La dégradation de la santé mentale des jeunes Britanniques affecte l’économie RTS - Catherine Ilic

Le Royaume-Uni fait face à une hausse préoccupante des troubles psychiques chez les 18-24 ans, selon une étude publiée le 26 février par le centre de réflexion britannique indépendant Resolution Foundation. L’économie nationale, déjà mise à mal par la pénurie de main d’oeuvre, s’en retrouve affectée, alerte l’auteure du rapport dans Tout un monde vendredi.
Bien que ce soit le cas dans de nombreux pays d’Europe, dont la Suisse, cette tendance a de plus lourdes conséquences outre-Manche.
Selon l’étude ▻https://www.resolutionfoundation.org/press-releases/efforts-to-tackle-britains-epidemic-of-poor-mental-health-shou , les Britanniques de 18 à 24 ans ont la pire santé mentale de tous les groupes d’âge. Il y a 20 ans, c’étaient pourtant eux qui avaient la meilleure santé mentale.
« Un jeune sur trois fait état d’un trouble psychique qu’il s’agisse d’anxiété, de dépression ou encore de bipolarité », note Louise Murphy, économiste et auteure du rapport, sur le plateau de la RTS. « C’est un chiffre qui a considérablement augmenté. Au tournant des années 2000, la proportion était d’un sur quatre. »
Les résultats de l’étude s’appuient sur trois ans de recherche sur la santé mentale des jeunes et l’impact sur le marché du travail.
« Sérieux problème pour l’économie »
Selon l’économiste, cette tendance affecte l’économie. « C’est un sérieux problème, pas seulement pour les jeunes, mais aussi pour l’économie en général. »
« Il y a 25 ans, il était beaucoup plus fréquent d’avoir des personnes âgées en incapacité de travailler en raison d’un problème de santé ». Tandis qu’aujourd’hui, cette tendance touche plus les jeunes que ceux qui entament la quarantaine, précise-t-elle encore.
Cinq pour cent des Britanniques de 18-24 ans ne travaillent pas à cause d’un problème de santé, alors que le pays souffre d’une pénurie de main d’oeuvre.
Réseaux sociaux dans le viseur
L’isolement pendant les confinements du Covid, le climat général actuel de guerre et la crise du coût de la vie sont régulièrement pointés du doigt pour expliquer cette tendance. Mais, pour Sarah Jarvis, médecin généraliste, les réseaux sociaux y sont aussi pour quelque chose.
« Je vois une incroyable augmentation de jeunes qui vont mal. Je pense que les réseaux sociaux ont une responsabilité considérable : les jeunes ont désormais des attentes complètement irréalistes. Ils pensent que tous les gens autour d’eux ont des vies fabuleuses et cela peut être très dur quand votre vie est à mille lieues de cette réalité enjolivée », déplore-t-elle.
L’éducation aussi en cause
La baisse de la stigmatisation des personnes concernées, qui conduit à une augmentation du nombre de diagnostics effectués, explique en partie cette hausse du nombre de cas. Mais il ne faut pas voir partout des jeunes avec des problèmes psychiques, met en garde Frank Furedi, sociologue connu outre-Manche. Selon lui, l’impact des souffrances psychiques sur les enfants est visible depuis une vingtaine d’années et il accuse l’éducation de jouer un rôle dans ce phénomène.
« Lorsque les enfants sont encouragés à utiliser le langage de la psychologie pour parler de leurs problèmes, ils ne ressentent pas la déception, l’échec et le rejet comme des difficultés de la vie, mais comme des troubles psychiques ».
Et de poursuivre : « Ce qui est dramatique, c’est que ce phénomène n’est pas récent. A chaque génération, le problème est pire. Par conséquent, plus vous êtes jeune, plus vous êtes susceptible d’avoir des troubles psychiques parce que vous avez été éduqués comme cela. »
Cette éducation est transmise depuis de nombreuses années par les écoles et universités au Royaume-Uni, et en Europe. C’est ce qu’on appelle l’"éducation bienveillante".
La médecin généraliste Sarah Jarvis ajoute que le problème de cette éducation est qu’elle incite les jeunes à percevoir la moindre difficulté de la vie comme anormale. « Au cours de cette dernière génération, les parents ont élevé leurs enfants dans le culte du bonheur, en pensant qu’il fallait qu’ils soient tout le temps heureux. Malheureusement, ce n’est pas réaliste et cela fait croire aux enfants qu’être en colère, triste ou frustré n’est pas acceptable... »
« Le résultat, je le vois dans mon cabinet : les jeunes ne vont vraiment pas bien », constate-t-elle encore.
Besoin de trouver un meilleur équilibre
Sarah Jarvis ne plaide pas pour un retour aux méthodes anciennes, mais pour la nécessité de trouver un meilleur équilibre. Ce que partage Louise Murphy, l’auteure du rapport sur la santé mentale des jeunes.
« Je pense qu’il y a un débat très important à avoir sur la bonne approche à adopter. Il faudrait pouvoir aider les jeunes en réelle difficulté, sans créer de problèmes parmi ceux qui n’ont pas vraiment de soucis au départ. (...) Il faudrait faire beaucoup plus de recherches dans ce domaine », avance-t-elle.
Ce blues croissant des jeunes est un vrai enjeu de société. Les problèmes de santé mentale - tous âges confondus - ont un coût énorme pour l’Etat britannique : près de 120 milliards de livres par année, soit 5% du PIB.
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Source : ▻https://www.rts.ch/info/monde/2024/article/la-degradation-de-la-sante-mentale-des-jeunes-britanniques-affecte-l-economie-28