• Série « #Nairobi en bande dessinée » : la #ville, les frontières urbaines et l’injustice spatiale (billet introductif)
    https://labojrsd.hypotheses.org/2944

    La bande dessinée au service de l’enseignement de la #géographie, la géographie au service de l’enseignement de l’histoire des Arts Réflexion autour de la bande dessinée de reportage : Patrick #Chappatte, 2010, La vie des...

    #La_BD_en_classe #Afrique #BD_de_reportage #Enseignement #Enseignement_dans_le_secondaire #Enseignement_et_BD #enseigner_avec_la_BD #enseigner_la_géographie #géographie_de_l'imaginaire #géographie_des_transports #géographie_en_4e #géographie_urbaine #habiter #Habiter_l'espace #Kenya #Patrick_Chappatte #Série_Nairobi_en_BD #transports #ville_africaine #Villes_et_Bandes_dessinées

  • Série « #Nairobi en bande dessinée » : l’étalement urbain et les mobilités éprouvantes (2e billet)
    https://labojrsd.hypotheses.org/2952

    Second billet de la série « Nairobi en bande dessinée » autour de l’utilisation de la bande dessinée de reportage La vie des autres à Nairobi de Patrick #Chappatte dans le cadre d’une étude de cas menée...

    #Billets #La_BD_en_classe #Afrique #BD_de_reportage #Enseignement #Enseignement_dans_le_secondaire #Enseignement_et_BD #enseigner_avec_la_BD #enseigner_la_géographie #géographie #géographie_de_l'imaginaire #géographie_des_transports #géographie_en_4e #géographie_urbaine #habiter #Habiter_l'espace #Kenya #Patrick_Chappatte #Série_Nairobi_en_BD #transports #ville #ville_africaine #Villes_et_Bandes_dessinées

  • Série “Nairobi en bande dessinée” : les paysages de la richesse à #Nairobi (3e billet)
    https://labojrsd.hypotheses.org/2959

    Troisième billet de la série « Nairobi en bande dessinée » autour de l’utilisation de la bande dessinée de reportage La vie des autres à Nairobi de Patrick Chappatte dans l’enseignement de la #géographie. 2. Nairobi...

    #La_BD_en_classe #Afrique #Enseignement #Enseignement_dans_le_secondaire #Enseignement_et_BD #enseigner_avec_la_BD #enseigner_la_géographie #géographie_de_l'imaginaire #géographie_des_mobilités #géographie_des_transports #géographie_urbaine #Kenya #Série_Nairobi_en_BD #transports #ville #ville_africaine #Villes_et_Bandes_dessinées

  • Urbanisme entrepreneurial « durable » au Maroc : Quel(s) changement(s) pour les #villes_minières ?

    Il est impressionnant d’observer la place de plus en plus prépondérante, pour ne pas dire démesurée, qu’occupent désormais les notions de durabilité et de développement durable sur la scène politique et médiatique ainsi que dans le processus d’élaboration des différentes politiques publiques au Maroc (Philifert, 2015). Certes, l’intérêt pour ces notions remonte au début des années 1990, lorsque le Maroc a affiché son engagement pour les objectifs de développement durable au Sommet de Rio. Or, avec l’arrivée du nouveau monarque au début des années 2000, cet intérêt a pris un tournant considérable dans le cadre d’une politique néolibérale tournée vers l’international (Catusse, 2011). Stratégie nationale de développement durable, Initiative nationale de développement humain, Charte nationale pour la protection de l’environnement et le développement durable, Plan Maroc Vert, etc., autant d’initiatives mises en place depuis lors afin de véhiculer une nouvelle image du royaume en tant que pays « modèle » en matière de développement durable (Barthel et Zaki, 2011). Cette ambition s’est illustrée très récemment par l’organisation de la Conférence mondiale sur les changements climatiques (Cop 22) à Marrakech, au cours de laquelle le Maroc s’est engagé à établir un ensemble de mesures juridiques et constitutionnelles pour l’environnement[1]. Au-delà des multiples mesures adoptées, le pays a également mis en œuvre plusieurs projets de grande envergure dits durables à vocation industrielle, touristique, énergétique et urbaine qui s’inscrivent dans la circulation internationale croissante des modèles d’urbanisme durables (Ward et McCann, 2011).

    http://www.jssj.org/article/urbanisme-entrepreneurial-durable-au-maroc-quels-changements-pour-les-villes-m
    #Maroc #extractivisme #villes #urban_matter #géographie_urbaine #urbanisme

    ping @reka

    • « Nous avons besoin d’établissements universitaires à taille humaine, structurés en petites entités autonomes »

      Pour répondre à l’augmentation du nombre d’étudiants et à la crise sanitaire, un collectif d’universitaires propose, dans une tribune au « Monde », un plan d’urgence pour 2021. Et recommande notamment l’ouverture de trois nouvelles universités dans des villes moyennes.

      A l’université, la rentrée prend des airs de cauchemar. Nous payons le fait qu’en dix ans, l’ensemble des instances locales de délibération et de décision, qui auraient été les plus à même d’anticiper les problèmes, ont été privées de leurs capacités d’action au profit de strates bureaucratiques.

      Le pouvoir centralisé de celles-ci n’a d’égal que leur incapacité à gérer même les choses les plus simples, comme l’approvisionnement en gel hydroalcoolique et en lingettes. Le succès instantané du concept de « démerdentiel » est un désaveu cinglant pour ces manageurs qui ne savent que produire des communiqués erratiques jonglant entre rentrée en « présentiel » et en « distanciel ».

      On sait pourtant à quelles conditions les universités, au lieu de devenir des foyers de contagion, auraient pu contribuer à endiguer la circulation du virus : des tests salivaires collectifs pour chaque groupe de travaux dirigés (TD), à l’instar de ce qui est mis en place à Urbana-Champaign, aux Etats-Unis ; la mise à disposition de thermomètres frontaux ; une amélioration des systèmes de ventilation de chaque salle et de chaque amphi, avec adjonction de filtres à air HEPA et de flashs UV [des rayons désinfectants] si nécessaire ; l’installation de capteurs de qualité de l’air dans chaque pièce, avec un seuil d’alerte ; la réquisition de locaux vacants et le recrutement de personnel pour dédoubler cours et TD, partout où cela est requis.

      Un budget insuffisant

      Les grandes villes ne manquent pas d’immeubles sous-exploités, souvent issus du patrimoine de l’Etat, qui auraient pu être très vite transformés en annexes universitaires. De brillants titulaires d’un doctorat capables d’enseigner immédiatement à temps plein attendent, par milliers, un poste depuis des années. Tout était possible en l’espace de ces huit derniers mois, rien n’a été fait.

      De prime abord, on serait tenté d’attribuer ce bilan au fait que la crise sanitaire, inédite, a pris de court les bureaucraties universitaires, très semblables à celles qui, depuis vingt ans, entendent piloter les hôpitaux avec le succès que l’on a vu.

      Mais une autre donnée vient éclairer cette rentrée : les universités accueillent 57 700 nouveaux étudiants, sans amphithéâtre ni salle supplémentaire, sans le moindre matériel, sans le plus petit recrutement d’universitaires et de personnel administratif et technique. Ces trois dernières années, le budget des universités a crû de 1,3 % par an, ce qui est inférieur à l’effet cumulé de l’inflation et de l’accroissement mécanique de la masse salariale.

      Certains se prévaudront sans doute de l’« effort sans commune mesure depuis 1945 » qu’est censée manifester la loi de programmation de la recherche en discussion au Parlement. Las : le projet de budget du gouvernement ne prévoit qu’un accroissement, pour les universités, de 1,1 % en 2021… Du reste, les 8,2 milliards d’euros d’abondement sur dix ans du budget de l’université proviennent des 11,6 milliards d’euros qui seront prélevés dans les salaires bruts des universitaires, en application de la réforme des retraites.

      Réquisitions et réaménagements

      Il y a quinze ans, les statistiques prévisionnelles de l’Etat annonçaient que la population étudiante allait croître de 30 % entre 2010 et 2025 (soit 400 000 étudiants en plus), pour des raisons démographiques et grâce à l’allongement de la durée des études. On aurait donc largement pu anticiper ces 57 700 nouveaux étudiants. Mais rien n’a été fait là non plus, hormis annoncer des « créations de places » jamais converties en moyens.

      Le pic démographique n’est pas derrière nous ; nos étudiants sont là pour plusieurs années, et les gestes barrières pourraient devoir être maintenus durablement. Le ministère ne peut pas persévérer comme si de rien n’était, voire arguer qu’il est déjà trop tard.

      Face à cette situation désastreuse, nous demandons une vaste campagne de recrutement de personnels titulaires dans tous les corps de métiers, tout en amorçant les réquisitions et réaménagements de locaux, afin d’aborder la rentrée 2021 dans des conditions acceptables.

      Parallèlement, si nous ne voulons pas être en permanence en retard d’une crise, un saut qualitatif est nécessaire. Nous demandons donc, outre un plan d’urgence pour 2021, la création rapide de trois universités expérimentales de taille moyenne (20 000 étudiants), correspondant à ce qui aurait dû être fait pour accueillir 57 700 étudiants dans de bonnes conditions. Cela requiert le recrutement sous statut de 4 200 universitaires et 3 400 personnels d’appui et de soutien supplémentaires, soit un budget de 500 millions d’euros par an.

      S’extraire du cauchemar

      Nous avons besoin d’établissements à taille humaine, structurés en petites entités autonomes, mises en réseau confédéral, si besoin grâce au numérique ; d’établissements qui offrent à notre jeunesse maltraitée des perspectives d’émancipation vis-à-vis du milieu d’origine et de la sclérose intellectuelle qui frappe le pays ; d’établissements qui permettent une recherche autonome, collégiale et favorisant le temps long, ce qui nous a manqué dans l’anticipation et la prévention de la pandémie.

      Pour cela, nous préconisons l’installation de ces trois universités dans des villes moyennes, hors des métropoles, en prenant appui sur le patrimoine bâti abandonné par l’Etat et sur les biens sous-utilisés des collectivités. En effet, celles-ci possèdent d’anciens tribunaux, des garnisons, voire des bâtiments ecclésiastiques qui tombent aujourd’hui en déshérence.

      Réinvesti par l’université, ce patrimoine retrouverait une utilité sociale. Sur la base des dépenses de l’« opération Campus » [un plan lancé en 2008 en faveur de l’immobilier universitaire], la construction de ces pôles dotés de résidences étudiantes en nombre suffisant nécessiterait un milliard d’euros d’investissement, à quoi il faudrait ajouter cent millions d’euros de frais de maintenance et d’entretien. C’est le prix pour s’extraire du cauchemar. Le virus se nourrit de nos renoncements. Pour sortir les campus de l’ornière, nous devons retrouver l’ambition d’une université forte, exigeante, libre et ouverte.

