• Un #TGV au-dessus du vide, symbole d’un réseau ferré vulnérable aux #intempéries

    De violentes intempéries ont causé l’affaissement d’un talus sur lequel circulait un TGV dans le Sud-Ouest, sans conséquence pour ses passagers. L’épisode illustre l’exposition du réseau ferré aux effets du changement climatique.

    Un train au-dessus du vide sur plusieurs mètres : les images de l’incident ferroviaire survenu lundi 19 mai dans le Lot-et-Garonne sont impressionnantes. Vers 20 h 30, les 508 passagers du TGV Paris-Toulouse ont ressenti « une légère secousse » avant l’arrêt du train. Et pour cause, les #pluies diluviennes qui ont causé d’importantes #inondations dans le Sud-Ouest avaient fait déborder un petit cours d’eau proche des rails, aux abords de la commune de #Tonneins (Lot-et-Garonne), emportant le ballast — amas de pierres soutenant les rails — sur une dizaine de mètres.

    Le train, qui roulait au ralenti, selon SNCF Réseau, s’est arrêté alors que les #rails ne touchaient plus le sol. « On a frôlé la catastrophe, les voies étaient à nu et le TGV en suspension », a témoigné auprès de l’Agence France-Presse le maire de la commune, Dante Rinaudo. Aucun blessé n’a heureusement été à déplorer.

    « Il n’y a pas eu de déraillement formel. Le train est resté dans l’axe, même si les roues ne touchaient plus le rail à certains endroits », précise SNCF Réseau à Reporterre. La circulation des trains restera coupée entre Agen et Marmande pendant « au moins plusieurs jours » et perturbée mardi 20 mai sur l’axe Bordeaux-Toulouse. « Il va falloir attendre que le TGV soit dégagé pour finaliser le diagnostic », déclare le représentant de SNCF Réseau.

    Des #dégâts « à des endroits où on ne s’y attend pas »

    À l’image de celle-ci, la SNCF comptabilise 7 000 km de voies en #zone_inondable, par ruissellement ou débordement. Et le #réseau_ferré est, de manière générale, particulièrement vulnérable aux effets du dérèglement climatique, qui cause une hausse des températures tout en multipliant les épisodes météorologiques extrêmes. Pour la SNCF, le défi technique est colossal : voies inondées, vents violents déstabilisant les trains, chutes d’arbres, éboulements, surchauffe de rails, incendies, fragilisation des ponts, défaillance de l’alimentation électrique en cas de canicule ou de tempête...

    « Les #aléas_climatiques sont énormes. Ils détruisent régulièrement le réseau à des endroits où on ne s’y attend pas. Cela ne fait que commencer », alertait Franck Dhersin, sénateur Horizons du Nord et ex-Monsieur transports de la région Hauts-de-France, lors d’une conférence de l’Association française du rail, le 8 octobre 2024.

    Les retards dus aux intempéries ont augmenté de 35 % entre 2011 et 2023 et le nombre de trains supprimés pour cette cause a été multiplié par cinq, selon une étude de la SNCF. Cela représente 1 500 trains par an, soit une journée d’exploitation, selon les chiffres de SNCF Réseau, qui dépense 30 à 40 millions d’euros par an pour réparer les dégâts causés par les aléas climatiques.

    Le dérèglement climatique implique aussi une explosion des #coûts de #maintenance. « Notre premier problème, c’est l’effet insidieux du changement climatique sur la végétation. La #forêt se dégrade rapidement, les insectes ravageurs sont plus résilients, ils attaquent la forêt et les arbres tombent sur les voies », a souligné Alain Quinet, directeur général exécutif de SNCF Réseau, le 20 mai devant un parterre d’experts des #transports, réunis au Conseil économique social et environnemental à l’occasion de la conférence de financement des transports.

    Des moyens colossaux nécessaires

    L’entreprise qui a dû renoncer au #glyphosate pour désherber, a vu ses frais de traitement de la végétation passer de 90 millions à 230 millions d’euros par an en dix ans. « Les perturbations du #cycle_de_l’eau » sont la seconde grande menace, dit Alain Quinet.

    Dans une note sur le sujet, SNCF Réseau estime que l’infrastructure est « à priori résiliente à l’horizon 2040-2050 », mais pour la suite, « l’ensemble du catalogue technique actuel doit être réexaminé et mis à jour ». Des moyens colossaux seront nécessaires à long terme, notamment pour déplacer les voies qui se situent dans les zones touchées par la montée des eaux, comme c’est déjà le cas de celle reliant Montpellier à Perpignan.

    Face à ce constat largement documenté, la charge revient désormais à l’État de lancer et financer un plan d’adaptation du réseau, notamment dans le cadre du contrat de performance État-SNCF Réseau, justement en cours de négociation. « Il faut qu’on se prépare, malheureusement, à ce que ce genre de problème climatique se renouvelle », alerte le ministre des Transports, Philippe Tabarot, auprès de Reporterre. « On a besoin de financements », dit-il, reconnaissant que « les arbitrages budgétaires n’ont pas été en faveur des transports ces dernières années, c’est le moins qu’on puisse dire »

    Déjà menacé d’« effondrement » en raison de sa vétusté, le réseau ferré français nécessite donc, plus que jamais, un sursaut politique. C’est en tout cas le consensus qui semble animer les observateurs de tous bords.

    https://reporterre.net/Un-TGV-au-dessus-du-vide-symbole-d-un-reseau-ferre-vulnerable-aux-intemp
    #train #réseau_ferroviaire #changement_climatique #infrastructure #vulnérabilité

  • #Allemagne : les #refoulements de migrants à la frontière sont-ils légaux ?

    En Allemagne, le nouveau ministre de l’Intérieur a annoncé de possibles refoulement de demandeurs d’asile à la frontière allemande. Qui sera concerné par cette mesure ? Et cette politique est-elle vraiment légale ? InfoMigrants s’est entretenu avec deux avocats spécialisés dans les questions d’asile.

    Le nouveau ministre allemand de l’Intérieur, #Alexander_Dobrindt, a ordonné à la police fédérale de refouler les demandeurs d’asile à la frontière, à moins qu’ils ne soient considérés comme vulnérables.

    Nous avons interrogé deux experts juridiques sur la légalité de ce nouveau tour de vis migratoire. Matthias Lehnert est avocat spécialisé dans le droit d’asile à Leipzig, dans l’est de l’Allemagne. Engin Sanli est avocat spécialisé dans le droit d’asile et de l’immigration à Stuttgart, dans le sud du pays.

    InfoMigrants : Selon vous, qui sera le plus touché par cette nouvelle politique ?

    Matthias Lehnert : Tous ceux qui veulent entrer en Allemagne dans le but de demander l’asile peuvent être concernés. Les personnes vulnérables sont censées être exemptées des refoulements à la frontière, mais on ne sait pas encore exactement comment les personnes seront classées ou reconnues comme vulnérables par la police à la frontière. Ne seront pas seulement touchés des personnes possédant des passeports de pays que l’Allemagne considère comme « sûrs », mais aussi des personnes originaires d’autres pays. Le gouvernement a déjà admis que des #demandeurs_d'asile avaient été refoulés à la frontière.

    Engin Sanli : Je pense que les demandeurs d’asile originaires de pays considérés comme sûrs par le Parlement allemand seront les premiers concernés (l’Allemagne classe les pays suivants comme « sûrs » : les États membres de l’UE, l’#Albanie, la #Bosnie-Herzégovine, la #Géorgie, le #Ghana, le #Kosovo, la #Macédoine, le #Monténégro, la #Moldavie, le #Sénégal, la #Serbie, ndlr). La nouvelle politique est largement basée sur un paragraphe existant dans la loi allemande sur l’asile, à savoir le paragraphe 18. Il stipule que les demandeurs d’asile peuvent être refoulés à la frontière s’ils viennent d’un pays sûr ou si un autre pays est responsable de leur demande d’asile. Dans la pratique, il n’est généralement pas possible de vérifier à la frontière si un autre pays européen est responsable de la demande d’asile d’une personne, comme par exemple en vérifiant ses empreintes digitales dans une base de données de l’Union européenne, de sorte que les personnes seront probablement toujours conduites dans des centres d’accueil et non pas refoulées à la frontière.

    Engin Sanli : Non. Seules les personnes qui traversent la frontière pour demander l’asile sont concernées, pas celles qui sont déjà dans le pays.

    Matthias Lehnert : Une fois que quelqu’un est entré en Allemagne, une fois qu’il a passé un poste frontière, il reste autorisé à demander l’asile.

    Est-ce que tout le monde sera désormais arrêté à la frontière ?

    Engin Sanli : Non. La nouvelle politique peut théoriquement être appliquée partout le long de la frontière allemande, mais en pratique, la police se concentrera probablement sur les points de passage les plus fréquentés par les migrants. Le gouvernement allemand souhaite faire passer le nombre de policiers chargés des contrôles frontaliers de 10 000 à 14 000, ce qui n’est pas suffisant pour contrôler tous les points de passage aux frontières.

    Le ministre de l’Intérieur a déclaré que les demandeurs d’asile vulnérables sont censés être exemptés de cette politique. Il a cité les femmes enceintes et les enfants. Existe-t-il des critères juridiquement contraignants pour déterminer qui est vulnérable ?

    Matthias Lehnert : Une directive européenne sur l’asile liste différents types de groupes vulnérables, comme les femmes célibataires et enceintes, les mineurs, certaines familles avec des enfants en bas âge et les personnes souffrant de problèmes médicaux ou psychologiques. À mon avis, la police fédérale aux frontières n’est pas en mesure ou n’est pas qualifiée pour reconnaître si une personne est vulnérable ; elle n’a pas été formée et n’a aucune qualification pour cela. Parfois, il est évident qu’une personne soit vulnérable, par exemple lorsqu’une grossesse est à un stade très avancé ou s’il s’agit d’une femme seule avec trois enfants. Mais souvent, par exemple dans le cas des victimes de traumatismes, il est très difficile de reconnaître ces critères pour des personnes qui n’ont pas été formées et sans une évaluation adaptée.

    La légalité de cette politique suscite de nombreuses interrogations. Selon vous, est-il légal pour l’Allemagne de rejeter des demandeurs d’asile à la frontière ?

    Engin Sanli : Cela est autorisé en vertu du #droit allemand. Les demandeurs d’asile peuvent se voir refuser l’entrée sur le territoire s’ils viennent d’un autre État membre de l’UE ou d’un autre pays sûr, en vertu du paragraphe 18 de la loi sur l’asile et du paragraphe 16a de la Constitution. Mais en vertu du #droit_européen, et plus précisément du #règlement_Dublin III, le cas de chaque demandeur d’asile doit être examiné, y compris la question de savoir si un autre pays est responsable, avant que le demandeur d’asile ne soit renvoyé dans un autre pays.

    Enfin, la question se pose de savoir si l’Allemagne est autorisée à effectuer des contrôles frontaliers à long terme dans le cadre de l’accord de #libre_circulation de l’espace Schengen. L’extension continue des contrôles frontaliers pourrait également constituer une violation de l’#accord_de_Schengen.

    Matthias Lehnert : Je pense que cette politique n’est pas légale. Le gouvernement allemand a évoqué un article de la législation européenne qui permet de suspendre le règlement de Dublin en cas d’urgence. Mais nous ne sommes pas dans une situation d’#urgence. Si vous regardez les chiffres de l’asile, ils ont baissé, il n’y a pas d’afflux massif de migrants. Il est important de noter ici que le droit européen prime sur le #droit_allemand, c’est à dire que le droit européen est donc plus important que le droit allemand.

    Il existe également une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme qui stipule que tout demandeur d’asile a le droit de bénéficier d’une procédure d’asile appropriée, ce que, selon moi, la politique de refoulement à la frontière ne respecte pas.

    Les demandeurs d’asile ont-ils la possibilité de contester un refus à la frontière ?

    Engin Sanli : Si une personne se voit refuser l’entrée à la frontière allemande, elle peut légalement s’y opposer et contester la décision en intentant une action en justice. Les tribunaux allemands transmettent alors généralement l’affaire à la Cour européenne de justice.

    Vous attendez-vous à des actions en justice de la part d’organisations pro-réfugiés ?

    Engin Sanli : Ces organisations peuvent contester la politique de deux manières. La première consiste à engager une action en justice contre cette politique, en affirmant qu’elle est anticonstitutionnelle. Je pense qu’il est peu probable que cela se produise, car la Constitution allemande autorise le refoulement aux frontières, comme je l’ai mentionné.

    La deuxième option consisterait pour les organisations à soutenir légalement et financièrement les personnes dont la demande a été rejetée à la frontière afin qu’elles contestent ce refoulement devant les tribunaux. Je pense que cela se produira probablement, certaines organisations comme Amnesty International et ProAsyl ont déclaré qu’elles avaient l’intention de contester la politique de cette manière.

    Matthias Lehnert : Je m’attends à ce que cette politique soit contestée devant les tribunaux.

    Combien de temps prendront ces actions en justice ?

    Matthias Lehnert : Je m’attends à ce que les premières décisions soient rendues dans deux ou trois mois, mais il est difficile de le dire avec certitude. Mais je pense que la première décision interviendra bientôt.

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64534/allemagne--les-refoulements-de-migrants-a-la-frontiere-sontils-legaux
    #illégalité #légalité #frontières #migrations #contrôles_frontaliers #réfugiés #frontières_intérieures #vulnérabilité #tri #pays-tiers_sûrs #asile

  • La dangereuse route migratoire des Ethiopiens vers l’Afrique du Sud : « Certains n’y survivent pas »
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/05/15/la-dangereuse-route-migratoire-des-ethiopiens-vers-l-afrique-du-sud-certains

    La dangereuse route migratoire des Ethiopiens vers l’Afrique du Sud : « Certains n’y survivent pas »
    Par Marlène Panara (Addis-Abeba, correspondance)
    Ce sont leurs cris et leurs appels à l’aide qui ont permis de les repérer. Début mai, 44 Ethiopiens retenus dans une maison de la banlieue de Johannesburg ont été découverts par la police sud-africaine. Très amaigris et, pour certains, seulement vêtus d’une couverture autour de la taille, ces jeunes hommes ont déclaré que leurs passeurs les avaient conduits là à leur arrivée en Afrique du Sud. Parti il y a plusieurs mois d’Ethiopie, le groupe avait traversé par la route plusieurs pays avant d’arriver à Johannesburg.
    Cette route dite « du sud » est une voie d’exil de plus en plus empruntée par les Ethiopiens à la recherche d’une vie meilleure. Entre janvier et mars 2025, 15 000 mouvements y ont été détectés, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Entre 2023 et 2024, ils avaient déjà augmenté de 26 %, passant de 11 613 à 14 568.
    La plupart des Ethiopiens qui effectuent ce voyage sont originaires du sud et du centre du pays. « Le Sud est l’une des régions les plus densément peuplées, où la propriété foncière par habitant est l’une des plus faibles. La concurrence est donc rude pour accéder à des terres, explique Yordanos Estifanos, chercheur sur les migrations à l’université du Sussex. Les perspectives économiques étant minces, cette population considère l’Afrique du Sud comme une bonne alternative pour réussir. »
    Teshale, originaire de la ville de Hosaena (centre), est parti pour ce pays il y a douze ans après avoir vendu ses terres. « Il n’avait pas eu le concours pour entrer à l’université et il disait qu’il pouvait gagner plus d’argent là-bas, raconte son cousin à Addis-Abeba. Et puis son grand frère était déjà installé en Afrique du Sud, ça l’a rassuré. »
    Première escale sur cette route pour les migrants éthiopiens : Moyale, à la frontière kényane. Ils empruntent ensuite des itinéraires secondaires plus confidentiels. Pour éviter les contrôles, ils s’entassent dans des véhicules réservés par des passeurs ou dans des camions de marchandises, parfois mélangés au bétail. Une fois passée la Tanzanie, les itinéraires se divisent entre le Malawi, le Mozambique et la Zambie. Restent ensuite plusieurs milliers de kilomètres supplémentaires jusqu’en Afrique du Sud. Le périple coûte en moyenne 4 800 dollars dans un pays où le revenu moyen est de 94 dollars par mois selon la Banque mondiale.
    Sur ce parcours qui peut durer de deux mois à un an et qui fait intervenir de multiples intermédiaires, les dangers sont nombreux. « On marchait beaucoup la nuit pour ne pas être repérés, raconte Tibebu, originaire de la région Oromia (centre) et aujourd’hui installé dans un township du Cap. Je me souviens surtout d’avoir eu très faim, on n’avait rien. On demandait de la nourriture à des fermiers. Il y avait le manque d’eau aussi. Certains n’y survivent pas. Sur cette route, on perd des amEntre 2012 et 2019, au moins 5 972 migrants éthiopiens sont morts ou ont disparu en tentant ce voyage, selon le Bureau éthiopien du travail et des affaires sociales. L’OIM, elle, a recensé 340 décès le long de cette route depuis 2015. Cette divergence des chiffres s’explique par le manque de documentation sur cette voie migratoire. « De nombreuses disparitions ne sont pas signalées, ni par les autorités, ni par la presse. Ce qui conduit à une sous-estimation du nombre réel de décès », reconnaît le bureau régional de l’OIM en Afrique de l’Est. Les accidents de la route, les asphyxies dans des camions insuffisamment ventilés », sont les principales causes de décès, d’après le projet Missing Migrants de l’OIM. En octobre 2023, 29 Ethiopiens âgés de 25 à 40 ans ont été retrouvés morts étouffés dans un camion au Malawi. Trois ans plus tôt, 64 jeunes Ethiopiens avaient péri dans les mêmes circonstances dans le conteneur d’un camion à un poste de contrôle au Mozambique.
    Pour ceux qui finissent par arriver, exténués, en Afrique du Sud, commence alors la difficile étape de l’installation. Pour les personnes souhaitant demander l’asile, il faudra attendre entre huit et quinze mois pour obtenir un rendez-vous avec l’administration. Les chances d’obtenir le statut de réfugié sont minces. En 2023, le taux d’acceptation des demandes d’asile de ressortissants venus d’Ethiopie – premier pays demandeur en Afrique du Sud – était de 4,7 %, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
    Pour les Ethiopiens qui ne demandent pas la protection internationale, obtenir un titre de séjour est « quasiment impossible », affirme Rodolphe Demeestère, doctorant en sciences politiques à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne et auteur de plusieurs articles sur la xénophobie en Afrique du Sud. « Le ministère de l’intérieur est en lutte ouverte contre les candidats à l’exil, dit-il. Intégrer légalement ces Ethiopiens n’est absolument pas au programme des responsables politiques, dont le discours à l’égard de la diaspora africaine s’est fait de plus en plus hostile et ouvertement xénophobe depuis le début des années 2000. »
    Le secteur informel reste la première solution qui s’offre aux exilés pour survivre. Depuis une quinzaine d’années, les « spaza », ces épiceries tenues par des migrants éthiopiens, fleurissent dans les townships des grands centres urbains sud-africains. Si le business est rentable, la xénophobie latente complique le quotidien des commerçants. Par peur des attaques, ceux-ci passent leurs journées à l’intérieur de leur local aux fenêtres grillagées, délivrant leurs produits aux clients par une petite trappe.
    Les commerçants subissent aussi le racket des gangs du quartier. « Tous les mois, on me demande de payer, confirme Tibebu, propriétaire d’une épicerie au Cap. Je n’ai pas le choix, je donne. Parfois, je dois même verser des commissions à plusieurs gangs à la fois. J’ai peur, mais à qui demander de l’aide ? La police n’ouvre jamais d’enquête pour les étrangers. » Le commerçant éthiopien confie être « épuisé » par la peur d’être assassiné : « J’y pense tous les jours, car c’est arrivé à beaucoup d’épiciers que je connaissais. »
    Teshale a lui aussi possédé, durant plusieurs années, une boutique prospère à Johannesburg. « Il s’était acheté une voiture et avait même fait construire une maison à Hoseana, raconte son cousin. Il est mort il y a deux mois, tué par trois braqueurs. » D’après lui, les tireurs « savaient qu’il avait de l’argent car il avait reçu l’equb », un système d’épargne collective équivalent des tontines en Afrique de l’Ouest. Bras croisés et regard fixe, le cousin de Teshale soupire : « Il n’y a pas eu d’enquête. On a juste récupéré son corps, comme ça, un matin. »

