• Que peut-on institutionnaliser dans la #langue_française ?

    Le #tome_4 du #Dictionnaire_de_l'Académie française a récemment paru aux éditions Fayard, soldant la 9e édition de l’ouvrage, depuis sa première parution en 1694. L’Académie est-elle une institution apte à préserver la #vitalité de la langue française ? Est-elle un moyen de l’institutionnaliser ?

    Présentant 21 000 nouvelles entrées, ce #dictionnaire est aussi critiqué pour son retard sur les usages de la langue. Ce 4e tome actualise les entrées allant des lettres R à Z. Il solde une édition dont le premier tome a paru en 1992. Un travail sur le temps long, dont certains considèrent qu’il répond davantage à une #valeur_patrimoniale qu’aux usages et besoins quotidiens des francophones. Une édition au long court, qui, pour certains, rend obsolète la définition de certains mots avant que le dictionnaire ne soit soldé.

    Les 321 millions de francophones peuvent se tourner vers d’autres dictionnaires actualisés tous les ans et plus fournis, comme le Robert ou encore le Larousse. Sous quels critères se fabrique un dictionnaire aujourd’hui ? Comment se fabrique et évolue la langue française et ses usages ?

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-du-soir-le-debat/que-peut-on-institutionnaliser-dans-la-langue-francaise-7606600
    #français #langue #institutionnalisation #académie_française
    #audio #podcast

  • Ici commence la mort

    « Quelle connerie la #guerre ». Depuis le poème de Jacques Prévert et même bien avant. Et comme on n’arrête pas le progrès : la connerie devient de plus en plus ignoble. Depuis Gaza nous parviennent des informations effrayantes. Il y a bien entendu d’abord le décompte macabre des dizaines de milliers de morts. Mais la « manière » horrifie toujours un peu plus. D’autant plus quand on sait que l’#écosystème_grenoblois œuvre au développement des #robots_tueurs.

    Le 17 avril, le média Middle East Eye révèle que des « drones israéliens émettent des sons d’enfants qui pleurent dans le camp Al-Nuseirat à Gaza pour cibler et tirer sur les civils recherchant la source de ces appels de détresse. » Comme « preuve » : des témoignages d’habitants du camp et une vidéo tournée de nuit où l’on entend effectivement des pleurs d’enfants, qui ne permet pas de reconnaître les lieux ou d’éventuels drones israéliens. Alors, info ou intox de la part de ce « site d’actualité panarabe basé au Royaume-Uni » ? Impossible de savoir : le média France 24 reprend l’information le 26 avril en affirmant que rien « ne permet d’ailleurs de confirmer ou d’infirmer de manière indépendante si l’armée israélienne a effectivement employé une telle tactique ».

    Ainsi vont les incertitudes d’une guerre impossible à documenter précisément, qui a déjà causé la mort de plus d’une centaine de journalistes. S’il n’est pas possible de savoir si Israël diffuse effectivement des pleurs d’enfants pour faire sortir de leur cachette puis abattre des Gazaouis, force est de constater qu’on ne voit pas quelles raisons – éthiques, techniques ou politiques – empêcheraient Tsahal de le faire.

    Il est par contre prouvé que l’#armée_israélienne fait confiance à l’#intelligence_artificielle pour cibler les Palestiniens à abattre. Les systèmes s’appellent « #Lavender » ou « #Where’s_Daddy » et ils ont été « conçus pour marquer tous les agents présumés des ailes militaires du Hamas et du Jihad islamique palestinien, y compris les moins gradés, comme des cibles potentielles pour les bombardements » (L’Humanité, 4/04/2024).
    37 000 Palestiniens auraient ainsi été « marqués » comme « militants présumés – avec leurs maisons – en vue d’éventuelles #frappes_aériennes ». Ceci sans « vérification approfondie des raisons pour lesquelles la machine avait fait ces choix ni d’examen des données brutes de renseignement sur lesquelles elles étaient basées. (…) Le personnel humain ne faisait souvent qu’entériner les décisions de la machine, ajoutant que, normalement, il ne consacrait personnellement qu’environ “20 secondes” à chaque cible avant d’autoriser un #bombardement – juste pour s’assurer que la #cible marquée par Lavender est bien un homme. »

    Bienvenue dans l’époque des robots tueurs, aboutissement logique des évolutions technologiques. Y a-t-il des logiciels ou des composants réalisés par des entreprises grenobloises dans ces « innovations » du champ de bataille israélo-palestinien ? Ici aussi, impossible de trancher affirmativement ou négativement cette question, notamment à cause de l’opacité entourant la composition des armes militaires. Mais ici aussi, force est de constater qu’on ne voit pas pour quelles raisons – éthiques, techniques ou politiques – certains de nos « fleurons » locaux ne participeraient pas avec entrain à l’élaboration de telles armes. Les différentes révélations sur le commerce de composants servant à faire des armes avec la Russie sous embargo prouve l’absence - ou la très faible présence - de barrières éthiques.

    Le 20 mars dernier, Grenoble a reçu la visite de #Daniel_Halevy-Goetschel, « ministre conseiller aux Affaires politiques intérieures, économiques et scientifiques à l’ambassade d’Israël de Paris » venu inspecter la « dynamique de l’écosystème grenoblois ». Au Daubé (21/03/2024), il confie : « Grenoble est un exemple assez frappant de synergies entre le monde de la #recherche (à l’image du CEA où je me suis rendu), les #entreprises, les #start-up, et les #universités. Cela me rappelle le modèle israélien dont l’écosystème s’est construit ainsi, entre différents acteurs. En cette période qui n’est pas évidente, et des défis sécuritaires qu’elle pose, c’est important de soutenir l’économie d’Israël, et j’espère qu’une nouvelle phase de relations économiques entre l’agglomération grenobloise et Israël va s’ouvrir. »

    Les deux « modèles », israéliens et grenoblois, ont déjà quantité de « relations économiques », rappelées dans le texte « De Grenoble à Tel-Aviv » publié par le groupe Grothendieck sur le site Lundi matin le 1er avril dernier. Entre autres exemples :
    #Vérimag, laboratoire de recherche sur les #logiciels embarqués sur le campus de Saint-Martin-d’Hères, a mené des recherches sur des #drones_de_combat avec le mastodonte israélien de l’#armement #Israël #Aerospaces Industries.
    • Le #CEA_Grenoble a un partenariat structurel avec la start-up #Weebit_Nano, spécialiste du design et de la fabrication de #puces nouvelle génération pour la mémoire RAM.
    • La société meylanaise #Dolphin_Design, rachetée notamment par le marchand de missiles #MBDA, a depuis 2009 une filiale en Israël.
    • La multinationale d’origine grenobloise #STMicro est, selon le directeur de son site israélien #Stephan_Chouchan « l’un des plus grands acteurs du #semi-conducteur en Israël » grâce à quantité de partenariats avec des boîtes ou projets technologiques israéliens (#Mobileye, #Valens, #Cisco, #Mellanox, #Adasky, #Autotalk, #Temi, etc.). Le même explique : « Après avoir ouvert un centre de ventes en 2002 et un centre de #recherche_et_développement en 2012, il nous est apparu logique d’ouvrir un centre d’#innovation en 2018. Nous favorisons donc l’accès à la #technologie, aux centres de recherche et développement, aux unités commerciales, aux manufactures, qui font défaut à la plupart des sociétés israéliennes. Dans le monde du semi-conducteur, cette expertise est d’une grande valeur. Nous jouons en quelque sorte le rôle de “grand frère technologique”, qui rend possibles des projets parfois assez ambitieux du point de vue industriel. »

    À Grenoble, les élites essayent de faire croire que les #innovations_technologiques servent avant tout à la « transition » et occultent leurs applications militaires. En Israël, « pays en guerre perpétuelle » depuis sa création en 1948, les liens primordiaux entre l’innovation technologique et l’armée sont complètement assumés. #Nicolas_Brien, ancien directeur de #France_Digitale, s’en amuse sans complexe (israelvalley.com, 19/04/2023) : « Il existe une blague israélienne qui m’a été rapportée lors de mon dernier voyage : les Américains croient qu’une start-up se crée à trois dans un garage, mais en Israël on sait qu’une start-up se crée à trois dans un garage à l’intérieur du ministère de la Défense. »

    Dans l’isolement de leur labo, de leur obscur projet de recherche, de leurs objectifs annuels, quantité d’ingénieurs grenoblois ne se rendent sans doute pas compte que – directement ou indirectement – ils contribuent à fabriquer des #armes toujours plus inhumaines. Que peut-être un bout de leur savoir-faire a servi à fabriquer un drone diffusant des pleurs d’enfants pour apitoyer des humains et les abattre froidement.

    Bien entendu, il ne s’agit pas ici de cibler spécifiquement Israël. De telles armes seraient utilisées par les Palestiniens, les Russes, les Ukrainiens, les Français, qu’elles seraient tout aussi effroyables.
    Il s’agit juste d’ouvrir les yeux sur les résultats de la fuite en avant technologique, dont l’écosystème grenoblois est un des « cerveaux ». Avec deux options principales : soit assumer le développement exponentiel des robots tueurs, soit œuvrer au démantèlement de ces technologies mortifères.

    https://www.lepostillon.org/Ici-commence-la-mort.html
    #complexe_militaro-industriel #Grenoble

    • De Grenoble à Tel Aviv. L’innovation de défense au fondement de la #start-up_nation

      Tout commence par une visite entre amis. En ce beau mois de mars, Daniel Halevy-Goetschel, ministre, conseiller aux affaires politiques intérieures, économiques et scientifiques à l’ambassade d’Israël était en visite dans les Alpes françaises. Dans Le Dauphiné Libéré, il lâchait le morceau :

      « Grenoble est un exemple frappant de synergies entre le monde de la recherche (à l’image du CEA où je me suis rendu) les entreprises, les start-up, les universités. Cela me rappelle le modèle israélien dont l’écosystème s’est construit ainsi entre différents acteurs. […] Et j’espère qu’une nouvelle phase de relations économiques entre l’agglomération grenobloise et Israël va s’ouvrir » [1]

      [1] Le Daubé,...

      Les synergies grenobloises évoquant le « modèle israélien », il serait utile d’en savoir plus sur celui-ci. Cela tombe bien, Daniel Halevy-Goetschel le détaillait l’an dernier dans le magazine Servir :

      « C’est d’un côté, l’implication des institutions publiques et notamment des armées, du gouvernement, sans oublier les universités et le Technion et l’Institut Weizman, et de l’autre côté, un système des start-up très dynamique avec des entrepreneurs qui prennent des risques et de multiples initiatives. En parallèle, il existe un mode de financement efficace, avec des fonds de capital-risque auquel s’ajoute la participation de grandes entreprises multinationales du domaine tech – environ 400 sociétés, connues mondialement et qui ont pour certaines d’entre elles construit des laboratoires de recherche en Israël, notamment EDF et Renault. » [2]

      [2] « La ’Start-Up nation’, Israël, un modèle à suivre pour...

      Voilà la définition du « modèle israélien » : des liens symbiotiques entre l’armée, le gouvernement, les universités, et des start-ups boostées au capital risque. Les lecteurs de notre livre L’Université désintégrée. La recherche grenobloise au service du complexe militaro-industriel [3]

      [3] Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée. La...
      reconnaîtront en effet là une forme de similarité avec le « modèle grenoblois ». Ainsi, la coopération de la « nation au 7000 start-up et 90 licornes » avec la « Silicon Valley grenobloise » paraît naturelle. Les liens sont symbiotiques entre les deux régions, qui parlent la même langue, celle de l’innovation.

      On sait qu’Israël est le pays comptant le plus de start-up par habitant. On sait aussi que le « modèle grenoblois » est à la source de la politique nationale des « pôles de compétitivité » qui structurent la recherche scientifique française et la coopération public-privé dans ce domaine. Nous nous proposons donc ici de jeter d’abord un œil sur l’économie israélienne et à la place structurante qu’y occupe la Défense, avant d’étudier les organismes principaux de coopération économique franco-israéliens, et de nous attarder quelques instants sur les collaborations spécifiques entre Grenoble et Israël. On verra qu’au coeur même de la notion de « start-up nation » chère à Emmanuel Macron, on trouve l’innovation de défense et la production de mort. Nous en profiterons pour livrer quelques réflexions sur les luttes en cours contre le Moloch.
      Zèbres, guépards et innovation

      « Il existe une blague israélienne qui m’a été rapportée lors de mon dernier voyage : les Américains croient qu’une start-up se crée à trois dans un garage, mais en Israël on sait qu’une start-up se crée à trois dans un garage à l’intérieur du ministère de la Défense »
      Stephane Chouchan, directeur israëlien de STMicroelectronics [4]

      ...

      L’armée et l’industrie de l’armement structurent Israël depuis sa création en 1948. Depuis le début, Israël, avec l’aide des États-Unis, fabrique une bonne part de son armement, sa « base industrielle et technologique de défense » (le terme par lequel on désigne l’ensemble des entreprises du secteur privé travaillant pour la défense) étant maintenant très large et variée.

      « Pays en guerre perpétuelle, l’avance technologique est une réelle question de survie pour Israël : l’armée est au cœur de son écosystème. » [5]

      ...

      Le secteur de l’armement est le premier employeur public du pays. L’industrie technologique représente quant à elle 18% du PIB du pays [6]

      ...
      . En mettant de côté les crédits alloués à Tsahal, plus de 4,5% du PIB est consacré aux dépenses en R&D. Une part non négligeable de l’argent public va donc inévitablement dans l’innovation de défense. N’oublions pas qu’Israël est un pays extrêmement belliqueux depuis sa création et constitua progressivement dans les années 1970 avec l’aide des États-Unis [7]

      [7] Encore en 2012, l’aide militaire américaine à Israël...
      , un complexe scientifico-militaro-industriel très puissant développant une maîtrise hors-pair dans les drones, la surveillance militaire, la cybersécurité, les systèmes anti-missiles et le maintien de l’ordre [8]

      [8] Voir la brochure très complète de Patrice Bouveret...
      . Cette maîtrise adaptée à sa guerre coloniale fait d’Israël un pays compétitif dans l’exportation d’armement (toujours dans le top 10 des ventes d’armes).

      Comment cela fonctionne-t-il ? C’est l’Innovation Authority, sous mandat direct du Premier ministre qui finance aussi bien les start-up que les PME que les grands groupes, pour des projets intéressant en premier chef Tsahal (cyberdéfense, cybersécurité, nanotechnologies, IA, etc), mais aussi des domaines où la tech israélienne à déjà une longueur d’avance permettant de conforter son statut derrière les État-Unis, de « seconde Silicon Valley ».

      « L’écosystème israélien doit énormément à l’intervention publique massive dès les phases d’amorçage. En France, on a mis du temps à le comprendre. Il faut des instruments publics efficaces pour faire germer des start-up » [9]

      ...

      Ces financements sont aussi audacieux et fonctionnent selon le jeux « du zèbre et du guépard : l’État israélien produit en masse des start-up innovantes (les zèbres) qui se font racheter par les géants de la tech, la plupart du temps américain (les guépards). Ainsi les guépards s’implantent en Israël, créent des emplois, injectent des liquidités, confortent l’économie du pays et attirent de nouveaux groupes.

