« Les connards qui nous gouvernent » par FrĂ©dĂ©ric Lordon, 19 mars 2020
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Bien sĂ»r ça nâest pas moi qui le dis — ça non. Câest Claude Askolovitch. Plus exactement, Claude Askolovitch rapporte les propos dâun « ami pneumologue ». En mĂȘme temps, on sent quâil les endosse un peu. Ăa nâest pas exactement lui qui le dit mais un peu comme si quand mĂȘme. En tout cas, tous les papiers de la respectabilitĂ© sont dĂ»ment tamponnĂ©s : un journaliste de France Inter et dâArte, on pourra difficilement plus en rĂšgle. Et donc tout dâun coup, sans crier gare, le voilĂ qui parle, ou laisse parler, de nos gouvernants comme de « connards ».
On se demande ce qui lâa piquĂ© — en mĂȘme temps il faut admettre : quand une vidĂ©o appelĂ©e Ă demeurer dans la mĂ©moire collective montre AgnĂšs Buzyn, ci-devant ministre de la santĂ©, dĂ©clarer fin janvier quâĂ©videmment le virus restera Ă Wuhan et quâil nây a aucune chance que nous en voyions jamais la couleur ; quand, jusquâau 12 mars aprĂšs-midi, le ministre Blanquer assĂšne quâil nây a aucune raison de fermer les Ă©coles (moi aussi, comme Claude Askolovitch, jâai un ami : dans la classe de sa fille, sept cas positifs, mais pourquoi embĂȘter les parents avec dâinutiles soucis de garde ?), et que le soir mĂȘme la fermeture gĂ©nĂ©rale est annoncĂ©e ; quand, dans un tweet Ă ranger sur la mĂȘme Ă©tagĂšre que la vidĂ©o de Buzyn, Macron, comme un hipster du 11e arrondissement qui aurait fait lâatelier poĂ©sie au collĂšge, nous invite — le 11 mars â- : « Nous ne renoncerons Ă rien, surtout pas Ă rire, Ă chanter, Ă penser, Ă aimer, surtout pas aux terrasses, aux salles de concert, au fĂȘtes de soir dâĂ©tĂ©, surtout pas Ă la libertĂ© », pour le 12 fermer les Ă©coles, le 14 laisser son premier ministre annoncer un dĂ©but de confinement gĂ©nĂ©ral, et le 16 morigĂ©ner la population qui continuait sur la lancĂ©e de lâexemple quâil lui donnait depuis des semaines ; quand on se remet sous les yeux le tableau dâensemble de ces ahurissements, on se dit en effet que tous ces gens se sont fait prendre soit par surprise, soit par connerie. Et que lâhypothĂšse de la surprise Ă©tant Ă lâĂ©vidence exclue, il ne reste que celle de la connerie — qui nâest pas une surprise.
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