• Vivre et lutter dans un monde toxique. #Violence_environnementale et #santé à l’âge du #pétrole

    Pour en finir avec les success stories pétrolières, voici une histoire des territoires sacrifiés à la transformation des #hydrocarbures. Elle éclaire, à partir de sources nouvelles, les #dégâts et les #luttes pour la santé au XXe siècle, du #Japon au #Canada, parmi les travailleurs et travailleuses des enclaves industrielles italiennes (#Tarento, #Sardaigne, #Sicile), auprès des pêcheurs et des paysans des « #Trente_Ravageuses » (la zone de #Fos / l’étang de# Berre, le bassin gazier de #Lacq), ou encore au sein des Premières Nations américaines et des minorités frappées par les #inégalités_environnementales en #Louisiane.
    Ces différents espaces nous racontent une histoire commune : celle de populations délégitimées, dont les plaintes sont systématiquement disqualifiées, car perçues comme non scientifiques. Cependant, elles sont parvenues à mobiliser et à produire des savoirs pour contester les stratégies entrepreneuriales menaçant leurs #lieux_de_vie. Ce livre expose ainsi la #tension_sociale qui règne entre défense des #milieux_de_vie et #profits économiques, entre santé et #emploi, entre logiques de subsistance et logiques de #pétrolisation.
    Un ouvrage d’une saisissante actualité à l’heure de la désindustrialisation des #territoires_pétroliers, des #conflits sur la #décarbonation des sociétés contemporaines, et alors que le désastre de #Lubrizol a réactivé les interrogations sur les effets sanitaires des dérivés pétroliers.

    https://www.seuil.com/ouvrage/vivre-et-lutter-dans-un-monde-toxique-collectif/9782021516081

    #peuples_autochtones #pollution #toxicité #livre

    • Ces territoires sacrifiés au pétrole

      La société du pétrole sur laquelle s’est bâtie notre prospérité ne s’est pas faite sans sacrifices. Gwenola Le Naour et Renaud Bécot, co-directeurs d’un ouvrage sur ce sujet, lèvent le voile sur les dégâts causés par cette « pétrolisation » du monde, en France et à l’étranger.

      Si le pétrole et ses produits ont permis l’émergence de notre mode de vie actuel, l’activité des raffineries et autres usines de la pétrochimie a abîmé les écosystèmes et les paysages et a des effets de long terme sur la santé humaine. Dans le livre qu’ils ont coordonné, Vivre et lutter dans un monde toxique (Seuil, septembre 2023), Gwénola Le Naour et Renaud Bécot lèvent le voile sur les dégâts causés par cette « pétrolisation » du monde, selon leurs propres mots. Ils ont réuni plusieurs études de cas dans des territoires en France et à l’étranger pour le démontrer. Un constat d’autant plus actuel que la société des hydrocarbures est loin d’être révolue : la consommation de pétrole a atteint un record absolu en 2023, avec plus de 100 millions de barils par jour en moyenne.

      À la base de votre ouvrage, il y a ce que vous appelez « la pétrolisation du monde ». Que recouvre ce terme ?
      Gwenola Le Naour1. Dans les années 1960, s’est développée l’idée que le pétrole était une énergie formidable, rendant possible la fabrication de produits tels que le plastique, les textiles synthétiques, les peintures, les cosmétiques, les pesticides, qui ont révolutionné nos modes de vie et décuplé les rendements agricoles. La pétrolisation désigne cette mutation de nos systèmes énergétiques pendant laquelle les hydrocarbures se sont imposés partout sur la planète et ont littéralement métamorphosé nos territoires physiques et mentaux.

      L’arrivée du pétrole et de ses dérivés nous est le plus souvent présentée comme une épopée, une success story. On a mis de côté la face sombre de cette pétrolisation, avec ses territoires sacrifiés comme Fos-sur-Mer, qui abrite depuis 1965 une immense raffinerie représentant aujourd’hui 10 % de la capacité de raffinage de l’Hexagone, ou Tarente, dans le sud de l’Italie, où se côtoient une raffinerie, une usine pétrochimique, un port commercial, une décharge industrielle et la plus grande aciérie d’Europe.

      Comment des territoires entiers ont-ils pu être ainsi abandonnés au pétrole ?
      Renaud Bécot2. L’industrie du pétrole et des hydrocarbures n’est pas une industrie comme les autres. Les sociétés pétrolières ont été largement accompagnées par les États. Comme pour le nucléaire, l’histoire de l’industrie pétrolière est étroitement liée à l’histoire des stratégies énergétiques des États et à la manière dont ils se représentent leur indépendance énergétique. L’État a soutenu activement ces installations destinées à produire de la croissance et des richesses. Pour autant, ces industries ne se sont pas implantées sans résistance, malgré les discours de « progrès » qui les accompagnaient.

