Geneviève Fraisse est philosophe et spécialiste du féminisme. Pour BibliObs, elle analyse le mouvement #metoo et la désormais célèbre tribune sur "le droit d’importuner". En invoquant un féministe qu’on n’attendait pas : l’auteur des "Liaisons dangereuses".
Au moins, c’est direct. « Venez apprendre comment, nées compagnes de l’homme, vous êtes devenues son esclave ; comment, tombées dans cet état abject, vous êtes parvenues à vous y plaire, à le regarder comme votre état naturel. »
Mais quelle militante hystérique du deuxième sexe a le culot de répondre ainsi à la tribune récemment cosignée par Catherine Deneuve et Catherine Millet, où cent femmes ont réclamé « le droit à être importunées » par des hommes ? C’est l’auteur des « Liaisons dangereuses ».
Ces lignes, on les trouve en effet au début d’un petit livre de Choderlos de Laclos, intitulé « De l’Education des femmes », qui vient d’être réédité aux Equateurs avec une préface de la philosophe Geneviève Fraisse, spécialiste du féminisme. Voilà qui méritait bien un entretien fouillé sur les débats et polémiques en cours.
BibliObs. La désormais célèbre tribune défendant le « droit à être importunée » a fait couler beaucoup d’encre...
Geneviève Fraisse. Ce qui s’est passé cet automne, avec l’affaire Weinstein et #Metoo, c’est un événement au sens historique du terme, un événement avec un E majuscule. Ce qui me désole le plus dans cette tribune, c’est de constater à quel point ses signataires sont hors de ce temps-là, peu curieuses finalement de ce qui est en train de se jouer sous nos yeux. Mais qu’on ne s’y trompe pas : les arguments que les signataires utilisent datent des lendemains de la Révolution française, du début de l’ère démocratique... La contradiction entre libertinage et droit des femmes est un lieu commun, encore aujourd’hui. C’est donc une ritournelle philosophique, un marronnier idéologique.