#yaya_karamoko

  • À la frontière franco-espagnole, le renforcement des contrôles conduit les migrants à prendre toujours plus de #risques

    Au #Pays_basque, après que trois Algériens sont morts fauchés par un train à Saint-Jean-de-Luz/Ciboure le 12 octobre, associations et militants dénoncent le « #harcèlement » subi par les migrants tentant de traverser la frontière franco-espagnole. Face à l’inaction de l’État, des réseaux citoyens se mobilisent pour « sécuriser » leur parcours et éviter de nouveaux drames.

    Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques).– Attablés en terrasse d’un café, mardi 26 octobre, sous un ciel gris prêt à déverser son crachin, Line et Peio peinent toujours à y croire. « On n’imagine pas le niveau de fatigue, l’épuisement moral, l’état de détresse dans lequel ils devaient se trouver pour décider de se reposer là un moment », constatent-ils les sourcils froncés, comme pour marquer leur peine.

    Le 12 octobre dernier, trois migrants algériens étaient fauchés par un train, au petit matin, à 500 mètres de la gare de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure. Un quatrième homme, blessé mais désormais hors de danger, a confirmé aux enquêteurs que le groupe avait privilégié la voie ferrée pour éviter les contrôles de police, puis s’était arrêté pour se reposer, avant de s’assoupir.

    Un cinquième homme, dont les documents d’identité avaient été retrouvés sur les lieux, avait pris la fuite avant d’être retrouvé deux jours plus tard à Bayonne.

    « Ceux qui partent de nuit tentent de passer la frontière vers 23 heures et arrivent ici à 3 ou 4 heures du matin. La #voie_ferrée est une voie logique quand on sait que les contrôles de police sont quasi quotidiens aux ronds-points entre #Hendaye et #Saint-Jean-de-Luz », souligne Line, qui préside l’association #Elkartasuna_Larruna (Solidarité autour de la Rhune, en basque) créée en 2018 pour accompagner et « sécuriser » l’arrivée importante de migrants subsahariens dans la région.

    Peio Etcheverry-Ainchart, qui a participé à la création de l’association, est depuis élu, dans l’opposition, à Saint-Jean-de-Luz. Pour lui, le drame reflète la réalité du quotidien des migrants au Pays basque. « Ils n’iraient pas sur la voie ferrée s’ils se sentaient en sécurité dans les transports ou sur les axes routiers », dénonce-t-il en pointant du doigt le manque d’action politique au niveau local.

    « Ils continueront à passer par là car ils n’ont pas le choix et ce genre de drame va se reproduire. La #responsabilité politique des élus de la majorité est immense, c’est une honte. » Trois cents personnes se sont réunies au lendemain du drame pour rendre hommage aux victimes, sans la présence du maire de Saint-Jean-de-Luz. « La ville refuse toutes nos demandes de subvention, peste Line. Pour la majorité, les migrants ne passent pas par ici et le centre d’accueil créé à #Bayonne, #Pausa, est suffisant. »

    Un manque de soutien, à la fois moral et financier, qui n’encourage pas, selon elle, les locaux à se mobiliser auprès de l’association, qui compte une trentaine de bénévoles. Son inquiétude ? « Que les gens s’habituent à ce que des jeunes meurent et que l’on n’en parle plus, comme à Calais ou à la frontière franco-italienne. Il faut faire de la résistance. »

    Samedi dernier, j’en ai récupéré deux tard le soir, épuisés et frigorifiés

    Guillaume, un « aidant »

    Ce mardi midi à Saint-Jean-de-Luz, un migrant marocain avance d’un pas sûr vers la halte routière, puis se met en retrait, en gardant un œil sur l’arrêt de bus. Dix minutes plus tard, le bus en direction de Bayonne s’arrête et le trentenaire court pour s’y engouffrer avant que les portes ne se referment.

    Guillaume, qui travaille dans le quartier de la gare, fait partie de ces « aidants » qui refusent de laisser porte close. « Samedi dernier, j’en ai récupéré deux tard le soir, qui étaient arrivés à Saint-Jean en fin d’après-midi. Ils étaient épuisés et frigorifiés. » Après les avoir accueillis et leur avoir offert à manger, il les achemine ensuite jusqu’à Pausa à 2 heures du matin, où il constate qu’il n’est pas le seul à avoir fait la navette.

