• A Bruxelles, l’appel à l’aide alimentaire des sinistrés du Covid-19
    https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/03/a-bruxelles-la-faim-gagne-du-terrain_6065088_3210.html

    « Avec cette crise, les invisibles sont tout à coup devenus visibles, décrit Esteban Jaime, responsable de l’aide alimentaire au centre public d’action sociale de la ville de Bruxelles. Des files se sont formées dans la rue. Cela a alerté un peu tout le monde. » La demande d’aide alimentaire en Belgique aurait augmenté de 20 % à 25 % cette année. Les chiffres ne sont pas très précis, vu l’éparpillement des aides et la diversité des structures. Six millions d’euros avaient été débloqués par le gouvernement fédéral avant l’été pour faire face à cette crise alimentaire. Mais ils n’ont pas suffi. Le nouveau gouvernement a débloqué 7 millions supplémentaires en octobre 2020. « Les aides actuelles ne sont pas à la hauteur de la catastrophe », déplore Brigitte Grisar, de la fédération des services sociaux. Le PIB belge devrait se contracter de 8,3 % en 2020, provoquant son lot de chômeurs. Les filets sociaux mis en place par l’Etat belge sont souvent insuffisants. « Des travailleurs à bas salaire qui étaient déjà très limites ne réussissent pas à s’en sortir avec le chômage temporaire », explique Cédric Drozers. Ce dispositif, équivalent du chômage partiel français, permet d’obtenir une compensation à hauteur de 70 % du salaire brut pendant la période d’inactivité.
    La société de Saint-Vincent de Paul distribue des colis alimentaires gratuits chaque mercredi et jeudi entre 10 et 13 heures à Bruxelles. A l’avant du dépôt, les bénévoles continuent à trier les aliments par préférences, le 23 décembre. Barry en bénéficie. D’ordinaire, il travaille comme cuisinier dans une entreprise spécialisée dans la restauration aérienne. Sa femme suit une formation et ne touche pas de revenus. « Alors le chômage temporaire, ce n’est pas assez, vu le niveau des loyers à Bruxelles, surtout que nous avons deux enfants et que le troisième arrive », explique-t-il. Avoir recours à l’aide alimentaire est un crève-cœur pour cet homme, originaire de Guinée, réfugié en Belgique depuis onze ans. « Les gens nous mettent une étiquette quand on vient demander un colis. Ça me gêne énormément de venir ici, confie-t-il. Lorsqu’il y a trop de monde dans la file, je fais demi-tour, je fais le tour du quartier et je reviens à un autre moment, pour éviter d’être vu ici trop longtemps. »(...)
    De l’autre côté de la ville, à Ixelles, l’un des sept frigos solidaires de la région de Bruxelles-capitale fait aussi face à une explosion des demandes. « Nous sommes passés de 28 colis à 50 par jour de distribution depuis le début de la pandémie », confirme Dominique Watteyne, bénévole et fondatrice de deux frigos solidaires. Ici, une noria de bénévoles organise l’acheminement de produits frais invendus par des épiceries, des magasins bio et grandes surfaces. Les paniers sont remplis de denrées périssables, à l’extrême limite de leur date de péremption. On y trouve de la viande, des légumes, des viennoiseries, du pain. Devant le local, Patrick, sans-papiers camerounais, détenteur d’un master en communication de l’Université libre de Bruxelles, n’arrive plus à s’en sortir depuis « qu’il n’est plus possible de faire les petits jobs que je faisais. Nettoyage chez les particuliers, ou petits travaux d’électricité. Et à Bruxelles, avec les loyers, ça ne rigole pas ». Nazariej, 22 ans, est étudiant et souhaite devenir ingénieur du son. Il avait un job étudiant, au même restaurant qu’Anna, « comme commis ou en salle ». « On travaillait beaucoup, on avait un revenu assez stable, enchaîne Anna, et ça nous est tombé dessus comme ça, d’un coup, avec le confinement. » Le restaurant ferme temporairement. Anna passe au chômage partiel. Mais Nazariej, en tant qu’étudiant, n’a pas droit à ces aides. « A deux sur un salaire réduit, c’est difficile, car le chômage temporaire couvre juste le loyer. » Tous deux fréquentaient déjà les frigos solidaires, avant. Ils y ont désormais recours de façon régulière.

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