aux classes populaires, sous toutes les formes, pour augmenter la part versée directement aux capitalistes.

    Le grand patronat se moque de savoir comment les politiciens s’y prennent pour exécuter ce programme, s’ils choisissent de tailler davantage dans les retraites que dans le budget des écoles ou des hôpitaux.

    Mais ils veulent que la saignée se fasse sans crise sociale. Si un mouvement de grève contagieuse éclate, le patronat demandera à son fondé de pouvoir à l’Élysée de remballer sa loi. Mais ce sera pour repartir à l’attaque, plus tard, dès qu’ils le pourra. Pour en finir aussi bien avec la #pauvreté, le #chômage, les bas #salaires qu’avec les menaces guerrières et les guerres réelles, il faudra tôt ou tard engager le combat à un niveau supérieur, pour contester la direction de la société à la classe capitaliste, et il faut s’y préparer dès maintenant.

    Ce n’est évidemment pas la perspective proposée par les partis représentés au #Parlement. Ces partis aspirent à remplacer au pouvoir Macron et sa bande et présentent la #réforme_des_retraites comme un simple choix idéologique de #Macron.

    Le spectacle puéril donné pendant quinze jours par les députés lors de l’examen du projet de loi a été une leçon de choses sur l’impuissance et la #fatuité des parlementaires et, pour reprendre l’expression de #Marx et de #Lénine, leur crétinisme. Du côté des partisans de la réforme, ceux de LR ont marchandé ligne par ligne leur soutien aux #macronistes qui, pour leur part, n’ont cessé de mentir et d’afficher leur mépris social. Du côté des opposants déclarés, ceux du #RN, qui se prétendent opposés à la #réforme, se sont contentés de déposer une motion de censure symbolique, tout en se démarquant des manifestations et plus encore des grèves. Ils font le grand écart entre la fraction ouvrière de leur électorat, hostile à cette réforme, et leurs électeurs proches des milieux patronaux, qui haïssent la grève. Ceux de la #Nupes, et particulièrement de #LFI, ont déposé près de 20 000 amendements, pour organiser un jeu d’obstruction dans lequel chaque député a tenté de capter la lumière. Ils ont affiché leur rivalité avec les confédérations syndicales pour prendre la direction de la contestation, déclenchant tour à tour l’agacement de Berger («  spectacle honteux et désolant à l’Assemblée  ») puis de #Martinez («  LFI veut s’approprier le #mouvement_social et faire passer les syndicats au second plan  »).

    Les #chefs_syndicaux et les #députés de gauche jouent chacun sa partition mais ils sont tous, chacun dans son registre, des défenseurs de l’ordre social.

    Les travailleurs doivent se méfier des uns et des autres. Si un mouvement de grève sérieux démarre après le 7 mars, il faudra que les grévistes contrôlent collectivement le mouvement, par l’intermédiaire des assemblées générales de grévistes et par des comités de grève élus démocratiquement. C’est aux travailleurs mobilisés et à eux seuls de décider comment la lutte peut aller jusqu’au bout de ses possibilités. Et si le mouvement de grève, celui-là ou un prochain, se transformait en une contestation politique plus profonde, comme en 1936, il faudrait que les comités de grève se transforment en conseils ouvriers, organes du pouvoir des travailleurs. Si une telle perspective n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour, préparer l’avenir, c’est en discuter le plus largement possible avec le maximum de #travailleurs. Cela peut contribuer à approfondir la conscience de classe d’un nombre plus grand de travailleurs, afin que le réveil de la #combativité s’accompagne d’une prise de conscience politique et renforce le courant révolutionnaire au sein de la #classe_ouvrière.