    #Covid-19#migrant#migration#afriquedusud#ethiopie#routemigratoire#migrationirreguliere#sante#violence#vulnerabilite

  • Comment les #passeurs profitent des politiques migratoires restrictives dans les #Balkans

    Les #réseaux_criminels étendent leur mainmise sur la route migratoire des Balkans. De plus en plus de passeurs parviennent à exploiter les politiques frontalières de l’Union européenne.

    Dans les zones frontalières de la #Serbie, de la #Bosnie et de la #Hongrie, la dynamique migratoire est en constante évolution. Alors que les camps de détention aux frontières ont été fermés et que les politiques frontalières de l’Union européenne (UE) deviennent de plus en plus restrictives, les migrants empruntent des itinéraires toujours plus dangereux, contrôlés par des réseaux de trafic toujours plus sophistiqués.

    C’est le constat fait par de nombreuses ONG qui travaillent avec les migrants le long de ces itinéraires.

    Milica Svabic, de l’organisation KlikAktiv, une ONG serbe qui développe des politiques sociales, explique que « malheureusement, de plus en plus de migrants ont fait état d’#enlèvements, d’#extorsions et d’autres formes d’#abus de la part de passeurs et de groupes criminels ces derniers mois. »

    Selon elle, des groupes de passeurs afghans opèrent actuellement aux frontières de la Serbie avec la Bosnie et la Hongrie. #KlikAktiv a ainsi recueilli des témoignages d’abus commis aux deux frontières.

    Le paysage changeant des réseaux de passeurs

    En Serbie, ces changements sont frappants. Les camps de fortune ont disparu des zones frontalières. Désormais, les personnes migrantes se retrouvent cachées dans des #appartements_privés dans les centres urbains et ne se déplacent plus que la nuit.

    Les bandes criminelles afghanes et des réseaux locaux ont pris le contrôle à travers une #logistique complexe, clandestine et dangereuse.

    Milica Svabic a expliqué à InfoMigrants que son organisation a également documenté « des cas de migrants enlevés et retenus dans des lieux isolés (généralement des logements privés) jusqu’à ce que leur famille paie une #rançon pour leur libération ». Elle précise que cette rançon s’élève souvent à plusieurs milliers d’euros.

    La plateforme d’investigation Balkan Investigative Reporting Network, le #BIRN, a récemment documenté comment des membres du #BWK, un gang afghan notoire opérant en Bosnie, ont retenu des demandeurs d’asile en otage dans des camps en pleine #forêt, en exigeant des rançons de leurs proches, tout en les soumettant à d’horribles #sévices, y compris des #viols et de la #torture. Ces #agressions sont parfois filmées et envoyées aux familles comme preuve de vie et moyen de pression.

    Rados Djurovic, directeur de l’ONG serbe #Asylum_Protection_Center, confirme que les passeurs ont recours à des #appartements et d’autres lieux tenus secrets dans les grandes #villes pour y cacher des migrants, les maltraiter et organiser le passage des frontières.

    « Ces opérations sont devenues de plus en plus violentes, les passeurs ayant recours à la force pour imposer leur contrôle et obtenir des #pots-de-vin. Ils enlèvent des personnes, les retiennent dans ces appartements et extorquent de l’argent à leurs familles à l’étranger », ajoute-t-il.

    D’autres groupes de défense des droits humains et des experts en migration rapportent des cas similaires.

    Un rapport du #Mixed_Migration_Center (MMC) relate des témoignages de #vol, de #violence_physique et d’extorsion. Roberto Forin, du MMC, souligne toutefois que « le rapport n’identifie pas spécifiquement les groupes armés d’origine afghane comme étant les auteurs de ces actes ».

    L’impact des politiques frontalières et des #refoulements

    Le renforcement des mesures de sécurité le long des frontières expliquerait en partie cette évolution.

    Un porte-parole du Border Violence Monitoring Network (BVMN) explique que « l’apparition de ces groupes est simplement la conséquence de la sécurisation croissante des régions frontalières dans toute l’Europe. Alors que les politiques frontalières européennes déploient des méthodes de plus en plus violentes pour empêcher la migration, les migrants n’ont d’autre choix que de recourir à des méthodes informelles pour franchir les frontières ».

    Ce point de vue est partage par le Mixed Migration Center.

    Le réseau BVMN ajoute qu’en fin de compte, « ce sont les personnes en déplacement qui sont les plus touchées par la violence que ce soit de la part des autorités publiques ou des groupes qui prétendent les aider dans leur périple ».

    Roberto Forin du MMC prévient que « la violence et les restrictions aux frontières exacerbent la #vulnérabilité des migrants à l’#exploitation et aux abus ».

    Rados Djurovic du Asylum Protection Center souligne également le « lien direct entre les pratiques de refoulement à la frontière hongroise et l’augmentation du trafic de migrants, tant en termes d’ampleur que de violence ».

    « Par peur des refoulements et de la violence, les migrants évitent les institutions et les autorités de l’État et font confiance aux passeurs, qui exploitent souvent cette confiance », ajoute Milica Svabic, de KlikAktiv.

    Les Etats concernés dans une forme de #déni

    Le rapport du BIRN montre que des membres du #gang afghan BWK possèdent des documents d’identité délivrés par l’UE sur la base du statut de protection qui leur aurait été accordé par l’Italie.

    Selon le BIRN, certains membres du gang pourraient avoir utilisé ces documents pour franchir sans encombres les frontières dans les Balkans et échapper aux autorités. Contacté par InfoMigrants, les autorités italiennes ont refusé de commenter ces allégations.

    Plus largement, les Etats concernés par des accusations de refoulement ou de négligence le long de leurs frontières nient avec véhémence toute #responsabilité. Cette posture pourrait encourager un sentiment d’#impunité chez les passeurs.

    Les migrants se retrouvent ainsi dans un cercle vicieux. Des demandeurs d’asile déclarent avoir été battus par des forces de l’ordre. Ils se retrouvent ensuite aux mains de #bandes_criminelles qui les soumettent à d’autres #traitements_inhumains.

    Lawrence Jabs, chercheur à l’université de Bologne, affirme dans l’enquête du BIRN qu’il existe « un lien certain entre les refoulements et les prises d’otages ».

    Les conclusions du BIRN mettent en lumière un problème plus général dans les Balkans : le #crime_organisé prospère dans les régions où l’application de la loi est violente et où l’obligation de rendre des comptes semble absente. Dans certains cas, des membres du BWK se seraient infiltrés dans des #camps_de_réfugiés gérés par l’État via l’intermédiaire d’informateurs locaux, qui auraient informé le gang des passages de frontière à venir.

    En octobre 2024, plusieurs membres présumés du BWK ont été arrêtés pour avoir enlevé des migrants turcs et filmé leur torture.

    La police bosniaque décrit les opérations du BWK comme « bien établies et très rentables », certains individus associés au réseau détenant des comptes bancaires avec plus de 70 000 euros de dépôts.

    L’enquête du BIRN décrit comment un gang dirigé par des migrants afghans bénéficie d’une certaine protection en Italie. De nombreux experts en matière de migration soulignent également que la nature de ces gangs est par définition transnationale.

    Selon Rados Djurovic du Asylum Protection Center, « ces réseaux ne sont pas uniquement constitués de ressortissants étrangers. Ils sont souvent liés à des groupes criminels locaux. Il arrive même que des migrants fassent passer de la #drogue pour d’autres, toujours avec le soutien de la population locale ».

    Les bandes criminelles s’appuient aussi sur des chauffeurs et des fixeurs locaux pour faciliter le passage des frontières.

    Rados Djurovic explique à InfoMigrants que ces groupes « impliquent à la fois des populations locales et des réfugiés. Chaque personne a son rôle ». Aussi, son organisation a « documenté des cas de personnes réfugiées voyageant légalement au sein de l’UE pour rejoindre ces groupes en vue d’un gain matériel. »

    Réponse de la police

    Le 14 avril, deux corps de migrants ont été retrouvés près d’un cimetière à Obrenovac, dans la banlieue de Belgrade, la capitale serbe.

    La forêt qui entoure le cimetière est devenue un campement informel exploité par des #passeurs_afghans. Les victimes seraient des ressortissants afghans poignardés à mort. Deux autres migrants ont été blessés, l’un au cou et l’autre au nez.

    Milica Svabic précise que « des incidents similaires se sont produits par le passé, généralement entre des groupes de passeurs rivaux qui se disputent le territoire et les clients ».

    Selon Rados Djurovic, bien qu’il y ait une volonté politique de lutter contre les réseaux criminels et la migration irrégulière, le souci de préserver une bonne image empêche un véritable engagement pour s’attaquer aux causes profondes.

    Il explique que la nature lucrative de l’activité et l’implication de la population locale rendent « presque impossible le démantèlement de ces réseaux ».

    La #dissuasion plutôt que la #protection

    Malgré les efforts des ONG, le soutien institutionnel reste inadapté. « Au lieu de se concentrer uniquement sur la lutte contre la migration irrégulière et le trafic de migrants, les institutions devraient développer des mécanismes pour soutenir ceux qui ont besoin de protection », estime Rados Djurovic.

    Il rappelle que « les routes migratoires ont changé. Elles ne sont plus visibles pour les médias, le public, les institutions et dans les camps. Mais cela ne signifie pas que les gens ne continuent pas à traverser (les frontières) ».

    Cette évolution coïncide avec la fermeture de camps d’accueil de migrants situés le long des principales routes de transit. « Sur 17 camps, seuls cinq fonctionnent encore, et aucun n’est situé sur les principaux axes de transit. Il n’existe plus de camp opérationnel dans toute la région de Voïvodine, dans le nord de la Serbie, à la frontière de l’UE ».

    Or, sans accès à un logement et confrontés à des expulsions régulières, les migrants n’ont que peu d’options. « Cela renforce les passeurs. Ces derniers comblent alors le vide en proposant des logements comme un service payant », observe Rados Djurovic.

    Et les ONG ne peuvent combler l’absence de structures étatiques. Roberto Forin, du Mixed Migration Center, constate que « si certaines ONG fournissent un soutien juridique et psychosocial, la couverture n’est pas permanente et de nombreux migrants ne sont pas au courant des services disponibles ». De plus, les travailleurs humanitaires s’exposent aux dangers des bandes criminelles, limitant ainsi leur champ d’action.

    Enfin, la Serbie a pour objectif de rejoindre l’UE et cherche à s’aligner sur les politiques migratoires européennes. En ce sens, montrer que la frontière serbe est forte est devenu une priorité.

    Selon Rados Djurovic, le Serbie veut « marquer des points sur la question de la migration ». Ainsi « ils peuvent prétendre que le recours à la violence, à la police des frontières et aux opérations conjointes stoppe la migration, même si ce n’est pas vrai. Tout le monde y gagne : les personnes qualifiées d’ »étrangères" sont ciblées et la lutte contre l’immigration devient à la fois politiquement et financièrement lucrative".

    https://www.infomigrants.net/fr/post/64299/comment-les-passeurs-profitent-des-politiques-migratoires-restrictives
    #route_des_Balkans #politiques_migratoires #responsabilité #migrations #réfugiés #frontières #fermeture_des_frontières #criminalité

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  • Tunisie : la criminalisation des ONG aggrave la précarité des migrants subsahariens - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/63807/tunisie--la-criminalisation-des-ong-aggrave-la-precarite-des-migrants-

    Tunisie : la criminalisation des ONG aggrave la précarité des migrants subsahariens
    Par RFI Publié le : 07/04/2025
    En Tunisie, la situation des migrants subsahariens se précarise de plus en plus depuis les campagnes sécuritaires qui ont commencé en 2023. Le contrôle sur le travail non régulé s’est accentué et beaucoup de migrants présents dans la capitale tunisienne travaillent au noir ou ont recours à la mendicité. Un phénomène qui alerte les ONG des droits humains, de moins en moins nombreuses à travailler sur le terrain, du fait de leur criminalisation par le pouvoir tunisien.
    À Tunis, dans un quartier de la banlieue nord, plusieurs migrants subsahariens attendent sur le trottoir au bord de la route. Selon les besoins en petits boulots, les clients viennent à ce rond-point et embauchent à la journée les premiers à se présenter, comme l’explique Sami, un migrant malien de 16 ans. "On attend du travail ici. Travail de chantier, travail de jardin, etc", énumère-t-il.
    Ce phénomène est visible dans plusieurs endroits de la capitale de la Tunisie, les migrants n’étant plus embauchés dans des emplois stables à cause des contrôles à répétition des autorités. Une situation de plus en plus difficile pour Abdallah, 25 ans et Ivoirien. "Il y a beaucoup de problèmes, même pour aller travailler, ça fait peur, parce qu’on n’a pas de papiers. Il y a la police qui peut nous arrêter pour nous envoyer en prison", redoute-t-il.
    Sami, 27 ans, migrant camerounais, est venu il y a sept mois à Tunis, pensant trouver du travail, dans son domaine, la réparation d’objets électroniques. Il se retrouve à faire le "berbecha", le collecteur de plastique. Il fouille dans les poubelles pour trouver des bouteilles à vendre ensuite à des dépôts de recyclage "Quand je suis arrivé et que je suis allé dans des magasins d’électronique pour du travail, on m’a dit que ce n’était pas possible de m’embaucher. Du coup, je ne pouvais rien faire et rester à la maison, je devais payer le loyer, ma nourriture, donc je suis allé dans la rue et j’ai commencé ce travail", explique le jeune homme.
    Selon le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, une organisation non gouvernementale (ONG) tunisienne, la précarité des migrants est de plus en plus visible dans l’espace public. "Maintenant, c’est remarquable. On voit de plus en plus de mamans accompagnées de leurs enfants dans l’espace public parce que ces mamans-là n’ont pas la possibilité de travailler et sont obligées de sortir pour chercher quelques moyens de vivre ou d’aide de la part des gens », alerte Romdhane Ben Amor, porte-parole de l’ONG, pour qui la précarité a atteint un niveau alarmant.
    Il attribue cette mendicité de plus en plus visible à la criminalisation actuelle, par les autorités, des organisations de la société civile qui viennent en aide aux migrants. En Tunisie, très peu d’ONG peuvent encore travailler sur le terrain.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#subsaharien#humanitaire#violence#droit#sante#vulnerabilite

  • Tunisie : des camps de migrants subsahariens démantelés après une campagne virulente
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/04/05/tunisie-demantelement-de-camps-de-migrants-subsahariens-apres-une-campagne-v

    Tunisie : des camps de migrants subsahariens démantelés après une campagne virulente
    Le Monde avec AFP
    Ils étaient devenus une épine dans le pied des autorités. La Tunisie a démantelé, vendredi 4 avril, des camps de fortune dans lesquels vivaient des milliers de migrants venus d’Afrique subsaharienne, après une virulente campagne sur les réseaux sociaux qui réclamait le départ de ces personnes en situation irrégulière. Les camps étaient installés au milieu d’oliveraies dans les régions d’El Amra et de Jebeniana, dans le centre-est du pays, et suscitaient un fort mécontentement chez les habitants des villages environnants.
    En tout, une vingtaine de milliers de migrants, divisés en plusieurs camps informels, avaient érigé des tentes dans les champs, a déclaré, vendredi soir, à l’Agence France-Presse le porte-parole de la garde nationale, Houssem Eddine Jebabli. Depuis jeudi, environ 4 000 personnes de plusieurs nationalités ont notamment dû quitter le camp du « kilomètre 24 », l’un des plus grands de la région, a-t-il ajouté. D’autres camps informels ont été évacués dans la même zone et les opérations se poursuivront sur les jours à venir, a-t-il précisé.
    Selon lui, des personnes vulnérables et des femmes enceintes ont été prises en charge par les autorités sanitaires. Interrogé sur le sort du reste des milliers de migrants, il a annoncé qu’une partie s’était « dispersée dans la nature ». D’après lui, de nombreuses personnes ont émis le souhait d’un retour volontaire dans leur pays.
    Vendredi soir, là où se tenait le camp du « kilomètre 24 », on pouvait distinguer dans l’obscurité des paires de chaussures, des restes de nourriture ou un baluchon d’effets personnels aux côtés de tas d’objets et de matelas brûlés.« De nombreux dossiers étaient devant la justice en raison de l’occupation de propriétés privées » comme les oliveraies, « il était de notre devoir de retirer toutes les formes de désordre », a affirmé M. Jebabli.Fin mars, le président tunisien, Kaïs Saïed, avait appelé l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) à intensifier ses efforts pour assurer les « retours volontaires » des migrants irréguliers vers leurs pays.
    Le sujet des migrants originaires d’Afrique subsaharienne fait l’objet de vives tensions en Tunisie. Le pays est un point de passage pour des milliers de réfugiés désireux de rejoindre les côtes italiennes.
    En février 2023, le président Saïed avait dénoncé l’arrivée « de hordes de migrants subsahariens » menaçant, selon lui, de « changer la composition démographique » du pays. Les mois suivants, des migrants avaient été chassés de leurs logements et de leurs emplois informels. Plusieurs ambassades africaines avaient procédé au rapatriement express de leurs ressortissants, à la suite d’agressions.