      On sait que cette politique économique axée sur les start-ups avait inspiré Emmanuel Macron dans sa désormais fameuse déclaration de 2017 :

      « I want France to be a start-up nation. A nation that thinks and moves like a start-up. »

      Quand, il transpose à la France ce mot d’ordre de « start-up nation » jusque-là réservé à Israël, Emmanuel Macron choisit de le faire lors du salon Vivatech, lui même calqué sur les grands showroom israéliens comme le salon DLD de Tel Aviv.
      Les liens France-Israël

      Les liens économiques entre la France et Israël sont anciens et nombreux. Ils sont assurés par quatre organismes principaux. Passons-les rapidement en revue.

      La Chambre de commerce et d’industrie France-Israël (CCIIF) est une structure créée en 1957 [10]

      ...
      . Elle laisse progressivement la place à La Chambre de commerce France-Israël (CCFI), et son site promotionnel Israel Valley [11]

      ...
      qui est surtout un relais médiatique en faveur de l’économie israélienne et des coopération avec la France. L’Observatoire de l’armement précise que la Chambre « organise nombre d’évènements dans lesquels il n’est pas rare de voir participer comme intervenants des chercheurs, des responsables français et israéliens, impliqués dans des domaines de cyberdéfense, du spatial et autres secteurs connexes à la défense et à la sécurité » [12]

      [12] Patrice Bouveret, « La coopération militaire et...
      .

      Le Technion France est le relais français du Technion Israel Institute of Technology, une grande université et école d’ingénieurs israélienne, sorte de « MIT du Moyen-Orient ». Le Technion France fait connaître les réalisations et les projets du Technion en France dans les milieux scientifiques, académiques, industriels et économiques. L’institution cherche à développer des partenariats et des coopérations sur des sujets d’intérêt commun comme la e-santé et les nanotechnologies. Il multiplie les coopérations industrielles avec des entreprises françaises comme Véolia, Total, Havas, ou encore Servier, Arkema, SEB Alliance et Alstom. Enfin, le Technion France a mis en place de nombreux partenariats académiques (co-tutelles de thèses, mobilité des étudiants, doubles diplômes…) notamment avec l’École Polytechnique, l’Institut Mines Télécom, Université Paris Dauphine, Centrale Supélec, ou encore l’Université Paris Saclay [13]

      ...
      .

      La French Tech en Israël, déclinaison israélienne depuis 2016 de la French Tech. En Israël, « il s’agit d’un réseau assez actif d’investisseurs et d’entrepreneurs » explique Stéphane Chouchan, « ambassadeur French Tech Israël, Conseiller du commerce extérieur et directeur pays pour Israël de STMicroelectronics » [14]

      [14] « Table ronde 2 – La start-up nation et la French Tech...
      , qui ajoute : « Le réseau fonctionne très bien aux États-Unis et en Israël, mais moins en France. »

      Enfin, le Comité Israël des Conseillers Extérieurs de la France (Comité Israël des CCE), le lobby des sociétés françaises œuvrant en Israël. On trouve dans leur conseil d’administration, les plus importantes de ces entreprises. Ainsi, le vice-président et trésorier du CCE Israël est le directeur de Thales-Israël, un autre est le représentant en Israël de direction générale internationale de Dassault Aviation. Ce dernier « a débuté sa carrière chez Dassault Aviation en 1990 dans le domaine de la guerre électronique puis après un passage à la direction commerciale en 1996 où il a négocié la vente de produits militaires et spatiaux, a été appelé à la direction des achats en 2002 afin de s’occuper de grand compte tel que Thales, puis des partenaires israéliens jusqu’en 2017. » [15]

      ...
      . On retrouve encore Stephane Chouchan :

      « En charge de la filiale du groupe depuis 2007. ST est implanté depuis plus de 18 ans en Israël avec un site de Vente et Marketing, un centre R&D et, depuis 2018, avec le ST-Up Accelerator : un accélérateur de startups hardware late-stage. Parmi les projets réalisés avec des composants ST : Mobileye EyeQ SoC ; Autotalks Craton SoC ; Adasky Ada SoC, des composants de puissance chez SolarEdge, le STM32 pour Strauss/Tami4 ainsi que l’implémentation de capteurs et micro-contrôleurs dans le robot de Temi. » [16]

      ...

      Tous ces structures bi-nationales servent à nourrir des partenariats technoscientifiques dans les domaines qui intéressent les deux régions, c’est-à-dire la plupart du temps dans la nano et microélectroniques, les capteurs, l’internet des objets, les supra-conducteurs ou l’atome. Le CEA-Grenoble et le CNRS font régulièrement des échanges de leur chercheurs avec de grandes universités israéliennes [17]

      [17] Par exemple :...
      permettant de renforcer les liens militaro-civils qui ne date pas d’hier et a permit historiquement à Israël d’avoir la bombe atomique, et dont l’Observatoire des armements note que cette coopération atomique à été relancé en 2010 [18]

      [18] « La coopération militaire et sécuritaire...
      .

      Les liens Grenoble-Israël

      À Grenoble, on peut s’intéresser aux activités de l’un des plus gros instituts de l’université, l’IMAG, centre de recherche en logiciel, IA et internet des objets. En son sein, le laboratoire Verimag, laboratoire de recherche sur les logiciels embarqués, avait retenu en 2020 notre attention pour ses liens étroits avec le complexe français [19]

      [19] Cf Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée, op....
      . Mentionnons par exemple le projet CAPACITES [20]

      ...
      qui réunissait de 2014 à 2017 pratiquement tout le complexe militaro-industriel français (MBDA, ONERA, Safran, Dassault Aviation, Airbus Helicopter, etc) sous la houlette de Verimag et de la start-up de design de puce pour l’armement, la grenobloise Kalray.

      Verimag s’est acoquiné plusieurs fois avec le mastodonte israélien de l’armement Israel Aerospace Industries (IAI) pour des projets des recherches en drones de combat : le projet COMBEST [21]

      ...
      (avec comme partenaire connexe EADS) ; le projet SafeAir II [22]

      ...
      (avec comme partenaire MBDA) ; les projet OMEGA [23]

      ...
      et SPEEDS (avec EADS). Précisons que l’actuel directeur de l’université, Yassine Lakhnech, figure comme chercheur de ces projets en lien avec le conglomérat israélien.

      La start-up israélienne Weebit Nano, spécialiste du design et de la fabrication de puces nouvelle génération pour la mémoire RAM a, elle, un partenariat structurel avec le CEA-Leti. Elle teste dans les salles blanches du CEA ses dernières innovations et utilise du substrat semi-conducteurs préparé par le Leti (notament du FD-SOI).

      On pourrait également citer la société Dolphin Design (ex Dolphin Integration), domiciliée à Meylan. Cette entreprise dessine des puces pour des applications civiles et militaires, notamment du SoC (System-on-Chip). Rachetée conjointement par la société iséroise Soitec et le géant français du missile MDBA, Dolphin Design est bien implantée en Israël depuis la moitié des années 90 [24]

      ...
      . Cette implantation lui permettant de ravir des marchés militaires au Proche-Orient et profiter des réseaux de la tech israélienne. Il est en effet très intéressant pour des sociétés qui font du design de puces et de la création de nouvelles fonctions électroniques de s’implanter en Israël. Non pas tant pour profiter d’un marché déjà bien saturé, mais plutôt pour se servir de son expertise en ce domaine [25]

      [25] Voir...
      .

      On sait que Grenoble est jumelée avec la ville universitaire de Rehovot depuis 1984. Or, à Rehovot on trouve l’Institut Weizmann, une sorte d’équivalent de la branche recherche du CEA [26]

      [26] Nous avons déjà parlé de l’Institut Weizman dans...
      . Le site de la mairie de Grenoble nous explique que ce jumelage est réalisé dans le cadre de coopération de l’Institut Weizmann avec l’Université Joseph Fourier (Grenoble 1) [27]

      ...
      .

      Comme au CEA, les chercheurs et doctorant bénéficient d’un cadre de travail relativement libre leur permettant de « buller » dans leur recherche pointilleuse en physique nucléaire ou biologie de synthèse [28]

      [28] C.f Groupe Grothendieck, Guerre généralisée au vivant...
      . Le directeur de l’institut l’explique à Bruno Lemaire lors de la visite de ce dernier.

      « Ici la recherche scientifique pure et ses futures applications sont deux choses absolument séparées. Les scientifiques étudient ici par curiosité, avec une liberté de pensée complète. Une fois que vous avez trouvé quelqu’un avec du talent, il faut lui donner tous les moyens possibles. » [29]

      ...

      Mais – car il y a toujours un « mais » à chaque fois que l’on parle de liberté dans le technocapitalisme – l’Institut Weizmann, via son bureau de transfert (Navor), touche des royalties sur les découvertes de ses blouses blanches, (comme le CEA dispose aussi de ses bureaux de transfert CEA-Investissement et sa société Supernova Invest [30]

      ...
      ). Ce qui lui a rapporté en 2016... 3,5 milliards de dollars ! [31]

      ...
      La liberté est à ce prix.

      Indiquons que l’institut Weizmann possède en France une fondation destinée à capter les deniers et les cerveaux français et à faire sa pub dans l’Hexagone, Weizmann France [32]

      ...
      . Le président de Weizmann France n’est autre que Maurice Levy, patron de Publicis – donc organisateur du salon des technologies israélienne Vivatech [33]

      ...
      .

      On ne peut pas conclure ce petit état de l’amitié entre les entreprises françaises et israéliennes sans parler du plus gros employeur grenoblois : STMicroelectronics. Écoutons encore une fois l’ambassadeur et blagueur Stéphane Chouchan :

      « STMicroelectronics est un des leaders européens du semi-conducteur, avec un chiffre d’affaires de 8,35 milliards de dollars en 2017 et 120 millions de dollars domestiques en Israël, ce qui fait de STMicroeletronics l’un des plus grands acteurs du semi-conducteur en Israël. […] Nous menons depuis plus de quinze ans des partenariats avec Mobileye ou Valens, mais nous nous sommes également stratégiquement rapprochés de Cisco, Mellanox ou autres. Nous partageons également des projets avec des centres de design. Nous ne sommes en effet pas toujours facilement identifiables. Or les centres de design constituent parfois une aide précieuse dans ce domaine. Nous menons aussi des partenariats avec les universités, comme le Technion ou l’université de Tel-Aviv. [… ] Après avoir ouvert un centre de ventes en 2002 et un centre de recherche et développement en 2012, il nous est apparu logique d’ouvrir un centre d’innovation en 2018. Nous favorisons donc l’accès à la technologie, aux centres de recherche et développement, aux unités commerciales, aux manufactures, qui font défaut à la plupart des sociétés israéliennes. Dans le monde du semi-conducteur, cette expertise est d’une grande valeur. Nous jouons en quelque sorte le rôle de « grand frère technologique », qui rend possible des projets parfois assez ambitieux du point de vue industriel. » [34]

      [34] « Table ronde 2 - La start-up nation et la French tech...

      ST joue en Israël comme son homologue américain Intel Corp., le rôle de guépard, captant les cerveaux et les start-up à forte valeur ajoutée pour nouer des partenariats ou les intégrer au groupe franco-italien.

      Il faut noter aussi que la fonderie israélienne Tower Semiconductor, spécialiste des circuits analogiques et capteurs thermiques a signé un accord avec ST pour s’implanter dans la nouvelle usine de ST d’Agrate en Italie [35]

      ...
      . L’activité de Tower ? Faire des circuits spéciaux notamment pour l’industrie de l’armement :

      « Tower est le fournisseur unique proposant la plus large gamme de technologies pouvant être utilisées par les clients A&D [Aérospatial et Défense] pour les besoins gouvernementaux, militaires et de défense, notamment les ROIC à grande matrice [36]

      [36] Les ROIC sont des micropuces utilisées pour lire les...
      , les imageurs, la photonique sur silicium, le CMOS sur SOI pour les applications RH, les MEMS et les dispositifs à ondes millimétriques, entre autres. » [37]

      ...

      L’entreprise a reçu, sous la marque « Towerjazz », les qualification ITAR (International Trafic in Arms Regulations) pour ses puces 65nm lui permettant de s’ouvrir au marché américain de la Défense. Elle est classée par le DMEA (Defense Microelctroniocs Activity) du
      ministère de la Défense américain (DoD) comme une boîte importante et sûre [38]

      ...
      .

      Puisqu’on parle de STMicroelectronics, il serait malvenu d’oublier sa voisine Soitec et comme elle, spin-off du CEA-Grenoble. Ainsi, les plaquettes SOI utilisées par Tower proviennent de Soitec, qui fournit à Tower des dizaines de milliers de plaquettes RF-SOI 300nm par an [39]

      ...
      .

      Comme Tower, ST a un certain savoir-faire dans les produits spécifiques à destination du militaire. L’entreprise grenobloise est le chef de file du projet militaire européen EXCEED notamment pour le design de « système sur puce » (’system-on-chip’ SoC [40]

      [40] Les SoC sont des circuits intégrés embarqués ayant sur...
      ) avec la technologie développée par Soitec (FD-SOI 28 nm) dans son centre de recherche grenoblois sur le Polygone scientifique. Parmi les partenaires du projet, on trouve ArianeGroup (fabricant du missile atomique M51), Thales, MBDA, Safran Electronics and Defense et l’avionneur italien Leonardo. Le projet durera de 2020 à 2025 avec une enveloppe totale de 12 Millions d’euros dont 1,9 pour ST. Les puces issues du projet sont destinées à équiper, d’après la communication :

      « les capteurs RF et réseaux de traitement du signal, radios flexibles, positionnement et navigation sécurisés, liaisons de données UAV [drone], réseaux militaires, des moteurs de cryptographie flexibles, soldat débarqué, contrôleurs de guidage et de mission critiques » [41]

      ...
      .

      Nos luttes sont matérielles et locales

      En guise de conclusion nous tenons à dire que nous n’avons rien ni contre les Israéliens, ni contre les Palestiniens, ni contre les Juifs, les Arabes, ni contre les Slaves, les Russes, les Ukrainiens, ni contre n’importe quel peuple. Ce que nous combattons, c’est une logique à l’oeuvre et une façon dont notre monde est agencé : le technocapitalisme et sa course en avant mortifère et sanguinaire, aidé dans cette course par les structures étatiques et supra-étatiques. Qu’elles soit « made in France », « made in Israel » ou « made in Ukraine », les technologies continueront à nous tuer en tant qu’humains et en tant qu’êtres vivants. Elles continueront à nous écraser et à nous asservir comme des esclaves.

      Nous ne disons pas que tout se vaut, mais, depuis notre position et avec les idées qui nous portent, nous ne pouvons nous contenter d’accepter benoîtement la guerre de « l’Axe du Bien » face à la « Barbarie ». A l’heure de la fusion intégrale entre le capital et la technologie, il n’y a plus à choisir. Il n’y a rien à regretter de notre monde absurde et sans consistance où la guerre industrielle est devenue une option de gouvernance parmi d’autres, où « tout change pour que rien ne change » dans un confort ouaté de consommateur-citoyen ou sous une maison en ruine. Notre exigence de liberté nous commande d’agir tout de suite et ici-même. La mobilisation totale pour la guerre nous guette, tâchons d’être plus rapide qu’elle avant que nous soyons tous pris dans son piège inextricable.

