• Noam Chomsky et ses calomniateurs, par Jacques Bouveresse
    https://www.monde-diplomatique.fr/2010/05/BOUVERESSE/19088 #st

    Voilà quelques années, Chomsky soulignait que les intellectuels de gauche peuvent très bien être victimes, par rapport aux gens ordinaires qu’ils prétendent représenter et défendre, d’un retard inquiétant qui s’est aggravé récemment de façon très perceptible. Déplorant ce qu’il appelle une tendance de la gauche à l’autodestruction, dont la conversion d’une bonne partie de ses représentants aux idées postmodernes constitue un symptôme caractéristique, il constatait qu’« il existe une base populaire pour affronter les problèmes humains qui font partie depuis longtemps du “projet des Lumières”. Un des éléments qui lui font défaut est la participation des intellectuels de gauche. (…) Leur abandon de ce projet est le signe (…) d’une nouvelle victoire de la culture du pouvoir et des privilèges, et il y contribue (2) ».

    Accuser les #médias, comme le fait Chomsky, de ne pas représenter la réalité telle qu’elle est et de déformer ou de passer régulièrement sous silence certains faits importants n’aurait évidemment pas grand sens si l’on devait accepter l’idée qu’il n’y a pas vraiment de faits, mais seulement des représentations de diverses sortes. Tout comme George Orwell, Chomsky trouve difficilement compréhensible et inquiétant le peu d’empressement que les intellectuels de gauche mettent à défendre des notions comme celles de « #vérité » et d’« #objectivité », quand ils ne proposent pas ouvertement de les considérer désormais comme réactionnaires et dépassées.

    http://zinc.mondediplo.net/messages/43854 via Le Monde diplomatique

  • Donald Trump Won Because of Facebook (NY Mag)
    http://nymag.com/selectall/2016/11/donald-trump-won-because-of-facebook.html

    (un point de vue sans doute un peu exagéré)

    The most obvious way in which Facebook enabled a Trump victory has been its inability (or refusal) to address the problem of hoax or fake news. Fake news is not a problem unique to Facebook, but Facebook’s enormous audience, and the mechanisms of distribution on which the site relies — i.e., the emotionally charged activity of sharing, and the show-me-more-like-this feedback loop of the news feed algorithm — makes it the only site to support a genuinely lucrative market in which shady publishers arbitrage traffic by enticing people off of Facebook and onto ad-festooned websites, using stories that are alternately made up, incorrect, exaggerated beyond all relationship to truth, or all three. (To really hammer home the #cyberdystopia aspect of this: A significant number of the sites are run by Macedonian teenagers looking to make some scratch.)

    • La thèse de Fred Turner est que :

      La nouveauté introduite par la campagne de Donald Trump tient à sa capacité à utiliser des médias horizontaux et égalitaires pour leur faire célébrer un individualisme narcissique et mettre en circulation des théories fallacieuses et complotistes.

      Dans cette situation, l’audience de Trump ne se vit pas comme une « masse » et Trump lui-même n’apparaît pas comme un dictateur en devenir ; Trump est une personnalité médiatique de notre temps, et développe un totalitarisme pour notre époque.

      Cette thèse s’appuie sur une analyse historique de ces fameux médias sociaux comme héritiers d’une réflexion menée dès les années 1940 pour faire émerger des médias en mesure de contrer la mécanique de la propagande s’appuyant justement sur des médias de masse « traditionnels ». Cette réflexion s’appuyant sur des principes épistémiques biaisés (en gros théorie des systèmes, cybernétique, individualisme méthodologique...) et une réduction de la propagande à l’exploitation de phénomène psychologique (la personnalité autoritaire versus la personnalité démocratique), elle a accompagnée la montée de cet individualisme autoritaire dont Trump serait le couronnement

      Ainsi, la victoire de Trump n’est pas tant le résultat de sa capacité à instrumentaliser Facebook, mais bien plutôt le produit d’un monde qui permet à Facebook d’exister.

    • Zuckerberg denies Facebook News Feed bubble impacted the election | TechCrunch
      https://techcrunch.com/2016/11/10/zuck-denies-facebook-news-feed-bubble-impacted-the-election
      https://tctechcrunch2011.files.wordpress.com/2016/11/mg_1906.jpg?w=764&h=400&crop=1

      “Personally, I think the idea that fake news on Facebook, of which it’s a very small amount of the content, influenced the election in any way is a pretty crazy idea,” Zuckerberg said.
      (...) Rather than placing blame on the accessibility of facts, he pointed to content engagement as the problem. Zuckerberg noted that Trump’s posts got more engagement than Clinton’s on Facebook.

    • et dans cet article repéré par @kassem

      Digital Redlining After Trump : Real Names + Fake News on Facebook
      https://medium.com/@tressiemcphd/digital-redlining-after-trump-real-names-fake-news-on-facebook-af63bf00bf9e

      This week, Mark Zuckerberg denied that the rash of fake news on Facebook could have influenced public opinion during the election.
      It is notoriously difficult to prove a direct causal link between what people read or consume in media and how they act.
      But, that never stopped Facebook and other social media platforms for accepting credit for spreading democracy during the Arab Spring

    • La principale incitation à la « fake news » n’est pas la conquête du pouvoir, mais sa monétisation (qui elle-même n’est envisageable que dans le capitalisme renversé où la production de marchandise d’ordre 2 est devenu le moteur d’une accumulation de capital fictif dont les techniques numériques sont l’infrastructure adéquate, mais c’est une autre histoire...).

      https://www.theguardian.com/technology/2016/aug/24/facebook-clickbait-political-news-sites-us-election-trump

      Zuckerberg a raison de dire que Facebook n’est pas un média mais une plateforme (numérique).

      We’re a technology company. We’re not a media company. When you think about a media company, you know, people are producing content, people are editing content, and that’s not us. We’re a technology company. We build tools. We do not produce the content. We exist to give you the tools to curate and have the experience that you want, to connect with the people and businesses and institutions in the world that you want.

      Et c’est bien ça le problème !

    • Cette polémique est de plus en plus intéressante — Facebook avait les moyens d’agir et n’en a pas eu le courage :

      Facebook’s Fight Against Fake News Was Undercut by Fear of Conservative Backlash
      http://gizmodo.com/facebooks-fight-against-fake-news-was-undercut-by-fear-1788808204

      “They absolutely have the tools to shut down fake news,” said the source, who asked to remain anonymous citing fear of retribution from the company. The source added, “there was a lot of fear about upsetting conservatives after Trending Topics,” and that “a lot of product decisions got caught up in that.”

    • ce matin c’est grand ménage :

      Google and Facebook took on fake news. The search giant said it would prevent usage of its online advertising service by websites that peddle fake news. Facebook updated the language in its ad policy on misleading or illegal content to include fake news sites. The moves come amid criticism that fake news might have influenced the US election.
      http://qz.com/837312/google-goog-will-try-to-starve-fake-news-sites-of-ad-dollars
      http://qz.com/837474/facebook-fb-is-banning-fake-news-publishers-from-its-ad-network

    • #Renegade Facebook Employees Form Task Force To Battle Fake News
      https://www.buzzfeed.com/sheerafrenkel/renegade-facebook-employees-form-task-force-to-battle-fake-n

      “It’s not a crazy idea. What’s #crazy is for him [Mark Zuckerberg] to come out and dismiss it like that, when he knows, and those of us at the company know, that fake news ran wild on our platform during the entire campaign season,” said one Facebook employee, who works in the social network’s engineering division. He, like the four other Facebook employees who spoke to BuzzFeed News for this story, would only speak on condition of anonymity. All five employees said they had been warned by their superiors against speaking to press, and feared they would lose their jobs if named.

      The employees declined to provide many details on the task force. One employee said “more than dozens” of employees were involved, and that they had met twice in the last six days. At the moment, they are meeting in #secret, to allow members of the group to speak freely and without fear of condemnation from senior management.

      rien de tel chez seenthis pour l’instant !

    • La principale incitation à la « fake news » n’est pas la conquête du pouvoir, mais sa monétisation

      Qui a fait élire Trump ? Pas les algorithmes, mais des millions de “tâcherons du clic” sous-payés

      http://www.casilli.fr/2016/11/17/qui-a-fait-elire-trump-pas-les-algorithmes-mais-des-millions-de-tacherons-du

      1. Pour être plus clair : ce ne sont pas ‘les algorithmes’ ni les ‘fake news’, mais la structure actuelle de l’économie du clic et du digital labor global qui ont aidé la victoire de Trump.
      2. Pour être ENCORE plus clair : la montée des fascismes et l’exploitation du digital labor s’entendent comme larrons en foire.

      La thèse de Casilli mériterait d’être nuancée, notamment en prenant en compte celle de Turner pour montrer que le problème ne date pas de Facebook. Sans compter le fait que si Casilli donne une explication pertinente de la contribution des plateformes numériques à l’élection de Trump, cela n’en fait pas le seul facteur (ni même le principal)

      A ce titre, sa thèse mériterait des approfondissement sur la notion de "structure actuelle de l’économie", qu’elle soit du clic ou pas. La notion de digital labor (qu’il partage avec beaucoup de monde) comme producteur de valeur en prendrait un coup dans l’aile, mais serait mieux articulée avec les ressorts du capitalisme renversé qui sont déterminants depuis les années 1970 et s’appuient sur la montée en puissance du numérique.

    • Casilli donne une explication pertinente de la contribution des plateformes numériques à l’élection de Trump, cela n’en fait pas le seul facteur (ni même le principal)

      Par exemple, le facteur « conditions de santé » est fortement corrélé avec la progression du vote Trump

      Illness as indicator

      http://www.economist.com/news/united-states/21710265-local-health-outcomes-predict-trumpward-swings-illness-indicator

      [...] what the geographic numbers do show is that the specific subset of Mr Trump’s voters that won him the election—those in counties where he outperformed Mr Romney by large margins—live in communities that are literally dying. Even if Mr Trump’s policies are unlikely to alleviate their plight, it is not hard to understand why they voted for change.

    • tu peux développer @ktche, ce que tu entends par « les ressorts du capitalisme renversé » ?

