• « Un démocrate » une pièce pour aujourd’hui. - L’Autre Scène (.ORG)
    https://lautrescene.org/2025/04/22/un-democrate-une-piece-pour-aujourdhui

    22 Avr 2025
    David Rofé-Sarfati

    Le slogan de Donald Trump, Make America Great Again, est un chef-d’œuvre de manipulation symbolique. Derrière ce “again” se cache une Amérique idéalisée, mythique, jamais vraiment existée. Il n’est pas promesse, mais incantation. Le mythe est façonné pour rassurer, mobiliser, diviser et … consommer. Ainsi naissent les légendes politiques : dans le reflet trompeur d’images et de slogans malicieux. Et pendant que le peuple croit boire à la source de la vérité, on lui sert une illusion dorée, pleine de promesses creuses et de mémoires truquées. Une post-vérité . Julie Timmerman a écrit sa pièce il y a neuf ans. Donald Trump à droite et des activistes de campus américains à gauche ont remis son propos dans l’actuel. Récit :

    Un génie machiavélique au service de la masse : bienvenue dans la tête d’Edward Bernays

    Il était le neveu de Freud. Mais il n’a pas couché des patients sur un divan — non, lui a préféré manipuler des foules entières. Edward Bernays, génie de la communication et pionnier de la propagande moderne, est aujourd’hui convoqué par Julie Timmerman dans un spectacle aussi drôle que décapant. Sur scène, elle transforme cette figure aussi fascinante qu’inquiétante en miroir grinçant de notre époque.
    Un spectacle entre conférence déjantée et théâtre engagé

    Avec la complicité de la scénographe Charlotte Villermet, Julie Timmerman ne se contente pas de raconter la vie d’Eddy, alias Bernays — elle la démonte, la triture, la joue à plusieurs voix. Les comédiens ne quittent jamais le plateau, se passant tour à tour le costume du superbe manipulateur pour en révéler toutes les contradictions. Sur un tableau noir, comme dans une salle de classe un peu folle, les grands chapitres de sa biographie s’alignent : naissance, coups d’éclat, coups tordus.

    C’est rythmé, c’est vif, et c’est volontairement drôle. On rit franchement lorsque Bernays confond l’association libre avec la liberté individuelle, ou lorsqu’il décrète que l’art, en somme, c’est du caca. L’effet est irrésistible, presque burlesque : on pense à la psychanalyse de comptoir des magazines féminins, sauf que là, c’est sur scène, et c’est hilarant.
    Le père de la pub moderne, entre génie et cynisme

    Mais derrière l’humour, la critique est acérée. Bernays, s’il a su séduire les foules, n’a jamais reculé devant le cynisme le plus glacial. Convaincre les femmes de fumer ? Il l’a fait. Faire mousser la vente de savon ? Aussi. Préparer l’opinion à un coup d’État ? Encore lui. Jusqu’à sa mort à 104 ans, cet homme n’a jamais cessé d’utiliser la psychologie humaine comme levier de masse.

    La pièce ne s’arrête pas au portrait. Elle interroge. Elle met en lumière comment ce manipulateur brillant, qui se désolait que ses écrits soient lus par Goebbels, est devenu l’un des architectes inconscients de notre monde. Jusqu’à refuser de reconnaître que sa propre femme, morte d’un cancer des poumons, victime des campagnes qu’il avait lui-même orchestrées en faveur des cigarettiers.
    Une pièce pédagogique, mordante… et nécessaire

    Oui, on est dans l’excès. Dans la farce car Julie Timmerman propose une fable moderne, une parabole grinçante. Car derrière Bernays, c’est l’Amérique qu’on regarde. Et derrière l’Amérique, c’est nous.

    Conseillers en relations publiques, communication de crise, storytelling politique, fake news, RGPD, Facebook, data, influenceurs, tout cela nous vient de quelque part. Et ce quelque part porte un nom : Edward Bernays.

    Avec Un démocrate, le théâtre devient salle de classe, terrain de jeu, arène de débat. Une pièce vive, intelligente, percutante — à voir absolument, et à débattre en famille, autour d’un dîner ou sur les réseaux. Parce que ce qu’on y entend, on ne pourra plus jamais l’ignorer.
    Sur le site du théâtre

    Texte et mise en scène Julie Timmerman
    avec Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Guillaume Fafiotte ou Jean-Baptiste Verquin (en alternance), et Julie Timmerman
    dramaturgie Pauline Thimonnier
    scénographie Charlotte Villermet
    lumière Philippe Sazerat
    costumes Dominique Rocher
    musique Vincent Artaud
    son Michel Head

    vu le 22 avril 2025 au Théâtre de la Concorde

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate

  • VIDÉO. Théâtre : ’Un démocrate’, l’inventeur de la manipulation des foules | TV5MONDE - Informations
    https://information.tv5monde.com/international/video/theatre-un-democrate-linventeur-de-la-manipulation-des-foules-

    Avec une présentation, des extrait de la pièce et une longue interview de Julie Timmerman.

    LE 14 AVR. 2025 À 18H47 (TU) Mis à jour le 14 avr. 2025 à 18h48 (TU)
    Par TV5MONDE MOHAMED KACI
    La pièce de théâtre « Un démocrate » de Julie Timmerman raconte la vie d’Edward Bernays, considéré comme le père de la propagande politique et de la manipulation des opinions publiques. Entretien avec la dramaturge et metteuse en scène de ce spectacle, joué au Théâtre de la Concorde, à Paris.

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate

  • Avec « Un Démocrate » Julie Timmerman questionne...
    https://www.journal-laterrasse.fr/avec-un-democrate-julie-timmerman-questionne-brillament-letat-de-

    Reprise / Théâtre de la Concorde / écriture et mise en scène Julie Timmerman
    Publié le 25 mars 2025 - N° 331

    Julie Timmerman reprend au Théâtre de la Concorde cette pièce au succès jamais démenti. Dans une forme brechtienne fine et assumée, la metteure en scène questionne l’état de la démocratie à travers le parcours du méconnu Edward Bernays, neveu de Freud et inventeur des techniques de manipulation de masse.

    « Edward L. Bernays (1891-1995) ». Sous un portrait accroché à un mur noir, devant un bloc rectangulaire tout aussi sombre, l’épitaphe crée un horizon d’attente précis : le comblement d’une lacune historique. Sur scène avec Anne Cressent, Mathieu Desfemmes et Jean-Baptiste Verquin, Julie Timmerman y répond avec talent à travers un portrait chronologique à la manière brechtienne. Entre narration distanciée des épisodes marquants de la longue vie de Bernays, incarnation de certaines situations et intermèdes musicaux volontiers burlesques, Un démocrate déploie la biographie d’un homme aussi peu connu qu’important dans le développement des démocraties libérales. Double neveu de Freud – son père est le frère de la femme du fondateur de la psychanalyse, et Anna Freud, la mère de Bernays, est sa sœur –, le héros de la pièce de Julie Timmerman est le fondateur de l’industrie des Relations Publiques. Autrement dit, d’une méthode de manipulation des masses qui repose sur les avancées des sciences sociales au tournant du XIXème et du XXème siècle. Celles de la sociologie, de la psychologie sociale, et bien sûr de la psychanalyse. Dans un contexte de crise des démocraties européennes, la figure d’Edward Bernays est pour Julie Timmerman prétexte à un appel à la vigilance et à l’esprit critique.