      Des luttes ont donc eu lieu dès l’installation de ces complexes ?
      G. L. N. Dès le début, les populations locales, mais aussi certains élus, ont compris l’impact que ces complexes gigantesques allaient avoir sur leur environnement. Ces mobilisations ont échoué à Fos-sur-Mer ou au sud de Lyon, où l’installation de la raffinerie de Feyzin et de tout le complexe pétrochimique (le fameux « couloir de la chimie ») a fait disparaître les bras morts du Rhône et des terres agricoles... Quelques-unes ont cependant abouti : un autre projet de raffinerie, envisagé un temps dans le Beaujolais, a dû être abandonné. Il est en revanche plus difficile de lutter une fois que ces complexes sont installés, car l’implantation de ce type d’infrastructures est presque irréversible : le coût d’une dépollution en cas de fermeture est gigantesque et sans garantie de résultat

      Les habitants qui vivent à côté de ces installations finissent ainsi par s’en accommoder… En partie parce qu’ils n’ont pas d’autre choix, et aussi parce que les industriels se sont efforcés dès les années 1960-1970 et jusqu’à aujourd’hui de se conduire en « bons voisins ». Ils négocient leur présence en finançant par exemple des infrastructures culturelles et/ou sportives. Sans oublier l’éternel dilemme entre les emplois apportés par ces industries et les nuisances qu’elles génèrent. Dans le livre, nous avons qualifié ces arrangements à l’échelle des districts pétrochimiques de « compromis fordistes territorialisés ».

      Que recouvre ce terme de compromis ?
      R. B. En échange de l’accaparement de terres par l’industrie et du cortège de nuisances qui l’accompagne, les collectivités locales obtiennent des contreparties qui correspondent à une redistribution partielle des bénéfices de l’industrie. Cette redistribution peut être régulière (via la taxe professionnelle versée aux communes jusqu’en 2010, notamment), ou exceptionnelle, après un accident par exemple. Ainsi, en 1989, après une pollution spectaculaire qui marque les habitants vivant près de Lubrizol en Normandie, l’entreprise a versé 100 000 francs à la municipalité du Petit-Quevilly pour qu’elle plante quatre-vingts arbres dans la ville...

      Mais ce type de compromis a également été très favorable aux industries en leur offrant par exemple des allégements fiscaux de long terme, comme en Sicile près de Syracuse où se situe l’un des plus grands sites chimiques et pétrochimiques qui emploie plus de 7 000 personnes, voire une totale exonération fiscale comme en Louisiane, sur les rives du Mississippi. Des années 1950 aux années 1980, pas moins de 5 000 entreprises sur le sol américain – majoritairement pétrochimiques, pétrolières, métallurgiques ainsi que des sociétés gazières – ont demandé à bénéficier de ces exonérations, parmi lesquelles les sociétés les plus rentables du pays telles que DuPont, Shell Oil ou Exxon...

      Ces pratiques, qui se sont développées surtout lors des phases d’expansion de la pétrochimie, rendent plus difficile le retrait de ces industries polluantes. Les territoires continuent de penser qu’ils en tirent un bénéfice, même si cela est de moins en moins vrai.

      On entend souvent dire, concernant l’industrie pétrolière comme le nucléaire d’ailleurs, que les accidents sont rares et qu’on ne peut les utiliser pour remettre en cause toute une industrie… Est-ce vraiment le cas ?
      G. L. N. On se souvient des accidents de type explosions comme celle de la raffinerie de Feyzin, qui fit 18 morts en 1966, ou celle d’un stock de nitrates d’ammonium de l’usine d’engrais AZF à Toulouse en 2001, qui provoqua la mort de 31 personnes – car ils sont rares. Mais si l’on globalise sur toute la chaîne des hydrocarbures, les incidents et les accidents – y compris graves ou mortels pour les salariés – sont en réalité fréquents, même si on en entend rarement parler au-delà de la presse locale (fuites, explosions, incendies…). Sans oublier le cortège des nuisances liées au fonctionnement quotidien de ces industries, telles que la pollution de l’air ou de l’eau, et leurs conséquences sur la santé.

      Pour qualifier les méfaits des industries pétrochimiques, sur la santé notamment, vous parlez de « violence lente ». Pouvez-vous expliquer le choix de cette expression ?
      G. L. N. Cette expression, créée par l’auteur nord-américain Rob Nixon, caractérise une violence graduelle, disséminée dans le temps, caractéristique de l’économie fossile. Cette violence est également inégalitaire car elle touche prioritairement des populations déjà vulnérables : je pense notamment aux populations noires américaines de Louisiane dont les générations précédentes étaient esclaves dans les plantations…

      Au-delà de cet exemple particulièrement frappant, il est fréquent que ces industries s’installent près de zones populaires ou touchées par la précarité. On a tendance à dire que nous respirons tous le même air pollué, or ce n’est pas vrai. Certains respirent un air plus pollué que d’autres. Et ceux qui habitent sur les territoires dévolus aux hydrocarbures ont une qualité de vie bien inférieure à ceux qui sont épargnés par la présence de ces industries.

