Rémi Gendarme

Auteur-réalisateur de films documentaires et par ailleurs, mais vraiment ailleurs, on peut dire en plus, en tout cas pas en moins porteur d’un handicap.


  • Bachelor, Nt1, 2016
    Alors voilà, deux mois à l’hosto je vous jure que c’est long. Pas de problème je cause avec tout le monde et je m’entends même bien avec plusieurs membres du personnel. Mais il n’empêche, vu les conditions de travail et le rythme de ouf, ma plus grande visite s’appelle TNT.
    Et il y a un soir oui je regarde le premier épisode de la nouvelle saison du Bachelor.
    Alors en intro hein ! La téléréalité pour moi il y a eu une expérience, Loft Story en 2001 j’étais en terminal et depuis rien du tout.
    J’ai donc décidé de regarder tous les épisodes de cette saison depuis ce jour béni jusqu’à il y a deux trois semaines.

    Le dispositif
    Il y a un homme à la condition sociale défini comme intéressante et il y a une trentaine de candidates. A chaque émission le gars va passer du temps avec certaines femmes et à la fin de chaque épisode il en dégage quelques-unes.

    Mais pourquoi tu fais ça ?
    Dans cette critique à 2 balles, il ne m’intéresse pas du tout, mais alors pas du tout du tout de référencer et/ou d’analyser tout ce pourquoi cette émission est une horreur misogyne absolue et encore pire que ça. Je ne vais pas m’intéresser à ça, pour la raison évidente que, justement, c’est tout-à-fait évident que ce dispositif incarne, mis en image, érigé au rang d’histoire clairement enviable, toute la domination patriarcale insuportable. Pas la peine d’en parler et pas la peine d’en parler ici. C’est dégueulasse, c’est horrible...
    Oui mais. Je regarderai et je regarderai en entier. Je regarderai en fait comme un film (on me dira oui mais justement le problème c’est que ce n’est pas un film mais que c’est la réalité ou que c’est des vrais gens et qu’il n’y a pas de degré de signification qui laisse penser qu’à regard d’auteur se sert de ce qu’il dit pour dire autre chose ; Je m’en fous, je vais le regarder comme un film et je rappelle que je suis et que je sors de l’hôpital merde j’ai des excuses et en plus je suis un pauvre petit nandicapé très malheureux).

    Alors ? Y’s’passe quoi ?
    Alors je disais qu’en soit le principe est absolument racoleur et putassié je me dis « tout ce qu’il y a de bon pour faire une comédie romantique qui fonctionne bien, en soit, des candidates qui vont disparaître petit à petit, c’est à peu près aussi excitant que Battle royal ».
    Donc ça commence pépère, on nous présente toutes les pépèttes et on nous montre aussi que le bachelor ça n’a pas toujours été rose dans sa vie. Il y a trente bonnes femmes, pas vraiment possible de s’attacher à un personnage au début alors la production donne à fond sur le connard de riche. Bon c’est fait on est attaché, il est marrant, il est riche mais il est quand même triste un peu et surtout il a une vraie personnalité (il dit même qu’il n’aime pas trop le principe de la téléréalité).
    Après plusieurs émissions on sent les scénaristes qui ont bossé. Parmi les nanas que l’on voit le plus il y a tout le monde : la petite un peu fragile et encore un peu enfant dans sa tête, la vampe noire de peau trop bonne et allumeuse, la fille qui a énormément d’humour et qui dédramatise toujours tout, la femme un peu ronde, pâtissière, un peu maternelle. Bref, il y a tout le monde.
    Et la vérité, c’est que ça marche. Au bout de trois ou quatre épisode je me discerne clairement plus attaché à un personnage. Et je commence à me dire « ah ouai ce serait trop bien qu’en fait il y ait deux candidates qui terminent ensemble et qui renvoient chier royalement ce petit con », ou alors, « Ah ouaiiii, il en faudrait une qui tarte la gueule au gars en le forçant à lire Beauvoir », « elles pourraient aussi le séquestrer et le torturer ». Bref je sais que ça n’arrivera pas mais je me dis qu’il y aurait moyen, les scénaristes ont bossé et sacrement bien.
    Et quand je dis que ça fonctionne, c’est qu’au bout de 3-4 semaines je suis moi, Rémi, attaché à une ou deux candidates, comme dans un film, je suis content de les revoir, je les trouve jolies et séduisantes, un peu comme lorsque je regarde un vrai film.
    En fait ce qu’il y a de plus intéressant c’est les rapports entre les candidates. Et ce que je me dis c’est que c’est vraiment ça qui est intéressant, elles sont enfermées ensembles, elles ont à faire à un dispositif invivable, et il y en aura 29 qui disparaîtront, je me dis que ce qui serait intéressant c’est de les entendre discuter, il y en a forcément qui deviennent amies, il doit y avoir des mondiales confidences de cul ou d’amour. Je suis même sûr qu’il y en a qui ont des mecs. En tout cas il faudrait que ce film aille par là, et même si c’est un doc et bien il faudrait aussi, un vrai doc.
    Alors évidemment je me rends vite compte qu’il n’y aura rien de tout ça, le prime time, le pour toute la famille empêche d’entrer un peu plus dans l’intime. Mais je me dis qu’il n’y a pas que ça, il y a une affaire de production, du il faut faire vite fait bien fait

