• #Mayotte : #histoire_coloniale, fractures sociales et désastre environnemental

    Mayotte, petite île de l’océan Indien, symbolise à elle seule la collision brutale entre histoire coloniale, fractures sociales et désastres environnementaux. Département français depuis 2011, elle est un territoire en #crise, où la #misère humaine et les #catastrophes_naturelles s’entrelacent dans une spirale infernale. Les événements récents – #séismes, #tornades, #montée_des_eaux – ne sont que la face visible d’un #effondrement plus global. Ils révèlent une #vulnérabilité accumulée sur des décennies, amplifiée par des promesses non tenues, des #inégalités criantes et une gestion déconnectée des réalités locales.

    En 1974, Mayotte se sépare des Comores à l’issue d’un référendum où les Mahorais choisissent de rester français. Ce choix, né du désir d’échapper à l’instabilité politique des Comores indépendantes, place l’île dans une situation paradoxale : elle devient un territoire français entouré de voisins économiquement fragiles. Cette appartenance à la République française, vue comme une chance à l’époque, isole Mayotte de son propre environnement géographique et culturel. Rapidement, cette singularité engendre des tensions avec les autres îles de l’archipel, notamment l’île comorienne d’#Anjouan, d’où proviennent chaque année des milliers de migrants.

    L’intégration comme département, survenue en 2011, devait marquer une nouvelle ère pour Mayotte. Les Mahorais espéraient voir leur île se développer et accéder à des droits égaux à ceux des métropolitains c’est-à-dire que s’y applique pleinement les lois françaises et européennes, à la différence d’une collectivité territoriale. Mais cette #départementalisation s’est révélée un leurre. La croissance fulgurante de la population, (76 000 habitants en 1991, 300 000 habitants en 2023), dépasse largement la capacité des #infrastructures et des #services_publics à répondre aux exigences, tout en exacerbant l’obsolescence des équipements, faute d’entretien.

    Effondrement des services publics

    L’#éducation, en particulier, est le symbole de cet #échec. Avec des classes surchargées, des enseignants en sous-effectifs et des écoles délabrées, le #système_scolaire est incapable de répondre aux besoins d’une jeunesse nombreuse et en quête d’avenir. Cet effondrement du #système_éducatif alimente un sentiment d’#abandon et de #mépris parmi les Mahorais. Ils constatent chaque jour que la promesse d’#égalité_républicaine reste une illusion.

    Les infrastructures sanitaires et sociales sont tout aussi défaillantes. Les femmes comoriennes qui bravent les flots pour accoucher à Mayotte afin que leurs enfants acquièrent la nationalité française, contribuent à une #pression_démographique croissante. Mais ces enfants, bien que nés sur le sol français, grandissent souvent dans des conditions indignes. Ils alimentent les #bidonvilles, des espaces d’#exclusion où se forment des #bandes_de_jeunes livrés à eux-mêmes, vecteurs de #violences et d’#émeutes récurrentes. À leur majorité, en vertu du #droit_du_sol, ces enfants peuvent acquérir la #nationalité_française.

    La #colère gronde dans une population qui se sent méprisée, prise en étau entre un État central distant et des besoins locaux criants. Mais ce mépris ne se limite pas aux politiques sociales : il se manifeste aussi dans la gestion de l’#environnement. Mayotte est une île en pleine #dégradation_écologique, où les bidonvilles, sans réseaux d’#assainissement, rejettent leurs #déchets dans une #mer polluée, comme j’ai pu l’étudier dans le cadre d’une mission pour l’association Littocean. La destruction des #mangroves (due à un #développement_urbain incontrôlé et au #changement_climatique) et en conséquence des #récifs_coralliens, essentiels pour limiter l’#érosion et les submersions marines, témoigne de l’incapacité à relier environnement et développement.

    Une gestion écologique devenue symbole technocratique

    À cela s’ajoute un paradoxe criant : tandis que les populations locales luttent pour survivre, des moyens considérables sont mobilisés pour protéger l’écosystème marin par le biais du #parc_naturel de Mayotte. Ce parc, destiné à préserver la #biodiversité exceptionnelle des récifs coralliens, devient un symbole d’une gestion technocratique déconnectée des réalités humaines. Les Mahorais, exclus de ce projet, perçoivent cette #conservation comme une nouvelle forme de #colonialisme : une « #colonisation_bleue » où la priorité est donnée à la #nature, administrée par l’État français, au détriment des habitants. Ce fossé entre la préservation de l’environnement et les besoins des communautés accentue le #sentiment_d’abandon et l’idée que Mayotte n’est qu’un territoire périphérique, instrumentalisé pour des objectifs extérieurs et géopolitiques, traité comme une colonie et non comme un territoire français à part entière.

    Dans ce contexte, le changement climatique agit comme un catalyseur. Il intensifie les phénomènes naturels extrêmes, tels que les cyclones ou les #sécheresses, et exacerbe les inégalités. L’élévation du niveau de la mer menace directement les habitations précaires situées sur les littoraux, tandis que les ressources en #eau, déjà insuffisantes, s’amenuisent. Les catastrophes naturelles se multiplient, mais elles ne sont pas de simples fatalités : elles frappent un territoire déjà fragilisé, où chaque événement climatique devient un désastre humain par manque de préparation.