      Depuis quand la nocivité de ces industries est-elle documentée ?
      G. L. N. Longtemps, les seules mesures de toxicité dont on a disposé étaient produites par les industriels eux-mêmes, sur la base des seuils fixés par la réglementation. Pourtant, de l’aveu même de ceux qui la pratiquent, la toxicologie est une science très imparfaite : les effets cocktails ne sont pas recherchés par la toxicologie réglementaire, pas plus que ceux des expositions répétées à faibles doses sur le temps long. De plus, fixer des seuils est à double tranchant : on peut invoquer les analyses toxicologiques pour protéger les populations, l’environnement, ou les utiliser pour continuer à produire et à exposer les gens, les animaux, la nature à ces matières dangereuses. Ainsi, ces seuils peuvent être alternativement présentés comme des seuils de toxicité, ou comme des seuils de tolérance… Ce faisant, la toxicologie produit de l’imperceptibilité.

      R. B. Des études alternatives ont cependant commencé à émerger, avec des méthodologies originales. Au Canada, sur les territoires des Premières Nations en Ontario, au Saskatchewan précisément, une étude participative a été menée au cours de la décennie 2010 grâce à un partenariat inédit entre un collectif de journalistes d’investigation et un groupe de chercheurs. En distribuant très largement des kits de mesure, peu coûteux et faciles d’utilisation, elle a permis de démontrer que les populations étaient exposées aux sulfures d’hydrogène, un gaz toxique qui pénètre par les voies respiratoires. Grâce à cette démarche participative, des changements de règlementation et une meilleure surveillance des pollutions ont été obtenus. Il s’agit d’une réelle victoire qui change la vie des gens, même si l’industrie n’a pas été déplacée.

      Qu’en est-il des effets sur la santé de tous ces polluants ? Sont-ils documentés ?
      G. L. N. En France, les seuls travaux menés à ce jour l’ont été autour du gisement de gaz naturel de Lacq, exploité de 1957 à 2013 dans les Pyrénées. Une première étude, conduite en 2002 par l’université, concluait à un surrisque de cancer. Deux autres études ont été lancées plus récemment : une étude de mortalité dévoilée en 2021, qui montre une plus forte prévalence des décès par cancer, et une étude de morbidité toujours en cours. À Fos-sur-Mer, l’étude « Fos Epseal », conduite entre 2015 et 20223, s’est basée sur les problèmes de santé déclarés par les habitants. Ses résultats révèlent que près des deux-tiers des habitants souffrent d’au moins une maladie chronique – asthme, diabète –, ainsi que d’un syndrome nez-gorge irrités toute l’année qui n’avait jamais été identifié jusque-là.

      R. B. Ce que soulignent les collectifs qui évoquent des problèmes de santé liés à l’industrie pétrochimique – maladies chroniques de la sphère ORL, diabètes, cancers, notamment pédiatriques, etc. –, c’est la difficulté de prouver un lien de corrélation entre ces maladies et telle ou telle exposition toxique.

      L’épidémiologie conventionnelle ne le permet pas, en tout cas, car elle travaille à des échelles larges, sur de grands nombres, et est mal adaptée à un déploiement sur de plus petits territoires. C’est pourquoi les collectifs militants et les scientifiques qui travaillent avec eux doivent faire preuve d’inventivité, en faisant parfois appel aux sciences humaines et sociales, avec des sociologues qui vont recueillir des témoignages et trajectoires d’exposition, des historiens qui vont documenter l’histoire des lieux de production…

      Cela suppose aussi la mise au point de technologies, d’outils qui permettent de mesurer comment et quand les gens sont exposés. Cela nécessite enfin une coopération de longue haleine entre chercheurs de plusieurs disciplines, militants et populations. Car l’objectif est d’établir de nouveaux protocoles pour mieux documenter les atteintes à la santé et à l’environnement avec la participation active de celles et ceux qui vivent ces expositions dans leurs chairs.

      https://lejournal.cnrs.fr/articles/ces-territoires-sacrifies-au-petrole

  • Macron : Le grand « plan eau » qui fait flop

    Face à une sécheresse historique et à la pénurie qui s’annonce pire que celle de l’été dernier, avec des nappes phréatiques très en dessous de leur niveau habituel, Emmanuel Macron sort son « plan eau » : 50 mesures censées prendre le problème à bras le corps, présentées la semaine dernière dans les Alpes. Blast a suivi pendant des semaines sa préparation sous... influence. Enquête et décryptage sur un catalogue de mesures ineffectives dicté par les lobbies.