      Stéphane André, professeur en ingénierie à l’université de Lorraine ; Bruno Andreotti, professeur en physique à l’université de Paris ; Pascale Dubus, maîtresse de conférences en histoire de l’art à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne ; Julien Gossa, maître de conférences en informatique à l’université de Strasbourg ; Jacques Haiech, professeur honoraire de biotechnologie à l’université de Strasbourg ; Pérola Milman, directrice de recherche en physique quantique au CNRS ; Pierre-Yves Modicom, maître de conférences en linguistique allemande à l’université Bordeaux-Montaigne ; Johanna Siméant-Germanos, professeure en sciences politiques à l’Ecole normale supérieure.

      https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/09/28/nous-avons-besoin-d-etablissements-universitaires-a-taille-humaine-structure

    • Comment la loi de programmation de la recherche aggrave les inégalités entre territoires en France

      La loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPR) qui est actuellement en débat au Parlement et crispe le monde universitaire français s’inscrit dans le prolongement de réformes menées en France depuis 20 ans.

      Au-delà des alternances politiques, les lois successives ont eu pour point commun de se fonder sur ce que certains chercheurs ont appelé des croyances inspirées pour la plupart de modèles macro-économiques prônant la compétition et la destruction créatrice. Elles peuvent être résumées à l’aide d’un petit nombre d’axiomes, ces vérités admises sans démonstration.

      La recherche française est en déclin et n’arrive pas à faire face à la concurrence mondiale.

      Il découle de ce premier axiome la nécessité d’imposer des réformes au nom de l’intérêt national.

      La concentration des moyens de la recherche publique autour de quelques grands pôles est plus efficace que leur équipartition entre l’ensemble des établissements.

      Ce second axiome a justifié la mise en place successive d’une dizaine de conglomérats (PRES, COMUE ou IDEX) supposés répondre le mieux aux critères d’excellence et de taille.

      La compétition est le moteur principal de la performance, tant au niveau des individus que des établissements de recherche ou des territoires qui les accueillent.

      Ce dernier axiome justifie, d’une part, la mise en place d’avantages spécifiques pour les individus réputés les plus performants (accès au statut de membre de l’Institut Universitaire de France (IUF), obtention d’un poste de tenure tracks) et, d’autre part, un cumul de crédits au profit des établissements de recherche qui en ont obtenu antérieurement (notamment avec l’accroissement du préciput dans la LPR).

      Mais ces axiomes sont-ils démontrés ? Et quel est l’impact de leur application en matière d’aménagement du territoire ?
      La position de la recherche française dans les réseaux internationaux

      En 2016, d’après le dernier rapport de l’OST-HCERES, la France se situait au 8e rang mondial en production et au 5e rang en part de citations reçues par sa production. Malgré une augmentation continue du volume de ses publications internationales, la place relative de la France a baissé depuis le début des années 2000 ce qui contribue à alimenter l’idée d’un déclin… sauf que sur la même période, la Chine est passée du 8e au 2e rang mondial et l’Inde du 12e au 6e. Aussi, cette évolution traduit bien davantage la montée en puissance des pays émergents qu’une crise spécifique à la France.

      Le fait même de totaliser le volume de recherche par pays tend à masquer le fonctionnement réel de la recherche qui s’opère en réseau. L’examen détaillé des dynamiques de coopération scientifique montre d’ailleurs le rôle croissant joué par les petites villes universitaires françaises dans la production mondiale.

      Cette évolution résulte du rôle croissant des établissements d’enseignement supérieur dans la recherche mondiale. Les universités s’étant multipliées et diffusées dans l’armature urbaine au cours du XXᵉ siècle, la recherche est devenue plus polycentrique et l’on peut sans exagérer affirmer qu’elle n’est plus exclusivement le fait de quelques savants concentrés dans quelques hauts lieux de la connaissance, et a fortiori pour le cas de la France, à Paris.

      Sur le plan international, la France est bien intégrée au réseau scientifique mondial du fait des nombreux liens de coopération plutôt que de compétition qu’elle a su tisser et qui bénéficient à la fois de proximités spatiales et linguistiques, en témoignent encore une fois les derniers rapports de l’OST-HCERES.
      Concentration et rendements décroissants

      La recherche s’opérant à travers un réseau de villes universitaires, est-il pertinent comme le propose la LPR de concentrer les moyens dans quelques établissements des grandes métropoles françaises ?

      Un ensemble de travaux repris dans un dossier de La Vie des Idées montrent le rôle contre-productif de la concentration des crédits de recherche sur une petite élite et suggèrent que la meilleure recherche ne se fait ni nécessairement dans les plus grosses équipes, ni dans les plus grandes villes.

      Comme l’écrivait déjà la géographe Madeleine Brocard en 1991 dont les propos n’ont pas été démentis depuis :

      « La notion de “pôle d’excellence scientifique” revient régulièrement dans les discours concernant la recherche publique, puisqu’il s’agit de répartir les moyens de l’État. Elle s’appuie sur l’idée qu’il existe des effets de seuil : au-delà d’un certain seuil quantitatif de chercheurs dans une discipline donnée, la concentration de matière grise et d’équipements déclencherait l’étincelle. Cela n’a jamais été prouvé. »

      Les politiques menées depuis le début des années 2000 se sont pourtant employées à créer de grands pôles universitaires au prétexte de remonter les universités françaises dans le classement de Shanghai.

      En observant les dynamiques de recherche françaises entre 1980 et 2017, on observe cependant que les villes ayant bénéficié des financements issus des politiques d’excellence n’ont pas, suite à l’application de ces politiques, participé davantage que les villes petites et moyennes à la production scientifique du pays. Depuis la fin des années 1970, on assiste au contraire à une déconcentration et à une diversification des espaces de production du savoir, quelle que soit l’échelle d’analyse.
      L’importance des petits centres et des réseaux de proximité

      Créative, de qualité, la recherche menée dans les petits sites est en mesure de se connecter aux réseaux de recherche internationaux comme aux tissus locaux par le biais de coopérations avec des entreprises, d’actions de médiations et de valorisation des savoirs.

      On peut prendre le cas de la Fédération de recherche en chimie durable connue sous le nom du réseau INCREASE, dont le siège se trouve à Poitiers, qui mobilise des industriels locaux et internationaux, ainsi que des équipes de recherche en pointe réparties dans plusieurs villes de l’arc atlantique, et qui organise tous les deux ans un grand colloque international dans la ville de La Rochelle.

      Priver des universités de taille modeste comme Poitiers ou La Rochelle de moyens pour faire de la recherche, c’est risquer de nuire à la capacité de production académique du pays dans son ensemble, à la vitalité des territoires, et de fragiliser les réseaux de recherche tel que le réseau INCREASE. Or, nous l’avons vu, la circulation des idées que ce réseau permet entre villes de différentes régions ainsi qu’entre scientifiques de différentes spécialités et nationalités alimente les avancées scientifiques.

      Analyse prospective des effets démographiques et économiques de la LPR

      L’aménagement du territoire, cette « ardente obligation » selon le mot du général de Gaulle, semble bien mis à mal par la concentration croissante des moyens publics de recherche et d’enseignement supérieur au profit d’un très petit nombre de campus et d’initiatives d’excellences.

      En concentrant les populations de jeunes diplômés dans quelques points du territoire, la LPR risque d’amplifier la décroissance démographique des espaces périphériques ou des villes petites et moyennes. Elle va également accentuer les inégalités entre les régions et à l’intérieur de celle-ci.

      Une étude réalisée pour le Parlement européen sur les régions en décroissance et ultérieurement complétée par un ouvrage de synthèse en français permet de situer les effets prévisibles de la LPR par rapport trois types de stratégies d’aménagement du territoire et de décentralisation.

      La stratégie de métropolisation correspond à une politique de laissez-faire dénoncée en 2017 par un rapport du Sénat :

      « le développement économique se concentre essentiellement autour de quelques pôles métropolitains. Par contraste, de nombreux territoires connaissent un sentiment d’abandon et de « décrochage »).

      Or, notre analyse montre que les impacts négatifs de cette politique en termes de cohésion sociale et territoriale ne semblent nullement compensés par une efficacité économique supérieure.

      La stratégie de sacrifice territorial correspond davantage à la stratégie d’université d’excellence développée en Allemagne où le réseau urbain est moins polarisé par la capitale nationale. Mais il permet d’anticiper en France les effets de la LPR dans les nouvelles régions fusionnées issues des réformes territoriales de 2014-2015.

      Les anciennes régions affaiblies par la perte de leur capitale régionale (Champagne-Ardennes, Lorraine, Auvergne, Limousin, Poitou-Charentes, Picardie…) risquent de voir leur tissu scientifique et économique destructurés au profit d’une nouvelle métropole éloignée concentrant les crédits de recherche.

      La stratégie du polycentrisme en réseau supposerait au contraire la mise en place de réseaux scientifiques à la fois territoriaux et thématiques visant à maximiser les synergies locales et les connexions nationales et internationales. Leur objectif consisterait tout d’abord à développer d’authentiques politiques régionales de mise en réseau des acteurs de la recherche et de l’innovation. Mais également à mettre en place des fédérations de recherche d’échelle nationale et internationale autour de domaines scientifiques ou d’enjeux industriels précis, à l’exemple de la chimie.

      Une politique aveugle au fonctionnement des territoires et des réseaux

      En l’absence d’une concertation suffisante avec les représentants légitimes des territoires et de toute consultation des citoyens, la Loi de programmation pluriannuelle de la recherche tourne résolument le dos à plus d’un demi-siècle de politique d’aménagement du territoire en France.

      Aveugle à l’espace, cette politique remet en cause la politique de décentralisation et risque par là même de renforcer le mécontentement des citoyens face aux nouvelles régions ou métropoles issues de la loi MAPTAM. À l’intérieur des grandes métropoles, elle va pourrait également contribuer au renforcement de la ségrégation sociale en opposant les étudiants des établissements universitaires sélectifs à des universités périphériques ouvertes à tous mais paupérisées.

      Rejoignant les conclusions du rapport sénatorial de 2017 nous constatons que la conséquence de la « passivité » de l’État est un accroissement sans précédent des inégalités entre les territoires et le sentiment pour une partie de la population d’être « oubliée de la République ».