    Science de bonimenteur

    Le théâtre est le premier concerné par cette injonction jamais formulée, mais sous-entendue tout au long du spectacle. Traversée éclair des cent ans d’existence du père des Relations Publiques, Un démocrate s’ouvre sur un court monologue d’un Edward Bernays centenaire interprété par Mathieu Desfemmes, puis laisse place à la reconstitution des succès majeurs du protagoniste. Parmi lesquels, la promotion de Damaged Goods d’Eugène Brieux, mise en scène par le célèbre comédien Richard Bennett (1872-1944). Pour faire événement de cette pièce sur la syphilis, sujet tabou à l’époque, Edward Bernays développe une technique qui lui servira plus tard dans son travail pour des fabricants de savons, de pianos, le patron de la marque de cigarettes Lucky Strike ou encore la compagnie bananière United Fruit Company. Sorte de laboratoire où les idées sont évoquées à travers les corps et des matériaux simples, le plateau de Un démocrate est tout sauf la tribune d’une classique leçon d’histoire. Ponctuée des maximes cyniques et paradoxales dont le neveu de Freud avait le secret – « pour lutter contre la propagande il faut plus de propagande », par exemple –, cette pièce où chaque comédien joue plusieurs rôles traduit avec force le désir de théâtre politique et populaire de Julie Timmerman.

    Anaïs Heluin

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate

  • Comment le Théâtre de la Concorde est devenu indispensable | Les Inrocks
    https://www.lesinrocks.com/arts-et-scenes/comment-le-theatre-de-la-concorde-est-devenu-indispensable-655298-08-04-

    “La montée des populismes” en question

    La preuve avec la programmation en avril dédiée à “la montée des populismes”. Celle-ci est notamment marquée par Un Démocrate, pièce de Julie Timmerman sur l’influence d’Edward Bernays, pionnier dans l’Amérique des années 1920 de ce qu’on appelle aujourd’hui les “relations publiques” et dont les techniques ont inspiré la propagande nazie (du 10 au 26 avril), mais aussi par une conversation entre la philosophe Sandra Laugier et le réalisateur Arnaud Desplechin sur la dimension populaire du cinéma, le 22 avril, ou encore par une université populaire consacrée à la question de la délibération par le politologue Loïc Blondiaux, le 30 avril.

    Proposant aussi des ateliers pédagogiques et créatifs (du slam avec l’École de l’Opéra de la Parole, fondée par Lauréline Kuntz, des danses urbaines avec l’association Kourtrajmé…), ce théâtre municipal reste encore soumis à des moyens financiers limités, particulièrement en termes de production de spectacles. Un peu artisanal, son modèle économique l’autorise paradoxalement à une sorte de souplesse dans sa programmation. Myriam Marzouki et Sébastien Lepotvin, dont le spectacle Nos ailes brûlent aussi fut programmé en janvier dernier, se félicitaient récemment que la Concorde puisse accueillir des créations sur une longue durée, ce qui semble de plus en plus difficile dans les centres dramatiques nationaux.

    Accueillant, délibératif, pédagogique, hétéroclite, métissé… Le Théâtre de la Concorde, cette nouvelle espèce d’espace, aura de quoi faire dans les mois et les années qui viennent pour mettre en scène les disputes et les discordes qui agitent notre présent.

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate

  • Un démocrate de Julie Timmerman au Théâtre de la Concorde : l’inventeur de la fake news - Transfuge
    https://www.transfuge.fr/2025/04/13/un-democrate-de-julie-timmerman-au-theatre-de-la-concorde-linventeur-de-la

    L’incroyable vie d’Edward Bernays

    Oriane Jeancourt Galignani
    13/04/2025 Critique

    Edward Bernays, son nom ne vous dit rien ? C’est pourtant lui qui a inventé l’art de manipuler les masses à notre époque médiatique. Un démocrate retrace sa vie.

    L’idée de remonter à l’origine de la manipulation des masses pourrait sembler un peu naïve : parler pour retourner les foules n’est pas une affaire récente. Cicéron, le Christ, ou Moïse n’ont pas attendu le XXe siècle pour agir sur les esprits, par la parole. Mais Un démocrate, comme son nom l’indique, est un spectacle qui se penche sur l’art précis d’agir sur les foules, en démocratie moderne. Le lieu même, nous promet-on, du pouvoir du peuple. C’est là tout l’intérêt de ce spectacle, de nous dévoiler l’art contemporain d’agir sur l’inconscient de l’individu à l’ère de la société médiatique. Un art conçu par un Américain d’origine viennoise, « double neveu » de Sigmund Freud, Edward Bernays. Un démocrate, la pièce de Julie Timmermann aujourd’hui reprise au Théâtre de la Concorde, retrace avec simplicité et fidélité la vie de cette figure historique méconnue. Génie de la publicité né à la fin du XIXe siècle, cet expert des relations publiques a travaillé pour Lucky Strike, pour le gouvernement américain, ou pour d’autres grandes marques, en élaborant au fil des années un art de manœuvrer dans l’esprit des masses avec brio. Qu’il s’agisse de jouer sur le désir mimétique, la peur, les angoisses primitives, il a su élaborer des stratégies pour conquérir des parts de marché. Quatre comédiens sur scène, deux hommes et deux femmes, jouent tour à tour « Eddy » : le jeune Américain qui part à la rencontre de son oncle Freud à Vienne au début du siècle, l’ambitieux publicitaire à New York dans les années 20, l’auteur de Propaganda, livre retrouvé dans la bibliothèque de Goebbels, ou le cynique d’après-guerre, prêt à tout, même au coup d’État, pour faciliter à ses clients l’accès aux marchés mondiaux. Les quatre comédiens jouent, chantent, dansent, et transmettent avec un art consommé de la pédagogie les manières dont Bernays et son équipe réussissent par exemple à rendre le vert à la mode, ou, moralement plus dérangeant, à faire fumer les femmes… Si ce spectacle un peu didactique se déroule au gré d’une intrigue très classique, les jeunes gens de la salle se montrèrent ce soir de printemps, au théâtre de la Concorde, fascinés par ce Bernays qui a simplement inventé, sans le savoir, l’art des fake news et autre propagande 2.0.

    Un démocrate, de Julie Timmerman, Théâtre de la Concorde, jusqu’au 26 avril.