    Ménager l’attente... Dans le domaine du teasing et des effets d’annonce, Emmanuel Macron est passé maître. Annoncé depuis des semaines et retardé à plusieurs reprises, d’abord prévu début 2023 à l’occasion des « Carrefours de l’eau » organisés chaque année à Rennes, le plan sécheresse du gouvernement avait été remis à plus tard à la demande de l’Elysée. On l’attendait encore le 22 mars dernier lors de la journée mondiale de l’eau, qui offrait une fenêtre de tir idéale. Crise politique oblige, l’affaire avait dû être encore décalée. Et finalement le voilà, présenté jeudi dernier par le chef de l’Etat sur les rives du lac de Serre-Ponçon (Hautes-Alpes).

    En août 2022, la France a chaud. Le soleil (de plomb) cogne, les Français suent et les terres s’assèchent - un phénomène inquiétant, sans revenir jusqu’au cauchemar des incendies dans les Landes. En pleine canicule, les alertes remontées par les élus et les préfets se multipliant, Elisabeth Borne annonce la mise sur orbite d’une « planification écologique » plaçant l’eau au cœur de ses priorités. On sait aujourd’hui que près de 700 villages ou petites villes ont souffert de pénuries d’eau potable, chiffre qui à l’époque avait été minoré. Pendant plusieurs semaines, certaines populations avaient dû être alimentées par des citernes ou de l’eau en bouteille livrée par packs.

    Diagnostics clairement tracés

    Le coup de chaud de l’été 2022 passé, le chantier est lancé opérationnellement le 29 septembre par Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, et sa secrétaire d’Etat Bérangère Couillard, avec une phase de consultation. Début janvier 2023, les contributions de ces groupes de travail, comme celles des comités de bassin (des instances de concertation à l’échelle locale rassemblant opérateurs, Etat, collectivités, ONG, industriels, agriculteurs et consommateurs), sont présentées à la secrétaire d’Etat dans le cadre du Comité national de l’eau (un organe consultatif placé sous l’autorité du ministère de la Transition).

    De ces travaux et de leurs conclusions remises à Bérangère Couillard se dégagent « des diagnostics clairs et des propositions de solutions », « notamment autour de la REUT (réutilisation des eaux usées traitées) et du développement de la télérelève », se félicite la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) dans sa lettre publiée en mars dernier.

    La FP2E fédère 6 entreprises membres dont les multinationales Veolia, Suez et Saur. Ce lobby influent a participé activement à cinq des groupes de travail - sur la gestion des sécheresses, sur les usagers, la sobriété, le grand cycle de l’eau et les pollutions diffuses. L’occasion de pousser ses intérêts. A la sortie de la consultation, la FP2E pointe aussi « les blocages à lever », « relatifs notamment au financement, à la complexité des démarches administratives ou encore à la durée des autorisations ». Des freins « décourageants pour les porteurs de projet », note-t-elle.

    En réalité, cet investissement vient de loin. La FP2E, et avec elle les géants privés de l’eau, pousse ses pions depuis des mois : avant la présidentielle de 2022, ce syndical patronal avait présenté aux candidats son « programme ». Dès lors, tout était dit et la « feuille de route » tracée. Elle n’a pas changé depuis.
    Un gouvernement bien irrigué

    En France, la dernière grande loi sur l’eau date de 2006. Depuis, les effets du changement climatique sur le cycle hydrologique se font sentir, beaucoup plus puissamment et rapidement qu’on ne le pensait il y a encore quelques années. Résultat, l’édifice institutionnel de la gestion de l’eau à la française, qui a vu le jour à l’orée des années soixante, craque de toute part. Pourtant, personne ne veut ouvrir la boîte de Pandore que représenterait nécessairement l’élaboration d’une nouvelle loi. Celle-ci imposerait en effet de mettre au premier rang des discussions la question explosive de l’évolution du modèle agricole productiviste. Un sujet très actuel, le récent week-end de guerre civile dans un champ des Deux-Sèvres en étant une sidérante démonstration, autour de la question des méga-bassines. Et surtout un casus belli pour la FNSEA, très en cour à l’Elysée.