    La semaine dernière, un chauffeur de bus a même appelé la police quand des migrants sont montés à bord

    Guillaume, un citoyen vivant à Saint-Jean-de-Luz

    « Il m’est arrivé de gérer 10 ou 40 personnes d’un coup. Des femmes avec des bébés, des enfants, des jeunes qui avaient marché des heures et me racontaient leur périple. J’allais parfois m’isoler pour pleurer avant de m’occuper d’eux », confie celui qui ne cache pas sa tristesse face à tant d’« inhumanité ». Chaque jour, rapporte-t-il, la police sillonne les alentours, procède à des #contrôles_au_faciès à l’arrêt de bus en direction de Bayonne et embarque les migrants, comme en témoigne cette vidéo publiée sur Facebook en août 2019 (https://www.facebook.com/100000553678281/posts/2871341412894286/?d=n).

    « La semaine dernière, un #chauffeur_de_bus a même appelé la #police quand des migrants sont montés à bord. Ça rappelle une époque à vomir. » Face à ce « harcèlement » et cette « pression folle », Guillaume n’est pas étonné que les Algériens aient pris le risque de longer la voie ferrée. « Les habitants et commerçants voient régulièrement des personnes passer par là. Les gens sont prêts à tout. »

    À la frontière franco-espagnole aussi, en gare de Hendaye, la police est partout. Un véhicule se gare, deux agents en rejoignent un autre, situé à l’entrée du « topo » (train régional qui relie Hendaye à la ville espagnole de Saint-Sébastien), qui leur tend des documents. Il leur remet un jeune homme, arabophone, qu’ils embarquent.

    « Ils vont le laisser de l’autre côté du pont. Ils font tout le temps ça, soupire Miren*, qui observe la scène sans pouvoir intervenir. Les policiers connaissent les horaires d’arrivée du topo et des trains venant d’#Irun (côté espagnol). Ils viennent donc dix minutes avant et se postent ici pour faire du contrôle au faciès. » Depuis près de trois ans, le réseau citoyen auquel elle appartient, Bidasoa Etorkinekin, accueille et accompagne les personnes en migration qui ont réussi à passer la frontière, en les acheminant jusqu’à Bayonne.

    La bénévole monte à bord de sa voiture en direction des entrepôts de la SNCF. Là, un pont flambant neuf, barricadé, apparaît. « Il a été fermé peu après son inauguration pour empêcher les migrants de passer. » Des #grilles ont été disposées, tel un château de cartes, d’autres ont été ajoutées sur les côtés. En contrebas, des promeneurs marchent le long de la baie.

    Miren observe le pont de Santiago et le petit chapiteau blanc marquant le #barrage_de_police à la frontière entre Hendaye et #Irun. « Par définition, un #pont est censé faire le lien, pas séparer... » Selon un militant, il y aurait à ce pont et au pont de #Behobia « quatre fois plus de forces de l’ordre » qu’avant. Chaque bus est arrêté et les passagers contrôlés. « C’est cela qui pousse les personnes à prendre toujours plus de risques », estime-t-il, à l’instar de #Yaya_Karamoko, mort noyé dans la Bidassoa en mai dernier.

    On ne peut pas en même temps organiser l’accueil des personnes à Bayonne et mettre des moyens énormes pour faire cette chasse aux sorcières

    Eñaut, responsable de la section nord du syndicat basque LAB

    Le 12 juin, à l’initiative du #LAB, syndicat socio-politique basque, une manifestation s’est tenue entre Irun et Hendaye pour dénoncer la « militarisation » de la frontière dans ce qui a « toujours été une terre d’accueil ». « Ça s’est inscrit dans une démarche de #désobéissance_civile et on a décidé de faire entrer six migrants parmi une centaine de manifestants, revendique Eñaut, responsable du Pays basque nord. On ne peut pas en même temps organiser l’accueil des personnes à Bayonne et mettre des moyens énormes pour faire cette #chasse_aux_sorcières, avec les morts que cela engendre. L’accident de Saint-Jean-de-Luz est le résultat d’une politique migratoire raciste. » L’organisation syndicale espère, en développant l’action sociale, sensibiliser toutes les branches de la société – patronat, salariés, État – à la question migratoire.