      La capitalisme, c’est l’accumulation de travail sans contenu propre, uniquement appréhendé sur une base temporelle abstraite, et toujours en rapport avec un niveau de productivité que personne ne détermine en particulier mais sur lequel tout le monde doit implicitement s’aligner pour simplement participer : le capital se valorise en « consommant » ce travail productif, mais, paradoxalement, chaque capital individuel tend à le supprimer pour améliorer sa profitabilité face aux concurrents. Ceci pousse à l’augmentation permanente de productivité et donc induit une dynamique contradictoire. Le capitalisme est cette forme de synthèse sociale irrationnelle qui supprime tendanciellement ce qui en constitue la base incontournable.
      Chaque innovation technique de l’ère industrielle a participé à cette dynamique. Certaines en tant qu’innovation dans l’appareil de production, d’autres en tant qu’innovation ouvrant de nouveaux marchés de consommation. Ces dernières offraient une contre-tendance à la dynamique contradictoire et ont permis qu’elle se maintienne par le besoin renouvelé en masse de travail.
      Mais à partir des années 1970, les techniques numériques ont introduit des augmentations massives de productivité dans tous les secteurs productifs, à tel point que même les nouveaux marchés de biens et de services n’ont pu compenser la disparition tendancielle du travail. Pour poursuivre sa dynamique, le capital a enfourché un nouveau cheval : plutôt que de consommer du travail passé, il s’est mis à faire des paris sur un hypothétique travail futur. C’est ainsi que la finance est devenue l’industrie qui sert de locomotive au reste de l’économie, en produisant massivement de la dette et des titres financiers, c’est-à-dire des marchandises qui ne représentaient plus un travail accompli, mais la perspective d’un travail à venir. Cette simulation de valorisation permet au zombie de continuer à marcher. Le capitalisme est ainsi renversé, car il s’agit toujours de capitalisme, i.e. de production marchande, mais s’appuyant sur le futur au lieu du passé. Par ailleurs, cette production financière dont les espoirs de valorisation réussie sont toujours déçus (au niveau de productivité atteint, les besoins en masse de travail ne reviendront plus), doit sans cesse élargir sa production, ne serait que pour compenser la valeur des titres qui arrivent à échéance et qui ne sont pas couverts par une consommation réelle de travail productif. Cette production élargie n’est possible que sur la base d’un déploiement massif des techniques numériques pour en gérer le volume et la complexité.
      Ainsi les techniques numériques constituent un facteur indissociable de la phase « renversée » du capitalisme et ceci à double titre : comme cause du changement extrinsèque puis comme cause matérielle intrinsèque, donc.
      L’approche que je viens d’exposer nécessite de revoir assez profondément la notion de digital labor, tout au moins dans la façon dont le conçoit Casilli, mais aussi celles de Trebor Sholz ou Christian Fuchs contre lesquelles il l’a établie.

    • revoir assez profondément la notion de digital labor

      Contrairement à ce que supposent les approches qui identifient « activité captée par un tiers » et « travail productif (de valeur) », le temps de vie ne peut être transformé en force de travail dans n’importe quelle condition. Il faut d’abord que soit opérée la dissociation entre activité productive (au sens du capital, c’est-à-dire productive de valeur) et activité improductive. Cette dissociation opère à un niveau logique et global (une totalité), mais aussi à l’intérieur de toute activité particulière. La capital ne peut donc pas tout saisir pour en faire une force de travail, il doit d’abord faire le grand partage entre ce qui concourt à sa reproduction (la valorisation de la valeur) et ce qui est indispensable à cette reproduction sans être producteur de valeur en soi (le travail domestique notamment). Cette dissociation est aussi celle des genres, tels qu’ils sont exprimés (y compris dans ces aspects psychologique et subjectif) de façon bien spécifique dans la société capitaliste. Chacun des genres devient le masque de ces deux faces dissociées (mais insécables) : force de travail productif d’un coté pour le masculin, simple reproduction de la vie au sens large de l’autre pour le féminin.
      Ainsi la part d’ombre du travail productif (de valeur), ce sont toutes les activités qui sont improductives, mais qui sont transformées par le mouvement du capital pour servir indirectement à sa reproduction (et qui sont souvent des conditions nécessaires à cette même reproduction). Le capital constitue ainsi tendanciellement ces activités improductives à son image (d’où le coercitif), mais cela n’en fait pas pour autant la possibilité d’y appliquer l’exploitation d’une « force de travail » (et donc une opportunité de reproduire le capital lui-même)

      Contrairement à une vision superficielle du business model des plateformes numériques, telles que Google et Facebook, celles-ci ne vendent pas à leurs clients (les publicitaires et les annonceurs) des profils d’utilisateurs combinant informations démographiques et centres d’intérêts manifestés par leurs usages des contenus fournis par les plates-formes. Elles proposent plutôt un accès (payant) aux calculs effectués par leurs algorithmes (c’est là la véritable marchandise produite par les GAFA) pour lequel le client peut choisir une combinaison de données en entrée (effectivement de type localisation ou mot-clef) et qui fournit en sortie un élément d’interaction (généralement un lien navigable) intégré à la page servie à l’internaute et pointant vers le site du client, par exemple. Cette enchère sur les mots-clefs est juste un processus de formation des prix de marché (forme phénoménale superficielle qui manifeste la valeur dans la sphère de la circulation) et non pas la source d’une valeur reproduisant le capital. Ce processus de répartition de la valeur ne peut pas être décrit, même synthétiquement, comme de l’exploitation, au sens capitaliste, d’un travail abstrait de l’internaute producteur de données-marchandises, car la marchandise stricto sensu est constituée par le calcul, pour lequel le travail abstrait exploité est celui des employés – de Google et Facebook – en charge de la conception, de la réalisation et de la mise en œuvre des infrastructures numériques, aussi bien logicielles que matérielles. Par contre, il est indéniable que pour alimenter ces algorithmes, il faut « exploiter » le temps des internautes en les incitant, par leurs interactions au sein des plate-formes numériques, à remplir en permanence le réservoir de données requises. Mais cette part d’exploitation est celle d’une activité « à coté de l’économie », c’est-à-dire ne contribuant pas à la valorisation de la valeur, mais à la reproduction des conditions nécessaires pour que le processus puissent s’accomplir. En ce sens, le « travail » des internautes est comparable à celui accompli dans la sphère domestique. Et pour les mêmes raisons, ce travail n’est pas producteur de valeur. Car ce n’est pas l’achat ou la vente d’un bien – y compris immatériel – qui constitue la source de la (sur)valeur, mais les circonstances de sa production : a-t-il fait l’objet de l’exploitation d’un surtravail, i.e. de la vente par le travailleur pour un temps donné de sa force de travail, et non pas d’une activité concrète particulière ?

      L’activité d’une plateforme numérique est donc en soi (très) faiblement créatrice de valeur car elle contient (très) peu de travail productif (de survaleur) et que cela ne compense pas son éventuel (très) haut niveau de productivité. Comment expliquer alors la (très) forte valorisation des GAFAM ? Justement par le fait qu’ils opèrent dans la phase renversée du capitalisme où la création de valeur a été remplacée par sa simulation comme moteur de l’économie (y compris "réelle"). Leur valorisation n’est pas le reflet de leur capacité à produire de la valeur, mais à être des "porteurs d’espoirs" pour la production de titres financiers. Cette production doit toujours en effet avoir un point de référence dans "l’économie réelle" (Un indice quelconque corrélé à un espoir de production de valeur et projeté dans le futur). Dans le cas des plateformes numériques, ce point de référence, c’est l’accumulation permanente de données dont tous les acteurs de la sphère financière s’accorde à dire qu’elles sont les ressources pour de futures activités marchandes. Certes, ces activités seront marchandes, mais la quantité de valeur qu’elles produiront sera toujours décevante et il faudra donc se projeter encore dans de nouvelles simulations...

    • La cas exposé dans ce fil https://seenthis.net/messages/524134 mériterait une étude selon l’approche développée ci-dessus.

      Un article référencé (http://www.laviedesidees.fr/A-qui-profite-le-crime.html ) indique notamment :

      En proposant la forme « plateforme », Predpol se distingue des logiciels existants de cartographie du crime installés sur les ordinateurs de bureau (desktop) ou sur le réseau interne de la police (l’intranet). Predpol est une offre d’analyse du crime en temps réel qui prend la forme d’un tableau de bord, téléchargeable sur une simple application. Les données sont stockées sur le cloud. Les forces de police peuvent ainsi externaliser le coût de l’installation et de gestion de serveurs car la location du temps de calcul est intégrée dans l’offre.

      et plus loin :

      Quand bien même les forces de police comprendraient les limites de l’algorithme, elles ne renonceraient pas nécessairement à l’offre de Predpol, car l’efficacité prédictive de l’algorithme n’est pas la question cruciale aux yeux de la police. Pour celle-ci, l’enjeu principal est moins la prédiction des crimes qu’un management simplifié de l’action policière. [...] Ce qui compte, c’est de pouvoir optimiser et surtout contrôler ce temps de présence tactique dans l’espace à risques. Pour ce faire, Predpol intègre les données des systèmes de suivi GPS placés dans les voitures de police, ce qui permet ainsi d’optimiser le dosage de la présence des patrouilles de police selon les secteurs de la ville : le carré prédictif reste rouge sur la carte tant que la police n’y a pas patrouillé, il tourne ensuite au bleu lors des premiers passages, puis il apparaît en vert lorsque le policier a passé le temps suffisant et optimal calculé selon les ressources disponibles [...] Pour un responsable de secteur, Predpol apparaît comme un bon outil pour s’assurer que les policiers font bien leur travail préventif, souvent par la simple présence dissuasive, de manière aléatoire, mais sur une durée optimisée, dans les zones où le risque est estimé le plus haut. L’enjeu du predictive policing est de gérer, selon des critères gestionnaires, l’offre publique de vigilance quotidienne.

      Le « travail » des policiers (i.e. la patrouille) n’est plus qu’un carburant requis pour l’exécution d’un algorithme, qui n’est même pas celui mis principalement en avant comme argument publicitaire alors que c’est bien ce dernier qui fait la valeur (fictive) de la start-up...

      #digitalpolicelabor ?

    • Selon lui, la Toile a accompagné le basculement de l’idéal libéral classique de la liberté d’information vers un nouvel idéal plus radical, celui de la liberté de l’information elle-même. Toute information a le droit de circuler librement sur Internet, indifféremment à son contenu

      indifférence au contenu à la fois comme forme marchande et comme forme numérique.

  • On avait coutume de dire : « Les faits sont têtus ».
    Il y a un mois, Vincent Glad s’interrogeait sur la #vérité et sa valeur relative en #politique. le « policy-based evidence » aurait supplanté le « evidence-based policy ». Faudrait-il :
    s’en inquiéter ?
    s’en foutre ?
    les deux ?

    l’An 2000 - R.I.P. les faits - Libération.fr
    http://an-2000.blogs.liberation.fr/2016/10/13/trump-brexit-les-faits-sont-ils-morts

    Il faut saluer le travail de fact-checking du Washington Post pour ce qu’il est : un exercice poétique, une méditation nostalgique sur la vérité, les faits et l’empirisme. « Il est vrai que ce que dit Trump est faux. Mais dans cette ère politique de post-vérité, pourquoi prendre la peine de critiquer quelqu’un pour cela ? C’est comme si l’on reprochait à un acteur de dire des choses fausses », juge Christopher Robichaud, chercheur en éthique de la politique à Harvard

    Cette réflexion fait écho à celle de l’historien Paul Veyne qui jugeait « platonique » de parler de « vérité » avec les nazis, qui eux aussi la respectaient d’une certaine manière.