    Le plan présenté en grande pompe par Emmanuel Macron au lendemain de la pénible et interminable séquence sur les retraites a été bien irrigué. Pour parvenir aux 53 mesures qu’il exhibe, on a exhumé tout ce qui trainait au fond des placards depuis des lustres, afin de susciter un effet « waouh ». Ce catalogue ne fera pas illusion bien longtemps, comme on s’en apercevra rapidement, dès cet été. Il est le produit d’un véritable opéra-bouffe qui a vu tous les lobbies intéressés s’atteler dans l’urgence à la rédaction de rapports, de contributions et de propositions dont le contenu laisse dubitatif. Ils s’y sont mis, tous sans exception.

    Cet activisme n’est pas nouveau. C’est même un grand classique qui a débouché jusqu’à présent sur une série de grand-messes pour rien – des Assises en 2018-2019 au Varenne de l’eau du ministère de l’Agriculture en 2021-2022 (qui déroulait le tapis rouge à la FNSEA), avant que l’Académie des technologies ne s’y colle à son tour fin 2022. Une litanie sans rien changer qu’Emmanuel Macron n’a pourtant pas manqué de rappeler la semaine dernière, les énumérant pour s’en féliciter : « dès le mois de septembre, on a tiré les leçons, lancé les travaux, le ministre l’a rappelé, s’appuyant sur ce qui avait été fait dès il y a cinq ans ».
    Un plan « Copytop »

    Pour permettre au président de la République de sortir sa tête de l’eau et marcher sur le lac de Serre-Ponçon, une véritable usine à gaz s’est mise en branle à un train d’enfer. Depuis l’automne dernier, les contributions se sont ainsi empilées les unes sur les autres : mission d’information de la commission des affaires économiques du Sénat, copieux rapport du groupe prospective de la Chambre haute, propositions de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), du Comité national de l’eau - un organisme baroque, repaire de tous les lobbies, placé sous l’autorité du ministère chargé de la Transition écologique – ou encore, dernières en date, celles d’une autre commission sénatoriale. Sans oublier les 48 propositions du Comité de bassin Seine-Normandie le 3 février, avant l’audition organisée le 15 du même mois par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat (encore) !

    Au final, cette bataille d’experts s’est dénouée dans des réunions interministérielles (les « RIM ») opposant classiquement l’écologie, l’agriculture, Bercy, la DGCL du ministère de l’Intérieur, le tout sous la férule de Matignon - dont l’occupante connaît le sujet. « Béchu et Couillard n’y connaissent rien, c’est Borne qui pilote tout depuis le début », confirme une source proche du dossier.

    L’analyse de cette production frénétique de nos collèges d’experts, qui se sont copiés sans vergogne sous l’air du « y’a qu’à-faut qu’on », est édifiante. S’ouvre alors sous nos yeux l’étendue affolante de tout ce qui aurait dû être fait, ne l’a pas été et reste donc à faire - avec les remises en cause drastiques que cela implique.

    Depuis une quinzaine d’années, tous les organismes de recherche impliqués dans la question de l’eau, comme les inspections des administrations centrales, ont publié des centaines de rapports parfaitement informés, qui détaillent par le menu la montée des périls comme les mesures qui devraient être prises pour y faire face. En pure perte. Rien ne change, business as usual.

    Pollutions multiformes, pesticides, irrigation à outrance, imperméabilisation des sols, inondations, sécheresses, recul du trait de côte, chute dramatique de la biodiversité... La réalité est un cauchemar. Et l’élaboration aux forceps de ce nouveau « plan eau » illustre une nouvelle fois, jusqu’à la caricature, la « méthodologie » qui voit rituellement la montagne accoucher d’une souris.

    Que s’est-il passé, au juste ? Ce qui se passe en réalité depuis des lustres. L’affaire se joue en deux temps : l’état des lieux d’abord, puis les propositions. L’état des lieux, la phase 1, s’alimente des centaines de rapports disponibles. Rédigés par des fonctionnaires (IGEDD, CGEEAR, IGF, IGA…) ou par des collaborateurs du Parlement, très généralement compétents, ils renvoient les décisions à prendre au politique. C’est à cette étape, celle des propositions, que les choses se grippent. Pour s’en convaincre, il suffit de confronter pour chacun des rapports, et d’un rapport l’autre, l’état des lieux initial aux « propositions » d’actions élaborées. Le constat est accablant : l’intervention du politique neutralise tout espoir d’améliorer quoi que ce soit.

    Le sénateur et l’éléphant

    Sur le constat tout le monde s’accorde, globalement. A quelques nuances près : la France demeure un pays bien doté, avec des précipitations suffisantes pour répondre à de multiples usages - 32 à 35 milliards de m3 sont prélevés chaque année pour le refroidissement des centrales nucléaires, l’eau potable, l’agriculture, l’alimentation des canaux, l’industrie, etc. Mais les impacts du changement climatique sur le cycle de l’eau se font déjà sentir, y compris dans les bassins plus septentrionaux, provoquant l’eutrophisation des cours d’eau, l’évaporation à un rythme plus rapide et la diminution des pluies en été.