    #capitalisme #réformisme #communisme_révolutionnaire #inflation

  • 7 mars : amplifier la lutte pour faire reculer Macron et le Medef
    https://journal.lutte-ouvriere.org/2023/03/01/7-mars-amplifier-la-lutte-pour-faire-reculer-macron-et-le-me

    3 semaines après la dernière manifestation contre le report à 64 ans de l’âge de départ à la retraite, l’#intersyndicale appelle à faire du 7 mars « une journée morte dans les entreprises, les administrations, les services, les commerces, les lieux d’études, les transports » et « à participer massivement aux manifestations »...

    C’est bien dans la rue, par les manifestations, et plus encore dans les entreprises, par la grève, que les travailleurs peuvent faire ravaler leur projet à Borne et Macron. Malgré un rejet massif parmi toutes les catégories de #travailleurs, rejet qui augmente chaque fois qu’un ministre ouvre la bouche, le #gouvernement_Borne peut trouver une majorité de parlementaires pour faire adopter sa loi. À défaut, il dispose de l’article 49-3. Même les minuscules #concessions sur les longues carrières, imposées par les députés, ont disparu du texte soumis aux sénateurs. Il n’y a rien à attendre du côté du Parlement.

    La force des travailleurs est qu’ils font fonctionner toute l’économie. S’ils se mettent massivement en #grève, ils arrêtent la machine à profits de la #bourgeoisie. Et c’est bien les capitalistes qu’il faut viser pour faire reculer #Macron, simple exécutant de leurs exigences. Roux de Bézieux, président du #Medef, l’a dit sans fard sur CNews : « Les politiques doivent prendre des décisions qui ne sont pas populaires. » Et de préciser : « Cette réforme est douloureuse mais indispensable. » Douloureuse, elle l’est pour les #salariés qui devront s’user deux ans de plus au travail ou finir leur vie active au chômage ou en invalidité ; indispensable, elle l’est pour augmenter la part de richesses qui revient aux capitalistes.

    Cette réforme n’a pas d’autres raisons d’être. Elle est d’autant plus insupportable qu’elle s’ajoute à la flambée de tous les prix. À l’angoisse de ne plus pouvoir payer les factures, se chauffer correctement, se déplacer quand on veut et même d’être obligé de se restreindre sur la nourriture, s’ajoute le cauchemar de se faire exploiter jusqu’à la tombe. Pendant ce temps, les grandes entreprises annoncent les unes après les autres des records historiques pour leurs profits. Les bénéfices en hausse pour les capitalistes, les sacrifices multiples pour les travailleurs sont les deux bouts du même bâton. Eh bien ce bâton, les travailleurs doivent le briser pour défendre leur droit à l’existence !

    Sur Cnews, #Roux_de_Bézieux s’est dit plus préoccupé des grèves pour des augmentations, en cours un peu partout dans le pays à l’occasion des négociations annuelles obligatoires sur les salaires dans les entreprises du privé, que des grèves pour les #retraites. Son inquiétude confirme qu’il faut présenter l’addition au grand patronat : cela inclut les retraites, les salaires, la précarité, l’emploi. Macron et les patrons ne céderont que si la grève part dans quelques secteurs et menace de s’étendre à toutes les entreprises.

    Contrairement à l’intersyndicale interprofessionnelle, plusieurs fédérations syndicales, à la SNCF, dans l’énergie, la chimie, les ports et docks, appellent d’ores et déjà à une grève reconductible à partir du 7 mars. Sans s’arrêter aux petits calculs des divers chefs syndicaux, tous les travailleurs conscients, dans tous les secteurs, doivent s’appuyer sur le succès prévisible de la journée du 7 mars pour convaincre leurs collègues de travail qu’il est nécessaire d’engager le combat. Il devra être placé sous le contrôle des travailleurs eux-mêmes et devra s’élargir à l’ensemble de leurs revendications, à commencer par les #salaires. Il sera difficile car les capitalistes, qui s’affrontent dans une guerre économique acharnée, ne lâcheront rien facilement. Mais, s’ils la déploient sans réserve, la force collective des travailleurs est immense.