      Le combat se situe donc bien au-delà des appels patriotiques, nationalistes, ethniques ou communautaires. La seule communauté auxquels nous accordons de l’importance et pour laquelle nous nous battrons sans relâche, c’est la communauté humaine. C’est dans cette optique que nous essayons d’aider nos congénères dans une pure localité de la lutte : solidarité avec nos congénères opprimés et combats sans relâche contre les ingénieurs, scientifiques, technologues et encravatés des instituts mortifères. Car le pouvoir aujourd’hui se situe là : dans la puissance liée à l’argent et à la technologie, liée aux machines, aux usines, aux laboratoires et à leurs directives. Dans cette démarche d’action réelle et endurante, intransigeante et stratégique, nous combattons donc les sbires grenoblois et leur modèle de développement car nous savons que les répercussions – on les vois déjà – dépassent de loin les frontières naturelles de nos montagnes.

      Tout est à faire, les rapports de force se mettent en place pendant que les contradictions profondes réémergent. Tâchons de dépasser les fausses oppositions, précipitons les frictions et poussons les exigences de liberté à l’ensemble de la vie humaine pour qu’enfin, le mouvement de contestation émergeant embrasse dans la négation la totalité des existences.

      Bella matribus detestata.

      https://lundi.am/De-Grenoble-a-Tel-Aviv

    • Guerres & Puces - La dure réalité de la microélectronique en temps de guerre mondialisée

      En pleine montée du bellicisme et de la barbarie au Moyen-Orient et pendant que Poutine et Biden nous refont la Guerre Froide avec notamment une nouvelle menace atomique, il nous faut redire encore et encore en quoi la France participe, avec son « écosystème de la microélectronique » aux guerres, avec ses morts, ses destructions et ses colères légitimes, de part et d’autre du globe.

      « Il existe un lien direct entre semi-conducteurs et puissance militaire [… ]. Bien que la plupart des puces produites aujourd’hui soient utilisées à des fins civiles, les grandes armées du monde sont de plus en plus dépendantes des semi-conducteurs les plus avancés. »

      Chris Miller, auteur de Chip War [1]

      [1] Chris Miller, La guerre des semi-conducteurs. L’enjeux...
      , interview dans Libération, 30 Août 2023.

      Le nerf de la guerre : les puces

      L’Observatoire des armements (OBSARM) vient de publier un compte-rendu à partir de deux rapports de la commission défense du parlement [2]

      ...
       : l’un concernant les exportations françaises d’armes et l’autre, les fameux « biens à double usage » [3]

      ...
      , c’est-à-dire le matériel civil servant à faire la guerre.

      Et la révélation est importante : en 2023 il y a eu une augmentation par six des exportations françaises de biens à double usage vers Israël. En effet le montant passe de 34 millions d’euros en 2022, à 192 millions d’euros en 2023, avec notamment 154 millions en puces (capteurs, lasers, etc).

      On se doute qu’une partie des puces et capteurs sont made in Grenoble, si on se souvient de l’enquête du media en ligne Blast, "Russian Paper [4]

      ...
      ", où il était démontré que les entreprises Lynred et STMircoelectronics utilisaient des intermédiaires israéliens pour acheminer leurs puces en Russie. D’intermédiaires, il est facile d’en faire des clients finaux. Sans compter que ST a des centres de R&D et des bureaux en Israël depuis 20 ans et que ses partenariats et autres acquisitions d’entreprises israéliennes sont nombreuses [5]

      [5] Groupe-Grothendieck, De Grenoble à Tel Aviv, sur...
       :

      « STMicroelectronics est un des leaders européens du semi-conducteur, avec un chiffre d’affaires de 8,35 milliards de dollars en 2017 et 120 millions de dollars domestiques en Israël, ce qui fait de STMicroeletronics l’un des plus grands acteurs du semi-conducteur en Israël [6]

      [6] Stéphane Souchan responsable de la French Tech en...
      . »

      Les guerres 2.0 ont un appétit gargantuesque en puces (contrôleurs, capteurs, processeurs) parce que le matériel jetable, c’est-à-dire les munitions, les missiles et les drones kamikazes en sont truffés. Le plus souvent, même des gros producteurs de puces comme Israël ou la Russie ne peuvent combler cet appétit avec seulement la production interne. Il faut donc rafler les puces partout où il y en a : des machines à laver kazakh [7]

      ...
      aux usines de la vallée grenobloise, tout est bon pour combler l’appétit sans fin de Moloch.

      D’où le fait que les exportations de puces françaises montent en flèche vers Israël et la Russie. Rappelons que pour l’année 2023, il a été découvert sur le champ de bataille ukrainien pour 94 millions d’euros de puces ST, le plus souvent issues de missiles russe [8]

      ...
      ….mais que font les syndicats des usines de Crolles ? Les morts russes et ukrainiens sont-ils plus « légitimes » que les morts palestiniens ? L’internationalisme est-il à géométrie variable ?

      Les embargos servent surtout à calmer les opinions publiques envers les vendeurs d’armes quand le sang éclabousse trop les caméras, mais n’ont jamais été réellement mis en application. Ils n’ont pas un rôle éthique du genre d’embargo qu’avait imposé De Gaulle à Israël en 1967 après l’attaque contre l’Égypte, espérant ainsi temporiser les déjà voraces appétits d’Israël. Les embargos aujourd’hui sont une manière de contraindre l’économie des ennemis à se reconfigurer. Ce qui prend du temps et qui permet de provoquer du mécontentement dans les populations qui ont à subir des coupes budgétaires et des baisses de salaires, et donne des temps de latence dans la production ou l’achat d’armement des assaillants.
      La guerre mondialisée : entre augmentation de la puissance technologique et ré-agencement économique

      Ce que l’on vient de dire précédemment est de la théorie. En pratique, le business l’emporte toujours sur le politique car le business est la vrai politique de notre temps. Enfin… le business couplé à l’accroissement sans limite de puissance, quitte à foutre en l’air des pans entiers du globe, à provoquer la haine de population pour trois générations, et à laisser planer sur la Terre entière des menaces d’holocauste atomique.

      Dans la guerre mondialisée, il n’y a plus cette ancienne rupture économique et sociale des guerres mondiales, où les fronts et frontières étaient bouclés, barricadés, et où la pénurie s’installait. Les échanges mondialisés et supportés par les réseaux virtuels s’accommodent maintenant d’affrontements durs et sanguinaires sur les fronts et frontières par un ré-agencement constant des routes et échanges économiques. Les pôles de puissances économiques maintenant variés et multiples (zone chinoise, zone étasunienne, zone singapourienne, zone indienne, zone turque, zone européenne, zone du golfe persique, etc) font qu’il est facile de changer de fournisseurs, d’acheteurs ou de vendeurs d’une denrée et d’échanger devises et actifs avec d’autres agents économiques.

      Prenons la Russie. Elle a complètement reconfiguré son système bancaire vers la Chine, réorienté ses exportations vers les Brics et dispose d’une diaspora aux quatre coins du monde permettant le transit de puces et autres matériels sensibles par des sociétés écrans singapouriennes, chinoises ou turques. Et vu que la demande en matières premières est bien souvent beaucoup plus forte que l’offre, au fur et à mesure de l’épuisement des ressources et du changement climatique, il est par exemple facile pour la Russie de vendre son excédant de gaz et d’autres matières pétrolifères à qui le veut. Poutine peut même se glorifier d’un peu de croissance et d’une augmentation générale des salaires de 17 % à 19 % [9]

      ...
      . Tournée générale, y’a rien à voir ! En somme, la routine capitaliste dans la guerre mondialisée.

      Israël ou l’Ukraine sont encore bien dépendantes des américains pour leur économie (de guerre il va sans dire !) mais développent toutes deux une forte « économie de la connaissance » liée à leur complexe scientifico-militaro-industriel, comprenez le système des start-up rachetées par des multinationales qui peuvent avoir comme client l’armée.

      Vous êtes haut technocrate d’un pays en guerre et vous voulez des points de croissance, malgré la guerre, les pleurs et le sang ? Injectez massivement de l’argent public dans des structures de recherches (Le Weizman Institute ou le Technion en Israël, CEA et l’AID en France, l’UCU et Polytechnique en Ukraine [10]

      ...
      ), puis concentrez le jus de cerveau de votre recherche publique dans des « incubateurs », enfin garantissez sur deux ou trois ans le revenu de vos nouveaux startuppers ex-chercheurs ou ingénieurs. Trois solutions sont à envisager. 1° Vos petites start-ups meurent car il n’y a pas de marché correspondant, c’est le lot des 3/4 des boîtes ; 2° Au contraire, des débouchés civils ou civilo-miltaires arrivent (investissez dans le drone, les biotechnologies ou l’IA en ce moment !) ; enfin, 3°, le must, c’est de se faire racheter très cher par les « guépards » du coin, c’est-à-dire par les grosses multinationales bien implantées dans les « silicon valley » françaises, israéliennes, russes ou ukrainiennes. C’est pour cette raison que tous les gros industriels français ou américains ont des centres et des bureaux en Israël, le pays au 7000 start-ups et 90 licornes. STMicroelectronics a même un incubateur géant, le ST-Up accelerator créé en 2018 à Jérusalem [11]

      [11] Pour une analyse du « jeu » des guépard, des zèbres...
      .

      Dans tout ce merdier, les industriels de l’armement français et les marchands de puces, notamment Safran [12]

      ...
      , Thales [13]

      ...
      , Nicomatic [14]

      ...
      et STMicroelectronics s’en sortent bien. Ils utilisent des intermédiaires chinois, singapouriens ou turques pour vendre des puces à des États en guerre de « haute intensité [15]

      [15] Il y a dans le monde quelques guerres dites par les...
       ».

      Quant aux « matières fissibles » (uranium enrichi ou déchets nucléaires), elles ne font même pas partie des embargos – et du reste on en parle pas – ce qui permet à la France de garder son train-train nucléariste comme à l’accoutumée (un tiers de notre uranium enrichi est importé des centrifugeuses du géant russe Rosatom ; Framatome (France) continue de construire, notamment en Hongrie, des centrales nucléaires avec Rosatom [16]

      ...
       ; et Orano refile une partie de ses déchets nucléaires à la Russie [17]

      ...
      .)

      Le technocapitalisme est une tuerie sans nom

      Revenons à Israël et aux liens avec la France et reparlons de plates vérités difficiles à entendre. La France exporte en moyenne tous les ans pour 20 millions d’euros d’armes à Israël. C’est juste 0,2 % de ses exportations mondiales pour ce mastodonte de l’armement (la France est deuxième exportateur mondial d’armement en 2023 [18]

      ...
      ). 20 millions, ce sont des broutilles diriez-vous, mais des broutilles qui tuent !

      On ne dira jamais assez qu’il ne faut pas voir tout le temps les quantités d’armes exportées mais plutôt le type (par exemple les boîtiers de détection Thalès classé ML5 « 
      Matériel de conduite de tir et matériel d’alerte et d’avertissement connexe » [19]

      [19] « Guide du classement du matériel de guerre et...
      peuvent avoir de grosse capacité de nuisance quand ils sont installés sur des drones israélien Hermes 900, même si leur coût n’est pas élevé, ni les quantités astronomiques [20]

      ...
      .)

      Sur le champ de bataille israélo-palestinien on peut retrouver l’hélicoptère AS565A Panther d’Airbus (ex-Eurocopter) baptisé « Atalef » [21]

      ...
      , des hommes de Tsahal équipés de fusils d’assaut de la marque PGM Précision [22]

      [22] Voir la brochure « Lyon, capitale européenne du...
      , des drones Watchkeeper WK450 d’une « joint venture » de Thales avec l’entreprise israélienne Elbit System [23]

      [23] « Les liaisons dangereuses de l’industrie française de...
      , ou encore de manière plus anecdotique, l’interception de drones iraniens par des missiles français tirés de bases françaises en Jordanie et en Irak [24]

      ...
      . La France donc, ou tout du moins son « savoir-faire », sont bien présent dans cette guerre d’extermination et ne font qu’amplifier le désastre même si elle se positionne dans le jeu médiatique en État-arbitre, renvoyant dos à dos palestiniens et israéliens.

      Mais ce n’est pas tout, Israël avec son gros Triangle de fer (complexe scientifico-militaro-industriel), exporte largement elle aussi, et les deniers récoltés peuvent retourner illico-presto pour faire la guerre aux palestiniens et maintenant aux libanais. Elle est toujours dans le top 10 des exportateurs d’armement, souvent talonnée par la Corée du Sud, et est leader dans quelques secteurs clé comme le drone, la cyberdéfense, maintenant l’IA militaire :

      « La concurrence israélienne est, quant à elle, très performante sur certains segments de haute technologie (matériels électroniques, drones, systèmes spatiaux, missiles). Les exportations d’armes israéliennes ont doublé en une décennie, en raison des changements de l’environnement stratégique en Europe et de la normalisation des relations diplomatiques avec plusieurs pays arabes. Malgré le conflit découlant de l’attaque du 7 octobre, l’industrie israélienne continue à proposer ses offres à l’export » [25]

      [25] « Rapport au Parlement 2023 sur les exportations...

      Le chiffre d’affaires combiné des trois entreprises israéliennes du Top 100 (Elbit System, IAI et Rafael) a atteint 12,4 milliards de dollars en 2022, soit une augmentation de 6,5 % par rapport à 2021 [26]

      ...
      .

      Les échanges scientifico-techniques avec Israël ne se sont pas arrêtés, le Haut Conseil Franco-Israélien pour la Science et la Technologie (HCST) continue de délivrer des bourses à des chercheurs [27]

      ...
      , pendant que des gros instituts de recherche français nouent des partenariats de plus en plus serrés avec des pôles de recherches israélien. Notamment l’Institut national de recherche en informatique et automatisme (INRIA) qui a signé un accord cadre avec le Technion israélien avec à la clé une enveloppe bipartite de 720 Millions d’euros pour développer l’ordinateur quantique [28]

      ...
      . De plus l’INRIA continue a vouloir envoyer des chercheur en Israël [29]

      ...
      . L’INRIA n’est qu’un exemple, mais les échanges scientifiques franco-israéliens sont fructueux pour les deux « start-up nation » et mériteraient d’être cartographiés et dénoncés.

      La marche forcée scientifico-militaire n’a pas de point de vue « morale », au contraire, plus la guerre avance, plus « l’innovation de Défense », comprenez la mobilisation scientifique pour la guerre sera de mise. Il faut du jus de cerveau concentré et des savoirs-faire spécifiques pour que les drones tuent mieux, que l’IA détecte mieux les cibles et que les missiles soient le plus performant possible pour détruire ! Le technocapitalisme, dont la recherche publique est l’un des rouages [30]

      [30] Fabrice Lamarck, Des treillis dans les labo. La...
      (et le chercheur un pion mais un pion volontaire !), a besoin de ces cerveaux bien enrégimentés pour continuer à tuer et vendre des armes !

      Devant l’atrocité des massacres à Gaza, au Liban mais aussi sur le front russo-ukrainien, ou au Yémen, la neutralité scientifique n’a plus sa place. Continuer tout bonnement son train-train de recherche en IA, en informatique, en microélectronique, en résistance des matériaux, continuer à bosser dans des laboratoires où Thales ou MBDA ont investit et donnent des conseils, être chercheur ou ingénieur chez ST ou Airbus, c’est sûrement avoir du sang sur les mains. Et oui, quand nous sommes « en paix » (paix toute relative), les questions morales échauffent moins les oreilles de nos producteurs de biens ou de savoir parce que les massacres et la guerres existent qu’en potentiel. Effectivement, la France a un potentiel de mort et de destruction quasi-illimité, et cela c’est grâce en grande partie à nos chercheurs et à leur technoscience que nous le devons.