      Et par ailleurs que :

      « La seule issue serait d’engager une nouvelle politique d’aménagement du territoire forte et volontariste impliquant des évolutions institutionnelles et l’ensemble des parties prenantes (élus, administrations locales et centrales, acteurs privés, etc.). »

      A contrario de la LPR, le plan « Université 2000 » (1990-1995) puis le plan « Université du 3ᵉ millénaire » (1999-2000) avaient permis d’assurer un rééquilibrage qualitatif et quantitatif de l’offre de formation à tous les niveaux urbains. Face à des décisions qui vont engager l’avenir des territoires français, il apparaît nécessaire d’examiner plus précisément les conséquences prévisibles de la LPR en matière d’aménagement du territoire et de décentralisation. Et d’explorer la possibilité de mettre en place d’autres stratégies n’impliquant pas la destruction supposée « créatrice » des réseaux scientifiques et territoriaux.

      https://theconversation.com/comment-la-loi-de-programmation-de-la-recherche-aggrave-les-inegali

  • Libérez l’« Ocean Viking » et les autres navires humanitaires

    Les maires de #Montpellier et de #Palerme lancent un #appel pour que le navire de #SOS_Méditerranée détenu en Sicile soit libéré, et que les opérations en Méditerranée centrale puissent reprendre.

    Nous, maires des #villes_méditerranéennes jumelées de Montpellier et Palerme, confrontés à la #crise_humanitaire majeure qui a transformé la #mer_Méditerranée en cimetière ces dernières années, sommes indignés par la #détention_administrative du navire humanitaire #Ocean Viking de SOS Méditerranée depuis le 22 juillet en Sicile.

    Cette détention vient s’ajouter à celle de trois autres #navires_humanitaires depuis le mois d’avril. A chaque fois les autorités maritimes italiennes invoquent des « #irrégularités_techniques_et_opérationnelles » et de prétendus motifs de #sécurité à bord des navires. Pourtant, malgré le harcèlement exercé à l’encontre de leurs navires, ces #ONG de sauvetage en mer opèrent depuis plusieurs années en toute transparence et en coordination avec les autorités maritimes compétentes qui les soumettent très régulièrement au contrôle des autorités portuaires.

    Ces dernières années, les ONG civiles de sauvetage en mer ont secouru des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants en danger de mort imminente, comblant un #vide mortel laissé par les Etats européens en Méditerranée.

    Alors que les sauveteurs sont empêchés de mener leur mission vitale de sauvetage, de nouveaux naufrages, de nouveaux morts sont à prévoir aux portes de l’Europe.

    Est-ce là le prix à payer pour l’#irresponsabilité et la #défaillance des Etats européens ? En tant que #maires, #citoyens méditerranéens et européens, nous le refusons et dénonçons ces politiques délétères !

    Nous demandons la levée immédiate des mesures de détention qui touchent l’Ocean Viking et tous les navires de sauvetage, pour une reprise immédiate des opérations en Méditerranée centrale !

    Nous appelons tous les citoyens à signer la pétition demandant aux autorités maritimes italiennes la libération du navire.

    https://www.liberation.fr/debats/2020/08/28/liberez-l-ocean-viking-et-les-autres-navires-humanitaires_1797888

    #asile #migrations #réfugiés #villes-refuge #Méditerranée #sauvetage #indignation #Michael_Delafosse #Leoluca_Orlando #géographie_du_vide #géographie_du_plein

    –—

    Ajouté à la métaliste sur les villes-refuge :
    https://seenthis.net/messages/759145

  • Une danseuse syrienne se produit dans les rues vides de Paris
    Publié le 26 avril 2020 - 06:28 GMT
    https://www.albawaba.com/slideshow/syrian-dancer-perform-paris-empty-streets-1353009

    Dancer Yara al-Hasbani is used to causing a stir everywhere she goes.

    The Syrian choreographer has drawn crowds across France for her performances in public squares and parks.

    But there wasn’t a soul in sight as she performed a series of spectacular ballet moves in front of the deserted grand monuments of Paris for AFP. (...)

  • Coronavirus : à Paris, voyages au bout de la nuit
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/17/coronavirus-a-paris-voyages-au-bout-de-la-nuit_6036869_3224.html

    REPORTAGEDepuis le début du confinement, le pouls de la capitale bat au ralenti. Et plus encore après la tombée du jour, quand la cité n’est plus qu’un théâtre d’ombres.

    « Vous connaissez Ayn Rand ? Non ? ! Il faut lire Ayn Rand, c’est une romancière, la grande théoricienne de la philosophie libertarienne. Voilà, c’est ça que je suis, un libertarien, c’est-à-dire un gros égoïste qui essaie de prendre soin de soi et de ses proches. Et si chacun fait cela, peut-être qu’un avenir est possible. Sinon, on est foutus. Parce que là, je peux vous le dire, on est devant la pire crise économique qu’a connue l’humanité. Ça va être un carnage et il ne vaudra mieux pas être là quand ça va péter. On est tous à se demander où on va aller pour la suite. Parce que l’avenir à Paris, dans notre petit appart qui a coûté un bras, ça va pas être possible. Ça va être la guerre, je vous le dis, la guerre. Et nous, les bobos comme moi, on n’est pas armés pour ça. Le mendiant à qui je donne d’habitude à la sortie du supermarché, je le vois, lui, il est peinard. Détendu. Les SDF, c’est eux qui s’en sortiront parce qu’ils n’ont rien à perdre et qu’ils sont déjà en mode Mad Max. »

    Il est bientôt minuit. Tanguy – les personnes rencontrées ont préféré ne donner que leur prénom – est descendu de chez lui pendant que ses filles dorment pour acheter deux bières dans la petite épicerie de sa rue, perpendiculaire aux Grands Boulevards. Des XL, pour traverser cette première nuit chaude de l’année, un air d’été, de putréfaction, de vacances de la fin du monde. La conversation s’est engagée à distance, et maintenant, Tanguy ne s’arrête plus de parler. En un quart d’heure, on en sait plus sur sa vie que son voisin de palier. C’est le propre des guerres et des grandes catastrophes de produire un tel mélange de concision et de confusion : il faut que tout sorte d’un coup avant de se retrouver les tripes à l’air. Sa vie défile comme un film muet accéléré. Tanguy a fait HEC, n’a pas aimé le monde de l’entreprise et de la finance. S’est installé à son compte en faisant « un peu d’immobilier et un peu de trading ». Deux enfants, divorce ou séparation. Plus tout jeune, quelques cheveux gris, mais ça fait partie de son charme de quadra mal rasé, en jean et tee-shirt sous une chemise déboutonnée. Une ex-amoureuse qui habite dans la même rue l’a appelé au téléphone : il pensait qu’elle voulait retenter sa chance, elle voulait juste lui annoncer qu’elle toussait. « Prendre soin de soi et de ses proches. » Oui, mais comment ? Insondable est la nuit.

    Tanguy repart avec ses deux bières poursuivre son cauchemar en confinement. Tout le temps de la discussion, aucun autre client ne s’est présenté au comptoir de l’épicerie Super Market. Zeitoun, le gérant, est affalé sur son comptoir. En mode survie. Pourquoi rester ouvert aussi tard ? « La journée, les grandes surfaces attirent toute la clientèle. Je suis obligé de rester ouvert le soir pour attraper les autres. Je ne peux pas fermer, comment je vais payer 3 000 euros de loyer, sinon ? » Son regard erre sur le mur de bouteilles d’alcool bon marché scintillant de toutes les couleurs sous l’aveuglante lumière du néon. Inquiète est la nuit.

    Une nuit en nuances de gris

    La porte Saint-Denis écarquille son œil de Cyclope, muette d’horreur face au vide qui l’entoure, médusée par le silence qui l’enveloppe. Où sont-ils tous, les poivrots, les fêtards, les clodos, les crevards, les Turcs, les Kurdes, les Arabes, les Africains et les autres ? Partis, envolés, effacés. Oubliés. Même le Paris qui ne dort jamais s’est claquemuré. Il y a bien quelques dealeurs à la recherche de clients, quelques SDF à la recherche de nourriture ou d’un refuge, quelques employés de restaurants qui rentrent chez eux en pressant le pas, mais pas de quoi fouetter un chat de gouttière. Paris n’est pas Istanbul et compte d’ailleurs nettement plus de rats que de chats.

    Quatre nuits d’affilée, on est sorti vérifier si, dans la nuit de Paris, tous les chats sont vraiment gris. Chercher le long de ses artères le pouls faiblard d’une capitale sous Covid-19, toucher son front moite d’une mauvaise fièvre, celle qui brûle la cervelle, écrase le thorax et fait trembler les membres. Au début du confinement – que cela paraît loin déjà ! –, la nuit commençait bien avant les applaudissements de 20 heures. Mais le changement d’heure et l’arrivée du printemps ont repoussé les ténèbres bien après l’hommage quotidien aux soignants. Au tout début, donc, il n’y avait personne, sauf ceux qui ne pouvaient pas faire autrement, les « sans » : sans-abri, sans-papiers, sans-domicile-fixe, sans-famille. Il y avait le froid aussi, un froid sans pitié.

    Désormais, la nuit est un nuancier de gris. D’abord, les joggeurs, dont la pratique a été repoussée après 19 heures. Ils slaloment entre les promeneurs de chiens. Ensuite, les livreurs, qui sillonnent la ville en tous sens et à toute heure, à scooter ou à vélo. Puis les couples, qui prennent le frais, main dans la main, émerveillés et intimidés par cette ville déserte et pourtant vivante. Et enfin tous ces « sans », dont la présence, d’ordinaire noyée dans la foule nocturne et le vacarme automobile, saute aux yeux. La nuit leur appartient autant qu’elle les possède. Gloutonne est la nuit.

    Les sapeurs-pompiers de Paris récupèrent un sans-abri malade, au Forum des Halles, à Paris, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Dans l’ancien ventre de Paris, aux Halles, tous les SDF s’appellent Jonas. C’est leur royaume dévasté. Le centre commercial a fermé ses portes, les contraignant à dormir les uns contre les autres dans les issues de secours, les entrées du métro et du RER, qui ferment leurs portes à 22 heures. En surface, le jardin est occupé par différents groupes qui se croisent en une chorégraphie erratique. On se rassemble par affinités, origines, addictions ou hasard. Les SDF isolés risquent d’être rançonnés, pour une cigarette ou une bouteille, voire de se faire agresser gratuitement. Un groupe de jeunes Antillais propose un peu de « shit », sans conviction. A côté, des Russes sont saouls comme des Polonais. L’un d’eux frissonne et tousse en crachant du sang. Les pompiers arrivent rapidement. Coronavirus ? « Bah, on sait pas, on va le tester, mais j’ai peur que le virus ne soit pas son souci principal », soupire un pompier fataliste.

    L’axe de la misère

    Les jeunes Antillais, eux, n’ont pas peur du Covid-19 : « C’est une question d’anticorps et de gênes », assure David. Mais quand les autorités lui ont proposé de se confiner dans un gymnase ou un hôtel réquisitionné, il a préféré refuser, par prudence : « Entassés dans un gymnase, ou à deux dans une chambre d’hôtel, on est sûr de l’attraper. » Mais dans la rue, tout est devenu plus difficile : moins de passage, moins de commerces ouverts, donc moins d’argent. « Les gens, ils reculent quand ils nous voient parce qu’on n’a pas de masques. » La Croix-Rouge distribue des repas tous les midis au pied de l’église Saint-Eustache.