    Des citoyens mobilisés pour « sécuriser » le parcours des migrants

    À 22 heures mardi, côté espagnol, Maite, Arantza et Jaiona approchent lentement de l’arrêt de bus de la gare routière d’Irun. Toutes trois sont volontaires auprès du réseau citoyen #Gau_Txori (les « Oiseaux de nuit »). Depuis plus de trois ans, lorsque les cars se vident le soir, elles repèrent d’éventuels exilés désorientés en vue de les acheminer au centre d’accueil géré par la Cruz Roja (Croix-Rouge espagnole), situé à deux kilomètres de là. En journée, des marques de pas, dessinées sur le sol à intervalle régulier et accompagnées d’une croix rouge, doivent guider les migrants tout juste arrivés à Irun. Mais, à la nuit tombée, difficile de les distinguer sur le bitume et de s’orienter.

    « En hiver, c’est terrible, souffle Arantza. Cette gare est désolante. Il n’y a rien, pas même les horaires de bus. On leur vient en aide parce qu’on ne supporte pas l’injustice. On ne peut pas rester sans rien faire en sachant ce qu’il se passe. » Et Maite d’enchaîner : « Pour moi, tout le monde devrait pouvoir passer au nom de la liberté de la circulation. » « La semaine dernière, il y avait beaucoup de migrants dans les rues d’Irun. La Croix-Rouge était dépassée. Déjà, en temps normal, le centre ne peut accueillir que 100 personnes pour une durée maximale de trois jours. Quand on leur ramène des gens, il arrive que certains restent à la porte et qu’on doive les installer dans des tentes à l’extérieur », rapporte, blasée, Jaiona.

    À mesure qu’elles dénoncent les effets mortifères des politiques migratoires européennes, un bus s’arrête, puis un second. « Je crois que ce soir, on n’aura personne », sourit Arantza. Le trio se dirige vers le dernier bus, qui stationne en gare à 23 h 10. Un homme extirpe ses bagages et ceux d’une jeune fille des entrailles du car. Les bénévoles tournent les talons, pensant qu’ils sont ensemble. C’est Jaiona, restée en arrière-plan, qui comprend combien l’adolescente a le regard perdu, désespérée de voir les seules femmes présentes s’éloigner. « Cruz Roja ? », chuchote l’une des volontaires à l’oreille de Mariem, qui hoche la tête, apaisée de comprendre que ces inconnues sont là pour elle.

    Ni une ni deux, Maite la soulage d’un sac et lui indique le véhicule garé un peu plus loin. « No te preocupes, somos voluntarios » (« Ne t’inquiète pas, nous sommes des bénévoles »), lui dit Jaiona en espagnol. « On ne te veut aucun mal. On t’emmène à la Croix-Rouge et on attendra d’être sûres que tu aies une place avant de partir », ajoute Maite dans un français torturé.

    Visage juvénile, yeux en amande, Mariem n’a que 15 ans. Elle arrive de Madrid, un bonnet à pompon sur la tête, où elle a passé un mois après avoir été transférée par avion de Fuerteventura (îles Canaries) dans l’Espagne continentale, comme beaucoup d’autres ces dernières semaines, qui ont ensuite poursuivi leur route vers le nord. Les bénévoles toquent à la porte de la Cruz Roja, un agent prend en charge Mariem. Au-dehors, les phares de la voiture illuminent deux tentes servant d’abris à des exilés non admis.

    J’avais réussi à passer la frontière mais la police m’a arrêtée dans le #bus et m’a renvoyée en Espagne

    Fatima*, une exilée subsaharienne refoulée après avoir franchi la frontière

    Le lendemain matin, dès 9 heures, plusieurs exilés occupent les bancs de la place de la mairie à Irun. Chaque jour, entre 10 heures et midi, c’est ici que le réseau citoyen Irungo Harrera Sarea les accueille pour leur donner des conseils. « Qui veut rester en Espagne ici ? », demande Ion, l’un des membres du collectif. Aucune main ne se lève. Ion s’y attendait. Fatima*, la seule femme parmi les 10 exilés, a passé la nuit dehors, ignorant l’existence du centre d’accueil. « J’avais réussi à passer la frontière mais la police m’a arrêtée dans le bus et m’a renvoyée en Espagne », relate-t-elle, vêtue d’une tenue de sport, un sac de couchage déplié sur les genoux. Le « record », selon Ion, est détenu par un homme qui a tenté de passer à huit reprises et a été refoulé à chaque fois. « Il a fini par réussir. »

    Éviter de se déplacer en groupe, ne pas être trop repérable. « Vous êtes noirs », leur lance-t-il, pragmatique, les rappelant à une triste réalité : la frontière est une passoire pour quiconque a la peau suffisamment claire pour ne pas être contrôlé. « La migration n’est pas une honte, il n’y a pas de raison de la cacher », clame-t-il pour justifier le fait de s’être installés en plein centre-ville.

