• Twitter & les gaz lacrymogènes de Zeynep Tufekci : Internet et la révolution
    https://www.en-attendant-nadeau.fr/2020/04/01/internet-revolution-tufekci

    par Zoé Carle
    1 avril 2020
    Près de dix ans après les soulèvements de l’année 2011, Twitter & les gaz lacrymogènes de Zeynep Tufekci redonne vie à des analyses presque anachroniques et rappelle ce moment fragile où les dissidents de Tunisie, d’Égypte et de Turquie avaient une double avance, générationnelle et technique, sur les régimes répressifs qu’ils ont momentanément déstabilisés. La chercheuse, sociologue et développeuse informatique de formation, replace le rôle d’Internet dans l’évolution des mouvements de contestation et de leur répression.
    Zeynep Tufekci, Twitter & les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée. Trad. de l’anglais (États-Unis) par Anne Lemoine. C & F Éditions, 430 p., 29 €

    Après la douche froide de l’affaire Cambridge Analytica aux États-Unis et les preuves de l’instrumentalisation des réseaux sociaux dans plusieurs processus électoraux censément démocratiques, tout se passe comme si on s’interdisait d’évoquer le rôle d’Internet à un autre endroit de la politique : au sein des mouvements sociaux. Ce relatif silence contraste avec l’enthousiasme de mise au tout début de la décennie 2010, au moment des « printemps arabes », où de nombreux commentateurs ne tarissaient pas d’éloges sur les « révolutions Facebook » tout en posant des équivalences rapides entre révolution technologique et émancipation politique.
    Zeynep Tufekci, Twitter & les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée

    Pendant les manifestations de juin 2013 à Istanbul © CC/Mstyslav Chernov

    Ce trop-plein de storytelling technophile avait été logiquement suivi d’une avalanche de déplorations cyberpessimistes, s’appuyant notamment sur les analyses d’Evgeny Morozov dans The Net Delusion : The Dark Side of Internet Freedom. Au fur et à mesure que les régimes dictatoriaux percevaient les potentialités de l’outil connecté à des fins de surveillance et de répression, les positions cyberpessimistes l’ont emporté, invisibilisant les travaux faisant le lien entre les mobilisations et Internet.

    À l’époque, la question des médias sociaux était trop et mal posée. Zeynep Tufekci rappelle la lassitude des activistes à ce sujet face à des journalistes leur posant inlassablement une question ingénue : les réseaux sociaux eux-mêmes n’étaient-ils pas à l’origine de ces soulèvements ? La question n’était pas exempte d’une forme de néo-orientalisme, comme l’a montré Yves Gonzalez-Quijano dans Arabités numériques (Actes Sud, 2012) : ces jeunes activistes étaient « médiagéniques » parce qu’ils nous ressemblaient avec leurs lunettes en écaille et leurs smartphones, et ces technologies créées en Occident – donc émancipatrices par nature – leur avaient permis de lancer leurs e-révolutions.

    Comme le souligne Tufekci, dans ces premiers commentaires l’accent était mis sur la technologie et non sur les usages, et c’est bien ce qui irritait les activistes qui « estimaient que les médias n’accordaient pas aux activistes arabes le mérite d’une utilisation nouvelle et réellement innovante de ces outils ». L’un des grands mérites du livre est de saluer les activistes de 2011 comme des pionniers en matière de médiactivisme et de logistique de l’action collective. Yves Gonzalez-Quijano a montré que ce rôle de pionnier ne venait pas de nulle part, qu’il avait éclaté de façon spectaculaire cette année-là, car l’émergence de la cyberdissidence arabe à partir des années 1990 était passée relativement inaperçue. Tufekci rappelle les initiatives novatrices qui ont vu le jour à la charnière des années 2010, comme 140 journos en Turquie ou Tahrir supplies en Égypte, qui ont toutes deux exploité l’outil, à des fins d’information dans le premier cas, de logistique pour le matériel médical dans le second.

    « La technologie n’est ni bonne ni mauvaise ; et n’est pas neutre non plus », nous rappelle l’auteure, et il convient de prêter attention à ses usages. Tufekci tient ainsi le pari d’une recherche empirique d’ampleur, alliant rigueur ethnographique par l’observation des acteurs en ligne et hors ligne, et connaissance fine des architectures d’Internet et de ses plateformes de réseaux sociaux, sans jamais se départir d’une ambition théorique et politique annoncée dès l’introduction. À partir de ses observations sur les mouvements altermondialistes dans les années 1990, la chercheuse accumule données et enquêtes pour documenter ce qu’a signifié l’arrivée d’Internet puis son développement pour les mouvements sociaux.

    Que son point de départ soit le Chiapas n’est pas un hasard : « les réseaux de solidarité zapatiste marquent le début d’une nouvelle phase, l’émergence de mouvements connectés au moment où l’internet et les outils numériques commencent à se répandre parmi les activistes et plus généralement au sein des populations ». La chercheuse a choisi ainsi de se concentrer sur les mouvements anti-autoritaires de gauche, pour comprendre la convergence entre une culture politique et une culture technique – celle de l’Internet libre, puis des réseaux sociaux.

    Plusieurs terrains d’enquête (Tunisie, Égypte, Turquie, Occupy, Hong Kong) fournissent le gros des données dont dispose Tufekci, qui n’hésite pas à aller chercher des contre-exemples à la fois contemporains – comme le mouvement conservateur du Tea Party – et plus anciens, pour mettre en relief l’intérêt des pratiques d’une part, d’autre part le renversement des chaînes d’action qui permettent les mobilisations. À ce titre, elle convoque régulièrement le mouvement pour les droits civiques comme un point de comparaison historique permettant de comprendre les ruptures en termes logistiques et organisationnels que permettent les réseaux sociaux. Elle examine les forces et les faiblesses des mouvements sociaux dans une sphère publique « connectée », à partir de cette vérité toute simple : « Une société qui repose sur l’imprimerie et une société possédant une sphère publique en ligne ne fonctionnent pas selon les mêmes écologies de mécanismes sociaux. »

    Grâce à une écriture volontairement accessible, l’ouvrage suscitera l’intérêt des chercheurs et des activistes comme des simples curieux. On y trouvera des idées fortes, dont l’expression pourra parfois sembler répétitive mais qui ont le mérite de la clarté. La première partie aborde de façon générale les technologies numériques et les mécanismes des mouvements sociaux. La deuxième, « Les outils de l’activiste », montre que la sphère publique connectée s’est transformée avec l’avènement des plateformes de médias sociaux autour de 2005. Espaces commerciaux privés, régis par des algorithmes mystérieux, avec des politiques de gouvernance spécifiques, ces plateformes tour à tour entravent et permettent la mise en contact et la communication de grands groupes de personnes.

    Tufekci examine les « affordances » des technologies numériques dans leurs caractéristiques techniques à partir de quelques cas – notamment avec la question du nom ou du pseudonymat pour certaines catégories d’activistes. Enfin, la troisième partie s’intéresse aux interactions entre mouvements et autorités et aux signaux mutuels qu’ils s’envoient au sein du rapport de force. S’intéressant aussi aux compétences développées par les régimes répressifs sur le terrain numérique, les différents chapitres font le point sur les mutations profondes qui ont affecté ces signaux ou, pour le dire autrement, ces indicateurs de puissance, au premier chef desquels la manifestation.

    C’est l’une des idées phares du livre : en tant que signal envoyé par les mouvements sociaux, la manifestation à l’ère des mouvements sociaux connectés a radicalement changé de statut. Elle n’est plus le point d’aboutissement d’une longue organisation interne, fastidieuse, et par conséquent le signe d’une capacité mobilisatrice et d’une structuration efficace du mouvement, mais au contraire le moment inaugural d’une contestation permise par le développement d’outils qui font se retrouver dans l’espace public physique – sur des places, par exemple – des individus mus par un même sentiment d’indignation.

    Tufekci explique que les outils technologiques sont aux mouvements sociaux ce que les sherpas sont aux alpinistes : si au XXIe siècle la levée de masse est au bout du clic, elle n’est plus perçue comme un signal de puissance par les autorités, comme les grandes manifestations organisées pendant de longs mois par le mouvement des droits civiques. Au moment d’attaquer le sommet – ou les puissants –, la musculature fait défaut. C’est ce que Tufekci nomme les « internalités de réseau » : si la mobilisation et la manifestation sont rendues plus faciles, le travail de structuration interne qui permet la maturation des processus de décision et surtout la capacité tactique passent à la trappe.
    Zeynep Tufekci, Twitter & les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée

    Pendant les manifestations de juin 2013 à Istanbul © CC/Mstyslav Chernov

    La question de l’organisation est centrale dans les thèses de Tufekci et permet d’expliquer la déconfiture de la plupart des mouvements une fois passée la manifestation. Elle lie cela à la fois à la culture politique de ces mouvements et aux outils dont ils disposent, qui exacerbent leurs forces – la capacité de mobilisation rapide – mais aussi leurs faiblesses. L’absence de leaders, élément caractéristique des mouvements étudiés, est à la fois une force et une faiblesse, qui les pénalise à deux moments essentiels : lors des négociations, puisque les mouvements ne sont pas reconnus dans les négociations par la partie adverse, et dès qu’il s’agit d’opérer des changements tactiques.

    Présents de longue date dans la sociologie de l’organisation (Tufekci rappelle l’article « The Tyranny of Structurlessness » de la féministe américaine Jo Freeman), ces éléments semblent toujours utiles aujourd’hui. De fait, les questions tactiques se sont posées avec acuité dans ces mouvements qui ont grandi avec les cultures anti-autoritaires de l’ère Internet. Dans son roman La ville gagne toujours (Gallimard, 2018), Omar Robert Hamilton, écrivain et révolutionnaire égyptien, met en scène des activistes aux prises avec l’espoir puis le goût amer de la défaite. La même question lancinante hante le récit : auraient-ils dû prendre Maspero, le siège de la télévision nationale ? Cela aurait-il changé le cours des choses ? À quel moment ont-ils perdu, une fois passée l’occupation de la place Tahrir ?

    Depuis 2011, les régimes ont aussi retenu la leçon : la manifestation n’est plus forcément un signal fort. Les manifestations à l’ère des réseaux sociaux peuvent être organisées en un rien de temps et être massives, mais elles sont désormais le moment inaugural d’une mobilisation collective qui peut être réprimée. Prenant en compte la contre-attaque des systèmes répressifs, à distance des événements, Twitter & les gaz lacrymogènes repolitise la question des émotions et de l’attention, déplaçant les questions d’information, de contre-information et de propagande à l’ère des réseaux sociaux. Au XXIe siècle, la véritable ressource d’un mouvement social n’est pas l’information, mais bien l’attention.

    On ne peut comprendre autrement les stratégies des autorités en matière de propagande : la surabondance d’informations, la multiplication des fausses informations, la focalisation sur tel élément au détriment d’autres, ont pour but de noyer l’attention des citoyens et surtout de briser la chaîne causale qui fait le lien entre la diffusion d’informations et la production d’une volonté et d’une capacité d’action d’abord individuelle puis collective : « Dans la sphère publique connectée, l’objectif des puissants n’est souvent pas de convaincre la population de la vérité d’un récit spécifique, ni d’empêcher une information donnée de sortir (de plus en plus difficile), mais de produire de la résignation, du cynisme et un sentiment d’impuissance au sein de la population. »

    Ce livre remarquable, déroulant ses analyses sans jamais se départir d’une tonalité joyeuse, se lit aussi comme un antidote à ces passions tristes qui empêchent d’agir. Et remet au goût du jour ce slogan de la révolution égyptienne : اليأس خيانة, « Le désespoir est une trahison ! ».

