tchorski

Production de médias urbex - photographies vidéos et rédaction web

  • Urbex – Une maison au Puy-en-Velay

    Voici un documentaire sur une maison abandonnée qui a révélé de sacrées surprises. C’est un lieu localisé sur Le Puy, au sein d’une petite route qui ne mène à rien, donc une tendance affirmée à ne jamais y passer. Du coup elle est particulièrement préservée.

    Le documentaire complet est disponible ici : https://tchorski.fr/25/cyril.htm

    Routes enneigées sur les hauteurs, j’entre dans l’habitation et je sursaute. Au fil des pièces, je me rends compte qu’il y a tout, même les bières de garde et les Orangina sont dans le frigo. Est-ce abandonné ? C’est la péremption en 2013 qui seule me rassure. Plus loin, j’expliquerai les raisons de l’abandon.

    Les recherches vont révéler une large part de l’histoire de ce lieu : un changement de nom de famille, un traumatisme familial, un enfant protégé par son oncle.

    Henri, le grand-père, était militaire de carrière. Si l’on peut rencontrer des confusions au sujet d’un éventuel métier de médecin militaire, il s’avère après étude qu’il était responsable d’un bureau de recrutement de l’armée au Puy. Il a mené ce métier durant 18 ans avec une passion et une intégrité dévorantes.

    Au jour de ses 40 ans et au début de la seconde guerre mondiale, le bureau de recrutement a été démantelé et dans cette période troublée, il a été mis subitement à la retraite. Il habitait au n°30 du Boulevard Maréchal Fayolle, peu de temps après le n°33 devenait la Kommandantur. Il s’est retiré dans une petite rue de Clermont-Ferrand.

    Il est né en novembre 1900 et décédé en février 1989. Il s’est marié avec Maria et a eu deux enfants, Josette et Jean. Les photos d’Henri évoquent un homme qui inspire un respect immédiat par sa haute stature et sa rigidité évoquant une personnalité riche et intègre.

    Les enfants d’Henri étaient Josette et Jean. Josette est née en septembre 1923 et décédée en septembre 2005. Jean est né en octobre 1925 et décédé en août 2000. De Jean nous savons relativement peu et là encore émergent des confusions au sujet d’un métier de médecin ou de psychologue pour enfant. Les recherches nous mèneraient en tout contraire à un travail de cheminot, c’est une hypothèse bien consolidée désormais.

    Josette a un parcours tumultueux.

    Elle se marie avec Cyrille et divorce, se marie avec Yves et divorce, se marie avec Jacques et divorce. Yves était médecin pédiatre. Il porte un nom typique et bien particulier de la Martinique. Au vu de l’abondante documentation sur les Dom-Tom dans la bibliothèque, il ne serait pas forcément étranger que Josette y fasse des séjours. La période avec Yves est de toute clarté traumatisante. Des notes carrément confuses d’un probable psychologue évoquent le nécessaire changement de nom de famille.

    Dans la journée, je reçois l’acte de propriété de la maison : je commence à comprendre la nécessité impérieuse que nous la refermions nous-mêmes pour la protéger du vandalisme. Dehors sur la terrasse, des canards en plastique baignent dans un bassin, ils sont encastrés dans une gangue de mousse verdâtre. Un karcher est encore branché pour faire le nettoyage. C’est pétrifié, un petit monde fragile.

    Josette a pour enfants Joselyne et Cyril. Cyril est né en mai 1949 et décédé en février 2021. Il fut le dernier habitant de la maison, avant qu’elle ne plonge en plein abandon. Reste que nous pouvons préciser qu’en ses derniers jours, il logeait dans une petite rue discrète du Puy, la rue Saulnerie.

    Des lettres enfantines de Cyril s’adressent à son père Jean avec les termes « mon cher tonton ». Les actes d’état civil vont pleinement nous le confirmer, c’est Jean qui s’est occupé de son neveu, le fils de Josette. Sur le registre de condoléances de Jean, il est mentionné des termes mentionnant « une famille emplie d’une telle générosité », ça je m’en souviens avec acuité.

    Pourquoi cela s’est-il passé ? Le mystère reste entier. Josette traversait probablement des épreuves.

    Cyril fut architecte. Il s’est marié avec Monique et a eu pour enfant Florence. Elle habite actuellement à l’étranger. La famille est inhumée au cimetière du Puy-en-Velay dans un caveau familial de bonne facture. Henri, Maria, Josette, Jean, Cyril, tous s’y trouvent. Nous avons honoré cette sépulture comme s’ils étaient des nôtres. Normal, c’est humain…

    L’abandon est dû au fait que les deux descendantes habitent très loin. Le jour de mon dernier passage, j’ai refermé carrément abruptement la maison. Cela nous empêche nous-mêmes d’y retourner, c’est un loquet qui claque derrière la porte. Le lieu est scellé dans l’oubli. Décision difficile à prendre, mais en respect de la famille, il fallait protéger l’habitation.

    Dans l’instant même où vous lisez, la maison est silencieuse, refermée farouchement sur cette histoire. Les canards barbotent dans le bassin, une bergeronnette batifole le long du ruisseau. Ça fait bizarre tant d’abandon. C’est une histoire fragile, un peu comme toutes les nôtres en fin de compte.