    #capitalisme #lutte_de_classe #mouvement_social #mobilisation_sociale #grève_illimitée #réforme_des_retraites #inflation #dividende #super-profits

  • En Tunisie, les migrants subsahariens ciblés par des arrestations et des agressions
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/27/en-tunisie-les-migrants-subsahariens-cibles-par-des-arrestations-et-des-agre

    En Tunisie, les migrants subsahariens ciblés par des arrestations et des agressions
    Par Lilia Blaise(Tunis, correspondance)
    Publié le 27 février 2023 à 19h10, mis à jour hier à 09h52
    Jeudi 23 février, deux jours après le discours du président Kaïs Saïed sur les « hordes de migrants clandestins », source, selon lui, « de violences, de crimes et d’actes inacceptables » et destinés à changer la composition démographique de la Tunisie afin d’estomper son caractère « arabo-musulman », Dorothée a été licenciée de son travail de femme de ménage.
    Le lendemain, la mission diplomatique ivoirienne a lancé une vaste opération de recensement de ses ressortissants « désireux de quitter la Tunisie définitivement ». Une démarche d’autant plus urgente que les autorités tunisiennes ont accentué la pression sur les Subsahariens, malgré la manifestation contre le racisme qui a rassemblé un millier de personnes à Tunis, samedi, et les protestations venues de l’étranger. Les associations tunisiennes et subsahariennes ont enregistré ces dernières semaines de nombreux cas de migrants expulsés de leur domicile. Des évictions précipitées par l’application stricte d’une loi de 2004 qui oblige, sous peine de sanction, les propriétaires à demander une carte de séjour et à signaler au commissariat qu’ils hébergent un étranger. Cette loi, tout comme le code du travail, était jusqu’à présent très peu respectée dans le pays. « Elle pose problème depuis longtemps puisque la carte de séjour est très difficile à obtenir en Tunisie de manière générale », rappelle Alaa Talbi, directeur du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), une organisation non gouvernementale. (...)
    Du côté des autorités, le durcissement est net, revendiqué. Les Tunisiens qui ne respectent pas la loi sur l’hébergement d’un étranger sont passibles de quinze jours de prison et d’une amende, a souligné, jeudi, le porte-parole du tribunal de Sfax. Des sanctions sévères sont aussi prévues pour l’employeur qui embauche un étranger sans contrat de travail, a renchéri, le lendemain, le porte-parole de la garde nationale tunisienne, Houssem Jebali, à la télévision. Le 16 février, plusieurs associations tunisiennes de défense des droits humains étaient montées au créneau pour dénoncer l’interpellation, en une seule semaine, de 300 migrants. Dix jours plus tard, la garde nationale a annoncé l’arrestation de 151 Subsahariens accusés d’avoir « franchi illégalement la frontière tuniso-algérienne ». Près d’une cinquantaine de ces étrangers, parmi lesquels figurent des Congolais en majorité, sont aujourd’hui détenus à El Ouardia, un centre de détention administrative de Tunis dont le manque de statut juridique clair dans la loi tunisienne a souvent fait polémique. Parmi les prisonniers, certains sont des étudiants inscrits dans des universités. Kaïs Saïed avait pourtant assuré, dans un nouveau discours, jeudi, que les migrants en situation régulière n’étaient pas concernés par les mesures sécuritaires. Une garantie qui avait été aussi donnée aux associations estudiantines par le ministère de l’enseignement supérieur. (...)De nombreuses agressions à caractère raciste ont été également signalées. (...) Les autorités tunisiennes, elles, nient tout caractère raciste dans le discours du président ou les mesures prises par le gouvernement. « C’est vraiment un mauvais procès d’interprétation fallacieuse des propos des hautes autorités tunisiennes à ce sujet. Cela fait quelques jours que cela s’est produit, et il faut maintenant garder la tête froide, il faut apaiser, et les messages d’apaisement ont déjà été transmis par les canaux officiels et autres », a déclaré lundi, à l’AFP, le ministre des affaires étrangères, Nabil Ammar. Selon des chiffres officiels cités par le FTDES, la Tunisie compte plus de 21 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, la plupart en situation irrégulière. « Pour les migrants qui sont légaux, il n’y a aucun problème. Au contraire, nous en voulons plus, a affirmé le ministre. Et les migrants illégaux sont appelés à retourner chez eux, mais dans le respect de leurs droits et de leur dignité. »