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate

  • « Un Démocrate » explosif qui n’a pas pris une ride - Artistikrezo
    https://www.artistikrezo.com/spectacle/un-democrate-explosif-qui-na-pas-pris-une-ride.html

    Au Théâtre de Concorde, tout récemment rénové et rebaptisé par la Mairie de Paris, pour faire de l’art un espace de réflexion et de résistance contre les illusions simplistes, Julie Timmerman reprend le spectacle phare de la compagnie, « Un Démocrate », qui retrace le parcours d’Edward Bernays et l’invention de la propagande publicitaire et politique. Explosif et terriblement actuel !

    De Lucky Strike à Goebbels

    ©Philippe-Rocher

    Comment, sur un plateau de théâtre, avec une simple table, des projecteurs, et quatre acteurs aussi virtuoses qu’électriques, peut-on parler d’une invention démoniaque qui a transformé la société mondiale dans les années 1920 ? L’Américain Edward Bernays, par ailleurs neveu de Sigmund Freud, avait finement analysé la psychologie des masses et le comportement de chaque individu, sitôt qu’il se trouve immergé dans un groupe humain. Il avait lu le célèbre ouvrage de Gustave Lebon, Psychologie des foules (1895) qui expliquait comment l’opinion publique peut se construire à travers une foule d’humains qui se mettent à partager les mêmes idées… et à perdre leur libre-arbitre. A partir de ce constat, le cynique Bernays invente « la fabrique du consentement », véritable manipulation mentale qui va indifféremment servir à vendre des savons, des cigarettes ou des présidents. Il y explique que ceux qui sont capables d’influencer des masses parviendront au pouvoir. Joseph Goebbels, ministre de la propagande d’Hitler, l’avait parfaitement compris. Mais à l’époque du fordisme et de la standardisation des produits manufacturés, le mot d’ordre de la société américaine était, et est toujours : VENDRE. Et quand la puissante American Tobacco Compagny se plaint des faibles ventes de cigarettes auprès des femmes, Bernays lance la firme Lucky Strike dans une gigantesque campagne publicitaire, affiches, télévision et cinéma, pour faire de la cigarette un instrument de libération et de stimuli sexuel des femmes. A l’instar des hommes, femmes et actrices se mettent à fumer, et peu importe si la courbe des cancers liés au tabac commence à s’emballer. La propagande a marché, et Bernays, parle à l’oreille de tous les puissants.

    Théâtre brechtien

    ©Philippe_Rocher

    A la manière d’un documentaire enlevé, avec photos et affiches, on se retrouve dans la famille de Bernays, ou dans un cabaret de Las Vegas : avec trois fois rien, une table qui sert de podium et des chapeaux de cow boys, les quatre comédiens rivalisent de talent et d’énergie à la manière d’un cabaret burlesque, épique et politique, aussi drôle qu’instructif, aussi burlesque que tragique. Car le neveu de Sigmund Freud, qui avait appris de son oncle la finesse de l’analyse psychique et de l’inconscient, a même contribué à renverser le président démocratiquement élu au Guatemala en 1954, avec l’aide de la puissante multinationale de bananes United Fruit Company et de l’armée. Sur scène, la parole de Bernays est alternativement prise en charge par tous les comédiens, signifiant ainsi, face au public, que la propagande n’épargne personne. Fake news, sondages truqués, révélations dissimulées, presse rachetée par des consortiums financiers, les sujets abordés dans ce spectacle qui va à cent à l’heure percutent, plus que jamais aujourd’hui, notre actualité mondiale. Anne Cressent, Julie Timmerman, Mathieu Desfemmes et Guillaume Fafiotte, en alternance avec Jean-Baptiste Verquin, interprètent une vingtaine de personnages hauts en couleurs dans des lumières signées Philippe Sazerat qui sculptent l’espace. C’est une réussite, recommandée aussi pour les jeunes spectateurs.

    Helène Kuttner

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate

  • Timmerman, l’art de la manipulation | Chantiers de culture
    https://chantiersdeculture.com/2025/04/10/timmerman-lart-de-la-manipulation-2

    Jusqu’au 26/04, au théâtre de La Concorde (75), Julie Timmerman met en scène Un démocrate. Du théâtre documentaire de belle facture, une dénonciation sans appel du capitalisme international. Entre mensonges et manipulation, un acte civique de bon aloi.

    C’est une histoire authentique que nous conte Julie Timmerman avec Un démocrate au théâtre de La Concorde, studio Pierre Cardin. Celle de l’américain Edward Bernays, le neveu de Freud, qui inventa au siècle dernier propagande et manipulation… S’inspirant des découvertes de son oncle sur l’inconscient, il vend indifféremment savons, cigarettes, Présidents et coups d’État. Goebbels lui-même s’inspire de ses méthodes pour la propagande nazie. Pourtant, Edward l’affirme, il est un démocrate dans cette Amérique des années 20 où tout est permis ! Seuls comptent la réussite individuelle, l’argent et le profit. Quelles que soient les méthodes pour y parvenir… Entre cynisme et mensonge, arnaque et vulgarité, la parfaite illustration du monde contemporain : de la Tobacco Company à Colin Powell et les armes de destruction massive de l’Irak. Du théâtre documentaire de belle facture quand l’humour le dispute à l’effroi, tout à la fois déroutant et passionnant, une totale réussite. Yonnel Liégeois

    Edward Bernays (1889-1995), neveu de Freud né en Autriche, tôt émigré aux États-Unis, est l’inventeur des « relations publiques » et, à ce titre, maître manipulateur, sa vie durant, de consciences de masse à subjuguer. Le texte abonde en exemples édifiants. C’est au nom de la démocratie que Bernays, admiré par Goebbels, a pu déclarer : « Si j’affirme suffisamment longtemps qu’un carré est un cercle, les gens finiront par le croire. La propagande ne parle pas à la raison, mais à la foi. » On connaît la musique, elle est universelle. C’est Bernays qui l’a composée, au grand dam de Freud, qui n’entendait pas l’inconscient de cette oreille. La représentation tire son nerf d’un ton subtilement sarcastique qui ne renonce jamais à l’exposé des motifs circonstanciés de la plus cynique imposture qui gère insidieusement les comportements. Un brûlot enjoué sur la duperie monstre sous laquelle gît le beau mot de démocratie. Du théâtre civique de bon aloi. Jean-Pierre Léonardini

    Un démocrate, Julie Timmerman : Jusqu’au 26/04, 20h. Théâtre de la Concorde, studio Pierre Cardin, 1-3 avenue Gabriel, 75008 Paris (Tél. : 01.71.27.97.17).

    À l’issue de trois représentations, rencontre-débat avec la metteure en scène et son invité : Le 12/04 avec Pierre Haski, journaliste, chroniqueur sur France Inter et auteur d’ouvrages sur la politique internationale. Le 15/04 : avec David Colon, historien, professeur et écrivain, spécialisé dans l’actualité économique et politique. Le 23/04 : avec Nora Hamadi, journaliste, présentatrice pour Arte et France Culture.