    #C&F_éditions #Zeynep_Tufekci #Mouvements_sociaux

  • What Really Doomed America’s Coronavirus Response - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/03/what-really-doomed-americas-coronavirus-response/608596

    par Zeynep Tufekci

    Many will be tempted to see the tragic coronavirus pandemic through a solely partisan lens: The Trump administration spectacularly failed in its response, by cutting funding from essential health services and research before the crisis, and later by denying its existence and its severity. Those are both true, but they don’t fully explain the current global crisis that has engulfed countries of varying political persuasions.

    As it turns out, the reality-based, science-friendly communities and information sources many of us depend on also largely failed. We had time to prepare for this pandemic at the state, local, and household level, even if the government was terribly lagging, but we squandered it because of widespread asystemic thinking: the inability to think about complex systems and their dynamics. We faltered because of our failure to consider risk in its full context, especially when dealing with coupled risk—when multiple things can go wrong together. We were hampered by our inability to think about second- and third-order effects and by our susceptibility to scientism—the false comfort of assuming that numbers and percentages give us a solid empirical basis. We failed to understand that complex systems defy simplistic reductionism.

    These pieces were neither exceptional nor exceptionally bad. In fact, they were routine examples of the common sentiment among mainstream media. There was coverage of the coronavirus, but we did not have what we desperately needed: the clear and loud warning that a tsunami was about to land on our shores, and that we needed to start getting ready, immediately. The appropriate message for a tsunami headed our way isn’t that it’s not a threat “for now” or that we should worry about falling in the tub instead. A massive reaction would not have been an overreaction at all; it would have been appropriate. If nothing else, that China’s efficient top-down regime, which highly values its own survival, was willing to take such drastic steps was a sign that the coronavirus was a profound threat.

    This complacency went on until about early March, when the severity of the crisis finally sunk in, seemingly only after Italy started suffering the same kind of crisis that had hit Wuhan months earlier.

    Many pieces with these flu comparisons usually included discussions of R0 and case-fatality rate, but numbers alone do not make science or sensible risk calculation in complex systems. We needed instead to think about these numbers and measurements in the context of the global system, including how epidemics and the health-care infrastructure work, and consider the trade-offs between resilience, efficiency, and redundancy within the system, and how the second- and third-order impacts can reverberate.

    Health systems are prone to nonlinear dynamics exactly because hospitals are resource-limited entities that necessarily strive for efficiency. Hospitals in wealthy nations have some slack built in for surge capacity, but not that much. As a result, they can treat only so many people at once, and they have particular bottlenecks for their most expensive parts, such as ventilators and ICUs. The flu season may be tragic for its victims; however, an additional, unexpected viral illness in the same season isn’t merely twice as tragic as the flu, even if it has a similar R0 or CFR: It is potentially catastrophic.

    Worse, COVID-19 wasn’t even just another flu-like illness. By January 29, it was clear that COVID-19 caused severe primary pneumonia in its victims, unlike the flu, which tends to leave patients susceptible to opportunistic, secondary pneumonia. That’s like the difference between a disease that drops you in the dangerous part of town late at night and one that does the mugging itself. COVID-19’s characteristics made it clear that the patients would need a lot of intensive, expensive resources, as severe pneumonia patients do: ICU beds, ventilators, negative-pressure rooms, critical-care nurses.

    This is why the case-fatality rate for COVID-19 was never a sufficient indicator of its threat. If emergency rooms and ICUs are overloaded from COVID-19, we will see more deaths from everything else: from traffic accidents, heart attacks, infections, seasonal influenza, falls and traumas—basically anything that requires an emergency-room response to survive. If COVID-19 causes a shortage of masks for emergency-room workers, hospitals will stop everything that looks “elective” or nonurgent to fight that fire, but that means people will then suffer and die from things that those surgeries were intended to treat or improve. An angioplasty may not be urgent that week, but it is still a lifesaving intervention without which more people will die. This is true for even seemingly optional health interventions: If people can’t get knee-replacement surgeries, for example, they will be less active, which will increase their health risks.

    The phrase flatten the curve is an example of systems thinking. It calls for isolation and distancing not because one is necessarily at great risk from COVID-19, but because we need to not overwhelm hospitals with infections in the aggregate. Also, R0 is not a fixed number: If we isolate ourselves, infectiousness decreases. If we keep traveling and congregating, it increases. Flattening the curve is a system’s response to try to avoid a cascading failure, by decreasing R0 as well as the case-fatality rate by understanding how systems work.

    #Zeynep_Tufekci #Coronavirus #Approche_systémique

  • Opinion | Why Telling People They Don’t Need Masks Backfired - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2020/03/17/opinion/coronavirus-face-masks.html

    Par Zeynep Tufekci

    Zeynep montre combien la communication de crise peut de facto se retourner contre l’intérêt général. Et qu’au contraire, dire la vérité et s’appuyer sur les comportements altruistes que les humains savent avoir quand les sociétés font face à des crises, aurait bien plus de portée que les contradiction d’une communication descendante.

    When news of a mysterious viral pneumonia linked to a market in Wuhan, China, reached the outside world in early January, one of my first reactions was to order a modest supply of masks. Just a few weeks later, there wasn’t a mask to be bought in stores, or online for a reasonable price — just widespread price gouging. Many health experts, no doubt motivated by the sensible and urgent aim of preserving the remaining masks for health care workers, started telling people that they didn’t need masks or that they wouldn’t know how to wear them.

    As the pandemic rages on, there will be many difficult messages for the public. Unfortunately, the top-down conversation around masks has become a case study in how not to communicate with the public, especially now that the traditional gatekeepers like media and health authorities have much less control. The message became counterproductive and may have encouraged even more hoarding because it seemed as though authorities were shaping the message around managing the scarcity rather than confronting the reality of the situation.

    First, many health experts, including the surgeon general of the United States, told the public simultaneously that masks weren’t necessary for protecting the general public and that health care workers needed the dwindling supply. This contradiction confuses an ordinary listener. How do these masks magically protect the wearers only and only if they work in a particular field?

    Second, there were attempts to bolster the first message, that ordinary people didn’t need masks, by telling people that masks, especially medical-grade respirator masks (such as the N95 masks), needed proper fitting and that ordinary people without such fitting wouldn’t benefit. This message was also deeply counterproductive. Many people also wash their hands wrong, but we don’t respond to that by telling them not to bother. Instead, we provide instructions; we post signs in bathrooms; we help people sing songs that time their hand-washing. Telling people they can’t possibly figure out how to wear a mask properly isn’t a winning message. Besides, when you tell people that something works only if done right, they think they will be the person who does it right, even if everyone else doesn’t.

    Third, of course masks work — maybe not perfectly and not all to the same degree, but they provide some protection. Their use has always been advised as part of the standard response to being around infected people, especially for people who may be vulnerable. World Health Organization officials wear masks during their news briefings. That was the reason I had bought a few in early January — I had been conducting research in Hong Kong, which has a lot of contact with mainland China, and expected to go back. I had studied and taught about the sociology of pandemics and knew from the SARS experience in 2003 that health officials in many high-risk Asian countries had advised wearing masks.
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    It is of course true that masks don’t work perfectly, that they don’t replace hand-washing and social distancing, and that they work better if they fit properly. And of course, surgical masks (the disposable type that surgeons wear) don’t filter out small viral particles the way medical-grade respirator masks rated N95 and above do. However, even surgical masks protect a bit more than not wearing masks at all. We know from flu research that mask-wearing can help decrease transmission rates along with frequent hand-washing and social-distancing. Now that we are facing a respirator mask shortage, the federal Centers for Disease Control and Prevention is recommending that surgical masks are “an acceptable alternative” for health care workers — again, obviously because some protection, even if imperfect, is better than none. In the face of this, publicly presenting an absolute answer — “You don’t need them” — for something that requires a qualified response just makes people trust authorities even less.

    Fourth, the W.H.O. and the C.D.C. told the public to wear masks if they were sick. However, there is increasing evidence of asymptomatic transmission, especially through younger people who have milder cases and don’t know they are sick but are still infectious. Since the W.H.O. and the C.D.C. do say that masks lessen the chances that infected people will infect others, then everyone should use masks. If the public is told that only the sick people are to wear masks, then those who do wear them will be stigmatized and people may well avoid wearing them if it screams “I’m sick.” Further, it’s very difficult to be tested for Covid-19 in the United States. How are people supposed to know for sure when to mask up?

    Fifth, places like Hong Kong and Taiwan that jumped to action early with social distancing and universal mask wearing have the pandemic under much greater control, despite having significant travel from mainland China. Hong Kong health officials credit universal mask wearing as part of the solution and recommend universal mask wearing. In fact, Taiwan responded to the coronavirus by immediately ramping up mask production.
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    Sixth, masks are an important signal that it’s not business as usual as well as an act of solidarity. Pandemics require us to change our behavior — our socialization, hygiene, work and more — collectively, and knowing our fellow citizens are on board is important for all efforts.

    Finally, providing top-down guidance with such obvious contradictions backfires exactly because lack of trust is what fuels hoarding and misinformation. It used to be said that back in the Soviet Union, if there was a line, you first got in line and then figured out what the line was for — people knew that there were going to be shortages and that the authorities often lied, so they hoarded. And when people feel as though they may not be getting the full truth from the authorities, snake-oil sellers and price gougers have an easier time.

    Given that there is indeed a mask shortage and that medical workers absolutely do need these masks more, what should the authorities have said? The full painful truth. Despite warnings from experts for decades, especially after the near miss of SARS, we still weren’t prepared for this pandemic, and we did not ramp up domestic production when we could, and now there’s a mask shortage — and that’s disastrous because our front line health care workers deserve the best protection. Besides, if they fall ill, we will all be doomed.

    If anything, a call for people who hoarded masks to donate some of them to their local medical workers would probably work better than telling people that they don’t need them or that they won’t manage to make them work. “Look, more masks would be great. We are doing our best to ramp up production. Till then, if our medical workers fall ill, we will all be worse off. Please donate any excess — maybe more than two weeks’ worth per person — to your hospital” sounds corny, but it’s the truth. Two weeks is a reasonable standard because the C.D.C. and the W.H.O. still recommend wearing masks if you’re taking care of someone with a milder illness self-isolating at home, something that will increasingly be necessary as hospitals get overwhelmed.

    Research shows that during disasters, people can show strikingly altruistic behavior, but interventions by authorities can backfire if they fuel mistrust or treat the public as an adversary rather than people who will step up if treated with respect. Given that even homemade masks may work better than no masks, wearing them might be something to direct people to do while they stay at home more, as we all should.

    We will no doubt face many challenges as the pandemic moves through our societies, and people will need to cooperate. The sooner we create the conditions under which such cooperation can bloom, the better off we all will be.

    Zeynep Tufekci (@zeynep) is an associate professor at the University of North Carolina, the author of “Twitter and Tear Gas: The Power and Fragility of Networked Protest” and a contributing opinion writer.

    #Zeynep_Tufekci #Communication_crise #Masques #Coronavirus

  • Preparing for Coronavirus to Strike the U.S. - Scientific American Blog Network
    https://blogs.scientificamerican.com/observations/preparing-for-coronavirus-to-strike-the-u-s

    par Zeynep Tufekci

    Be ready? But how? It seems to me that some people may be holding back from preparing because of their understandable dislike of associating such preparation with doomsday or “prepper” subcultures. Another possibility is that people may have learned that for many people the disease is mild, which is certainly true, so they don’t think it’s a big risk to them. Also, many doomsday scenarios advise extensive preparation for increasingly outlandish scenarios, and this may seem daunting and pointless (and it is). Others may not feel like contributing to a panic or appearing to be selfish.

    Forget all that. Preparing for the almost inevitable global spread of this virus, now dubbed COVID-19, is one of the most pro-social, altruistic things you can do in response to potential disruptions of this kind.

    That’s right, you should prepare because your neighbors need you to prepare—especially your elderly neighbors, your neighbors who work at hospitals, your neighbors with chronic illnesses, and your neighbors who may not have the means or the time to prepare because of lack of resources or time.