    #covid-19#migration#migrant#tunisie#subsaharien#italie#OIM#camp#droit#sante#vulnerabilite#expulsion

  • #Mayotte : #histoire_coloniale, fractures sociales et désastre environnemental

    Mayotte, petite île de l’océan Indien, symbolise à elle seule la collision brutale entre histoire coloniale, fractures sociales et désastres environnementaux. Département français depuis 2011, elle est un territoire en #crise, où la #misère humaine et les #catastrophes_naturelles s’entrelacent dans une spirale infernale. Les événements récents – #séismes, #tornades, #montée_des_eaux – ne sont que la face visible d’un #effondrement plus global. Ils révèlent une #vulnérabilité accumulée sur des décennies, amplifiée par des promesses non tenues, des #inégalités criantes et une gestion déconnectée des réalités locales.

    En 1974, Mayotte se sépare des Comores à l’issue d’un référendum où les Mahorais choisissent de rester français. Ce choix, né du désir d’échapper à l’instabilité politique des Comores indépendantes, place l’île dans une situation paradoxale : elle devient un territoire français entouré de voisins économiquement fragiles. Cette appartenance à la République française, vue comme une chance à l’époque, isole Mayotte de son propre environnement géographique et culturel. Rapidement, cette singularité engendre des tensions avec les autres îles de l’archipel, notamment l’île comorienne d’#Anjouan, d’où proviennent chaque année des milliers de migrants.

    L’intégration comme département, survenue en 2011, devait marquer une nouvelle ère pour Mayotte. Les Mahorais espéraient voir leur île se développer et accéder à des droits égaux à ceux des métropolitains c’est-à-dire que s’y applique pleinement les lois françaises et européennes, à la différence d’une collectivité territoriale. Mais cette #départementalisation s’est révélée un leurre. La croissance fulgurante de la population, (76 000 habitants en 1991, 300 000 habitants en 2023), dépasse largement la capacité des #infrastructures et des #services_publics à répondre aux exigences, tout en exacerbant l’obsolescence des équipements, faute d’entretien.

    Effondrement des services publics

    L’#éducation, en particulier, est le symbole de cet #échec. Avec des classes surchargées, des enseignants en sous-effectifs et des écoles délabrées, le #système_scolaire est incapable de répondre aux besoins d’une jeunesse nombreuse et en quête d’avenir. Cet effondrement du #système_éducatif alimente un sentiment d’#abandon et de #mépris parmi les Mahorais. Ils constatent chaque jour que la promesse d’#égalité_républicaine reste une illusion.

    Les infrastructures sanitaires et sociales sont tout aussi défaillantes. Les femmes comoriennes qui bravent les flots pour accoucher à Mayotte afin que leurs enfants acquièrent la nationalité française, contribuent à une #pression_démographique croissante. Mais ces enfants, bien que nés sur le sol français, grandissent souvent dans des conditions indignes. Ils alimentent les #bidonvilles, des espaces d’#exclusion où se forment des #bandes_de_jeunes livrés à eux-mêmes, vecteurs de #violences et d’#émeutes récurrentes. À leur majorité, en vertu du #droit_du_sol, ces enfants peuvent acquérir la #nationalité_française.

    La #colère gronde dans une population qui se sent méprisée, prise en étau entre un État central distant et des besoins locaux criants. Mais ce mépris ne se limite pas aux politiques sociales : il se manifeste aussi dans la gestion de l’#environnement. Mayotte est une île en pleine #dégradation_écologique, où les bidonvilles, sans réseaux d’#assainissement, rejettent leurs #déchets dans une #mer polluée, comme j’ai pu l’étudier dans le cadre d’une mission pour l’association Littocean. La destruction des #mangroves (due à un #développement_urbain incontrôlé et au #changement_climatique) et en conséquence des #récifs_coralliens, essentiels pour limiter l’#érosion et les submersions marines, témoigne de l’incapacité à relier environnement et développement.

    Une gestion écologique devenue symbole technocratique

    À cela s’ajoute un paradoxe criant : tandis que les populations locales luttent pour survivre, des moyens considérables sont mobilisés pour protéger l’écosystème marin par le biais du #parc_naturel de Mayotte. Ce parc, destiné à préserver la #biodiversité exceptionnelle des récifs coralliens, devient un symbole d’une gestion technocratique déconnectée des réalités humaines. Les Mahorais, exclus de ce projet, perçoivent cette #conservation comme une nouvelle forme de #colonialisme : une « #colonisation_bleue » où la priorité est donnée à la #nature, administrée par l’État français, au détriment des habitants. Ce fossé entre la préservation de l’environnement et les besoins des communautés accentue le #sentiment_d’abandon et l’idée que Mayotte n’est qu’un territoire périphérique, instrumentalisé pour des objectifs extérieurs et géopolitiques, traité comme une colonie et non comme un territoire français à part entière.

    Dans ce contexte, le changement climatique agit comme un catalyseur. Il intensifie les phénomènes naturels extrêmes, tels que les cyclones ou les #sécheresses, et exacerbe les inégalités. L’élévation du niveau de la mer menace directement les habitations précaires situées sur les littoraux, tandis que les ressources en #eau, déjà insuffisantes, s’amenuisent. Les catastrophes naturelles se multiplient, mais elles ne sont pas de simples fatalités : elles frappent un territoire déjà fragilisé, où chaque événement climatique devient un désastre humain par manque de préparation.

    Un avenir impensable et tragique

    Face à cette accumulation de crises, c’est le rapport au temps qui interroge. À Mayotte, l’idée même d’un avenir semble inatteignable. Les Mahorais vivent dans un présent sans repères, où les mêmes drames – émeutes, violences, destructions – se répètent sans fin. François Hartog, dans sa réflexion sur le #présentisme, décrit cet état où le passé perd sa valeur, où le futur est inconcevable, et où seul le présent s’impose, figé dans l’#urgence et l’incapacité d’anticiper.

    Mayotte incarne cette #temporalité_brisée. L’île n’a pas de nostalgie d’un âge d’or, car son histoire est marquée par des fractures successives : colonisation, séparation des Comores, départementalisation ratée. Elle n’a pas non plus de projet d’avenir, car les conditions de vie, les inégalités et les crises structurelles la maintiennent dans un état d’urgence permanent. Ce présentisme exacerbé renforce le sentiment d’#impuissance, rendant impossible toute perspective de reconstruction ou de progrès.

    La situation actuelle de Mayotte peut être qualifiée d’#hypercriticité : un état où les #tensions_sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément, même mineur, peut précipiter un #effondrement_global.

    Ce terme désigne non seulement l’accumulation des #vulnérabilités, mais aussi l’incapacité à s’en extraire. L’hypercriticité, c’est l’impossibilité de penser au-delà de l’urgence, l’incapacité de construire des ponts entre les crises pour trouver des solutions globales. À Mayotte, cet état est visible dans chaque aspect de la vie : dans l’école qui échoue à offrir un avenir, dans les bidonvilles qui s’étendent, dans la mer qui rejette les déchets de l’île et engloutit peu à peu ses côtes, dans l’#accès_à_l’eau et à un environnement sain, dans la pression démographique et ses conséquences écologiques.

    Cette crise révèle une conjonction inédite entre deux histoires : celle, humaine, de la #globalisation, avec ses migrations, ses inégalités et ses #fractures_coloniales ; et celle, planétaire, d’une Terre abîmée par la dégradation accélérée des écosystèmes. Comme l’explique Dipesh Chakrabarty dans "Une planète, plusieurs mondes" (https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/une-planete-plusieurs-mondes), ce croisement marque une #rupture : à Mayotte, cette rencontre s’incarne dans une « planète des pauvres », où les damnés de la Terre subissent de plein fouet l’amplification de ces dynamiques destructrices. Ici, les vulnérabilités humaines et écologiques se confondent dans un cycle sans précédent, soulignant la nouveauté tragique de cette crise.

    Toutefois, l’hypercriticité peut aussi être un point de départ. Elle force à regarder en face l’ampleur des problèmes et à repenser radicalement les relations entre les hommes, leur territoire et leur futur. Si Mayotte continue sur cette voie, elle risque de devenir un archétype de l’#effondrement_insulaire, un avertissement pour d’autres territoires. Mais si elle parvient à dépasser ce présentisme, à prendre en compte l’histoire passée, à s’attaquer aux urgences présentes tout en imaginant un avenir collectif mettant en avant la #double_identité mahoraise française et comorienne pour en faire un exemple d’#hybridité_culturelle réussie, elle pourrait, paradoxalement, transformer sa fragilité en force, en inventant un modèle résilient face aux défis du XXIe siècle. Le temps, à Mayotte, n’a pas encore retrouvé son cours, mais il n’est pas trop tard pour le remettre en mouvement.

    https://theconversation.com/mayotte-histoire-coloniale-fractures-sociales-et-desastre-environne
    #Comores #colonialisme #environnement

  • Rapport 2024 de l’Observatoire des #expulsions de lieux de vie informels : la santé évincée !

    L’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels, dont le CNDH Romeurope fait partie, publie son 6ème rapport annuel. Au total, 1 484 expulsions ont été recensées sur tout le territoire français, du 1er novembre 2023 au 31 octobre 2024 : une augmentation de 34 % par rapport à l‘année précédente.

    DES EXPULSIONS RÉALISÉES AU MÉPRIS DES #DROITS DES PERSONNES

    Cette année encore, ces expulsions se sont déroulées au mépris des droits des personnes. 94 % des expulsions ont été mises en œuvre sans qu’un diagnostic préalable des #vulnérabilités des habitant·es n’ait été réalisé, allant à l’encontre de l’instruction du 25 janvier 2018 encadrant la résorption des #habitats_informels. Autre marque de non-respect de cette instruction, 88 % des expulsions ne sont pas accompagnées de propositions d’#hébergement pour les personnes, qui sont contraintes de retourner à l’#errance.

    Ces expulsions sont également marquées par des #violences envers les personnes. Ainsi, 87 % des expulsions ont été accompagnées d’une #destruction ou d’une #confiscation_des_biens des habitant·es.

    LES IMPACTS DES EXPULSIONS SUR LA SANTÉ DES PERSONNES

    Ce 6ème rapport de l’Observatoire s’est penché sur les effets des expulsions sur les #inégalités_environnementales de santé. Plusieurs professionnel·les de santé et associations témoignent de multiples conséquences directes des expulsions qui mettent en danger la santé des personnes : perte des documents médicaux, rendez-vous médicaux manqués, éloignement des lieux de soins, liens rompus avec les soignant·es, dégradation de l’état de santé, etc.

    Par ailleurs, l’Observatoire constate qu’afin de limiter les risques d’expulsions, les personnes sont contraintes de s’invisibiliser en s’installant dans des environnements souvent nocifs pour leur santé : proximité de déchetteries et de sites industriels, bordures de routes, sols pollués, zones exposées aux intempéries, etc…

    Pour mettre en avant des bonnes ou mauvaises pratiques d’(in)action publique face aux injustices environnementales, trois exemples sont analysés dans le rapport :

    - Le #saturnisme sur la #Butte_de_Montarcy – Comment la #santé_environnementale peut être un levier pour la #mise_à_l’abri
    - L’expulsions de “#Gens_du_Voyage sédentaires” à #Nemours – Un cas emblématique de violations des droits et de surexposition aux #nuisances_environnementales
    - L’#éloignement progressif des personnes exilées vers une zone industrielle loin des services de #soins à #Grande-Synthe et #Dunkerque

    https://www.romeurope.org/rapport-annuel-de-lobservatoire-des-expulsions-2024
    #rapport #France #accès_aux_soins #Roms #statistiques #chiffres #2023 #violence
    via @fil
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  • Sans argent et dans le viseur des réseaux criminels : à Calais, les mineurs isolés « dans l’ultra-précarité » - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/61598/sans-argent-et-dans-le-viseur-des-reseaux-criminels--a-calais-les-mine

    Sans argent et dans le viseur des réseaux criminels : à Calais, les mineurs isolés « dans l’ultra-précarité »
    Par Marlène Panara Publié le : 11/12/2024 Dernière modification : 12/12/2024
    Dans le nord de la France, la misère touchent tous les migrants qui patientent non loin du littoral dans l’attende de passer au Royaume-Uni. Mais une population est encore plus à risque : les mineurs isolés. Vivant dans une grande solitude, sans famille et sans argent, ils sont encore plus vulnérables que les autres et souvent la proie des réseaux mafieux.
    Le centre-ville de Calais est animé en cet après-midi du mois de décembre. À quelques jours des fêtes de Noël, des groupes d’adolescents bientôt en vacances se lancent, peu assurés pour certains, sur la patinoire installée place de l’église. La musique est forte, les rires fusent. Une odeur de crêpes embaume l’espace.
    À quelques kilomètres de là, la réalité est bien différente pour d’autres jeunes de leur âge. Dans les petits camps éparpillés un peu partout à Calais et ses environs, de nombreux mineurs isolés tentent de survivre avec pour seul abri une toile de tente, ou au mieux, le toit d’un hangar désaffecté. Ils attendent de passer en Angleterre.
    Sur le littoral nord, les migrants manquent de tout. Mais les plus jeunes, sans parents, sans famille proche, semblent subir d’autant plus violemment la situation. « Il n’y a pas d’échelle de la misère, ici tous les exilés souffrent. Mais les MNA [Mineurs non accompagnés] sont dans l’ultra-précarité », déplore Jérémy Ribeiro E Silva, juriste pour l’association Ecpat à Calais, dédiée aux mineurs. À la violence de la vie à la rue s’ajoutent « des critères de vulnérabilité » propres à ces jeunes, en pleine construction.
    En majorité originaires du Soudan, mais aussi d’Érythrée et de plus en plus, de Syrie et d’Égypte, les mineurs présents dans le nord « n’ont quasiment aucune ressources financières », dépeint Feyrouz Lajili, coordinatrice pour Médecins sans frontières (MSF) à Calais, qui dispose d’un accueil de jour pour ces jeunes. L’argent a été dépensé avant d’arriver en France, ou volé par des passeurs sur le chemin.
    Beaucoup tentent donc d’atteindre le Royaume-Uni par camion, une expérience « très dangereuse », affirme la coordinatrice. D’abord parce que les jeunes, pour ne pas se faire voir, grimpent sur les véhicules en marche et risquent à tout moment de chuter et de se faire écraser. Ensuite parce qu’en cas d’interception, la sanction peut être lourde. « Un adolescent est venu nous voir la semaine dernière, le visage complètement tuméfié, raconte Feyrouz Lajili. Un chauffeur poids lourd l’avait repéré et massacré à coups de barre de fer ». La semaine précédente, un autre est arrivé à la clinique mobile de MSF avec une plaie béante à la jambe. « Il s’était fait mordre par le chien d’un gardien de parking ».
    Un autre encore « est venu un jour nous voir, livide, avec de grosses douleurs au thorax », se souvient la jeune femme. « Il s’était caché dans l’espace derrière la cabine du conducteur, quand le véhicule était encore à l’arrêt. Mais quand il a commencé à rouler, le container s’est rapproché d’un coup sur la cabine. Le jeune s’est retrouvé bloqué entre les deux, écrasé. Il s’est vu mourir ».
    Mustapha, 17 ans, tente régulièrement de passer en Angleterre, « son rêve », en grimpant sur un camion. « Mais c’est difficile car je saute dessus pendant qu’il roule. Jusqu’ici, il ne m’est rien arrivé. Mais il n’y a pas longtemps, j’ai vu un camarade tomber sur la tête. Je ne sais pas ce qu’il a eu exactement, mais il a été transporté à l’hôpital ».
    Bloqués durant des mois, certains mineurs optent alors pour la Manche. Mais sans possibilité de payer la traversée, ils « piratent » l’embarcation, et profitent de la cohue de l’embarquement pour se faire une place. Une option très périlleuse : « Les jeunes peuvent se faire écraser, mais aussi subir la violence des ‘hommes de main’ des passeurs, présents au moment des mises à l’eau », explique Feyrouz Lajili.Après plusieurs tentatives infructueuses, nombre d’entre eux se retrouvent « dans le désespoir le plus total ». « Ils cherchent alors à trouver un ‘travail’ pour gagner un peu d’argent et payer leur passage, explique Jérémy Ribeiro E Silva. Ils aident à l’organisation de la traversée, ou vendent leurs corps ».
    Et en attendant de voir leur objectif se concrétiser, ces jeunes exilés endurent aussi la violences des démantèlements presque quotidiens. « Là, ils perdent le peu qu’ils ont, souffle Feyrouz Lajili ». Les expulsions « jouent beaucoup sur le moral » de ces adolescents, souvent pressés par leur famille de gagner le Royaume-Uni au plus vite. « Cette pression peut venir de quelqu’un déjà installé outre-Manche, ou des parents restés au pays qui demandent de l’argent pour nourrir les frères et sœurs, explique Jérémy Ribeiro E Silva. C’est très dur, car ils se sentent totalement impuissants, faibles de ne pas réussir, et en plus ils culpabilisent car la famille compte sur eux ».
    En effet, quand on lui demande s’il souffre des conditions de vie dans le nord, Mustapha botte en touche. « Ce qui m’angoisse le plus, c’est la situation des miens, au Soudan, affirme-t-il d’une voix claire. Chez moi, c’est la guerre ».Seule porte de sortie pour les mineurs isolés coincés dans la région, la mise à l’abri pour cinq jours consécutifs dans un centre de France Terre d’Asile à Longuenesse, à 40 km au sud de Calais. Après ce laps de temps, la structure leur demande s’ils veulent faire une reconnaissance de minorité, et rester en France. S’ils refusent, les jeunes doivent sortir du dispositif durant 24h, avant de pouvoir de nouveau en bénéficier.
    Pour leur changer les idées, les associations proposent des activités. Trampoline, piscine, aquarium de Boulogne-sur-Mer : « On fait ce qu’ils ont envie », indique Jérémy Ribeiro E Silva. « Quand on voit un sourire, un éclat de rire, des yeux qui s’écarquillent devant des poissons tropicaux, on se dit que c’est déjà ça de gagné pour quelques heures ». Au centre d’accueil de jour de MSF, les ateliers cuisine ont beaucoup de succès. Ce matin de décembre, une dizaine de jeunes Soudanais préparent l’aswada, une recette sud-soudanaise à base d’aubergines et de beurre de cacahuètes. L’ambiance est bon enfant, une musique entraînante grésille dans une petite enceinte posée sur un plan de travail. « Se retrouver autour d’un plat, cela permet aux mineurs de souffler un peu. De penser à autre chose qu’à la survie », commente Feyrouz Lajili.
    Ces journées « normales » permettent aussi d’apaiser, un peu, leur anxiété. « Cette angoisse permanente devient, au fil des mois, une coquille dont ils peinent ensuite à s’extirper, explique Lynn, psychologue au sein de la Permanence d’accès aux soins de santé (PASS) de Calais. Les mineurs sont particulièrement secrets, ils gardent beaucoup pour eux et vont vous dire que ça va, même s’ils se sentent mal. C’est problématique, car cela peut avoir de lourdes conséquences dans leur vie d’adulte ». Sur les murs du centre de MSF s’affichent les photos des moments joyeux passés entre eux. Une sortie au bowling, une partie de billard ou un pique-nique sur la plage. Les visages sont souriants, et font presque oublier qu’à la nuit tombée, ces adolescents retrouvent la rue, ou une bâche dans la forêt. « Cette période de ma vie est compliquée, c’est sûr, admet Mustapha. Dans la ‘jungle’, il fait froid, et je n’ai pas d’amis. Mais j’en suis sûr : ces moments difficiles seront un jour derrière moi ».

