Le monde de l’économie tel qu’il n’est jamais allé, par le collectif Sortir de l’Économie
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Car chacun d’entre nous est là seul dans son trou de travail, à causer avec son voisin du trou d’à côté, à aimer sentir près de lui un être vivant qui court les mêmes mutilations que lui. C’est humain puisque c’est désormais ce qu’il nous reste, on montre qu’on n’a pas peur, on feint de s’étonner de la froideur des slogans qui apparaissent sur les télécrans modernes (« travaillez plus, pour gagner plus ») et on se force à en plaisanter même si tout le monde constate que son rire sonne toujours plus faux. Car c’est là l’économie, la vraie, la seule, une de ces préparations d’artillerie à l’intérieur de nos corps qui précèdent le renouvellement incessant des attaques et où le terrain que sont nos vies doit être complètement bouleversé, où il ne doit plus rester un être vivant dans les tranchées nivelées de la « réalité économique ».
Cette « réalité » n’est pourtant pas une sphère naturelle et transhistorique qui serait propre à toutes les sociétés humaines et à l’activité humaine en tant que telle. Ce n’est qu’avec la naissance du capitalisme à partir du XVe-XVIe siècles que l’on peut dire qu’il y a constitution, sous le nom d’économie, d’un ensemble d’activités sociales spécifiques (production, distribution, échanges, consommation), qui vont structurer la reproduction des rapports sociaux comme simples rapports économiques. L’économie à fois comme science bourgeoise et surtout comme « réalité » économique, est ainsi une production historique récente.
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Pour dénaturaliser la vie économique, il faut revenir plus en détail sur les différents fondements de l’économie, pour en critiquer sans concession l’authenticité. Tel est notre but : réfléchir ensemble et dans la diversité des approches et des pratiques présentes et à venir, à ce qui rend possible pratiquement cette sortie de l’économie, ici et maintenant. Nous n’allons donc pas élaborer une nouvelle idéologie ou théorie critique ; nous voulons simplement fournir un élément parmi d’autres apportant sa pierre à la tâche de « comprendre dans quel monde nous vivons » (George Orwell). Car partout la réappropriation de cette faculté de juger notre propre implication dans l’économie se fait sentir dans nos interrogations, nos doutes, nos désirs, et c’est cette mise en réflexion qui permet aujourd’hui un « bricolage », des « expérimentations », des remises en cause profondes ou partielles, des résistances collaboratrices ou complètes, l’invention d’utopies concrètes. La « gratuité », le « don », la « décroissance », le « non-marchand », l’« autonomie », l’« autogestion » sont autant de termes qui nous paraissent trop imprécis et ambigus pour signifier un espace politique commun de discussion portant sur ces expériences collectives de réappropriation de plus en plus nombreuses actuellement.
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