    Un sans-abri compte l’argent gagné dans la journée, autour du Forum des Halles, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Sophie, sans-abri, nettoie les vitres de la terrasse d’un restaurant où elle passera la nuit, à proximité de l’esplanade du Forum des Halles, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Plus loin, au pied de la Bourse de commerce, qui doit accueillir la collection Pinault en septembre, la « famille » de Francesca – trois femmes, deux hommes, « une invitée » et le chien – a installé son campement sous l’auvent d’un restaurant en réfection de la rue Coquillère, entre l’As de trèfle et Au pied de cochon. Le bric-à-brac de matelas, coussins, lampes et vivres est soigneusement rangé dans un coin. Sophie, l’« invitée », fait les carreaux. Lola, la métisse, dit qu’à elles trois, avec Francesca, l’Italienne, et Gracias, l’Espagnole, « [elles font] la mondialisation ». Les deux hommes, Momo et « le Vieux », restent muets : « Les femmes dans la rue, c’est des problèmes, finit par lâcher Momo. Ça crée des jalousies, des disputes. »

    Francesca est née dans le nord de la péninsule, il y a à peine trente ans, et a eu deux filles : la première est morte d’une leucémie, la seconde a été placée. « Le père est toujours dans le crack, moi, je préfère l’alcool. » Aujourd’hui, le seul être dont Francesca ne pourrait plus se passer est son chien. Après des années d’attente, elle s’est vu attribuer un appartement thérapeutique, mais elle n’a pas pu y emménager à cause du confinement. « T’as l’espoir et puis d’un coup, on te le retire. Ça s’appelle un ascenseur émotif », philosophe Lola. Brutale est la nuit.

    Une femme sans domicile fixe devant la gare de l’Est, à Paris, le 10 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un groupe de sans-abri et de toxicomanes sur le parvis de la Rotonde, place de la Bataille-de-Stalingrad, à Paris, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    L’axe de la misère part des Halles et remonte vers le nord de Paris en passant par les gares de l’Est et du Nord, avant de rejoindre Stalingrad, place forte des « crackés » et des paumés, puis de finir à la porte d’Aubervilliers, principal rassemblement des migrants depuis le démantèlement du camp de la porte de la Chapelle. Tout le reste est strictement vide une fois passé 22 heures, à l’exception de quelques ombres furtives. Rue Saint-Denis, pas une prostituée en vue. Le seul commerce ouvert est une sandwicherie, Le Généreux, qui fait de la vente à emporter. Un client qui souhaite s’attabler pour avaler son kebab se voit fermement rappeler les règles par Smat, le cuistot. Le client repart à vélo pour Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), où il habite : « Je viens tous les jours pour m’occuper de ma mère. Elle m’emploie comme aide à domicile. C’est comme ça que je vis. » Il a 60 ans passés.

    Des tribus et une caste

    Smat a convaincu son patron de rouvrir la sandwicherie parce qu’il devenait « fou » dans son studio de la Courneuve, au bout de deux semaines de confinement. « Comme on ne vend presque rien, à peine vingt sandwiches par jour de midi à minuit, mon collègue et moi avons accepté de baisser notre salaire de 300 euros. » Ils gagnent désormais 1 300 euros par mois. Son patron les raccompagne tous les soirs en scooter du quartier Montorgueil à la Courneuve à minuit ou 2 heures du matin, selon que les affaires marchent plus ou moins mal. Chiche est la nuit.

    Mohamed-Amin, étudiant en administration économique et sociale, profite de son job de livreur pour sortir voir un de ses amis, le 9 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un homme récupère sa commande dans un restaurant de la rue Saint-Denis, à Paris, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Hakim Amarouche, chauffeur de taxi parisien, attend des clients dans la rue Réaumur, le 8 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Hakim aussi préfère travailler que ne rien faire. Il a convaincu le patron de sa société de taxi de lui laisser la voiture. « Ça fait tellement longtemps que je dors le jour et veille la nuit, je ne me vois pas changer de rythme. Mais franchement, il m’est arrivé de faire des nuits à une course de 20 euros. C’est pas pour l’argent, c’est pour pas péter un câble. » Il a du gel hydroalcoolique mais plus de masques. Il ajoute : « Au moins, je peux circuler et passer voir les copains. Parce que sinon, la nuit, y a que des fous et des zombies dehors. » C’est un peu exagéré : Christel et Timothée, tout droit sortis d’un catalogue de The Kooples, promènent leur chien à la fraîche, un bouledogue miniature. Christel, pourtant pas bégueule, ne veut plus sortir le chien seule car elle « ne se sent pas en sécurité, surtout à cause des hommes d’Europe de l’Est sous alcool ».

    Chaque tribu reste à part : les sportifs, les poivrots, les couples, les promeneurs de chiens, les drogués, les migrants. Pas ou peu de rencontres imprévues : il faut profiter à fond du peu de temps imparti en cas de contrôle policier. Les livreurs forment une caste à part. On les retrouve en groupes, devant les rares restaurants ouverts. Penchés sur leurs scooters, ils ressemblent à des cowboys abreuvant leur monture autour du même puits. Eux aussi ont moins de travail : « Trop peu de restaurants ouverts pour trop de demande, constate Amir. L’attente est longue, on se bat pour les livraisons. Les gens s’énervent. En fait, les clients sympas sont plus sympas et les emmerdeurs plus chiants. Ils insistent pour que tu montes dans l’immeuble alors que c’est interdit. » Grâce à son métier, Amir en voit des vertes et des pas mûres : « Les geeks dans leur chambre de bonne qui commandent deux Twix et une bouteille d’eau pour toute la journée ; l’handicapé de la cuisine qui commande trois croque-monsieur, ça fait pitié. » « C’est toi qu’il voulait kékro [“croquer”, en verlan] », le charrie son copain Abdoulaye. Ironique est la nuit.

    Mohamed-Amin est livreur lui aussi, mais en mode dilettante. Il ne prend pas les courses qui ne le rapprochent pas d’un copain. « L’attestation de travail, je m’en sers surtout pour bouger », rigole-t-il. Ce soir-là, il a rejoint Eddy, son pote de fac, au pied du 12-2, la cité du 122, boulevard de l’Hôpital. « La nuit, on chill, on est entre nous, loin de la mifa [la “famille”] », confirme ce dernier, survêtement bleu électrique et cheveux impeccablement tirés. Et le virus ? « J’ai bien flippé quand j’ai appris qu’un pote du Val-d’Oise était en coma artificiel, assure Mohamed-Amin. Mais le lendemain, j’ai recommencé à sortir. C’est plus fort que moi. » Ses Ray-Ban le protègent de la nuit.

    Gigantesque musée après fermeture

    Dans l’immense échangeur RER de la gare du Nord, on ne croise que des soignants rentrant en banlieue. Un homme fait des rodéos sur une trottinette électrique équipée d’une sono poussée à fond. Une Allemande, visiblement perdue et dérangée, en pyjama vert d’hôpital psychiatrique, cherche comment se rendre à Villiers-le-Bel, à 21 h 45. En surface, un homme en sandales pédale lentement, le nez levé pour contempler l’immense nef de la gare du Nord. Reynald est un esthète, horloger de métier : « Je ne verrai probablement plus jamais Paris comme cela, alors je pars à vélo tous les soirs. Dans ce climat de peur épouvantable, je me nourris de toute cette beauté. » Dehors, la nuit est complète : c’est l’heure des zombies. L’hôpital voisin, Lariboisière, a dû embaucher des gardes du corps pour accompagner le personnel soignant au métro.

    Dans les couloirs déserts de l’échangeur RER de la gare du Nord à Paris, le 10 avril. Olivier Laban-Mattei / MYOP POUR LE MONDE

    Reynald n’est pas le seul à chercher à échapper à la pesanteur ambiante, à l’image de ce couple rencontré autour du jardin du Luxembourg. Elle, Aude, la cinquantaine, médecin hospitalier, lui, Jean-Paul, la soixantaine, haut fonctionnaire bientôt à la retraite, domiciliés à Port-Royal. « Tous les soirs, nous faisons un parcours différent pour redécouvrir le quartier. J’ai un autre regard, je découvre des façades, des portes cochères s’émerveille-t-elle. C’est une ambiance très spéciale, insolite. Parfois, nous faisons un petit pèlerinage devant le dernier restaurant où nous avons dîné pour l’anniversaire de mon mari. C’était trois jours avant le confinement. Ça paraît une éternité. » L’éternité, on pourrait presque la toucher du doigt devant le Panthéon, soudain intimidant dans la nuit. Céline, Norma et Renée, trois étudiantes libanaises résidant au Foyer franco-libanais tout proche, en sont presque saisies. Elles ont préféré poursuivre leurs stages et leurs études à Paris que prendre un vol de rapatriement pour rentrer au pays. « Pour une fois que le gouvernement libanais gère bien une crise », rigolent-elles. Face au Panthéon, on voit la tour Eiffel, au loin. Des perspectives insoupçonnées se révèlent.

    Tout-Paris est un gigantesque musée après fermeture. Dans le Quartier latin, on remarque une petite maison ancienne, verte, tout droit sortie du Moyen Age, au croisement des rues Galande et Saint-Julien-le-Pauvre. Derrière la fenêtre à carreaux épais, la silhouette d’une femme qui semble tricoter à la bougie. Le long des quais, devant Notre-Dame, la Seine est sage comme un miroir. Ses eaux noires glissent à l’allure d’un tapis roulant. Sioomin et Marion se promènent main dans la main, bouche bée : « D’habitude, il y a trop de monde, et là, pas assez. » Mutique est la nuit.

    Le Quartier latin, à Paris, le 12 avril. OLIVIER LABAN MATTEI /MYOP POUR "LE MONDE"

    Un sans-abri se repose sur la terrasse d’un restaurant du boulevard Saint-Michel, à Paris, le 12 avril. OLIVIER LABAN MATTEI /MYOP POUR "LE MONDE"

    Rudy, chauffeur de bus sur la ligne 96, à Paris, le 12 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Rudy, chauffeur sur la ligne de bus 96, se souvient qu’il y a quatre mois seulement, pendant la grève contre la réforme des retraites, il bataillait pour faire rentrer 200 personnes dans un véhicule conçu pour 90. Aujourd’hui, il lui arrive d’aller d’un terminus à l’autre sans charger personne. Trop ou pas assez, mais Rudy est toujours aussi zen. Ce soir-là, quatre jeunes rentrent aux Lilas en se faisant des checks sonores au fond du bus. « J’ai fait huit mois de bracelet [électronique], je vais mourir si je sors de chez moi. Déjà, le virus, ça casse bien le délire. Je donnerais tout pour une bonne chicha », confie un gaillard à casquette et sans masque – « truc de boloss ». Des chichas clandestines, il paraît qu’il y en a une à Bondy et une autre à Sevran, mais il faut connaître le propriétaire, qui n’ouvre qu’aux personnes de confiance. Secrète est la nuit.