    #Covid-19#migrant#migration#france#calais#mineur#sante#santementale#syrie#soudan#egypte#erythree#vulnerabilite

  • « Il est de notre responsabilité de résister aux pressions des lobbys » : plus de 240 scientifiques de l’Inrae signent une tribune après les critiques de certains agriculteurs
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/12/16/agriculture-il-est-de-notre-responsabilite-en-tant-que-scientifiques-de-resi

    Après qu’un groupe d’agriculteurs, liés à la FNSEA, a muré, le 28 novembre, l’entrée de l’Inrae, à Paris, un collectif de plus de 240 chercheurs souligne, dans une tribune au « Monde », que des transitions radicales sont nécessaires et que la recherche doit rester indépendante pour faire face aux enjeux monumentaux du XXIᵉ siècle.Publié aujourd’hui à 06h00, modifié à 11h37

    Un groupe d’agriculteurs et d’agricultrices lié à l’alliance syndicale majoritaire Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)-Jeunes Agriculteurs a muré l’entrée de l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), le 28 novembre. La raison invoquée : le « mur de contraintes » élevé face aux agriculteurs, métaphore des régulations environnementales. Les manifestants prennent ainsi pour cible un établissement de recherche public, au titre que ses recommandations auraient conduit à des décisions de politiques environnementales contraires à leurs intérêts.

    Plus globalement, ces manifestations témoignent d’une forme de ras-le-bol d’une fraction des agriculteurs et d’une partie de leurs syndicats, pour ce qu’elles considèrent être de l’« agribashing ». Face à ces tumultes, la direction de l’établissement met en avant une recherche menée « au service du bien commun et de l’ensemble des citoyens, pour concevoir des systèmes agricoles et alimentaires sains et durables ». La ministre de l’agriculture a, quant à elle, prudemment évité de soutenir la recherche agronomique.

    Devant ces tensions et ces tentatives d’intimidation à notre encontre, nous, membres d’unités de recherche Inrae, témoignons de notre volonté de mener une recherche exigeante, utile, indépendante et de qualité, pour aider à faire face aux enjeux monumentaux du XXIe siècle. Cela nous place-t-il en opposition aux agriculteurs ? Nous estimons que non.

    Pistes de résilience
    Sécheresses, inondations, tempêtes, espèces invasives, épizooties, crises sanitaires, chocs économiques et géopolitiques, les secteurs agricole et alimentaire sont au premier rang des risques aigus encourus par nos sociétés. Les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique et de la dégradation des écosystèmes. Comprendre les causes des #vulnérabilités et établir des pistes de #résilience est ainsi nécessaire et fait partie des attributions des scientifiques de notre établissement. En ce sens, la #science est au service de l’#agriculture.

    Cependant, il ne faut pas se voiler la face : il est indispensable de comprendre que les secteurs agricole et alimentaire sont fortement contributeurs d’émissions de gaz à effet de serre (#engrais azotés, #émissions de méthane) et ont des responsabilités dans la dégradation des #écosystèmes, de la santé publique et des ressources en eau (pesticides). Il serait également trompeur de laisser penser que les agriculteurs sont seuls responsables de ces impacts. Ils sont partie intégrante, souvent même prisonniers, d’un système agroalimentaire majoritaire ; les modes de production et de transformation, le commerce international, les pressions de la grande distribution et les habitudes de consommation contraignent leurs choix et représentent un frein au changement.

    Des transitions radicales et structurelles sont donc nécessaires, qui impliquent des choix forts : sortie des énergies fossiles, baisse drastique des usages de pesticides et d’intrants azotés, sobriété des modes de consommation, baisse de la consommation de protéines animales… Ces choix induisent des coûts et des risques pour un certain nombre d’acteurs des secteurs agricole et alimentaire, à mettre en regard des opportunités de développement de systèmes sains et durables.

    Risques multiples
    Le but de la recherche est d’améliorer l’état des connaissances, sans contraintes ni pressions des pouvoirs politiques, religieux ou économiques. La recherche finalisée a pour mission d’identifier les impacts négatifs des politiques menées et des stratégies d’acteurs, et de proposer les innovations sociales, organisationnelles et techniques pour accompagner les transformations et en limiter les impacts. Ce sont ensuite aux pouvoirs publics, à la lumière des résultats de la recherche et des demandes de la société, de prendre leurs responsabilités et d’accompagner les trajectoires de transition, en particulier pour les acteurs les plus vulnérables.

    Au total, les secteurs agricole et alimentaire font face à des contraintes et des risques multiples. Des mutations importantes vont s’opérer, et le rôle de la science est d’éclairer les décideurs et la société sur ces changements et leurs impacts.

    Malheureusement, le #climat politique et médiatique actuel favorise une approche relative (voire alternative) de la vérité, qui mène à la suspicion vis-à-vis des résultats de la recherche, des atteintes à la liberté académique, et une polarisation des opinions. L’influence des #lobbys, aux intérêts contradictoires, qui cherchent à mettre en cause et à relativiser le discours scientifique, voire à l’intimider, est aussi à prendre en compte.

    Dans ce contexte, il est de notre responsabilité, en tant que #scientifiques travaillant pour toutes les composantes de la société, de résister à ces pressions et de maintenir l’objectif d’une recherche exigeante et indépendante.

    Premiers signataires : Philippe Delacote, directeur de recherche (BETA et chaire Economie du climat, Nancy) ; Tamara Ben Ari, chargée de recherche (UMR Innovation, Montpellier) ; Antoine Leblois, chargé de recherche (CEEM et chaire Economie du climat, Montpellier) ; Léa Tardieu, chargée de recherche (Tetis, Montpellier) ; Raja Chakir, directrice de recherche (PSAE et chaire Economie du climat, Paris-Saclay) ; François Bareille, chargé de recherche (PSAE, Paris-Saclay) ; Julie Subervie, directrice de recherche (CEEM, Montpellier) ; Eleonora Elguezabal, chargée de recherche (Irisso, Paris). ❞

    • Crise agricole : « Ne plus concevoir nos modèles comme un choix binaire entre #écologie et #économie »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/21/crise-agricole-ne-plus-concevoir-nos-modeles-comme-un-choix-binaire-entre-ec

      Crise agricole : « Ne plus concevoir nos modèles comme un choix binaire entre écologie et économie »
      TRIBUNE
      Pascal Demurger
      Directeur général de MAIF

      Julia Faure
      Cofondatrice de Loom

      Pascal Demurger et Julia Faure, coprésidents du Mouvement Impact France, une association d’entrepreneurs qui mettent l’écologie et le social au cœur de leur entreprise, défendent, dans une tribune au « Monde », une sortie par le haut de la crise agricole qui assure la transition écologique, la protection des agriculteurs et une juste rémunération.Publié le 21 février 2024 à 06h00

      L’écologie est-elle condamnée à s’effacer face au mur de la réalité économique et sociale ? Voilà l’inquiétude qui se répand après les annonces du gouvernement visant à mettre fin à la révolte agricole. Alors qu’il a été décidé d’une « pause » dans l’effort de réduction des pesticides, de gestion raisonnée des terres, de l’eau et de décarbonation de la filière, chacun se demande si nous sommes à l’aube d’un gigantesque effet de dominos. Car la difficulté principale exprimée par les agriculteurs – l’incapacité à vendre leurs produits au prix juste, celui qui intègre un salaire digne et une production écologiquement responsable – percute l’ensemble des secteurs manufacturiers exposés à la concurrence mondiale.

      Lire aussi le portrait(2023) | Article réservé à nos abonnés Pascal Demurger, l’assureur militant qui bouscule le patronat

      Dans le textile, l’ameublement, l’industrie automobile, les cosmétiques ou encore la métallurgie, l’intensité des crises est différente, mais les défis sont similaires : comment produire sobrement, avec des emplois locaux et des modèles sociaux protecteurs quand le marché est inondé de produits low cost polluants et socialement moins-disants ?

      Si une part des consommateurs peut valoriser la qualité écologique et sociale dans ses achats, force est de constater que la tyrannie du bas prix gagne chaque jour du terrain avec son lot de destructions : pendant que sept vêtements sur dix vendus dans notre pays sont de l’entrée de gamme, les enseignes françaises d’habillement licencient ou ferment les unes après les autres, entraînant chômage en France et exploitation sociale à l’étranger. Sans réaction, le « made in France » disparaîtra pendant que les coûts sociaux et écologiques augmenteront pour tous.

      Effort de transition demandé à tous
      Dirigeantes et dirigeants d’entreprises engagées, nous avons la conviction que notre époque n’a aucune raison de s’écrire sur ce mode tragique. Pour l’agriculture comme pour l’ensemble de l’économie, à condition de concevoir les règles qui permettront une concurrence loyale, nous ne sommes pas condamnés à sacrifier le long terme au court terme, la fin du monde à la fin du mois. Cela suppose de ne plus concevoir nos modèles comme un choix binaire entre écologie et économie, responsabilité et pouvoir d’achat, mais comme un équilibre entre un triptyque transition-protection-rémunération pour atteindre le juste prix des choses.

      La transition doit respecter des objectifs de décarbonation et de régénération de la biodiversité ambitieux et négociés, suffisamment proches sans être brutaux. C’est ce qui correspond à l’interdiction de vente de véhicules thermiques en 2035 en Europe ou ce qui correspondait à l’objectif de réduction de 50 % de l’utilisation de pesticides dans le plan Ecophyto, aujourd’hui mis en pause. Ces objectifs sont indispensables pour ralentir le dérèglement climatique, l’effondrement du vivant mais aussi un air, une alimentation, un environnement préservés et sains pour tous.

      La protection passe, elle, par la mise en place d’une compétitivité mondiale équitable qui impose à nos partenaires commerciaux les mêmes efforts de transition qu’à nos producteurs locaux. Cela correspond au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et aux clauses miroirs dans nos accords commerciaux. C’est aussi ce qui explique l’opposition française à l’accord de libre-échange Mercosur, qu’elle juge inéquitable. L’objectif de compétitivité équitable n’a rien d’illusoire et constitue même la clé d’une acceptation de l’effort de transition demandé à tous.

      La rémunération enfin, c’est la garantie d’un juste partage de la valeur au sein des entreprises et de la fixation d’un prix juste dans l’ensemble des chaînes de valeur, entre donneurs d’ordre et prestataires, entre distributeurs et industriels, entre producteurs et consommateurs. C’était la logique de la loi EGalim pour le secteur agroalimentaire, malheureusement largement contournée faute de contrôles suffisants. Cette question du partage de la valeur et du prix permettra aux plus exposés de vivre dignement de leur travail et de trouver le coût de la transition supportable.

      Penser à un nouvel équilibre
      Aujourd’hui, alors que le secteur agricole connaît un recul écologique majeur en France et que le Pacte vert européen fait l’objet d’attaques redoublées dans la perspective des élections européennes de juin, nous appelons à un sursaut. Non pas en passant en force, mais en pensant un nouvel équilibre. Nous appelons à ne renoncer à aucun objectif de transition, notamment en maintenant l’ambition du Pacte vert européen et de la planification écologique française.

      Nous appelons à permettre une protection juste des entreprises européennes qui s’engagent dans la transition, notamment en élargissant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à de nouveaux secteurs. Nous appelons à favoriser l’émergence de prix justes, notamment en donnant une dimension européenne et multisectorielle de la philosophie de la loi EGalim pour permettre une rémunération digne des acteurs et éviter les phénomènes de contournements. Nous appelons à imaginer le Pacte social qui sauvera le Pacte vert.

      Pascal Demurger, directeur général de la MAIF, coprésident du Mouvement Impact France ; Julia Faure, cofondatrice de Loom, coprésidente du Mouvement Impact France. Cette association, fondée en 2020, rassemble plus de quinze mille entrepreneurs français qui mettent l’impact écologique et social au cœur de leur entreprise.

      Pascal Demurger (Directeur général de MAIF) et Julia Faure (Cofondatrice de Loom)

    • « Face au #changement_climatique, l’agriculture biologique doit être soutenue »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/20/face-au-changement-climatique-l-agriculture-biologique-doit-etre-soutenue_61

      « Face au changement climatique, l’agriculture biologique doit être soutenue »
      TRIBUNE
      Collectif

      Un collectif rassemblant des chercheurs, des élus et des agriculteurs déplore, dans une tribune au « Monde », que le gouvernement ait mis fin aux aides au maintien de l’agriculture biologique. Dans un contexte d’urgence climatique, le mode de production le plus performant sur le plan environnemental doit être soutenu.Publié le 20 janvier 2023 à 16h00, modifié le 20 janvier 2023 à 16h53

      Fin août, le gouvernement a fait le choix, par le biais de son plan stratégique national, qui décline la politique agricole commune européenne, de mettre un terme aux aides au maintien à l’agriculture biologique. Cette aide a été remplacée par un « écorégime » hétéroclite dans lequel le montant alloué à la bio est beaucoup plus faible qu’auparavant et à peine plus élevé que celui apporté à l’agriculture autodéclarée « haute valeur environnementale », dont le cahier des charges n’apporte pas de garanties. Des aides publiques proches malgré des attentes radicalement différentes : le signal est mauvais.

      Le travail des agriculteurs en bio est plus complexe qu’en conventionnel, car pour ne pas utiliser de produits chimiques il s’agit de travailler avec la nature. L’aide au maintien permettait de reconnaître l’exigence technique de l’agriculture biologique et ses services environnementaux, démontrés par de nombreux travaux scientifiques : elle contribue à préserver la biodiversité, à protéger la qualité de l’eau, des sols et de l’air, et réagit mieux face au changement climatique. La bio est un modèle d’agroécologie, que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) préconise de massifier rapidement.

      Cette agriculture n’emploie ni nitrates de synthèse (dont la production est gourmande en gaz, et dont l’épandage dégage du protoxyde d’azote, gaz à effet de serre puissant et rémanent) ni pesticides chimiques (dont la production est également énergivore). Les récentes expertises collectives de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur les impacts des pesticides sur la santé, et de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) sur leurs impacts sur la biodiversité, renforcent l’intérêt vital pour la société d’une agriculture se passant de pesticides chimiques. De nombreux captages d’eau pollués par les nitrates et pesticides nécessitent de coûteux traitements payés par les consommateurs ou ne distribuent une eau ne respectant les normes que moyennant dérogation. Chaque année, d’autres sont fermés du fait de pollutions diffuses agricoles.