    Et alors ? Et alors ?
    Et alors certains personnages me semblent clefs. La femme toujours joyeuse, qui dérisionne tout et qui forcera le connard à l’embrasser, me semble porteuse de l’intérêt du spectateur pour la série. Elle tient le tout. Il s’agirait pas qu’ils la virent cette fille.
    ... Donc elle restera longtemps.
    Donc clairement, la première moitié des émissions est construite comme un Disney en mettant une femme (la petite fragile un peu timide) au coeur du film. Moi je suis un peu dedans et je pense que c’est fait exprès.
    Je suis très clair la-dessus, les personnages ne sont pas des acteurs et des actrices au sens où ce serait leur métier de suivre une intrigue.
    Et c’est pour ça que ce que je désignais comme plus tôt intéressant (au sens du unvalide), se casse royalement la gueule à la moitié des épisodes. La femme avec qui on était investi est virée. La seule chose dont j’aurai envie, pour suivre encore avec intérêt, est qu’on suive l’héroïne dans sa tristesse, chez elle, dans sa ville, avec ses ami.e.s etc. Dès lors plus rien ne peut vraiment fonctionner.
    Il y a un autre truc aussi : un principe pareil ne peut pas faire l’impasse sur la sexualité comme intérêt majeur du scénario. Et en fait, rien, mais vraiment rien de rien. Putaiiiin, ça coute trop cher c’est ça ? Mais nom de Dieu, le reste est tellement vide, tellement rien que c’est ça qu’on voudrait voir : du méga racoleur, ça peut même rester grosso modo chaste mais il faut donner à manger quelque fois aux spectateurs. Je veux dire, la dernière journée des 4 dernières candidates est un rendez-vous de 24h avec le con. Et on voit à chaque fois que le ritalo et la femme terminent la nuit dans une tente à deux, les rideaux se ferment et zou la séquence est finie. Je n’aurai pas voulu des scènes de cul, ce que je dis c’est que l’essentiel de ce qu’il y a à se dire, à raconter, les confidences, les doutes de la femme qui est vraiment tombée amoureuse de la tête de gland, se passent là. Et en faisant l’impasse sur tout ce qui est un tout petit peu intime et personnel le machin devient vraiment de la grosse bouse.

    Bah on te l’avait dit non ?
    Bah oui mais je voulais voir. Ca m’a confirmé que les scénaristes bossaient super biens. C’est la production et les contraintes de montage et tout qui rendent un truc insipide qui ne réussit même pas à faire du Walt Disney jusqu’au bout.
    Alors oui à la vraie téléréalité, avec un vrai réalisateur au commande, des vrais acteurs et actrices, et des vrais cachets, et un peu de cul... s’il vous plait, juste un peu, pas pour du cul, pour donner un tout petit peu d’enjeu pour que les gens à l’hôpital ils aient vraiment envie de regarder.

    J’ai grave la flemme de mettre des diez alors si vous avez eu le courage de lire jusque là je veux bien que vous m’en mettiez dans les commentaires.
    Merci.