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afriquesubsaharienne#etudiant#travailleurmigrant#travail#logement#racisme#droit#retour#migrationirreguliere#postcovid

  • En Tunisie, les migrants subsahariens ciblés par des arrestations et des agressions
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2023/02/27/en-tunisie-les-migrants-subsahariens-cibles-par-des-arrestations-et-des-agre

    En Tunisie, les migrants subsahariens ciblés par des arrestations et des agressions
    Par Lilia Blaise(Tunis, correspondance)
    Publié le 27 février 2023 à 19h10, mis à jour hier à 09h52
    Jeudi 23 février, deux jours après le discours du président Kaïs Saïed sur les « hordes de migrants clandestins », source, selon lui, « de violences, de crimes et d’actes inacceptables » et destinés à changer la composition démographique de la Tunisie afin d’estomper son caractère « arabo-musulman », Dorothée a été licenciée de son travail de femme de ménage.
    Le lendemain, la mission diplomatique ivoirienne a lancé une vaste opération de recensement de ses ressortissants « désireux de quitter la Tunisie définitivement ». Une démarche d’autant plus urgente que les autorités tunisiennes ont accentué la pression sur les Subsahariens, malgré la manifestation contre le racisme qui a rassemblé un millier de personnes à Tunis, samedi, et les protestations venues de l’étranger. Les associations tunisiennes et subsahariennes ont enregistré ces dernières semaines de nombreux cas de migrants expulsés de leur domicile. Des évictions précipitées par l’application stricte d’une loi de 2004 qui oblige, sous peine de sanction, les propriétaires à demander une carte de séjour et à signaler au commissariat qu’ils hébergent un étranger. Cette loi, tout comme le code du travail, était jusqu’à présent très peu respectée dans le pays. « Elle pose problème depuis longtemps puisque la carte de séjour est très difficile à obtenir en Tunisie de manière générale », rappelle Alaa Talbi, directeur du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), une organisation non gouvernementale. (...)
    Du côté des autorités, le durcissement est net, revendiqué. Les Tunisiens qui ne respectent pas la loi sur l’hébergement d’un étranger sont passibles de quinze jours de prison et d’une amende, a souligné, jeudi, le porte-parole du tribunal de Sfax. Des sanctions sévères sont aussi prévues pour l’employeur qui embauche un étranger sans contrat de travail, a renchéri, le lendemain, le porte-parole de la garde nationale tunisienne, Houssem Jebali, à la télévision. Le 16 février, plusieurs associations tunisiennes de défense des droits humains étaient montées au créneau pour dénoncer l’interpellation, en une seule semaine, de 300 migrants. Dix jours plus tard, la garde nationale a annoncé l’arrestation de 151 Subsahariens accusés d’avoir « franchi illégalement la frontière tuniso-algérienne ». Près d’une cinquantaine de ces étrangers, parmi lesquels figurent des Congolais en majorité, sont aujourd’hui détenus à El Ouardia, un centre de détention administrative de Tunis dont le manque de statut juridique clair dans la loi tunisienne a souvent fait polémique. Parmi les prisonniers, certains sont des étudiants inscrits dans des universités. Kaïs Saïed avait pourtant assuré, dans un nouveau discours, jeudi, que les migrants en situation régulière n’étaient pas concernés par les mesures sécuritaires. Une garantie qui avait été aussi donnée aux associations estudiantines par le ministère de l’enseignement supérieur. (...)De nombreuses agressions à caractère raciste ont été également signalées. (...) Les autorités tunisiennes, elles, nient tout caractère raciste dans le discours du président ou les mesures prises par le gouvernement. « C’est vraiment un mauvais procès d’interprétation fallacieuse des propos des hautes autorités tunisiennes à ce sujet. Cela fait quelques jours que cela s’est produit, et il faut maintenant garder la tête froide, il faut apaiser, et les messages d’apaisement ont déjà été transmis par les canaux officiels et autres », a déclaré lundi, à l’AFP, le ministre des affaires étrangères, Nabil Ammar. Selon des chiffres officiels cités par le FTDES, la Tunisie compte plus de 21 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne, la plupart en situation irrégulière. « Pour les migrants qui sont légaux, il n’y a aucun problème. Au contraire, nous en voulons plus, a affirmé le ministre. Et les migrants illégaux sont appelés à retourner chez eux, mais dans le respect de leurs droits et de leur dignité. »