    Un avenir impensable et tragique

    Face à cette accumulation de crises, c’est le rapport au temps qui interroge. À Mayotte, l’idée même d’un avenir semble inatteignable. Les Mahorais vivent dans un présent sans repères, où les mêmes drames – émeutes, violences, destructions – se répètent sans fin. François Hartog, dans sa réflexion sur le #présentisme, décrit cet état où le passé perd sa valeur, où le futur est inconcevable, et où seul le présent s’impose, figé dans l’#urgence et l’incapacité d’anticiper.

    Mayotte incarne cette #temporalité_brisée. L’île n’a pas de nostalgie d’un âge d’or, car son histoire est marquée par des fractures successives : colonisation, séparation des Comores, départementalisation ratée. Elle n’a pas non plus de projet d’avenir, car les conditions de vie, les inégalités et les crises structurelles la maintiennent dans un état d’urgence permanent. Ce présentisme exacerbé renforce le sentiment d’#impuissance, rendant impossible toute perspective de reconstruction ou de progrès.

    La situation actuelle de Mayotte peut être qualifiée d’#hypercriticité : un état où les #tensions_sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément, même mineur, peut précipiter un #effondrement_global.

    Ce terme désigne non seulement l’accumulation des #vulnérabilités, mais aussi l’incapacité à s’en extraire. L’hypercriticité, c’est l’impossibilité de penser au-delà de l’urgence, l’incapacité de construire des ponts entre les crises pour trouver des solutions globales. À Mayotte, cet état est visible dans chaque aspect de la vie : dans l’école qui échoue à offrir un avenir, dans les bidonvilles qui s’étendent, dans la mer qui rejette les déchets de l’île et engloutit peu à peu ses côtes, dans l’#accès_à_l’eau et à un environnement sain, dans la pression démographique et ses conséquences écologiques.

    Cette crise révèle une conjonction inédite entre deux histoires : celle, humaine, de la #globalisation, avec ses migrations, ses inégalités et ses #fractures_coloniales ; et celle, planétaire, d’une Terre abîmée par la dégradation accélérée des écosystèmes. Comme l’explique Dipesh Chakrabarty dans "Une planète, plusieurs mondes" (https://www.cnrseditions.fr/catalogue/histoire/une-planete-plusieurs-mondes), ce croisement marque une #rupture : à Mayotte, cette rencontre s’incarne dans une « planète des pauvres », où les damnés de la Terre subissent de plein fouet l’amplification de ces dynamiques destructrices. Ici, les vulnérabilités humaines et écologiques se confondent dans un cycle sans précédent, soulignant la nouveauté tragique de cette crise.

    Toutefois, l’hypercriticité peut aussi être un point de départ. Elle force à regarder en face l’ampleur des problèmes et à repenser radicalement les relations entre les hommes, leur territoire et leur futur. Si Mayotte continue sur cette voie, elle risque de devenir un archétype de l’#effondrement_insulaire, un avertissement pour d’autres territoires. Mais si elle parvient à dépasser ce présentisme, à prendre en compte l’histoire passée, à s’attaquer aux urgences présentes tout en imaginant un avenir collectif mettant en avant la #double_identité mahoraise française et comorienne pour en faire un exemple d’#hybridité_culturelle réussie, elle pourrait, paradoxalement, transformer sa fragilité en force, en inventant un modèle résilient face aux défis du XXIe siècle. Le temps, à Mayotte, n’a pas encore retrouvé son cours, mais il n’est pas trop tard pour le remettre en mouvement.

    https://theconversation.com/mayotte-histoire-coloniale-fractures-sociales-et-desastre-environne
    #Comores #colonialisme #environnement

  • Rapport 2024 de l’Observatoire des #expulsions de lieux de vie informels : la santé évincée !

    L’Observatoire des expulsions de lieux de vie informels, dont le CNDH Romeurope fait partie, publie son 6ème rapport annuel. Au total, 1 484 expulsions ont été recensées sur tout le territoire français, du 1er novembre 2023 au 31 octobre 2024 : une augmentation de 34 % par rapport à l‘année précédente.

    DES EXPULSIONS RÉALISÉES AU MÉPRIS DES #DROITS DES PERSONNES

    Cette année encore, ces expulsions se sont déroulées au mépris des droits des personnes. 94 % des expulsions ont été mises en œuvre sans qu’un diagnostic préalable des #vulnérabilités des habitant·es n’ait été réalisé, allant à l’encontre de l’instruction du 25 janvier 2018 encadrant la résorption des #habitats_informels. Autre marque de non-respect de cette instruction, 88 % des expulsions ne sont pas accompagnées de propositions d’#hébergement pour les personnes, qui sont contraintes de retourner à l’#errance.

    Ces expulsions sont également marquées par des #violences envers les personnes. Ainsi, 87 % des expulsions ont été accompagnées d’une #destruction ou d’une #confiscation_des_biens des habitant·es.

    LES IMPACTS DES EXPULSIONS SUR LA SANTÉ DES PERSONNES

    Ce 6ème rapport de l’Observatoire s’est penché sur les effets des expulsions sur les #inégalités_environnementales de santé. Plusieurs professionnel·les de santé et associations témoignent de multiples conséquences directes des expulsions qui mettent en danger la santé des personnes : perte des documents médicaux, rendez-vous médicaux manqués, éloignement des lieux de soins, liens rompus avec les soignant·es, dégradation de l’état de santé, etc.