    « La valeur de vérité est inutile, elle fait toujours double emploi ; la vérité est le nom que nous donnons à nos options, dont nous ne démordions pas, si nous en démordions, nous les dirions décidément fausses, tant nous respectons la vérité ; même les nazis la respectaient, car ils disaient qu’ils avaient raison ; ils ne disaient pas qu’il avaient tort. Nous aurions pu leur rétorquer qu’ils se trompaient mais à quoi bon ? Ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde que nous, et puis il est platonique de taxer de fausseté un tremblement de terre. » Paul Veyne, extrait de Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, 1983.

    On lira dans la foulée l’article du 10/11 du même auteur où il est question d’un nouveau « régime de vérités » aux États-Unis et où V. Glad confronte ses angoisses aux « faits » du 9 novembre 2016.

    http://an-2000.blogs.liberation.fr/2016/11/10/election-de-trump

    L’Amérique peut survivre à ce brutal changement de régime de vérité. Après tout, elle a déjà survécu à 8 ans de présidence de George W. Bush. Son conseiller politique Karl Rove avait parfaitement décrit cette réalité alternative, en taxant un journaliste du New York Times de membre de la « reality-based community », expression restée fameuse aux Etats-Unis. Le journaliste avait protesté, défendant la raison des Lumières et l’empirisme. La réponse de Rove avait alors été cinglante :

    « Nous sommes un empire maintenant, et quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous analyserez cette réalité, nous agissons à nouveau, créant de nouvelles réalités, que vous pouvez analyser aussi. Nous sommes des acteurs de l’histoire... et vous, vous tous, il ne vous reste qu’à analyser ce que nous faisons »

    #fact_checking #élections_présidentielles_US

  • Data-driven journalism in the post-truth public sphere - Nicolas Kayser-Bril
    http://blog.nkb.fr/datajournalism-in-the-posth-truth-public-sphere

    To ensure that academics worked on topics that are of interest to the industry, governments stopped funding scientists unconditionnaly. Instead, starting in the late 1990’s, they set up tenders on specific topics, to which scientists must apply if they want to receive funding. All major funding systems in Europe work like this, from the Framework Programme of the European Union (FP7, Horizon 2020) to the French Agence Nationale de la Recherche or the German Deutsche Forschungsgemeinschaft. The logical outcome of such processes is that scientists have to follow the trends set by politicians.

    #vérité #datajournalisme #recherche #académie #contrôle

  • #Rumours and lies: ’The refugee crisis is an information crisis’

    As refugees desperately search for reliable information, one NGO has created a rumour tracker to investigate and disprove the myths circulating the camps

    https://www.theguardian.com/global-development-professionals-network/2016/aug/18/rumours-and-lies-the-refugee-crisis-is-an-information-crisis?CMP=share_
    #information #médias #rumeurs #médias #mensonges #réfugiés #asile #migrations #vérité #fact-checking #faits
    cc @reka

    Site Internet de “News That Moves”:
    https://newsthatmoves.org/en

  • Nuit debout, un ramassis de mouvements politiquement « récupérés » et anti-ouvriers
    http://www.wsws.org/fr/articles/2016/mai2016/nuit-m07.shtml
    Sans déconner, j’ai l’impression que ce papier vient du même endroit qu’un autre que j’avais épinglé il n’y a pas très longtemps sur le même sujet, avec des attaques très directes contre Ruffin et Lordon.
    Tout mouvement social est critiquable, mais bon, j’ai tout de même la sensation persistante qu’il y a tout un mouvement politique qui se pense et vit comme détenteur de LA #vérité à #gauche et qui, du coup, discrédite systématiquement toute initiative gauchiste n’ayant pas reçu leur #blanc-seing de la pureté idéologique absolue, autrement dit Toutes les initiatives de gauche, sans se soucier de laisser le champs libre à droite.

    Tous ces dénigrements systématiques de #nuit-debout me font en fait penser à une opération de #sabotage permanente de toute tentative de faire émerger une #alternative #politique autrement que dans le #chaos et le sang, lesquels sont rarement les préludes d’une #démocratie réelle.

    Cette ineptie étant devenue visible après quelques jours, Nuit debout s’est structuré en commissions où sont à présent discutés les projets tenant à cœur à ceux qui y donnent le ton. On y traite de la création de nouvelles institutions bourgeoises (citoyens constituants), de l’économie politique (souverainisme), de l’écologie et du climat, et du féminisme.

    Ruffin et Lordon ont déclaré qu’ils sont indifférents au résultat de la mobilisation des jeunes et des ouvriers contre la loi El-Khomri. Parlant de la loi, Lordon a dit lors d’un meeting à Tolbiac : « nous ne revendiquons nullement qu’elle soit modifiée ou réécrite, nous ne revendiquons pas de droits, nous ne revendiquons pas du tout d’ailleurs… » Le passage d’une telle loi aurait des conséquences désastreuses sur l’emploi, les salaires et les conditions de travail de la classe ouvrière.

    Ruffin étale régulièrement son mépris de la classe ouvrière dans son journal satirique Fakir et défend expressément les intérêts de la petite bourgeoisie. Selon lui, celle-ci doit se servir de la classe ouvrière pour défendre ses intérêts spécifiques à l’intérieur du capitalisme.

    Il a expliqué ainsi son idée quelques semaines avant le début de Nuit debout : « Tant qu’on y va de manière séparée, on a de bonnes chances d’être foutus. L’une des leçons du film [‘Merci Patron !’] c’est de se dire que si on n’a pas la jonction de la petite bourgeoisie que j’incarne et des classes populaires incarnées par les Klur dans le film, on n’arrive pas à perturber [l’oligarque] Bernard Arnault ».

    Lordon, très applaudi dans les assemblées générales de Nuit debout, défend le nationalisme économique et insiste sur le rôle central de l’Etat bourgeois qu’il entend renforcer. Il est pour un retour à une politique protectionniste. Le Monde caractérise sa politique ainsi : « le défaut de l’Etat sur sa dette, la sortie de la monnaie unique, la prise de contrôle des banques en faillite par la puissance publique et la régulation des échanges avec l’étranger » une politique qui, comme il fut question en Grèce en 2015, ne peut être appliquée que par des mesures dictatoriales. Ces positions le rapprochent du souverainiste Jacques Sapir, qui avait en août dernier proposé une alliance entre « la gauche souverainiste » (entre autres Mélenchon et le Front de Gauche) et le FN.

    Ce n’est pas un hasard si on observe à Nuit debout la présence d’éléments et même de banderoles de l’extrême droite.

  • Trois kurdes à Paris
    https://www.youtube.com/watch?v=tZyI5hTVQbQ

    Le 9 janvier 2013, trois militantes du mouvement de libération du peuple Kurde étaient assassinées de 3 balles dans la tête en plein Paris.
    Trois ans plus tard, nous avons rencontré une de leurs camarades pour faire le point sur l’affaire.
    Brisons le silence sur les responsabilité de l’État turc et la complicité de l’impérialisme français !
    #LesMartyrsNeMeurentJamais #VeritéEtJusticePourSakineRojbinLeyla #FreeKurdistan #AntifaEnternasyonal #161TV

  • Foucault, la vie et la manière, à propos de : M. Foucault, Le Courage de la vérité,
    par Mathieu Potte-Bonneville, le 7 septembre 2009

    http://www.laviedesidees.fr/Foucault-la-vie-et-la-maniere.html

    La question posée par Foucault pourrait se résumer ainsi : étant donnée la vérité, quelles furent et sont les différentes manières de la dire, et de se poser soi-même comme la disant ? Que la vérité soit une n’empêche pas la variété des façons de la manifester et de s’en faire le sujet ; question que Foucault avait croisée dès sa leçon inaugurale de 1970 [2]. Forgeant ici, pour désigner l’ensemble des procédés par lesquels le vrai est amené au jour, l’étrange vocable d’aléthurgie, il reprend ce même problème et propose de distinguer entre « quatre modalités fondamentales du dire-vrai » (p.16) qu’illustrent les figures du prophète, du sage, du technicien, du « parrésiaste » enfin.
    On lira avec intérêt le détail de cette typologie, qui témoigne de ce que le dernier Foucault n’avait nullement perdu le goût des oppositions structurales : s’y illustre la fécondité de ces sortes de « distinctions de travail » qui scandent les cours au Collège de France, distinctions données comme d’autant plus vastes et transhistoriques qu’elles fonctionnent en même temps comme de simples ébauches transitoires, permettant de cheminer vers l’objet précis de la discussion, et vouées à être abandonnées lorsque celui-ci aura été rejoint. Ici, c’est en effet la quatrième des « formes aléthurgiques », la parresia grecque ou « franc-parler », qui va occuper le centre de l’analyse : cette posture, celle d’un sujet qui au sens strict « se risque » à dire le vrai, met par là à l’épreuve son rapport aux autres et se met lui-même en danger, acceptant de nouer son destin à la vérité qu’il énonce, cette parresia est une forme en somme doublement secrète, puisque la moins repérée de cette dimension du « dire vrai », dimension ordinairement occultée par l’analyse des critères et propriétés du vrai lui-même ; forme dont, du coup, Foucault entend faire un levier pour réinscrire dans l’histoire les rapports entre vérité et subjectivité.

