• Dans l’empire médiatique du Crédit Mutuel [1/5] : Ebra, pour en finir avec le #journalisme | Blast, Le souffle de l’info - Site d’information français d’actualités et d’investigation indépendant
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    #wonder_ebra  ?

    « En cas de faits-divers, prévenez les ventes au 03... ». Sur les feuilles de route adressées chaque jour par mail aux rédacteurs du Républicain Lorrain, ce petit « rappel » figure en en-tête. « Comme ça, les commerciaux préparent le gros titre des affichettes, diffusées dès le lendemain près des présentoirs dans les tabacs-presse du secteur où le fait-div’ a eu lieu », déduit Daniel*, qui n’en peut plus qu’on lui demande d’épicer les titres de ses faits-divers d’adjectifs sur-vendeurs – « spectaculaire », « atroce », « incroyable », parmi les plus prisés. Une méthode qui, paraît-il, « fait exploser le nombre de clics ». Le journaliste lorrain en a ras-le-bol également de recueillir la réaction du premier badaud qui aurait entendu ou vu quelque chose, autre demande insistante de sa hiérarchie. À la manière de cet article publié dix jours après un meurtre survenu sur une aire d’autoroute, avec ce titre d’anthologie : « Erik, routier a ’’vu des tas de trucs’’ ».


    Le Républicain Lorrain a vu l’homme qui a vu des trucs… Un des exemples de la méthode Ebra.

    « Souvent, affirme notre confrère, nos chefs nous appellent en panique pour qu’on les aide à remplir en urgence les deux pleines pages ’’faits-divers / justice / société’’ par jour ! S’il y a autant d’articles sur les feux de poubelles ce n’est pas parce que c’est devenu un fléau : c’est parce qu’on doit broder. »

    Écœuré, un jeune journaliste qui a quitté le Républicain Lorrain un an après son arrivée se souvient d’un épisode parmi d’autres : « La cheffe adjointe de mon agence a carrément rappelé la gendarmerie derrière-moi et m’a reproché d’avoir fait un compte-rendu trop court d’une bagarre entre jeunes qui avait débouché sur une blessée légère... Elle voulait des détails, des témoignages de passants, pour faire trois tonnes autour d’un traumatisme crânien. »

    Audience dopée aux suicides, accidents et féminicides

    Chaque mois, les 22 « éditions Web » des trois titres lorrains et francs-comtois sont mis en concurrence, en fonction de la moyenne de visites au regard du bassin de population. Le document récapitulatif envoyé par le rédacteur en chef se conclut par le « Top 40 des contenus ». Accidents mortels de la route et meurtres les plus glauques caracolent en tête des vues. Loin derrière, les premiers contenus hors faits-divers sont des galeries photos : « mariés du week-end », rentrée des classes, défilé de la Saint-Nicolas, quatrième et dernier dimanche d’ouverture des commerces avant Noël. On comprend mieux cette obsession pour « l’enrichissement »...


    Un florilège de titres d’articles du Républicain Lorrain sur des histoires « insolite » de chats. Chat… alors !