    Par ailleurs, l’Observatoire constate qu’afin de limiter les risques d’expulsions, les personnes sont contraintes de s’invisibiliser en s’installant dans des environnements souvent nocifs pour leur santé : proximité de déchetteries et de sites industriels, bordures de routes, sols pollués, zones exposées aux intempéries, etc…

    Pour mettre en avant des bonnes ou mauvaises pratiques d’(in)action publique face aux injustices environnementales, trois exemples sont analysés dans le rapport :

    - Le #saturnisme sur la #Butte_de_Montarcy – Comment la #santé_environnementale peut être un levier pour la #mise_à_l’abri
    - L’expulsions de “#Gens_du_Voyage sédentaires” à #Nemours – Un cas emblématique de violations des droits et de surexposition aux #nuisances_environnementales
    - L’#éloignement progressif des personnes exilées vers une zone industrielle loin des services de #soins à #Grande-Synthe et #Dunkerque

    https://www.romeurope.org/rapport-annuel-de-lobservatoire-des-expulsions-2024
    #rapport #France #accès_aux_soins #Roms #statistiques #chiffres #2023 #violence
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  • « Il est de notre responsabilité de résister aux pressions des lobbys » : plus de 240 scientifiques de l’Inrae signent une tribune après les critiques de certains agriculteurs
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/12/16/agriculture-il-est-de-notre-responsabilite-en-tant-que-scientifiques-de-resi

    Après qu’un groupe d’agriculteurs, liés à la FNSEA, a muré, le 28 novembre, l’entrée de l’Inrae, à Paris, un collectif de plus de 240 chercheurs souligne, dans une tribune au « Monde », que des transitions radicales sont nécessaires et que la recherche doit rester indépendante pour faire face aux enjeux monumentaux du XXIᵉ siècle.Publié aujourd’hui à 06h00, modifié à 11h37

    Un groupe d’agriculteurs et d’agricultrices lié à l’alliance syndicale majoritaire Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)-Jeunes Agriculteurs a muré l’entrée de l’Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), le 28 novembre. La raison invoquée : le « mur de contraintes » élevé face aux agriculteurs, métaphore des régulations environnementales. Les manifestants prennent ainsi pour cible un établissement de recherche public, au titre que ses recommandations auraient conduit à des décisions de politiques environnementales contraires à leurs intérêts.

    Plus globalement, ces manifestations témoignent d’une forme de ras-le-bol d’une fraction des agriculteurs et d’une partie de leurs syndicats, pour ce qu’elles considèrent être de l’« agribashing ». Face à ces tumultes, la direction de l’établissement met en avant une recherche menée « au service du bien commun et de l’ensemble des citoyens, pour concevoir des systèmes agricoles et alimentaires sains et durables ». La ministre de l’agriculture a, quant à elle, prudemment évité de soutenir la recherche agronomique.

    Devant ces tensions et ces tentatives d’intimidation à notre encontre, nous, membres d’unités de recherche Inrae, témoignons de notre volonté de mener une recherche exigeante, utile, indépendante et de qualité, pour aider à faire face aux enjeux monumentaux du XXIe siècle. Cela nous place-t-il en opposition aux agriculteurs ? Nous estimons que non.

    Pistes de résilience
    Sécheresses, inondations, tempêtes, espèces invasives, épizooties, crises sanitaires, chocs économiques et géopolitiques, les secteurs agricole et alimentaire sont au premier rang des risques aigus encourus par nos sociétés. Les agriculteurs sont les premières victimes du changement climatique et de la dégradation des écosystèmes. Comprendre les causes des #vulnérabilités et établir des pistes de #résilience est ainsi nécessaire et fait partie des attributions des scientifiques de notre établissement. En ce sens, la #science est au service de l’#agriculture.

    Cependant, il ne faut pas se voiler la face : il est indispensable de comprendre que les secteurs agricole et alimentaire sont fortement contributeurs d’émissions de gaz à effet de serre (#engrais azotés, #émissions de méthane) et ont des responsabilités dans la dégradation des #écosystèmes, de la santé publique et des ressources en eau (pesticides). Il serait également trompeur de laisser penser que les agriculteurs sont seuls responsables de ces impacts. Ils sont partie intégrante, souvent même prisonniers, d’un système agroalimentaire majoritaire ; les modes de production et de transformation, le commerce international, les pressions de la grande distribution et les habitudes de consommation contraignent leurs choix et représentent un frein au changement.

    Des transitions radicales et structurelles sont donc nécessaires, qui impliquent des choix forts : sortie des énergies fossiles, baisse drastique des usages de pesticides et d’intrants azotés, sobriété des modes de consommation, baisse de la consommation de protéines animales… Ces choix induisent des coûts et des risques pour un certain nombre d’acteurs des secteurs agricole et alimentaire, à mettre en regard des opportunités de développement de systèmes sains et durables.

    Risques multiples
    Le but de la recherche est d’améliorer l’état des connaissances, sans contraintes ni pressions des pouvoirs politiques, religieux ou économiques. La recherche finalisée a pour mission d’identifier les impacts négatifs des politiques menées et des stratégies d’acteurs, et de proposer les innovations sociales, organisationnelles et techniques pour accompagner les transformations et en limiter les impacts. Ce sont ensuite aux pouvoirs publics, à la lumière des résultats de la recherche et des demandes de la société, de prendre leurs responsabilités et d’accompagner les trajectoires de transition, en particulier pour les acteurs les plus vulnérables.