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate

  • Théâtre : les meilleures pièces à voir à Paris en avril 2025
    https://www.telerama.fr/theatre-spectacles/theatre-les-meilleures-pieces-a-voir-a-paris-en-avril-2025-3921-7020258.php

    “Un démocrate”

    Qui connaît Edward Bernays ? Ce « double neveu » de Freud (par le père et la mère) fut le gourou de la communication en Amérique, dès les années 1920, théorisant le principe de la « fabrique du consentement » des masses. Le mérite de la dramaturge Julie Timmerman est d’avoir exhumé une destinée surprenante, quasi inconnue en France, alors que ce manipulateur souterrain des opinions a répandu son savoir-faire aux États-Unis bien avant les obscurs stratèges des réseaux sociaux actuels. Ce spectacle est d’autant plus stimulant pour la réflexion politique qu’il est bien fabriqué : quatre acteurs (dont Julie Timmerman elle-même, Anne Cressent ou Jean-Baptiste Verquin) y interprètent tous les rôles et s’échangent celui d’« Eddy » à tour de bras et d’époques. Les saynètes enchaînent des astuces de cabaret façon Karl Valentin, et l’humour y est le meilleur allié de la réflexion. — E.B.
    r De et par Julie Timmermann. Durée : 1h25. Jusqu’au 26 avr., 20h (mar.), Théâtre de la Concorde, 1-3, av. Gabriel, 8e, 01 71 27 97 17. (8-15 €).

    #Julie_Timmerman #Un_Démocrate

  • Un démocrate : aux origines de la manipulation de masse – Théâtre de la Concorde Paris | Paris Île-de-France
    https://www.unidivers.fr/event/un-democrate-aux-origines-de-la-manipulation-de-masse-theatre-de-la-concor

    Du jeudi 10 avril 2025 au samedi 26 avril 2025 :
    Tout public.
    « Un Démocrate » de Julie Timmerman se joue au Théâtre de la Concorde du 10 au 26 avril, une pièce plus que jamais en résonance avec notre époque.
    L’HISTOIRE

    Edward Bernays (1891-1995), neveu de Freud, invente dans les années 20 à New York des méthodes de manipulation des masses sans précédent. Au nom de la Démocratie US, il met au point la fabrication du consentement et vend indifféremment savons, Présidents, cigarettes et coups d’État. Goebbels lui-même s’inspire de ses méthodes… Un Démocrate est une traversée épique à l’humour impitoyable de la vie et de l’œuvre d’un des hommes les plus influents du XXe siècle.

    9 ans après sa création, le spectacle résonne toujours davantage, et rentre en collision avec une actualité mondiale qui nous oblige à repenser nos démocraties, et le pouvoir de la communication, de la propagande et du BIG DATA dans un monde hyperconnecté.

    #Un_démocrate #Julie_Timmerman

  • Festival Off d’Avignon : deux pièces sur la fabrique du consentement, la démocratie ou l’art de manipuler les masses
    https://www.laprovence.com/article/region/239189900180514/dans-le-off-deux-pieces-sur-la-fabrique-du-consentement-la-democratie-ou

    Deux pièces, dans le Off, s’intéressent à la fabrique du consentement. « Un démocrate » s’attèle à la manipulation des masses, « L’art de ne pas dire » explore les mécanismes qui corrompent le langage. Rencontre avec les deux metteurs en scène.

    Ces deux spectacles se jouent à la Factory jusqu’au 21 juillet. « La Provence » a réuni Julie Timmerman, comédienne et metteuse en scène d’"Un démocrate", et Ferdinand Barbet, co-auteur (avec Clément Viktorovitch) et metteur en scène de « L’art de ne pas dire ». Rendez-vous fut donné au Rocher des Doms, pour prendre de la hauteur sur l’état de notre démocratie.

    Edward Bernays (1891-1995), a mis au point « La fabrique du consentement » (ouvrage d’Edward Herman et Noam Chomsky, 2002), en vendant indifféremment des savons et des présidents, en convaincant les femmes dans les années 1920 que fumer était synonyme d’émancipation féminine (pour que « Lucky Strike » s’en mette plein les poches), en préparant des coups d’État avec la CIA... « C’est un homme assez étonnant, qui accompagne l’histoire du XXe siècle », relève Julie Timmerman. Traiter un sujet historique permet, d’après la metteuse en scène, « de ne pas être en réaction à chaud à l’actualité ». « J’aime que le passé éclaire le présent ».

    Dans « L’art de ne rien dire », le présent éclaire le présent. Un ancien conseiller en communication du président (fictif) de la République dénonce les mécanismes utilisés pour corrompre le langage. « C’est-à-dire désarmer l’opposition en récupérant les éléments de langage à son propre compte, en faisant dire aux mots une chose différente de leur sens d’origine, qui nous arrange », complète Ferdinand Barbet, co-auteur de la pièce. Voilà 15 ans que Clément Viktorovitch travaille sur les prises de parole des politiques et décrypte la rhétorique des discours.

    A la Nuit d’Avignon (à la Cour d’honneur du 4 au 5 juillet, en mobilisation contre l’extrême droite, Ndlr), il affirmait : « Nous sommes entrés dans l’ère de la post-vérité. » Terme forgé par la philosophe Myriam Revault d’Allones qui observait la présidence de Trump. Dans le dictionnaire Oxford, on définit ainsi la post-vérité : « circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion ». Une telle altération des discours menace la possibilité de bâtir un monde commun, et donc, la démocratie. « Est-ce qu’on est entrés dans l’ère de la post-démocratie ? », questionne Ferdinand Barbet. « La vérité, c’est une arme qui se fait détruire en un revers de manche par la manière de communiquer », ajoute-t-il.
    « Quand on transforme le langage, on transforme la pensée, et là tout est possible »

    « La propagande est à la démocratie ce que la violence est aux régimes totalitaires » écrivait Noam Chomsky en 2007 dans un article du Monde diplomatique.

    Dans « Un démocrate », Julie Timmerman reprend une autre comparaison : lorsqu’on plonge une grenouille dans une marmite d’eau chaude, elle s’échappe. Mais lorsqu’on la plonge dans de l’eau froide et que l’on augmente doucement le feu, elle se laisse bouillir.

    Julie Timmerman a été très inspirée par « 1984 » d’Orwell, où l’absence de distinction entre le vrai et le faux entraîne une disparition de l’imagination. « Quand on transforme le langage, on transforme la pensée, et là tout est possible. Le danger, c’est qu’à force de manipuler, les gens versent dans un extrême et c’est terrible pour la pensée critique ». Pour Ferdinand Barbet, la vraie question à se poser à propos d’un régime politique est : « Quelle est la part de liberté ? » Le metteur en scène revient sur l’image de cette petite grenouille qui sent l’eau bouillir : « elle a encore le temps de se méfier, de demander à ce qu’on baisse la température, de se réunir avec d’autres grenouilles, de discuter de cette grosse casserole ».