    Et puis, il y a « l’éléphant dans la pièce », selon l’expression du sénateur Renaissance Alain Richard... Co-rapporteur d’un rapport avec Christophe Jarretie (député Modem de Corrèze jusqu’en juin 2022), Alain Richard désigne ici la mobilisation de la ressource pour les besoins agricoles, qui explosent l’été quand il n’y a plus d’eau… D’où les conflits sur l’irrigation et les bassines, qui ont dépassé la côte d’alerte.

    Se prononçant en faveur de la multiplication des retenues, ce même rapport souligne pourtant « une autre limite aux stratégies d’économies d’eau pour l’irrigation agricole » : elle « réside dans la manière dont la marge de manœuvre permise par les économies se trouve redéployée. En améliorant le système d’irrigation, on peut mobiliser davantage d’eau pour les plantes à prélèvement égal. La tentation peut être alors de ne pas réduire les prélèvements mais d’augmenter la surface irriguée. Ce risque est d’autant plus fort qu’avec l’élévation des températures et la modification du régime des précipitations certaines cultures historiquement non irriguées qui n’avaient besoin que de l’eau de pluie, comme la vigne dans le Sud-Ouest, ne doivent désormais leur survie qu’à l’installation de dispositifs d’irrigation. »

    Le 5 février dernier, on a appris que la région Occitanie et six départements du Sud-ouest (Haute-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Tarn-et-Garonne, Lot et Landes) venaient de recapitaliser à hauteur de 24 millions d’euros la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG). Spécialisée dans les barrages et les bassines, cette société d’aménagement régional était en quasi faillite. L’an dernier, sa gestion désastreuse a été sévèrement étrillée par la chambre régionale des comptes. Objectif de cette opération de sauvetage de la CACG ? « S’armer face au manque d’eau », notamment en « augmentant la capacité des réserves existantes »…
    Les diktats de la FNSEA

    Dans les débats autour de la crise de l’eau, on parle aussi beaucoup des « solutions fondées sur la nature ». Ça fait écolo à tout crin. « Cela implique d’aller à l’encontre de la tendance à l’artificialisation des sols, de désimperméabiliser, en particulier en milieu urbain, pour favoriser l’infiltration de l’eau de pluie ou encore apporter de la fraîcheur dans les villes lors des pics de chaleur », édicte le rapport de la commission des affaires économiques du Sénat. Problème, on oublie de dire que le principe du « zéro artificialisation nette » a suscité sur le terrain une véritable bronca des élus, de toute obédience, qui ont engagé un bras de fer avec le gouvernement sur le sujet.

    Notre éléphant, celui du sénateur Richard, est lui aussi au cœur des débats. « L’agriculture est le principal consommateur d’eau, indispensable à la pousse des plantes et à l’abreuvement du bétail, relève le Sénat. Mais l’adaptation des pratiques au changement climatique est encore trop lente et la transition vers l’agro-écologie doit être accélérée à travers tous les leviers possibles : formation, aides apportées par le premier ou le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), recherche appliquée et expérimentation des nouvelles pratiques ».

    Des mesures et solutions de bon sens ? Probablement, sauf que le courant majoritaire de la profession agricole, incarné par la FNSEA, continue à s’opposer avec succès à toute évolution structurelle du modèle productiviste dominant et impose ses diktats à tous les gouvernements. L’actuel ministre de l’Agriculture Marc Fesneau l’a lui-même reconnu à mi-mots dans un récent article de Libération.

    Un autre sujet est lui aussi systématiquement évacué des « solutions ». Il mériterait qu’on y réfléchisse, pour reconsidérer le sujet dans son ensemble : chaque année, pour « équilibrer les fonds publics », l’Etat prélève 300 millions d’euros depuis quinze ans dans les caisses des agences de l’eau. « Les consommations domestiques d’eau potable, sur laquelle les redevances sont assises, sont sollicitées pour financer des domaines de plus en plus variés touchant de plus en plus au grand cycle de l’eau, et de moins en moins à la modernisation des stations d’épuration ou à la modernisation des réseaux de distribution d’eau potable, pourtant vieillissants », pointent ainsi les deux co-présidents du groupe de travail « Redevances des agences de l’eau et atteintes à la biodiversité ».

    En 2022, le duo Richard-Jarretie envisageait de compenser ce manque à gagner par la création d’une nouvelle taxe (assise sur la taxe d’aménagement départementale). Leur proposition de loi, qui aurait dû être adoptée en loi de finance rectificative, sera finalement sèchement rejetée par Bercy.