    #Foucault #Vérité #Archéologie #Parresia #Dire_vrai

  • Chomsky et Bouveresse, adepte du Grand Partage. Il faut absolument leur répondre….
    Dialogue sur la science et la politique. NOAM CHOMSKY, dialogue avec Jacques BOUVERESSE
    http://agone.org/revueagone/agone44/enligne/6/index.html

    Noam Chomsky : On ne peut pas sérieusement penser que la vérité objective n’existe pas. Savoir jusqu’à quel point on peut l’approcher est une autre question. On sait depuis le XVIIème siècle que l’enquête empirique comporte toujours un élément de doute. On peut en principe démontrer ou réfuter le dernier théorème de Fermat, mais dans le monde empirique, le monde de la physique, de la chimie, de l’histoire et ainsi de suite, on a beau faire de son mieux, on a beau essayer de faire de son mieux pour approcher la vérité, on ne peut pas démontrer que les résultats trouvés sont corrects. C’est une évidence depuis l’effondrement du fondationnalisme cartésien. On a donc compris dans les sciences, dans la philosophie, etc., que nous devons procéder avec ce que Hume appelle un « scepticisme mitigé ». Scepticisme au sens où nous savons que nous ne pouvons pas établir des résultats définitivement, mais mitigé au sens où nous savons que nous pouvons progresser.
    Mais cela n’a pas de rapport direct avec la liberté  ; celle-ci est une question de valeur : nous choisissons de l’accepter ou de la rejeter. Voulons-nous adopter la croyance selon laquelle les êtres humains ont le droit de déterminer leur destin et leurs propres affaires  ? ou voulons-nous adopter celle selon laquelle de plus hautes autorités les guident et les contrôlent  ? La science ne répond pas à cette question, c’est une affaire de choix. Peut-être la science sera-t-elle capable un jour de confirmer ce que nous espérons être vrai, à savoir qu’un instinct de liberté fait partie de la nature humaine – cela pourrait bien être vrai, et je pense que ça l’est  ; mais il n’y a aucun domaine où les sciences soient suffisamment développées pour être en mesure d’établir un tel résultat. Peut-être en seront-elles capables un jour.
    Ainsi, dans nos vies quotidiennes – qu’elles soient des vies politiques, militantes, que nous restions passifs ou dans quelque direction que nous choisissions d’agir –, nous faisons des suppositions que nous tenons pour vraies, mais nous ne pouvons pas les établir fermement  ; et nous les utilisons en essayant de leur donner des bases plus solides au fur et à mesure que nous avançons. C’est essentiellement la même chose qui se passe dans les sciences, mais lorsqu’on réduit la sphère de l’enquête à des domaines très spécifiques, on peut évidemment aller plus loin dans l’établissement des conclusions qui nous intéressent.

    [...]

    Daniel Mermet : Pensez-vous que la science a besoin d’être défendue, comme le suggère Jacques Bouveresse  ?
    Noam Chomsky : La question est tellement absurde que je n’arrive même pas à l’envisager. Pourquoi la tentative de découvrir la vérité sur le monde aurait-elle besoin d’être défendue  ? Si quelqu’un ne se sent absolument pas concerné, il peut tenir les propos suivants : « Je me moque de ce qui arrive dans le monde, je me moque de ce qui arrive aux gens, je me moque de savoir si la lune est faite en fromage vert, je me moque de savoir si les gens souffrent et sont tués. Je m’en moque éperdument, je veux juste aller boire un verre et me sentir bien. » Mais celui qui rejette cette position – celui qui dit : « Moi, ça m’intéresse de savoir si la lune est faite en fromage vert, ça m’intéresse de savoir si les gens souffrent, ça m’intéresse de savoir si on peut faire quelque chose pour les aider » – celui-là n’a rien à défendre. Et, pour avancer dans cette voie, il va évidemment chercher à comprendre les faits, à comprendre le monde. Cette position n’a pas besoin d’être défendue.

    [...]

    Jacques Bouveresse : [...] Dans mon exposé au colloque, j’ai fait référence au livre de Bernard Williams, Vérité et véracité, où il décrit le comportement d’une catégorie de gens qu’il appelle « les négateurs [deniers] » : ceux qui nient l’intérêt de notions comme celle de vérité, qui contestent ouvertement la valeur de la vérité. Ce sont des gens, dit-il, qui ne peuvent manifestement pas penser véritablement ce qu’ils disent puisque, par exemple, quand ils disent : « les propositions des sciences ne sont jamais rien d’autre que des conventions sociales, des constructions sociales plus ou moins arbitraires qui pourraient être différentes si la société était différente », ils oublient simplement qu’ils parient quotidiennement leurs vies sur une croyance en la vérité – la vérité objective – de certaines lois de la nature, comme celle de la chute des corps, ou toutes les lois scientifiques qui permettent de faire voler des avions, rouler des trains, etc.
    Aucun d’entre nous ne met sérieusement en doute de telles vérités. Ce sont, pour tout le monde, des choses aussi vraies qu’une chose peut jamais être vraie. Le genre de discours que tiennent, sur ce point, les négateurs soulève une énorme difficulté : il laisse ceux qui ont envie de protester complètement désarmés  ; on ne peut même pas savoir, encore une fois, si les gens qui s’expriment de cette façon pensent réellement ce qu’ils disent  ; cela rend la situation encore plus inquiétante et inconfortable.

    #Chomsky #Bouveresse #épistémologie #réalité #pragmatisme #relativisme #Russel #James #Bourdieu

  • Rouillan toujours sincère et encore puni. Et l’Etat Français qui ressemble de plus en plus à 1984 : il y a une vérité d’Etat qu’on n’a pas le droit de nier. Si l’Etat dit que 2+2=3, alors ceux qui disent autre choses sont des menteurs et doivent être punis. L’Arabie Saoudite est une démocratie. Israel est gentil. L’Etat d’Urgence est indispensable...

    Il juge les jihadistes de novembre « courageux » : enquête sur Rouillan, ancien d’Action directe
    Nathalie ALONSO et François BECKER, AFP, le 7 mars 2016
    https://fr.news.yahoo.com/enqu%C3%AAte-rouillan-action-directe-apologie-terrorisme-184719298.ht

    #France #Jean-Marc_Rouillan #Terrorisme #Etat_d'urgence #Vérité_d'Etat #Militantisme #politique #radicalité #contre_révolution #1984 #Big_Brother #Fascisme

  • Incroyable discours de Jean-Marc Rouillan sur une radio publique française. On se croirait presque en démocratie !

    Vive la radicalisation des gamins, non à la soumission au « droit chemin », vive la déradicalisation des traders !

    Jusqu’où pousser le concept de déradicalisation ?
    Du Grain à Moudre, France Culture, le 10 février 2016
    http://www.franceculture.fr/emissions/du-grain-moudre/jusquou-pousser-le-concept-de-deradicalisation-0#

    #Radicalisation #Terrorisme #Etat_d'urgence #Vérité_d'Etat #Sociologie #Militantisme #Jean-Marc_Rouillan #France_Culture

  • Les statistiques disent-elles la #vérité ?

    Tous les jours, nous sommes assaillis de statistiques économiques. Que ce soit pour le chômage, la croissance, l’inflation ou même le réchauffement climatique, les statistiques sont omniprésentes. Sans que bien souvent, nous ne nous interrogions sur leur #fiabilité, leur mode d’élaboration et leurs auteurs.

    http://www.rfi.fr/emission/20160102-statistiques-verite-chomage-inflation-climat

    #statistiques #économie

  • Le monde selon Ryszard Kapuściński
    http://www.laviedesidees.fr/Le-monde-selon-Ryszard-Kapuscinski.html

    Ryszard Kapuściński (1932-2007), qui contribua à renouveler le reportage littéraire, était-il un journaliste peu scrupuleux ? Sans gommer les ambiguïtés, Olga Stanisławska invite à relire celui qui fut témoin des principaux bouleversements du second XXe siècle pour mieux saisir, à travers l’évolution de ses méthodes d’enquête, son singulier rapport au monde.

    #Revue

    / #journalisme, vérité

    #vérité

  • Mensonge et journalisme de meute
    (à propos de la fausse agression d’Aubervilliers)

    Le besoin de #vérité est plus sacré qu’aucun autre. Il n’en est pourtant jamais fait mention. On a peur de lire quand on s’est une fois rendu compte de la quantité et de l’énormité des faussetés matérielles étalées sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés. On lit alors comme on boirait l’eau d’un puits douteux.
    Il y a des hommes qui travaillent huit heures par jour et font le grand effort de lire le soir pour s’instruire. Ils ne peuvent pas se livrer à des vérifications dans les grandes bibliothèques. Ils croient le livre sur parole. On n’a pas le droit de leur donner à manger du faux. Quel sens cela a-t-il d’alléguer que les auteurs sont de bonne foi ?
    Eux ne travaillent pas physiquement huit heures par jour. La société les nourrit pour qu’ils aient le loisir et se donnent la peine d’éviter l’erreur.
    Un aiguilleur cause d’un déraillement serait mal accueilli en alléguant qu’il est de bonne foi.
    À plus forte raison est-il honteux de tolérer l’existence de journaux dont tout le monde sait qu’aucun collaborateur ne pourrait y demeurer s’il ne consentait parfois à altérer sciemment la vérité.
    Le public se défie des journaux, mais sa défiance ne le protège pas. Sachant en gros qu’un journal contient des vérités et des mensonges, il répartit les nouvelles annoncées entre ces deux rubriques, mais au hasard, au gré de ses préférences. Il est ainsi livré à l’erreur.
    Tout le monde sait que, lorsque le #journalisme se confond avec l’organisation du #mensonge, il constitue un #crime. Mais on croit que c’est un crime impunissable.
    Qu’est-ce qui peut bien empêcher de punir une activité une fois qu’elle a été reconnue comme criminelle ? D’où peut bien venir cette étrange conception de crimes non punissables ? C’est une des plus monstrueuses déformations de l’esprit juridique.
    Ne serait-il pas temps de proclamer que tout crime discernable est punissable, et qu’on est résolu, si on a en l’occasion, à punir tous les crimes ?
    Quelques mesures faciles de salubrité publique protégeraient la population contre les atteintes à la vérité.
    La première serait l’institution, pour cette protection, de tribunaux spéciaux, hautement honorés, composés de magistrats spécialement choisis et formés. Ils seraient tenus de punir de réprobation publique toute erreur évitable, et pourraient infliger la prison et le bagne en cas de récidive fréquente, aggravée par une mauvaise foi démontrée.

    http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/enracinement/weil_Enracinement.pdf
    #médias #propagande


    https://twitter.com/JasonMatthieu/status/676439396732657664
    https://twitter.com/acrimed_info/status/676440880417513473

    • « C’est l’école qui va te tuer » disait-il avoir entendu.

      il devait subir une inspection de l’éducation nationale dans le courant de la semaine. Or les policiers notent qu’il s’est souvent fait porter pâle en de telles occasions.

      En tout ça la ministre "les élèves posent trop de questions" a été cohérente.

    • Que les média aient pour première fonction d’empoisonner les esprits n’est pas nouveau...

      Ce qui me semble plus dommageable, d’une autre forme de toxicité, et particulièrement remarquable ces temps-ci, c’est que l’on voit des autoproclamés révolutionnaires, des libertaires, des auteurs qui se revendiquent d’une critique sociale « radicale » (et souvent de l’héritage intellectuel de Simone Weil) ne plus penser qu’ils pourraient bien eux aussi ne pas avoir « le droit de donner à manger du faux » à leurs lecteurs, ne plus sembler capables de lier ce qu’ils prétendent être à cette exigence minimale.