    Au total, les secteurs agricole et alimentaire font face à des contraintes et des risques multiples. Des mutations importantes vont s’opérer, et le rôle de la science est d’éclairer les décideurs et la société sur ces changements et leurs impacts.

    Malheureusement, le #climat politique et médiatique actuel favorise une approche relative (voire alternative) de la vérité, qui mène à la suspicion vis-à-vis des résultats de la recherche, des atteintes à la liberté académique, et une polarisation des opinions. L’influence des #lobbys, aux intérêts contradictoires, qui cherchent à mettre en cause et à relativiser le discours scientifique, voire à l’intimider, est aussi à prendre en compte.

    Dans ce contexte, il est de notre responsabilité, en tant que #scientifiques travaillant pour toutes les composantes de la société, de résister à ces pressions et de maintenir l’objectif d’une recherche exigeante et indépendante.

    Premiers signataires : Philippe Delacote, directeur de recherche (BETA et chaire Economie du climat, Nancy) ; Tamara Ben Ari, chargée de recherche (UMR Innovation, Montpellier) ; Antoine Leblois, chargé de recherche (CEEM et chaire Economie du climat, Montpellier) ; Léa Tardieu, chargée de recherche (Tetis, Montpellier) ; Raja Chakir, directrice de recherche (PSAE et chaire Economie du climat, Paris-Saclay) ; François Bareille, chargé de recherche (PSAE, Paris-Saclay) ; Julie Subervie, directrice de recherche (CEEM, Montpellier) ; Eleonora Elguezabal, chargée de recherche (Irisso, Paris). ❞

    • Crise agricole : « Ne plus concevoir nos modèles comme un choix binaire entre #écologie et #économie »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/21/crise-agricole-ne-plus-concevoir-nos-modeles-comme-un-choix-binaire-entre-ec

      Crise agricole : « Ne plus concevoir nos modèles comme un choix binaire entre écologie et économie »
      TRIBUNE
      Pascal Demurger
      Directeur général de MAIF

      Julia Faure
      Cofondatrice de Loom

      Pascal Demurger et Julia Faure, coprésidents du Mouvement Impact France, une association d’entrepreneurs qui mettent l’écologie et le social au cœur de leur entreprise, défendent, dans une tribune au « Monde », une sortie par le haut de la crise agricole qui assure la transition écologique, la protection des agriculteurs et une juste rémunération.Publié le 21 février 2024 à 06h00

      L’écologie est-elle condamnée à s’effacer face au mur de la réalité économique et sociale ? Voilà l’inquiétude qui se répand après les annonces du gouvernement visant à mettre fin à la révolte agricole. Alors qu’il a été décidé d’une « pause » dans l’effort de réduction des pesticides, de gestion raisonnée des terres, de l’eau et de décarbonation de la filière, chacun se demande si nous sommes à l’aube d’un gigantesque effet de dominos. Car la difficulté principale exprimée par les agriculteurs – l’incapacité à vendre leurs produits au prix juste, celui qui intègre un salaire digne et une production écologiquement responsable – percute l’ensemble des secteurs manufacturiers exposés à la concurrence mondiale.

      Lire aussi le portrait(2023) | Article réservé à nos abonnés Pascal Demurger, l’assureur militant qui bouscule le patronat

      Dans le textile, l’ameublement, l’industrie automobile, les cosmétiques ou encore la métallurgie, l’intensité des crises est différente, mais les défis sont similaires : comment produire sobrement, avec des emplois locaux et des modèles sociaux protecteurs quand le marché est inondé de produits low cost polluants et socialement moins-disants ?

      Si une part des consommateurs peut valoriser la qualité écologique et sociale dans ses achats, force est de constater que la tyrannie du bas prix gagne chaque jour du terrain avec son lot de destructions : pendant que sept vêtements sur dix vendus dans notre pays sont de l’entrée de gamme, les enseignes françaises d’habillement licencient ou ferment les unes après les autres, entraînant chômage en France et exploitation sociale à l’étranger. Sans réaction, le « made in France » disparaîtra pendant que les coûts sociaux et écologiques augmenteront pour tous.

      Effort de transition demandé à tous
      Dirigeantes et dirigeants d’entreprises engagées, nous avons la conviction que notre époque n’a aucune raison de s’écrire sur ce mode tragique. Pour l’agriculture comme pour l’ensemble de l’économie, à condition de concevoir les règles qui permettront une concurrence loyale, nous ne sommes pas condamnés à sacrifier le long terme au court terme, la fin du monde à la fin du mois. Cela suppose de ne plus concevoir nos modèles comme un choix binaire entre écologie et économie, responsabilité et pouvoir d’achat, mais comme un équilibre entre un triptyque transition-protection-rémunération pour atteindre le juste prix des choses.

      La transition doit respecter des objectifs de décarbonation et de régénération de la biodiversité ambitieux et négociés, suffisamment proches sans être brutaux. C’est ce qui correspond à l’interdiction de vente de véhicules thermiques en 2035 en Europe ou ce qui correspondait à l’objectif de réduction de 50 % de l’utilisation de pesticides dans le plan Ecophyto, aujourd’hui mis en pause. Ces objectifs sont indispensables pour ralentir le dérèglement climatique, l’effondrement du vivant mais aussi un air, une alimentation, un environnement préservés et sains pour tous.