    Ion voit une majorité de Subsahariens. Peu de Marocains et d’Algériens, qui auraient « leurs propres réseaux d’entraide ». « On dit aux gens de ne pas traverser la Bidassoa ou longer la voie ferrée. On fait le sale boulot en les aidant à poursuivre leur chemin, ce qui arrange la municipalité d’Irun et le gouvernement basque car on les débarrasse des migrants, regrette-t-il. En voulant les empêcher de passer, les États ne font que garantir leur souffrance et nourrir les trafiquants. »

    L’un des exilés se lève et suit une bénévole, avant de s’infiltrer, à quelques mètres de là, dans un immeuble de la vieille ville. Il est invité par Karmele, une retraitée aux cheveux grisonnants, à entrer dans une pièce dont les murs sont fournis d’étagères à vêtements.

    Dans ce vestiaire solidaire, tout a été pensé pour faire vite et bien : Karmele scrute la morphologie du jeune homme, puis pioche dans l’une des rangées, où le linge, selon sa nature – doudounes, pulls, polaires, pantalons – est soigneusement plié. « Tu es long [grand], ça devrait t’aller, ça », dit-elle en lui tendant une veste. À sa droite, une affiche placardée sous des cartons étiquetés « bébé » vient rappeler aux Africaines qu’elles sont des « femmes de pouvoir ».

    Le groupe d’exilés retourne au centre d’accueil pour se reposer avant de tenter le passage dans la journée. Mariem, l’adolescente, a choisi de ne pas se rendre place de la mairie à 10 heures, influencée par des camarades du centre. « On m’a dit qu’un homme pouvait nous faire passer, qu’on le paierait à notre arrivée à Bayonne. Mais je suis à la frontière et il ne répond pas au téléphone. Il nous a dit plus tôt qu’il y avait trop de contrôles et qu’on ne pourrait pas passer pour l’instant », confie-t-elle, dépitée, en fin de matinée. Elle restera bloquée jusqu’en fin d’après-midi à Behobia, le deuxième pont, avant de se résoudre à retourner à la Cruz Roja pour la nuit.

    L’exil nous détruit, je me dis des fois qu’on aurait mieux fait de rester auprès des nôtres

    Mokhtar*, un migrant algérien

    Au même moment, sur le parking précédant le pont de Santiago, de jeunes Maghrébins tuent le temps, allongés dans l’herbe ou assis sur un banc. Tous ont des parcours de vie en pointillés, bousillés par « el ghorba » (« l’exil »), qui n’a pas eu pitié d’eux, passés par différents pays européens sans parvenir à s’établir. « Huit ans que je suis en Europe et je n’ai toujours pas les papiers », lâche Younes*, un jeune Marocain vivant depuis un mois dans un foyer à Irun. Mokhtar*, un harraga (migrant parti clandestinement depuis les côtes algériennes) originaire d’Oran, abonde : « L’exil nous détruit, je me dis des fois qu’on aurait mieux fait de rester auprès des nôtres. Mais aujourd’hui, c’est impossible de rentrer sans avoir construit quelque chose... » La notion « d’échec », le regard des autres seraient insoutenables.

    Chaque jour, Mokhtar et ses amis voient des dizaines de migrants tenter le passage du pont qui matérialise la frontière. « Les Algériens qui sont morts étaient passés par ici. Ils sont même restés un temps dans notre foyer. Avant qu’ils ne passent la frontière, je leur ai filé quatre cigarettes. Ils sont partis de nuit, en longeant les rails de train depuis cet endroit, pointe-t-il du doigt au loin. Paix à leur âme. Cette frontière est l’une des plus difficiles à franchir en Europe. » L’autre drame humain est celui des proches des victimes, ravagés par l’incertitude faute d’informations émanant des autorités françaises.
    Les proches des victimes plongés dans l’incertitude

    « Les familles ne sont pas prévenues, c’est de la torture. On a des certitudes sur deux personnes. La mère de l’un des garçons a appelé l’hôpital, le commissariat… Sans obtenir d’informations. Or elle n’a plus de nouvelles depuis le jour du drame et les amis qui l’ont connu sont sûrs d’eux », expliquait une militante vendredi 22 octobre. Selon le procureur de Bayonne, contacté cette semaine par Mediapart, les victimes ont depuis été identifiées, à la fois grâce à l’enquête ouverte mais aussi grâce aux proches qui se sont signalés.

