Conseils de prud’hommes : « le plafonnement des indemnités serait complètement scandaleux »

/conseils-de-prud-hommes-le-1041.html

  • Conseils de prud’hommes : « le plafonnement des indemnités serait complètement scandaleux »

    http://larotative.info/conseils-de-prud-hommes-le-1041.html

    Après avoir supprimé l’élection des conseillers prud’hommes, le gouvernement souhaite désormais plafonner les indemnités que les conseils pourraient attribuer aux salariés licenciés abusivement. Rencontre avec Patrick Marchandin, militant CGT et vice-président du conseil des prud’hommes de Tours.

    Le gouvernement souhaite faciliter le recours à l’arbitrage pour trancher les litiges entre salariés et employeurs, et que les affaires portées devant le conseil de prud’hommes soient plus systématiquement amenées devant un juge départiteur. Quel regard tu portes sur ces mesures ?

    Je voudrais d’abord revenir sur la création de la « rupture conventionnelle ». Ce dispositif a été créé pour éviter les recours devant les conseils de prud’hommes. En pratique, les salariés ne sont quasiment jamais assistés lors de la négociation de la rupture ; ils pourraient être assistés par des conseillers du salarié, mais aucune disposition n’oblige l’employeur à les en informer. Un grand nombre de ruptures conventionnelles ne passent pas devant les conseils de prud’hommes, parce qu’il est très difficile de remettre en cause une rupture conventionnelle à partir du moment où elle est homologuée par la DIRECCTE.

    Contrairement aux conseillers prud’hommes, qui sont des magistrats non-professionnels, le juge départiteur est un magistrat professionnel qui intervient lorsque les conseillers n’ont pu se départager.

    L’arbitrage a aussi pour but d’éviter le passage devant le conseil de prud’hommes. Pour justifier le recours à l’arbitrage, on va nous refaire le coup du chantage aux délais. Or, j’estime que tout le monde doit avoir le droit de recourir aux juges prud’homaux.

    A propos de l’indemnisation du préjudice, la presse a annoncé récemment que le gouvernement envisageait de plafonner les dommages et intérêts pouvant être versés au salarié en cas de licenciement abusif. Cette disposition viserait à « sécuriser » les employeurs...

    Une telle disposition serait complètement scandaleuse. Un plafonnement signifierait que le juge ne serait plus maître de l’indemnisation du préjudice. L’idée est déjà en germe dans le projet de loi Macron, qui prévoit l’introduction d’un barème d’indemnités de licenciement aux prud’hommes.

    L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a déjà introduit un barème d’indemnisation en matière de conciliation. Or, ce barème prévoit des montants très inférieurs à ce qui se pratique devant les conseils.

    La question est de savoir si l’application de ces barèmes sera obligatoire. En conciliation, le barème est très peu utilisé. Mais un barème indicatif pourrait déjà influencer les décisions des conseillers, et on peut parier que les indemnités prévues ne seront pas à l’avantage des salariés, notamment ceux qui ont le plus d’ancienneté.

    La conciliation est la première étape de la procédure devant les prud’hommes. Pendant l’audience de conciliation, les parties peuvent convenir de mettre un terme à leur litige en trouvant un accord spontanément ou sur proposition du bureau de conciliation. Si aucun accord n’a pu être trouvé, l’affaire est renvoyée devant le bureau de jugement.

    Avec un plafonnement des indemnités, les employeurs pourront apprécier par avance ce que leur coûterait le licenciement abusif d’un salarié. On ne serait plus dans une démarche d’indemnisation du préjudice, mais dans une démarche de gestion des emplois. Cela faciliterait les licenciements, et on retirerait au juge une de ses prérogatives, qui est l’indemnisation complète du préjudice.

    #prud'hommes #licenciement #travail #libéralisation