      La protection passe, elle, par la mise en place d’une compétitivité mondiale équitable qui impose à nos partenaires commerciaux les mêmes efforts de transition qu’à nos producteurs locaux. Cela correspond au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et aux clauses miroirs dans nos accords commerciaux. C’est aussi ce qui explique l’opposition française à l’accord de libre-échange Mercosur, qu’elle juge inéquitable. L’objectif de compétitivité équitable n’a rien d’illusoire et constitue même la clé d’une acceptation de l’effort de transition demandé à tous.

      La rémunération enfin, c’est la garantie d’un juste partage de la valeur au sein des entreprises et de la fixation d’un prix juste dans l’ensemble des chaînes de valeur, entre donneurs d’ordre et prestataires, entre distributeurs et industriels, entre producteurs et consommateurs. C’était la logique de la loi EGalim pour le secteur agroalimentaire, malheureusement largement contournée faute de contrôles suffisants. Cette question du partage de la valeur et du prix permettra aux plus exposés de vivre dignement de leur travail et de trouver le coût de la transition supportable.

      Penser à un nouvel équilibre
      Aujourd’hui, alors que le secteur agricole connaît un recul écologique majeur en France et que le Pacte vert européen fait l’objet d’attaques redoublées dans la perspective des élections européennes de juin, nous appelons à un sursaut. Non pas en passant en force, mais en pensant un nouvel équilibre. Nous appelons à ne renoncer à aucun objectif de transition, notamment en maintenant l’ambition du Pacte vert européen et de la planification écologique française.

      Nous appelons à permettre une protection juste des entreprises européennes qui s’engagent dans la transition, notamment en élargissant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à de nouveaux secteurs. Nous appelons à favoriser l’émergence de prix justes, notamment en donnant une dimension européenne et multisectorielle de la philosophie de la loi EGalim pour permettre une rémunération digne des acteurs et éviter les phénomènes de contournements. Nous appelons à imaginer le Pacte social qui sauvera le Pacte vert.

      Pascal Demurger, directeur général de la MAIF, coprésident du Mouvement Impact France ; Julia Faure, cofondatrice de Loom, coprésidente du Mouvement Impact France. Cette association, fondée en 2020, rassemble plus de quinze mille entrepreneurs français qui mettent l’impact écologique et social au cœur de leur entreprise.

      Pascal Demurger (Directeur général de MAIF) et Julia Faure (Cofondatrice de Loom)

    • « Face au #changement_climatique, l’agriculture biologique doit être soutenue »
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/01/20/face-au-changement-climatique-l-agriculture-biologique-doit-etre-soutenue_61

      « Face au changement climatique, l’agriculture biologique doit être soutenue »
      TRIBUNE
      Collectif

      Un collectif rassemblant des chercheurs, des élus et des agriculteurs déplore, dans une tribune au « Monde », que le gouvernement ait mis fin aux aides au maintien de l’agriculture biologique. Dans un contexte d’urgence climatique, le mode de production le plus performant sur le plan environnemental doit être soutenu.Publié le 20 janvier 2023 à 16h00, modifié le 20 janvier 2023 à 16h53

      Fin août, le gouvernement a fait le choix, par le biais de son plan stratégique national, qui décline la politique agricole commune européenne, de mettre un terme aux aides au maintien à l’agriculture biologique. Cette aide a été remplacée par un « écorégime » hétéroclite dans lequel le montant alloué à la bio est beaucoup plus faible qu’auparavant et à peine plus élevé que celui apporté à l’agriculture autodéclarée « haute valeur environnementale », dont le cahier des charges n’apporte pas de garanties. Des aides publiques proches malgré des attentes radicalement différentes : le signal est mauvais.

      Le travail des agriculteurs en bio est plus complexe qu’en conventionnel, car pour ne pas utiliser de produits chimiques il s’agit de travailler avec la nature. L’aide au maintien permettait de reconnaître l’exigence technique de l’agriculture biologique et ses services environnementaux, démontrés par de nombreux travaux scientifiques : elle contribue à préserver la biodiversité, à protéger la qualité de l’eau, des sols et de l’air, et réagit mieux face au changement climatique. La bio est un modèle d’agroécologie, que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) préconise de massifier rapidement.

      Cette agriculture n’emploie ni nitrates de synthèse (dont la production est gourmande en gaz, et dont l’épandage dégage du protoxyde d’azote, gaz à effet de serre puissant et rémanent) ni pesticides chimiques (dont la production est également énergivore). Les récentes expertises collectives de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur les impacts des pesticides sur la santé, et de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) sur leurs impacts sur la biodiversité, renforcent l’intérêt vital pour la société d’une agriculture se passant de pesticides chimiques. De nombreux captages d’eau pollués par les nitrates et pesticides nécessitent de coûteux traitements payés par les consommateurs ou ne distribuent une eau ne respectant les normes que moyennant dérogation. Chaque année, d’autres sont fermés du fait de pollutions diffuses agricoles.

      Modes de production sobres en énergie
      Dès 2010, la Cour des comptes notait que « les résultats décevants constatés sur les nitrates et les produits phytosanitaires trouvent en grande partie leur origine dans une insuffisante volonté de l’Etat de remettre en cause des pratiques agricoles durablement marquées par l’encouragement au productivisme et le choix d’une agriculture intensive ». Alors que des sécheresses comme celle de 2022 vont se reproduire, il est urgent de protéger les ressources destinées à l’eau potable. Le vivant s’effondre, et la COP15 biodiversité a également ciblé les pesticides comme cause. Il est crucial d’opter à long terme pour des modes de production sobres en énergie – et préférable d’augmenter les surfaces en bio plutôt que les procès entre riverains et agriculteurs épandeurs de pesticides.