    Le livbre est disponible :
    https://cfeditions.com/un-democrate

    #Julie_Timerman #Un_démocrate

  • Cambrai : « Bananas And Kings », un siècle de bananes pour une intox édifiante
    https://www.lavoixdunord.fr/1111950/article/2021-12-10/cambrai-bananas-and-kings-un-siecle-de-bananes-pour-une-intox-edifiante

    Dans le deuxième volet de son diptyque sur la manipulation en démocratie, l’autrice, metteuse en scène et comédienne Julie Timmerman met le spectateur en position de témoin face à l’un des plus grands scandales de l’exploitation alimentaire industrielle.

    Si vous avez l’occasion, il faut vraiment aller voir les deux pièces de Julie Timmerman sur la propagande. Des trucs de mise en scène par sa compagnie Idiomecanic Theâtre.
    Sinon, il y a toujours le livre "Un démocrate" qui réunit autour de sa pièce sur Edward bernays un dossier sur la propagande et des illustrations des étudiant.es de l’Ecole Estienne
    https://cfeditions.com/bernays

    #Julie_Timmerman #Un_démocrates #Bananas

  • « Un Démocrate » de Julie Timmerman - Trailer - theatre-contemporain.net
    https://www.theatre-contemporain.net/video/Un-Democrate-trailer

    Eddie vend du savon.
    Eddie vend des pianos.
    Eddie vend du bacon.
    Non, Eddie ne VEND pas : il fait en sorte que les gens ACHÈTENT.

    Excellente pièce qui vient de connaître un nouveau succès en Avignon.

    N’oubliez pas le livre compagnon
    https://cfeditions.com/bernays

    #Un_Démocrate #Julie_Timmerman #Edward_Bernays

  • Un démocrate (version en duo) - la chronique du spectacle
    https://www.avoir-alire.com/un-democrate-la-chronique-du-spectacle

    Critique : Il y a des spectacles qui nous marquent et nous suivent tels des compagnons d’esprit. On s’y réfère comme à des repères d’excellence, des boussoles qui placent la barre haute.
    Julie Timmerman est de retour au Festival d’Avignon avec Un démocrate. La pièce y avait rencontré un grand succès. Depuis 2016, elle tourne avec plus de deux cents représentations.
    Cette fois-ci, l’auteure, metteuse en scène et comédienne nous présente la version duo de ce spectacle, dans la perspective de l’emmener « sur toutes les routes et dans toutes les contrées qui ne pouvaient pas accueillir sa forme habituelle - pour des raisons financières ou techniques », et ainsi en faire bénéficier tous les publics.
    Julie Timmerman partage l’affiche et une vingtaine de personnages avec Mathieu Desfemmes, excellent comédien au timbre de voix saisissant, variant les accents et la gestuelle avec beaucoup d’agilité.
    Le talent de Julie Timmerman, on le sait, est multiple : aura d’auteure, comédienne rayonnante, metteuse en scène qui manie l’inventivité comme une baguette magique.
    L’année dernière, entre deux confinements, elle nous avait enthousiasmés avec Bananas (and kings), où figurait notamment Mathieu Desfemmes : l’histoire de la United Fruit Company et de l’asservissement des peuples autochtones. Il existe d’ailleurs des passerelles et une parentalité entre les deux spectacles (propos et force de frappe).
    Avec Un démocrate en duo, Julie Timmerman réussit à faire de cette création une version concentrée qui déborde d’énergie, toujours fondée sur un rythme haletant et saisissant. Dans le cadre d’une conférence qui dégénère, le cynisme assumé s’expose.
    L’auteure explique : « Nous passons ainsi du mode épique à la comédie de la com’, du cabaret à la tragédie de la résistible ascension d’Edward Bernays, de la sortie de jeu à des séquences où des conseillers en com’, tels des apprentis laborantins, regardent un homme se débattre dans la maison créée pour lui - métaphore du Système et de la Pensée Unique. Un mélange des genres qui, par la jubilation de la dénonciation, se veut facteur d’éveil de la pensée, en même temps que divertissement pour tous ».
    Le texte d’Un démocrate nous offre des répliques ciselées, cyniques, drôles, pleines d’intelligence. Traduite en trois langues (italien, espagnol et catalan), la pièce est publiée en France par C&F, sera bientôt éditée en Italie et en Argentine.
    En assistant à ce spectacle, chaque spectateur peut avoir l’assurance d’être transporté et secoué. Un grand moment de vie.

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate #Edward_Bernays

  • Un Démocrate de Julie Timmerman - Avignon / 2021 Avignon Avignon Off. La Condition des Soies
    https://www.journal-laterrasse.fr/un-democrate-de-julie-timmerman-3

    Dans une forme brechtienne fine et assumée, Julie Timmerman questionne l’état de la démocratie à travers le parcours du méconnu Edward Bernays, neveu de Freud et inventeur des techniques de manipulation de masse.

    « Edward L. Bernays (1891-1995) ». Sous un portrait accroché à un mur noir, l’épitaphe crée un horizon d’attente précis : le comblement d’une lacune historique. En compagnie de trois comédiens, Julie Timmerman y répond avec talent à travers un portrait chronologique à la manière brechtienne. Entre narration distanciée des épisodes marquants de la longue vie de Bernays, incarnation de certaines situations et intermèdes musicaux volontiers burlesques, Un démocrate déploie la biographie d’un homme aussi peu connu qu’important. Double neveu de Freud, le héros de la pièce de Julie Timmerman est le fondateur de l’industrie des Relations Publiques. Autrement dit, d’une méthode de manipulation des masses qui repose sur les avancées des sciences sociales au tournant du XIXème et du XXème siècle. Celles de la sociologie, de la psychologie sociale, et bien sûr de la psychanalyse. Dans un contexte de crise des démocraties européennes, la figure d’Edward Bernays est pour Julie Timmerman prétexte à un appel à la vigilance et à l’esprit critique.

    Edward Bernays, père des relations publiques

    Traversée éclair des cent ans d’existence du père des relations publiques, Un démocrate s’ouvre sur un court monologue d’un Edward Bernays centenaire interprété par Mathieu Desfemmes, puis laisse place à la reconstitution des succès majeurs du protagoniste. Parmi lesquels, la promotion de Damaged Goods d’Eugène Brieux, pièce sur la syphilis, sujet tabou à l’époque. Edward Bernays développe une technique qui lui servira plus tard dans son travail pour des fabricants de savons, de pianos, le patron de la marque de cigarettes Lucky Strike ou encore la compagnie bananière United Fruit Company. Sorte de laboratoire où les idées sont évoquées à travers les corps et des matériaux simples, le plateau de Un démocrate est tout sauf la tribune d’une classique leçon d’histoire. Ponctuée des maximes cyniques et paradoxales dont le neveu de Freud avait le secret – « pour lutter contre la propagande il faut plus de propagande », par exemple –, cette pièce où chaque comédien joue plusieurs rôles traduit avec force le désir de théâtre politique et populaire de Julie Timmerman.