    Prepper and survivalist subcultures are often associated with doomsday scenarios and extreme steps: people stocking and hoarding supplies, building bunkers and preparing to go off the grid so that they may survive some untold catastrophe, brandishing weapons to guard their compound while their less prepared neighbors perish. All this appears both extreme and selfish, and, to be honest, a little nutty—just check the title of the TV series devoted to the subculture: Doomsday Preppers, implying, well, a doomsday and the few prepared individuals surviving in a war-of-all-against-all world.

    The reality is that there is little point “preparing“ for the most catastrophic scenarios some of these people envision. As a species, we live and die by our social world and our extensive infrastructure—and there is no predicting what anybody needs in the face of total catastrophe.

    In contrast, the real crisis scenarios we’re likely to encounter require cooperation and, crucially, “flattening the curve” of the crisis exactly so the more vulnerable can fare better, so that our infrastructure will be less stressed at any one time.

    The infectiousness of a virus, for example, depends on how much we encounter one another; how well we quarantine individuals who are ill; how often we wash our hands; whether those treating the ill have proper protective equipment; how healthy we are to begin with—and such factors are all under our control. After active measures were implemented, the R0 for the 2003 SARS epidemic, for example, went from around three, meaning each person infected three others, to 0.04. It was our response to SARS in 2003 that made sure the disease died out from earth, with less than a thousand victims globally.

    Similarly, how many people die of seasonal influenza (or COVID-19) depends on the kind of health care they receive. In China, death rates are much higher in the overwhelmed Hubei province than the rest of the country exactly because of the quality of the care. Hospitals only have so many beds, especially in their intensive care units, and those who have a severe case of COVID-19 often need mechanical ventilation and other intensive care procedures. When they are out of beds, people end up languishing at home and suffering and dying in much larger numbers.

    All of this means that the only path to flattening the curve for COVID-19 is community-wide isolation: the more people stay home, the fewer people will catch the disease. The fewer people who catch the disease, the better hospitals can help those who do. Crowding at hospitals doesn’t just threaten those with COVID-19; if emergency rooms are overwhelmed, more flu patients, too, will die because of lack of treatment, for example.

    As a society, there are much larger conversations to be had: about the way our health care industry runs, for example. How to handle global risks in our increasingly interconnected world. How to build resilient communities. How to reduce travel for work.

    Those are all important discussions, and nothing in this short article replaces that. However, the practical steps facing households are immediate and important; for the sake of everyone else, prepare to stay home for a few weeks. You’ll reduce your own risks, but most importantly, you will reduce the burden on health care and delivery infrastructure and allow frontline workers to reach and help the most vulnerable.

    #Zeynep_Tufekci #Coronavirus #Prepper_culture #Collaptionisme #Quarantaine

  • Coronavirus and the Blindness of Authoritarianism - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/technology/archive/2020/02/coronavirus-and-blindness-authoritarianism/606922

    par Zeynep Tufekci

    Authoritarian blindness is a perennial problem, especially in large countries like China with centralized, top-down administration. Indeed, Xi would not even be the first Chinese ruler to fall victim to the totality of his own power. On August 4, 1958, buoyed by reports pouring in from around the country of record grain, rice, and peanut production, an exuberant Chairman Mao Zedong wondered how to get rid of the excess, and advised people to eat “five meals a day.” Many did, gorging themselves in the new regime canteens and even dumping massive amounts of “leftovers” down gutters and toilets. Export agreements were made to send tons of food abroad in return for machinery or currency. Just months later, perhaps the greatest famine in recorded history began, in which tens of millions would die because, in fact, there was no such surplus. Quite the opposite: The misguided agricultural policies of the Great Leap Forward had caused a collapse in food production. Yet instead of reporting the massive failures, the apparatchiks in various provinces had engaged in competitive exaggeration, reporting ever-increasing surpluses both because they were afraid of reporting bad news and because they wanted to please their superiors.

    Mao didn’t know famine was at hand, because he had set up a system that ensured he would hear lies.

    Smart rulers have tried to create workarounds to avoid this authoritarian dilemma. Dynastic China, for example, had institutionalized mechanisms to petition the emperor: a right that was theoretically granted to everyone, including the lowest farmers and the poorest city dwellers. This system was intended to check corruption in provinces and uncover problems, but in practice, it was limited in many ways, filtered through courtiers to a single emperor, who could listen to only so many in a day. Many rulers also cultivated their own independent sources of information in far-flung provinces.

    Thanks to technology, there is a much more robust option for authoritarians in the 21st century: big-data analytics in a digital public sphere. For a few years, it appeared that China had found a way to be responsive to its citizens without giving them political power. Researchers have shown, for example, that posts on Weibo (China’s Twitter) complaining about problems in governance or corruption weren’t all censored. Many were allowed to stay up, allowing crucial information to trickle up to authorities. For example, viral posts about forced demolitions (a common occurrence in China) or medical mistreatment led to authorities sacking the officials involved, or to victim compensation that would otherwise not have occurred. A corrupt official was even removed from office after outraged netizens on social media pointed out the expensive watches he wore, which were impossible to buy on his government salary.

    The public sphere in China during those years wasn’t a free-for-all, to be sure. One couldn’t call for collective action or for deposing the central government. But social media gave citizens a voice and a way to make an impact, and it served as an early-warning system for party leaders. (The only other topic that seemed to be off-limits was the censors themselves—researchers found that they eagerly zapped complaints directed at them.)

    Unlike books, though, apps can spy on people.

    One hundred million or so people in China have been, ahem, persuaded to download a party-propaganda app named “Study Xi, Strong Nation,” which makes users watch inculcation videos and take quizzes in a gamified, points-based system. It also allegedly gives the government access to the complete contents of users’ phones. It almost doesn’t matter whether the app contains such backdoor access or not: Reasonable people will act as if it does and be wary in all of their communications. Xi has also expanded China’s system of cameras linked to facial-recognition databases, which may someday be able to identify people everywhere they go. Again, the actual workings of the system are secondary to their chilling effects: For ordinary people, the safe assumption is that if they are in the wrong place at the wrong time, the authorities will know.

    An earlier hint that Xi’s China was falling into authoritarian blindness came during the ongoing Hong Kong protests. The demonstrations had started over a minor demand—the withdrawal of an extradition bill of little strategic importance to Beijing. Protest is the traditional way that Hong Kongers, who do not have full voting rights, express discontent. But this time the Beijing insiders miscalculated. They genuinely believed that the real cause for the Hong Kong unrest was the high rents on the densely populated island, and also thought that the people did not support the protesters. Authoritarian blindness had turned an easily solvable problem into a bigger, durable crisis that exacted a much heavier political toll, a pattern that would repeat itself after a mysterious strain of pneumonia emerged in a Wuhan seafood market.

    In early December, a strange cluster of patients from a local seafood market, which also sold wildlife for consumption, started showing up in Wuhan hospitals. These initial patients developed a fever and pneumonia that did not seem to be caused by any known viruses. Given the SARS experience of 2003, local doctors were quickly alarmed. With any such novel virus, medical providers are keen to know how it spreads: If the virus is unable to spread from human to human, it’s a tragedy, but a local one, and for only a few people. If it can sustainably spread from human to human, as was the case with SARS, it could turn into a global pandemic, with potentially massive numbers of victims.

    Given exponential growth dynamics of infectious diseases, containing an epidemic is straightforward early on, but nearly impossible once a disease spreads among a population. So it’s maximally important to identify and quarantine candidate cases as early as possible, and that means leadership must have access to accurate information.

    Before the month of December was out, the hospitals in Wuhan knew that the coronavirus was spreading among humans. Medical workers who had treated the sick but never visited the seafood market were falling ill. On December 30, a group of doctors attempted to alert the public, saying that seven patients were in isolation due to a SARS-like disease. On the same day, an official document admitting both a link to the seafood market and a new disease was leaked online. On December 31, facing swirling rumors, the Wuhan government made its first official announcement, confirming 27 cases but, crucially, denying human-to-human transmission. Teams in hazmat suits were finally sent to close down the seafood market, though without explaining much to the befuddled, scared vendors. On January 1, police said they had punished eight medical workers for “rumors,” including a doctor named Li Wenliang, who was among the initial group of whistleblowers.

    While the unsuspecting population of Wuhan, a city of 11 million, went about its business, the local government did not update the number of infected people from January 5 to January 10. But the signs of sustained human-to-human transmission grew. Emergency wards were filling up, not just with people who had been to the seafood market, but with their family members as well. On January 6, Li noticed an infection in the scan of a fellow doctor, but officials at the hospital “ordered him not to disclose any information to the public or the media.” On January 7, another infected person was operated on, spreading the disease to 14 more medical workers.

    It’s not clear why Xi let things spin so far out of control. It might be that he brushed aside concerns from his aides until it was too late, but a stronger possibility is that he did not know the crucial details. Hubei authorities may have lied, not just to the public but also upward—to the central government. Just as Mao didn’t know about the massive crop failures, Xi may not have known that a novel coronavirus with sustained human-to-human transmission was brewing into a global pandemic until too late.

    It’s nearly impossible to gather direct evidence from such a secretive state, but consider the strong, divergent actions before and after January 20—within one day, Hubei officials went from almost complete cover-up and business as usual to shutting down a whole city.

    #Zeynep_Tufekci #Coronavirus #Xi_Jinping #Autoritarisme #Information #Alerte

  • Le possible d’un monde sans inégalités et sans injustices | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2020/02/12/le-possible-dun-monde-sans-inegalites-et-sans-injustice

    Profitant de la parution récente du livre « Twitter & les gaz lacrymogènes », cette année, C&F propose un petit livre numérique autour de Zeynep Tufekci, intitulé « Le monde révolté : Zeynep Tufekci, une sociologue engagée », ce livre contient :

    un texte autobiographique très émouvant de Zeynep Tufekci à propos de sa grand-mère, dont elle parle dans le livre ;

    un texte de Gustave Massiah qui commence par sa propre lecture du livre pour s’étendre sur les questions soulevées pour les mouvements sociaux connectés à la lueur de son expérience et de son engagement.

    Ce livre numérique est disponible gratuitement sur le site :

    https://cfeditions.com/monde-revolte

    Sans (re)faire) une analyse du livre ou du texte de Gus Massiah, je souligne quelques éléments pour inciter à lire ce petit livre gratuit ainsi que le livre paru en 2019.

    #Zeynep_Tufekci #Gustave_Massiah

  • La révolte à l’ère du numérique : nouvelle efficacité, nouvelles faiblesses
    https://reporterre.net/La-revolte-a-l-ere-du-numerique-nouvelle-efficacite-nouvelles-faiblesses

    par Gustave Massiah

    Dans « Twitter et les gaz lacrymogènes », Zeynep Tufekci analyse de manière remarquable la nouvelle génération de mouvements sociaux marqués par l’ère numérique. Si les réseaux sociaux accélèrent les mobilisations, l’espace public numérique dépend des monopoles de l’économie du web.

    Pour Zeynep Tufekci, l’espace public connecté modifie la sociabilité des mouvements sociaux et leurs formes de mobilisation. La connectivité numérique permet de partager des liens faibles contrairement à la culture politique qui organisait des liens forts, souvent exclusifs — ce qui est nouveau et considérable. Internet connecte presque toutes les régions de la planète, des ordinateurs sont dans toutes les poches, les algorithmes influencent les décisions dans toutes les sphères de la vie.

    L’idée de fonctionner sans organisation formelle, sans leader, sans infrastructures importantes, remonte aux années 1960. Les mouvements sans leader n’ont pas de porte-parole désigné, pas de leader élu ou institutionnel. Ils courent moins le risque d’être décapités par l’arrestation, la cooptation ou la corruption d’une poignée de chefs. L’absence de structures décisionnelles conduit cependant à ce que Zeynep Tufekci nomme « une paralysie tactique ». Elle cite ainsi « La tyrannie de l’absence de structure », un article de la militante féministe Jo Freeman, écrit en 1970. Cette absence rend difficile le règlement des désaccords et la capacité de négocier.