      Enfin, des prospectives nationales et européennes montrent que généraliser l’agriculture biologique est possible et souhaitable du point de vue de la souveraineté alimentaire, contrairement à ce que certains prétendent.

      Pourtant, les filières bio connaissent, pour la première fois depuis quinze ans, une baisse des ventes qui s’explique par les fins de mois difficiles des consommateurs, mais aussi par la concurrence déloyale de plusieurs labels prétendument environnementaux et souvent moins chers comme HVE, Zéro résidu de pesticides, Agriculture raisonnée… Des producteurs et coopératives bio se trouvent en difficulté, après de lourds investissements réalisés pour accompagner la croissance.

      Cette situation, actuellement gérée sans soutien public, entraîne un ralentissement de la dynamique de développement qui risque de se renforcer, alors que la France s’est fixé une trajectoire d’augmentation de sa surface en bio (25 % de la surface en 2030, pour 10 % aujourd’hui) et d’augmentation des produits bio dans la restauration collective (20 % en 2022, pour 6 % probables actuellement). Bizarrement, les projets alimentaires territoriaux (PAT) issus de la loi d’avenir pour l’agriculture, supposés « relocaliser l’agriculture et l’alimentation dans les territoires en soutenant l’installation d’agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux dans les cantines », négligent la protection de leur ressource en eau et oublient souvent d’associer les producteurs bio locaux.

      Application du principe pollueur-payeur
      La Cour des comptes a clairement expliqué, dans son rapport de juin 2022, pourquoi soutenir l’agriculture biologique, et comment : en éclairant les citoyens sur l’impact environnemental et sanitaire de l’agriculture biologique (donc cesser de colporter des informations fausses, par exemple que cette forme d’agriculture ne serait pas contrôlée ou qu’elle n’aurait pas d’impact positif sur la santé) et en réorientant les soutiens publics agricoles au profit de la filière bio. Il s’agit donc de rétablir l’aide au maintien, d’inclure systématiquement l’agriculture biologique dans les projets alimentaires territoriaux et d’augmenter massivement la part de bio dans la restauration collective, afin d’atteindre les objectifs fixés par les politiques publiques.

      Et, quand près de 500 millions d’euros publics ont promptement été consentis en 2022 sans contrepartie aux élevages les plus consommateurs d’aliments importés pour les aider à surmonter la crise, l’argument de la contrainte budgétaire ne convainc pas…

      L’application du principe pollueur-payeur permettrait de réorienter les subsides publics vers le soutien des pratiques vertueuses de l’agriculture biologique. Il est paradoxal que le mode de production le plus performant sur le plan environnemental ne soit pas en croissance forte dans le contexte actuel des multiples urgences écologiques ; cette situation témoigne de politiques publiques inadaptées qui en arrivent à pénaliser et à entraver les systèmes les plus souhaitables.

      Le problème est grave, les enjeux sont vitaux pour les territoires, les citoyens, les générations futures et l’ensemble du vivant ; il est urgent de réagir !

      Premiers signataires : Wolfgang Cramer, directeur de recherche CNRS, Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale ; Sara Fernandez, géographe à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement ; Josette Garnier, directrice de recherche CNRS ; Harold Levrel, professeur d’économie AgroParisTech ; Xavier Poux, agronome, chercheur associé à l’Institut du développement durable et des relations internationales ; Marc-André Sélosse, professeur du Muséum national d’histoire naturelle.

  • https://aoc.media/analyse/2024/11/14/penser-les-classes-sociales-apres-les-gilets-jaunes

    Qui étaient les Gilets jaunes ? Six ans plus tard, quelle analyse peut-on faire de cette mobilisation inédite en termes de groupes sociaux et de classes sociales ? Une approche à partir de leurs vulnérabilités, qu’elles soient inscrites dans le travail ou dans la sphère de la reproduction, permet de comprendre ce qui, aujourd’hui, peut être constitutif, par-delà les configurations sociales locales, de conditions d’existence partagées.

    https://justpaste.it/2kyb0

    #Gilets_jaunes #révoltes #déclassement #vulnérabilités #travail #prolétariat #précariat

  • #Pénuries : des grains de sable dans la machine

    Depuis le 17 janvier, on trouve dans toutes les bonnes librairies le dernier #livre de notre contributeur #Renaud_Duterme. #Mondialisation, réseaux d’#approvisionnement, goulots d’étranglement… Voici, en quelques paragraphes, un aperçu du contenu de « Pénuries. Quand tout vient à manquer » (éd. Payot).

    Pénurie. Un mot que l’on croyait appartenir au passé. Mais que plusieurs événements (pandémie de Covid-19, blocage du canal de Suez, guerre en Ukraine) ont fait revenir sur le devant de l’actualité. Énergie, matières premières, denrées alimentaires, médicaments, matériaux de construction, pièces automobiles, puces électroniques, main d’œuvre, aucun secteur ne semble épargné par cette tendance préoccupante.