    Des cimes aux abîmes

    D’autres vont s’enivrer des odeurs des fleurs et de la terre humide au sommet du Sacré-Cœur. Après 22 heures, l’esplanade devant la basilique est le lieu préféré des couples d’amoureux. Ils se tiennent à distance les uns des autres, pétrifiés par le mélange des sensations : la beauté du panorama, la force du silence, la puissance des fragrances, la fraîcheur de la brise d’air pur qui donne le sentiment d’être en altitude. Roxanne et Thomas, tous deux étudiants, sont comme hypnotisés par la lune rousse qui a des allures de « soleil cou coupé » d’Apollinaire. « C’est une période dure, constate Thomas, mais je vois aussi beaucoup de solidarité entre voisins, des gens qui font connaissance à l’échelle de leur immeuble et s’organisent pour les plus démunis. » Tendre est la nuit.

    Cent trente mètres plus bas, au pied de la butte Montmartre, commence le royaume de l’infortune. Barbès, La Chapelle, Stalingrad, autre axe de la misère, ouest-est celui-là. A Stalingrad, trois distributions de nourriture avaient lieu simultanément la veille de Pâques pour les sans-abris de la Rotonde. C’est là que se rassemblent le plus grand nombre de #SDF dans la capitale, dont nombre de toxicomanes depuis que la « colline du crack », à la porte de la Chapelle, a été évacuée. Dorian et Odile, qui travaillent dans une supérette bio des alentours, passent donner des invendus, surtout du pain. « Lorsqu’on a commencé les distributions, raconte Frédéric, bénévole pour autremonde, une association de lien social du 20e arrondissement, tout disparaissait en trente minutes. Depuis, les circuits de distribution se sont un peu réorganisés. »

    Une bénévole de l’association Autremonde assure une distribution de nourriture au niveau de la station de métro Jaurès, à Paris, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un couple sur les marches du Sacré-Cœur, à Paris, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Un groupe de sans-abri et de toxicomanes sur le parvis de la Rotonde, place de la Bataille-de-Stalingrad, à Paris, le 11 avril. #OLIVIER_LABAN_MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    « Nous n’avons pas vocation à distribuer de la nourriture, explique Marie Nardon, la présidente de l’association. Mais lors de notre première maraude d’après confinement, le 23 mars, nous avons constaté que les gens à la rue crevaient littéralement de faim. On a même vu quelqu’un échanger un sac de couchage pour un sandwich. Aujourd’hui, 70 bénévoles se relaient chaque semaine pour distribuer à manger et à boire. La Protection civile nous fournit les repas. Nous avons commencé aussi une distribution hebdomadaire dans nos locaux, parce qu’il y a la pauvreté invisible de ceux qui ne sont pas à la rue mais n’ont plus aucun revenu. Nous avons aussi, avec les autres associations, insisté pour la réouverture des sanisettes et toilettes publiques. D’après la mairie, 140 ont été remises en service. »

    Hussein, un Turc bien mis que les aléas de la vie ont mené à la rue, voudrait trouver une place en foyer, à l’hôtel ou dans un gymnase. « N’importe quoi, mais pas la rue. Je ne dors pas la nuit car j’ai tout le temps peur. Seulement le 115 (SAMU social de Paris), quand j’arrive à l’avoir au téléphone, me répond qu’il n’y a plus de place. » « Il faudrait que l’Etat réquisitionne les logements de tourisme », suggère Mme Nardon.

    Lune rousse au-dessus de Paris, vue de la butte Montmartre, le 11 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    Hussein passe le temps sur un banc près du métro Anvers à Paris. L’entreprise de BTP qui le faisait travailler a fermé, le laissant à la rue sans revenu. Le 10 avril. OLIVIER LABAN MATTEI / MYOP POUR "LE MONDE"

    La porte d’Aubervilliers est l’autre « cluster » de la misère à Paris. Les migrants chassés du campement de la porte de la Chapelle s’y sont installés. Ils passent le plus clair de la journée regroupés par langue ou par nationalité sur l’espace vert entre les deux voies qui mènent au boulevard périphérique. C’est là qu’associations et particuliers viennent distribuer de l’aide. Dorothée est venue le dimanche de Pâques à la tombée de la nuit. Cette esthéticienne d’une soixantaine d’années avait récolté deux chariots auprès des commerçants dans son quartier, dans le 19e arrondissement. Mais le premier a disparu aux mains d’un groupe de jeunes partis le revendre. Le second est dédaigné, car essentiellement constitué de sandwichs au jambon : « Je ne comprends pas, se récrie la femme, peu au fait des interdits alimentaires musulmans. Quand on a faim, on fait pas le difficile. » Drôle de bonne samaritaine ! Elle est venue de son propre chef, sans association, ni masque ni gants. « Je suis contre Pasteur, et de plus, je suis en très bonne santé », se persuade-t-elle.

    A Paris, l’infortune des « confinés dehors » , Simon Piel et Joan Tilouine le 15 avril 2020
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/04/15/a-paris-l-infortune-des-confines-dehors_6036606_3224.html

    REPORTAGE Dans les quartiers du nord et de l’est de la capitale, sans-abri et toxicomanes errants sont les dernières âmes qui vivent dans les rues désertes.

    Nul ne veut mourir seul sur le boulevard de la Chapelle. Allongé sur le bitume crasseux, le corps comme désarticulé, appuyé sur le grillage qui surplombe les trains de la gare du Nord, un homme d’une cinquantaine d’années quitte doucement ce monde à l’arrêt. Hagard et désorienté, il ne prête même plus attention à Barbès et à ses rues vides où, ce vendredi 10 avril vers 17 heures, ne grouillent plus que des petits dealeurs et des toxicomanes aguerris à toutes les combines de la survie dans Paris.

    Même les rayons de soleil de ce printemps qui démarre paraissent l’accabler un peu plus. Il n’a ni toit ni d’autres habits que cette tenue d’hôpital trop large pour son corps fluet. Il ne parle plus. Des pompiers ont été alertés par des policiers écumant les 10e et 18e arrondissements, qui suspectent une infection au coronavirus.

    Depuis la mise en place du confinement, il n’est plus possible de regarder ailleurs. Les ombres qui errent en quête de survie ont investi le nord-est de Paris. « On ne fait quasiment plus que du Covid-19 », dit l’un des policiers, inquiet de la dégradation rapide de l’état de santé de l’homme sans nom. Un pompier en combinaison intégrale tente de le soulager en lui apportant de l’oxygène médical. Il faut le transporter à l’hôpital Lariboisière, tout proche. Il est bientôt 18 heures. Il ne mourra pas sur le boulevard de la Chapelle.

    Dans le quartier de Belleville, le 4 avril à Paris. DIANE GRIMONET

    A la station de métro Barbès-Rochechouart, sur un bout d’asphalte envahi par les pigeons, Arlan installe ses matelas noircis par la crasse avant d’avaler une salade glanée dans les poubelles. Visage grêlé, œil gauche percé recouvert par une frange de cheveux longs et gras, ce quadragénaire sri-lankais a échoué là il y a plusieurs mois.

    « On le voit tous les jours, et il faut l’aider, car ici c’est dangereux », dit un jeune revendeur de cigarettes de contrebande qui passe par là. Arlan ne se plaint ni de l’insécurité, ni de l’absence de points d’eau, ni de la fermeture des toilettes publiques. « Je ne me douche pas depuis bien longtemps et, ici, je n’ai pas de problème », lâche-t-il, indifférent au ballet des toxicomanes et des margoulins qui rôdent autour du métro.

    Quelques cars et voitures de police passent mais ne s’arrêtent pas. La veille, des CRS étaient déployés en nombre dans le quartier. « Le lendemain et les jours suivants, ils n’étaient plus là, glisse Michael, un gaillard de 43 ans. C’est parce que le préfet était dans le quartier. » Avec quatre collègues, il escorte, depuis le 31 mars, le personnel soignant de l’hôpital Lariboisière sur la centaine de mètres qui mènent au métro ou à la gare du Nord.

    « Il y a eu trop d’agressions, de vols, de tracas faits par les toxicos. Ma mission, c’est qu’ils arrivent sans problème », explique le garde du corps, ancien militaire reconverti dans la sécurité privée depuis dix ans. En cas d’embrouille, il ne compte que sur ses gros bras, sa bombe lacrymogène, sa matraque télescopique et sa maîtrise des techniques de self-défense. « Je fais du pencak-silat, un art martial indonésien », dit-il fièrement de sa voix grave qui s’échappe de son épais masque en tissu noir. « Il n’y a que des cafards dehors en ce moment », poursuit son collègue.

    « Les grands oubliés »

    Sur le chemin, ils peuvent croiser Ndiaye, alias « Beurre de karité », qui musarde avec son sac à dos de randonneur et son tapis de sol. A 47 ans, ce Sénégalais sans papiers ni logement depuis six mois se débat dans ces rues interlopes, angoissé par le Covid-19 qui pourrait lui être fatal. Il a de sérieux problèmes pulmonaires. « Mes médicaments et mes ordonnances ont été volés pendant que je dormais. Dans la rue, il y a trop de charognards ; t’es pas encore mort qu’ils viennent pour te finir et te dépouiller », raconte-t-il. Puis il reprend sa marche d’un pas décidé, comme s’il savait subitement où le mènera son interminable errance.

    Ceux qui n’ont plus l’énergie de se mouvoir se retrouvent rue Saint-Vincent-de-Paul, à une dizaine de mètres de l’entrée de l’hôpital Lariboisière. Un toxicomane édenté s’y cache derrière une voiture. Sur le trottoir d’en face, une femme d’une trentaine d’années, assise sous un porche, les pieds nus ravagés par les mêmes trous de seringue qui parsèment ses jambes et son cou, se prépare un shoot. « Ça va, oui », parvient-elle à articuler.

    Son injection sera photographiée par un habitant exaspéré par ces scènes qui se répètent et bouleversent la vie du quartier. Des images ensuite retweetées par le compte Riverains Lariboisière gare du Nord avec ce commentaire : « Il faisait beau, on entendait les enfants jouer sur les balcons. Sans vouloir stigmatiser, sous leurs yeux, [il y avait] des shoots à la seringue et des fumeurs de crack. »

    Sophie Paris X
    @SophieParisX
    Hier rue St-Vincent de Paul #Paris10 il faisait☀️on entendait les enfants jouer sur les balcons mais sans vouloir "stigmatiser",sous leurs👀shoots💉et fumeurs de crack
    –Soignants escortés
    –Toxicos soutenus par assos unilatérales
    –Qui se soucie des habitants #SCMR salle de shoot ?
    Voir l’image sur Twitter

    Dans une tribune parue le 9 avril dans Libération, un collectif d’associations a décidé d’alerter sur la situation des usagers de drogues, les « grands oubliés » du Covid-19. « La crise actuelle agit en révélateur des manquements de notre société vis-à-vis de ses membres les plus vulnérables, et met en lumière les limites d’un système basé sur la prohibition et la répression », écrivent ces professionnels du monde associatif.