      Je pense à tous ces auteurs, ces noms connus et très présents, qui semblent, pour le dire très gentiment , soudain ne plus savoir rien lire ni comprendre, sitôt que l’auteure qu’ils sont sous les yeux est, pour ne citer que quelques uns des exemples les plus récurrents de leur spectaculaire faculté de non-compréhension, une horrible féministe matérialiste, une affreuse « déconstructrice », ou l’épouvantable et terrifiante porte-parole du PIR ; et qui n’ont alors rien de plus empressé que de livrer l’étendue de leur confusion, assortie d’un grand luxe de détail, à la plus grande publicité possible.

      C’est à croire qu’ils s’imaginent que personne ne sait lire sans leur aide, et que leur décryptage averti de spécialistes de renom, hommes, blancs, établis de plus ou moins longue date dans la carrière militante et l’impuissance révolutionnaire, serait indispensable à la réception d’autres pensées que la leur. Tout particulièrement, de pensées non masculines, non hétérosexistes, non blanches.
      En venant prétendre sans vergogne que le chaos et l’égarement original qu’ils se plaisent à donner en spectacle se trouverait in extenso dans une telle pensée, plutôt que d’être un produit fabriqué expressément au moyen du laborieux exercice de non-lecture et de distorsion systématique auxquels ils se sont livrés à ses dépends, ces hommes blancs libertaires radicalement révolutionnaires donnent tout de même généreusement à contempler leur façon de mettre en pratique cet adage, assurément cher à tout dominant, qui veut que : « si je ne comprends rien à vos propos, c’est que vous devez être bête ». On conçoit qu’une telle attitude vaille pour qui, se sentant en position de force, s’efforce de recourir à une forme d’intimidation en calomniant le premier et se moque donc comme une guigne d’être honnête envers qui que ce soit, mais certainement pas pour qui prétend sincèrement vouloir contribuer à une quelconque forme d’ « émancipation ». Il me semble que de telles carrières « révolutionnaires », très étroitement masculines et blanches, réduites, pour durer, à espérer aussi visiblement dans le succès d’une ignorance et d’une confusion auxquelles elles s’échinent à concourir de sont, dans le meilleur des cas, en bout de course, si ce n’est déjà posthumes.

      Je ne vais pas en ébaucher la liste. On les reconnaîtra assez clairement à l’esquisse que j’ai donné de leurs exploits : cela fait désormais assez longtemps qu’ils font bien assez de bruit tous seuls.

      Ces révolutionnaires ont paru à l’épreuve de la honte jusqu’ici. Il serait pourtant éminemment souhaitable qu’il ne soit prochainement plus possible à de tels personnages de surenchérir publiquement dans une quelconque forme d’imbécilité volontaire sans voir leur attitude moquée comme elle le mérite, et ce par le public même auquel ils osent servir ce faux-là...

      Mais rien ne garantit que de telles agonies intellectuelles ne s’éterniseront pas.

  • ::::: : Présentation de la page Le New Organum ::::: :

    Le #discours_scientifique est partout présent, omniscient, omniscientifique. Si la #science nous dit la #vérité du monde, ou du moins nous est présentée comme telle, intéressons nous à la manière dont elle entend dire cette vérité, pour tenter de comprendre comment l’autorité vient au discours. On peut concevoir l’activité de #critique de très nombreuses manières. Si la critique est communément associée à la #déconstruction des rapports de domination, nous l’entendons plutôt comme une activité de #construction, de création, au principe même de l’activité scientifique. La critique est moins la négation de l’objet sur lequel elle porte, que la négation des effets d’autorité de ces objets. Il s’agit alors, dans cette perspective, de s’intéresser aux discours, mais aussi à leur mise en forme. Mettre en forme, c’est aussi mettre les formes. Si l’on se demande dans un premier temps comment le discours scientifique légitime l’action politique, il s’agit ensuite de comprendre comment la mise en forme du discours scientifique lui confère une autorité. Cette page est un espace de confrontation et d’interprétations de discours scientifiques. Elle procède par agencements, rapprochements, confrontations, mise en rapport de productions théoriques provenant de sources diverses. Nous emprunterons différentes voies, de manière à donner à voir différents points de vue sur ce paysage accidenté qu’est la production scientifique. Il s’agira de rendre ce terrain praticable, en installant des points de fixation intermédiaires, des prises communes, et ouvrant par ailleurs des voies nouvelles, transversales, et parfois sinueuses.
    Sarah Calba, Vivien Philizot et Robin Birgé

    ::::: : Les auteurs ::::: :
    Sarah Calba, chercheur-arpenteur, a récemment soutenu une thèse en #épistémologie intitulée Pourquoi sauver Willy ? Pourquoi et non comment car, dans cet écrit, il s’agit de définir la science en fonction de ses finalités : la science prétend-elle expliquer le réel, unique, en découvrant des lois naturelles ou souhaite-t-elle comprendre les réalités humaines en construisant des #représentations partagées ? Et puisque différentes finalités engagent différentes manières de faire, c’est en arpentant les voies et les voix de la #recherche_scientifique, et en particulier celles de l’écologie des communautés – discipline dédiée à l’explication de la répartition des espèces biologiques sur la planète bleue –, que Sarah argumente sa thèse. Elle distingue alors deux types de voies : celles abondamment pratiquées, simples, efficaces, aux prises évidentes, de la recherche ici nommée analytique, et celles, soucieuses de leur style, plus sinueuses car procédant par détours voire retours sur leur propre parcours, de la recherche dite synthétique... et c’est, bien sûr, la défense de cette dernière qui est la fin de cette thèse.

    Vivien Philizot est graphiste, doctorant et maître de conférences associé en #design. Il enseigne à l’Université de Strasbourg et à la Head à Genève. Il prépare une thèse qui porte sur le rôle du #design_graphique dans la #construction_sociale du champ visuel et dans la construction visuelle du champ social. Il s’agit notamment d’articuler une épistémologie des sciences avec une histoire critique du design graphique à l’époque moderne, envisagé comme manière de donner à voir et à connaître. Sont ainsi cartographiées, à vue, différentes voies par lesquelles le design graphique s’est construit, souvent envisagées par les grimpeurs modernistes comme des accès privilégiés à la vérité de l’image et du texte. Une approche #pragmatique consiste alors à considérer la pertinence de ces voies de manière locale plutôt qu’universelle, en les rapportant aux conditions historiques et climatiques dans lesquelles elles ont été posées. Le cheminement de la voie, la succession des prises, et l’inclinaison de la paroi ne sont-ils pas plus importants que la hauteur qu’ils nous permettent d’atteindre ? Peut-être faut-il garder à l’esprit que les points de vue que les théories de l’image se sont attachées à naturaliser, restent relatifs aux voies qu’elles nous conduisent à emprunter, et aux postures du corps et de l’œil qu’elles ont ainsi contribué à construire.

    Robin Birgé est doctorant en #anthropo-épistémologie. Il s’intéresse aux voies que prend la construction du savoir scientifique, et particulièrement au statut de la #connaissance quand les chemins bifurquent. Lorsque le premier de cordé arrive à un embranchement et choisi une voie plutôt qu’une autre, une théorie plutôt qu’une autre pendant une #controverse par exemple, nous pouvons (1a) considérer que finalement, ce qui compte, c’est la hauteur finale atteinte, soit l’accumulation de connaissances. Malgré le fait que les voies divergent et “fonctionnent bien d’un point de vue pratique”, il s’agit cependant du même rocher - du même réel ; on s’élève différemment mais pour parler d’une même chose en soi. Finalement, les voies finiraient par se rejoindre, et si les voies ne se rejoignent pas, le réel impitoyable du rocher finira par avoir raison de la vie de nos grimpeurs (les mauvaises théories seront alors éliminées). Une autre façon d’aborder la #philosophie de l’escalade, celle engagée ici, est que (1b) si des voies sont sans issue ou tournent en rond, il est envisageable qu’après tout relais elles prennent des versants différents et ne se rencontrent jamais : autrement dit, des visions du monde divergentes peuvent ne jamais se rencontrer.
    Plus précisément, cette thèse porte sur le statut d’un savoir particulier : celui de la figure de l’#expert en démocratie. Il s’agit notamment de dessiner les différentes façons d’articuler le réel-rocher, à sa connaissance si ce dernier existe, à sa médiation et au à la mobilisation du savoir lors de la prise de décision politique.

  • La vérité historique, première victime du nationalisme (janvier 2010)
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article348

    #Ernest_Renan, le grand mystificateur

    Joseph-Ernest Renan (1823-1892) était quelque peu tombé dans l’oubli. Le débat du jour le tire de l’ombre. Il redevient une référence, celle dont se revendiquent ouvertement des politiciens de haut vol comme Alain Juppé [1].

    Renan, ancien séminariste devenu rapidement, après quelques frictions avec Napoléon III, l’historien pour ainsi dire officiel de l’État, a au moins un avantage : son cynisme est tel qu’il n’y va pas par quatre chemins pour « lâcher le morceau ». Dans « Qu’est-ce qu’une nation  ? », conférence prononcée en 1882, il ne se gène pas pour écrire : « L’oubli, et je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création d’une nation, et c’est ainsi que le progrès des études historiques est souvent pour la nationalité un danger ». On ne saurait être plus clair...

    Renan, véritable « saint » de la troisième république, s’affirme partisan, pour les besoins de la cause, de « l’erreur historique », ce pourquoi on peut lui décerner le titre de «  Père du révisionnisme historique décomplexé  ». Aujourd’hui comme hier, ce révisionnisme permet au Pouvoir de continuer de travestir la vérité historique, de la faire entrer dans le moule qui lui convient, et de justifier ainsi son idéologie et sa pratique.

    Chantre du mensonge officiel, Renan fut le premier historien postérieur à la Révolution Française à remettre en selle, en tant que piliers de la « nation moderne », ceux qu’il nommait avec tendresse les « personnages du passé ». A sa suite, l’école de la troisième république intégrera toute une brochette de psychopathes royaux (et quelques uns de leurs plus célèbres laquais) dans l’imagerie héroïque de la France. Par ce coup de baguette magique, les brutes couronnées et leurs larbins devenaient, dans les livres scolaires, des héros qui auraient fondé la patrie française et se seraient sacrifiés pour elle.

    Les falsifications historiques vomies par Renan ont été la source à laquelle, à la fin du XIXème siècle, s’est abreuvée avec délectation cette bourgeoisie revancharde qui venait de massacrer les Communards. Les théories de Renan lui permettaient de faire coup double, d’une part en donnant un contenu clairement chauvin et réactionnaire à une République qui venait de s’installer par défaut [2], d’autre part, en contrant l’émergence du mouvement ouvrier internationaliste grâce à l’utilisation de cette version nationaliste de l’histoire. Deux attitudes qui allaient directement conduire à la boucherie sanglante de 1914/1918.

