Sarkozy a lui même droitisé la société française
Une interrogation demeure : si Nicolas Sarkozy avait bénéficié de deux semaines supplémentaires de campagne, ne serait-il pas parvenu à prendre in extremis le dessus sur son adversaire ? Des ténors de la majorité se demandent aujourd’hui si leur candidat n’est pas entré en campagne trop tard - ce qui revient déjà à évacuer le débat de la droitisation. Autre question : compte tenu de l’importance du vote #FN, Nicolas #Sarkozy aurait-il terminé à quelque trois points de François Hollande s’il avait opté pour une autre stratégie, ou l’écart aurait-il été plus large ?
Selon l’un de ses conseillers, une autre campagne a été envisagée jusque fin janvier, centrée sur la compétitivité, la baisse du coût du travail, le financement de la protection sociale par la TVA "anti-délocalisation", la mise en place d’un modèle économique inspiré de celui de l’Allemagne. « Effet dans les sondages : zéro, il ne gagne pas un point », raconte-t-il. Début février, la tactique de Buisson est donc validée avec le fameux entretien du candidat sur « (ses) valeurs pour la France » dans Le Figaro Magazine.
Toute sa campagne sera ensuite axée sur l’idée de « redonner la parole au peuple » via des référendums, et une mise en avant des thèmes de l’immigration et de la fraude sociale. Selon le même conseiller, Nicolas Sarkozy pensait recentrer sa campagne entre les deux tours car « il croyait Marine Le Pen moins forte et François Bayrou plus haut ». Avec un Front national à plus de 18%, le président-candidat fait le cheminement inverse.
Mais Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas lui-même une grande responsabilité dans la (re)montée du FN ? Nonna Mayer souligne ainsi la « droitisation de la droite depuis 2010 » avec la mise en avant de la « question de l’immigration, du droit de vote des étrangers, des racines chrétiennes de la France ». Le politologue Stéphane Rozès, directeur de la société CAP ("Conseils, Analyses et Perspectives") - et l’un des conseillers officieux d’Hollande -, estime sur France Culture que « depuis le discours de Grenoble, Nicolas Sarkozy a été l’acteur de cette stratégie de #droitisation ». Il note, depuis ce discours de juillet 2010, un changement « de l’attitude des électeurs de l’#UMP à l’égard du Front national ». « Avant le discours de Grenoble, un tiers d’entre eux voulait une alliance avec le FN. Entre le discours de Grenoble et la presidentielle, environ la moitié, au moment du premier tour jusque 60%, et aujourd’hui 66% ».
La stratégie de Buisson aurait donc répondu à une d#roitisation de la société française que Sarkozy a lui-même provoquée. Début 2011, le politologue Pierre Martin, chercheur au CNRS et à l’Institut d’études politiques de Grenoble, démontrait, dans un article détaillé de la revue Commentaire, résultats électoraux à l’appui, que Nicolas Sarkozy s’était « enfermé dans un piège » avec les thèmes de l’immigration et de l’identité nationale. « Il est conduit à une surenchère à cause de l’image qu’il s’est donnée depuis 2002 », prédisait le chercheur dans un entretien à Mediapart.
A moyen et long terme, à qui bénéficiera cette stratégie ? Selon Stéphane Rozès, jusqu’à présent « elle a plus profité au FN qu’a Nicolas Sarkozy. Mais Patrick Buisson a tout de même « fait en sorte que se profile l’image d’un parti de droite autoritaire ou un scénario a l’italienne », analyse-t-il.