    Anaïs Heluin

    #Un_démocrate #Edward_Bernays #Julie_Timmerman

  • « Bananas (and kings) », Julie Timmerman : Le rire anti-trust par Gilles Costaz | Politis
    https://www.politis.fr/articles/2020/09/bananas-and-kings-julie-timmerman-le-rire-anti-trust-42348

    Très bel article dans Politis sur le travail politique et théâtral de Julie Timmerman. J’ai vu la pièce qui réussit à parler d’une situation dramatique sans ennuyer. Jeu d’acteur + mise en scène inventive, une belle soirée assurée.

    Et pour continuer le plaisir, n’hésitez pas à vous plonger dans "Un démocrate" (https://cfeditions.com/bernays).

    Jeune metteuse en scène et créatrice de la compagnie Idiomécanic Théâtre, Julie Timmerman ne cache pas ses intentions. En exergue de son nouveau spectacle, Bananas (and kings), elle écrit : « Qu’en est-il de nos démocraties à l’heure où les multinationales ont un tel pouvoir ? Que nous reste-t-il pour lutter contre la confiscation de notre pouvoir de citoyens ? C’est le rôle du théâtre de traquer la matrice [de la mainmise des grands groupes états-uniens sur l’économie], de la disséquer et d’exposer ses entrailles, pour armer les peuples contre elle. » Elle fait donc une forme de théâtre politique, mais limite les déclarations d’intention aux documents de communication. Sur scène, ses pièces ne sont pas discoureuses, elles dénoncent à coups de sketchs percutants, retrouvant la forme un peu disparue de l’agit-prop que pratiquaient les révolutionnaires russes et qu’ont reprise des artistes comme Erwin Piscator ou Dario Fo. Pour cette artiste, le théâtre affirme sa puissance de plaisir par le filtre pamphlétaire.

    Julie Timmerman avait déjà frappé un grand coup avec Un démocrate, écrit, mis en scène et joué à partir de 2016. Ce spectacle eut un tel retentissement qu’il continue de tourner en France. Il y avait là un gros lièvre de levé : Edward Bernays, l’un des inventeurs de la propagande moderne, l’Austro-Américain qui établit le mécanisme de la manipulation des masses. Ce parfait « démocrate », qui n’avait rien à se reprocher puisqu’il était rarement hors la loi, donna aux managers et aux hommes politiques les clés pour vendre tout ce qu’il était possible de vendre : du tabac, des produits de consommation, l’altruisme des discours et l’oppression des peuples démunis.

    Des chercheurs et des réalisateurs ont eux aussi sorti de l’oubli – récemment – ce sinistre Bernays, mais Julie Timmerman a beaucoup contribué à mettre au jour cette page d’histoire, car son spectacle repose sur une longue enquête faite en dialogue avec des sources états-uniennes. C’est d’ailleurs une maison d’édition numérique à caractère universitaire, C&F Éditions, qui a choisi d’éditer la pièce et de la faire suivre d’un dossier composé d’études sur celui qui fut le maître de la propagande dans la sphère libérale.

    La nouvelle pièce de Julie Timmerman, Bananas (and kings), naît de la précédente. Dans le premier texte, il était question rapidement du rôle de la United Fruit Company dans le coup d’État ourdi par la CIA au Guatemala en 1954, quand les États-Unis étaient parvenus à mettre fin à la réforme agraire de ce pays pour rétablir leur pouvoir commercial sur le colossal marché des fruits. Le texte, joué à présent à la Reine-Blanche, avant de tourner dans un certain nombre de villes de la banlieue parisienne et des régions, se concentre sur la banane et ses enjeux quasi mafieux.

    Ah, la banane, fruit délicieux, facile à cultiver et à exporter, alors d’un exotisme aisé à amplifier, et auquel on peut même ajouter une connotation sexuelle (ce qui, pour dire vrai, ne figure guère dans le spectacle) ! En fait, c’est moins un fruit qu’un tiroir-caisse à l’échelon mondial. Ce que conte Julie -Timmerman, dans une -succession chronologique mais avec la férocité allègre de la satire, c’est l’histoire de cette United Fruit Company, plus puissante qu’une armée en marche. Au Guatemala surtout, mais avec des réseaux qui agissent à travers les deux -Amériques.

    Les tableaux qui s’enchaînent donnent à voir les patrons voyous du groupe (disons plutôt gang-sters, c’est Chicago à Wall Street) mettant en place leur stratégie de rouleau compresseur, les petites mains qui font le sale travail, les réticents et les opposants vite rétamés, un effarant successeur du premier PDG et les élus guatémaltèques broyés tour à tour par le même pouvoir olympien.

    Allez, allez, mangez des bananes ! Ne prenez pas celles des paysans qu’on étouffe, mais celles du trust qui s’empare tranquillement de leurs terres ! Elles vont devenir d’un beau bleu, comme les pesticides qui s’y sont infiltrés et comme les hommes qui les cueillent et meurent parfois d’avoir respiré ce venin bleuté. Et toute personne qui n’applaudit pas aux méthodes de l’United Fruit Company est un communiste !

    Mais nous sommes au théâtre, sur une scène qui pourrait être dans la rue ou dans une cour d’usine, ou à un cabaret de l’histoire où l’on rêverait de voir en nombre les classes dites laborieuses. On est là pour se venger de l’injustice en riant. Dans ce style, Julie Timmerman déploie un savoir-faire qu’elle dit brechtien. Il y a de ça, en effet. Les dessins sont brossés à gros traits et les affrontements claquent comme les lanières d’un fouet. On ne peut pas se tromper sur les méchants ! Mais il y a là une épaisseur historique qui est propre à la compagnie Idiomécanic. Même réécrits, souvent tournés à la farce (farce glaçante, bien sûr), les épisodes sont vrais, contiennent des paroles et des textes qui ont vraiment été dits ou publiés.

    Les quatre interprètes jouent un grand nombre de rôles, sans en rester à leur genre. Julie Timmerman elle-même termine en homme humilié et en statue de la Liberté parodique. Elle associe étonnamment punch et sensibilité. Anne Cressent s’intègre au jeu pamphlétaire avec une forte dimension dramatique souterraine. Mathieu Desfemmes et Jean-Baptiste Verquin manifestent ensemble et séparément un art de jouer les crapules qui les situe haut dans le guignol politique. De même qu’Apollinaire disait : « Que la guerre est jolie ! », on osera dire qu’ainsi croquée cette ignominie est fort réjouissante.

    Bananas (and kings), théâtre de la Reine-Blanche, Paris, 01 40 05 06 96. Jusqu’au 1er novembre. Puis aux Rencontres Charles-Dullin (Orly, Fresnes, Le Kremlin-Bicêtre) et en tournée jusqu’au 27 mai. À lire : Un démocrate, Julie Timmerman, C&F éditions.