    La mosquée d’Irun a également joué un rôle primordial pour remonter la trace des harragas décédés. « On a été plusieurs à participer, dont des associations. J’ai été en contact avec les familles des victimes et le consulat d’Algérie, qui a presque tout géré. Les corps ont été rapatriés en Algérie samedi 30 octobre, le rescapé tient le coup moralement », détaille Mohamed, un membre actif du lieu de culte. Dès le 18 octobre, la page Facebook Les Algériens en France dévoilait le nom de deux des trois victimes, Faisal Hamdouche, 23 ans, et Mohamed Kamal, 21 ans.

    À quelques mètres de Mokhtar, sur un banc, deux jeunes Syriens se sont vu notifier un refus d’entrée, au motif qu’ils n’avaient pas de documents d’identité : « Ça fait quatre fois qu’on essaie de passer et qu’on nous refoule », s’époumone l’aîné, 20 ans, quatre tickets de « topo » à la main. Son petit frère, âgé de 14 ans, ne cesse de l’interroger. « On ne va pas pouvoir passer ? » Leur mère et leur sœur, toutes deux réfugiées, les attendent à Paris depuis deux ans ; l’impatience les gagne.

    Jeudi midi, les Syriens, mais aussi le groupe d’exilés renseignés par Irungo Harrera Sarea, sont tous à Pausa, à Bayonne. Certains se reposent, d’autres se détendent dans la cour du lieu d’accueil, où le soleil cogne. « C’était un peu difficile mais on a réussi, confie Fofana, un jeune Ivoirien, devant le portail, quai de Lesseps. Ça me fait tellement bizarre de voir les gens circuler librement, alors que nous, on doit faire attention. Je préfère en rire plutôt qu’en pleurer. »

    Si les exilés ont le droit de sortir, ils ne doivent pas s’éloigner pour éviter d’être contrôlés par la police. « On attend le car pour aller à Paris ce soir », ajoute M., le Syrien, tandis que son petit frère se cache derrière le parcmètre pour jouer, à l’abri du soleil, sur un téléphone. Une dernière étape, qui comporte elle aussi son lot de risques : certains chauffeurs des cars « Macron » réclament un document d’identité à la montée, d’autres pas.

    https://www.mediapart.fr/journal/international/311021/la-frontiere-franco-espagnole-le-renforcement-des-controles-conduit-les-mi

    #frontières #migrations #réfugiés #France #Espagne #Pyrénées #contrôles_frontaliers #frontières #délation #morts #morts_aux_frontières #mourir_aux_frontières #décès #militarisation_de_la_frontière #refoulements #push-backs #solidarité

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    voir aussi :
    #métaliste sur les personnes en migration décédées à la frontière entre l’#Espagne et la #France, #Pays_basque :
    https://seenthis.net/messages/932889

  • #métaliste sur les personnes en migration décédées à la frontière entre l’#Espagne et la #France, #Pays_basque

    Historique des personnes décédées dans la région en 2021 :

    EH Bai a immédiatement réagi dans la matinée à cette « terrible nouvelle » qui « s’est répétée ces derniers mois ». Le 22 mai dernier, le corps de Yaya Karamoko, un Ivoirien de 28 ans, était retrouvé dans la Bidassoa, près de la rive espagnole. Deux mois et demi plus tard, une autre jeune migrant décédait dans le fleuve frontière. Le 8 août, Abdoulaye Koulibaly, Guinéen de 18 ans, mourrait lui aussi dans une tentative de traversée à la nage, pour éviter les contrôles policiers réguliers entre Irun et Hendaye. Enfin, le 18 avril, à Irun, un exilé erythréen s’était donné la mort.

    https://www.sudouest.fr/pyrenees-atlantiques/saint-jean-de-luz/terrible-drame-a-saint-jean-de-luz-trois-personnes-meurent-ecrasees-par-un-

    #frontières #migrations #réfugiés #morts #morts_aux_frontières #mourir_aux_frontières #asile #décès

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    voir aussi
    À la frontière franco-espagnole, le renforcement des contrôles conduit les migrants à prendre toujours plus de #risques
    https://seenthis.net/messages/935055

  • Le corps sans vie d’un homme retrouvé dans la #Bidassoa

    Les secours ont repêché ce matin le #cadavre d’un homme noir dans la Bidassoa, à #Irun. Il s’agissait d’un exilé qui s’est noyé en tentant de rejoindre #Hendaye à la nage. Un autre jeune âgé de 16 ans a été secouru par des Hendayais avant d’être expulsé par les gendarmes.