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#afriquesubsaharienne#etudiant#travailleurmigrant#travail#logement#racisme#droit#retour#migrationirreguliere#postcovid

  • Refusons de marcher dans les guerres de Biden, Macron et Poutine !
    | #éditorial des bulletins d’entreprise LO (27 février 2023)
    https://www.lutte-ouvriere.org/editoriaux/refusons-de-marcher-dans-les-guerres-de-biden-macron-et-poutine-5252

    Depuis un an, les images d’une terrible tragédie nous viennent d’#Ukraine : villes bombardées et détruites, familles vivant dans des caves ou au milieu de ruines, soldats se terrant dans des tranchées boueuses… Cette barbarie est d’autant plus frappante qu’elle a lieu tout près, sur le sol européen.

    Mais en fait la #guerre n’est pas une réalité nouvelle pour bien des travailleurs, originaires d’Afrique, du #Moyen-Orient ou de l’ex-Yougoslavie, que nous côtoyons quotidiennement sur les chaines de montage automobile, sur les chantiers du bâtiment, dans les hôpitaux ou dans les bureaux. Beaucoup ont déjà connu les mêmes souffrances et ont été contraints de fuir leur pays ravagé par des conflits tout aussi meurtriers.

    Si les populations des pays occidentaux ont été jusque-là épargnées par de telles horreurs, leurs gouvernements n’ont jamais cessé de répandre la guerre aux quatre coins du monde. Au sein du système impérialiste, toutes les bourgeoisies et leurs États se livrent à une lutte incessante pour le profit, pour les marchés, le contrôle des matières premières et des zones d’influences. Les plus puissants font régner leur loi, écrasant les plus faibles. Cette guerre économique engendre et entretient en permanence des conflits qui font des centaines de milliers de morts. Dans le monde impérialiste, la paix n’est, au mieux, qu’une trêve entre deux guerres.

    Depuis un an, on nous abreuve de #mensonges présentant Biden, les dirigeants occidentaux et ukrainiens comme des défenseurs de la liberté et de la démocratie. Poutine est assurément un dictateur représentant exclusivement les intérêts de la minorité de bureaucrates et de riches affairistes qui tirent leur fortune de l’exploitation des travailleurs et du pillage des richesses du pays.

    Mais, face à lui, Biden ne défend pas la liberté ! Envahir un pays et renverser son gouvernement, les États-Unis eux-mêmes l’ont fait ou ont tenté de le faire plus d’une fois, à la Grenade, à Panama, à Cuba, ou plus récemment en Irak ou en Afghanistan.

    Les dirigeants occidentaux prétendent défendre l’indépendance de l’Ukraine, mais eux-mêmes ont tenté d’intégrer les États issus de l’éclatement de l’Union soviétique dans leur sphère d’influence, y compris en les faisant adhérer à l’OTAN. Pour s’y opposer, Poutine a envahi l’Ukraine, témoignant un total mépris pour les populations ukrainiennes qu’il écrase sous les bombes et pour la jeunesse de son pays utilisée comme chair à canon. Mais l’impérialisme et sa politique agressive portent une responsabilité écrasante dans l’évolution qui a conduit à cette guerre.