    L’essentiel de la falsification historique voulue par Renan et ses successeurs porte sur la Révolution française. Tout leur travail consiste à masquer la « rupture épistémologique » que représente cette période et à la présenter comme un simple prolongement du cours antérieur de l’histoire. Ainsi en est-il de l’idée de Nation, qui apparue dès le début de la Révolution, va être vidée de son sens par nos historiens et politiciens révisionnistes et déformée jusqu’à signifier le contraire de son sens premier. En effet, quand le terme Nation fait irruption dans le débat politique en 1789, il désigne clairement la collectivité formée par tous les individus, égaux entre eux, et de ce fait, la seule instance politique légitime dans un pays. L’idée de Nation se construit en opposition totale au pouvoir d’un seul (ou d’une petite caste), en opposition donc à la tyrannie qu’ont précisément défendu les Jeanne d’Arc, les Charles Martel et autres « personnages du passé » lors des siècles d’oppression féodale et monarchique, en opposition totale à cette idéologie qui permettait à n’importe quel crétin (pourvu qu’il fusse couronné) d’affirmer : « L’État, c’est moi  ! ».

    Ainsi, pendant la Révolution Française, on pouvait fort bien être étranger, être né loin du territoire français, et être immédiatement intégré dans la Nation. C’est pourquoi des hommes et des femmes de tous les pays se retrouvèrent en France, dés 1789, à délibérer, à décider et à agir pour les idéaux révolutionnaires. A partir de 1792, il y eut même des bataillons entiers formés par les nombreux étrangers désireux de combattre sous les drapeaux de la Nation. On ne parlait pas alors de « brigades internationales » mais de « Légions » : Légions Belges, Légion Franche Étrangère Batave (Hollandais), Légion des Allobroges, Légion Germanique, Légion des Américains (Antillais et habitants métis ou blanc des colonies), etc.

    Ces faits sont aussi remarquables qu’il sont peu connus. Et pour cause : ils gênent les historiographes nationalistes, préoccupés d’élaborer leur mystification xénophobe. Ils gênent tout autant l’école historique marxiste qui, les oeillères du matérialisme dialectique bien rivées, n’a jamais voulu voir dans la Révolution française que son expression bourgeoise. Il est vrai que l’existence des Légions belges, germaniques ou américaines prouve que la conscience internationaliste n’a pas attendu la théorie de Marx et la pratique de Lénine pour se manifester de façon concrète !

    Cette caractéristique du conflit fondateur de la Nation française est renforcée par un deuxième élément qui vient compléter clairement la signification en contrepoint : tout comme on pouvait être étranger et membre de la Nation, on pouvait tout aussi bien bien être français de souche, né sur le territoire et appartenir au parti de l’étranger.

    la frontière : fracture idéologique et non réalité territoriale

    En effet, si des esprits éclairés sont venus d’Europe et des Amériques pour défendre la Révolution, à l’inverse des membres éminents de la noblesse, de l’église et des milieux affairistes, tous « Français de souche » ont fui en masse le pays à partir de la prise de la Bastille [3]. Ceci nous montre où se situe la véritable fracture : non pas entre lieu de naissance, non pas entre territoires géographiques (d’un coté du Rhin ou de l’autre) , non pas entre « cultures » (culture française contre culture allemande...), mais bien entre intérêts économiques et de pouvoir.

    La France de la Révolution n’avait donc pas de problème avec les personnes nées hors de France. Elle en avait de sérieux avec toutes celles qui, selon l’expression des sans-culottes, formaient le « parti de l’étranger », parti désigné ainsi parce qu’il se regroupait sans vergogne autour des despotes régnant à l’étranger [4]. Un parti qui reçut la participation massive de « Français de souche » : on évalue à un million, chiffre énorme pour l’époque, le nombre de nobles, de riches et de curés qui n’hésitèrent pas à déserter le territoire français pour revenir l’attaquer avec les armées royales étrangères [5].

    les nouveaux émigrés

    L’histoire dit-on a tendance à se répéter. Parfois sous forme de farce. Après avoir connu l’émigration de la noblesse, revenue avec Louis XVIII dans les paquets des armées étrangères piller de nouveau le territoire dit national, voici que nous sommes menacés de l’émigration des... footballeurs. Le lien entre les deux émigrations n’est pas qu’apparent, et les théories révisionnistes des émules de Renan sont là pour masquer le scandale que constitue l’une comme l’autre.

    Alors que le slogan politicien affirme -ce que beaucoup de gens croient- que « Les plus pauvres ne payent pas d’impôt », en France, même les rmistes, tout comme les retraités aux pensions les plus minables, les étudiants aux bourses ridicules, et les sans-papiers les mieux cachés payent des impôts tous les jours [6]... A contrario, les politiciens s’en vantent moins, ils ont voté des « niches fiscales » qui permettent aux plus riches de ne pas payer d’impôts directs (ou de n’en payer que sur une fraction de leur revenu). Les joueurs professionnels de football, dont le salaire moyen tourne autour de 500 000 euros annuels, jouissent de ce privilège. Or, voici qu’un inconscient a envisagé de leur faire payer des impôts, comme à la masse de la population, sur la totalité de leur revenus. Quels cris d’effroi n’avons-nous pas entendus ! Et quelle menace ! Celle d’un « nouvel exode massif vers l’étranger des meilleurs joueurs du championnat. »

    Un exode massif vers l’étranger ? Bigre, cela nous en rappelle, des choses !

    Soulignons d’abord que cette menace d’émigration massive émane d’un milieu qui vit de la promotion d’un chauvinisme sportif identitaire qui englobe jusqu’à la couleur du slip ; qu’elle provient directement de gens qui composent l’équipe dite « de France » et qui font profession de chanter au garde à vous, en regardant le drapeau bleu-blanc-rouge « droit dans les yeux », devant des millions de personnes, l’hymne national. En plein débat sur l’identité nationale on mesure le peu de sincérité de l’establishment : alors qu’il s’était levé comme un seul homme pour fustiger cruellement le public qui avait, par jeu, sifflé la Marseillaise, pas un seul dignitaire du régime n’a dénoncé quelque chose qui devrait être bien plus grave à ses yeux et tirant bien plus à conséquence (s’il avait la moindre honnêteté) : une atteinte aux plus sacrés des devoirs, celui de verser, comme tout le monde, sa contribution.

    L’anecdote ridicule des tapeurs de ballon qui menacent, comme un seul homme, d’aller faire joujou ailleurs et, surtout, le silence complice qui accueille leur caprice nous révèle on ne peut plus clairement la véritable fonction du nationalisme : masquer, sous des mots creux, l’indignité passée, présente et à venir des privilégiés.

    Le principal pilier de la vie en société c’est la fraternité, la solidarité, sans cela, tout le reste n’est que mensonge et hypocrisie. Ceux qui sont trompé par les nationalismes défendent en réalité des privilégiés qui agitent leurs drapeaux nationaux (ou régionaux) pour mieux détourner l’attention et tirer des profits égoïstes. Hier comme aujourd’hui, il est notoire que ceux qui, à cause de leur rapacité, sont en dehors des valeurs fondamentales de la société humaine (de ce que les sans-culottes appelaient la Nation) ce ne sont pas les « étrangers » mais bien les riches, les patrons, les profiteurs de tous poils et leurs complices.

    G. Babeuf

    INTEGRISME & NATIONALISME

    Au moment, ou l’on parle beaucoup, en France, tour à tour, de l’intégrisme religieux et de l’identité nationale, je tiens à souligner que c’est bien le nationalisme que le pouvoir plébiscite au travers de cette fumeuse idée d’identité nationale. Et, il ne peut pas y avoir de doute sur le fait que le nationalisme est bien lui-même un intégrisme. Car comme tout intégrisme, il est un vecteur de fanatisme, parce qu’il est violemment excessif et injuste ; il est un vecteur qui génère des clichés sommaires, parce qu’il facilite l’existence d’une mentalité sécuritaire ; il est un vecteur d’ignorance, parce qu’il occulte la vérité de la réalité ; il est un vecteur de haine, parce qu’il engendre l’intolérance et la peur, donc, la violence, une violence qui servira toujours le pouvoir en place. Et de plus, le nationalisme revêt, aussi, un caractère fondamentalement religieux, car, il est, de par sa nature démagogique, appelé à être élevé au rang du sacré. Cette superstition est l’ennemie de tous les hommes libres, car, elle exalte le réflexe réactionnaire en faisant appel à l’émotionnel pour réveiller les pulsions primaires telles que, par exemple, l’esprit grégaire. Sa devise pourrait être : A chacun son drapeau, à chacun sa haine. Tous ceux qui savent qu’il y a d’autres manières d’exister que par la haine doivent rejeter toute complicité avec le nationalisme.

    [1] Voir par exemple le site de juppé http://www.al1jup.com/quest-ce-quune-nation

    [2] la chute de Napoléon III, la république fut instituée de façon provisoire par une assemblée monarchiste qui n’arrivait pas à se mettre d’accord entre elle. Moyennant quoi, cette Troisième république fut la plus longue de l’histoire de France

    [3] Trois jours après, le 17 juillet 1789, le comte d’Artois, frère du roi (et lui même futur roi, sous le nom de Charles X), passait à l’étranger sans oublier d’emporter tout ce qu’il pouvait de sa fortune

    [4] Certains lecteurs ont peut être entendu parler de Rivarol, une feuille qui se veut l’hebdomadaire de l’« opposition nationale et européenne » et soutient régulièrement le Front National. Ce périodique, adepte du slogan « La France ou on l’aime ou on la quitte » fait semblant d’oublier que le célèbre pamphlétaire royaliste dont il tire son nom ... a quitté la France en 1792, comme quoi, il ne devait pas l’aimer tant que ça...

    [5] Voir A. Soboul, Dictionnaire historique de la Révolution française. Ajoutons que c’est précisément pour avoir soutenu ce « parti de l’étranger » que Louis XVI, né français de souche, a été guillotiné en 1793.

    [6] ...car ils ne sont pas exonérés d’impôts indirects. Quand un rmiste achète des carottes, il verse 5,5 % du prix dans les caisses de l’État, et, s’il s’achète une chemise, 19,6 % !

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°115 janvier 2010
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article350

    • http://mondialisme.org/spip.php?article2383

      Temps critiques

      VERNISSAGE D’UNE ANTIQUITÉ :

      LE « DÉFAITISME RÉVOLUTIONNAIRE »

      À propos des attaques islamistes de Paris, nous avons reçu un tract qui passe une couche de vernis sur une ancienne position de la gauche communiste devenue aujourd’hui une antiquité : le défaitisme révolutionnaire.