      Modes de production sobres en énergie
      Dès 2010, la Cour des comptes notait que « les résultats décevants constatés sur les nitrates et les produits phytosanitaires trouvent en grande partie leur origine dans une insuffisante volonté de l’Etat de remettre en cause des pratiques agricoles durablement marquées par l’encouragement au productivisme et le choix d’une agriculture intensive ». Alors que des sécheresses comme celle de 2022 vont se reproduire, il est urgent de protéger les ressources destinées à l’eau potable. Le vivant s’effondre, et la COP15 biodiversité a également ciblé les pesticides comme cause. Il est crucial d’opter à long terme pour des modes de production sobres en énergie – et préférable d’augmenter les surfaces en bio plutôt que les procès entre riverains et agriculteurs épandeurs de pesticides.

      Enfin, des prospectives nationales et européennes montrent que généraliser l’agriculture biologique est possible et souhaitable du point de vue de la souveraineté alimentaire, contrairement à ce que certains prétendent.

      Pourtant, les filières bio connaissent, pour la première fois depuis quinze ans, une baisse des ventes qui s’explique par les fins de mois difficiles des consommateurs, mais aussi par la concurrence déloyale de plusieurs labels prétendument environnementaux et souvent moins chers comme HVE, Zéro résidu de pesticides, Agriculture raisonnée… Des producteurs et coopératives bio se trouvent en difficulté, après de lourds investissements réalisés pour accompagner la croissance.

      Cette situation, actuellement gérée sans soutien public, entraîne un ralentissement de la dynamique de développement qui risque de se renforcer, alors que la France s’est fixé une trajectoire d’augmentation de sa surface en bio (25 % de la surface en 2030, pour 10 % aujourd’hui) et d’augmentation des produits bio dans la restauration collective (20 % en 2022, pour 6 % probables actuellement). Bizarrement, les projets alimentaires territoriaux (PAT) issus de la loi d’avenir pour l’agriculture, supposés « relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l’installation d’agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines », négligent la protection de leur ressource en eau et oublient souvent d’associer les producteurs bio locaux.

      Application du principe pollueur-payeur
      La Cour des comptes a clairement expliqué, dans son rapport de juin 2022, pourquoi soutenir l’agriculture biologique, et comment : en éclairant les citoyens sur l’impact environnemental et sanitaire de l’agriculture biologique (donc cesser de colporter des informations fausses, par exemple que cette forme d’agriculture ne serait pas contrôlée ou qu’elle n’aurait pas d’impact positif sur la santé) et en réorientant les soutiens publics agricoles au profit de la filière bio. Il s’agit donc de rétablir l’aide au maintien, d’inclure systématiquement l’agriculture biologique dans les projets alimentaires territoriaux et d’augmenter massivement la part de bio dans la restauration collective, afin d’atteindre les objectifs fixés par les politiques publiques.

      Et, quand près de 500 millions d’euros publics ont promptement été consentis en 2022 sans contrepartie aux élevages les plus consommateurs d’aliments importés pour les aider à surmonter la crise, l’argument de la contrainte budgétaire ne convainc pas…

      L’application du principe pollueur-payeur permettrait de réorienter les subsides publics vers le soutien des pratiques vertueuses de l’agriculture biologique. Il est paradoxal que le mode de production le plus performant sur le plan environnemental ne soit pas en croissance forte dans le contexte actuel des multiples urgences écologiques ; cette situation témoigne de politiques publiques inadaptées qui en arrivent à pénaliser et à entraver les systèmes les plus souhaitables.

      Le problème est grave, les enjeux sont vitaux pour les territoires, les citoyens, les générations futures et l’ensemble du vivant ; il est urgent de réagir !

      Premiers signataires : Wolfgang Cramer, directeur de recherche CNRS, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale ; Sara Fernandez, géographe à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ; Josette Garnier, directrice de recherche CNRS ; Harold Levrel, professeur d’économie AgroParisTech ; Xavier Poux, agronome, chercheur associé à l’Institut du développement durable et des relations internationales ; Marc-André Sélosse, professeur du Muséum national d’histoire naturelle.

  • Ton masque, camarade !

    Dans cette émission, tu pourras retrouver :

    –Des masques, à Minuit Décousu ?
    - Les militant·es sida face au covid, l’histoire d’#ActUp_Paris et les parallèle et limites des comparaisons entre Covid et #Sida, Gwen Fauchois, ancienne d’ActUp Paris dans les années 90, au mic’
    - Vague après vague, récit de quatre années de pandémie et d’#autodéfense_sanitaire, adaptation d’un texte de Justine Partout pour Jef Klak
    – « Le Covid, c’est fini ! »
    - #Winslow_Santé_Publique, association qui vise à réhabiliter la #santé_publique et désinvisibiliser la question du Covid, sur sa structuration, ses actions et les manières de faire réseau
    - Renverser la #vulnérabilité, adaptation d’une chronique des Canards Masquées publiée chez Cabrioles
    - Le masque de Schrödinger
    - Seule la lutte paie : l’#autodéfense qui s’organise
    - Les enfants du Covid

    https://radiocanut.org/emissions/minuit-decousu/article/ton-masque-camarade-minuit-decousu-a-23h
    #audio #podcast #santé #masque #covid

  • En Tunisie, « les prisons sont remplies de migrants subsahariens » condamnés pour « séjour irrégulier » - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/61237/en-tunisie-les-prisons-sont-remplies-de-migrants-subsahariens-condamne

    En Tunisie, « les prisons sont remplies de migrants subsahariens » condamnés pour « séjour irrégulier »
    Par Leslie Carretero Publié le : 18/11/2024
    Depuis quelques semaines, les arrestations dans les rues tunisiennes visant les migrants se sont accentuées. Après leur interpellation, les exilés sont condamnés pour « séjour irrégulier » et écopent de plusieurs mois de détention. La situation est telle que, selon des exilés en contact avec InfoMigrants, « les prisons sont remplies de Subsahariens », enfermés aux côtés de prisonniers de droit commun.
    Un peu plus d’un mois après la réélection du président sortant Kaïs Saïed, avec 90 % des voix, la criminalisation des migrants en Tunisie a pris une nouvelle tournure. Les Noirs vivant dans le pays ne risquent plus seulement d’être abandonnés dans le désert, à la frontière algérienne ou libyenne, après une interpellation. Ils encourent désormais des peines de prison ferme, aux côtés de détenus tunisiens de droit commun.
    Ibrahim* en a fait l’amère expérience. Ce Guinéen de 23 ans sort tout juste du centre de détention de Mornaguia, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Tunis. Il a été arrêté le 30 octobre dans une rue de la capitale tunisienne. « J’attendais un taxi pour rentrer chez moi quand des policiers m’ont interpellé », rapporte-t-il.
    Koffi*, un Ivoirien de 43 ans, raconte la même histoire. Le 20 octobre, trois policiers en civil sont venus l’arrêter dans l’entreprise de menuiserie pour laquelle il travaille au noir à Tunis, puis l’ont envoyé en prison.
    « Ce genre d’arrestations suivies d’une période d’incarcération, ce n’est pas nouveau. Mais ces derniers temps, c’est récurrent », assure Sakia Traoré, secrétaire fédéral de la Fédération des Ivoiriens en Tunisie (Faci), qui reçoit régulièrement des témoignages de migrants sortis de détention. « Les exilés sont arrêtés dans la rue, les transports en commun ou les gares... À Sousse, Sfax ou Tunis. Cela se passe dans tout le pays ».
    « En ce moment, c’est une véritable chasse à l’homme », lance Ibrahim. « Les policiers ciblent des quartiers où vivent les Subsahariens [comme le quartier Ariana, à Tunis, ndlr] et procèdent à des rafles. Plusieurs de mes amis ont vécu la même mésaventure que moi et certains ont été envoyés en prison deux ou trois fois », signale le Guinéen.Quelques-uns parviennent à éviter une interpellation en échange d’un pot-de-vin. Jean*, demandeur d’asile en Tunisie, a aidé plusieurs personnes à échapper à la prison. « L’autre jour, j’ai donné 100 dinars [près de 30 euros, ndlr] à un policier en civil pour qu’il laisse mon ami. Le lendemain, j’ai fait la même chose avec deux femmes de mon quartier, pour la même somme », raconte cet autre Ivoirien.
    Pour les moins chanceux, le processus reste toujours le même : les migrants interpellés sans titre de séjour sont envoyés quelques heures au poste de police, puis à la prison de Bouchoucha (à l’ouest de Tunis). Cette « maison d’arrêt, où sont regroupées les personnes placées en garde à vue à Tunis, est souvent présentée comme le pire lieu de détention de Tunisie », selon un rapport de l’ONG Avocats sans frontières.Les personnes ne passent que quelques jours dans cette prison, où s’entassent 60 à 70 prisonniers par cellule, avant de comparaître au tribunal.L’entrevue devant le juge se fait à marche forcée, en quelques minutes seulement. Trois questions suffisent aux magistrats pour rendre leur verdict : "Quel est votre identité ? Comment êtes-vous entré en Tunisie ? Avez-vous un titre de séjour ?"Les audiences pour « séjour irrégulier » se déroulent à la chaîne. Lors de son passage au tribunal début novembre, Ibrahim dit s’être retrouvé au côté d’une trentaine de Subsahariens, dont deux mineurs, une dizaine de femmes et une enceinte de huit mois. Tous ont été inculpés car en situation irrégulière sur le territoire tunisien.
    Mais impossible de savoir combien de personnes ont déjà été emprisonnées de cette manière, les autorités tunisiennes refusent de communiquer les chiffres des condamnations pour « séjour irrégulier ».
    Selon la loi n°68-7 du 8 mars 1968, relative à la condition des étrangers en Tunisie, un sans-papiers s’expose à une peine d’"emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 6 à 120 dinars" (1,80 euros à 36 euros) pour « séjour irrégulier ». Dans les faits, ils sont le plus souvent condamnés à des peines de deux à six mois de prison. Ce texte, ancien mais jusque-là très peu appliqué, semble de plus en plus utilisé par les autorités tunisiennes pour enfermer les migrants en situation irrégulière. « Depuis février 2023 [date d’un discours virulent du président tunisien à l’encontre des Subsahariens, ndlr], on observe une hausse des condamnations pour ce motif. Et cela encore pris de l’ampleur ces dernières semaines », affirme Romadhane Ben Amor, du Forum tunisien économique et social (FTDES). « C’est une manière de criminaliser un peu plus les migrants ».
    Une fois condamnés, les exilés interpellés à Tunis sont ensuite transférés dans la prison de Mornaguia. Ce centre de détention « est rempli de Subsahariens, de toutes les nationalités », alerte Koffi. Pendant deux mois, cet Ivoirien a partagé sa cellule avec quelque 80 migrants dans une « chambre des étrangers », terme qui désigne les cellules occupées uniquement par des Noirs.Ibrahim a, lui, été enfermé 14 jours avec une centaine de personnes, des exilés mais aussi des Tunisiens condamnés pour usage de drogues, vols, ou violences. « Chaque jour, ça rentre, ça sort. Des Noirs sont libérés et d’autres arrivent, toujours pour le même motif. Les Subsahariens ne restent que quelques mois, alors que les Tunisiens passent plusieurs années derrière les barreaux », explique le jeune Guinéen.
    La proximité avec des prisonniers potentiellement dangereux est une épreuve supplémentaire pour les migrants. Dans chaque cellule partagée avec des Tunisiens, un chef – appelé par les détenus « kabran », qui signifie patron en arabe - organise la vie derrière les barreaux. « C’est lui qui fait la loi, on est obligé de faire ce qu’il dit sinon il nous frappe. S’il vous dit de vous coucher à 19h, vous devez dormir. C’est aussi lui qui vous attribue une place dans la cellule », se souvient Ibrahim.
    Comme à l’extérieur, le racisme et les mécanismes de domination ressurgissent dans les établissements pénitentiaires de Tunisie. Les Noirs sont parqués dans un coin de la pièce, le plus souvent près des toilettes. Ils doivent partager des lits à cinq ou six personnes, quand les Tunisiens dorment à deux sur la même couchette. Si la pièce est saturée, des exilés peuvent être contraints de dormir à même le sol.
    « La souffrance que j’ai vue dans les prisons tunisiennes, je ne l’ai jamais vu en Libye »
    Contrairement aux Tunisiens, les migrants n’ont pas de famille en Tunisie et ne peuvent donc pas recevoir de nourriture, de produits d’hygiène ou de vêtements de leurs proches. « Nous, on reste avec les mêmes habits. Pendant deux semaines, j’ai porté le même pantalon et le même tee-shirt », dit Ibrahim. « La nourriture est très mauvaise, on a droit à un seul repas par jour. Donc sans aide extérieur, c’est très dur. En fait, cela sert tout juste à nous maintenir en vie », renchérit Koffi. Les exilés affirment aussi que les prisons tunisiennes sont confrontées à des cas de gale et de tuberculose, et infestées de punaises de lit et de cafards.
    Autant de facteurs qui rendent le séjour des migrants dans les geôles tunisiennes particulièrement traumatisant. Même pour Ibrahim, qui a passé cinq ans dans « l’enfer libyen ». En contact avec InfoMigrants depuis de nombreuses années, le jeune Guinéen a raconté à plusieurs reprises ses différentes incarcérations en Libye, dans les prisons de Tarik el Siqqa ou encore de Zaouia. Des lieux où les violences sont légion et les droits des migrants continuellement bafoués. Et pourtant Ibrahim est catégorique : selon lui, la vie en prison demeure plus difficile en Tunisie qu’en Libye. « La souffrance que j’ai vue à Monarguia, je ne l’ai jamais vue en Libye. C’est vrai que les gardiens libyens sont violents, qu’on est victimes de travail forcé et d’agressions, mais en Tunisie les conditions de vie sont plus dures moralement », confie-t-il. « En Libye, on était tous dans la même situation. Ici, on est incarcéré aux côtés de criminels, de braqueurs… qui sont condamnés à 12 ou 15 ans de prison. Alors que toi tu es là seulement à cause d’un problème de papiers et tu es traité de la même manière qu’eux. Ce pays me fait de plus en plus peur ».

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#incarceration#detention#violence#migrationirreguliere#sante#violence#vulnerabilite#droit

  • https://aoc.media/analyse/2024/11/14/penser-les-classes-sociales-apres-les-gilets-jaunes

    Qui étaient les Gilets jaunes ? Six ans plus tard, quelle analyse peut-on faire de cette mobilisation inédite en termes de groupes sociaux et de classes sociales ? Une approche à partir de leurs vulnérabilités, qu’elles soient inscrites dans le travail ou dans la sphère de la reproduction, permet de comprendre ce qui, aujourd’hui, peut être constitutif, par-delà les configurations sociales locales, de conditions d’existence partagées.

    https://justpaste.it/2kyb0

    #Gilets_jaunes #révoltes #déclassement #vulnérabilités #travail #prolétariat #précariat

  • « Si vous êtes noir, ce n’est plus possible de vivre ici » : en Tunisie, ces migrants qui ont changé de plan de vie face au racisme - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/60951/si-vous-etes-noir-ce-nest-plus-possible-de-vivre-ici--en-tunisie-ces-m