    Quoi qu’ils en disent, les gouvernements des grandes puissances occidentales sont engagés dans une guerre contre la Russie. Pour le moment, ils se limitent à fournir du matériel de guerre et laissent les Ukrainiens combattre et mourir. Mais la guerre a sa propre logique et rien ne peut exclure un engrenage conduisant à un élargissement du conflit. D’autant que le camp impérialiste, États-Unis en tête, se montre de plus en plus belliciste à l’égard de la #Chine, devenue trop puissante aux yeux des représentants de la #bourgeoisie américaine.

    Au sein du camp occidental lui-même se mène une autre guerre, cantonnée au seul terrain économique, entre les États-Unis et leurs alliés européens. Devant se passer de gaz russe, l’#Europe est contrainte d’acheter du gaz à des prix bien plus élevés que les capitalistes américains. Les fabricants d’armes américains réalisent des ventes record en évinçant leurs concurrents européens. Pour profiter des subventions annoncées il y a quelques mois par #Biden, des industries européennes menacent de se déplacer sur le territoire américain. La guerre en Ukraine est décidément une excellente affaire pour les capitalistes américains !

    Aujourd’hui, en France, les #travailleurs doivent s’opposer aux attaques contre les retraites. Ils doivent défendre leurs salaires laminés par l’inflation. Il nous faut dès aujourd’hui être capable de défendre nos conditions de vie face à la cupidité de la bourgeoisie, mais celle-ci nous menace de catastrophes bien pires encore. Les mêmes qui nous exploitent aujourd’hui nous enverront demain mourir sur un champ de bataille.

    « Paix entre nous, guerre aux tyrans », proclame l’Internationale, le chant de lutte des travailleurs. Et les tyrans qu’il faudra renverser, ce sont les capitalistes, leurs dirigeants politiques et leurs états-majors.

    #impérialisme #lutte_de_classe #nationalisme #internationalisme #guerre_en_ukraine #propagande

  • « L’ennemi principal est dans notre propre pays » (Lutte Ouvrière Belgique, 14 février 2023)

    https://lutte-ouvriere.be/lennemi-principal-est-dans-notre-propre-pays

    Les chefs de gouvernement européens réunis à Bruxelles pour un sommet extraordinaire ont engagé une nouvelle étape dans la #guerre qui oppose les pays de l’#OTAN à la #Russie sur le territoire de l’Ukraine. Les dirigeants d’#Allemagne, #France, Belgique, etc, derrière les USA, accentuent leur intervention militaire en Ukraine, avec la livraison prochaine de chars lourds. Et ils discutent maintenant ouvertement de livrer des avions de chasse, avec le risque d’intervenir au-delà des frontières ukrainiennes.

    Ces décisions, pourtant extrêmement graves, sont prises sans le consentement des populations, par des généraux, des industriels de l’#armement, des diplomates, des agents secrets… Mais ces dirigeants veulent entraîner tout le monde dans leurs perspectives guerrières.

    Alors Zelensky a pris la parole au parlement de Bruxelles. Sous les ovations des parlementaires et journalistes, l’ancien acteur de série télé, ami des oligarques corrompus, s’est adressé directement à la population européenne, saluant policiers, enseignants, ouvriers, patrons et même les syndicalistes qui, en Europe, admire-t-il, ont le droit de manifester. Et de nous exhorter à suivre les #Macron, #Scholz ou de Croo, dont la politique anti-sociale est connue, pour accentuer la guerre en Ukraine dans le but de défendre « le mode de vie européen » contre le mode de vie autoritaire « russe ».