      Cependant, il n’y a pas les mêmes responsabilités entre un trimard faisant les 3-8 en salle blanche et le chef de projet R&D d’une multinationale, qui passe des commandes et comprend à quoi vont servir les puces de son unité de conception. Mais de toute façon, au-delà des parcours individuels, que ces usines et ces instituts de mort ferment, malgré les emplois, malgré la Connaissance, malgré le « Progrès », malgré la manne financière, serait la meilleur des solutions politiques pour mettre fin à la destruction sans concession à laquelle notre génération assiste.

      Quant aux thésards, étudiants, réfusant, celles et ceux qui ne sont pas résignés ou pas encore trop bien installés dans l’ordre technoscientifique commencent à se mobiliser. Il y a des énergies vivantes et en colères qui fomentent en interne. La technocratie en place va avoir du mal à « fixer » et à « canaliser » ce mouvement de fond et tant mieux !
      Conclusion : aux hésitants et refusants, c’est maintenant qu’il faut agir

      Il paraît clair que la France est rentrée tête baissée dans une économie de guerre et qu’elle se prépare à la guerre de « haute intensité ». Les signaux faibles de ce futur engagement sont pléthores (3 milliards pour les hôpitaux militaires, Jeux de rôles militaires avec l’OTAN, obligation pour les industriels de l’armement de faire des stocks, loi sur les ingérences étrangères, bourrage de crane intensif, etc). Encore beaucoup de personnes nient l’évidence et ce même après les multiples prises de parole de Macron, du Ministre des Armées Lecornu et des chefs militaires. Elle y rentrera doucement en guerre, elle y est déjà rentré en faite ! Le fait que la marine française ai intercepté des tirs de missiles houthis en provenance du Yémen le 21 Mars [31]

      ...
      , mais aussi les interceptions de quelques drones et missiles iraniens lors de l’attaque massive du 13 Avril dernier contre Israël [32]

      ...
      , montre qu’elle est déjà sur les théâtres d’opération (opération ASPIDES en mer Rouge, mission Aigle aux frontières Roumanie-Ukraine), prête à dégainer quand papa-OTAN le décidera.

      C’est une spirale montante dont on ne sait où elle mènera et quand elle s’arrêtera… si elle s’arrête un jour !, Et nous sommes bien malgré nous tous prit dedans en tant que producteurs de savoir, producteurs de biens à double-usage, producteurs d’armement mais aussi en tant que soldats et réservistes (objectif de 300 000 hommes au total pour 2030), et enfin en tant que citoyens, c’est-à-dire sujet de l’État nous nous prenons au jeu d’imaginer des stratégies de guerre, de promouvoir la violence (« faut bien se défendre ! ») et vivons torses bombés dans une atmosphère patriotique foncièrement réactionnaire. Les militaires appellent cette dernière « composante » du militarisme français, les « forces morales de la nation », qui devront, en cas de coup dur, être derrière les « premiers de cordée » cette fois habillés tout de kaki, arme à la main pour sauver les valeurs mortifères de la France [33]

      [33] Si vous voulez vous tenir au courant des agissements...
      .

      Les personnes qui soutiennent le calvaire palestinien en ce moment, les anti-militaristes convaincus ou qui viennent de le devenir, les sympathisants des causes anti-impérialistes, anti-colonialistes, les pacifistes, les anarchistes anti-nation, tous commencent à comprendre l’ampleur des forces bellicistes des pays du sommet capitaliste et de comment la France mène sa barque industriellement et militairement là dedans.

      Des groupes en réseaux comme Stop Arming Israël [34]

      ...
      ou le Réseau de surveillance de l’Observatoire des armements [35]

      ...
      , ont compris qu’il était intéressant d’agir localement sur le complexe scientifico-militaro-industriel, dans chaque ville de France, d’Angleterre ou d’Allemagne où ces instituts et multinationales se déploient. Manifestations, piquets devant les usines, jets de faux sang, sabotages, pression sur les pouvoirs publics, discussions dans les laboratoires, affiches de la honte, mobilisations des syndicats des boîtes, enquêtes critiques… un large panel d’actions se met en place un peu partout en France d’un mouvement anti-militariste qui, nous l’espérons, ne s’arrêtera pas au massacre des palestiniens, mais embrassera petit à petit toutes les misères des guerres en cours dont la France trempe salement.

      Principalement répartie en France en trois « pôles de compétitivité de rang mondial » à Grenoble, Paris-Saclay et Bordeaux-Toulouse, le côté « innovation de Défense » (le lien armée-recherche) commence à être aussi dénoncé dans les facs et écoles d’ingénieurs où les entreprises d’armement comme Thales, Airbus et SAFRAN [36]

      [36] Par exemple à Grenoble :...
      sont bien installées et amplifient leurs encrages, proposant cours, bourses pour les étudiants précaires [37]

      ...
      , présences dans les forums étudiants et surtout finançant des recherches grâces aux chaires privées [38]

      [38] Par exemple la chaire « Deepred » à Grenoble créée par...
      . Mais les étudiants et les syndicats commencent à réagir : tribune des chercheurs pour un cessez-le-feu à Gaza [39]

      [39] « Engageons-nous activement pour arrêter immédiatement...
      , occupation de la Sorbonne en mai dernier (86 gardés à vue) [40]

      ...
      , actions multiples contre Thales à Toulouse [41]

      ...
      , AG étudiante luttant contre la présence de Thales à Grenoble… la sauce monte et les directeurs d’universités feront tout pour conserver cette manne financière, quitte à avoir les mains sales et à envoyer la flicaille au moindre débordement, Attal l’a promis ! De toute façon, le Triangle de fer est structurant pour les 3 pôles de compétitivité depuis les années 1950-1960 [42]

      [42] Groupe Grothendieck, L’Université désintégrée. La...
      , alors nous espérons que contester la présence de Thales pourra permettre de dérouler la vieille bobine mortifère d’une recherche publique française qui travaille structurellement pour le capitalisme mortifère… et peut-être permettre une remise en cause de l’ordre technoscientifique et de savoir s’il faut vraiment continuer la recherche scientifique ? [43]

      [43] Voir le collectif Grenoblois FIC la recherche ?...

      https://lundi.am/Guerres-Puces

  • Décomposition absolue à des niveaux élevés
    https://ecologiesocialeetcommunalisme.org/2024/11/16/decomposition-absolue-niveaux-eleves

    Le désastre causé par les inondations provoquées par la « goutte froide » du 29 octobre dernier, en particulier dans la partie sud de l’aire métropolitaine de #Valence, n’a rien de naturel. Dans la genèse et le développement de la plus grande catastrophe de la région, quatre causes non naturelles ont convergé, qui sont étroitement […] L’article Décomposition absolue à des niveaux élevés est apparu en premier sur Atelier d’Écologie Sociale et Communalisme.

    #Articles_d'intérêt_et_liens_divers #Miguel_Amorós

  • Décomposition absolue à des niveaux élevés
    https://ecologiesocialeetcommunalisme.org/2024/11/16/decomposition-absolue-a-des-niveaux-eleves

    Le désastre causé par les inondations provoquées par la « goutte froide » du 29 octobre dernier, en particulier dans la partie sud de l’aire métropolitaine de #Valence, n’a rien de naturel. Dans la genèse et le développement de la plus grande catastrophe de la région, quatre causes non naturelles ont convergé, qui sont étroitement […] L’article Décomposition absolue à des niveaux élevés est apparu en premier sur Atelier d’Écologie Sociale et Communalisme.

    #Articles_d'intérêt_et_liens_divers #Miguel_Amorós

  • Guillaume Kasbarian, notre ministre de la fonction publique à nous, qui se rêve en MAGA sauce Milei (avé la tronçonneuse ?), félicite avec enthousiasme Elon Musk :
    https://x.com/guillaumekasba/status/1856602224719167566

    Congratulations on accepting this great challenge @elonmusk ! I look forward to sharing best practices for dealing with excess bureaucracy, cutting red tape and rethinking public organisations to benefit the efficiency of public employees.
    https://x.com/elonmusk/statu/elonmusk/status/1856502787930050927

  • A few months ago, the conservative party came to power in Valencia, Spain with the support of the far right
    https://todon.eu/@CrimethInc/113468111381750732

    A few months ago, the conservative party came to power in Valencia, Spain with the support of the far right. One of their first acts was to eliminate climate emergency services. At the end of October, flooding exacerbated by climate change killed over 200 people in the region.

    Massive numbers of people mobilized horizontally to respond to the flooding through mutual aid. Despite their ties to the conservative government, far-right groups have tried to hijack popular anger over the state’s failures. This is the classic strategy of fascists and demagogues: create a crisis, then try to capitalize on it.

    We salute the anarchists and anti-fascists in Valencia organizing against the flood, the government, and the far right.

    The sign in the attached images reads “We clear out politicians like we clear our mud”; the logo reads “We clear out fascism like we clear out mud.” The photograph shows Valencia City Hall smeared with mud and graffiti calling the right-wing mayor a murderer.

    Capitalism is the disaster! 🏴

    #valence #valencia

  • #valencia. Testimonianza dalla catastrofe
    https://radioblackout.org/2024/11/valencia-testimonianza-dalla-catastrofe

    A qualche giorno dall’alluvione che ha portato centinaia di morti e migliaia di dispersi e sfollati nella città catalana, abbiamo intervistato un compagno di Endavant (più info qui). Quello che ci ha riportato Aure è una situazione di grande caos e confusione. Di un’area metropolitana dove in pochi minuti sono scomparse tutte le infrastrutture. Parliamo di […]

    #L'informazione_di_Blackout #alluvione #crisi_climatica

  • #valencia: il disastro politico dietro al disastro climatico
    https://radioblackout.org/2024/11/valencia-il-disastro-politico-dietro-al-disastro-climatico

    Dana, il fenomeno climatico comunemente definito come “Goccia fredda”, che settimana scorsa si abbatteva sulla Sardegna causando un morto, nella giornata di giovedì si è abbattuto sulla Spagna, inondando in particolare il sud della Valencia. Il fenomeno climatico, dovuto all’unione di aria polare fredda ad un atmosfera calda ,crea un fenomeno temporalesco autorigenerante, in questo […]

    #L'informazione_di_Blackout #alluvione #cambiamenti_climatici #devastazione_territori #europa #von_der_leyden
    https://cdn.radioblackout.org/wp-content/uploads/2024/11/ValeciaDANA.mp3

  • Le 29 octobre 2024, la région de Valencia (Espagne) subit une catastrophe liée à un « orage en V très peu mobile ».

    The scale of the flooding currently unfolding in Valencia, Spain is unfathomable. This is footage from Chiva, where a jaw-dropping 343 mm of rain was recorded in just 4 hours earlier today, between 4:30 PM and 8:30 PM.

    https://video.twimg.com/amplify_video/1851374950826860544/vid/avc1/1080x1440/8vXiOd9nt1GEa9UX.mp4?tag=16

    (Source : https://x.com/WxNB_/status/1851375012688658443)

    Varios muertos y desaparecidos por la DANA. Zonas como Valencia y Albacete, especialmente afectadas #dana

    https://video.twimg.com/amplify_video/1851418883149750272/vid/avc1/1080x1632/wGzYweShNZ7KH-Ju.mp4?tag=16

    (https://x.com/JesusCintora/status/1851419147667701761)

    • Ce fut d’une extrême violence comme le montrent toutes les vidéos diffusées sur les réseaux sociaux. Et on est dans un réchauffement global d’à peine 1,5 °C. Imaginez la suite ...

      Inondations en Espagne hier : au moins 54 morts.
      Pensez à cette image à chaque fois qu’un journaliste ou qu’un membre du gouvernement se plaint des activistes climat qui bloquent la route...


      (https://x.com/BonPote/status/1851576628280799282)

    • Un article de WP sur la Gran Riada de Valencia en 1957, où l’on nous parle du détournement du Rio Turia pour protéger la ville des conséquences d’un nouveau débordement (le Plan Sud).
      https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Grande_inondation_de_1957_de_Valence

      Évidemment, certains ont sauté sur l’occasion en venant te raconter que « ça s’est déjà vu » et que l’évènement du 29 octobre dernier, c’est pas si dramatique que ça. (Un an de pluie en huit heures de temps et on va dépasser les 100 décès sans compter les « disparus »).

      Quelques explication « après coup » d’un météorologue :
      https://threadreaderapp.com/thread/1851653746570235914.html

      Les pluies extrêmes sur #Valence sont associées à une goutte froide qui s’isole vers Gibraltar.
      Cette dynamique n’est pas créée par le changement climatique (même config pour les épisodes similaires du passé -ex : 1957) mais il en amplifie les conséquences (quantité de pluie)
      1/🧵
      Il est faux/réducteur d’attribuer cet événement a une méditerranée +chaude. C’est l’ensemble des océans +chauds en lien avec une atmosphère +chaude qui explique l’excès de vapeur d’eau dans l’atmosphère, véritable réservoir ++ pour les pluies.
      https://video.twimg.com/tweet_video/GbJfsgPW4AAbnl9.mp4


      2/
      C’est donc l’ensemble de l’environnement planétaire qui devient favorable aux pluies extrêmes, ce qui explique que l’ensemble des régions du monde peut être touché par ces coups météo dopés qui frappent ici ou là. Pas forcement d’augmentation en fréquence mais en intensité !

      3/
      La France n’est en aucun cas a l’abri d’un tel événement qui peut frapper sur tout le pourtour méditerranéen. Diminuer les risques impose de réduire immédiatement nos émissions de gaz a effet de serre et de s’adapter en diminuant autant que possible le ruissellement.

      (https://x.com/cassouman40/status/1851653746570235914)

    • Inondations en Espagne : un arbitrage controversé entre [sans] sécurité du public et [ni] intérêts économiques
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/10/31/en-espagne-un-arbitrage-controverse-entre-securite-du-public-et-interets-eco

      Alors que le bilan des terribles crues qui ont frappé le sud-est espagnol ne cesse de s’alourdir, et a atteint, jeudi 31 octobre, les 158 morts, la question de la responsabilité de l’administration mais aussi des entreprises valenciennes hante l’Espagne. Pourquoi la région n’a-t-elle envoyé l’alerte sur les téléphones portables des habitants qu’à 20 heures, mardi 29 octobre, quand beaucoup de gens se trouvaient déjà pris aux pièges dans leur véhicule ? L’Agence espagnole de météorologie (Aemet) avait pourtant décrété l’alerte maximale le matin, dès la première heure.
      Et pourquoi les entreprises n’ont-elles pas renvoyé les salariés chez eux ? « Je veux envoyer un appel à la responsabilité des entreprises. Elles ont l’obligation de protéger la vie des travailleurs », a rappelé la ministre espagnole du travail, Yolanda Diaz (Sumar, gauche), le 30 octobre, ajoutant en direction des salariés qu’ils « n’ont pas à courir de risques ».

      « Les pertes humaines sont les seules choses irréparables »
      Ceux que la région et les entreprises ont pris témoignent d’un manque de confiance dans les prédictions météorologiques et de sensibilité aux phénomènes atmosphériques extrêmes, ce qui n’est pas nouveau. En septembre 2023, la présidente de la région de Madrid, Isabel Diaz Ayuso (Parti populaire, PP, droite), avait utilisé pour la première fois le protocole ES-Alert, capable d’envoyer un message à tous les téléphones des personnes présentes sur une zone à risques grâce à un système de radiofréquence, à l’occasion d’une « goutte froide » qui devait déverser des pluies « exceptionnelles » sur Madrid, selon l’Aemet. Sa décision de demander aux Madrilènes de ne pas se déplacer, sauf nécessité absolue, fut très controversée.