    « Si vous êtes noir, ce n’est plus possible de vivre ici » : en Tunisie, ces migrants qui ont changé de plan de vie face au racisme
    Par Julia Dumont Publié le : 01/11/2024
    En Tunisie, la situation des migrants subsahariens ne cesse de se dégrader. Pays de transit sur la route de l’Europe pour certains, mais aussi pays d’arrivée pour de nombreux exilés en quête d’un emploi, le pays est devenu un piège que beaucoup cherchent aujourd’hui à quitter. InfoMigrants a recueilli les témoignages d’exilés qui ont décidé de donner à leur vie une autre direction pour échapper à cette situation.
    Ça fait deux et demi que je suis en Tunisie. Je vis à Tunis. Normalement, je devais rester trois ans pour faire un MBA en marketing, mais je vais partir avant la fin de cette année et rentrer dans mon pays. Ça fait un moment que je veux rentrer mais j’hésitais parce que je devais terminer mes études. Je ne pouvais pas rentrer sans rien alors que j’étais venu pour avoir un diplôme. Mais maintenant, le plus important pour moi c’est de me dire qu’en 2025 je ne serai plus ici. Ma décision de rentrer a été prise avec ma famille. Ce sont beaucoup de choses qui m’ont fait prendre ma décision : les complications administratives surtout, mais aussi l’ambiance qu’il y a ici maintenant... Ce qui a tout déclenché, c’est le discours du président Saïed en février 2023. À partir de ce moment-là, on a dû changer de vie, et même de comportement. Mes emplois du temps ont changé car il faut maintenant être à la maison à une certaine heure sinon ça peut être dangereux d’être dehors quand on est noir. Je rentre chez moi à 18 heures, maximum.
    Le 21 février 2023, le président tunisien Kaïs Saïed a prononcé un virulent discours antimigrants lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale. Le chef de l’État avait alors évoqué des « hordes des migrants clandestins » dont la présence en Tunisie serait source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ». À l’université, la situation est normale mais c’est dans le reste de la ville que nous avons des problèmes. Je n’ai pas subi d’agression mais des insultes dans le métro ou le bus. Cette ambiance xénophobe, en plus des difficultés administratives pour obtenir un titre de séjour, c’est insupportable. Même si Kaïs Saïed n’avait pas été réélu, je serais parti. De retour dans mon pays, j’aimerais me lancer en autoentrepreneuriat dans le marketing.
    Je suis ici depuis décembre 2022. Initialement, je voulais rester ici et demander l’asile. Mais il n’y a pas de système d’asile ici, ni de droits de l’Homme donc j’ai changé mes plans et je vais rentrer dans mon pays. C’est le fait d’avoir été kidnappé récemment qui a été déterminant dans ma décision de rentrer au Cameroun. Car ici, la situation est de pire en pire et nous ne pouvons plus trouver de travail, ni louer un logement. Si vous êtes noir, ce n’est plus possible de vivre ici. Actuellement, je dors dans une maison en construction et je n’arrive même plus à acheter à manger. Les kidnappings d’exilés se sont multipliés ces derniers mois en Tunisie. Les kidnappeurs - des Tunisiens mais aussi souvent des Subsahariens - enferment leurs victimes dans des maisons isolées et les battent en appelant leurs familles au téléphone afin de leur soutirer de l’argent, en échange de la libération de leurs proches.
    Après avoir été libéré, je suis allé voir l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour demander un retour volontaire mais, à ce moment-là, tout était bloqué et ils m’ont dit de revenir après l’élection présidentielle. Le président Kaïs Saïed a été réélu avec plus de 90 % des voix lors de l’élection présidentielle du 6 octobre 2024. Le scrutin a été marqué par une très forte abstention. J’ai prévenu des amis que j’allais rentrer mais pas ma famille parce que, de toute façon, ils sont tous en prison au Cameroun. Je viens de la région anglophone du Cameroun qui est en crise. Toutes les maisons ont été brûlées et je risque d’être arrêté en rentrant. Mais s’il m’arrive quelque chose, tant pis, je préfère que ce soit dans mon pays plutôt qu’en Tunisie. Vincent, camerounais kidnappé puis emprisonné : « Il vaut mieux prendre le risque de traverser la mer que de vivre ici »
    Quand je suis arrivé en Tunisie en janvier 2023, mon objectif était de prendre la mer pour aller en Italie. Mais après avoir passé du temps sur place et vu les complications, j’ai changé de direction. Je me suis dit que si je pouvais m’établir ici, je pourrais trouver un petit boulot et envoyer un peu d’argent à ma famille au Cameroun. J’ai approché le HCR (Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés) à ce sujet en janvier 2024 pour déposer une demande d’asile. Mais j’ai eu beaucoup de complications pour être enregistré et une fois enregistré, le gouvernement tunisien a fermé le Conseil tunisien des réfugiés (CTR) ainsi que l’ONG Terre d’asile [qui participaient à l’accompagnement des demandeurs d’asile en Tunisie ndlr]. Et le HCR est aussi resté fermé pendant une bonne période.
    À ce moment-là, je me disais encore qu’avec ma carte de demandeur d’asile, je pourrais m’établir ici et chercher du travail pour avoir un petit salaire. Mais ensuite, j’ai été arrêté en juillet dernier et emprisonné pendant trois mois pour « séjour illégal ». C’est à ce moment-là que j’ai changé d’avis à nouveau. Maintenant, je me dis qu’il vaut mieux prendre le risque de traverser la mer que de vivre ici car ici un âne vaut plus qu’un Subsaharien. Depuis le printemps dernier, les migrants subsahariens sont massivement arrêtés et inculpés pour « entrée illégale sur le territoire tunisien ». Les exilés sont ensuite généralement condamnés à des peines de trois mois de prison.
    Si les conditions étaient bonnes, je resterais ici, je m’établirais en Tunisie. Mais là, c’est impossible. Nous vivons comme des rats dans les oliveraies près de Sfax. Depuis que je suis sorti de prison, je suis blessé au pied mais je n’ai même pas de quoi payer un nouveau pansement. Je me dis que, peut-être, en restant ici je pourrais faire des petits travaux pour gagner un peu d’argent ou échanger des services pour pouvoir monter dans un bateau.

    #Covid-19#migrant#migration#tunisie#migrationirreguliere#racisme#xenophobie#violence#vulnerabilite#sante#subsaharien

  • Au Liban, la guerre plonge dans l’effroi des migrants vulnérables
    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/10/31/au-liban-la-guerre-plonge-dans-l-effroi-des-migrants-vulnerables_6369167_321

    Au Liban, la guerre plonge dans l’effroi des migrants vulnérables
    Par Laure Stephan (Beyrouth, correspondance)
    Des migrants venus des Philippines, du Sri Lanka, du Soudan du Sud ou de la Sierra Leone ont été contraints de fuir leur logement dans des zones exposées, ou abandonnés par leurs employeurs. Ils ont peu de solutions pour se mettre à l’abri ou quitter le Liban.
    Des cris d’enfants résonnent dans les étages au-dessus de l’église Saint-Joseph, dans le quartier d’Achrafiyé, à Beyrouth. Dans une salle, des matelas sont installés au sol. Le bâtiment, qui appartient aux jésuites, est devenu un refuge pour des migrants pris au piège de l’offensive israélienne lancée sur le Liban, le 23 septembre, après un an de guerre de basse intensité, à la frontière, entre le Hezbollah et l’armée de l’Etat hébreu.
    Quelque 160 000 migrants, dont 65 % de femmes, ont été répertoriés au Liban, en 2023, par l’Office international des migrations des Nations unies. Ils vivaient soit dans les maisons de leurs employeurs, dans un système de dépendance (la kafala), soit de leur côté, en ayant souvent perdu leur statut légal, dans des quartiers pauvres. Les faubourgs de la banlieue sud de Beyrouth – vaste zone résidentielle et fief du Hezbollah –, lourdement pilonnée, offraient avant la guerre un logement peu coûteux. Une partie de ces travailleurs étrangers ont été contraints de fuir leur domicile dans les zones exposées, ou ont été abandonnés par leurs employeurs. Le quotidien a été bouleversé, de façon fulgurante.
    Du jour au lendemain, les jésuites ont vu affluer des migrants en quête de sécurité. Plus de soixante-dix hommes et femmes – dont des familles avec enfants –, originaires d’Afrique et d’Asie, sont accueillis dans la bâtisse. « J’aimais notre vie à Nabatiyé, dans le Sud. La guerre a tout brisé. Nous avons fui des bombardements effrayants. J’ai si peur pour l’enfant que je porte », murmure Malaz (qui, comme la plupart des personnes citées, n’a pas souhaité donner son nom), une Soudanaise de 28 ans, enceinte de huit mois.
    Les larmes coulent sur son visage. Le son épuisant d’un drone israélien – les engins de surveillance ne lâchent pas le ciel de Beyrouth – déchire le silence. « J’avais mon propre logement, dans la banlieue sud. Là-bas, c’est peur et danger. Je travaillais comme nounou et femme de ménage chez une famille en journée, mais eux aussi sont déplacés à cause des bombardements. Je n’ai plus de travail. Je n’ai qu’ici où rester », décrit Patimat, Sri-Lankaise de 50 ans, qui s’exprime dans un mauvais arabe.
    « D’ordinaire, la communauté migrante – venue des Philippines, du Sri Lanka, du Soudan du Sud… – trouve un espace dans notre paroisse, le dimanche. Nous avons ouvert un abri d’urgence [pour ces travailleurs étrangers], parce qu’ils ne sont pas inclus dans la réponse du gouvernement aux déplacés », explique Michael Petro, directeur de projet au Service jésuite des réfugiés (JRS). Les autorités privilégient les Libanais dans les écoles publiques transformées en abri, saturées. Selon Beyrouth, la guerre a fait 1,2 million de déplacés.
    Michael Petro a vu arriver, parmi les migrants en fuite, « une famille soudanaise dont le père travaille à Nabatiyé. Son employeur lui a dit : “Je vais en Syrie, reste ici !” Les bombes tombaient. Tout le monde fuyait. Sa femme était sur le point d’accoucher. Le bébé est né, et ils sont venus ici. D’autres femmes ont été abandonnées dans la rue par leur employeur en fuite. L’abandon, c’est une réalité ». Un second abri tenu par le JRS, tenu secret, a été ouvert pour des femmes en grande vulnérabilité.
    L’avenir est devenu flou. « Avec mon mari, Abdelaziz [également originaire de Khartoum], qui travaillait comme concierge, nous ne pouvons pas rentrer au Soudan : c’est la guerre aussi là-bas », s’inquiète Malaz. « Je voudrais repartir au Sri-Lanka, mais je n’ai pas d’argent », s’émeut Patimat, mère de deux jeunes adultes qui ont grandi sans elle. Elle n’a plus de papiers en règle au Liban. « Je veux rentrer chez moi, en Sierra Leone. Mes enfants m’appellent, ils pleurent, ils savent qu’il y a la guerre au Liban. Pourvu que quelqu’un m’aide à voyager ! », dit en écho Elizabeth, 31 ans. Elle s’est réfugiée dans un tout autre endroit : un hangar décati, à Hazmieh, une localité attenante à Beyrouth, préservée mais proche de la banlieue sud. Une poignée de jeunes Libanais se sont fait prêter cet espace et l’ont aménagé, grâce à des donations. Quelque 150 femmes, des Sierra-Léonaises, s’y abritent. L’électricité a été branchée, une cuisine installée, les toilettes réparées. « On réagit, parce que personne ne le fait, et que si on ne le fait pas, ces femmes sont à la rue ! », s’exclame Dea Hage-Chahine, l’une des volontaires, en blâmant les agences de l’ONU. Elle a entamé des démarches pour faciliter le rapatriement des migrantes désireuses de rentrer dans leur pays.
    Dans le principal espace de vie, une femme tresse les cheveux d’une amie. Une autre serre une poupée dans ses bras, comme si elle la berçait. Elizabeth, arrivée au Liban il y a seize mois, déroule en anglais le fil des dernières semaines. « Je ne sais pas dans quelle région je vivais, chez mes employeurs, assure-t-elle – ou peut-être ne veut-elle pas le dire. Quand la guerre a commencé, ils m’ont dit qu’ils partaient à Dubaï, que je devais aller chez mes amies – à Jnah [un quartier attenant à la banlieue sud]. Mais là-bas, il y avait les bombardements. On s’est toutes enfuies. »
    Dans le coin cuisine, des déplacées s’affairent devant des marmites. Un petit groupe de femmes portant l’uniforme gris d’une société de nettoyage rentre de leur journée de travail vers le hangar, fourbues, et se servent une assiette. Fatima, 27 ans, mère de deux enfants en Sierra Leone, a perdu soudainement son lieu de vie et son précédent emploi dans un restaurant, sur la côte, au nord de Beyrouth. « Le patron a préféré fermer de crainte que la situation n’empire, même si nous étions dans une région calme. Il est parti à Dubaï, m’a dit qu’il me rappellerait quand les choses s’arrangeraient, et m’a trouvé ce nouveau job dans le nettoyage. »
    Fatima a dormi trois nuits sur la plage de Ramlet El-Baïda, en bordure de la capitale, après les violents bombardements israéliens le 27 septembre sur la banlieue sud, qui ont tué Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah. « J’avais tellement peur. Je ne suis pas dans mon pays. Cet homme m’a secourue et mise à l’abri ici », dit-elle, en montrant un volontaire, Nasri Sayegh, qui a sillonné Beyrouth pour venir en aide aux déplacés. Sensible au sort des migrantes, « les invisibles », cet artiste et écrivain dit vivre dans la « sidération totale » ces jours de guerre. Fatima n’a pas encore décidé de partir : « J’ai besoin de nourrir mes deux enfants restés au pays. Si la guerre ne s’aggrave pas, je resterai. »

    #Covid-19#migrant#migration#liban#israel#guerre#vulnerabilite#philippines#srilanka#soudansud#sierraleone#sante#femme#personnedeplacee

  • Tunisie : l’UE réclame une enquête, après des accusations de viols sur des migrantes perpétrés par la police - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/60171/tunisie--lue-reclame-une-enquete-apres-des-accusations-de-viols-sur-de

    Tunisie : l’UE réclame une enquête, après des accusations de viols sur des migrantes perpétrés par la police
    Le journal britannique The Guardian dénonce, dans un article, les viols dont sont victimes de nombreuses femmes migrantes en Tunisie, et commis par les forces de l’ordre. Des révélations qui ont poussé la Commission européenne à demander une enquête sur les faits. « La Tunisie est un pays souverain. Lorsqu’il y a des allégations d’actes répréhensibles concernant ses forces de sécurité (...) nous attendons qu’elle enquête dûment sur ces cas ». Mardi 24 septembre, l’Union européenne (UE), par la voix d’une des porte-parole de la Commission Ana Pisonero, a réclamé une enquête aux autorités tunisiennes après la publication d’un article du Guardian. Le journal britannique relate des témoignages accusant les forces de l’ordre tunisiennes de violences sexuelles, dont des viols, sur des femmes migrantes.
    Selon la fondatrice d’une association de santé à Sfax (centre-est) – qui a requis l’anonymat - des centaines de femmes migrantes subsahariennes ont été violées par les forces de sécurité tunisiennes au cours de ces 18 derniers mois. (...)
    Le quotidien affirme également que des officiers collaborent avec des passeurs pour organiser des traversées de la Méditerranée. « La Garde nationale organise les départs de bateaux en Méditerranée, atteste Youssef, un passeur. Ils les regardent aller à l’eau, les interceptent, récupèrent le moteur et nous les revendent ». Interrogées par The Guardian, les autorités tunisiennes contestent des allégations « fausses et sans fondement », et soutiennent que leurs forces de sécurité opèrent avec « professionnalisme pour faire respecter l’État de droit sur [le] territoire, tout en respectant pleinement les principes et normes internationaux ». Ces publications alimentent une nouvelle fois la controverse face à l’accord migratoire signé en juillet 2023 entre l’UE et la Tunisie. Depuis cette date, la gestion de l’immigration dans le pays est en partie financée par des fonds européens, d’un montant de 105 millions d’euros.
    Interpellée par le journal britannique sur son financement au regard de ces accusations de viols, la Commission n’a pas répondu sur le fond mais insisté sur le fait que son financement pour les programmes de migration en Tunisie était acheminé « via des organisations internationales, des États membres de l’UE et des ONG présentes sur le terrain ». Des « experts indépendants chargés de vérifier le respect du principe de ‘ne pas nuire ‘ dans le cadre des programmes financés par l’UE » seront aussi dépêchés sur place, a-t-elle fait savoir. En mai, la Commission européenne avait déjà reconnu une « situation difficile », après une enquête journalistique documentant la manière dont des dizaines de milliers de migrants ont été arrêtés et abandonnés en plein désert au Maroc, en Tunisie et en Mauritanie.
    Signé pour faire baisser le nombre d’arrivées de migrants en provenance de Tunisie – en 2023, plus de 150 000 personnes, dont une majorité depuis les côtes tunisiennes, ont gagné l’Italie après une traversée de la Méditerranée – ce « partenariat stratégique » suscite régulièrement des critiques d’ONG et d’élus de gauche, qui dénoncent l’autoritarisme du président tunisien Kaïs Saïed et les atteintes aux droits humains dont sont victimes les migrants subsahariens dans le pays. InfoMigrants a reçu quantité de témoignages faisant état des conditions déplorables dans lesquelles les exilés vivent en Tunisie. Chassés des centres villes, une grande partie sont installés dans des camps informels le long d’une route reliant Sfax à Jebeniana. Sans aucune assistance de l’État, la vie s’y organise de manière anarchique, sans eau potable ni sanitaires et dans un climat de violence de plus en plus alarmant. De nombreuses personnes ont été blessées à l’arme blanche ou à feu lors d’affrontements communautaires ou par des Tunisiens. D’autres souffrent de maladies graves telles que le choléra ou la typhoïde.
    Des témoignages d’abandons aux frontières avec l’Algérie et la Libye sont aussi régulièrement dévoilés. (...)
    Huit mois après cet été meurtrier, en avril 2024, la médiatrice de l’UE Emily O’Reilly, a annoncé l’ouverture d’une enquête sur la manière dont la Commission s’assure du respect des droits de l’Homme, en lien avec son accord avec la Tunisie. Ses conclusions sont attendues dans les prochaines semaines.

    #Covid-19#migrant#migration#UE#tunisie#accordmigratoire#violence#droit#femme#morbidite#sante#vulnerabilite

  • Au #procès des folles

    « Les violences sont déplacées dans le champs du #fantasme »

    Victimes de violences physiques et psychologiques de la part de leurs ex conjoints, Anouk et Marie doivent être expertisées par des psychologues et psychiatres suite aux #démarches_juridiques qu’elles entament, au pénal et au civil. Elles racontent leurs expériences traumatisantes face à des expertes qui minimisent les faits, remettent en doute leurs paroles, symétrisent les comportements ou encore les accusent d’être hystériques et masochistes. Ces psys considèrent qu’Anouk et Marie « y sont sans doute pour quelque chose », compte tenu de leurs profils psychologiques.