    #Julie_Timmerman #Un_démocrate #Bananas_and_kings #C&F_éditions

  • Bananas (and kings) de Julie Timmerman : l’emprise d’une multinationale - Théâtre Paris Théâtre La Reine Blanche
    https://www.journal-laterrasse.fr/focus/bananas-and-kings-de-julie-timmerman-lemprise-dune-multinationale

    Création / Texte et mise en scène Julie Timmerman
    Publié le 6 août 2020 - N° 286

    Instruire, émouvoir, bouleverser, divertir : en s’appuyant sur l’Histoire, Julie Timmermann et sa compagnie L’Idiomécanic Théâtre réfléchissent notre monde. Présentée à partir du 9 septembre au théâtre La Reine Blanche, leur nouvelle création opère un zoom circonstancié sur la United Fruit Company.

    Depuis la création de votre compagnie L’Idiomécanic Théâtre en 2008, avez-vous exploré un champ particulier de questionnements ?

    Julie Timmerman : Nous avons toujours créé des spectacles qui éclairent les combats individuels contre les diktats sociaux, moraux, religieux ou politiques visant à enfermer l’homme. Ce champ de recherche infini, d’une grande diversité, s’avère captivant. Il n’est pas nouveau ! Depuis l’Antiquité et L’Orestie d’Eschyle, le théâtre s’empare de la question de la démocratie. Mon premier spectacle, Un jeu d’enfants (2008) de Martin Walser, pose un regard cynique sur la révolte inaboutie des fils à travers un conflit générationnel en 1968. Etonnamment la United Fruit Company y était déjà citée ! Ensuite, Words are watching you s’inspire de la “novlangue“ dans 1984 de George Orwell et dissèque la manipulation par le langage. Puis La Sorcière d’après Jules Michelet met en scène une femme en lutte contre le pouvoir de l’Eglise, à l’instar de Rosmersholm, magnifique pièce d’Ibsen où le désir de liberté se heurte au poids des héritages. Enfin, je me lance dans l’écriture avec Un démocrate, qui expose les mécanismes de manipulation des masses, aujourd’hui complété par Bananas (and kings), qui resserre la focale sur la United Fruit Company et son emprise en Amérique centrale. Ces deux volets complémentaires sur la démocratie peuvent être vus indépendamment l’un de l’autre. Le parcours de la compagnie dessine un sillon qui, en questionnant les enjeux de la démocratie, interroge les freins à la liberté et la justice.

    Pourquoi vous appuyez-vous sur des faits réels pour mettre en scène les fragilités de la démocratie ?

    J.T. : S’inspirer de l’Histoire permet à la représentation de fournir des outils de réflexion fondés sur des faits vérifiés, incontestables. Plutôt que poser plus ou moins adroitement la question de savoir si nous sommes aujourd’hui vraiment en démocratie, s’appuyer minutieusement sur le déroulé des événements passés nourrit l’enquête : le passé éclaire le présent. Nous voulons penser ensemble grâce à l’Histoire sans donner de leçon. Pendant des mois, j’ai effectué des recherches afin de pouvoir créer un théâtre documenté, et non pas documentaire, car il se raconte comme une fiction. Certains spectateurs de Un Démocrate nous ont confié trouver tel ou tel fait ou personnage exagérés, alors même que tout ce qui était dit était vrai ! La pièce retrace le parcours de Edward Bernays (1891-1995), pionnier des techniques de marketing et de manipulation de masse, qui a vendu indifféremment savons, cigarettes, Présidents et coups d’état de la CIA. Inspiré par la technique des associations d’idées qu’utilise son oncle Freud à des fins thérapeutiques, il l’applique pour façonner les comportements. Il parvient par exemple à faire fumer les femmes en associant la cigarette à l’idée de liberté. Au Guatemala, il met au point une guerre psychologique contre le président réformiste Jacobo Arbenz. Les instruments de la propagande y font leurs preuves, en écho direct au processus de fabrication du consentement tel qu’énoncé par Noam Chomsky. Notre nouvelle création, Bananas (and kings) complète le diptyque en montrant la subordination du politique aux intérêts économiques, à travers l’essor implacable de la United Fruit Company.
    « Le théâtre doit être un endroit où on a terriblement envie d’aller. »

    © Dominique Hamot
    BANANAS (and kings)

    Quelle est cette compagnie bananière ? Comment la représentez-vous sur scène ?

    J.T. : Fondée en 1899, la compagnie a organisé la production et le commerce de la banane, et pour cela elle a colonisé toute l’Amérique centrale, s’appropriant les ressources, les infrastructures, les terres. Générant l’asservissement des peuples autochtones et l’empoisonnement de la terre par les pesticides, l’exploitation s’est développée tout au long du siècle. Devenue en 1989 Chiquita Brands International, la firme est parvenue à corrompre et confisquer le pouvoir politique des « Républiques bananières ». Je montre le système en train de se construire, braquant le projecteur sur le coup d’état de 1954 au Guatemala, qui a constitué un laboratoire au service de la compagnie. Je mets en scène des personnages de fiction et surtout les véritables protagonistes de l’histoire. Parmi ceux-ci, le fondateur de la compagnie, Minor Keith, et son successeur Sam Zemurray. Quant à Jacobo Arbenz, éphémère président du Guatemala qui a représenté un espoir de réforme démocratique, il apparaît comme une figure tragiquement seule. Parmi les personnages fictifs, j’ai imaginé le fantôme d’une Indienne témoignant à un procès, ouvrant vers un monde autre, hantant Minor comme Banco revient hanter Macbeth. En tout quatre comédiens – Anne Cressent, Mathieu Desfemmes, Jean-Baptiste Verquin et moi-même – interprètent plus de quarante personnages, le récit traverse tout un continent et un siècle et demi, en collaboration artistique avec le compositeur Benjamin Laurent.

    Quelle est la tonalité de votre mise en scène ?

    J.T. : Pablo Neruda dit de la United Fruit Company qu’elle « instaura l’opéra-bouffe ». Face à des enjeux aussi forts, à une telle démesure, il est intéressant de dépasser le réalisme, de faire en sorte que ces gens d’une ambition à toute épreuve puissent aussi faire rire. C’est une tragédie d’une grande violence déployée dans un monde phagocyté par l’appât du gain, mais nous voulons pour le public qu’une forme d’humour se dégage, à travers l’écriture ludique et jubilatoire, à travers la dimension comique de ces clowns monstrueux. Bananas comme Un Démocrate s’inscrit dans une filiation brechtienne, même si ce nouvel opus est plus incarné. Le théâtre doit être pour moi un endroit où on a terriblement envie d’aller, pour éprouver des émotions, découvrir un imaginaire singulier, engager une réflexion commune sur notre monde. Une réflexion artistique et politique…

    Propos recueillis par Agnès Santi

    #Julie_Timmerman #Un_Démocrate #Edward_Bernays #Théâtre

  • Introduction de Stéphane Resche au livre « Un démocrate », une pièce de Julie Timmerman | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/07/27/introduction-de-stephane-resche-au-livre-un-democrate-u

