Longtemps les Russes ont tenu rigueur à cette génération de jeunes apprentis sorciers qui les avait conduits, après tant de larmes, à un nouveau désastre. Beaucoup, aujourd’hui encore, ne leur ont pas pardonné. Et si les Russes, au grand étonnement des Occidentaux, développent une forme d’eczéma quand on leur vante les mérites de la démocratie, c’est qu’ils se souviennent qu’elle s’est achevée par un gigantesque « bardak ». (bordel).
Si les Russes, au grand étonnement des Occidentaux, développent une forme d’eczéma quand on leur vante les mérites de la démocratie, c’est qu’ils se souviennent qu’elle s’est achevée par un gigantesque « bardak ». (bordel)
Les Russes ont de la mémoire. De la compassion aussi. Ils ont rendu hommage à l’ancien gouverneur de Nijni Novgorod, comme ils s’inclinent toujours devant les morts. Mais les bons sentiments étalés comme de la confiture les laissent indifférents. Quant aux leçons de morale… Pauvres médias occidentaux ! Ils ont avec la Russie bien du mal à faire prendre la bouture. C’est que la Russie est une terre dure ! Glacée ! Impitoyable aux siens. Et dans la toundra, dans la taïga, quand vous marchez, ca fait : crac ! crac ! Parce que ce sont des millions d’ossements que vos bottes piétinent !
Faut- il en rire ou en pleurer ? « Poutine m’a tuer ». « Je suis Nemstov ». Toute la futilité des médias occidentaux, leur inculture, leur mépris même pour l’histoire tragique d’un pays, sont résumés par ces « Unes » dérisoires.
Toute la futilité des médias occidentaux, leur inculture, leur mépris même pour l’histoire tragique d’un pays, sont résumés par ces « Unes » dérisoires.
La presse a oublié que dans les belles années de la démocratie triomphante, à l’époque des Nemtsov, des Gaïdar, des Iavlinski, des Khakamada ou des Kirilienko, des dizaines de banquiers, de députés, de journalistes ou d’hommes d’affaires ont été assassinés. La méthode était presque toujours la même. Une ou plusieurs balles dans le dos. Et en ces temps-là les tueurs à gages, débordés, banquetaient joyeusement dans les plus somptueux restaurants qui avaient ouverts leurs portes. Le champagne coulait à flot. Les filles étaient belles. L’argent facile. Fouette cocher !
Au milieu de ce brouhaha, un ami russe, ivre mort me disait : « Tu vois, ma petite colombe, nous sommes en progrès. Il n’y a pas si longtemps, on comptait nos morts par millions, aujourd’hui, ce n’est plus que par dizaines. Il ne faut pas, il ne faut jamais désespérer de la Russie. Et à défaut de la comprendre, il faut l’aimer ».