      #changement_climatique #climat #inondations #catastrophes_climatiques

    • Illustration de l’#incurie des « autorités » de la région de Valencia (article du 30/10) :
      https://www.vilaweb.cat/noticies/people-trapped-in-a-deadly-trap-the-valencian-governments-negligence-has-si


      People trapped in a deadly trap: The Valencian Government’s Negligence Has Significantly Worsened the Consequences of the Floods

      The disappearance of the President of the Generalitat during the crucial hours of the floods highlights a lack of capacity to manage a catastrophe

      The storm that has ravaged the central regions of the Valencian Country, the most populated strip, is by far the most severe in contemporary times. What was initially announced as a “dana” (the new term for “cold drops” that Valencians are so familiar with) has resulted, thus far, in a provisional toll of 62 dead and dozens still missing. People who cannot locate their loved ones and places where rescue teams are unable to enter even twelve, fourteen, or sixteen hours later. And, for now, material damages are incalculable.

      This dana had been announced, publicized, commented upon, written about, drawn, and explained in a way that seemed almost excessive. Authorities had time to prepare, to activate every possible system to prevent harm to the population. Measures to protect people should have gone beyond school or university closures taken by some local councils.

      But something went wrong to produce such a terrifying provisional figure. Today, even though waters are starting to recede and reveal the landscape of devastation, it’s not yet the aftermath. Today is still “the day.” The “day after” will be when we clarify what happened, why it happened, who made which decisions, and who conveyed which messages.

      In this tragedy, which reeks of diesel mixed with mud, of tears and desperation, there is an implacable chronology. There is a series of political decisions that, read in sequence, give a picture of the lightness with which policies were executed, the lack of political weight of those who make and implement them. They reveal a desolate panorama: the irresponsibility and negligence of those managing public administrations—in this case, President Carlos Mazón (PP).

      The Consell, the Valencian government, took office in July of last year. In November, it abolished the Valencian Emergency Unit. This was part of its electoral program, and Vox, its allies, demanded it loudly. They called it a “chiringuito” (a derogatory term meaning “boondoggle”) of former socialist president Ximo Puig. They stated it this way and even tweeted it—a post that resurfaced when the Campanar building caught fire last February: “The Valencian Emergency Unit, the first agency of Ximo Puig dismantled by Carlos Mazón. The first step in the restructuring of the public business sector announced by the Valencian government.”

      The Consell decided it could do without a global emergency management body, thereby removing a layer of protection for the population.

      Eleven o’clock in the morning of Tuesday was a key moment to perceive the solitude of Valencians facing this catastrophe. At eleven, the spokesperson for the Consell, Ruth Merino, was supposed to hold a press conference to explain the Consell’s decisions. At eleven, the Spanish government’s delegate, Pilar Bernabé, was expected to report on the morning’s developments after a very tough night in Safor and Ribera. And at eleven, the President was scheduled to make statements after attending a sectoral event. The statements overlapped.

      Bernabé explained which roads were closed and a few incidents, but little more. Ruth Merino mentioned the number of schools closed and also listed closed roads, adding little more. President Mazón was more expansive in his statements. Expansive and oddly optimistic, despite media coverage that had already been broadcasting special programming on the human tragedies, stories of people unable to reach work, flooded basements, and the swelling Magre River, which originates in Utiel. Yet he said:

      “As for hydrological alerts, the reservoirs are well below capacity. They are absorbing the incoming water without any issues. There is no hydrological alert for any reservoir so far. So, I’d like to emphasize that the rains are particularly affecting the Magre River, but so far, we have no hydrological alert. This is good news at this hour.”

      And he added: “According to the forecast, the storm is moving towards the Serrania de Cuenca, and consequently, by around six in the evening, the intensity is expected to decrease across the rest of the Valencian Community.”

      After these statements, the president continued his agenda, meeting with various people and taking photos that were disseminated through the communication channels of the presidency. He made no further comments on the floods.

      It was half-past eleven when Mazón made these statements. At 11:45, the Emergency Coordination Center issued a special hydrological alert for the riverside towns along the Magre River. “Alert of increased flow in the Magre River with a record of 350 cubic meters per second. Riversides and towns along the Xúquer River up to the mouth in Cullera are warned.”

      If, when the president spoke, he knew that the Magre River was becoming a danger to the population and did not say so, he committed a highly reprehensible act. If he did not know, it was also serious, as it showed he did not know what he was talking about when he said the reservoirs could contain the water that was already spilling over the riverbed. He called for caution, of course, but conveyed a message of calm that bore no relation to what was actually happening.

      A few hours later, at five in the afternoon, the Xúquer Hydrographic Confederation began to release water from the Forata Reservoir in Yátova. Thus, it ceased its regulatory function, and the Magre River surged towards Algemesí, meeting the Xúquer. It devastated everything in its path. The images circulating on social networks left no doubt that this was a catastrophe of unknown dimensions.

      At the same time, the Poio ravine also filled rapidly, flowing towards the Albufera of Valencia. Disbelieving residents and workers in the metropolitan area of Valencia, where it had barely rained all day, found themselves trapped in a deadly trap. They were in cinemas, shopping for furniture, at work. And there they spent the night. Or they died. The president had spoken of calm at half-past ten in the morning, and he had not been seen since.

      He did not appear again until after half-past nine in the evening. And when he did, he communicated nothing—neither information, nor reassurance, nor encouragement, nor any sense that he had control over the situation. Rather, he admitted that they lacked significant information, that rescue teams couldn’t reach certain places, that communications were indeed down, and that they had no confirmation of fatalities. His statement left the population with an extraordinary sense of vulnerability. The President of the Generalitat appeared, in a corridor, before the microphone of public TV À Punt and the Presidency’s microphone, to say that À Punt was the official broadcaster. Thus, incidentally, he muzzled the press, who could only report what the Generalitat said.

      An Empty Statement

      The president’s silence became an unprecedented cry from people trapped, soaked, lost, and terrified. Testimonies began to emerge from people abandoned on highways, in shopping centers, in a funeral home… People calling 112 and getting no answer. People on rooftops watching firefighters pass by because they couldn’t help them.

      In the middle of this wild, dark, windy, and rainy night, President Mazón appeared again. It was past half-past twelve in the morning. He had donned the red vest of emergency services and spoke of fatalities without specifying a number. As he had done with the Campanar fire, he hid in the darkness to deliver bad news. This time he could not provide an estimated number of fatalities, nor could he give precise information on what was happening. Empty words to say that the Spanish government’s Military Emergency Unit was now working. Nothing more.

      Until this morning, when the count stands at 62 dead, for now. Sixty-two lives cut short in an episode of intense, fierce rain. Perhaps the most severe ever seen in the Valencian Country, yet announced, marked, and warned of.

  • « C’était totalement irréel. Superbe intervention de #Nicolas-Framont sublimée par la nullité comique de sa contradictrice. Le décalage est jubilatoire et non sans effet comique. »

    https://video.twimg.com/ext_tw_video/1847225606003367936/pu/vid/avc1/1280x720/m9Cpcn19dxJzcHby.mp4?tag=12


    « pas de bien être dans un travail sous régime capitaliste »
    "Carrément !" (🆘journaliste Choqué😱)
    « Actuellement on est dépossédé de son travail [..] pour la majorité des gens [..] c’est une relation contractuelle et une relation d’exploitation... »

    https://x.com/politicoboyTX/status/1847383066400154079
    #ValeurTravail

  • Une #culture_du_viol à la française

    –-> À l’occasion du procès des viols de Mazan, les livre est mis en accès libre

    Du « troussage de domestique » à la « liberté d’importuner »

    « La culture du viol touche toutes les cultures, tous les pays. Elle présente cependant des particularités bien spécifiques selon le milieu dans lequel elle s’exprime et se développe. En #France, chaque fois que la question des #violences_sexuelles est posée dans le débat public, les mêmes réticences s’expriment. Certains s’élèvent pour dénoncer l’horrible #moralisme_réactionnaire qui voudrait condamner la #liberté_sexuelle si chèrement acquise, nuire à l’identité amoureuse nationale en important le #puritanisme au pays des libertés. Avec un vocable bien choisi et une certaine #hypocrisie, on évoque l’#amour_à_la_française en termes de #galanterie, de #courtoisie ou de #libertinage. On loue nos #traditions, l’attention portée aux femmes et la sophistication de nos jeux de #séduction. Derrière ce charmant #vocabulaire, la réalité est beaucoup moins glamour. »

    Dans cet essai documenté et novateur, l’autrice analyse et définit les violences sexuelles, déboulonne toutes nos #idées_reçues et bat en brèche l’argumentaire #déresponsabilisant les violeurs. Elle insiste sur les spécificités hexagonales du concept de « culture du viol », démythifie le patrimoine littéraire et artistique, et démontre, point par point, qu’il est possible de déconstruire les #stéréotypes_de_genre et d’éduquer les hommes à ne pas violer.

    https://www.editionslibertalia.com/catalogue/hors-collection/une-culture-du-viol-a-la-francaise

    #terminologie #mots #littérature #art #éducation #viols #livre #Valérie_Rey-Robert

    déjà signalé par @biggrizzly ici : https://seenthis.net/messages/1072792

  • Bonjour Colère : #Mazan, la #culture_du_viol (enfin) en #procès

    Les #bons_pères_de_famille d’un côté et les #monstres de l’autre, ça n’existe pas. Pendant dix ans, Dominique Pélicot a drogué, violé et fait violer sa femme, Gisèle, par des dizaines d’hommes. Conviées Au Poste pour Bonjour Colère ce mardi 09 octobre, #Marine_Turchi, enquêtrice à Mediapart, #Valérie_Rey-Robert, autrice de Une culture du viol à la française et Marlène Thomas, qui couvre le procès pour Libé, décryptent pour nous les tenants et les aboutissants d’une affaire qui nous concerne tous.

    À la cour criminelle du Vaucluse, 51 hommes sont sur le banc des accusés. Un procès hors normes, source de réactions dans l’espace public. Gisèle Pélicot a refusé le huis clos. Son souhait : que la honte change de camp. Les témoignages des accusés, les déclarations effarantes de leurs avocat.es, la mise en accusation de Gisèle Pélicot rappellent le traitement infligé aux victimes de violences sexuelles.

    Dans le tchat, une personne interroge les trois spécialistes : « Combien ont plaidé coupable ? ». À l’ouverture de l’audience, « 35 accusés niaient les faits reprochés. Certains ont reconnu la matérialité des faits, mais la plupart nient l’intention de violer », répond Marlène Thomas. Le “#scénario_libertin” est un argument qui revient beaucoup dans leur défense.

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=294&v=4LtR-_gQnx0&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Fw


    https://www.auposte.fr/bonjour-colere-mazan-la-culture-du-viol-enfin-en-proces
    #justice #viols_de_Mazan #contrainte #empoisonnement #viol #soumission_chimique #temesta #anxiolytiques #consentement #contrôle_judiciaire #intentionnalité #fait_divers #violence_systémique #entourage #monsieur_tout_le_monde #perversité #not_all_men #altérisation #stéréotypes #euphémisation #surprise #impunité #exhibitionnisme

    • Le procès Mazan est-il le procès de la culture du viol ?

      Selon un sondage IFOP, 59% des Français considèrent que les accusés de l’affaire Pelicot sont des cas particuliers qu’il ne faut pas confondre avec la majorité des hommes. Les comportements qu’ils ont eu à l’égard de Gisèle Pelicot relèvent-ils du "viol d’opportunité", ou d’une "culture du viol" ?

      Le procès de Mazan nous pousse à reconsidérer l’ancrage des violences sexistes et sexuelles. L’affaire Pélicot est-elle un événement extraordinaire, qui met en lumière des faits isolés commis par des hommes qui ont “saisi l’opportunité” ? Ou sagit-il d’ un procès qui souligne l’ancrage des violences sexistes et sexuelles, perpétrés par des hommes ordinaires imprégnés d’une culture qui les déculpabilisent ?

      Dans le contexte du procès de Mazan ou des révélations de l’Abbé Pierre, des dizaines de manifestations ont eu lieu samedi dernier pour dénoncer la "culture du viol”. Selon les défenseuses et défenseurs de cette théorie de la “culture du viol”, l’affaire Pelicot serait la preuve que la société est imprégnée d’idées reçues qui invisibilisent les violences sexuelles, culpabilisent les victimes et déculpabilisent les coupables, ce qui entraîne une atmosphère d’impunité pour les violeurs. D’autres sont plus réticents face à ce concept, et défendent plutôt l’idée du “viol d’opportunité”, qui survient parce que “l’occasion s’est présentée”.

      https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-du-soir-le-debat/le-proces-mazan-est-il-le-proces-de-la-culture-du-viol-7210186
      #viol_d'opportunité #préméditation #impunité #égocentrisme_légitime

  • #Bernadette_Bensaude-Vincent : « Beaucoup de chercheurs ont envie de tout plaquer ou d’aller vers des actions militantes »

    Devant l’urgence climatique, le milieu de la recherche préfère s’inscrire dans l’#action plutôt que de se cantonner à la publication de ses découvertes dans des revues spécialisées. Le point sur ces évolutions avec Bernadette Bensaude-Vincent, philosophe des sciences, professeure émérite à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, membre des comités d’éthique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

    Pourquoi la posture du scientifique a-t-elle autant évolué ?

    Il y a eu une remise en question du fonctionnement de la recherche scientifique en réaction à son alignement sur le modèle néolibéral, à partir de l’an 2000. Cette année-là, l’adoption de l’agenda de Lisbonne, visant à faire de l’Europe une société fondée sur la connaissance, a entériné la conception d’une science tournée vers des fins de compétition économique et de souveraineté politique. Le changement que nous observons est donc particulièrement prononcé en Europe, notamment en Allemagne et en France, ainsi qu’au Royaume-Uni, mais la réflexion n’en est pas moins générale, dans un monde où les postures scientifiques s’uniformisent dans une compétition globale.

    Le chercheur est-il en train de devenir activiste ?

    Beaucoup de chercheurs ont envie de tout plaquer, ou d’aller vers des actions militantes. Selon moi, le mouvement en cours n’appartient pas au registre de l’activisme, mais à celui de l’action. Dans les universités, nombreux sont celles et ceux qui souhaitent faire évoluer le système de l’intérieur. A l’Inrae, une pétition a circulé pour que la direction ne soit plus confiée à un ingénieur X-Ponts mais à un collectif interne, sur le modèle de l’autogestion. Parmi les jeunes diplômés, beaucoup refusent que leurs futurs travaux de recherche servent une agriculture soumise aux intérêts industriels, et non une agriculture qui se développerait conformément aux questions écologiques. On touche aux valeurs qui sous-tendent la recherche scientifique, et il y a là un désaccord profond avec ce qui a pu être dit et décidé ces vingt dernières années.

    La science a-t-elle des valeurs ?

    La communauté scientifique prend conscience que la science n’est pas neutre, qu’elle est inféodée à des systèmes qui orientent les programmes de recherche. On peut ainsi se demander pourquoi, dans les pays riches, tant d’argent est investi dans l’intelligence artificielle, au motif que celle-ci serait en mesure de résoudre tous nos problèmes, plutôt que dans la lutte contre la pauvreté ou l’élaboration de réponses au changement climatique. L’intelligence artificielle consomme de l’énergie et développe un type de recherche qui n’est pas du tout en prise avec le monde réel. Ce sont bien là des valeurs qui sont en jeu.