    Un approvisionnement sous tension

    La quasi-totalité des biens que nous achetons et utilisons nous parviennent via des #chaînes_d’approvisionnement aussi longues que complexes. Elles sont composées de multiples maillons, allant de l’extraction de matières premières (minerais, produits agricoles, énergie) et leur transformation, jusqu’à l’acheminement vers les rayons des supermarchés, en passant par la fabrication, l’entreposage et, bien sûr, le transport. Le tout fonctionnant en #flux_tendu (la logique de stock ayant laissé la place à un acheminement quotidien), principalement grâce au développement de la #conteneurisation et du #transport routier. Le maître mot de cette #logistique est la #fluidité. Le moindre grain de sable peut gripper toute la machine, a fortiori s’il n’est pas résorbé rapidement.

    Car mondialisation capitaliste oblige, les différentes étapes de ces chaînes d’approvisionnement ont été de plus en plus éloignées les unes des autres, augmentant les risques de #perturbations par #effet_domino. Conflits, catastrophes naturelles, aléas climatiques, grèves, attentats, cyber-attaques, épidémies, autant d’événements pouvant « gripper » un maillon de la chaîne (voire plusieurs) et par là provoquer des goulots d’étranglement remettant en question le fonctionnement même de l’#économie. Ces #goulots semblent se multiplier depuis quelques années et il est fort probable que cela ne soit qu’un début, tant de nombreuses ruptures se dessinent, causées par des limites géophysiques (épuisement des ressources), des dérèglements climatiques (sécheresses et inondations), la chute des rendements agricoles, des tensions socio-économiques (mouvements sociaux, grèves, manque de main d’œuvre, vieillissement de la population, montée des replis identitaires) ou encore géopolitiques (guerres et conflits divers).

    Rien que ces derniers mois, on peut évoquer l’assèchement du canal de Panama engendrant une réduction du nombre de navires pouvant l’emprunter quotidiennement ; les attaques des Houthis en mer Rouge contre des navires commerciaux, ce qui a contraint de nombreux armateurs à faire contourner l’Afrique à leurs navires ; ou encore les grèves et les blocages émanant du monde agricole qui, s’ils accentuaient, pourraient priver certains territoires d’approvisionnement divers. Rappelons que les cent premières villes de France ont seulement trois jours d’autonomie alimentaire, avec 98% de leur nourriture importée[1].

    Jusqu’ici, les tensions ont été en partie surmontées et n’ont pas débouché sur des ruptures majeures, matérialisées par des pénuries durables. Mais leur multiplication est un phénomène inquiétant et l’analyse objective des risques laisse supposer une aggravation et surtout une interconnexion entre des phénomènes a priori distincts les uns des autres. C’est d’autant plus vrai qu’un couac peut engendrer des perturbations bien plus longues que le problème en tant que tel, les retards s’accumulant à chaque étape, le redémarrage de la machine pouvant mettre plusieurs mois, voire années, pour retrouver la fluidité qui fait sa raison d’être.

    Ironie du sort, ces tensions impactent de nombreux éléments sans lesquels la logistique elle-même serait impossible. Les palettes, conserves, conteneurs, véhicules, emballages et cartons sont aussi fabriqués de façon industrielle et nécessitent des composants ou des matières souvent issus de pays lointains et dont le transport et les procédés de fabrication impliquent de grandes quantités d’énergie et de ressources (métaux, bois, eau, etc.).

    Idem pour la main d’œuvre nécessaire au bon fonctionnement des infrastructures qui nous entourent. La colère des agriculteurs est là pour nous rappeler que ces dernières dépendent in fine de travailleurs agricoles, de chauffeurs (deux professions qui ont bien du mal à trouver une relève auprès des jeunes générations), mais aussi d’employés de supermarché, d’exploitants forestiers, d’ouvriers du bâtiment, de magasiniers d’entrepôts logistiques, etc.

    Le ver était dans le fruit

    Ces #vulnérabilités sont loin d’être une fatalité et découlent d’une vision de la mondialisation au sein de laquelle les forces du marché jouissent d’une liberté quasi-totale, ce qui a engendré une multinationalisation des entreprises, la création de zones de libre-échange de plus en plus grandes et la mainmise de la finance sur les grands processus productifs. Des principes se sont peu à peu imposés tels que la spécialisation des territoires dans une ou quelques productions (particulièrement visible en ce qui concerne l’agriculture) ; la standardisation à outrance permettant des économies d’échelles ; la liberté des mouvements de capitaux, engendrant des phénomènes spéculatifs à l’origine de la volatilité des prix de nombreuses matières premières ; la mise en concurrence de l’ensemble des territoires et des travailleurs ; et bien sûr l’interdépendance mutuelle.

    Ces principes entrainent des conséquences dramatiques chez un nombre croissant de personnes, entraînant une perte de légitimité du système en place, ce qui risque également d’alimenter des tensions sociales et géopolitiques déjà existantes, perturbant un peu plus ces chaînes logistiques. À titre d’exemple, les politiques de fermeture des frontières prônées par de plus en plus de gouvernements national-populistes priveraient les pays qui les appliquent de milliers de travailleurs, conduisant à des pénuries de main d’œuvre dans de nombreux secteurs.

    Démondialiser les risques

    En outre, avoir un regard global sur nos systèmes d’approvisionnement permet de (re)mettre certaines réalités au cœur des analyses. Il en est ainsi de cycles de production concernant les différents objets qui nous entourent. De l’origine des composants nécessaires à leur fabrication. Des impacts écologiques et sociaux présents à toutes les étapes de ces cycles. Des limites du recyclage. De la fable que constitue le découplage[2], cette idée selon laquelle il serait possible de croître économiquement tout en baissant les impacts environnementaux. Des limites physiques et sociales auxquelles va se heurter la poursuite de notre consommation.