    #Zeynep_Tufekci #Gustave_Massiah #Mouvements_sociaux #C&F_éditions

    • Le livre a l’air bien. Sur le même sujet, j’en profite pour reposter cet article qui était déjà mauvais il y a dix ans, avec Lincoln et Obama présentés comme des modèles démocratiques.

      Démocratie & Internet à l’ère du numérique - Revue Critique d’Ecologie Politique
      http://ecorev.org/spip.php?article854

      De même, alors que dans son roman 1984
      Orwell critique le communisme de 1948 qui
      n’a nul besoin de l’internet pour contrôler la
      population, il est étonnant de voir revenir sans
      cesse l’argument selon lequel l’informatique
      permettrait « l’Orwellisation » de la société [2] ;
      d’autant que les technologies de surveillance
      peuvent au contraire alléger la surveillance
      effective et les forces de répression en étant
      détournées [3].

      Dans la ligne de la conclusion de L’immatériel,
      nous postulons avec André Gorz que l’informatique
      est une « technique ouverte », un « outil
      convivial » (Illich), profitable à une écologie
      définie comme « homéotechnique » (Sloterdijk).
      A nous de nous focaliser sur l’essentiel : défendre notre liberté. En permanence à
      reconquérir, elle est le fruit de l’aptitude des
      humains à redéfinir l’autonomie et à mettre en
      œuvre la démocratie dans un contexte social
      et technologique donné. De ce point de vue,
      l’internet renferme un extraordinaire potentiel
      d’expression des droits civiques et de communication
      des valeurs humaines (Manuel
      Castells).

      Internet c’est en effet la parole donnée à
      chacun sans exclusive et quel que soit son
      handicap, y compris celui d’appartenir à
      une classe sociale défavorisée. Wikipédia en
      est un exemple édifiant. La diffusion du
      savoir et des connaissances n’est pas conditionnée
      par le statut social de l’individu mais
      par le contenu même de sa production.
      L’évaluation des diplômes ne vient pas court-circuiter
      sa participation. Pour autant il n’y
      est pas produit n’importe quoi, grâce au
      développement d’une vigilance critique qui
      en régule le contenu.

      « Face aux questions et métriques que
      produisent les pratiques sur l’internet,
      l’autorégulation et la critique constructive
      des internautes eux-mêmes sont peut-être les
      réponses les plus intéressantes au défi qui est
      lancé en terme de démocratie. » (Hubert
      Guillaud)

      Internet c’est ainsi l’intelligence collective au
      bénéficie de tou-te-s et la possibilité d’un
      travail collaboratif qui permet à des
      individus isolés d’entrer en contact, de se
      mobiliser et de participer à des actions
      collectives, comme ce fut le cas à Seattle
      avec la coordination internationale des altermondialistes
      via la toile, ou encore pour la
      mobilisation des malades du Sida à l’échelle
      mondiale.

      Les outils de diffusion de cette intelligence
      collective sont d’ores et déjà opérationnels.

      Toujours dans cette idée de diffusion
      démocratique, la télémédecine et le téléenseignement,
      pratiques encore trop peu
      développées principalement par manque de
      volonté politique, pourraient dès aujourd’hui
      améliorer grandement la qualité de l’accès
      aux soins et aux savoirs.

      L’Internet est une agora planétaire qui met à
      mal les hiérarchies des ordres anciens distinguant
      auteurs et lecteurs, experts et profanes.
      la mise en lien via ce réseau permet la
      construction d’une intelligence collective de
      manière horizontale : une construction qui
      parie sur la confiance et l’expertise des
      individus et se fonde sur l’interactivité entre
      citoyens et citoyennes responsables.
      Le partage, maître mot du réseau comme de
      la démocratie, est inscrit dans l’histoire de la
      toile.

      C’est à ces usages que peut s’adosser l’écologie-
      politique, et permettre enfin une façon
      plus écologique de faire de la politique,
      grâce à une démocratie des minorités ancrée
      dans le local, et le face à face, à l’opposé de
      toute dictature majoritaire, pouvant constituer
      à terme une véritable démocratie cognitive
      en interaction entre agir local et pensée
      globale (Jean Zin).

      Je sais pas comment ils ont fait pour faire du retour-chariot dans tout le texte...

  • Conseils de lecture pour un hiver militant | Mais où va le Web
    http://maisouvaleweb.fr/conseil-de-lecture

    Twitter et les gaz lacrymogènes, de Zeynep Tufecki, chez C&F Editions

    Comment internet et les réseaux sociaux impactent-ils les mouvements de contestations au XXIème siècle ? Dans son ouvrage Twitter et les gaz lacrymogènes, la « techno-sociologue » Zeynep Tufekci répond tout en nuance à cette question, alliant son expérience militante personnelle à une solide analyse de terrain. Son constat révèle qu’internet permet des mobilisations fulgurantes et massives, mais peine à donner suite aux revendications des militants, qui s’épuisent dans l’horizontalité du réseau. Zeynep Tufekci dresse une analyse détaillée de différents mouvements sociaux, des « Révolutions arabes » à Occupy Wall street, en passant par le mouvement des Gilets Jaunes. Ceux-ci partagent une caractéristique commune : ils doivent beaucoup à internet et à la puissance des réseaux sociaux. Cependant, aucun d’entre eux n’a réellement réussi à déboucher sur une organisation politique plus aboutie. Très vite, ces mouvements font face à ce que la chercheuse nomme une « paralysie tactique », et s’illustrent par leur incapacité à transformer leurs revendications au niveau politique. Cela est notamment dû à la nature même de ces mouvements qui favorisent l’horizontalité et souffrent parfois de l’absence de leaders. Par ailleurs, la capacité à se connecter si facilement en ligne se fait parfois au détriment des liens physiques. Schématiquement, avant l’avènement de l’internet, il fallait des mois pour organiser un rassemblement. Aujourd’hui, un hashtag peut suffire. Cependant, ce travail de préparation, certes pénible, qui précédait les mobilisations avait l’avantage d’habituer les participants « au processus de décision collective et en contribuant à créer la résilience nécessaire à tout mouvement qui veut survivre et prospérer sur le long terme. De la même manière, l’acquisition des techniques d’alpinisme par des ascensions préalables permet aux grimpeurs de renforcer leurs capacités de survie dans les moments critiques, quasiment inévitables, où quelque chose ne passe pas comme prévu. » Twitter et les gaz lacrymogène est de loin l’analyse la plus pertinente que j’aie pu lire cette année sur les impacts réels du numérique en démocratie.

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions

  • Analyse des printemps de la contestation | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/12/07/analyse-des-printemps-de-la-contestation

    par Nicolas Beniès

    Zeynep Tufekci, professeur à l’université de Caroline du Nord, propose dans « Twitter & les gaz lacrymogènes, forces et fragilités de la contestation connectée », d’analyser ces nouvelles formes de résistance et de mobilisation. Elle emmêle récits des révoltes et outils technologiques faisant sienne la réflexion que « les technologies ne sont ni bonnes ni mauvaises, ni neutres non plus », elles structurent pourtant et en partie la manière de prendre conscience. Un mouvement dialectique d’appropriation de ces technologies qui se sont imposées dans nos vies de tous les jours sans savoir de quoi sont constitués les algorithmes, s’effectue. Elles ont servi en Tunisie d’abord pour être utilisées par Trump dans sa campagne pour en faire une usine de « fake news » suscitant de nouvelles créations pour lutter contre cette invasion. L’adaptation est permanente de chaque côté des barricades, des murs qui ne sont pas seulement virtuels.

    Ces outils, dit-elle dans l’épilogue, doivent être vus dans le mouvement, un processus d’« ascension incertaine ». Tufekci invite à continuer de marcher en se posant des questions qu’il faudra résoudre pour continuer à marcher. Il ne s’agit plus seulement d’utilisation des technologies de l’information mais d’un contexte différent qui oblige à s’interroger sur une autre dimension de notre monde, un projet alternatif au capitalisme.

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions #Nicolas_Beniès

  • Les réseaux sociaux, outils de révolte à double tranchant | la revue des médias
    https://larevuedesmedias.ina.fr/les-reseaux-sociaux-outils-de-revolte-double-tranchant

    par Nikos Smyrnaios

    Les technologies numériques jouent également un rôle central dans toutes ces révoltes, pour alerter et informer l’opinion, dénoncer les violences policières, coordonner les actions et formuler les revendications. Mais l’idée de nommer ces mouvements par les services et les outils de communication qu’ils utilisent n’est venue à personne. Le qualificatif « révolution WhatsApp » n’est pas à l’ordre du jour, tant désormais les mouvements sociaux sont indissociables de leurs adjuvants numériques.

    Le livre de Zeynep Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes(1), tout juste traduit en français (C&F, 2019), se révèle important pour faire le point sur la question. La chercheuse turco-américaine et professeure à l’université de Caroline du Nord est en effet très bien placée pour retracer le processus par lequel nous en sommes arrivés là. D’abord programmeuse en informatique, elle a ensuite bifurqué vers les sciences sociales et s’est spécialisée dans les rapports entre technologie et politique. Des Zapatistas à Occupy Wall Street en passant par les « indignés » européens, la place Tahrir du Caire ou le parc Gezi à Istanbul, la sociologue a arpenté le monde sur les traces des mouvements sociaux de la décennie.

    Autre différence notable des mouvements sociaux « connectés », que la chercheuse appelle le principe d’adhocratie : la division du travail, la répartition des rôles, mais aussi la prise des décisions ne sont pas faites sur la base d’un organigramme hiérarchique, avec des procédures préétablies et des leaders élus. Elles se fondent sur une logique ad hoc, à partir de la disponibilité ponctuelle des membres du mouvement et leur volonté exprimée et coordonnée en temps réel par le biais des réseaux socio-numériques. Là aussi, les « gilets jaunes » avec leur refus de représentation, leur horizontalisme assumé et leurs procédures de décision par des votes sur Facebook constituent un exemple typique de ce genre de mouvement.

    Ce qui fait la force de ces mouvements (spontanéité, horizontalité rhizomatique, imprévisibilité) constitue en même temps leur faiblesse, souligne Zeynep Tufekci. En effet, pouvoir enclencher rapidement des manifestations massives permet à ces mouvements de contourner les difficultés organisationnelles afférentes, mais dans le même temps, les prive de la longue expérience nécessaire à la mise en place de processus de décision robustes et de la capacité à répondre à la répression par des changements tactiques.

    Ce que Zeynep Tufekci appelle le « gel tactique » est l’impasse dans laquelle s’enferment des mouvements qui ne savent faire qu’une chose : manifester leur colère dans la rue sans pouvoir ni modifier leurs modes d’action, ni traduire cette mobilisation en demandes concrètes et en pression politique susceptible de pousser le pouvoir à changer de méthode ou de politique, voire de le remplacer par un autre. Par ailleurs, le manque de structures pouvant produire des représentants légitimes aboutit à une représentation de facto par les personnes les plus visibles et les plus populaires sur les réseaux socio-numériques. On pense là aussi à des personnalités du mouvement des « gilets jaunes » comme Éric Drouet, Maxime Nicolle ou Priscillia Ludosky, qui se sont notamment fait connaître par leur activité d’administration de pages Facebook à grande audience.