    Oui, Poutine c’est la dictature, et les oligarques russes sont corrompus, autant que leurs semblables ukrainiens. Un système brutal qui pèse sur la population russe, entraînée dans une guerre qu’elle n’a pas choisi !

    Et en Europe, de quel « mode de vie » parle-t-il, de quelle liberté ? Du mode de vie des familles populaires « libres » de baisser le chauffage pour pouvoir payer leurs factures qui explosent ? Ou du mode de vie des politiciens grassement payés pour sauvegarder la liberté des actionnaires des groupes capitalistes de s’enrichir en spéculant sur l’énergie et la nourriture ? De la liberté des capitalistes de licencier ou de fermer des usines et condamner des milliers de #travailleurs au chômage ?

    Quant aux « #libertés_syndicales », Zelensky fait vraiment fort en matière d’hypocrisie. Lui, qui a supprimé jusqu’aux conventions collectives en Ukraine, et vendu les travailleurs ukrainiens aux groupes capitalistes occidentaux qui se précipitent pour soi-disant « reconstruire » le pays ! Une hypocrisie surpassée par celle des dirigeants européens qui exigent que soient virés les principaux oligarques ukrainiens corrompus avant d’accepter l’Ukraine dans l’Union européenne. C’est que les capitalistes européens veulent profiter de la main-d’œuvre ukrainienne bon marché sans être gênés par des concurrents locaux !

    Il n’y a pas de « mode de vie européen » valable pour tout le monde. Il y a ceux qui doivent travailler pour vivre, pour beaucoup sans même profiter de la retraite, et il y a ceux qui s’enrichissent sur leur dos ! Par contre, les problèmes et les besoins de tous les travailleurs, européens, russes, ukrainiens, américains, turcs, marocains, africains, asiatiques sont les mêmes : un travail correct, un salaire qui permette de vivre, une éducation et des soins, bien sûr un logement et une nourriture suffisante. Et cela tous les travailleurs et travailleuses ne l’ont pas, même dans un pays riche comme la #Belgique.

    L’unité nationale entre les travailleurs et les capitalistes est un piège. Pour nous faire accepter le chômage, les salaires insuffisants et demain la guerre. Ceux qui sacrifient aujourd’hui nos pensions, nos conditions de travail et nos droits aux soins et à l’éducation pour augmenter leurs profits, seront prêts demain à sacrifier nos vies pour leurs guerres !

    La #guerre_en_Ukraine n’est pas dans l’intérêt des travailleurs, pas plus que ne l’étaient celles en Irak, Afghanistan, Syrie, Libye et tant d’autres. Plus de 250 000 Ukrainiens seraient morts ou blessés. Des centaines de milliers d’autres ont tout perdu. Au nom de la patrie, pour la liberté et la paix future ? Non, en réalité pour l’enrichissement des capitalistes des pays de l’OTAN et des #oligarques ukrainiens.

    Le mirage de l’unité nationale commence à se fissurer en Ukraine. Alors qu’aux sommets de l’État, des proches de #Zelensky se sont rempli les poches en profitant des marchés de la guerre, les hommes meurent au front ou de froid ! Des hommes commencent à résister à l’#embrigadement_militaire.

    Les ennemis des travailleuses et travailleurs, ce sont d’abord les capitalistes de leur propre pays, qu’on soit russe, ukrainien, belge, français, allemand ou autre. La folie guerrière en #Ukraine et dans le monde cessera quand les travailleurs se mettront à riposter contre leurs propres exploiteurs, contre leurs propres généraux, en se donnant la perspective de les renverser pour un monde sans frontières et sans exploiteurs !

    * #Karl_Liebknecht, révolutionnaire allemand et compagnon de lutte de #Rosa_Luxembourg, en 1915 en pleine guerre mondiale, 3 ans avant la #révolution qui a fait tomber l’empereur allemand

    #impérialisme #lutte_de_classe #internationalisme #nationalisme