    Introduction de Stéphane Resche au livre « Un démocrate », une pièce de Julie Timmerman
    Publié le 27 juillet 2020 | Poster un commentaire

    Avec l’aimable autorisation des Editions C&F

    On commence par céder sur les mots
    et on finit parfois par céder sur les choses.
    Sigmund Freud, Psychologie collective et analyse du moi

    Tout a commencé en 2017 avec une représentation d’Un démocrate, pièce écrite et mise en scène par Julie Timmerman, consacrée à la figure d’Edward Bernays, le père des Public Relations. Né à Vienne en (1891 et mort à Cambridge (près d’Harvard, aux États-Unis) en 1995, Bernays est aujourd’hui une figure discrète du panorama médiatique occidental. Globalement, on ignore en effet le rôle fondamental qu’a joué, tant du point de vue théorique que pratique, le « double neveu » de Sigmund Freud dans la structuration textuelle, publicitaire, communicationnelle de notre actuelle société de la suggestion.

    Alors que le spectacle Un démocrate de la compagnie Idiomécanic Théâtre tournait (il tourne encore !), le texte réclamait une attention, un écrin, une diffusion. Son édition s’est imposée comme une évidence. Il a été décidé de l’accompagner d’autres contributions – artistiques et critiques –, autant d’outils potentiels de compréhension d’un monde malmené par les apparences.

    L’ouvrage que vous tenez entre les mains (on vous l’a bien vendu, n’est-ce pas ?) est le fruit d’un enchaînement de collaborations et de partenariats, comme pour démontrer que face à la manipulation des masses par la manipulation des mots, la seule solution consiste à se souder, à faire corps et front, pour mieux comprendre d’abord, pour mieux répondre ensuite. Le résultat est évident : c’est un livre qui dit les choses de notre temps. Un livre que l’on peut renverser, lire d’un trait, dans le désordre, ou feuilleter. C’est une pièce de théâtre augmentée mais aussi une série de points de vue illustrés.

    Notre invitation est donc double : la pièce de théâtre est d’abord à votre disposition pour être découverte sans détour ni accompagnement paratextuel (en espérant que vous aurez la chance de voir le spectacle aussi, si ce n’est déjà fait). Mais ce texte pour la scène a également fait naître des échanges captivants, qui ont fait jaillir ce que nous avons regroupé sous la forme d’un dossier critique, qui emboîte le pas à l’imagination foisonnante et tangible qu’une lecture de la pièce vous procurera assurément. Celui-ci comprend cinq contributions précédées d’une courte introduction dramaturgique qui est aussi un excursus sur la séduction de la propagande et sa mise en scène.

    Bernays était le roi de l’information publique, il nous fallait donc, dans notre dossier, aborder à la fois les mondes visuel et écrit. Voilà qu’un premier partenariat s’est noué avec la promotion 2018-2019 du nouveau DN MADE (diplôme national des métiers d’art et du design) Gravure, images imprimées et Images et narration, de l’école Estienne (école supérieure des arts et industries graphiques). Et les étudiants, accompagnés par Florence Jamet-Pinkiewicz, de prendre à bras-le-corps les métaphores dramaturgiques pour mieux interroger la distance critique nécessaire à leur profession future. En tant que créatrice, Florence Jamet-Pinkiewicz propose sa lecture de la pièce de Julie Timmerman et une réflexion sur les images. Elle développe également le processus de création des illustrations de la pièce par les étudiants de l’école Estienne. De cette manière, le témoignage ici reporté nous introduit dans la forge intellectuelle de futurs graphistes éclairés.

    Dans le prolongement des premiers féconds échanges avec les étudiants d’Estienne, la promotion 2019-2020 du master 2 Métiers du livre et de l’édition (parcours édition) de l’université de Caen – chapeautée par Marie-Astrid Bailly-Maître avec le regard avisé de Nicolas Taffin – a apporté sa curiosité, son engagement, son expertise, à la confection d’un ouvrage conçu sur-mesure. Permettez que l’on rende sincèrement et totalement, à Marie-Astrid Bailly-Maître et à son équipe au complet, les honneurs de la réussite de l’ouvrage qui vous appartient désormais. Dans sa contribution, Nicolas Taffin, notre éditeur et conseiller en chef, revient quant à lui sur l’art discret de la typographie, qui nous invite selon ses termes à « décortiquer les mécanismes de la publicité et de la propagande ». L’association des images construit des signes, des sens, qui ont vocation à manipuler le public. Et dans le retrait du monde plus effacé des livres, il est un art de la composition qui favorise à l’inverse la déconstruction, laissant la liberté éclore. La typographie présente ainsi une lueur d’espoir au sein même de l’organisation de la page.

    Lors des rencontres et des sessions de travail éditorial communes qui se sont tenues entre l’automne 2018 et le printemps 2020, la jeunesse nous a exhortés à repenser les codes, déjouant les attentes, réclamant des explications. Chacun a tiré en définitive des enseignements fertiles. En appui de nos discussions et des perspectives d’action, Karine Chambefort-Kay a ainsi décidé de nous apporter à son tour un éclairage sur la manière dont la photographie a su, dès les années 1930, concevoir des stratégies de riposte à l’usage propagandiste des images. En prenant du recul sur les travaux de Bernays, la chercheuse développe dans son exposé un discours critique sur les images, exposant la photographie comme outil de propagande, mais aussi comme instrument de combat fondamental face à la manipulation des masses.

    À ces réflexions s’ajoute l’intervention biographique, dynamique, indispensable que Mathis Buis a voulu consacrer spécifiquement à Bernays. En somme, avec sa plume acerbe, l’auteur nous ouvre les portes de la vie d’« Eddie » et nous propose, par la même occasion, une analyse de la société ultra-contemporaine, celle de la surconsommation, d’internet et de Netflix.

    Julie Timmerman, enfin, a accepté de nous confier ses convictions éminemment politiques du travail de mise en scène. Dans cet entretien mené par votre serviteur, l’autrice revient sur la genèse de sa pièce, Un démocrate, sur sa démarche de création, sur ses sources d’inspiration, ainsi que sur les idées qu’elle a tenu à défendre et à illustrer.

    Les présentations sont faites. Et l’ouvrage n’impose aucune préséance dans son utilisation. La pièce de théâtre, comme le dossier critique qui l’accompagne, n’attendent plus que vous. Nous espérons qu’ils vous plairont et qu’ils sauront vous offrir quelques belles idées pour affronter l’avenir. Bonne lecture !

    Stéphane Resche

    Julie Timmerman : Un démocrate

    Suivi du dossier : Edward Bernays, petit prince de la propagande

    C&F éditions, Caen 2020, 240 pages, 18 euros

    https://cfeditions.com/bernays

    #Un_démocrate #C&F_éditions #Edwards_Bernays #Propagande