    S’appuyer sur l’internet pour informer l’opinion et coordonner ses actions s’avère une tactique efficace, tant que les logiques internes (technologiques et économiques) des puissants acteurs de l’internet favorisent de telles actions. Mais cette dépendance oblige les mouvements à se conformer aux « affordances » des plateformes (ce qui est possible techniquement de faire en leur sein et les méthodes qu’il faut adopter pour accroître son bénéfice). Par exemple, le récent changement de l’algorithme de Facebook a pu inciter les « gilets jaunes » à multiplier les vidéos live pour diffuser avec le plus d’impact possible des images alternatives à celles diffusées par les médias — contribuant d’ailleurs ainsi, par leur travail gratuit, à augmenter la fortune de Mark Zuckerberg(2). D’autre part, la dépendance des mouvements sociaux envers les acteurs monopolistiques de l’internet les expose au risque d’une censure pure et simple. Ainsi, ces derniers mois, nous avons vu Facebook censurer sans explication des nombreuses pages militantes, comme l’a démontré Mediacités.

    L’ouvrage de Zeynep Tufekci propose donc une vision intéressante de ce nouvel espace public numérique dans lequel émergent les mouvements sociaux « connectés »

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions #Revue_médias #Nikos_Smyrnaios

  • Nous avançons en nous interrogeant | Entre les lignes entre les mots
    https://entreleslignesentrelesmots.blog/2019/10/24/nous-avancons-en-nous-interrogeant

    Par Didier Epsztajn

    le livre de Zeynep Tufekci est un formidable récit des récentes mobilisations et soulèvements populaires dans certains pays ou régions du monde. « Les thèses que je développe dans ce livre sont l’aboutissement d’un vécu et d’une étude dans la durée des mobilisations contestataires et des technologies sur lesquelles s’appuient ces mobilisations – un cheminement fait d’observation et de réflexion en ma qualité de chercheuse, de technologue et de participante ». Le souffle de ces tempêtes emportera la lectrice et le lecteur de certains lieux d’émancipation à d’autres lieux d’émancipation.

    C’est aussi une remarquable analyse de l’utilisation des nouveaux outils de communication, de ce qu’ils permettent et de leurs limites, des usages de l’information et de la censure par les Etats, de nouvelles questions stratégiques posées aux luttes sociales.

    Enfin, outre l’humour de l’autrice et sa qualité d’écriture (il faut aussi probablement associer la traductrice), je souligne la construction qui vous happe, ne vous laisse pas en repos. Un livre que vous aurez bien du mal à refermer avant d’en avoir épuisé la lecture, malgré ces gaz lacrymogènes qui visent à entraver la contestation…

    « Ce livre est un récit de fragilité et d’émancipation, de participation de masse et de rébellion, le tout sur fond politique de méfiance, d’échec des élites et d’affaiblissement des institutions de la démocratie représentative ».

    Zeynep Tufekci parle, entre autres, de l’arsenal des actions contestataires, des « signaux de capacités », de masse critique, des écueils de l’organisation politique, de prise décisions collectives, des difficultés en matière de matière de choix tactiques, de l’incapacité à se maintenir et de s’organiser sur le long terme, de point de départ, de ressemblance entre mobilisations à travers le monde, d’autogestion, de gaz lacrymogènes et d’interventions policières, de mouvements anti-autoritaires, de trajectoires et de dynamiques, de l’importance des technologiques numériques, des formes de contestation et de leurs évolutions, de la fragile puissance de ces nouveaux mouvements…

    L’autrice poursuit avec une présentation des « protestations connectées du XXIe siècle », la combinaison des forces et des faiblesses, les nouvelles trajectoires, les compétences acquises au travers des modes anciens d’organisation, les obstacles et la difficulté de les gérer par les seules connections, « La participation ouverte facilitée parles réseaux sociaux n’est pas toujours synonyme de participation égalitaire, et elle n’implique certainement pas un processus fluide »

    Zeynep Tufekci revient sur Johannes Gutenberg, la révolution de l’imprimerie et le premier marché de masse – celui des indulgences -, la diffusion des pamphlets, les thèses de Martin Luther, le rôle des presses typographiques. Elle discute, entre autres, des techniques, des relations complexes et parfois contradictoires « des différents effets des technologies numériques », des désinformations et des nouvelles frauduleuses, des fonctionnalités ciblantes

    Un livre à lire et à offrir pour cette fin d’année sous les répressions et les guerres, pour alimenter les sources d’espérance à la chaleur de mobilisations à travers le monde, de résistances aux politiques néolibérales, aux gaz lacrymogènes ou aux algorithmes…

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions

  • À propos du livre de Zeynep Tufekci "Twitter & les gaz lacrymogènes"

    Bonjour,

    En ce 5 décembre, alors que la France se couvre de manifestations, c’est un bon moment pour revenir sur le livre de Zeynep Tufekci "Twitter & les gaz lacrymogènes".

    Dans ce livre très incisif, l’activiste, informaticienne et sociologue Zeynep Tufekci décortique les mouvements sociaux connectés. En quoi et comment les médias sociaux changent l’activité militante et les mouvements de masse en leur offrant écho et outil de coordination, d’un côté. En quoi la concentration et le caractère privé des médias sociaux et de leurs algorithmes peuvent détourner l’attention des causes défendues par les mouvements, de l’autre.

    Après avoir reçu un très bon accueil aux États-Unis, les premières lectures et recensions de ce livre majeur commencent à paraître en France :

    – « Mobilisation connectée : aller au-delà du coup d’éclat »
    par Sandrine Samii dans Le nouveau Magazine Littéraire.
    https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/soci%C3%A9t%C3%A9-nouvelles-technologies/mobilisation-connect%C3%A9e-aller-au-del%C3%A0-du-coup-

    – « Fiche de lecture : Twitter & les gaz lacrymogènes »
    par Stéphane Bortzmeyer sur son blog.
    https://www.bortzmeyer.org/twitter-gaz-lacrymos.html

    – « Zeynep Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée »
    par Matthieu Demory dans "Lectures/Lien Socio".
    https://journals.openedition.org/lectures/38417

    Au delà d’un compte rendu critique, la recension de Gustave Massiah, militant altermondialiste, membre du Secrétariat international du Forum Social Mondial, et infatigable activiste de la solidarité internationale dans de nombreuses associations, mérite une attention particulière.

    Gus Massiah, au delà d’une recension du contenu du livre s’est livré à un exercice dynamique : quelles leçons tirer de cet ouvrage qui puisse servir les mouvements sociaux connectés du XXIe siècle. Une version raccourcie de ce papier sera publiée dans la revue Ecorev au début de 2020. Nous avons ajouté une version pdf à télécharger de son article complet sur notre site :
    https://cfeditions.com/lacrymo

    Car au fond, l’intérêt d’un livre, c’est que chacun·e puisse poursuivre la réflexion entamée. C’est pour cela que, depuis la naissance de l’imprimerie, les livres ont accompagné tous les mouvements d’émancipation.

    En ce premier jour d’un mouvement social en France, je voudrais termioner en citant la conclusion de l’article de Sandrine Samii dans Le Nouveau Magazine Littéraire :

    « Publié en 2017 chez Yale University Press, l’essai n’aborde pas l’évolution hong-kongaise, les marches féministes, ou les mouvements français comme Nuit debout et les gilets jaunes. La pertinence de la grille de lecture qu’il développe pour analyser les grands mouvements connectés actuels en est d’autant plus impressionnante. »

    Bonne lecture,

    Hervé Le Crosnier

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions

  • Zeynep Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée
    https://journals.openedition.org/lectures/38417

    La revue Lectures/Liens Socio" est un outil collectif pour les sociologues, recensant la majeure partie des ouvrages de sociologie.

    Lecture par Matthieu Demory

    Depuis près d’une décennie, avec le déploiement massif des outils numériques, les mouvements sociaux contestataires prennent des formes diverses et inédites. Toutefois, les usages de Facebook, Twitter et bien d’autres réseaux sociaux n’en constituent pas uniquement des facilitateurs et ne résolvent pas tous les problèmes que les dissidents politiques rencontrent pendant leurs mobilisations. Une problématique sociale complexe que Zeynep Tufekci, activiste et professeure à l’Université de Caroline du Nord, met en lumière dans son ouvrage1. Cette ancienne programmeuse informatique qui se revendique comme techno-sociologue examine avec finesse les mutations que subissent les revendications collectives à l’ère des technologies numériques sans pour autant leur accorder un statut exclusivement bénéfique.

    Pour ce faire Zeynep Tufecki mobilise un spectre très large des sciences sociales. De la sociologie aux considérations historiques et politiques, en passant par une anthropologie fine des mobilisations contestataires, cet ouvrage présente une richesse de réflexions scientifiques, et ce, toujours à l’appui d’un fort empirisme. Le travail proposé repose sur de multiples méthodes : des expériences personnelles, des observations participantes, des entretiens avec des activistes, des analyses quantitatives de bases de données ainsi que des observations ethnographiques de comportements en ligne. Les enquêtes empiriques ont été menées en Égypte, aux États-Unis, au Liban, au Qatar, en Tunisie et en Turquie. A cela s’ajoutent des éléments de connaissance sur le mouvement des droits civiques aux États-Unis, le mouvement des parapluies à Hong Kong, les mouvements Podemos en Espagne et Syriza en Grèce. Et même si les réflexions reposent essentiellement sur des revendications antiautoritaires de gauche, Zeynep Tufekci s’attache à les comparer à d’autres formes de contestations, conservatrices notamment, tel que le mouvement du « Tea Party » aux États-Unis. Quand bien même, à la lecture, le parti pris de l’auteure semble évident, celui-ci n’entache à aucun moment l’objectivité des propos. L’enquête empirique est systématiquement mise en relation avec des théories et des données secondaires, assurant alors la justesse des analyses. En somme, cette production scientifique apporte des éléments de connaissance très riches. Il s’agit là d’un travail de qualité, original, qui plus est accessible aux candides des mouvements sociaux.

    La première partie de l’ouvrage intitulée « L’émergence d’un mouvement » se divise en quatre chapitres mettant en exergue les caractéristiques saillantes de la reconfiguration des contestations collectives au regard des réseaux sociaux et de leurs usages.

    L’auteure consacre la deuxième partie de son ouvrage, titrée « Les outils de l’activiste », à un examen des réseaux sociaux et de leurs fonctionnements.

    La troisième et dernière partie de cet ouvrage ; « Par-delà les manifestations », examine les rapports entre dissidents et gouvernements autoritaires, à l’aune des signaux mutuels que se transmettent les uns et les autres.

    « La technologie n’est ni bonne ni mauvaise ; et n’est pas neutre non plus »3 nous rappelle l’auteure dans l’épilogue. Il s’agit là d’une réflexion valable pour l’ensemble de l’ouvrage qui, en dialoguant systématiquement entre théorie et empirie, insiste sur la complexité des relations entre mouvements collectifs et réseaux sociaux. Ces contestations connectées profitent de nouvelles forces autant qu’elles souffrent de fragilités inédites. La diffusion d’information, le gain d’attention et la fédération d’individus éloignés géographiquement, culturellement ou même socialement, sont des éléments bénéfiques pour les mobilisations collectives. En revanche, parallèlement à une organisation fragile des mouvements, les médias sociaux, appropriés ou délégitimés par les gouvernements autoritaires, entrainent des formes nouvelles de censure et de contrôle des populations.

    #Zeynep_Tufekci #Liens_socio #Médias_sociaux #Mouvements_sociaux

  • Mobilisation connectée : aller au-delà du coup d’éclat | www.nouveau-magazine-litteraire.com
    https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/soci%C3%A9t%C3%A9-nouvelles-technologies/mobilisation-connect%C3%A9e-aller-au-del%C3%A0-du-coup-

    Publié avant l’émergence des gilets jaunes, Twitter et les gaz lacrymogènes (C&F éditions) de Zeynep Tufekci n’en reste pas moins pertinent pour comprendre les mécaniques de ce mouvement, nouvel exemple d’une manifestation connectée. Si les réseaux sociaux facilitent la mobilisation, ils ne préparent pas à la maintenir.