    Ce samedi matin à Irun, du côté de l’#île_aux_Faisans, les pompiers ont retrouvé un corps sans vie sur les rives de la Bidassoa. Il s’agit d’un homme noir, un migrant qui a péri en traversant le fleuve à la nage pour se rendre sur les rives de l’Etat français, comme l’ont confirmé au site Naiz les pompiers d’Hendaye (https://www.naiz.eus/eu/info/noticia/20210522/rescatan-el-cuerpo-sin-vida-de-una-persona-en-el-rio-bidasoa).

    Selon la radio Antxeta Irratia (https://twitter.com/antxetairratia/status/1396063752856932359), des kayakistes du club Santiagoarrak ont fait cette macabre découverte vers 11 heures du matin, avant que les secours n’interviennent.

    De plus, Irungo Harrera Sarea (IHS) a signalé qu’une autre personne migrante, un adolescent de 16 ans, a été secouru par des Hendayais à l’issue de sa traversée de la Bidassoa. Selon Naiz, les gendarmes l’ont expulsé dans les deux heures qui ont suivi. Le réseau IHS a appelé à un rassemblement ce dimanche à 11h30 à Azken Portu, où a été retrouvé le corps sans vie du migrant.

    Déjà un décès le mois dernier

    Il y a un mois, un Erythréen avait été retrouvé mort à Irun (https://www.mediabask.eus/fr/info_mbsk/20210419/le-corps-d-un-erythreen-retrouve-mort-a-irun), non loin de la Bidassoa. Selon la police locale, la Ertzaintza, le jeune homme se serait suicidé par pendaison. Le réseau Irungo Harrera Sarea avait alors exigé des institutions qu’elles prennent leurs responsabilités dans cette affaire (https://www.naiz.eus/eu/hemeroteca/gara/editions/2021-04-22/hemeroteca_articles/eritrear-baten-heriotzaren-harira-ardurak-eskatu-ditu-harrera-sareak).

    Au #Pays_Basque Nord, l’Hendayais Tom Dubois avait fait part dans un entretien (https://www.mediabask.eus/fr/info_mbsk/20210317/un-jeune-guineen-qui-traversait-la-bidasoa-secouru-par-des-hendayais) à MEDIABASK le 17 mars dernier de son inquiétude qu’un tel drame se produise. Le 13 mars, avec des amis, il a porté secours à un jeune Guinéen qui venait d’arriver sur les rives hendayaises de la Bidassoa après l’avoir traversé à la nage depuis Irun.

    Manifestation le 29 mai

    Les associations Diakite, Etorkinekin, la Cimade et Irungo Harrera Sarea ont appelé à une mobilisation le 29 mai (https://www.mediabask.eus/eu/info_mbsk/20210521/manifestation-a-irun-et-hendaye-pour-les-droits-des-migrants). Deux colonnes au départ des mairies d’Irun et d’Hendaye se rejoindront pour une manifestation commune, pour défendre les droits des personnes migrantes.

    https://www.mediabask.eus/eu/info_mbsk/20210522/le-corps-sans-vie-d-un-jeune-homme-retrouve-dans-la-bidassoa

    #décès #morts #mourir_aux_frontières #Espagne #rivière #montagne #fleuve #migrations #asile #réfugiés #frontières #France #Pyrénées

    ping @isskein
    via @karine4

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    ajouté à la métaliste sur les personnes mortes dans les Pyrénées :
    https://seenthis.net/messages/932889

    • #Yaya_Karamoko, 28 ans, meurt noyé à la frontière franco-espagnole

      Il avait 28 ans et rêvait de rejoindre la France dans l’espoir d’un avenir meilleur. Yaya Karamoko, originaire de Mankono en Côte d’Ivoire, est mort noyé dans la Bidassoa en voulant traverser le fleuve à la frontière franco-espagnole, le 22 mai. Mediapart retrace son parcours.