    La docteure Elisabeth Avril, directrice du centre Gaïa, la salle de consommation de drogue à moindre risque jouxtant l’hôpital Lariboisière, fait partie des signataires. Beaucoup des personnes que reçoit l’association « vivent de la manche, mais aujourd’hui, en raison du confinement, ça ne leur rapporte plus rien », explique-t-elle. Elles sont sans domicile fixe pour la plupart. Début avril, une soixantaine d’entre elles ont été relogées grâce à la solidarité de quelques hôteliers. Les plus autonomes – entre 70 et 100 par jour depuis le début du confinement – se déplacent jusqu’au centre Gaïa pour accéder à un traitement de substitution. Le chiffre de fréquentation de la salle a décru à l’initiative de la direction en raison de la nécessité d’observer les gestes barrières et la distanciation sociale. Les usagers n’ont ni masque ni gel, l’équipe de Gaïa peinant déjà à en avoir pour elle, mais rentrent désormais un par un. Ils doivent patienter à l’extérieur, ce qui les rend encore un peu plus visibles pour les riverains.

    Fragilisés par la rue

    La moitié sont accros au Skenan, un antalgique composé de sulfate de morphine utilisé contre le cancer et moins risqué que l’héroïne de mauvaise qualité. Les plus précaires se rabattent sur de la drogue bon marché vendue autour de la gare de Nord, dont le parvis paraît avoir été abandonné. Seuls quelques chauffeurs de taxi, de rares bus et le kebab Oasis du Nord poursuivent leurs activités. Les devantures du McDonald’s, du Burger King et de la célèbre brasserie Art déco terminus Nord, tous fermés, sont squattés par des sans-abri couchés dans la saleté.

    De chaque côté de l’entrée de la gare, rue de Dunkerque, les dealeurs, eux, continuent leurs affaires à ciel ouvert. « On peut y trouver facilement un petit caillou de crack pour 12 euros, de quoi se faire un ou deux shoot à la pipe en ce moment, mais c’est de la “pharmacie”, avec moins de 2 % de coke dedans. Ça bouche les artères et la descente est hyper dure », dit Hervé, un usager de la salle Gaïa, la quarantaine abîmée. « Nous, on est à la rue, on a besoin de notre came, coronavirus ou pas », ajoute-t-il.

    Les prix ont augmenté avec la crise sanitaire et ses conséquences sur l’approvisionnement des trafiquants, mais il est encore aisé d’acheter de la drogue dure. A Stalingrad aussi, où le nombre d’usagers et de dealeurs a considérablement augmenté depuis le démantèlement de la « colline du crack », porte de la Chapelle en février. En fin de journée, alors que la nuit tombe, ne se croisent plus sur la place de la Bataille-de-Stalingrad, dans le 19e arrondissement que les joggeurs, les dealeurs et les toxicomanes. « Stal » est redevenue, crackopolis, la cité du crack.

    Entre #Jaurès et #Stalingrad, le 21 mars à Paris. DIANE GRIMONET

    « La crise sanitaire rend visibles ceux qui étaient jusque-là invisibles et fait ressortir les inégalités. On ne voit plus qu’eux car il n’y a plus qu’eux dehors, les confinés dehors, constate Louis Barda, coordinateur des programmes de Médecins du monde à Paris. La situation est très compliquée, car l’Etat se repose trop sur le secteur associatif, dont l’activité a baissé avec le confinement. Les SDF sont surexposés à la maladie. »

    Certaines pathologies liées à la vie dans la rue, comme les problèmes respiratoires dus à la pollution respirée jour et nuit, les rendent encore plus fragiles face au coronavirus. M. Barda rappelle que les politiques publiques ont toujours visé à repousser les plus démunis vers la périphérie. Malgré les quelques poches de très grande pauvreté dans le nord et l’est de Paris, c’est bien sur les boulevards extérieurs, à hauteur du boulevard Ney, au niveau de la porte de la Chapelle ou, plus à l’est, à proximité de la porte d’Aubervilliers, au niveau de la gare Rosa-Parks, que le paysage est le plus cauchemardesque.

    Porte de la Chapelle, le long de la ligne de tram T3b, qui rallie la porte de Vincennes via les boulevards extérieurs, débute un autre voyage dans la grande précarité. Des affiches « Paris, votez Campion » rappellent le temps d’avant. La tour Super Chapelle, du haut de ses 86 mètres, domine l’horizon. Le slogan de la marque d’électroménager coréen LG qui s’affiche à son sommet a beau rappeler que « life’s good », impossible d’ignorer les petits groupes de dealeurs qui officient en bas et sous les abris de chaque arrêt du tram. Ils ne se cachent même plus des policiers, pourtant postés à quelques dizaines de mètres.

    Il y a aussi de nombreux migrants. De jeunes adultes pour l’essentiel, venus de pays lointains en guerre, de Somalie, du Soudan ou d’Afghanistan, ou de dictatures, comme l’Erythrée. De l’autre côté du périphérique, à Aubervilliers, un campement à ciel ouvert a été « évacué » par les forces de l’ordre le 24 mars à l’aube. « Dans la brutalité », selon plusieurs associations qui avaient vainement réclamé l’installation de points d’eau. Près de 700 migrants s’entassaient sur un terrain vague, dans des conditions d’insalubrité et de promiscuité augmentant considérablement le risque d’infection au Covid-19.

    Initiatives solidaires

    La plupart de ces exilés ont été relogés dans des hôtels et des gymnases aménagés dans l’urgence et gérés par des associations dont les membres n’ont souvent pas d’équipements de protection contre le virus. D’autres ont repris leur errance. Après avoir détruit leurs tentes, des policiers leur ont conseillé d’aller à Paris. Ils se retrouvent aujourd’hui à végéter autour de Rosa-Parks, devenu pour l’occasion un nouveau terminus de la misère.

    En cette fin d’après-midi, sur la pelouse passée au peigne fin par des toxicomanes en quête de mégots ou de microdoses égarées, Mohammed Nur Ali papote en arabe avec deux camarades de galère. Ce Somalien de 43 ans a quitté Mogadiscio pour chercher la paix et la prospérité à plus de 10 000 km au nord. Il est arrivé en France il y a trois ans. Vêtu de guenilles, une bière Baltus à la main, Mohammed a la bouche pâteuse et l’œil torve. La faute sans doute à la mauvaise drogue qui circule ici. « Je dors dehors sous une tente ou dans l’herbe. Nos situations mentales sont terribles. On est déjà morts, alors le coronavirus… », dit-il en anglais. Puis, son visage couvert de cicatrices se ferme et son regard se durcit : « Si vous voulez que je vous raconte ma vie, donnez-moi de l’argent ou des “pills” [de la drogue sous forme de cachets]. » Samir, un jeune Afghan de 23 ans, se lève pour le calmer : « Vous savez, le coronavirus n’a rien changé pour nous. On doit toujours survivre. » Depuis peu, des points d’eau ont été installés sur place et à 20 heures un camion des Restos du cœur doit venir distribuer des repas et soulager quelques douleurs.

    Sophie Paris X
    @SophieParisX
    Aujourd’hui avec ma fille nous avons soutenu l’initiative du restaurant Boua Thaï rue St-Vincent de Paul #Paris10 en l’aidant à préparer 30 Bo Bun destinés aux soignants de la maternité @HopLariboisiere pour les remercier, les encourager et les soutenir💪👏#SoutienAuxSoignants
    Voir l’image sur Twitter

    Car si le secteur associatif a d’abord été pris de court par la crise sanitaire, il commence à s’organiser et des initiatives solidaires se mettent peu à peu en place.

    Chacun tente d’aider comme il peut. Comme cette cantine asiatique de la rue Saint-Vincent-de-Paul (10e arrondissement), qui prépare des bo bun pour le personnel de Lariboisière, et ce camion des Restos du cœur qui s’arrête devant la salle de consommation de drogue pour distribuer quelques vivres.

    Un peu plus au nord, dans le 18e arrondissement, des brasseries et des restaurants s’activent pour préparer des paniers repas frais pour les sans-abri et les familles dans le besoin. L’un d’eux a déployé son auvent pour que des SDF puissent s’y abriter.

    Au bout du passage Ramey, dans un bâtiment semi-industriel aux murs recouverts d’œuvres de street art, Louise et Anne chargent une camionnette de thermos remplis de soupe et de café, constituent des casiers de gâteaux, de dentifrice, de vêtements qu’elles disposent dans le coffre. Il est bientôt 20 heures, ce jeudi 9 avril, au siège parisien du Secours populaire, et ces deux jeunes bénévoles de moins de 30 ans mettent leurs masques, reçus quelques jours plus tôt, avant de commencer leur tournée dans un Paris déserté.

    Le réconfort de Jésus et d’Edith Piaf

    Premier arrêt non loin de la place de Clichy. Une grappe d’habitués se retrouvent autour de la fourgonnette. Il y a Didier, 60 ans, désormais logé dans un studio d’Emmaüs, après trente et un ans à la rue. « Quand je sors, j’ai mon papier d’autorisation, comme un écolier. Mais il n’y a rien dehors, et surtout pas de travail », soupire-t-il.

    Débrouillard, il est l’un des seuls à avoir un masque, d’où s’échappe un sourire lorsque Isabelle, petite dame énergique de 80 ans, se met à chanter Edith Piaf – Je ne regrette rien, puis La Vie en rose –, rompant le silence d’une ville confinée. Des riverains applaudissent l’ancienne SDF. Insuffisant toutefois pour arracher un sourire à Elisabeth. Cette Béninoise, précipitée dans la rue à la suite d’une série de tracas personnels, mendie comme elle peut, plus terrorisée à l’idée de contracter le Covid-19 que d’être une fois encore agressée par des voyous armés de couteaux. Son visage porte une cicatrice et elle affirme avoir été agressée sexuellement. Alors, elle serre fort dans sa main droite le crucifix en plastique dont elle ne se sépare jamais. « Hier, j’ai eu 8 euros en mendiant et avant hier, on m’a donné 10 euros pour m’acheter des couches, car je suis incontinente à la suite d’un cancer du rein. Je me demande pourquoi je suis en vie », dit-elle, confiant devoir en plus lutter contre l’alcoolisme.

    « Tout ça, c’est du lavage de cerveau du gouvernement, on a oublié les “gilets jaunes”, les manifs contre la réforme des retraites. De Gaulle, il a dit “les Français sont des veaux” », s’énerve Mouss, ancien conducteur d’engin chez ArcelorMittal, à la rue depuis onze ans, à l’occasion d’un arrêt du Secours populaire derrière le Musée d’Orsay.