    Par Sandrine Samii

    Elle explique : « Des moments et des activités en apparence similaires – occupations ou grandes manifestations – n’occupent pas la même place dans les trajectoires des mouvements connectés et dans les trajectoires des mouvements organisés selon des modèles traditionnels et sans outils numériques. » Ainsi, les anciens indicateurs, comme le nombre de personnes rassemblées, ne suffisent plus à comprendre les mouvements connectés. Auparavant, un mouvement s’organisait puis manifestait, aujourd’hui, un mouvement se découvre lors d’une mobilisation et doit ensuite faire le travail de s’organiser. Une mobilisation nombreuse rend visible un mécontentement, mais elle ne dit pas nécessairement que ceux qui le ressentent forment un groupe disposé et en mesure de militer pour y remédier.

    Pour attirer rapidement l’attention sur leurs actions, les activistes de tous bords ont trouvés des alliés insoupçonnés mais aussi imprévisibles dans les plateformes des réseaux sociaux. En effet, ces plateformes captent l’attention dans le but de la monétiser, leur objectif est uniquement de garder les internautes sur le site. Les modèles commerciaux des plateformes en ligne ne sont donc pas neutres dans la diffusion ou non de certaines actions militantes. « [Ces plateformes] ont le pouvoir de déterminer les gagnants et les perdants de la course à l’attention du public, en modifiant légèrement leurs politiques et leurs algorithmes. » Ils peuvent influencer la trajectoire d’un mouvement social : en supprimant automatiquement des contenus (1), ou en favorisant des espaces ou types de discours.

    Les mouvements Occupy Wall Street, du parc Gezi à Istanbul, et maintenant des gilets jaunes, ont démarré sur les chapeaux de roues avec des tactiques innovantes, un succès fulgurant et inattendu. Ils partagent également le fait de ne pas avoir voulu ou réussi à faire évoluer leurs tactiques au delà de leur coup d’éclat initial. Pour reprendre l’analogie du mouvement des droits civiques, celui-ci n’était qu’innovation tactique – boycott des bus de Montgomery, sit-ins dans des lieux publics ségrégés, freedom rides à travers plusieurs État, manifestations, campagnes d’inscriptions électorales… – faisant la preuve de capacité organisationnelle importante et d’une résilience implacable.

    Sans moyen de prendre des décisions, de gérer les désaccords, et dans une défiance face aux solutions électorales ou institutionnelles, continuer à manifester peut finir par constituer une fin en soi, une parenthèse de solidarité et d’affirmation de soi précieuse, malgré la répression, même violente. Tufekci écrit : « la tactique qui a initialement réuni ces personnes est réutilisée à de multiples reprises, parce qu’elle permet de reproduire cette affirmation d’un choix de vie et de retrouver le seul moment de véritable consensus : ce tout premier moment où ils se sont rassemblés autour d’un slogan, d’une revendication ou d’une tactique. » Revenir constamment à cette part du militantisme est attractive mais peut aussi miner le mouvement.

    Publié en 2017 chez Yale University Press, l’essai n’aborde pas l’évolution hong-kongaise, les marches féministes, ou les mouvements français comme Nuit debout et les gilets jaunes. La pertinence de la grille de lecture qu’il developpe pour analyser les grands mouvements connectés actuels en est d’autant plus impressionnante. Se concentrant sur les mouvements orientés à gauche, il montre un mouvement de contestation global, où des motifs similaires sont repris par adaptation tactique ou par solidarité d’un pays à l’autre.

    #Zeynep_Tufekci #Mouvements_connectés #C&F_éditions

  • Hong Kong Protests: Inside the Chaos - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/international/archive/2019/11/escalating-violence-hong-kong-protests/601804

    Par Zeynep Tufekci

    I chatted with two young women, of the many thousands of people who had shown up, right before the police teargassed the park and arrested many of the candidates, beating them up in the process.

    One of the women who chatted with me had baby-blue drawings of stars and the moon on her fingernails. The other had a fashionable hat that matched the color of her surgical mask, her animated eyes shining in the small opening between them. They didn’t have helmets or goggles, and weren’t carrying backpacks with such gear.

    Aren’t you afraid? I asked, gingerly. “We are afraid,” they quickly admitted. They even giggled, but it got serious quickly. This is our last chance, they said very matter-of-factly. If we stand down, nothing will stand between us and mainland China, they said. They talked about Xinjiang, and what China had done to the Uighur minority. I’ve heard about the fate of the Uighurs from so many protesters over the months. China may have wanted to make an example out of the region, but the lesson Hong Kongers took was in the other direction—resist with all your might, because if you lose once, there will be a catastrophe for your people, and the world will ignore it.

    The two women weren’t sure whether they would win. That’s also something I’ve heard often—these protesters aren’t the most optimistic group. No rose-colored glasses here. “But we cannot give up,” one insisted, “because if we do, there will be no future for us anyway. We might as well go down fighting.”

    One of the young women gave me an umbrella: a tool protesters use to shield themselves from the sun, from CCTV cameras, from overhead helicopters, from the blue water laced with pepper spray and fired from water cannons, from tear-gas canisters. They had noticed I didn’t have one, and were worried for me. They had brought extras to share. “You might need this,” one of them said as she handed it to me, and wished me good luck. And then the clouds of tear gas drifted in our direction, as they so often do in Hong Kong these days, and we scattered.

    #Hong_Kong #Zeynep_Tufekci

  • Zeynep Tufekci : Get a red team to ensure AI is ethical | Verdict
    https://www.verdict.co.uk/zeynep-tufekci-ai-red-team

    In cybersecurity, red team professionals are tasked with finding vulnerabilities before they become a problem. In artificial intelligence, flaws such as bias often become apparent only once they are deployed.

    One way to catch these AI flaws early is for organisations to apply the red team concept when developing new systems, according to techno-sociologist and academic Zeynep Tufekci.

    “Get a read team, get people in the room, wherever you’re working, who think about what could go wrong,” she said, speaking at Hitachi Vantara’s Next conference in Las Vegas, US, last week. “Because thinking about what could go wrong before it does is the best way to make sure it doesn’t go wrong.”

    Referencing Hitachi CEO and president Toshiaki Higashihara description of digitalisation as having “lights and shadows”, Tufekci warned of the risks associated with letting the shadowy side go unchecked.
    AI shadows

    One of these “shadows” is when complex AI systems become black boxes, making it difficult even for the AI’s creators to explain how it made its decision.

    Tufekci also cited the example of YouTube’s recommendation algorithm pushing people towards extremism. For example, a teenager could innocently search ‘is there a male feminism’ and then be nudged towards misogynistic videos because such controversial videos have received more engagement.

    And while data can be used for good, it can also be used by authoritarian governments to repress its citizens, or by election consultancies to manipulate our votes.

    Then there are the many instances of human bias finding their way into algorithms. These include AI in recruitment reflecting the sexism of human employers or facial recognition not working for people with darker skin.

    “If the data can be used to fire you, or to figure out protesters or to use for social control, or not hire people prone to depression, people are going to be like: ‘we do not want this’,” said Tufekci, who is an associate professor at the UNC School of Information and Library Science.

    “What would be much better is to say, what are the guidelines?”
    Using a red team to enforce AI ethics guidelines

    Some guidelines already exist. In April 2018, the European Union’s High-Level Expert Group on AI presented seven key requirements for trustworthy AI.

    These requirements include human oversight, accountability and technical robustness and safety. But what Tufekci suggests is having a team of people dedicated to ensuring AI ethics are adhered to.
    3 Things That Will Change the World Today
    Get the Verdict morning email

    “You need people in the room, who are going to say there’s light and there are shadows in this technology, and how do we figure out to bring more light into the shadowy side, so that we’re not blindsided, so that we’re not just sort of shocked by the ethical challenges when they hit us,” she explained.

    “So we think about it ahead of time.”

    However, technology companies often push back against regulation, usually warning that too much will stifle innovation.

    “Very often when a technology is this new, and this powerful, and this promising, the people who keep talking about what could go wrong – which is what I do a lot – are seen as these spoilsport people,” said Tufekci.

    “And I’m kind of like no – it’s because we want it to be better.”

    #Intelligence_artificielle #Zeynep_Tufekci #Cybersécurité #Biais #Big_data

  • Recension de « Twitter & les gaz lacrymogènes » par Stéphane Bortzmeyer
    https://www.bortzmeyer.org/twitter-gaz-lacrymos.html

    Beaucoup de textes ont été écrits sur le rôle de l’Internet, et des réseaux sociaux centralisés, comme Facebook ou Twitter, dans des évènements politiques. Ce fut le cas, par exemple, du printemps arabe. L’auteure explore, dans ce livre très riche et très rigoureux, tous les aspects de cette relation entre les militants et les techniques d’information et de communication. Twitter peut-il battre les gaz lacrymogènes ?

    Une des raisons pour lesquelles bien des discours sur les mouvements politiques utilisant l’Internet sont très unilatéraux est que beaucoup de leurs auteurs sont des férus de technique qui ne connaissent pas grand’chose à la politique, et qui découvrent comme s’ils étaient les premiers à militer, ou bien ils sont des connaisseurs de la politique, mais complètement ignorants de la technique, dont il font un tout, animé d’une volonté propre (les fameux « algorithmes »), et pas des outils que les gens vont utiliser. L’auteure, au contraire, informaticienne, puis chercheuse en sciences politiques, connait bien les deux aspects. Elle a étudié en profondeur de nombreux mouvements, les zapatistes au Mexique, Occupy Wall Street, l’occupation du parc Gezi, Black Lives Matter, les révolutions tunisienne et égyptienne, en étant souvent sur le terrain, à respirer les gaz lacrymogènes. (Les gilets jaunes n’y sont pas, bien que ce mouvement mériterait certainement d’être étudié dans son rapport à Facebook, mais le livre a été publié avant.) Et elle analyse le rôle de l’Internet, en chercheuse qui le connait bien, en voit les forces et les limites.

    Parmi les affordances de l’Internet, il y a le fait que beaucoup de choses sont possibles sans organisation formelle. Des mouvements très forts (comme celui du parc Gezi) ont été possibles sans qu’un parti traditionnel ne les structure et ne les dirige. Mais, bien sûr, cet avantage a aussi une face négative : puisque la nécessité d’une organisation n’est pas évidente, on peut se dire qu’on peut s’en passer. Au début, ça se passe effectivement bien, sans les lourdeurs bureaucratiques exaspérantes. Mais, ensuite, les problèmes surgissent : le pouvoir en place fait des ouvertures. Comment y répondre ? Ou bien il change de tactique, et le mouvement doit s’adapter. Et, là, l’absence d’un mécanisme de prise de décision commun se fait sentir, et beaucoup de mouvements s’affaiblissent alors, permettant à la répression de disperser ce qui reste.

    Léger reproche à l’auteure : elle ne discute pas ce qui pourrait arriver avec d’autres outils que les gros réseaux centralisés étatsuniens comme Facebook ou Twitter. Il est vrai qu’on manque encore d’exemples détaillés à utiliser, il n’y a pas encore eu de révolution déclenchée sur le fédivers ou via Matrix.

    Je n’ai donné qu’une idée très limitée de ce livre. Il est très riche, très nuancé, l’auteure a vraiment tenu à étudier tout en détail, et aucun résumé ne peut donc suffire. En conclusion, un livre que je recommande à toutes celles et tous ceux qui veulent changer le monde et se demandent comment faire. Il n’est ni optimiste, ni pessimiste sur le rôle de l’Internet dans les révolutions : « ni rire, ni pleurer, mais comprendre »

    #Zeynep_Tufekci #C&F_éditions #Stéphane_Bortzmeyer

  • Tufekci Joins The Atlantic As Contributing Writer - The Atlantic
    https://www.theatlantic.com/press-releases/archive/2019/09/tufekci-joins-atlantic-contributing-writer/598678

    Zeynep Tufekci is joining The Atlantic as a contributing writer, editor in chief Jeffrey Goldberg announced today. In this role, Tufekci will write regularly for The Atlantic about the intersection of technology, politics, and society.