    La fuite politique

    Autrefois, « l’eau était gérée directement par les maires dans des syndicats intercommunaux à échelle humaine », mais « les regroupements de structures conduisent à dépolitiser l’eau », constate le rapport des deux parlementaires sur la question de la gouvernance. Résultat de cette évolution, « l’eau n’est plus que rarement une question politique débattue lors des campagnes électorales locales ».

    Désormais, « le pouvoir est passé du côté des techniciens. » « La politique de l’eau est dépolitisée et renvoyée à la recherche des meilleurs choix techniques possibles, constatent Jarretie et Richard. Les maires des grandes villes, les présidents des grandes intercommunalités ne siègent plus que rarement dans les organismes chargés de (sa) gestion. Ils y délèguent des élus, certes compétents, mais dont le poids politique propre est minime et qui n’ont pas tellement d’autre choix que de suivre les orientations de la technostructure de l’eau. »

    Parallèlement, cette dépossession d’une question éminemment politique s’accompagne d’une surenchère. Elle concerne la recherche et l’innovation, a priori louables sauf quand elles deviennent le paravent et le prétexte à l’inaction. Depuis une quinzaine d’années, les multinationales Veolia, Suez et Saur mènent avec succès un lobbying opiniâtre pour promouvoir une fuite en avant technologique. Censée apporter des solutions miracles, par exemple pour la réutilisation des eaux usées ou la recharge artificielle des nappes phréatiques, elle contribue en réalité au statu quo, pour ne rien changer aux pratiques délétères qui sont pourtant à l’origine de la dégradation croissante de la qualité de la ressource.

    Face à la production de ce discours et à cette fibre du tout technologique, difficile de résister. Pour deux raisons. « La compréhension des mécanismes de la politique de l’eau, tant dans ses aspects techniques qu’organisationnels est particulièrement ardue », soulignent Alain Richard et Christophe. Certes, « les SDAGE (schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) et les SAGE (schéma d’aménagement et de gestion des eaux, ndlr) sont soumis à l’avis du public. Les dossiers d’autorisation au titre de la loi sur l’eau font l’objet d’enquêtes publiques dont les éléments sont mis à disposition de tous sur les sites Internet des préfectures. Mais seuls quelques « initiés » sont capables de maîtriser les nombreux paramètres en jeu ». Face à cette complexité et au jeu des lobbies, les administrés sont désarmés : « La transparence des procédures ne garantit pas la participation du public et l’appropriation des enjeux à une grande échelle. » Par ailleurs, en matière de gouvernance encore, l’équilibre et les relations national/local ne se soldent pas vraiment en faveur de l’implication des échelons au plus près des administrés.

    Doit-on réfléchir et envisager de décentraliser l’action publique, pour plus d’efficacité ? Un nouveau vœu pieu. La Macronie méprise les 570 000 élus locaux français. Dans la pratique, ce sont désormais les préfets, et surtout les préfets de région, qui ont la haute main sur des politiques publiques revues à l’aune du libéralisme le plus échevelé.

    Un déluge de com

    Le 23 février dernier, Christophe Béchu et Bérangère Couillard présidaient le premier comité d’anticipation et de suivi hydrologique (CASH) de l’année. Objectif affiché ? « Informer les représentants des usagers sur la situation hydrologique actuelle et projetée en anticipation de risques potentiellement significatifs de sécheresse »...

    Pareille langue de bois n’augurait rien de bon, ou plutôt admirablement ce qui allait suivre cet interlude comme quand les deux membres du gouvernement, 24 heures plus tard, expliqueront qu’ils vont décider avec les préfets de mesures de restrictions... « soft ». Le lendemain de cette pseudo-annonce, Le Monde consacre son éditorial aux périls qui menacent, appelant face à l’urgence à la sobriété des usages. Comme un coup de pied à l’âne.

    En ce début d’année 2023, le rouleau compresseur de la com gouvernementale s’emballe. A donner le tournis. La veille de la réunion du CASH, le 22 février sur France Info, le ministre Béchu déclare la France « en état d’alerte ». Le samedi 25 février, en visite au Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron en appelle à un « plan de sobriété sur l’eau » et invente les « rétentions collinaires » jusque-là... inconnues.

    Le lundi 27 février, Christophe Béchu, à nouveau, réunit les préfets coordonnateurs de bassin. La semaine suivante, il est en visio avec les 100 préfets de département. Dix jours plus tôt, la troisième mission d’information sénatoriale mobilisée auditionnait des directeurs d’agences de l’eau. En outre, pour tirer les enseignements pratiques de la sécheresse historique de 2022, une mission est confiée aux inspections générales, charge à elles d’établir un retour d’expérience auprès de l’ensemble des acteurs et usagers et de formuler des propositions d’amélioration. La mission, en cours, devrait rendre ses conclusions au 1er trimestre 2023.