    D’où l’idée de neutralité de la science venait-elle ?

    Elle est relativement récente, car, au XIXe siècle, la science était considérée comme fondamentalement bonne, bienfaitrice et pacificatrice. Pendant la première guerre mondiale, l’usage des gaz de combat a provoqué un énorme choc et donné naissance, dans les années 1930, à un mouvement technocritique dénonçant l’alliance de la recherche avec certaines valeurs, comme la compétition économique et le consumérisme. Cette problématique a ressurgi avec Hiroshima.

    La bombe atomique a été le deuxième coup de semonce qui a conduit à mettre en place le concept de recherche duale, consistant à dire que la science est neutre, qu’elle peut servir autant au mal qu’au bien, selon la façon dont on s’en sert. Mais la conviction que la science œuvre au bien commun, qu’elle se situe au-delà des intérêts particuliers, perdure dans le public, si l’on en croit les sondages.

    Comment tout cela a-t-il affecté le travail des chercheurs ?

    On demande aux experts d’être neutres, alors qu’on sait très bien qu’ils ne peuvent pas l’être. C’est tout le paradoxe ! Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en sait quelque chose. Accusé d’être au service de certaines valeurs, il s’est livré à une autocritique et fait maintenant des efforts pour élargir ses sources, en tenant compte des sciences humaines, des savoirs vernaculaires et des savoirs d’expérience, comme ceux des travailleurs sociaux. Résultat, dans son dernier rapport, le GIEC a significativement changé son diagnostic et ses recommandations sur le climat.

    Par ailleurs, tout le monde est d’accord pour dire que la recherche doit réduire son empreinte carbone, et s’orienter vers des pratiques moins compétitives et plus participatives, plus coopératives. Cela vaut en particulier pour les organismes de recherche qui restaient englués dans le postcolonialisme. Mieux aider les pays émergents nécessite de ne plus imposer nos critères occidentaux de développement. Ce raisonnement n’est pas très nouveau, mais il est vraiment en train de s’appliquer concrètement.

    On parle aussi beaucoup de science inclusive…

    La science devient de plus en plus participative, en effet, avec une meilleure prise en compte des retours d’expérience, qui permettent d’éviter certains pièges. Des programmes de recherche interdisciplinaires et participatifs sont en cours, sur la question de l’adaptation au changement climatique, notamment. C’est le cas d’ExposUM, qui développe une approche multidisciplinaire des problèmes de toxicité et de pollution, doublée d’une volonté d’inclusion avec des associations, des malades, des agriculteurs… Ce n’est pas facile à mettre en place, mais c’est financé par les agences de recherche, les collectivités régionales et l’Europe.

    A quoi l’expertise ressemblera-t-elle, demain ?

    Pour pouvoir émettre un avis d’expert, il faut déjà reconnaître les limites des connaissances acquises et pointer les domaines non explorés, savoir déterminer les recherches qu’il faudrait mener pour avoir un avis plus englobant et plus objectif. Cette attitude réflexive et critique peut éloigner du sacro-saint consensus et générer du conflit. Pourquoi pas ? C’est par la confrontation d’avis divergents que la science peut avancer.

    https://www.lemonde.fr/sciences/article/2024/10/03/bernadette-bensaude-vincent-beaucoup-de-chercheurs-ont-envie-de-tout-plaquer
    #recherche #militantisme #posture_scientifique #recherche_scientifique #agenda_de_Lisbonne #activisme #action #ESR #université #neutralité #valeurs #compétition_économique #consumérisme #histoire #bombe_atomique #recherche_duale #paradoxe #GIEC #climat #compétition #coopération #développement #recherche_participative #expertise #connaissances

  • La foire des possibles - A la rencontre d’associations engagées
    https://ricochets.cc/La-foire-des-possibles-A-la-rencontre-d-associations-engagees-7847.html

    Le samedi 5 octobre, une vingtaine d’associations militantes de #Valence organisent une journée commune pour mettre en valeur le #Féminisme, l’écologie, les solidarités sans frontière, l’éducation populaire et tout ce qui nous permet de construire une société plus juste et équitable. Un événement où on se rencontre et on entremêle nos savoirs-faire, nos engagements. Venez découvrir nos activités le temps d’un atelier, autour d’un stand ou d’une exposition, et faire connaissance pour nous (...) #Les_Articles

    / #Ecologie, Féminisme, Valence, #Bourg-lès-Valence, #Luttes_sociales

  • Des fachos pas si fâchés : regarder en face les électeurs RN, La Suite dans les idées
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-suite-dans-les-idees/des-fachos-pas-si-faches-regarder-en-face-les-electeurs-rn-2803588

    On aurait tort de ne pas prendre au sérieux les raisons des électeurs RN. Et pour cela c’est leur imaginaire qu’il convient de mettre à jour, ce à quoi s’emploient le philosophe Michel Feher, comme le graphiste Alexandre Dimos et la photographe Stéphanie Lacombe.

    Avec
    #Michel_Feher Philosophe, co-fondateur de la maison d’édition new-yorkaise "Zone Books".
    Alexandre Dimos Designer graphique et éditeur
    Stéphanie Lacombe Photographe
    Bastien Gallet

    La colère. Voilà la raison souvent, si ce n’est toujours, mise en avant, à droite comme à gauche, pour expliquer, si ce n’est justifier, le vote en faveur du Rassemblement National. Et si c’était un peu court, comme raison, et un peu faux aussi, ainsi que le documentent les quelques enquêtes approfondies de sciences sociales sur le sujet ? Et si, plutôt que d’être des « fâchés pas fachos » pour reprendre l’expression de Jean-Luc Mélenchon, il s’agissait plutôt de « fachos pas si fâchés » ? C’est la thèse du philosophe Michel Feher dans « Producteurs et parasites », un essai important sur « l’imaginaire si désirable des électeurs #RN ». Il est cette semaine l’invité de La Suite dans les Idées

    #livre

    • Producteurs et parasites
      L’imaginaire si désirable du Rassemblement national
      Michel Feher
      https://www.editionsladecouverte.fr/producteurs_et_parasites-9782348084881

      Le RN est rarement crédité d’un vote d’adhésion. Jugeant l’hypothèse trop décourageante, ses détracteurs préfèrent évoquer le désaveu qui frappe ses rivaux, la toxicité de l’espace médiatique ou le délitement des solidarités ouvrières. Producteurs et parasites entreprend au contraire d’examiner la popularité de l’extrême droite à la lumière des satisfactions que sa vision du monde procure à ses électeurs.

      Le parti lepéniste divise la société française en deux classes moralement antinomiques : les producteurs qui n’aspirent qu’à vivre du produit de leurs efforts et les parasites réfractaires à la « valeur travail » mais rompus à l’accaparement des richesses créées par autrui. Les premiers contribuent à la prospérité nationale par leur labeur, leurs investissements et leurs impôts, tandis que les seconds sont tantôt des spéculateurs impliqués dans la circulation transnationale du capital, financier ou culturel, et tantôt des bénéficiaires illégitimes de la redistribution des revenus.

      Ancrée dans la critique des privilèges et des rentes, l’assimilation de la question sociale à un antagonisme entre producteurs et parasites n’a pas toujours été la chasse gardée de l’extrême droite. Sa longue histoire révèle toutefois que le désir d’épuration auquel elle donne naissance passe toujours par une racialisation des catégories réputées parasitaires. Pour résister au RN, il est donc aussi nécessaire de dénoncer son imaginaire que de reconnaître l’attrait qu’il exerce.

      Une vingtaine de pages et la table
      https://www.calameo.com/read/000215022ceb0d2dbdb6a

      l’enquête philosophique de Feher parait compléter utilement les investigations sociologiques de Faury et Coquard

    • Fondée sur la « valeur travail » - lointain rejeton de la théorie classique qui fait du travail le fondement de la valeur - la division de la société en contributeurs méritants et en prédateurs oisifs s’accompagne d’un imaginaire où le progrès social prend la forme de l’épuration.

      [...] la révolution nationale qu’une formation telle que le RN appelle de ses voeux vise (...) à restaurer une communauté saine et productive grâce à l’expulsion des éléments parasitaires infiltrés en son sein.

      [...] Les électeurs lepénistes, relatent les chercheurs qui prennent le temps de les écouter, rapportent volontiers leur choix à la défense d’un droit à disposer des fruits de son travail ; doit auquel les Français seraient majoritairement attachés mais dont les agissements de certaines minorités entraveraient l’exercice. (...)

      Sans doute les personnes interrogés reconnaissent-elles que la superpositions des souches et du mérite n’est pas parfaite - notamment parce que des « Gaulois » se retrouvent aussi bien parmi les assistés qui vivent aux frais de la collectivité que chez les nantis qui « se gavent » aux dépends des autres contribuables. Reste que selon elles, ces exceptions ne sont la que pour confirmer la règle ou, mieux encore, pour attester dune contamination de masse.

      #travail #valeur_travail #parasites #assistés #cassos #division #imaginaire #épuration #producerism #populisme_de_droite

    • Merci pour le lien.
      J’ai écouté il y a quelques jours. Je retrouve bien ce discours chez les « fachos pas si fâchés » de par chez moi. J’habite en centre-ville d’un bled de 2500 habitants à la louche en PACA, et quand tu fais le marché, immanquablement tu tombes sur ce discours, ou plutôt, il y a quelque chose sur lequel je n’arrivais pas à mettre le doigt et qui s’éclaire ici : la f*cking « valeur travail » (travail étant compris dans un sens assez étroit d’ailleurs : le travail intellectuel ah ça non, vade retro !).
      Par ailleurs l’aspect historique développé dans l’émission est aussi édifiant, et là encore met le doigt sur quelques impensés quand à l’utilisation de boucs émissaires dans des champs politiques où on ne les attendait pas mais où on sentait vaguement qu’il y avait quelques trucs qui grattent aux entournures mais sans vraiment creuser (l’exemple de Proudhon se pose là, je ne veux pas dire par là que je suis surpris, juste qu’un cadre sacrément éclairant est posé).
      Bref, depuis vendredi dernier où j’ai écouté l’émission je passe mon temps à envoyer le lien à droite à gauche en mode « mangez-en, c’est bon ! ».

    • Interview sur FPP :

      Cette semaine, on va discuter en plateau avec le philosophe Michel Feher qui vient de publier « Producteurs et parasites, L’imaginaire si désirable du Rassemblement National » où il cherche à comprendre les ressorts de l’attractivité du discours du RN. Il décrypte l’imaginaire puissant et gratifiant pour celles et ceux qui y croient, et explique comment ces idées puisent dans une représentation néolibérale et racisée du monde. Pour résister au RN, il est donc aussi nécessaire de dénoncer son imaginaire que de reconnaître l’attrait qu’il exerce.

      https://spectremedia.org/podcast/producteurs-et-parasites-limaginaire-du-rn-avec-michel-feher/?playing=1959

      #audio #radio #interview #France_Culture #Fréquence_Paris_Plurielle #Les_oreilles_loin_du_front

  • #Valence vendredi 06 septembre à 18h : rassemblement contre le coup de force de Macron
    https://ricochets.cc/Valence-vendredi-06-septembre-a-18h-rassemblement-contre-le-coup-de-force-

    Le Nouveau Front Populaire a gagné les élections législatives. Mascron refuse de reconnaître ce résultat. Le respect du vote est un principe fondamental de la démocratie. Mettons fin à cette dérive autoritaire. Un échange a eu lieu au sein du NFP de la première circonscription de la Drôme pour organiser un rassemblement à Valence.

    Etant donné le nombre d’évènements qui se déroulent à Valence le 7 septembre (manif Palestine, forum des associations, Alternatiba), nous avons décidé que (...) #Les_Articles

    / #Politique,_divers, Valence, Autoritarisme, régime policier, démocrature...

    #Autoritarisme,_régime_policier,_démocrature...

  • « #Care » : comment l’étude du #travail_domestique permet de réécrire l’histoire

    La notion de care s’est imposée dans le langage courant et politique pour qualifier l’ensemble des activités – rémunérées ou non – qui consistent à prendre soin des autres et de leur cadre de vie ; à assurer le « #travail_reproductif » et non seulement « productif ». Cela recouvre notamment les métiers ou pratiques sociales d’#aide_à_la_personne, les secteurs infirmiers ou médicaux, ou encore un grand nombre de tâches dites « domestiques ».

    Les économistes féministes se sont depuis longtemps approprié cette notion pour mettre en valeur des formes de travail exercées par les #femmes et non reconnues socialement et dans les #statistiques économiques, en particulier le #travail_domestique_non_rémunéré. Il ne s’agit pas d’essentialiser des différences entre hommes et femmes mais au contraire de partir du principe que rendre visibles toutes les formes de travail est une étape nécessaire vers l’#égalité, la #reconnaissance_sociale et économique et le partage de ces tâches.

    En outre, alors que les mutations sociales et technologiques du XXe siècle ont diminué le temps de travail consacré au care et les tâches domestiques, il est probable que le vieillissement de la population inverse cette tendance. Il implique en particulier une augmentation de la demande de soin et d’aide à la personne, pratiques qui peuvent être rémunérées ou non, reposant dans ce dernier cas sur des liens familiaux ou amicaux.

    La loi de 2019 sur les congés de proche aidant et les discussions récurrentes sur les pénuries de personnel pour l’aide à domicile montrent combien nos sociétés se préparent – encore trop lentement et difficilement – aux mutations économiques et sociales causées par le vieillissement.

    #Valorisation_monétaire du travail domestique

    Il y a évidemment un débat au sein des économistes quant à l’opportunité de compter le travail de care domestique qui n’apparaît pas dans les statistiques officielles et donc de lui donner une #valeur_monétaire. Outre les difficultés méthodologiques de cette quantification, la question est de savoir si valoriser les pratiques non rémunérées comme un travail salarié ne va pas à l’encontre de l’éthique du care en mettant sur le même plan des formes de travail non équivalentes.

    La réponse que les économistes féministes apportent à cette question est que la construction de statistiques et la valorisation monétaire est aujourd’hui le meilleur moyen de montrer l’ampleur du #travail_féminin et la persistance des inégalités entre femmes et hommes au sein du ménage hétérosexuel (voir le récent résumé de Nancy Folbre présentant ces arguments et la recherche dans ce domaine, dont la première contribution remonte à l’ouvrage de Margaret Reid, Economics of household production, publié en… 1934).

    Depuis #Margaret_Reid, et encore plus depuis la réappropriation du concept de care en économie dans les années 1980 et 1990, notamment par Nancy Folbre, les économistes ont donc tenté de quantifier le travail domestique, dans le passé quasi-essentiellement exercé par les femmes. L’objectif est de voir comment cette comptabilisation change notre vision du #développement_économique, habituellement mesuré par des salaires et le temps de travail masculins, puis par le #produit_intérieur_brut, qui exclut les tâches domestiques.

    Il existe des tentatives actuelles pour inclure les estimations du travail domestique dans le #PIB, mais seule l’histoire économique permet de prendre la mesure du #biais que l’absence de prise en compte du travail féminin dans les statistiques cause à nos représentations du développement économique.

    Dans un article récemment paru dans le Journal of Economic History, « Careworn : The Economic History of Caring Labor » (https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-economic-history/article/careworn-the-economic-history-of-caring-labor/68D8EDEB50DCF2AB012433755741108B), la professeure d’histoire économique Jane Humphries cherche à produire une telle estimation pour l’Angleterre sur très longue période, de 1270 à 1860. Ses précédentes recherches ont déjà révolutionné l’#histoire_économique en montrant comment la prise en compte du travail des enfants, puis la construction de séries de salaire des femmes, changeaient le récit traditionnel de la révolution industrielle du XIXe siècle.