    Pour ce faire, il importe de populariser de nombreux concepts tels que l’#empreinte_matière (qui tente de calculer l’ensemble des ressources nécessaires à la fabrication d’un bien), l’#énergie_grise et l’#eau_virtuelle (respectivement l’énergie et l’eau entrant dans les cycles d’extraction et de fabrication d’un produit), le #métabolisme (qui envisage toute activité humaine à travers le prisme d’un organisme nécessitant des ressources et rejetant des déchets), la #dette_écologique (qui inclut le pillage des autres pays dans notre développement économique) ou encore l’#extractivisme (qui conçoit l’exploitation de la nature d’une façon comptable).

    Et par là aller vers plus d’#autonomie_territoriale, en particulier dans les domaines les plus élémentaires tels que l’#agriculture, l’#énergie ou la #santé (rappelons qu’environ 80% des principes actifs indispensables à la plupart des médicaments sont produits en Chine et en Inde)[3].

    Dans le cas contraire, l’#anthropocène, avec ses promesses d’abondance, porte en lui les futures pénuries. Le monde ne vaut-il pas mieux qu’un horizon à la Mad Max ?

    https://blogs.mediapart.fr/geographies-en-mouvement/blog/300124/penuries-des-grains-de-sable-dans-la-machine

    #pénurie #mondialisation #globalisation

    • Pénuries. Quand tout vient à manquer

      Comment s’adapter aux ruptures qui nous attendent dans un monde en contraction

      Saviez-vous que la plupart des villes ne survivraient que deux à trois jours sans apport extérieur de nourriture ? Qu’un smartphone nécessite des métaux rares issus des quatre coins du monde ? Et que 80% des principes actifs nécessaires à la fabrication de nos médicaments sont produits en Chine et en Inde ? La quasi-totalité des biens que nous achetons parviennent jusqu’à nous via des chaînes d’approvisionnement aussi complexes que lointaines, de l’extraction et la transformation de matières premières (minerais, produits agricoles, énergie) à l’acheminement de produits finis vers nos supermarchés. Ce qui, mondialisation capitaliste oblige, augmente les risques de vulnérabilité de ces chaînes par effet domino.
      Nous expérimentons déjà ces pénuries que nous vivons mal, habitués à une société de flux ininterrompu. Or elles vont s’aggraver du fait de l’épuisement des ressources, des dérèglements climatiques, des tensions socio-économiques et géopolitiques. Demain, nous allons manquer de riz, de cuivre, de pétrole... Il est donc urgent de nous y préparer et d’envisager un autre système économique afin de rendre nos villes et nos vies plus autonomes et résilientes.

      https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/p%C3%A9nuries-9782228934930

  • Un « #SIG à dires d’acteurs » : décryptage des #vulnérabilités environnementales des agro-éleveurs et pasteurs au #Bénin

    Au sud-est de la commune de #Djougou, les eaux de surface à usage pastoral se raréfient depuis les années 1990. Pour en comprendre l’ampleur et les raisons, nous avons développé un outil permettant une analyse socio-spatiale et socio-environnementale, à l’échelle du finage de deux villages, des dynamiques des ressources, de leurs usages et des stratégies d’accès développées par les populations : un SIG « à dires d’acteurs » associant sur le même support une #cartographie classique (réseau hydrographique, forêts, voies de communication, villages, etc.) et l’expertise des populations locales. Cet outil, adossé à des entretiens semi-directifs approfondis, rend possible une description spatio-temporelle très détaillée des dynamiques agraires et des interfaces entre le monde agricole et pastoral. Il rend également compte de l’inquiétante et récente diminution des #ressources en eau de surface en saison sèche et les stratégies pastorales des différents groupes d’éleveurs peuls. Enfin, il donne à voir le fait que la raréfaction des ressources n’a pas d’origine climatique, mais qu’elle est la conséquence de modes de production sans régulation des ressources. Les difficultés d’exercice de l’#élevage pastoral sont en outre largement dues à une ligne de fracture sociale non pas entre #éleveurs et #agriculteurs mais entre autochtones et allochtones, conduisant les seconds à pratiquer le pastoralisme dans des espaces de relégation.

    http://cybergeo.revues.org/27285
    #eau #cartographie #visulisation
    cc @shenriod

  • Where Will The World’s Water Conflicts Erupt ? [Infographic] | Popular Science

    http://www.popsci.com/article/science/where-will-worlds-water-conflicts-erupt-infographic?dom=PSC&loc=poprail&lnk=

    Le truc qui revient tout le temps depuis deux décennies : la guerre de l’eau aura-t-elle lieu ?

    http://www.popsci.com/sites/popsci.com/files/styles/image_full/public/WATER_war%20and%20peace_2.jpg?itok=XeHTVE-H

    As the climate shifts, rivers will both flood and dry up more often, according to the latest report from the Intergovernmental Panel on Climate Change. Shortages are especially likely in parts of the world already strapped for water, so political scientists expect feuds will become even more intense. To track disputes worldwide, researchers at Oregon State University spent a decade building a comprehensive database of international exchanges—-both conflicts and alliances—over shared water resources. They found that countries often begin disputes belligerently but ultimately reach peaceful agreements. Says Aaron Wolf, the geographer who leads the project, “For me the really interesting part is how even Arabs and Israelis, Indians and Pakistanis, are able to resolve their differences and find a solution.”

    #eau