      « Il avait l’intention de s’installer en France… Il voulait travailler et sortir sa famille de la galère », souffle Hervé Zoumoul. Depuis deux semaines, cet activiste des droits humains, bénévole à Amnesty International France, remue ciel et terre pour mettre un nom et un visage sur celui qui s’est noyé le 22 mai dernier, à l’âge de 28 ans, en traversant la Bidassoa, un fleuve à la frontière franco-espagnole, dans le Pays basque. Il s’appelait Yaya Karamoko et avait commencé son périple depuis la Côte d’Ivoire, en passant par le Maroc, les Canaries et l’Espagne continentale.

      Selon Xabier Legarreta Gabilondo, responsable chargé des migrations et de l’asile au Pays basque espagnol, c’est la première fois qu’une personne exilée meurt dans la Bidassoa en empruntant cette route migratoire. « La police autonome de l’Euskadi m’a appelé le 22 mai pour m’apprendre que le corps de Yaya avait été retrouvé dans le fleuve. Le gouvernement basque souhaite dire toute sa consternation face à un événement si triste : il est choquant qu’une personne perde la vie en essayant de rechercher une opportunité. »

      Dans les jours qui suivent le décès, les autorités semblent perdues. « C’est moi qui ai appelé les proches de Yaya, avec l’aide de la communauté ivoirienne, pour les mettre au courant de son décès », confie l’écrivaine et militante Marie Cosnay, qui découvre avec surprise qu’aucune « information officielle » ne leur est parvenue en Côte d’Ivoire. La voix brisée et les silences songeurs, elle est encore sous le choc. Usée, aussi, par ses efforts d’investigation.

      « J’ai appelé la police basque et la cour d’Irun, mais ils ne savent rien. Je n’arrive pas à connaître le protocole dans un tel cas, tout le monde est très démuni. Il y a une faillite des États et des institutions légales », pointe-t-elle dix jours après le drame, avant de préciser que le corps du jeune homme était, à ce stade, toujours à l’institut médicolégal de San Sebastián, et que les proches présents sur le territoire français devaient « se constituer parties civiles » pour pouvoir le voir. « Nous avons tenté de faciliter les échanges entre le juge en charge du dossier de Yaya et les membres de sa famille, afin que le contact puisse être établi », assure de son côté le responsable des migrations et de l’asile du gouvernement basque, sans donner plus de détails.

      Au lendemain du drame, alors que la presse locale évoque le corps d’un « migrant » retrouvé dans la Bidassoa, un collectif de soutien aux exilés organise un rassemblement spontané sur le pont Santiago aux abords du fleuve. Près de 1 000 personnes sont là pour protester contre les frontières et les politiques migratoires qui conduisent à la mort les personnes en exil, à la recherche d’un pays sûr ou de meilleures conditions de vie. À cet instant, pour Marie Cosnay, présente dans la foule, l’urgence est aussi de retracer l’histoire de Yaya afin qu’il ne tombe pas dans l’oubli.

      « Son seul objectif était d’aller en Europe »

      Le visage rond et le regard vif, le jeune Ivoirien rêvait « d’une vie meilleure », confie un ami à lui, qui a partagé sa chambre durant plusieurs mois à Dakhla, au Maroc. « Comme tout jeune Africain, il était passionné de football. Ici, on n’a pas la télévision alors on allait voir les matchs dans un café. Il adorait le club de Chelsea ! », se souvient-il. Et d’ajouter : « C’était quelqu’un de sympa, tranquille, qui ne parlait pas beaucoup. Il était souvent triste, son seul objectif était d’aller en Europe. »

      Originaire de Mankono (Côte d’Ivoire), où il grandit et quitte le lycée en classe de terminale, il travaille un temps comme chauffeur de taxi à Abidjan, puis dans le BTP. « On a grandi ensemble dans le même village, raconte son cousin Bakary tout en convoquant ses souvenirs. On partageait tout, même nos habits et nos chaussures. Il était ouvert aux autres et aimait rassembler les gens. » Souriant, drôle et taquin, aussi. « Il aimait beaucoup jouer au foot mais ne marquait jamais », ajoute-t-il dans un éclat de rire teinté de tristesse.