      Premièrement, le tract est marqué par son incapacité à reconnaître ce qui est nouveau

      D’après lui, nous serions dans un système capitaliste mondialisé. On peut donc supposer, sans pour cela perdre du temps à s’interroger sur la validité de la notion (kautskienne je crois) de "super-impérialisme", que les souverainetés nationales ont aujourd’hui peu de poids face à l’imbrication des différentes fractions du capital dans ce que nous appelons, à Temps critiques, le "capitalisme du sommet" (cf. n° 15). Ce tract devrait donc en tirer toutes les conclusions possibles. Au lieu de cela, le texte nous dit qu’en fait la situation de guerre est engendrée par des puissances visant à la défense de leur pré carré ! Cela suppose de maintenir une vision traditionnelle des luttes anti-impérialistes comme si on en était encore à l’époque coloniale ou même post-coloniale des années 1960-1980. Or le mouvement mondial de globalisation a déplacé la question ancienne de la possession coloniale ou de la domination néocoloniale avec maîtrise des territoires vers celle du contrôle des flux par le biais de politiques financières et de mises en réseaux clientélistes. Pour ne prendre qu’un exemple, il ne s’agit pas tant de s’approprier le gaz ou le pétrole moyen oriental que de garder les robinets de distribution ouverts afin qu’il n’y ait pas de risque de rupture d’approvisionnement pour l’ensemble des pays consommateurs de la communauté internationale. Seuls les quelques pays soumis à embargo sont tenus à l’écart de ce consensus.

      Cet objectif internationalisé même si il est chapeauté par la puissance dominante, c’est-à-dire les États-Unis, change tout du point de vue stratégique. La stabilité d’un ordre mondial est primordiale pour garantir cette fluidité du capital et la circulation des ressources énergétiques ou des matières premières. Les stratégies ne sont donc plus dictées essentiellement par des efforts de déstabilisation de "l’autre camp" comme dans les soubresauts de l’après-guerre froide ; ou pour s’approprier des parts de gâteau dans une situation de guerre économique sauvage. Si on ne tient pas compte de ce nouvel ordre mondial, forcément instable dans certaines zones, alors pourquoi parler en termes de mondialisation comme le fait le tract ? Il n’y aurait rien de nouveau alors depuis 1945 !? C’est faire fi de toutes les réunions internationales incessantes, qu’elles soient de type commerciales, climatiques ou politiques.

      Qui peut penser, comme le soutient par exemple le tract, qu’El Assad veut développer son "capital national" ? que Daesh dont les antennes s’étendent paraît-il dans trente pays viserait à développer son capital national ? Et les talibans aussi, c’était ça aussi leur objectif en transformant Kaboul en un village du Moyen Age ?

      Cette incohérence ne permet pas de comprendre une double contradiction du capital. L’une au niveau stratégique de l’hyper-capitalisme du sommet entre d’un côté la tendance dominante à la mondialisation et donc à la crise des États sous leur forme d’État-nation et de l’autre la résurgence de politiques de puissance aussi diverses que celles menées récemment par le Japon, la Russie et l’Iran. L’autre au niveau de la gestion encore en grande partie nationale d’une situation où coexistent de façon conflictuelle, d’un côté une croissance de flux humains (migrants et réfugiés) parallèle à celle des flux financiers ou de marchandises et de l’autre une tendance protectionniste et souverainiste-identitaire.

      Deuxièmement, la guerre est conçue dans des termes anciens

      Cela découle de ce qui précède. Pour l’auteur du tract, la guerre ne peut être qu’une guerre entre États dans laquelle les gros mangeront les petits puisque les luttes de libération nationale qui avaient semblé inverser cette tendance ne sont plus vraiment d’actualité laissant place à une désagrégation des différents blocs issus de la Seconde Guerre mondiale puis de la Guerre froide. Pourtant ce qui caractérise les actions militaires depuis 2001, pour nous donc des opérations de police (cf. note 1) c’est ce qui a été théorisé par les experts en stratégie militaire, comme des guerres asymétriques ou dissymétriques, ce qui change la donne et pour tout le monde. Du côté des puissances et du pouvoir la désignation des ennemis n’est plus claire ; l’ennemi est-il encore extérieur ou en partie intérieur ? Le politique retrouve ici sa dimension incontournable par rapport à la dimension militaire et au rapport de force brut. C’est aussi pour cela que la position de facilité à court terme, pour l’État apparaît comme celle du tout sécuritaire.

      Mais de « notre côté » les choses ne sont pas plus claires. S’opposer directement à la guerre comme ce fut le cas encore pour le Vietnam alors que la conscription existait toujours n’était déjà plus qu’une possibilité indirecte au moment de l’intervention en Irak de forces opérationnelles spéciales. Cette possibilité est maintenant devenue très problématique dans une configuration où s’affrontent professionnels technologisés et dronés d’une part, combattants fanatisés (et bien armés aussi), d’autre part. Les « lois de la guerre » ne sont d’ailleurs plus respectées ni par les uns ni par les autres. En conséquence, pratiquer le « défaitisme révolutionnaire » s’avère sans objet ; et se réfugier dans un refus de l’unité nationale comme si c’était l’objet du problème et par ailleurs comme si cela pouvait avoir un quelconque effet pratique, relève du slogan qui devient grandiloquent et même ridicule quand il nous promet, dans le cas contraire une mort programmée (le catastrophisme encore et toujours).

      Troisièmement, il est marqué par sa confusion entre capital et capitalisme

      Pour l’auteur tout est capitaliste et donc les États et même le "proto-État" Daesh sont des États capitalistes. Il s’ensuit, entre autres, qu’aucune analyse fine des particularités de Daesh ou d’Al Qaida n’est possible puisque le tract néglige complètement le fait que ces organisations prospèrent sur le tribalisme et non pas sur le capitalisme (ça n’empêche certes pas la valeur de circuler) et qui plus est sur un tribalisme religieux, le tribalisme sunnite en conflit ouvert avec un chiisme plus centralisé et institutionnalisé sur le modèle iranien. Le même phénomène se retrouve en Libye où la mort de Kadhafi a libéré la lutte clanique. Cet éclatement des guérillas peut même être l’objet d’une véritable stratégie comme celle des « franchises » d’Al Qaida, réplique militaire des franchisés commerciaux occidentaux. Cette organisation à l’horizontale se rapprochant aussi de certaines organisations mafieuses comme à Naples, ce qui rend « la traque » plus difficile..

      Si elle revêt parfois des formes anticapitalistes ou anti-impérialistes, cette guerre de guérilla est avant tout appuyée sur trois axes, le premier religieux qui oppose révélation à raison est très éloigné des formes religieuses de l’islam intégré des pays occidentaux, le second familial et patriarcal en concordance plus étroite avec les piliers de l’Islam et enfin le troisième de type mafieux reposant sur l’accaparement de la rente, le pillage et le commerce illégal y compris l’esclavage. Il est donc inapproprié de traiter de capitalistes des organisations comme Daesh et Al Qaida alors que leur organisation et leurs perspectives sont tout autres. Il est aussi erroné de les traiter de fascistes comme le font souvent les libertaires et les gauchistes parce que le fascisme est un sous-produit du socialisme et du nationalisme alors que ces organisations n’ont justement pas de visées nationales ; elles sont même directement mondiales et s’adressent à une communauté des croyants potentiellement sans limite. Ce sont donc bien ces organisations et pas celles de la gauche radicale qui ont dépassé en pratique le cadre de référence de la nation même si ce n’est pas dans la perspective de la communauté humaine, mais dans celle aliénée de la communauté religieuse. C’est particulièrement vrai pour Al Qaida et si Daesh présente au départ une option plus territorialisée avec le projet de Califat, il semble que son orientation récente rejoigne celle de l’organisation concurrente. Au rebours de ce que prétend le tract, on peut même dire que ces organisations sont le fruit de la défaite des pouvoirs nationaux-socialistes nassériens, baasistes et kadhafistes dans la région.

      Quatrièmement, sa perspective est d’origine historique décadentiste (mais drapeau dans la poche en quelque sorte).

      Une phrase en est emblématique : « la guerre rode partout sur l’ensemble de cette planète vivant une véritable agonie ». À la limite, on peut dire que les djihadistes sont plus clairvoyants qui s’attaquent au capitalisme et particulièrement à une société capitaliste pourvoyeuse de plaisirs et fonctionnant sur un modèle hédoniste adopté par toutes les couches de la population y compris les plus défavorisées. En effet, les lieux choisis ne tiennent pas du hasard. Les lieux de divertissement sportifs, musicaux, bars ou restaurants à la mode ont été taxés de lieux « d’abominations et de perversion » par le communiqué de revendication des attentats par l’EI du le 14/11/2015. La crise avec un grand C n’est donc pas encore là quoiqu’en pense ou souhaite le tract. Les difficultés actuelles à reproduire les rapports sociaux dans leur ensemble n’empêchent pas la poursuite d’une dynamique de capitalisation dont l’un des axes est constitué par le consumérisme, festif de préférence.

      C’est malheureusement une tradition, dans l’ultragauche, que de réactiver cette tendance décadentiste qui voit du mortifère et de la misère partout, mais aujourd’hui cela s’effectue sous une forme radicalisée catastrophiste bien rendue par la phrase : « ces attentats dont ceux de Paris ne sont qu’un hors d’œuvre ». Qui écrit cela frôle le cynisme et surtout pratique la politique du pire parce qu’il n’a pas de solution de rechange. Noircir le tableau est le signe d’une désespérance du courant communiste radical.

      Cinquièmement, le spectre du prolétariat remplace la lutte des classes

      Tout d’abord la classe ouvrière est définie comme la classe « antinationale par définition ». On se demande bien qui a pu établir cette définition. Le Larousse ? Non. Marx ? Oui, mais avec plusieurs bémols. Tout d’abord Marx n’est qu’un théoricien-militant à l’épreuve de la pratique et on connaît aujourd’hui la pratique qui a mis à mal ce qui devait être l’internationalisme prolétarien resté toujours très minoritaire au sein de la classe ouvrière. Ensuite la phrase du Manifeste adorée comme une Bible pour croyant est une phrase tronquée dont le contenu complet est moins clair ou univoque. Je cite : « Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut leur ôter ce qu’ils n’ont pas … Comme le prolétariat de chaque pays doit d’abord conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation [c’est nous qui soulignons], il est encore par là national ; mais ce n’est pas au sens bourgeois du mot ». Certes, Marx est encore à l’époque, imprégné de démocratisme révolutionnaire (deuxième partie de la citation) et sa perspective communiste reste lointaine même si elle est affirmée en tête de citation. C’est bien pour cela qu’il ne s’avance pas trop sur le caractère « antinational » du prolétariat. Il se laissera même parfois aller à un certain pangermanisme comme par exemple dans son opposition au slavisme de Bakounine ou dans ses prises de position au début de la guerre franco-allemande avant de comprendre l’importance de la Commune de Paris. En tout cas, s’il cède parfois à un essentialisme du prolétariat parce qu’il le pense dépositaire final de l’universalisme bourgeois (c’est sa position dans les œuvres de jeunesse), il sait aussi combien la classe ouvrière est une classe déterminée par ses conditions (c’est sa position à partir des Grundrisse). Alors pourquoi reprendre cela dans un tract répondant à un événement actuel ? La situation serait-elle plus favorable à l’expression de ce côté universel qu’au côté particulariste ? On aimerait bien mais on en doute. Le tract lui-même en doute quand il espère « le réveil du prolétariat international » sans se poser la question du pourquoi de son grand sommeil et sans se demander comment les tirs de kalachnikovs au Bataclan sonneraient ce réveil.