    De très nombreuses femmes vivent les mêmes expériences, source de nouveaux traumatismes, devant la justice, mais aussi dans les cabinets libéraux. Cet épisode décrypte le processus de #psychologisation de la violence (des victimes, mais aussi des agresseurs) qui permet de mieux l’occulter. Avec les analyses de psychologues et d’avocates qui tentent de faire changer ces pratiques.

    https://www.arteradio.com/son/61684896/au_proces_des_folles
    #justice #violence #procès_pénal #procès #traumatisme #masochisme #hystérie #occultation #invisibilisation #psychologie #anxiété #VSS #violences_sexuelles #expertise #peur #honte #répétition #larmes #humiliation #culturalisation #religion #histoire_familiale #hystérie #suspicion #intimité #expertise_psychologique #enquête_de_crédibilité #crédibilité #toute_puissance #traumatisme #post-traumatisme #consentement #colère #tristesse #témoignage #anxiété_généralisée #traumatisme_de_trahison #troubles_du_stress_post-traumatique (#TSPT) #subjectivité #psychanalyse #névrose #masochisme #analyses_paradoxales #présomption_de_masochisme #présomption #concepts #mise_en_scène #jeu #mensonge #manipulation #exagération #répétition #co-responsabilité #dépsychologisation #féminisme #violences_politiques #vulnérabilité #expertises_abusives #maltraitance_théorique #théorie #rite_de_domination #violences_conjugales #analyse_sociale #psychologisation_de_la_violence #patriarcat #domination #violence_systémique #féminicide #sorcière #pouvoir #relation_de_pouvoir #victimisation #violences_conjugales #crime_passionnel #circonstances_atténuantes #injustice #haine #haine_contre_les_femmes #amour #viol #immaturité #homme-système #empathie #désempathie #masculinité #masculinité_violente #violence_psychologique #humiliations #dérapage #déraillement #emprise_réciproque #reproduction_de_la_violence #émotions #récidive #intention #contexte #figure_paternelle #figure_maternelle #imaginaire #violence_maternelle #materophobie #mère_incenstueuse #parentalité_maternelle #parentalité_paternelle #dénigrement

    #audio #podcast

    ping @_kg_

    • Merci
      Cette émission a fait un écho tremblant aux accusations et dénigrements de psychologues dont j’avais requis les compétences pour m’aider (croyais-je) alors que j’étais en soin pour un cancer du sein métastasé. La première, je n’ai pas ouvert la bouche que déjà elle me dit que je me suis assise de façon présomptueuse et un autre moment elle rit en me disant qu’elle voudrait bien voir mon enfant pour savoir comment il s’en sort d’avoir une mère comme moi. Une autre, à qui j’ai demandé d’agir en relais le temps des soins pour mon enfant qui débute ses études, et qui présente des phases dépressives suite à des maltraitances de son père, lui conseille d’aller vivre chez lui devenu SDF à 600km de là et me donne un rdv où j’apprends qu’il sera présent, refusant de m’entendre alors que c’est moi qui l’ai toujours payé. Tellement choquée que je pars en voir une autre pour lui demander si il est normal d’agir ainsi. Cette fois, en sortant, j’étais responsable du cancer qui m’avait fait perdre mon sein dû à des problèmes psys de maternité non résolu, j’allais détruire mon entourage, mon enfant également et j’avais juste envie de me suicider.
      J’ai quand même repris trois mois plus tard un suivi par une psychologue de la clinique qui m’a cette fois réellement écoutée et aidée. Jamais eu le courage cependant de retourner voir les 3 autres pour dénoncer leur incompétence et leurs humiliations.

      #psychologues #violences_psychologiques #maternophobie #courage_des_femmes

  • Etienne Piguet : « Le changement climatique ne va pas entraîner la migration de millions de personnes vers les pays du Nord » | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/etienne-piguet-changement-climatique-ne-va-entrainer-migration-d/00111985

    Le professeur de géographie de l’université de Neuchâtel (Suisse) Etienne Piguet, a parcouru les centaines d’articles scientifiques publiés ces dix dernières années sur l’impact du changement climatique sur les flux migratoires.

    Les résultats obtenus permettent de battre en brèche l’idée selon laquelle des vagues de migrants climatiques allaient déferler sur l’Europe dans les prochaines années.

    https://archive.ph/of9an

    • Sur ce sujet, j’avais donné une longue conférence dans le cadre des café collaps (à Grenoble). La conférence avait été enregistrée :
      https://www.youtube.com/watch?v=fQUDY9ROhpI


      (et j’ai par ailleurs pas mal de littérature sur le sujet aussi, si il y a des personnes intéressées)

      #Etienne_Piguet #migrations #asile #réfugiés #migrations_environnementales #migrations_climatiques #climat #changement_climatique #idées_reçues #préjugés #flux_migratoires

    • texte intégral :

      Le professeur de géographie de l’université de Neuchâtel (Suisse) Etienne Piguet, a parcouru les centaines d’articles scientifiques publiés ces dix dernières années sur l’impact du changement climatique sur les flux migratoires.
      Les résultats obtenus permettent de battre en brèche l’idée selon laquelle des vagues de migrants climatiques allaient déferler sur l’Europe dans les prochaines années.
      A quelle époque commence-t-on à tracer des liens entre climat et migrations ?
      Etienne Piguet : A partir du XIXe siècle, les géographes commencent à donner un poids important au facteur de l’environnement naturel dans les migrations, en particulier les grandes migrations historiques – ils remontent jusqu’à la chute de l’empire romain. Par environnement naturel, on entend alors les catastrophes naturelles, les sécheresses, etc. On ne parle pas encore de changement climatique, bien sûr.
      Ensuite, l’explication par le climat des migrations disparaît. Quand réapparaît-elle et pourquoi ?
      E. P. : Elle réapparaît vraiment à la fin du XXe siècle et plus précisément dans les années 1980. Cela coïncide avec la première prise de conscience du changement climatique par la communauté internationale, qui débouche sur le rapport initial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de 1990. Ce rapport explique que le changement climatique pourrait, entre autres conséquences, déplacer des populations très nombreuses.
      Vous montrez l’augmentation très forte du nombre d’études universitaires à propos de l’impact du changement climatique sur les migrations. Que disent-elles ?

      E. P. : Cette croissance commence un peu avant les années 2000. Il y a alors deux grandes familles d’études empiriques. D’une part, les études à l’échelle macro, qui essaient de voir dans quelle mesure les zones touchées par des dégradations environnementales sont aussi des zones qui « émettent » des migrations importantes. Elles se demandent par exemple, à l’échelle des pays du monde, si les pays les plus touchés par des catastrophes ou des aléas environnementaux sont aussi ceux qui ont le plus d’émigration.
      D’autre part, les études de cas sur des zones et des catastrophes spécifiques. Les chercheurs essaient d’y voir dans quelle mesure une sécheresse pousse les paysans à quitter le village pour aller en ville, par exemple.
      Ces recherches ont établi deux résultats consensuels. Il y a effectivement un potentiel de déplacement important lié aux dégradations environnementales, mais les études posent également tout une série de nuances envers l’idée d’un automatisme entre dégradation environnementale et départ des populations. En effet, les déplacements se font souvent sur des distances relativement courtes et des durées réduites.
      On a ainsi observé, dans une multitude de cas, que les populations sont parfois poussées à partir par un cyclone ou une sécheresse, mais qu’elles ne sont pas forcément en mesure – ni désireuses – de partir loin. Ce résultat peut sembler simple, mais il est essentiel puisqu’il corrige l’idée en vogue dans les années 1990 selon laquelle des millions de personnes allaient partir des pays du Sud vers les pays du Nord à cause du changement climatique.
      Les effets sur les migrations sont-ils différents en fonction du type d’épisode climatique ?
      E. P. : J’ai distingué trois événements dont on sait qu’ils vont s’accroître dans le futur : les cyclones, les sécheresses et la montée du niveau des mers. J’ai montré qu’il y avait des similitudes : ces catastrophes entraînent toutes majoritairement des migrations de courte distance.
      Les différences se jouent au niveau de la durée. Lors de cyclones, les populations peuvent aller s’abriter dans des zones protégées durant quelques semaines avant de revenir à leur village. En revanche, la montée des mers est irréversible, et débouche nécessairement sur des déplacements définitifs. Les sécheresses constituent un cas intermédiaire, avec parfois des migrations définitives, le plus souvent des campagnes vers les villes, mais aussi des cas de migration temporaires ou de seulement certains membres d’un ménage.
      Pourquoi les déplacements se limitent-ils si souvent à de courtes distances ?
      E. P. : La principale explication est économique. Les populations les plus touchées par les événements climatiques extrêmes sont les plus dépendantes de l’environnement, donc souvent les plus pauvres. Elles n’ont tout simplement pas les moyens, a fortiori après une catastrophe, d’investir dans un déplacement à longue distance. D’où cette notion importante de trapped population, ou « population immobilisée » par les événements environnementaux. Les résultats des études mettent en avant ce résultat moins connu.
      On a ainsi le cas du Mali, où l’on trouve des populations qui avaient intégré la migration internationale d’un membre de la famille dans leur mode de vie. On compte sur cette personne pour contribuer aux revenus du ménage. Mais cette migration est devenue impossible lors de certains épisodes de sécheresse puisqu’on n’a plus les ressources pour que cette personne puisse partir.
      La migration n’est donc pas juste une fuite après la catastrophe, elle est aussi une manière de mieux faire face, et c’est un des résultats de la recherche.
      Ainsi, il existe des enjeux forts d’adaptation au changement climatique à l’échelle locale ?
      E. P. : Absolument. Ce n’est pas parce qu’on nuance l’image apocalyptique de réfugiés traversant de très longues distances pour se mettre à l’abri qu’il n’existe pas des enjeux locaux extrêmement importants d’assistance aux populations.
      L’un de ces enjeux est d’orienter les programmes d’aide au développement en fonction des enjeux climatiques. Il faut permettre aux populations touchées soit de rester sur place et d’être plus résilientes, soit de se déplacer dans des conditions qui peuvent leur permettre de continuer à générer des ressources vitales.
      Vous avez aussi rapporté les résultats d’études sur le lien entre changement climatique et prospérité mondiale…
      E. P. : Il existe des travaux qui portent sur les conséquences migratoires plus indirectes du changement climatique, via son impact négatif sur la prospérité mondiale. C’est une autre manière de poser le problème. Le message central que j’ai tiré de ces travaux est qu’il n’y a pas d’effet clair d’augmentation des migrations dans un contexte de ralentissement économique.
      En fonction des pays et des études, cela peut déboucher sur une augmentation ou sur une diminution. L’étude que j’ai retenue en la matière conclut plutôt à une augmentation globale, mais de l’ordre de 5 %, qui ne serait donc pas spectaculaire.
      Vous critiquez le fait que certaines personnalités aient instrumentalisé la crainte d’une vague de réfugiés climatiques. Pouvez-vous expliquer ce point de vue ?
      E. P. : Je faisais allusion à la période des années 2000, durant laquelle le discours sur la migration climatique est alors très sécuritaire au sein des think tanks états-uniens et européens. Ils considéraient que ces migrations allaient se dérouler sur de longues distances vers l’Occident et poser un risque de sécurité. En conséquence, ils réclamaient une politique encore plus restrictive afin de renforcer le contrôle de l’immigration.
      Je critique ce raisonnement, puisque les migrations liées au climat ne sont majoritairement pas des migrations de longue distance. Le changement climatique ne va pas entraîner de triplement ni de quadruplement de traversées de la Méditerranée.

    • En fait, @sombre, peut-être que la meilleure analyse, en quelques une pages et une visualisation, est celle du chapitre « #immobilité » de l’#Atlas des migrations environnementales, auquel @reka a aussi contribué :


      https://publications.iom.int/books/atlas-des-migrations-environnementales
      #vulnérabilité #piège

      Si tu as besoin de plus de références, fais-moi signe...

  • La #pauvreté en #Italie a atteint des niveaux sans précédent en dix ans

    Les #indices_de_pauvreté absolue en Italie ont atteint des niveaux jamais vus au cours de la dernière décennie, bien que le #PIB de l’Italie soit revenu aux niveaux d’avant la crise de 2007, a révélé l’Institut national italien de la statistique (ISTAT) dans son rapport annuel publié mercredi (15 mai).

    Selon le dernier #rapport annuel de l’ISTAT, le PIB de l’Italie est revenu aux niveaux d’avant la crise économique mondiale de 2007. Cependant, au cours des 15 dernières années, l’Italie a accumulé un écart de croissance de plus de 10 points avec l’Espagne, 14 avec la France et 17 avec l’Allemagne.

    Concernant la pauvreté, le rapport souligne une augmentation de la pauvreté absolue, qui touche 9,8 % de la population italienne — un chiffre qui est environ de 3 % supérieur à celui de 2014 — tout en notant que l’écart entre les familles les plus aisées et les moins aisées s’est creusé.

    La hausse de la pauvreté absolue a principalement touché la population en âge de travailler et leurs enfants, le pouvoir d’achat des salaires bruts ayant fortement diminué.

    « Malgré les améliorations observées sur le #marché_du_travail ces dernières années, l’Italie compte toujours une proportion très élevée de personnes ayant un emploi et se trouvant dans une situation de #vulnérabilité_économique. Entre 2013 et 2023, le #pouvoir_d’achat des salaires bruts en Italie a diminué de 4,5 %, alors que dans les autres grandes économies de l’Union européenne, il a augmenté à des taux allant de 1,1 % en France à 5,7 % en Allemagne », peut-on lire dans le rapport.

    Dans le même temps, la Commission européenne a révisé à la hausse la croissance du PIB de l’Italie pour 2024 à 0,9 %, dépassant ainsi l’Allemagne et la France, dans le cadre de ses prévisions économiques de printemps publiées mercredi.

    Mais le commissaire européen aux Affaires économiques, Paolo Gentiloni, a évoqué le très controversé système de #superbonus mis en place sous le second gouvernement Conte pour faire face au Covid.

    « Je tiens à rassurer tout le monde : nous ne sommes pas confrontés à un “risque grec”. Il s’agit d’une mesure qui a certainement eu des effets positifs, mais qui a échappé à tout contrôle et est devenue un élément dangereux, et le gouvernement a raison, à notre avis, de s’y attaquer », a-t-il déclaré mercredi.

    https://www.euractiv.fr/section/economie/news/la-pauvrete-en-italie-a-atteint-des-niveaux-sans-precedent-en-dix-ans
    #pauvreté_absolue #statistiques #chiffres

  • Migrants africains à Mayotte : l’Etat face à la pression des collectifs de citoyens
    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/04/30/migrants-africains-a-mayotte-l-etat-face-a-la-pression-des-collectifs-de-cit

    Migrants africains à Mayotte : l’Etat face à la pression des collectifs de citoyens
    Par Jérôme Talpin (Mamoudzou, Mayotte, envoyé spécial)
    « Ils ont tout jeté. Ils ont même pris l’eau, la nourriture et mes médicaments. C’est le cauchemar. » De retour d’une consultation à la Croix-Rouge, Régine K., 43 ans, réfugiée congolaise arrivée à Mayotte sur un kwassa-kwassa – des embarcations légères – en août 2022, découvre, dans un mélange de stupéfaction et de révolte, qu’il « n’y a plus rien » sur le bout de trottoir qu’elle occupait sur le boulevard situé en face du stade de Cavani, un quartier au sud de Mamoudzou, le chef-lieu du département. Ses valises souffreteuses, les deux nattes sur lesquelles elle dormait par terre, son petit braséro ont été embarqués dans un camion-benne. Même sort pour les quelque 500 migrants africains, principalement originaires de Somalie et de la région des Grands Lacs – République démocratique du Congo (RDC), Rwanda et Burundi notamment.
    Tôt, vendredi 26 avril, la préfecture de Mayotte a lancé avec les forces de l’ordre une opération pour les expulser. Ces demandeurs d’asile ou réfugiés se sont installés là après le démantèlement du camp improvisé dans l’enceinte sportive, le 22 mars. Sans eau, dans des conditions d’hygiène exécrables, entassant leur linge sur des grillages, dormant sur un matelas en mousse pour les plus chanceux. Un bidonville à ciel ouvert écrasé par le soleil.
    « La situation n’était plus tenable pour les habitants du quartier, les commerces et les restaurants, et pas humaine pour ces gens qui vivent à même le sol avec des enfants en bas âge, affirme le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla, qui a pris un arrêté d’interdiction d’occupation de la voie publique. Il y a aussi des maladies qui circulent comme le choléra et les problèmes de sécurité ». « Il fallait redonner ce quartier aux habitants de Cavani, a déclaré sur place le préfet François-Xavier Bieuville. Je n’ai pas d’état d’âme. » Fin décembre 2023, la multiplication des petites cabanes bricolées par les migrants, avec du bois de récupération et des bâches bleues, autour du stade avait cristallisé toutes les colères des collectifs de citoyens dénonçant le résultat de l’immigration clandestine incontrôlée. Le point de départ du blocus de l’île de fin janvier à début mars. Leur démantèlement n’aura fait que provisoirement baisser la tension à Mayotte.
    Alors que la ministre déléguée aux outre-mer, Marie Guévenoux, doit revenir dans l’île début mai, certains collectifs n’excluent pas de nouvelles actions. (...)
    En déplacement dans l’île les 20 et 21 avril, Marine Le Pen a fait de l’installation des migrants africains dans la rue le symbole du « chaos » qui « menace Mayotte d’un danger de mort », et de l’incapacité du gouvernement à « faire preuve d’autorité ». Dans les nuits du dimanche et lundi qui ont suivi – sans qu’un lien de cause à effet puisse être établi –, les abris de fortune de plusieurs migrants montés autour du bâtiment de l’association Solidarité Mayotte, qui a accompagné 2 896 demandeurs d’asile en 2023, ont été incendiés.
    Des bureaux de l’association, distante d’un kilomètre du stade, ont également été endommagés par les flammes. Un nouvel épisode de tensions générées par « les jeunes délinquants » habitant le quartier composé aussi de bidonvilles, se plaignent les réfugiés en parlant de caillassages, de vols de téléphone, mais surtout de l’accès au bassin Massimoni, à côté de l’association, où ils vont puiser de l’eau et se laver sous les invectives du type : « Africains, vous n’êtes pas chez vous ! » (...) Pour les migrants africains, l’opération des forces de l’ordre a été vécue comme une autre forme d’agression. Sans solution, beaucoup d’entre eux restent sur les trottoirs. « Je n’ai nulle part où aller », se désole Régine K., mère de six enfants. Tout comme ces jeunes Somaliens, regroupés pour « rester solidaires », qui racontent comment leur pays est en proie à la guerre civile, aux gangs et aux trafics criminels, à l’intégrisme.
    (...° Parlant du manque d’hygiène, les migrants de Cavani « se débrouillent », disent-ils pudiquement, dans une canalisation voisine. « Il y a beaucoup de gens malades, notamment les femmes, ajoute Abdoullahi. Cette vie est bien plus difficile pour elles. » « Le plus compliqué, c’est de ne pas avoir d’intimité, de ne pouvoir dormir totalement la nuit, protégeant le peu de nos affaires personnelles et vivre ainsi, dehors, dans le bruit », décrit, de son côté, une jeune Somalienne, arrivée seule à Mayotte, il y a près de trois mois, parce qu’à Mogadiscio « la violence est partout et a tué [son] père ».
    Avant d’avoir tenté de faire partir de la rue ces migrants, la préfecture a mené, mercredi 24 avril, une « opération de recensement ». « Pour savoir qui ils sont, observe le préfet de Mayotte. Nous allons procéder à des reconduites à la frontière, à des relogements pour les femmes et les enfants. Cela prendra du temps, il faut le reconnaître. » Face à une partie de l’opinion publique mahoraise exigeant des mesures fortes, l’Etat assure que des solutions ont été trouvées pour plus de 1 000 migrants installés dans le stade, dont 550 réfugiés acheminés dans l’Hexagone. De nouveaux départs ne sont toutefois pas envisagés. En raison de la polémique provoquée par l’installation de 300 migrants dans un « château des Yvelines » et le risque, selon M. Bieuville, de « créer les conditions d’un appel d’air ».Prônée par plusieurs associations, la construction d’un camp sécurisé est farouchement rejetée par les élus locaux pour les mêmes motifs.(...) »