    “Zeynep has an uncanny ability, through clear writing and clear thinking, to make the incomprehensible understandable, and to spot trends before most anyone else,” Goldberg said.

    Tufekci will appear at The Atlantic Festival tomorrow in Washington, D.C., in conversation with Goldberg. She will expand on the topics explored in her book, Twitter and Teargas: The Ecstatic, Fragile Politics of Networked Protest in the 21st Century, where she examined the possibilities and perils of modern protest movements that are increasingly rooted in online media.

    Tufekci has been a contributing opinion writer at The New York Times and a columnist for Wired and Scientific American. She is currently an associate professor at the University of North Carolina, Chapel Hill’s School of Information and Library Science and a faculty associate at the Berkman Klein Center for Internet and Society at Harvard University. Throughout her research and academic work, Tufekci has studied the convergence of social change, machine intelligence, privacy, and surveillance.

    #Zeynep_Tufekci #The_Atlantic

  • Les technologies numériques, atout ou handicap des luttes ?
    https://reporterre.net/Les-technologies-numeriques-atout-ou-handicap-des-luttes

    Dans « Twitter & les gaz lacrymogènes », Zeynep Tufekci s’intéresse à la place des réseaux numériques dans les mobilisations politiques : une puissance indéniable mais fragile du fait des monopoles de l’économie du web.

    Présentation du livre par son éditeur :

    Les mouvements sociaux à travers le monde utilisent massivement les technologies numériques. Zeynep Tufekci était présente sur la place Tahrir et en Tunisie lors des printemps arabes, à Istanbul pour la défense du parc Gezi, dans les rues de New York avec Occupy et à Hong-Kong lors du mouvement des parapluies. Elle y a observé les usages des téléphones mobiles et des médias sociaux et nous en propose ici un récit captivant.

    Les réseaux numériques permettent de porter témoignage et d’accélérer les mobilisations. Ils aident les mouvements à focaliser les regards sur leurs revendications. Cependant, l’espace public numérique dépend des monopoles de l’économie du web. Leurs algorithmes, choisis pour des raisons économiques, peuvent alors affaiblir l’écho des contestations. Au delà de leur puissance pour mobiliser et réagir, faire reposer la construction des mouvements sur ces technologies fragilise les organisations quand il s’agit de les pérenniser, quand il faut négocier ou changer d’objectif tactique.

    De leur côté, les pouvoirs en place ont appris à utiliser les médias numériques pour créer de la confusion, de la désinformation, pour faire diversion, et pour démobiliser les activistes, produisant ainsi résignation, cynisme et sentiment d’impuissance. Une situation qui montre que les luttes sociales doivent dorénavant intégrer dans leur stratégie les enjeux de l’information et de la communication aux côtés de leurs objectifs spécifiques.

    Zeynep Tufekci est professeure à l’Université de Caroline du Nord (États-Unis). Née en Turquie, elle a débuté comme développeuse informatique avant de s’intéresser aux sciences humaines et sociales. Elle se définit dorénavant comme une « techno-sociologue ». Chroniqueuse régulière pour The Atlantic et The New York Times, ses interventions lors des conférences TED sont largement diffusées et montrent sa capacité à captiver un public en soulevant des questions essentielles sur les usages des médias sociaux.

    Twitter & les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée, de Zeynep Tufekci, C&F éditions, septembre 2019, 430 p., 29 €.

    #C&F_éditions #Zeynep_Tufekci

  • It’s the (Democracy-Poisoning) Golden Age of Free Speech | WIRED
    https://www.wired.com/story/free-speech-issue-tech-turmoil-new-censorship

    Par Zeynep Tufekci

    In today’s networked environment, when anyone can broadcast live or post their thoughts to a social network, it would seem that censorship ought to be impossible. This should be the golden age of free speech.

    And sure, it is a golden age of free speech—if you can believe your lying eyes. Is that footage you’re watching real? Was it really filmed where and when it says it was? Is it being shared by alt-right trolls or a swarm of Russian bots? Was it maybe even generated with the help of artificial intelligence? (Yes, there are systems that can create increasingly convincing fake videos.)

    Or let’s say you were the one who posted that video. If so, is anyone even watching it? Or has it been lost in a sea of posts from hundreds of millions of content pro­ducers? Does it play well with Facebook’s algorithm? Is YouTube recommending it?

    Maybe you’re lucky and you’ve hit a jackpot in today’s algorithmic public sphere: an audience that either loves you or hates you. Is your post racking up the likes and shares? Or is it raking in a different kind of “engagement”: Have you received thousands of messages, mentions, notifications, and emails threatening and mocking you? Have you been doxed for your trouble? Have invisible, angry hordes ordered 100 pizzas to your house? Did they call in a SWAT team—men in black arriving, guns drawn, in the middle of dinner?

    These companies—which love to hold themselves up as monuments of free expression—have attained a scale unlike anything the world has ever seen; they’ve come to dominate media distribution, and they increasingly stand in for the public sphere itself. But at their core, their business is mundane: They’re ad brokers. To virtually anyone who wants to pay them, they sell the capacity to precisely target our eyeballs. They use massive surveillance of our behavior, online and off, to generate increasingly accurate, automated predictions of what advertisements we are most susceptible to and what content will keep us clicking, tapping, and scrolling down a bottomless feed.

    So what does this algorithmic public sphere tend to feed us? In tech parlance, Facebook and YouTube are “optimized for engagement,” which their defenders will tell you means that they’re just giving us what we want. But there’s nothing natural or inevitable about the specific ways that Facebook and YouTube corral our attention. The patterns, by now, are well known. As Buzzfeed famously reported in November 2016, “top fake election news stories generated more total engagement on Facebook than top election stories from 19 major news outlets combined.”

    For Facebook, YouTube, and Twitter, all speech —whether it’s a breaking news story, a saccharine animal video, an anti-Semitic meme, or a clever advertisement for razors— is but “content,” each post just another slice of pie on the carousel. A personal post looks almost the same as an ad, which looks very similar to a New York Times article, which has much the same visual feel as a fake newspaper created in an afternoon.

    What’s more, all this online speech is no longer public in any traditional sense. Sure, Facebook and Twitter sometimes feel like places where masses of people experience things together simultaneously. But in reality, posts are targeted and delivered privately, screen by screen by screen. Today’s phantom public sphere has been fragmented and submerged into billions of individual capillaries. Yes, mass discourse has become far easier for everyone to participate in—but it has simultaneously become a set of private conversations happening behind your back. Behind everyone’s backs.

    The most effective forms of censorship today involve meddling with trust and attention, not muzzling speech itself. As a result, they don’t look much like the old forms of censorship at all. They look like viral or coordinated harassment campaigns, which harness the dynamics of viral outrage to impose an unbearable and disproportionate cost on the act of speaking out. They look like epidemics of disinformation, meant to undercut the credibility of valid information sources. They look like bot-fueled campaigns of trolling and distraction, or piecemeal leaks of hacked materials, meant to swamp the attention of traditional media.

    This idea that more speech—more participation, more connection—constitutes the highest, most unalloyed good is a common refrain in the tech industry. But a historian would recognize this belief as a fallacy on its face. Connectivity is not a pony. Facebook doesn’t just connect democracy-­loving Egyptian dissidents and fans of the videogame Civilization; it brings together white supremacists, who can now assemble far more effectively. It helps connect the efforts of radical Buddhist monks in Myanmar, who now have much more potent tools for spreading incitement to ethnic cleansing—fueling the fastest- growing refugee crisis in the world.

    The freedom of speech is an important democratic value, but it’s not the only one. In the liberal tradition, free speech is usually understood as a vehicle—a necessary condition for achieving certain other societal ideals: for creating a knowledgeable public; for engendering healthy, rational, and informed debate; for holding powerful people and institutions accountable; for keeping communities lively and vibrant. What we are seeing now is that when free speech is treated as an end and not a means, it is all too possible to thwart and distort everything it is supposed to deliver.

    By this point, we’ve already seen enough to recognize that the core business model underlying the Big Tech platforms—harvesting attention with a massive surveillance infrastructure to allow for targeted, mostly automated advertising at very large scale—is far too compatible with authoritarianism, propaganda, misinformation, and polarization.

    #Zeynep_Tufekci #Médias_sociaux #Liberté_expression #Espace_public #Désinformation #Attention

  • Hong Kong protesters challenge surveillance with apps and umbrellas
    https://www.pri.org/stories/2019-08-14/hong-kong-protesters-challenge-surveillance-apps-and-umbrellas

    Interview de Zeynep Tufekci depuis Hong Kong

    China said on Wednesday Hong Kong’s protest movement had reached “near terrorism,” as more street clashes followed ugly scenes a day earlier at the airport where demonstrators set upon two men they suspected of being government sympathizers.

    By nightfall, police and protesters were again clashing on the streets, with riot officers shooting tear gas almost immediately as their response to demonstrators toughened.

    Related: Hong Kong pushes bill allowing extraditions to China despite biggest protest since handover

    Flights resumed at Hong Kong airport, which is one of the world’s busiest, after two days of disruptions. Thousands of protesters have occupied the airport for days, forcing the cancellation of hundreds of departures on Monday and Tuesday.

    Ten weeks of increasingly violent confrontation between police and protesters have plunged the city into its worst crisis since it reverted from British to Chinese rule in 1997.

    Related: I am from Hong Kong, not China

    “We’re deeply sorry about what happened yesterday,” read a banner held up by a group of a few dozen demonstrators in the airport arrivals hall in the morning. “We were desperate and we made imperfect decisions. Please accept our apologies,” the banner said.

    They also showed little sign of relenting in their protests, which began in opposition to a now-suspended bill that would have allowed the extradition of suspects for trial in mainland China, but have swelled into wider calls for democracy.

    Zeynep Tufekci, a professor who researches the intersection of technology and society at the University of North Carolina at Chapel Hill, witnessed some of the violence in Hong Kong and spoke with The World’s Marco Werman about the future of the protest movement, its pitfalls, and role of social media in their quest for democracy.

    Marco Werman: Is what you saw suggesting emerging divisions in the ranks of the protesters?

    Zeynep Tufekci: I don’t think so — if anything, today they’ve issued an apology. They had a lot of discussions in their forums ... This is a bunch of very young people. Most of them haven’t slept [for five days] — they’re at the airport trying to get heard. It feels like a hopeless thing; it was a very high stress situation, and today, there’s a lot of soul searching. As in, how did we get to this point?

    Is there also fear?

    There is a lot of fear because they feel a lot of the ones I talk to, feel like the world doesn’t care about them — China’s too important. And a bunch of young people trying to keep democratic rights or demands feel like they’re being treated like a nuisance by the world. So they feel — from what I can see — that it’s quite futile, but they’re just going to go down the best they can and try.

    You study how social media is used politically, even in revolutionary movements. Now the Chinese mainland is hailing the two men who were beat up at the airport as heroes. China is talking about acts of terror in Hong Kong. How does this face-off look on social media?

    Obviously what happened was terrible, but what I’m seeing is a lot of efforts that are out to discredit the whole demand — the demands being quite reasonable.

    The demands of the Hong Kong protesters?

    There’s universal suffrage, independent inquiry, and releasing arrested protesters — you know, super basic demands, and now there’s a huge social media campaign to use that incident to portray the whole movement as just “terrorists” and violent. So ... the information sphere is where the battle is. Because if you’re just turning on TV and you’re in mainland China and you just see this — it’s [just] a couple of clips from an hourlong incident, and you don’t really get the rest of the context ... because that’s censored — you might feel justified by the harsh steps that China mainland might decide to take. And also the world might feel like, ’Oh, look, this is just another violent movement,’ which isn’t a correct characterization.

