• En Allemagne, pas d’#asperges sans Roumains

    Chronique, sur la vie, la vraie, vue d’Allemagne. Ce voisin qu’on croit connaître très bien mais qu’on comprend si mal. Au menu de cette semaine, la passion des Allemands pour les asperges a poussé le gouvernement à ouvrir ses frontières pour faire rentrer des #saisonniers roumains, indispensables à la récolte de leur légume-roi.

    Il a déjà été évoqué dans cette chronique le rapport singulier qu’entretiennent les Allemands avec leurs asperges. Ils les aiment bien blanches, massives, au diamètre imposant, et noyées sous environ douze litres d’épaisse sauce hollandaise. C’est ainsi : entre les Allemands et l’asperge la relation est passionnelle, fusionnelle, et surtout irrationnelle. Comme le dit avec humour la chroniqueuse Margarete Stokowski, que ne ferait-on pas pour célébrer le « culte » du « vieux mâle blanc des arts culinaires » ? Ainsi, tous les ans, le pays, premier producteur européen, surveille ses récoltes comme le lait sur le feu, et on ne compte plus les articles espérant le retour du Spargelzeit, le temps des asperges, comme la promesse de jours meilleurs.
    « Aucun Allemand ne veut faire ce boulot »

    Aussi le pays se trouva-t-il fort dépourvu lorsque le coronavirus menaça de mettre en péril la récolte du légume-roi. Sans travailleurs saisonniers venus de l’Est, pas d’asperges, et pas de sauce hollandaise. Car si les Allemands se bousculent pour acheter leur légume préféré, ils se pressent moins pour les ramasser. « Aucun Allemand ne veut faire ce boulot », déplorait déjà un producteur dans le Brandebourg en 2018. Ramasser des asperges est harassant, et consiste à travailler dix heures par jour le dos courbé pour le salaire minimum.

    Un printemps sans asperges ? Face à cette catastrophe annoncée, le gouvernement allemand n’est pas resté les bras ballants. La ministre de l’Agriculture, Julia Klöckner (CDU), a d’abord proposé d’utiliser des demandeurs d’asile, dont on lèverait l’interdiction de travail. Certaines personnes originaires d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine ou du Kosovo ne pourraient-elles pas faire l’affaire ? Finalement, le gouvernement s’est dit : coronavirus ou pas, il nous faut des travailleurs saisonniers. D’un seul homme, les exploitants se sont proposés afin d’aller chercher les volontaires par avion. Seul hic, la plupart des frontières en Allemagne sont fermées depuis la mi-mars.

    Soulagement

    Qu’à cela ne tienne. Si Paris vaut bien une messe, l’asperge vaut bien une entorse à la fermeture des frontières. Le 2 avril, le gouvernement fédéral a permis la venue de 80 000 travailleurs saisonniers. Des images d’ouvriers roumains, photographiés à leur sortie d’avion façon paparazzade, ont alors envahi les médias, qui poussèrent un cri de soulagement : « Les saisonniers sont là. » Même le parti d’extrême droite AfD s’est réjoui, une fois n’est pas coutume, de l’#ouverture_des_frontières.

    Seulement, l’affaire n’est pas sans danger, quand bien même les exploitants assurent respecter les consignes d’hygiène et de sécurité. L’un de ces ouvriers agricoles roumains est mort du Covid-19 lors du week-end de Pâques, près de Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg). Il avait 57 ans. On suppose qu’il a contracté le virus en Allemagne. Une éditorialiste du Zeit s’est indignée, et elle n’est pas la seule : « Pas besoin d’être diplômée en économie pour comprendre que l’idée d’envoyer des milliers de Roumains démunis en Allemagne pour travailler dans les champs en pleine pandémie n’est pas particulièrement bonne. »

    https://www.liberation.fr/planete/2020/04/21/en-allemagne-pas-d-asperges-sans-roumains_1785811

    #travailleurs_étrangers #migrations #coronavirus #covid-19 #Roumanie #travailleurs_roumains

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