    #Covid-19#migrant#migration#france#mayotte#afrique#migrationirreguliere#crise#politique#vulnerabilite#sante

  • En Europe, les femmes migrants arrivent « totalement traumatisées, dans un état d’épuisement aigu » - InfoMigrants
    https://www.infomigrants.net/fr/post/55688/en-europe-les-femmes-migrants-arrivent-totalement-traumatisees-dans-un

    En Europe, les femmes migrants arrivent « totalement traumatisées, dans un état d’épuisement aigu »
    Par Romain Philips Publié le : 08/03/2024
    Les femmes sont de plus en plus nombreuses à prendre la route de l’exil pour fuir les persécutions et subissent des violences sexistes et sexuelles durant leur parcours migratoire, ainsi que dans les pays dans lesquelles elles arrivent. De plus, elles sont invisibilisées et bénéficient d’une prise en charge jugée « insuffisante ». Entretien avec Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre des Droits des femmes et présidente de l’association France terre d’asile.
    À l’occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, ancienne ministre des Droits des femmes (mai 2012 – août 2014), désormais directrice France de l’ONG ONE et actuelle présidente de l’association France terre d’asile revient pour InfoMigrants sur le parcours et l’accueil des femmes exilées en France. Elle aborde également le projet Amal, qui a pour but « d’améliorer les conditions d’accueil et d’accompagnement des femmes migrantes en France et en Europe ».
    Najat Vallaud-Belkacem : Les femmes sont malheureusement plus vulnérables que les hommes. C’est particulièrement le cas dans les sociétés impactées par les dysfonctionnements qui poussent à prendre la route de l’exil comme les conflits, la pauvreté, le changement climatique, les persécutions, etc... Dans ces sociétés où tous les cadres volent en éclats, les femmes sont hyper vulnérabilisées parce qu’il n’y a plus de mécanisme de sécurité autour d’elles. Elles sont donc souvent la proie de violences et de violences de genre, sexuelles et autres.
    France : comment se passe la demande d’asile pour excision ?
    Mais il y a, en plus, d’autres réalités qui les concernent comme l’excision, la prostitution forcée ou encore la traite. Ensuite, sur le chemin de l’exil, elles subissent malheureusement de nouvelles violences et se retrouvent à la merci des passeurs et exploiteurs en tous genres, y compris des garde-frontières…. Ces femmes migrantes sont les plus vulnérables des vulnérables. Elles arrivent ainsi dans les pays d’accueil totalement traumatisées, dans un état d’épuisement et de maltraitance aiguë.
    IM : Plusieurs études et rapports montrent que les violences à l’encontre des femmes ne s’arrêtent pas à la route de l’exil et se poursuivent dans les pays d’accueil...
    NVB : Oui, il y a notamment une étude menée par le Dr Jeremy Khouani qui a démontré que les femmes demandeuses d’asile continuaient de subir des violences en France, à fortiori quand elles sont laissées à la rue. Et les chiffres sont absolument terribles : elles ont 18 fois plus de risques que les autres femmes d’être victimes de viols.
    C’est pour cela que chez France terre d’asile, cela nous parait essentiel de documenter, de connaître chaque dimension de cette vulnérabilité-là pour améliorer la protection de ces femmes et nos outils d’accueil, à commencer par leur mettre très vite un toit sur la tête.
    IM : En France, dispose-t-on de suffisamment d’infrastructures et d’une politique d’accueil efficace pour les femmes ?
    NVB : Aujourd’hui, les infrastructures ne sont pas suffisantes. Il n’y a pas assez d’accueil et nous plaidons donc pour que l’hébergement soit en nombre suffisant. Mais au-delà de ça, il y a beaucoup d’angles morts dans la politique d’accueil en France. C’est notamment le cas de l’accompagnement médical ou psychologique à destination de ces femmes. Il manque aussi des cours de français et des solutions pour la garde d’enfants. D’autant plus que la nouvelle loi Immigration impose un niveau de français avancé pour prétendre à certains titres de séjour.
    Ainsi, notre projet Amal a pour vocation de documenter cette vulnérabilité. Pour ensuite en déduire des politiques publiques d’accompagnement mais aussi organiser des formations à destination des intervenants sociaux. Tout cela dans le but que les questions d’égalité de genre et les violences faites aux femmes soient davantage prises en compte, et que l’accompagnement des femmes se fasse dans de bonnes conditions. Il y a aussi des cours de français ou encore la distribution de guide pratique et juridique pour que la question du genre intègre la politique d’accueil.
    IM : Les femmes représentent une part de plus en plus en plus importante parmi les flux migratoires, pourtant elles sont quasi-absentes des débats et de l’espace public. Comment expliquer ce phénomène ?
    NVB : Il faut rappeler ces chiffres qui passent pourtant inaperçus dans le débat public : plus de la moitié des personnes migrantes sont des femmes et concernant les demandeurs d’asile, un sur trois est une femme.Or, on a plutôt aujourd’hui une image d’une immigration exclusivement masculine parce que le débat public sur la demande d’asile et sur la migration de manière générale s’est, ces dernières décennies, tendu, refermé. Il est devenu hostile. Et donc, ceux qui nourrissent cet imaginaire d’hostilité de façon tout à fait stratégique agitent à longueur de journée, pour mieux les criminaliser, des images de bandes d’hommes menaçants. Ainsi, ils occultent cette réalité de la vulnérabilité que les femmes et enfants incarnent tout particulièrement. C’est ainsi qu’on les invisibilise.
    Quelles prises en charge pour les femmes victimes de violences durant leur parcours migratoire ? D’une certaine façon, si on regardait de plus près cette réalité des femmes, on accolerait plus facilement la notion de vulnérabilité à la notion de migration et de demande d’asile. Or, tout le débat qui s’est refermé parle de « grand remplacement » et de menaces. Cette vulnérabilité des femmes, on ne veut pas la voir en face et c’est une raison de plus pour laquelle souvent dans le débat public, on fait exprès de ne pas considérer les femmes, les enfants, et toutes ces personnes particulièrement vulnérables.Vous aurez d’ailleurs remarqué que dans tout le débat autour de la loi Immigration, pas un mot n’a été prononcé pour ces femmes. Et même quand le texte semble porteur d’avancées comme la régularisation par le travail pour les métiers en tension, le débat n’évoque que rarement ceux que les femmes occupent et qui font pourtant fonctionner des pans entiers de la société française.

    #Covid-19#migrant#migration#france#femme#vulnerabilite#sante#violence#parcoursmigratoire

  • Vulnérabilité numérique et harcèlement en ligne des universitaires : une publication
    https://academia.hypotheses.org/55322

    Relayant le travail de veille universitaire du compte Twitter de La Rasbaille, Academia signale la parution dans la revue Feminist Media Studies d’un article scientifique intitulé “Digital vulnerabilities and online harassment of academics, consequences, and coping strategies. An exploratory analysis“ … Continuer la lecture →

  • Les vulnérabilités de la condition d’élu
    https://laviedesidees.fr/Les-vulnerabilites-de-la-condition-d-elu

    La défiance à l’égard du personnel #Politique, devenu l’une des cibles de la vindicte populaire et la dégradation de leur rémunération et de leur considération sociale sont-elles le signe d’une dévalorisation générale du métier politique ?

    #élections #vulnérabilité
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202401_elus.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240207_elus.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240207_elus.docx

  • #Pénuries : des grains de sable dans la machine

    Depuis le 17 janvier, on trouve dans toutes les bonnes librairies le dernier #livre de notre contributeur #Renaud_Duterme. #Mondialisation, réseaux d’#approvisionnement, goulots d’étranglement… Voici, en quelques paragraphes, un aperçu du contenu de « Pénuries. Quand tout vient à manquer » (éd. Payot).

    Pénurie. Un mot que l’on croyait appartenir au passé. Mais que plusieurs événements (pandémie de Covid-19, blocage du canal de Suez, guerre en Ukraine) ont fait revenir sur le devant de l’actualité. Énergie, matières premières, denrées alimentaires, médicaments, matériaux de construction, pièces automobiles, puces électroniques, main d’œuvre, aucun secteur ne semble épargné par cette tendance préoccupante.

    Un approvisionnement sous tension

    La quasi-totalité des biens que nous achetons et utilisons nous parviennent via des #chaînes_d’approvisionnement aussi longues que complexes. Elles sont composées de multiples maillons, allant de l’extraction de matières premières (minerais, produits agricoles, énergie) et leur transformation, jusqu’à l’acheminement vers les rayons des supermarchés, en passant par la fabrication, l’entreposage et, bien sûr, le transport. Le tout fonctionnant en #flux_tendu (la logique de stock ayant laissé la place à un acheminement quotidien), principalement grâce au développement de la #conteneurisation et du #transport routier. Le maître mot de cette #logistique est la #fluidité. Le moindre grain de sable peut gripper toute la machine, a fortiori s’il n’est pas résorbé rapidement.

    Car mondialisation capitaliste oblige, les différentes étapes de ces chaînes d’approvisionnement ont été de plus en plus éloignées les unes des autres, augmentant les risques de #perturbations par #effet_domino. Conflits, catastrophes naturelles, aléas climatiques, grèves, attentats, cyber-attaques, épidémies, autant d’événements pouvant « gripper » un maillon de la chaîne (voire plusieurs) et par là provoquer des goulots d’étranglement remettant en question le fonctionnement même de l’#économie. Ces #goulots semblent se multiplier depuis quelques années et il est fort probable que cela ne soit qu’un début, tant de nombreuses ruptures se dessinent, causées par des limites géophysiques (épuisement des ressources), des dérèglements climatiques (sécheresses et inondations), la chute des rendements agricoles, des tensions socio-économiques (mouvements sociaux, grèves, manque de main d’œuvre, vieillissement de la population, montée des replis identitaires) ou encore géopolitiques (guerres et conflits divers).

    Rien que ces derniers mois, on peut évoquer l’assèchement du canal de Panama engendrant une réduction du nombre de navires pouvant l’emprunter quotidiennement ; les attaques des Houthis en mer Rouge contre des navires commerciaux, ce qui a contraint de nombreux armateurs à faire contourner l’Afrique à leurs navires ; ou encore les grèves et les blocages émanant du monde agricole qui, s’ils accentuaient, pourraient priver certains territoires d’approvisionnement divers. Rappelons que les cent premières villes de France ont seulement trois jours d’autonomie alimentaire, avec 98% de leur nourriture importée[1].

    Jusqu’ici, les tensions ont été en partie surmontées et n’ont pas débouché sur des ruptures majeures, matérialisées par des pénuries durables. Mais leur multiplication est un phénomène inquiétant et l’analyse objective des risques laisse supposer une aggravation et surtout une interconnexion entre des phénomènes a priori distincts les uns des autres. C’est d’autant plus vrai qu’un couac peut engendrer des perturbations bien plus longues que le problème en tant que tel, les retards s’accumulant à chaque étape, le redémarrage de la machine pouvant mettre plusieurs mois, voire années, pour retrouver la fluidité qui fait sa raison d’être.

    Ironie du sort, ces tensions impactent de nombreux éléments sans lesquels la logistique elle-même serait impossible. Les palettes, conserves, conteneurs, véhicules, emballages et cartons sont aussi fabriqués de façon industrielle et nécessitent des composants ou des matières souvent issus de pays lointains et dont le transport et les procédés de fabrication impliquent de grandes quantités d’énergie et de ressources (métaux, bois, eau, etc.).

    Idem pour la main d’œuvre nécessaire au bon fonctionnement des infrastructures qui nous entourent. La colère des agriculteurs est là pour nous rappeler que ces dernières dépendent in fine de travailleurs agricoles, de chauffeurs (deux professions qui ont bien du mal à trouver une relève auprès des jeunes générations), mais aussi d’employés de supermarché, d’exploitants forestiers, d’ouvriers du bâtiment, de magasiniers d’entrepôts logistiques, etc.

    Le ver était dans le fruit

    Ces #vulnérabilités sont loin d’être une fatalité et découlent d’une vision de la mondialisation au sein de laquelle les forces du marché jouissent d’une liberté quasi-totale, ce qui a engendré une multinationalisation des entreprises, la création de zones de libre-échange de plus en plus grandes et la mainmise de la finance sur les grands processus productifs. Des principes se sont peu à peu imposés tels que la spécialisation des territoires dans une ou quelques productions (particulièrement visible en ce qui concerne l’agriculture) ; la standardisation à outrance permettant des économies d’échelles ; la liberté des mouvements de capitaux, engendrant des phénomènes spéculatifs à l’origine de la volatilité des prix de nombreuses matières premières ; la mise en concurrence de l’ensemble des territoires et des travailleurs ; et bien sûr l’interdépendance mutuelle.

    Ces principes entrainent des conséquences dramatiques chez un nombre croissant de personnes, entraînant une perte de légitimité du système en place, ce qui risque également d’alimenter des tensions sociales et géopolitiques déjà existantes, perturbant un peu plus ces chaînes logistiques. À titre d’exemple, les politiques de fermeture des frontières prônées par de plus en plus de gouvernements national-populistes priveraient les pays qui les appliquent de milliers de travailleurs, conduisant à des pénuries de main d’œuvre dans de nombreux secteurs.

    Démondialiser les risques

    En outre, avoir un regard global sur nos systèmes d’approvisionnement permet de (re)mettre certaines réalités au cœur des analyses. Il en est ainsi de cycles de production concernant les différents objets qui nous entourent. De l’origine des composants nécessaires à leur fabrication. Des impacts écologiques et sociaux présents à toutes les étapes de ces cycles. Des limites du recyclage. De la fable que constitue le découplage[2], cette idée selon laquelle il serait possible de croître économiquement tout en baissant les impacts environnementaux. Des limites physiques et sociales auxquelles va se heurter la poursuite de notre consommation.

    Pour ce faire, il importe de populariser de nombreux concepts tels que l’#empreinte_matière (qui tente de calculer l’ensemble des ressources nécessaires à la fabrication d’un bien), l’#énergie_grise et l’#eau_virtuelle (respectivement l’énergie et l’eau entrant dans les cycles d’extraction et de fabrication d’un produit), le #métabolisme (qui envisage toute activité humaine à travers le prisme d’un organisme nécessitant des ressources et rejetant des déchets), la #dette_écologique (qui inclut le pillage des autres pays dans notre développement économique) ou encore l’#extractivisme (qui conçoit l’exploitation de la nature d’une façon comptable).

    Et par là aller vers plus d’#autonomie_territoriale, en particulier dans les domaines les plus élémentaires tels que l’#agriculture, l’#énergie ou la #santé (rappelons qu’environ 80% des principes actifs indispensables à la plupart des médicaments sont produits en Chine et en Inde)[3].

    Dans le cas contraire, l’#anthropocène, avec ses promesses d’abondance, porte en lui les futures pénuries. Le monde ne vaut-il pas mieux qu’un horizon à la Mad Max ?

    https://blogs.mediapart.fr/geographies-en-mouvement/blog/300124/penuries-des-grains-de-sable-dans-la-machine

    #pénurie #mondialisation #globalisation

    • Pénuries. Quand tout vient à manquer

      Comment s’adapter aux ruptures qui nous attendent dans un monde en contraction

      Saviez-vous que la plupart des villes ne survivraient que deux à trois jours sans apport extérieur de nourriture ? Qu’un smartphone nécessite des métaux rares issus des quatre coins du monde ? Et que 80% des principes actifs nécessaires à la fabrication de nos médicaments sont produits en Chine et en Inde ? La quasi-totalité des biens que nous achetons parviennent jusqu’à nous via des chaînes d’approvisionnement aussi complexes que lointaines, de l’extraction et la transformation de matières premières (minerais, produits agricoles, énergie) à l’acheminement de produits finis vers nos supermarchés. Ce qui, mondialisation capitaliste oblige, augmente les risques de vulnérabilité de ces chaînes par effet domino.
      Nous expérimentons déjà ces pénuries que nous vivons mal, habitués à une société de flux ininterrompu. Or elles vont s’aggraver du fait de l’épuisement des ressources, des dérèglements climatiques, des tensions socio-économiques et géopolitiques. Demain, nous allons manquer de riz, de cuivre, de pétrole... Il est donc urgent de nous y préparer et d’envisager un autre système économique afin de rendre nos villes et nos vies plus autonomes et résilientes.

      https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/p%C3%A9nuries-9782228934930