    Humphries commence par rappeler le paradoxe des recherches actuelles d’histoire économique quantitative qui ont entrepris de calculer des séries de PIB, de niveau de vie et de prix depuis le Moyen-Âge (voir notamment les travaux de #Robert_Allen et #Stephen_Broadberry). Le calcul d’évolution des prix repose en effet sur la définition d’un panier de biens représentatif de la consommation de base (viande, lait, céréales etc.). Mais l’essentiel du travail des femmes nécessaire pour transformer ces biens de base en consommation domestique, nécessaire pour soutenir le travail rémunéré de l’homme du foyer, n’est pas pris en compte dans les statistiques de production !

    Soutien au travail de l’homme salarié

    Elle rappelle aussi les nombreuses heures nécessaires pour maintenir l’#hygiène dans un foyer, avant la généralisation de l’eau courante et des sanitaires au XXe siècle. Rassemblant de nombreuses sources d’origine et fréquence différentes sur le temps de travail domestique et sur le #salaire horaire de ce travail lorsqu’il était rémunéré, Humphries tente de calculer la valeur totale du travail domestique qui était nécessaire pour qu’un foyer puisse subsister, permettant à l’homme de s’en absenter pour travailler au-dehors.

    Même ses estimations les plus basses montrent qu’au moins 20 % de la production totale de valeur (ce que nous appelons aujourd’hui PIB) était consacrée aux #tâches_domestiques – et sont donc absentes de nos mesures habituelles Et si ce chiffre n’était pas plus important dans le passé qu’aujourd’hui, c’est que l’autrice valorise le travail féminin au prix du salaire des femmes de l’époque, qui était très inférieur à celui des hommes.

    Notons que l’article ne quantifie que les tâches domestiques liées à la consommation et l’entretien du foyer ; l’autrice souligne qu’elle n’a pas quantifié ce qui touche au « travail reproductif », en particulier la mise au monde et l’allaitement des enfants.

    Mais la professeure d’histoire économique s’intéresse ici davantage à l’évolution du coût et temps du travail domestique – relativement au #travail_salarié – au cours des siècles. Elle remarque en particulier une forte augmentation du travail domestique, et de sa valeur relative, lors de la « révolution industrieuse » du XVIIIe siècle, précédant la « révolution industrielle » du XIXe siècle.

    Regard biaisé sur l’économie

    A la suite des travaux de #Jan_de_Vries, on parle de « #révolution_industrieuse » pour caractériser l’augmentation du temps de travail (en termes de nombre d’heures salariées) causée par la nécessité de maintenir ou accroître le niveau de consommation du ménage. De manière cohérente avec le fait que la révolution industrieuse coïncidait avec une diversification et multiplication des biens de consommation, Humphries montre que le travail domestique nécessaire pour soutenir le travail de l’homme salarié augmentait en même temps que ce dernier.

    Plus les ménages avaient accès à de nouveaux produits (tissus, sucre, viande, thé etc.), plus les femmes devaient travailler pour que les hommes puissent les consommer et en profiter. Pour les femmes mariées, conclut-elle, la « révolution industrieuse » n’a pas coïncidé avec une augmentation du travail salarié mais a pris une forme domestique, obscurcissant ainsi encore plus la contribution des femmes à la #croissance_économique et l’amélioration du niveau de vie.

    Rappelons, comme Humphries elle-même, la fragilité de ces premières estimations qui reposent sur des sources incomplètes et des hypothèses statistiques fortes.

    Toutefois, ce travail a le mérite de mettre à nouveau en lumière combien notre regard sur l’histoire économique est biaisé si nous ne réalisons pas que l’activité économique mesurée au cours du temps (par les statistiques de prix, salaires et production) ne pouvait s’accomplir que parce qu’elle était rendue possible par le travail domestique des femmes. Celui-ci était pourtant invisible dans les statistiques de population ou de production qui devinrent au XIXe siècle un nouveau pilier de la gestion des Etats modernes et de la compréhension de l’économie.

    https://www.alternatives-economiques.fr/eric-monnet/care-letude-travail-domestique-permet-de-reecrire-lhi/00112088
    #rémunération #invisibilisation #économie #économie_féministe #quantification #rémunération #salaire

    • Care Provision and the Boundaries of Production

      Whether or not they provide subjective satisfaction to providers, unpaid services and non-market transfers typically contribute positively to total output, living standards, and the social climate. This essay describes some quantitative dimensions of care provision and reviews their implications for the measurement of economic growth and the explanation of relative earnings, including the gender wage differential. It also calls attention to under-explored aspects of collective conflict over legal rules and public policies that shape the distribution of the net costs of care provision.

      https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/jep.38.1.201

  • Résumé de l’approche de la valeur de Graeber

    L’argent, par exemple, peut être considéré dans des termes marxistes comme la représentation (de l’importance) du travail productif (de la création humaine), aussi bien que comme le moyen par lequel il est mesuré et coordonné socialement ; mais il s’agit aussi d’une représentation qui fait exister la chose même qu’elle représente puisque, après tout, les gens travaillent pour avoir de l’argent. On peut raisonnablement penser que quelque chose du même genre se produit dans d’autres domaines. On pourrait alors soutenir que la valeur est la manière dont nos propres actions s’inscrivent dans l’imagination et que c’est toujours par transfert dans un langage social plus large, ou dans un système de significations, en s’intégrant dans une totalité sociale plus compréhensive. Cela se produit toujours au moyen d’un truchement concret, quel qu’il soit, qui peut être pratiquement tout et n’importe quoi : wanpum, performances oratoires, vaisselle somptueuse, artefacts kula, pyramides égyptiennes - et ces objets, à leur tour (à moins qu’ils ne soient des substances hautement génériques comme l’argent qui représente une pure potentialité), tendent à incorporer dans leur propre structure une espèce de modèle schématique de formes d’actions créatives qui les font exister, mais deviennent aussi des objets de désir qui finissent par motiver les acteurs à accomplir ces actions mêmes. Tout comme le désir d’argent pousse quelqu’un à travailler, le désir pour les signes honorifiques inspire des formes de conduite honorables, le désir de signes d’amour inspire une conduite romantique, et ainsi de suite.

    Possibilités p. 137

    Autrement dit, avec mes propres mots, la valeur est pour Graeber un signe matériel représentant un certain style d’actions, qui motive les personnes à accomplir ces actions. Les individus ne mènent donc pas ces actions pour elles-mêmes, mais pour acquérir ces signes, qui ont une importance parce que autrui leur accorde une importance (en cela, l’important n’est pas tant que le signe ait un support matériel, mais qu’il puisse être rendu public ).

    #Graeber #valeur #argent #anthropologie

    • Et de façon plus développée, dans ce passage :

      En qualifiant une forme de scansion des chefs de « médiation de valeur » [là il parle de la société Kayapo décrite dans les pages précédentes], ne serais-je pas en train de pousser la comparaison avec Marx au-delà de toute raison ? Quel point commun y a-t-il entre une oraison publique et un billet de banque ? Lorsqu’on étudie la question de plus près, on leur trouve de nombreuses propriétés communes. Voici une liste des qualités les plus notables que partagent tous ces « instruments de circulation », dans les mots de Turner :

      1. ils sont des mesures de valeur , car ils servent à marquer un contraste entre des degrés plus ou moins élevés de domination, de beauté, d’honneur, de prestige ou de toute autre qualité particulière valorisée. Cette mesure peut prendre l’une de ces 3 formes possibles :

      a. la présence/absence . Même quand il s’agit de valeurs uniques et incommensurables, la différence existe toujours entre le fait de les posséder (ou d’être identifié à elles) et le fait de ne pas les posséder. Les « beaux noms » Kayapo et les insignes qui leur sont associés, par exemple, ne sont pas ordonnés hiérarchiquement - chacun constitue une valeur en soi -, mais les cérémonies de remise de noms sont toutes organisées autour de la distinction entre « ceux avec la richesse », qui les portent, et « ceux qui n’ont rien », qui ne les portent pas - même si toutes les autres distinctions sociales sont effectivement dissoutes (Turner 1987 p 28).

      b. un classement, similaire à la hiérarchie des types de don établie par Gregory. Les genres de performance Kayapo sont eux aussi ordonnées hiérarchiquement : l’oraison des hommes est généralement considérée comme supérieure au chant des femmes, et la scansion des chefs comme supérieure aux deux autres.

      c. la proportionnalité , comme avec l’argent.

      Dans tous les cas, on mesure en fin de compte l’importance des énergies créatrices (par-dessus tout, dans le cas des Kayapo, celles consacrées à la création d’être humains pleinement socialisés) nécessaires à leur production.

      2. ils sont des médiations de valeur, car ils constituent les moyens concrets et matériels par lesquels cette valeur est réalisée. Autrement dit, il ne suffit pas que les signes de valeur fournissent un moyen d’établir un contraste entre les différents niveaux de valeur ; il est aussi nécessaire qu’il y ait des objets ou des performances matériels. Ces supports ont pour fonction d’actualiser ces valeurs de manière à ce qu’elles soient - au moins potentiellement - perceptibles par un public large (ce public, du point de vue de l’acteur, constitue plus ou moins la « société ») ou traduites en choses qui le sont.

      3. enfin, ces signes en viennent inévitablement à être considérés comme des fins en soi . Les vrais gens ont tendance à ne pas apprécier ces objets comme des « instruments » pour mesurer la valeur ou la transmettre, mais plutôt comme des incarnations de la valeur en soi, voire dans un style fétichiste très classique, comme l’origine même des valeurs (Turner 1979c pp 31-34)

      Ce dernier point est crucial, car il ouvre la voie à la réconciliation entre structure sociale et désir individuel, ce qui est précisément ce qu’une théorie de la valeur était supposée faire.

      La fausse monnaie de nos rêves p 127

    • Pour Marx, c’est sûr, notre imagination est ce qui fait de nous des humains. La production et la révolution constituent donc à ses yeux les deux actes d’humanité par excellence. L’imagination suppose la possibilité d’agir autrement ; aussi, regarder avec imagination le monde tel qu’il existe équivaut à l’examiner de manière critique ; essayer ensuite de faire naître une société que l’on a imaginée, c’est s’engager dans une révolution. Bien-sûr, les changements historiques sont rarement la conséquence de ce genre de prise de conscience : les personnes, la majorité d’entre elles en tout cas, ne cherchent pas délibérément à reproduire leur société ; elles sont simplement en quête de valeur ; c’est ce qui leur permet de transformer avec tant de facilité cette même société. Cela peut toutefois changer en temps de crise : un ordre social peut être principalement considéré comme une arène dans laquelle il est possible de produire et de réaliser certains types de valeur ; à ce titre, on peut les défendre (imaginez que l’une des sociétés dont il est question dans ce chapitre soit incorporée de force dans un Etat moderne), et, à l’inverse, celles et ceux qui pensent que ces types de valeur de correspondent pas à ce qu’elles ou ils recherchent peuvent aussi les contester. Dans toute situation sociale réelle donnée, nombre de ces totalités imaginaires sont à l’œuvre, articulées autour de conception différentes de la valeur. Elles peuvent être fragmentaires, éphémères, n’exister que sous forme de rêves ou de projets à demi réalisés, proclamées d’un air provocant par des sectaires ou des révolutionnaires. Il est tout simplement impossible de prévoir comment elles s’agenceront - ou pas. La seule certitude, c’est qu’elles ne concorderont jamais parfaitement.

      La fausse monnaie de nos rêves , p. 145

      #Marx #valeur

  • François Ruffin : « Il fallait que je coupe la corde avec Jean-Luc Mélenchon pour pouvoir respirer »
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/07/10/francois-ruffin-jean-luc-melenchon-a-la-tele-tous-les-deux-jours-ca-nous-etr

    Réélu de justesse, dimanche 7 juillet, dans la 1re circonscription de la Somme face au Rassemblement national (RN), le député François Ruffin pose un regard critique sur La France insoumise (LFI), la formation politique qu’il a quittée avant le second tour des élections législatives. Appelant à ne pas opposer « la France des bourgs et [celle] des tours », il accuse son ancien parti d’avoir sciemment abandonné les campagnes populaires et les terres ouvrières, pour se concentrer uniquement sur la jeunesse et les quartiers.

    Le monsieur continue sa mue Vallsiste.

    #paywall :-)

    • Dans son interview au Monde, Ruffin dit que son livre d’interpellation « je vous écris du front de la Somme » n’a suscité aucune réaction ni débat. Or, je l’avais lu et j’en avais pointé dans cet article les limites très lourdes : https://seenthis.net/messages/974803

      2/Dans ce livre, Ruffin observe par exemple des discours omniprésents comme celui sur l’assistanat. Mais plutôt que de le contrer il propose d’aller dans son sens en modifiant notre protection sociale pour rassurer ces préjugés. C’est une grosse erreur stratégique.

      3/Il évacue par ailleurs la question du racisme d’un revers de la main avec une légèreté assez désarmante, montrant avec désinvolture qu’il ne s’intéresse pas au sujet. Son seul argument « on me parle pas de ça ». Si j’étais racisé ce n’est à Ruffin que je parlerais c’est sûr.

      4/Ruffin accuse la FI de ne pas s’être remise en cause mais lui même fait du sur place : son approche de la « France des bourgs » est caricaturale et prétexte à justifier des renoncements sur le programme social et économique, tout en refusant de combattre le racisme.

      5/Heureusement Ruffin n’a pas le monopole de la France des campagnes. Moi j’écris depuis le front de la Charente où l’on a échappé au RN à quelques dizaines de voix près et mon approche diffère sensiblement de la sienne : je ne pense pas qu’être la gauche complexée nous aidera.

      6/Je m’explique : s’il faut évidemment adapter son style, façon de parler et être bien intégré dans les milieux que l’on peut rallier à sa cause, tout le monde aime, en particulier dans les petites villes et les campagnes, les gens intègres et entiers.

      7/Je peux être respecté et entendu dans des milieux ruraux tout en conservant mes convictions : c’est souvent bien apprécié. Au contraire les gens qui tiennent un double discours, brossent dans le sens du poil, tiennent des propos différents selon le quartier où ils sont etc...

      8/ eux sont considérés comme des politicards pas fiables du tout et indignes de confiance.
      Etre de gauche décomplexée ce n’est pas rester dans son safe space social (entre soi) et parler sa propre langue. C’est aller vers les autres mais en assumant pleinement ses convictions.

      9/C’est possible de parler de sexisme à des syndicalistes de plus de 50 ans, ça marche (je le fais depuis 5 ans), c’est possible de parler de racisme au milieu de petits commerçants. Il suffit d’être clair, tranquille et de ne pas avoir la gauche honteuse comme Ruffin l’a, hélas.

      10/ NB : chier sur ses anciens amis et camarades quand ils sont attaqués de toute part ce n’est pas un comportement très valorisé dans notre monde rural où la loyauté et l’amitié jouent un grand rôle face à l’adversité du monde du travail et des institutions hostiles

      https://x.com/NicolasFramont/status/1810930234243350948

    • « Car c’est bien cette éthique méritocratique du travail qui ancre l’adhésion de certains milieux populaires au mythe de l’assistanat et son revers : un chauvinisme de classe raciste sur lequel prospère le RN et sa proposition de sacrifier les étrangers pour gagner une part du 🎂 »

      son déni continu du fondement raciste du vote RN, et l’incapacité d’analyser les réalités hétérogènes du salariat.

      https://threadreaderapp.com/thread/1810991132609835303.html

    • Frustration enfonce le clou :
      https://www.frustrationmagazine.fr/ruffin-strategie

      (...)