    How were the Hong Kong protesters using social media themselves in these demonstrations? Do you think it’s unique? Or does it pick up threads from other movements that you followed?

    It’s pretty amazing what’s going on in Hong Kong in terms of the use of the internet. Unlike the Arab Spring countries that I’ve also studied, where there was some very efficient use of digital technologies, Hong Kong is a super high-tech place. The internet works very well and very fast, everybody’s digitally literate and otherwise literate, [there is a] very high education [level]. They have lots of phones and they’re using forums. They have their own forums and they’re using Telegram as a place where they hold a lot of these discussions. In fact, apologies for yesterday’s incident came out of these forums there — the soul searching, and ’we shouldn’t ever let this happen again’ came out of these forums. So I don’t really know how it will play out, but everybody’s so digitally adept. The way they swarm and make decisions online and the way they swarm offline and go from place to place is a very 21st-century movement. Ironically, they’re making demands for things a lot of people [wanted] in the 19th century — just universal suffrage. So there is a very stark contrast with the high-tech high functioning society, which doesn’t even have some of the basic rights that are almost universal in many countries.

    Well, mainland China is also digitally adept: it’s at the forefront of surveillance technology. I’m curious just how protesters in Hong Kong are dealing with that?

    There are a couple of things that they’re dealing with in terms of surveillance technology: Obviously, the phones are tracked and they’re aware of it. Some of them have multiple phones and some of them turn off their phones. They wear a lot of masks and [they use] umbrellas to block CCTV when they get off at a subway station: The first one jumps out and opens umbrellas covering all the visibly closed circuit CCTVs. And then when they want to make decisions, they open their umbrellas and huddle under it. It’s not fully protective against surveillance, but just like many other ... surveilled [people], when I asked them if they were worried about surveillance, they usually say, “There’s so many of us. There’s hundreds of thousands of us in the streets.” And that’s probably their only real protection. I don’t think they can [remain undetected] even with their umbrellas and cool tactics. I don’t think they can avoid the surveillance, so they’re just counting on the fact that they probably cannot jail that many of them all at once.

    Do you think that’s a fair piece of insurance?

    As long as they’re protected by the society, probably. But if there’s some sort of compromise in which the Hongkongers — the well-off middle classes and the financial centers — decide that they’re just going to give in to authoritarianism in return for just having business as usual ... it might not be. And a lot of the ones I talked to, they don’t have, of course, any memory of Tiananmen, they’re just way too young for that. But they heard from their elders about how people fled to Hong Kong after that. And elsewhere too. And a lot of them are like, ’Is there a place in this country for us? Is there a place in the world for us?’ Because, as I said, they’re highly educated — they’re literate, and some are wondering if they should even try to save their own country if it’s going to be futile, and [if they] should just try to emigrate. So I think that’s sort of the reality — they cannot truly escape the surveillance that mainland China can bring to this city. And they also probably cannot escape the consequences. So here we are.

    #Zeynep_Tufekci #Hong_Kong

  • “Le scandale Cambridge Analytica n’est pas une faille technique mais un problème politique” - Idées - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/idees/le-scandale-cambridge-analytica-nest-pas-une-faille-technique-mais-un-probl

    Interview de Zeynep Tufekci

    Cet incident, écriviez-vous dans le New York Times, est « une conséquence naturelle du modèle économique de Facebook »…

    Facebook comme Google attirent l’essentiel de l’attention car ce sont des mastodontes, mais n’oublions pas que tout le modèle de la publicité en ligne – et celui d’une majorité de médias – repose sur les mêmes fondations. Partout, le principe est identique : où que vous cliquiez, vous êtes suivi, ciblé, monétisé et vendu au plus offrant. Les pages que vous consultez, les contenus que vous publiez, toutes vos traces numériques sont utilisées à des fins commerciales. Qu’il s’agisse de Cambridge Analytica, d’un dictateur en herbe ou d’une marque d’aspirateurs importe peu, puisque c’est un système totalement asymétrique dans lequel vous ne connaissez pas l’identité des passeurs d’ordre. C’est le problème majeur d’Internet aujourd’hui. Dans cette « économie de l’attention », Facebook peut compter sur une infrastructure sans équivalent. Grâce à elle, la plateforme peut toucher deux milliards d’utilisateurs, écran par écran, sans même qu’ils s’en rendent compte.

    Faut-il craindre la multiplication d’épisodes de ce genre ?

    De toute évidence. Il est mécaniquement impossible de prédire l’utilisation qui sera faite de nos données dans les années à venir. C’est un puits sans fond ! Même si vous n’êtes pas sur Facebook, une quantité gigantesque d’informations à votre sujet circulent et permettent de vous profiler. Grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, des algorithmes sont capables d’analyser vos amitiés, votre activité, vos modes de consommation. Nous figurons probablement tous dans des bases de données commerciales dont nous ignorons l’existence, mises en relation et croisées avec d’autres bases de données que nous ne connaissons pas davantage. Dans le cas de Cambridge Analytica, l’immense majorité des personnes siphonnées ignoraient tout de ce qui était en train de se passer.

    Réagissons-nous si tardivement à cause de cette opacité ?

    Pour une personne ordinaire, il est extrêmement difficile de réagir, car cette collecte est invisible, inodore et incolore. En tant qu’internaute, vous ne voyez rien d’autre que les contenus qui s’affichent sur votre écran.

    A ce titre, que pensez-vous de la réaction de Mark Zuckerberg ?

    Il s’est mollement excusé parce qu’il n’avait pas le choix. Mais il s’est quand même posé en victime, comme s’il avait été dupé par un tiers renégat ne respectant pas les règles d’un jeu qu’il a lui-même créé. Je pense que nous ne devrions croire aucune entreprise sur parole. Nous avons besoin de contrôle et de mécanismes de protection. Prenons l’exemple des voitures. Elles peuvent avoir des accidents ou présenter des risques pour l’environnement. Pour lutter contre ces facteurs négatifs, les gouvernements ont imposé des limitations de vitesse, le port de la ceinture de sécurité ou des normes environnementales. Ces changements ne sont pas intervenus par l’opération du Saint-Esprit : il a fallu les imposer. Et quand une entreprise ne respecte pas ces règles, elle est sanctionnée. L’économie liée à l’exploitation des données est encore un Far West à civiliser.

    Ces dernières semaines, les appels à la déconnexion de Facebook se sont multipliés. Est-ce une option viable ?

    Ça ne peut être qu’une décision individuelle. C’est le droit le plus strict de chacun, mais c’est un luxe qui ne résoudra pas le problème : dans de nombreux pays, Facebook est le seul moyen pour communiquer avec sa famille ou ses amis, et c’est un vecteur important d’organisation sociale. Il vaudrait mieux réfléchir au démantèlement de Facebook tout en réfléchissant à ses conséquences possibles : si nous ne réformons pas en profondeur le modèle économique du Web, des légions de petits Facebook pourraient en effet se montrer encore plus nocifs qu’une plateforme centralisée…

    #Zeynep_Tufekci #Facebook #Cambridge_analytica #Vie_privée #Données_personnelles

  • Facebook’s Surveillance Machine - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2018/03/19/opinion/facebook-cambridge-analytica.html

    par Zeynep Tufekci

    Mr. Grewal is right: This wasn’t a breach in the technical sense. It is something even more troubling: an all-too-natural consequence of Facebook’s business model, which involves having people go to the site for social interaction, only to be quietly subjected to an enormous level of surveillance. The results of that surveillance are used to fuel a sophisticated and opaque system for narrowly targeting advertisements and other wares to Facebook’s users.

    Facebook makes money, in other words, by profiling us and then selling our attention to advertisers, political actors and others. These are Facebook’s true customers, whom it works hard to please.

    Facebook doesn’t just record every click and “like” on the site. It also collects browsing histories. It also purchases “external” data like financial information about users (though European nations have some regulations that block some of this). Facebook recently announced its intent to merge “offline” data — things you do in the physical world, such as making purchases in a brick-and-mortar store — with its vast online databases.

    Facebook even creates “shadow profiles” of nonusers. That is, even if you are not on Facebook, the company may well have compiled a profile of you, inferred from data provided by your friends or from other data. This is an involuntary dossier from which you cannot opt out in the United States.

    Qu’est-ce qu’un consentement éclairé dans la situation actuelle ?

    This wasn’t informed consent. This was the exploitation of user data and user trust.

    Let’s assume, for the sake of argument, that you had explicitly consented to turn over your Facebook data to another company. Do you keep up with the latest academic research on computational inference? Did you know that algorithms now do a pretty good job of inferring a person’s personality traits, sexual orientation, political views, mental health status, substance abuse history and more just from his or her Facebook “likes” — and that there are new applications of this data being discovered every day?

    Given this confusing and rapidly changing state of affairs about what the data may reveal and how it may be used, consent to ongoing and extensive data collection can be neither fully informed nor truly consensual — especially since it is practically irrevocable.

    A business model based on vast data surveillance and charging clients to opaquely target users based on this kind of extensive profiling will inevitably be misused. The real problem is that billions of dollars are being made at the expense of the health of our public sphere and our politics, and crucial decisions are being made unilaterally, and without recourse or accountability.

    #Surveillance #Facebook #Zeynep_Tufekci #Consentement_éclairé

  • YouTube, the Great Radicalizer - The New York Times
    https://www.nytimes.com/2018/03/10/opinion/sunday/youtube-politics-radical.html

    Par Zeynep Tufekci

    It seems as if you are never “hard core” enough for YouTube’s recommendation algorithm. It promotes, recommends and disseminates videos in a manner that appears to constantly up the stakes. Given its billion or so users, YouTube may be one of the most powerful radicalizing instruments of the 21st century.

    This is not because a cabal of YouTube engineers is plotting to drive the world off a cliff. A more likely explanation has to do with the nexus of artificial intelligence and Google’s business model. (YouTube is owned by Google.) For all its lofty rhetoric, Google is an advertising broker, selling our attention to companies that will pay for it. The longer people stay on YouTube, the more money Google makes.

    What keeps people glued to YouTube? Its algorithm seems to have concluded that people are drawn to content that is more extreme than what they started with — or to incendiary content in general.

    Is this suspicion correct? Good data is hard to come by; Google is loath to share information with independent researchers. But we now have the first inklings of confirmation, thanks in part to a former Google engineer named Guillaume Chaslot.

    It is also possible that YouTube’s recommender algorithm has a bias toward inflammatory content. In the run-up to the 2016 election, Mr. Chaslot created a program to keep track of YouTube’s most recommended videos as well as its patterns of recommendations. He discovered that whether you started with a pro-Clinton or pro-Trump video on YouTube, you were many times more likely to end up with a pro-Trump video recommended.

    Combine this finding with other research showing that during the 2016 campaign, fake news, which tends toward the outrageous, included much more pro-Trump than pro-Clinton content, and YouTube’s tendency toward the incendiary seems evident.

    YouTube has recently come under fire for recommending videos promoting the conspiracy theory that the outspoken survivors of the school shooting in Parkland, Fla., are “crisis actors” masquerading as victims. Jonathan Albright, a researcher at Columbia, recently “seeded” a YouTube account with a search for “crisis actor” and found that following the “up next” recommendations led to a network of some 9,000 videos promoting that and related conspiracy theories, including the claim that the 2012 school shooting in Newtown, Conn., was a hoax.

    What we are witnessing is the computational exploitation of a natural human desire: to look “behind the curtain,” to dig deeper into something that engages us. As we click and click, we are carried along by the exciting sensation of uncovering more secrets and deeper truths. YouTube leads viewers down a rabbit hole of extremism, while Google racks up the ad sales.

    #Zeynep_Tufekci #Google #YouTube #Radicalisation #Pouvoir_algorithmes #Politique_algorithmes