      Ce qui est patent mais bien évidemment dur à reconnaître pour les courants communistes radicaux, c’est que ce genre d’événements nous met tout simplement hors jeu et on peut dire celui de novembre bien plus encore que ceux de janvier. Dans cette situation que nous subissons au plus haut point, toute position « programmatique », sous condition même qu’elle puisse être fondée en principe, s’avère artificielle et velléitaire. Pour éviter qu’elle apparaisse trop décalée il faut alors se replier sur une position du type de celle prise par Erri de Luca.

      Cette intervention d’Erri de Luca est en effet cohérente avec son actuelle position démocrate et « antifa ». Il propose l’organisation d’une défense citoyenne sur le modèle de ce qui se faisait dans les quartiers de l’Italie des années 1970 pour neutraliser les fascistes même s’il s’agit cette fois de neutraliser les terroristes et ainsi d’éviter ce qu’il nomme un risque de « militarisation » excessive de l’État et donc sa droitisation extrême. Les dispositifs stratégiques imaginés par l’ancien dirigeant du service d’ordre de Lotta continua refont surface mais convertis pour un usage citoyen dans l’État de Droit de façon à nous sauver de l’État d’exception expérimenté un temps par l’État italien au cours des « années de plomb ». Sans partager ce propos, le réduire à un appel à la délation auprès de la police comme le font déjà certains, est un réflexe révolutionariste qui pense que la dénonciation est bien supérieure à la délation mais sans rien proposer d’autre qu’un mot d’ordre abstrait qui présuppose une guerre (de classe ?) entre deux ennemis, d’une part un État-policier et d’autre part des « révolutionnaires » qui le combattent. Où trouverait-on un collégien, même intoxiqué par le NPA, pour croire à cette fiction ?

      Pour conclure et répondre indirectement à une intervention d’un camarade à propos de Jaurès et du patriotisme, nous joignons ci-dessous des extraits d’une lettre adressée à quelques camarades dans le cadre des discussions préparant notre texte sur les événements de janvier.

      La phrase de Renan (« L’oubli, et je dirai même l’erreur historique, sont un facteur essentiel de la création de la nation ») date d’une conférence de 1882 et ton énoncé n’est d’ailleurs pas complet. Il convient pourtant de lire toute la phrase puisque Renan ajoute à l’oubli, l’erreur historique (c’est-à-dire finalement la nécessité d’une réécriture qui fasse une « histoire »). Une citation donc très Troisième République et une définition fort éloignée de celle de Sieyès (« la nation c’est l’association ») et autres révolutionnaires de 1789. Une définition qui s’explique par la volonté de fonder en théorie une conception de la nation qui puisse être reconnue par tous, du bourgeois jusqu’à l’ouvrier, du républicain jusqu’au royaliste. Le patriotisme originel, par exemple de « l’armée révolutionnaire » se transformera alors progressivement en religion de la patrie.

      Les propos a-historiques que profèrent les « anti-nation » de principe et particulièrement ceux venus de l’ultra-gauche ou de l’anarchie, méconnaissent et c’est un peu étonnant, le fait qu’au moins jusqu’à la Commune de Paris, nation et patrie étaient des notions révolutionnaires puis internationalistes jusque dans la Première Internationale et que l’Église, la noblesse, les franges conservatrices de la bourgeoisie ne s’en revendiquaient pas, bien au contraire. On sait que la révolution française a combattu « le parti de l’étranger », mais qu’elle a accueilli comme français tous les volontaires étrangers dans ses légions, ancêtres des brigades internationales de 1936, les staliniens en moins.

      Plutôt que de résumer ici des positions historiques de marxistes sur la nation pour en montrer les limites ou les ambiguïtés (Marx et sa citation tronquée du Manifeste, Bauer et la nation comme communauté de destin que le socialisme ne "dépassera" pas plus d’un claquement de doigt qu’il ne "dépassera" la religion, Strasser, Pannekoek et leur déterminisme mécaniste, etc.) nous renvoyons aux 100 premières pages du n°33-34-35 de la revue Ni patrie ni frontières d’Yves Coleman sur « Les pièges de l’identité nationale ». On doit pouvoir le commander ou le lire directement sur le site de NPNF et "mondialisme.org".

      Temps critiques, le 19 novembre 2015.

  • Tirer dans le tas : rue-affre
    http://rue-affre.20minutes-blogs.fr/archive/2015/11/19/tirer-dans-le-tas-923884.html

    De la télé réalité virtuelle au réel un peu flou, la vie comme sous acide, la #mort comme mauvais trip, comment passer de rien à tout par la mitraille, la ceinture explosive, quitte à embrasser au passage la première cause à la con qui passe, le premier Jihad bricolé, le dernier mouvement sectaire un peu in à tirer son coup comme on peut.

    Dans ce monde en vrille et en sucette sans pitié sans amour, où pour toute utopie l’on vous somme d’être milliardaire en bossant le dimanche, devenir pour un instant enfin compétitif et attendre comme un « challenge » l’assaut final du Raid.

    Le kif !

    Incarner la terreur pour le bien. Le leur. Le mien. A imposer ma médiocre vérité en #vérité. Le fanatisme pour tout bagages, le néant pour toute pathologie, remplir son vide de n’importe quoi et avoir enfin raison à en perdre la raison [ bravo pour la référence à Aragon, sur l’amour].

    Quitte à être nié, foncer droit dans le déni. Etre le pire plutôt que rien dans ce bordel ambiant, ce monde renversé de la folle machine qui rassure les marchés en écrasant les hommes. Un œil sur le taux de stabilité, l’autre sur le taux de croissance.

    Oui, être quelqu’un avant de redevenir personne, et à défaut de rites initiatiques de repères ou de rituels, noyer sa rage dans le sang et y trouver un sens.

    Et pas tellement s’étonner que le chaos des bombes là-bas, finisse par nous revenir en tapis volant.

    Dans nos démocraties, pour certains non citoyens, le prix à payer vaut bien celui des « réparations de guerre » imposées à l’Allemagne après 14_18, et là, l’#islam_imaginaire surpasse en efficacité l’aryen mythique (dont les restes sont d’ailleurs sufisement décomposés pour être absorbables par nos rad-soc-sfio-ps).
    Difficile de savoir que penser et pi encore que faire mais il y a bien là un #devenir_fasciste.

  • Ceci est leur #corps
    http://www.laviedesidees.fr/Ceci-est-leur-corps.html

    Comment le corps a-t-il acquis une telle importance dans la définition des #identités contemporaines ? Mobilisant des enquêtes sur la greffe, l’accouchement, ou le rapport aux cadavres, Dominique Memmi dévoile les enjeux sociaux et politiques de cet ancrage corporel de soi.

    Livres & études

    / corps, identité, #sujet, vérité

    #Livres_&_études #vérité

  • Qu’appelle-t-on « vérité » ?
    http://www.laviedesidees.fr/Qu-appelle-t-on-verite.html

    En Russie, l’appareil de propagande du gouvernement ne se limite pas à la sphère politique. En réécrivant l’histoire du pays, il entraîne, selon l’historienne Ekaterina Pravilova, une crise de la rationalité pour l’intelligentsia et la communauté scientifique russes. Article publié en partenariat avec la revue Public Books.

    Essais & débats

    / #nationalisme, #révisionnisme

    #Essais_&_débats

  • « La notion de vérité fait partie de nous »
    http://www.laviedesidees.fr/La-notion-de-verite-fait-partie-de-nous.html

    Carlo Ginzburg nous rappelle que la vérité n’apparaît jamais à l’historien sous la forme d’une donnée, comme une pièce de monnaie qu’on ramasserait par terre. Le regard analytique, le rapport aux sources, l’administration de la preuve, le combat contre le mensonge font pleinement partie de l’« expérience historienne ».

    Essais & débats

    / vérité

    #Essais_&_débats #vérité

    • Elles se rattachent aux sources, au sens le plus large du mot, evidence en anglais, et à la relation que toute source entretient avec la société où elle a été produite. Je ne pense pas seulement aux textes, mais aussi aux images, aux objets, aux traces involontaires. Cette relation pose un problème, alors que ceux qu’on appelle les « positivistes naïfs » l’ont regardée comme étant évidente – ce qui n’est pas le cas. L’offensive néo-sceptique a posé un problème, mais en donnant, à mon avis, des réponses peu intéressantes, fausses, et même (on touche à l’aspect le plus délicat du problème) des réponses qui avaient des implications politiques, morales et intellectuelles troublantes. Ma discussion avec Hayden White a porté sur cela.

      Dans un essai, Hayden White avait écrit qu’il regardait les écrits négationnistes (ceux qui nient la réalité de la Shoah) comme affreux d’un point de vue politique et moral, mais il disait très franchement qu’il n’était pas capable de les repousser, de montrer qu’il s’agissait de faussetés ou de mensonges, parce que cela aurait détruit ses propres présupposés théoriques. J’ai trouvé cela énorme et j’ai essayé de montrer qu’on pouvait très bien démontrer qu’il s’agissait de faussetés et que, en même temps, cela impliquait une attitude subtile à l’égard des sources. Nous savons très bien, après Marc Bloch et Georges Lefebvre, que de faux bruits, de fausses nouvelles, des rumeurs peuvent engendrer une grande histoire, mais il faut savoir lire les sources, et il faut aller au-delà du positivisme naïf.

      Au fond, lorsque j’ai engagé cette bataille pour la notion de vérité sans guillemets, il y avait, de façon explicite, l’idée qu’on ne pouvait pas souscrire à une attitude qui empêchait de dire que les négationnistes étaient des menteurs. Évidemment, il y avait un enjeu plus grand que le simple fait de dire que ces personnages sont des salauds. La question était beaucoup plus importante que cela : la notion même de vérité doit être sauvegardée. Il s’agit d’une vérité humaine, réfutable par définition et parfois réfutée, mais il faut la garder, parce que cela fait partie de nous. Ce n’est pas le « je », c’est l’espèce animale humaine qui parle dans ce contexte. La vérité est au cœur de notre rapport avec la réalité.