      Il s’agit d’un cas typique de “”dogwhistle”, c’est-à-dire d’envoyer des signaux à l’extrême droite sans le dire explicitement, pour tenter de les convaincre sur un malentendu. Le constat est violent : Ruffin est prêt à épouser la rhétorique d’extrême droite et la rhétorique pro-israélienne pour nuire à la France Insoumise si cela lui permet d’être élu.

      (...)

      On ne cesse de le dire : ce n’est pas sa déloyauté envers JLM, dont tout le monde se contrefout. Ce qui pose problème, ce sont ses sorties reprenant des thèmes d’extrême-droite, sans en avoir l’air.

    • La première chose qui choque dans le soudain retournement de François Ruffin est le timing. Et les calendriers disent quelque chose en politique.

      La droite et l’extrême droite ont construit depuis des mois un narratif où le danger en France serait “l’extrême gauche” incarnée par Jean-Luc Mélenchon, et que ce danger surpasserait celui de l’extrême droite. Il faudrait donc “faire barrage” à la gauche, peu importe avec qui.
      L’électorat de gauche et même une partie de l’électorat centriste n’a pas suivi ce discours et c’est ce qui a permis la défaite du Rassemblement National.

      On voit le premier problème. Jean-Luc Mélenchon n’est pas au pouvoir. C’est Emmanuel Macron : c’est lui qui martyrise les Français depuis près d’une décennie (si l’on compte, et on doit le faire, ses années Hollande). Emmanuel Macron avec qui, cela a été documenté et ce malgré une opposition frontale de façade, François Ruffin est en réalité en excellents termes :

      Les deux avaient mis en scène un faux affrontement lors d’un reportage sur le dos des ouvriers il y a quelques années se mettant d’accord à l’avance sur la scène à jouer.
      Dans la circonscription de François Ruffin, Emmanuel Macron a personnellement appelé la candidate macroniste pour qu’elle se désiste et soutienne François Ruffin
      Le père d’Emmanuel Macron a dans la presse expliqué toute l’affection qu’il porte à François Ruffin. Pour sûr, ces marques de tendresse ne seraient pas les mêmes si François Ruffin était perçu comme une menace radicale pour Macron.

      Ensuite, Jean-Luc Mélenchon risquait-il d’arriver au pouvoir ? Non. Bardella et le RN oui. (...)

      (...) Une errance stratégique

      On le voit la stratégie de Ruffin mélange deux tendances à gauche :

      Etre discret ou faire taire l’antiracisme et la lutte pour les droits LGBT pour épouser ce qu’on s’imagine être “un bon sens populaire” chez les ouvriers blancs (alors que ceux-ci sont en réalité divers).
      Rassurer la bourgeoisie, faire des compromis avec la classe politique dominante, défendre un programme social-libéral c’est-à-dire quelques petites avancées sociales contre d’autres mesures libérales en faveur du petit et moyen patronat. Il est significatif également que François Ruffin qui s’est fait connaître pour ses positions protectionnistes, n’en parle quasiment plus.
      Rassurer la bourgeoisie cela passe aussi par taper avec la meute sur Jean-Luc Mélenchon qui effraie l’électorat centriste.

      Certains pensent que l’efficacité doit primer, qu’il faut mentir en campagne pour accéder au pouvoir puis appliquer un programme de rupture. Ce serait en réalité la stratégie de François Ruffin. Cette thèse ne tient pas compte des rapports de force et des dynamiques politiques de fond, ni de ce qui transparaît de la pensée politique de François Ruffin.
      Mais admettons cette hypothèse farfelue : Ruffin serait un Hollande inversé, cherchant à arriver au pouvoir en rassurant la bourgeoisie et sans froisser les racistes, afin de “trahir” pour appliquer in fine une politique résolument de gauche. Est-ce que cette stratégie est efficace ?

      Nous avons une réponse grâce au rousselisme, dans lequel Ruffin inscrit ses pas. Roussel, secrétaire général du Parti Communiste et candidat à l’élection présidentielle 2022, a bénéficié d’une énorme aura médiatique, construite sur la détestation de Jean-Luc Mélenchon. Roussel s’est attiré les sympathies de la droite, celle-ci le voyant comme le retour d’une gauche anti-immigrés, anti-bobos, anti-assistés, pro-police etc.
      Les militants communistes ont naïvement pensé que cette popularité à droite, cet enthousiasme médiatique, traduisait une popularité réelle dans la population.
      Mais le constat a été sans appel : si Roussel a réussi à s’attirer les affinités de la classe dominante, car celui-ci a été instrumentalisé contre la France Insoumise, il ne s’en est pas attiré les votes. Ni les bourgeois, ni les classes populaires blanches ne l’ont plébiscité.
      Les échecs cuisants se sont succédés (sans que cela ne remette en question son culot à donner des leçons stratégiques) :

      Roussel a fait 2,3% aux élections présidentielles de 2022, un des pires scores jamais faits par un candidat communiste à cette élection.
      Son poulain Léon Deffontaines (passant son temps à attaquer la France Insoumise sous les mêmes angles que François Ruffin) a fait 2,5% aux européennes : le Parti Communiste n’enverra donc aucun élu au Parlement Européen.
      Léon Deffontaines et Fabien Roussel ont tous deux été éliminés dès le premier tour des élections législatives 2024.

      Bref le résultat n’est pas glorieux, et en épousant exactement la même rhétorique et stratégie, on peut prédire le même destin à Ruffin qui s’imagine pouvoir renverser des tendances politiques de fond juste grâce à sa gouaille, ce qui est aussi égocentrique que farfelu. En l’état, le destin de Ruffin, qui se prépare à la présidentielle, aurait pu être le même que Hamon, Roussel etc : prendre les voix de la gauche libérale (Cazeneuve, Glucksmann), une partie de celle de LFI, pour faire entre 5 et 8% et empêcher l’accession d’un candidat de gauche au second tour. Mais pour cela il aurait dû conquérir le soutien du Parti Socialiste, ce qui n’a plus rien de certain. Celui-ci, revigoré, n’a plus besoin de lui et peut faire émerger ses propres figures. Politiquement, François Ruffin sort donc affaibli de la séquence, obligé d’envisager de créer un groupe parlementaire avec les très minoritaires communistes et dissidents insoumis.

      Par ailleurs, la victoire de l’antifasciste Raphaël Arnault dans une circonscription qu’il a reprise au Rassemblement National, montre qu’on peut gagner, y compris dans des zones acquises à l’extrême droite, sans renoncer à tout discours antiraciste.

      Un problème politique de fond : la division artificielle des classes populaires

      Peu après sa réélection, François Ruffin a tenté de justifier politiquement et théoriquement sa rupture avec la France Insoumise. Mais celui-ci l’a fait sous un angle qui pose des questions de fond.

      Il a notamment déclaré : “Perdre les ouvriers, ce n’est pas seulement perdre les électeurs, pour la gauche, c’est perdre son âme”.
      Cette phrase s’inscrit dans une rhétorique générale de la droite qui est que la France Insoumise aurait délaissé “les ouvriers” au profit “des banlieues” ou “des musulmans”. Il faut malheureusement le dire : il s’agit là d’un imaginaire raciste qui ne considère comme ouvriers que les ouvriers blancs… Car dans les “banlieues”, dans le 93, il y a bien des ouvriers, des employés, fussent-ils arabes ou noirs, fussent-ils musulmans.

      La deuxième question qui est posée par cette phrase est aussi issue d’un sous entendu. Mais que fait donc la gauche pour “perdre les ouvriers” ? Celle-ci propose l’augmentation du smic, le blocage des prix, le RIC, le rétablissement de l’impôt sur la fortune, la baisse de l’âge de départ à la retraite… Autant de mesures qui bénéficieraient très concrètement à la classe ouvrière. On le comprend en filigrane : François Ruffin est inquiet que la gauche perde non pas “les ouvriers” mais une partie des ouvriers blancs à cause du discours antiraciste.

      Ce faisant, il fait une double erreur. Tout d’abord il y a toujours eu des ouvriers de droite. Il y en a plus qu’avant et ceux-là passent à l’extrême droite. Mais il y a aussi toujours beaucoup d’ouvriers de gauche – Mélenchon a convaincu 27% des ouvriers qui votent en 2022 – et beaucoup d’ouvriers qui refusent de se positionner politiquement (et s’abstiennent). Or le rôle d’une gauche de rupture n’est pas d’épouser les idéologies à l’œuvre dans les classes populaires (par nature diverses) mais de recréer de la conscience de classe. Pour être clair : on ne flatte pas les affects réactionnaires par peur d’être minoritaire. Si la gauche gagne parce qu’elle se droitise, alors elle n’est plus la gauche.

      C’est également ce qu’explique Nicolas Framont, rédacteur en chef de Frustration Magazine, réagissant à la dernière interview de François Ruffin au Monde – ce dernier appelant à discuter ses thèses, ce à quoi nous nous attelons donc : dans son livre Je vous écris du Front de la Somme “ Ruffin observe par exemple des discours omniprésents comme celui sur l’assistanat. Mais plutôt que de le contrer, il propose d’aller dans son sens en modifiant notre protection sociale pour rassurer ces préjugés. C’est une grosse erreur stratégique. (…) Ruffin accuse la FI de ne pas s’être remise en cause mais lui même fait du sur place : son approche de la « France des bourgs » est caricaturale et prétexte à justifier des renoncements sur le programme social et économique, tout en refusant de combattre le racisme. Heureusement Ruffin n’a pas le monopole de la France des campagnes. Moi j’écris depuis le front de la Charente où l’on a échappé au RN à quelques dizaines de voix près et mon approche diffère sensiblement de la sienne : je ne pense pas qu’être la gauche complexée nous aidera. Je m’explique : s’il faut évidemment adapter son style, façon de parler et être bien intégré dans les milieux que l’on peut rallier à sa cause, tout le monde aime, en particulier dans les petites villes et les campagnes, les gens intègres et entiers. Je peux être respecté et entendu dans des milieux ruraux tout en conservant mes convictions : c’est souvent bien apprécié. Au contraire, les gens qui tiennent un double discours, brossent dans le sens du poil, tiennent des propos différents selon le quartier où ils sont etc. eux sont considérés comme des politicards pas fiables du tout et indignes de confiance. Être de gauche décomplexée ce n’est pas rester dans son safe space social (entre soi) et parler sa propre langue. C’est aller vers les autres mais en assumant pleinement ses convictions. C’est possible de parler de sexisme à des syndicalistes de plus de 50 ans, ça marche (je le fais depuis 5 ans), c’est possible de parler de racisme au milieu de petits commerçants. Il suffit d’être clair, tranquille et de ne pas avoir la gauche honteuse comme Ruffin l’a, hélas .”

      On reproche beaucoup à Jean-Luc Mélenchon sa mégalomanie. Les considérations psychologiques et égotiques de tel ou tel politicien ne nous intéressent pas beaucoup à Frustration : là n’est jamais l’essentiel. À tort ou à raison, Jean-Luc Mélenchon et la France Insoumise incarnent une gauche de rupture, de luttes de classes, antiraciste, et c’est à ce titre qu’ils sont attaqués. Il est toutefois parlant que cet axe – celui de l’égotisme – ne soit pas développé contre François Ruffin, pourtant pas le dernier pour se mettre en scène chaque fois qu’il le peut. Le film qui l’a rendu célèbre, Merci Patron, est d’ailleurs entièrement tourné autour de lui-même, héros des classes populaires. Ici l’égo-trip devient un problème politique pour notre camp social quand Ruffin prend le moment d’une possible victoire de l’extrême droite pour régler ses comptes personnels et la voit comme une opportunité pour sa carrière politique, pour se positionner pour 2027 en tentant de nuire à ceux qu’ils considèrent comme des concurrents en pleine campagne réactionnaire. Le problème est d’autant plus profond quand celui-ci s’aligne politiquement sur la critique de droite de l’anti-racisme, divise artificiellement les classes populaires, et met en scène son alliance et son affinité avec toutes les forces politiques à l’origine du macronisme.

      ROB GRAMS

    • Ludivine Bantigny :

      Je ne suis pas à #LFI mais m’en suis rapprochée surtout dans les luttes, tant depuis des années elle est en soutien aux travailleuses et travailleurs partout où c’est possible. L’accusation selon laquelle elle aurait abandonné le monde du travail est insensée. Fil à ce sujet 🧵

      https://threadreaderapp.com/thread/1811503094032982443.html
      https://x.com/LBantigny/status/1811503094032982443

      « C’est la preuve que le discours réel ce n’est pas ’’la FI ne parle plus aux ouvriers’’ mais ’’la FI ne parle pas aux ouvriers comme j’aimerais qu’on leur parle’’ »

  • #Gaza subit bombardements et déplacements massifs alors qu’Israël a annoncé la phase III de la guerre
    https://www.rfi.fr/fr/moyen-orient/20240702-gaza-subit-bombardements-et-d%C3%A9placements-massifs-alors-qu-isra%C3%

    L’armée continue à bombarder mardi 2 juillet la bande de Gaza, notamment le sud du territoire palestinien, et a émis de nouveaux ordres d’évacuation. L’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) estime à 250 000 le nombre de personnes concernées.

    […]

    La coordinatrice humanitaire de l’ONU pour le territoire Sigrid Kaag s’est dite mardi « vivement préoccupée » par les nouveaux ordres d’évacuation émis par l’armée israélienne. « Plus d’un million de personnes sont une fois encore à nouveau déplacées, en quête d’un abri et de sécurité, (ce qui porte) à 1,9 million le nombre de personnes déplacées à travers Gaza », a déclaré Mme Kaag au siège de l’ONU.

    « C’est une malédiction. Un exode sans fin », raconte Hadja Fatma à notre correspondant à Jérusalem, Sami Boukhelifa. Elle fait partie de ceux qui fuient par milliers, à pied ou entassés à l’arrière de camions, épuisés, éreintés par des mois de guerre. Une population démunie, condamnée à errer dans un territoire assiégé. « Ce n’est pas une vie, poursuit-elle. Cette guerre nous prive de sommeil, d’eau et de nourriture. On doit tout le temps fuir, on est comme des nomades, sauf qu’on a nulle part où trouver refuge. Nous vivons une succession de déplacements forcés. »

    Alors que les Palestiniens démontent les tentes de fortune, emportent les matelas et les couvertures, les chasseurs bombardiers israéliens traversent les ciels pour atteindre leurs cibles : Rafah et Khan Younès dans le Sud.

    Le nord de la bande de Gaza n’est pas non plus épargné. Choujaïya. Jabaliya, c’est là que vit Hafez : « Ici la souffrance est notre lot quotidien. Je n’arrive pas à trouver de la nourriture pour mes enfants, et cela me fait mal à l’âme. Il nous reste quelques conserves de pois chiches, nous les donnons aux enfants comme si c’étaient des médicaments, quelques grains à chaque repas. Le monde entier voit ce qu’il se passe ici et pourtant, on se sent bien seuls ».

    « Je ne sais pas quelles #valeurs, quels principes régissent ce monde. Je ne sais pas, au nom de quelle idéologie ou religion cette souffrance nous est infligée. Gaza est un cimetière peuplé d’orphelins et de mutilés », conclut le père de famille.

    #génocide