      Son père décédé, c’est pour aider sa famille qu’il décide de tenter sa chance en Europe début 2021, rapporte Hervé Zoumoul qui a retrouvé un certain nombre de ses proches pour remonter le fil de sa courte vie. Yaya s’envole au Maroc, où il travaille durant plusieurs mois d’abord comme maçon, puis dans une usine de conservation de poissons pour financer la traversée auprès d’un passeur qui lui demande 2 500 euros. À ses côtés, dans la pirogue qui lui promet une vie nouvelle, il prend soin de son neveu, âgé de seulement 11 ans. Ses parents ont fourni à Yaya une autorisation parentale, que Mediapart a pu consulter, l’autorisant à « effectuer un voyage [au] Maroc » en sa compagnie.

      « Il m’a raconté la traversée du Maroc aux Canaries et ce n’était vraiment pas facile, poursuit l’ami de Yaya basé à Dakhla. Ils se sont perdus et sont restés cinq jours en mer. Des personnes se sont jetées à l’eau, il y a eu des morts. Selon ses dires, le capitaine du convoi et plusieurs autres ont été arrêtés parce qu’ils n’ont pas déclaré les disparus aux autorités à leur arrivée [le 16 mars – ndlr]. » Depuis 2020, cette route particulièrement dangereuse via les Canaries s’est réactivée, notamment depuis le Sénégal et le sud du Sahara occidental, faisant gonfler le nombre d’arrivées sur l’archipel espagnol (lire ici notre entretien, ou là notre reportage).

      « L’enfant qui accompagnait Yaya a finalement été pris en charge dans un centre pour mineurs aux Canaries et y est resté », explique Marie Cosnay. « Yaya a poursuivi sa route, enchaîne Hervé Zoumoul. Il était avec un groupe de personnes transféré le 22 avril en Espagne continentale. » Lui et trois de ses compagnons de route arrivent d’abord à Malaga et remontent petit à petit vers le nord, de Grenade à Madrid, jusqu’à atteindre Irun dans le Pays basque le 15 mai.

      Ils sont accueillis dans un centre d’accueil pour migrants de la Croix-Rouge, placé sous l’autorité de la communauté autonome du Pays basque espagnol. Ils quittent les lieux le 16 mai, précise Hervé Zoumoul, également à l’origine de la plateforme « Protégeons les migrants, pas les frontières ». « À partir de là, ni ses amis ni sa famille n’ont réussi à joindre Yaya. Ils ont supposé qu’il avait changé de numéro ou perdu son téléphone... » Jusqu’à la terrible nouvelle.

      Les trois amis de Yaya, avec qui il a traversé l’océan Atlantique depuis Dakhla jusqu’aux Canaries, puis rejoint l’Espagne continentale un mois plus tard, ont tous gagné la France. Contacté par Mediapart, l’un d’entre eux a préféré rester silencieux. « C’est très difficile pour eux. Ils ont été obligés de se séparer pour ne pas être repérés par la police. Yaya n’a pas réussi à traverser, eux ont survécu », résume Hervé Zoumoul.

      Yaya Karamoko laisse derrière lui une mère âgée et plusieurs frères et sœurs sans ressources. « Il représentait tous mes espoirs. C’est grâce à lui que je suis ici, il m’a aidée à fuir mon domicile au pays car j’étais victime de violences conjugales, sanglote Aminata, une cousine de Yaya, actuellement au Maroc. Il devait m’aider pour la suite... Comment je vais faire s’il ne vit plus ? »

      Celle qui avait pour projet de le rejoindre en France se dit aujourd’hui perdue. « Les gens à Mankono n’arrivent pas à croire qu’il est décédé, complète son cousin Bakary. Je ne sais pas si sa mère tiendra longtemps avec cette nouvelle. Je ne pourrai jamais l’oublier. » Faute de moyens, le corps de Yaya ne pourra pas être rapatrié en Côte d’Ivoire. « Sa famille ne peut pas se permettre de payer pour cela. Il sera donc enterré en Espagne », précise Hervé Zoumoul.

      Combien de morts devra-t-il encore y avoir aux portes de l’Europe et de la France pour espérer voir une once de changement dans nos politiques migratoires ? « Il est temps d’exiger des engagements collectifs tant au Pays basque qu’en Espagne et en Europe. Il est temps de revendiquer de l’humanité et des droits dans les politiques migratoires, d’accueil et de transit », conclut Xabier Legarreta Gabilondo. Le gouvernement basque a demandé au gouvernement espagnol l’organisation d’une réunion pour en discuter. »

      https://www.mediapart.fr/journal/international/070621/yaya-karamoko-28-ans-meurt-noye-la-frontiere-franco-espagnole