    Chapeau de cow-boy froissé sur la tête, il ironise sur la crise et en renverse sa soupe. « La distanciation sociale, c’est impossible de toute façon. Comment faire l’amour à un mètre ? Tu n’as pas fait l’amour depuis le 16 mars, toi ? », lance-t-il, rigolard, avant de demander « si l’on va nationaliser ou privatiser le virus ».

    Dans le quartier de Belleville, le 23 mars à Paris. DIANE GRIMONET

    En plein milieu de l’avenue de l’Opéra, Erwan, 24 ans, profite de la prise extérieure et du Wi-Fi d’un hôtel pourtant fermé devant lequel il a posé son matelas. Ce Nantais, amateur de techno passé par la case prison, tue le temps en jouant à Call of Duty sur son téléphone, en fumant du haschich acheté à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis).

    La journée, il attend devant un tabac resté ouvert que des badauds jettent quelques pièces dans son Tupperware troué. « Je fais attention aux clochards bourrés qui postillonnent et aux Roumains qui veulent me couper la tête, car ils disent que je leur ai pris leur place de manche », glisse le jeune homme, emmitouflé dans une polaire élimée. Il ne « fait » plus que 12 euros par jour, contre près de 30 avant le confinement, et galère pour trouver des bains-douches restés ouverts. « Je ne sais pas comment je ferais sans les maraudes quotidiennes. Depuis le coronavirus, il y a un peu plus de solidarité. Mais dès que la crise sera terminée, ça recommencera comme avant. », dit-il en riant.

    #Diane_Grimonet, la photographe des déshérités
    Diane Grimonet vit et travaille à Paris. Elle photographie depuis trente ans les communautés les plus #précaires : #mal-logés, #sans-papiers, squatteurs du périphérique ou Roms. Elle intervient aussi régulièrement dans les ­milieux scolaires ou associatifs, avec ses archives comme support, et organise des ateliers photo pour les personnes en ­difficulté. En 2020, des images de sa série « Sans-papiers » ­rejoignent le Musée national de l’histoire de l’immigration.
    Depuis le 18 mars 2020, elle arpente les quartiers du #Nord-Est _parisien et rencontre les plus #vulnérables qui vivent dans la rue au temps de l’épidémie due au coronavirus.

    https://www.youtube.com/watch?v=9uNMRv-6IiA

    #photo #misère #pauvres

  • The Great Empty

    During the 1950s, New York’s Museum of Modern Art organized a famous photo exhibition called “The Family of Man.” In the wake of a world war, the show, chockablock with pictures of people, celebrated humanity’s cacophony, resilience and common bond.

    Today a different global calamity has made scarcity the necessary condition of humanity’s survival. Cafes along the Navigli in Milan hunker behind shutters along with the Milanese who used to sip aperos beside the canal. Times Square is a ghost town, as are the City of London and the Place de la Concorde in Paris during what used to be the morning rush.

    The photographs here all tell a similar story: a temple in Indonesia; Haneda Airport in Tokyo; the Americana Diner in New Jersey. Emptiness proliferates like the virus.

    The Times recently sent dozens of photographers out to capture images of once-bustling public plazas, beaches, fairgrounds, restaurants, movie theaters, tourist meccas and train stations. Public spaces, as we think of them today, trace their origins back at least to the agoras of ancient Greece. Hard to translate, the word “agora” in Homer suggested “gathering.” Eventually it came to imply the square or open space at the center of a town or city, the place without which Greeks did not really regard a town or city as a town or city at all, but only as an assortment of houses and shrines.

    Thousands of years later, public squares and other spaces remain bellwethers and magnets, places to which we gravitate for pleasure and solace, to take our collective temperature, celebrate, protest. Following the uprisings in Tiananmen Square, Tahrir Square, Taksim Square and elsewhere, Yellow Vest protesters in France demonstrated their discontent last year not by starting a GoFundMe page but by occupying public sites like the Place de la République and the Place de l’Opéra in Paris.

    Both of those squares were built during the 19th century as part of a master plan by a French official, Baron Georges-Eugène Haussmann, who remade vast swaths of Paris after the city passed new health regulations in 1850 to combat disease. Beset by viruses and other natural disasters, cities around the world have time and again devised new infrastructure and rewritten zoning regulations to ensure more light and air, and produced public spaces, buildings and other sites, including some of the ones in these photographs, that promised to improve civic welfare and that represented new frontiers of civic aspiration.

    Their present emptiness, a public health necessity, can conjure up dystopia, not progress, but, promisingly, it also suggests that, by heeding the experts and staying apart, we have not yet lost the capacity to come together for the common good. Covid-19 doesn’t vote along party lines, after all. These images are haunted and haunting, like stills from movies about plagues and the apocalypse, but in some ways they are hopeful.

    They also remind us that beauty requires human interaction.

    I don’t mean that buildings and fairgrounds and railway stations and temples can’t look eerily beautiful empty. Some of these sites, like many of these photographs, are works of art. I mean that empty buildings, squares and beaches are what art history textbooks, boutique hotel advertisements and glossy shelter and travel magazines tend to traffic in. Their emptiness trumpets an existence mostly divorced from human habitation and the messy thrum of daily life. They imagine an experience more akin to the wonder of bygone explorers coming upon the remains of a lost civilization.

    They evoke the romance of ruins.

    Beauty entails something else. It is something we bestow.

    It will be the moment we return.

    https://www.nytimes.com/interactive/2020/03/23/world/coronavirus-great-empty.html
    #photographie #vide #géographie_du_vide #coronavirus #villes-phantomes #ghost-town #urban_matter #villes #géographie_urbaine
    via @albertocampiphoto
    ping @reka @philippe_de_jonckheere

    • Deserted cities of the heart

      The past few weeks have seen images spreading around the internet of empty streets and deserted cities. But what do these images tell us about the present moment, and what does their cultural value suggest about our relationship to the current crisis?

      In Liu Cixin’s sci-fi novel The Three-Body Problem, an astrophysicist, radicalized by reading Silent Spring, and having been persecuted during the Cultural Revolution, decides the human race is irredeemable and sells it out to an alien invader. I started the book a few weeks ago; now it has become grimly timely. Demagogues would now have us believe that the novel coronavirus is an alien invasion force while also trying to sell millions of us out to it as quickly as possible. Some have made a comparison to the risk-reward calculus of driving, arguing that governments don’t force people to drive slow in order to save lives. So why should they prevent us from endangering ourselves and others? Lives must be sacrificed to road wrecks to maintain a certain rate of return. As the skies clear dramatically over cities that are accustomed to thick smog, one can imagine the demagogues making a similar argument about the air pollution that already ruins lungs and truncates lives: All coronavirus does is accelerate the process — fast capitalism in its apotheosis.

      But the eschatological fantasies of Liu’s anti-humanity cadres are also echoed, however faintly, in the celebration of abandoned urban spaces and brightened city skies as some sort of coronavirus consolation. These are not like the images of empty grocery shelves, caused by those merely participating in the panic. They evoke something more sedate, serene. Earlier in the crisis, when Italy was the focal point, the sudden clarity of Venice’s canals were widely discussed with wonder. Without boat traffic, the sediment in them settled, making it possible to see the marine life they host. CNN quoted a random person saying, “What a marvel this Venice was; this virus brought something ... beautiful." That sentiment was echoed on Twitter feeds that shared video of the canals, the fish newly visible. Implied in this sharing was a message about the resilience of nature and humanity’s fundamental tendency to interfere rather than participate in it: See how nice and pure the world is without tourists, without other people living their lives by their own priorities and privileges? This is the way I like to see the world, with no one else around to see it. The way things “really should be” is the way they are when human activity is subtracted. The canals are supposed to be clear and stagnant. To borrow a phrase from writer Mark O’Connell, describing the butterflies in the Chernobyl Exclusion Zone, “It is all quite lovely, in its uncanny way: The world, everywhere, protesting its innocence.”

      The clear canals may be taken as emblematic of a broader silencing to come. In an essay for the Point, philosopher Justin E.H. Smith wrote, “We have little idea what the world is going to look like when we get through to the other side of this, but it is already perfectly clear that the ‘discourses’ of our society, such as they had developed up to about March 8 or 9, 2020, in all their frivolity and distractiousness, have been decisively curtailed, like the CO2 emissions from the closed factories and the vacated highways.” He concludes that if an invading alien force came to Earth, there is no reason to believe that it would even have any interest in humanity (even to exterminate it), given that it’s only our own hubris that leads us to believe that we are “this planet’s true and legitimate representatives.”

      The broad fascination with the images of empty cities — as in this New York Times photo essay, for instance — is in part a fascination with that hubris, but more as a means of fetishizing it rather than overcoming it or rejecting it. Cities appear in these images not as practical commercial spaces but as monuments to humanity’s transformational power in the abstract, something that doesn’t require collaboration, competition, or conflict but just seems just to exist as a natural force. They are seen as especially beautiful when rendered useless, but that’s not because they remind us of our own uselessness or insignificance. Instead, the sense of personal impotence may be dispersed in majestic images of the vacated cathedrals of civilization.

      At the same time, cities are given the deserted quality that has often been reserved for conventional natural landscapes, where an absence of people serves as a signifier of “naturalness.” Landscape paintings typically tend to mask whatever alterations humans have made to the land so a particular perspective can appear as given, as inherent or inevitable. How the land is framed is both foregrounded and effaced: A vantage point is isolated and idealized as characteristic, as typical, as frameless.

      The photos of people-less cities extend that mood of givenness to urban landscapes, suggesting how they endure without us or despite us. We can regard cities not as purpose-built environments, but as natural ones to which humans have adapted, much like the species at the bottom of the ocean have adapted to life without light. From that point of view, humans are othered to themselves, becoming a species for remote observation. By looking at the images, we can see ourselves as exempt, as belonging to an evolution beyond that, the contours of which are emerging in the strange dislocations we are now experiencing in everyday life.

      Our ability to appreciate these images doesn’t underscore our ultimate harmony or interconnection with the natural world and the life that purportedly re-emerges when the highways are finally vacated. Rather it lets us use mediation (our ability to consume representations) to rearticulate our exceptionality. We can assume the subject position of the camera and pretend that makes us immune to being objects in the world.

      The deserted cities allow us to imagine that we’re in a comfortable position from which to enjoy them — that the erasure of humanity doesn’t actually include us. As this piece by Cherine Fahd and Sara Oscar notes, “The viewer is looking at a representation of the scene, not the scene itself, from a position of far-off comfort.” This becomes obvious when you actually walk around a deserted city, which is certainly uncanny but inspires more grief than delight. The images let us consume a distance from the emptiness as much as the emptiness itself. Wherever we are can then feel more full.

      In an essay that accompanied the New York Times’s collection of images, Michael Kimmelman suggests that the photos are hopeful because in their eerie, ruin-porn-like emptiness they “remind us that beauty requires human interaction.” But that reading strikes me as somewhat idealistic; he dismisses what seems to me their more fundamental allure, that they offer a vicarious experience of “the wonder of bygone explorers coming upon the remains of a lost civilization.” That is, they give viewers a kind of imperial transcendence, a sense of sublime survival as a kind of conquering. “Beauty” might be, as Kimmelman claims, a thing we “bestow” with social interaction, but the images remind us also that the consumption of beauty can be had unilaterally, placing us at a perspective that provides pleasure precisely by protecting us from complicity or vulnerability.

      What these images of empty cities remind me of are photos of dead malls that have served over the past decade or so as symbols of the oft-predicted “retail apocalypse.” I spent lots of time working and hanging out in a mall as a teenager, so these sorts of images have always had a bracing form of anti-nostalgia for me, like seeing your childhood home being bulldozed. But I also tend to read the dead-mall images as metonyms for the dead end of consumerism. They depict not the absence of commerce but its negation.

      Many have predicted that one of the lasting effects of the pandemic will be the end of conventional retail, because everyone will have gotten fully acclimated to home delivery and its conveniences. But this prediction seems premature; it’s impossible to tell just how drastically our everyday life and our perception of what is convenient will be reworked by the experience of extended isolation.

      It’s tempting to treat the images of deserted cities as symbols, as evocations, as metaphors, as prophecies, but the most compelling and troubling thing about them is that they can be taken as just direct representations of the world outside as it is. Our old lives are over; where we lived are ghost towns. The photos seem to document something historic and exceptional that we lived through, only we’re still living it. There is an apparent finality to total emptiness that might help us pretend that the crisis is already over, and the world is there, where we left it, and not in the social relations and the sorts of choices we’re now facing to try to remake it.

      https://www.versobooks.com/blogs/4620-deserted-cities-of-the-heart

    • La Plaine (place Jean-Jaurès). « Ce qui fait la beauté de cette ville, ce sont les gens qui l’habitent. Ces calicots pendus aux fenêtres en sont la trace. Ici, à la Plaine, c’est la colère qui domine. Plus bas, dans le centre, les banderoles sont plus "douces". »
      Photo #Yohanne_Lamoulère. Tendance Floue pour Libération


      https://seenthis.net/messages/841970

      La Plaine. « J’ai une forme de fascination pour les graffitis, comme celui-ci, très hauts : "Le virus c’est l’Etat". Je suis retournée à la Plaine pour le photographier, dans ce quartier, qui organise des prêts de livres, mais aussi des tournées de nourriture pour les soignants. Symbole de cette énergie militante, très forte à Marseille, qui comble finalement énormément de vide. »
      Photo Yohanne Lamoulère. Tendance Floue pour #Libération


      #Marseille

  • Le R.E.R a 50 ans

    Une série documentaire de Kristel Le Pollotec, réalisée par Anne Fleury

    Le 12 décembre 1969, le dernier train à vapeur quitte la gare de la Bastille en direction de Boissy-Saint-Léger. Quelques heures plus tard, il est remplacé par le premier #RER A depuis la toute nouvelle gare de la Nation, inaugurée en grande pompe. Il y a cinquante ans, la #région_parisienne entrait dans la modernité.

    KNUT, PRUT, GOTA ou PAPY, les trains du RER parcourent quotidiennement l’Ile de France, transportant 2,7 millions de voyageurs par jour. Une épopée technologique mais aussi hautement politique qui nous rappelle que le RER est l’un des symboles des trente glorieuses. Un exploit célébré par des journalistes exaltés par la prouesse technique et croyant fermement en la promesse de ce nouveau progrès pour les banlieusards venant travailler à #Paris .

    https://www.franceculture.fr/emissions/series/le-rer-a-50-ans

    Du #train_de_banlieue au #Réseau_Express_Régional

    http://rf.proxycast.org/1644726904491614208/10177-02.12.2019-ITEMA_22214911-0.mp3

    Des stations comme des villes souterraines

    http://rf.proxycast.org/1644726902079889408/10177-02.12.2019-ITEMA_22214911-1.mp3

    RER A, des guinguettes aux #villes_nouvelles

    http://rf.proxycast.org/1644726907545067520/10177-02.12.2019-ITEMA_22214911-2.mp3

    RER B, voyage social

    http://rf.proxycast.org/1644726901362663424/10177-02.12.2019-ITEMA_22214911-3.mp3

    Salvatore Adamo et Dalida lors de l’inauguration de la station de RER « Auber » à Paris - novembre 1971• Crédits : AFP - AFP

    #RATP #SNCF #train #Grand_Paris #urbanisme #ségrégation_urbaine #documentaire #podcast #LSD #France_Culture #LSD_La_série_documentaire

  • Jeux Olympiques : Airbnb devient sponsor du CIO, Hidalgo contre-attaque
    https://www.latribune.fr/economie/france/jeux-olympiques-airbnb-devient-sponsor-du-cio-hidalgo-contre-attaque-83335

    Quand on vous disait que les JO à Paris était typiquement la fausse bonne idée, qui allait coûter et profondément modifier la ville...

    Le but de cette opération ? Redorer l’image d’Airbnb après plusieurs controverses, notamment à Paris. La maire de la capitale, Anne Hidalgo, a immédiatement écrit au président du CIO pour l"’alerter sur les risques et les conséquences" d’un tel sponsoring.

    Le géant de la location de logements entre particuliers Airbnb a annoncé lundi qu’il devenait l’un des principaux sponsors du Comité international olympique (CIO) jusqu’en 2028, dans le but de redorer son image face à plusieurs controverses notamment à Paris.

    Ce partenariat, dévoilé à Londres par le co-fondateur de la plateforme Joe Gebbia, intervient au moment où la société veut se présenter sous son meilleur jour avant une possible introduction en Bourse en 2020.

    Contentieux avec Paris

    Plusieurs contentieux opposent d’ailleurs actuellement le géant américain à la Ville de Paris, à moins de cinq ans des JO dans la capitale française. En février, la mairie de Paris a ainsi assigné en justice la plateforme, passible d’une amende de 12,5 millions d’euros pour avoir mis en ligne 1.000 logements non enregistrés.

    La maire de Paris Anne Hidalgo, qui est en campagne pour sa réélection, a d’ailleurs immédiatement écrit au président du CIO Thomas Bach pour l"’alerter sur les risques et les conséquences" d’un sponsoring des JO par Airbnb, selon son courrier dont l’AFP a eu copie.

    « En soustrayant à Paris un nombre important de logements, Airbnb est un facteur d’augmentation du prix des loyers et d’aggravation de la pénurie de logements sur le marché locatif, pénalisant l’ensemble des Parisiennes et des Parisiens, et, en particulier, les classes moyennes », a rappelé l’élue dans sa lettre au président.

    #Airbnb #Paris #Villes_sans_peur #JO2024

  • Rising Seas Will Erase More Cities by 2050, New Research Shows - The New York Times
    https://www.nytimes.com/interactive/2019/10/29/climate/coastal-cities-underwater.html

    Rising Seas Will Erase More Cities by 2050, New Research Shows

    By Denise Lu and Christopher FlavelleOct. 29, 2019

    Rising seas could affect three times more people by 2050 than previously thought, according to new research, threatening to all but erase some of the world’s great coastal cities.

    The authors of a paper published Tuesday developed a more accurate way of calculating land elevation based on satellite readings, a standard way of estimating the effects of sea level rise over large areas, and found that the previous numbers were far too optimistic. The new research shows that some 150 million people are now living on land that will be below the high-tide line by midcentury.

    #climat #sea_level_rise #cartographie #nyt

  • COMMUNITY WORKSHOP | `Izbit Khayrallah - Tadamun
    http://www.tadamun.co/?post_type=voice&p=3131&lang=en&lang=en

    The purpose of the community workshops is to develop an understanding for different neighborhoods in Cairo from the perspective of those who know it the best; its residents. The community workshops start with a brief introduction of TADAMUN project that also showcases success stories of some local initiatives. The participants are then divided into small groups and are asked to draw a map of their area. No instruction is given to influence the type of information or format used. The groups are then asked to comment on their own maps to highlight the following:

    #Egypte #sisi #villes_nouvelles #villes_du_desert #urban_matter #participative_mapping #cartographie_participative #cartoexpériment

  • Cairo 2050 Revisited: Cairo’s Mysterious Planning – What We Know and What We Do Not Know About Al-Fusṭāṭ - Tadamun
    http://www.tadamun.co/cairo-2050-revisited-cairos-mysterious-planning-know-know-al-fus%e1%b9%ada%e1%b9%ad/?lang=en

    There are many things that can be said about planning in Egypt. Transparent is not one of them. As discussed previously in another TADAMUN article on urban issues –“Where is Cairo’s Strategic Development,”– figuring out how urban plans are being designed and implemented in any given area of Egypt’s capital, Cairo, usually involves searching for random pieces of information from various sources that almost always leads to a muddled and self-contradictory picture. To illustrate this further, this article will provide a prime example of the mystery and ambiguity that almost always surrounds Egypt’s urban planning.

    #Egypte #sisi #villes_nouvelles #villes_du_desert #urban_matter

  • Cairo 2050 Revisited : A Planning Logic - Tadamun
    http://www.tadamun.co/introduction-cairo-2050-planning-logic/?lang=en

    Nobody can deny the daily struggles that citizens of Cairo have to deal with such as deterioration of housing and services, incredibly high population densities, and weak transportation. It is for this reason that Cairo’s planners deemed it necessary to develop a vision and strategic plan that would turn Cairo into a “modern city,” fulfilling the dreams of its citizens. This effort culminated in ‘Cairo 2050′ – a vision for Cairo’s future that was proposed in 2007/2008, and that was situated within a broader national strategic plan “Egypt 2050..”. The vision for Egypt revolved around raising the overall living standards for the Egyptian citizens through things like redistributing the population and developing the countryside rural areas, among other policies. The vision for Cairo depicted the city as full of wide boulevards and green spaces often replacing areas where millions of Egyptians currently live.

    #Egypte #sisi #villes_nouvelles #villes_du_desert #urban_matter

  • The Anti-Cairo
    https://placesjournal.org/article/the-anti-cairo

    The new capital of Egypt has no residents. It doesn’t have a local source of water. It just lost a major developer, the Chinese state company that had agreed to build the first phase. You might say the planned city in the desert 45 kilometers east of Cairo doesn’t have a reason to exist. Urban planner David Sims told the Wall Street Journal, “Egypt needs a new capital like a hole in the head.” 1

    #Egypte #sisi #villes_nouvelles #villes_du_desert #urban_matter