    Des « solutions » ineptes

    Cette mise en scène à grand spectacle se distingue principalement... par son inanité : loin de répondre aux enjeux d’une crise systémique, il s’agit en s’appuyant sur des « évidences » (qui n’en sont pas) de « vendre » du vent en agitant des « solutions » (qui n’en sont pas) tout en promouvant une fuite en avant technologique qui elle va rapporter des milliards aux usual suspects du secteur...

    À Savines-le-Lac, dans ses mesures phare, Emmanuel Macron a notamment insisté jeudi dernier sur la nécessité de lutter contre les fuites pour atteindre les objectifs fixés - et « faire 10% d’économie d’eau ». En les réparant ?

    Édifié depuis la moitié du XIXème siècle, le linéaire du réseau français d’adduction d’eau atteint quelque 880 000 kilomètres. Estimé à 1 000 milliards d’euros, ce patrimoine national a été à l’origine largement financé sur fonds publics, avant l’invention de la facture d’eau. Propriété des collectivités locales, son taux de renouvellement est en deçà de ce qu’il devrait être idéalement (1% par an), calé logiquement sur la durée de vie des tuyaux.

    « Parce que tout ça, c’est le fruit de quoi ?, a fait mine de s’interroger Emmanuel Macron la semaine dernière. De sous-investissements historiques. Et pourquoi on se retrouve collectivement dans cette situation ? C’est que pendant très longtemps, on s’est habitué à ne plus investir dans nos réseaux d’eau ».

    Face à cette situation, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (dite loi « Grenelle II ») a introduit deux dispositions : l’obligation tant pour les services d’eau que d’assainissement d’établir pour fin 2013 un descriptif détaillé de leurs réseaux d’une part, et l’obligation pour les services de distribution de définir un plan d’actions dans les deux ans lorsque les pertes d’eau en réseaux sont supérieures au seuil fixé par décret (n° 2012-97 du 27 janvier 2012).

    En clair, si son réseau est excessivement percé, la collectivité sera pénalisée en se voyant imposer un doublement de la redevance « prélèvement » perçue par les agences de l’eau sur les factures des usagers. Par ailleurs, plus « incitatif », la Banque des territoires (Caisse des dépôts et consignations) a ouvert ces dernières années une ligne de crédit de 2 milliards d’euros « [d’]Aquaprêt ». Les collectivités sont donc invitées à s’endetter pour changer leurs tuyaux. Succès mitigé jusqu’à aujourd’hui.

    Pour donner la mesure du problème, il est utile de savoir que changer un kilomètre de tuyau coûte entre 50 000 et 200 000 euros. Depuis trois ans, regroupées sous la bannière « Canalisateurs de France », les entreprises du secteur ont augmenté leurs tarifs de 30 à 40%.

    Autrement dit, une fois ces éléments précisés, aucune progression sensible n’est à attendre sur la question des fuites. Il va donc falloir trouver ailleurs.

    D’autant que si Emmanuel Macron annonce des financements (180 millions d’euros par an « sur nos points noirs), il s’est bien gardé de préciser l’origine de ces fonds (en encadré).

    Les eaux usées, plan juteux des majors

    Devant les élus, face aux Alpes qui le toisaient, le chef de l’Etat a insisté sur une autre mesure forte : il faut « investir massivement dans la réutilisation des eaux usées », a-t-il asséné avec un air entendu.

    Réutiliser les eaux usées ? Encore une fausse bonne idée « frappée au coin du bon sens ». Pour le mesurer et se faire une idée de l’annonce présidentielle, il faut là aussi comprendre de quoi il s’agit. Cette idée est en réalité promue depuis une vingtaine d’années au fil d’un lobbying effréné de Veolia, Suez et de la Saur.

    Concrètement, il existe aujourd’hui à peine 80 unités de « réutilisation des eaux usées traitées » (REUT) dans l’hexagone, pour plus de 22 330 stations d’épuration, de la petite installation qui traite les rejets de quelques centaines d’usagers aux complexes géants implantés dans les métropoles.

    Le traitement des eaux usées n’a pas pour objectif de la rendre potable. Avant d’être traitée, cette eau usée reçoit un prétraitement afin d’éliminer le sable et les autres matières en suspension. Le process consiste ensuite à opérer des filtrations et traitements (mécanique, biologique, physico-chimique…) avant de la rejeter d’une qualité acceptable, fixée par la réglementation, dans le milieu naturel (les lacs, les rivières, la mer, etc).

    L’épuration classique, dite par boue activée, s’inspire du domaine naturel. Plus précisément des rivières, qui développent des boues au sol afin de supprimer la pollution - elle s’en nourrit. Dans une installation traditionnelle, on fournit de l’oxygène à la boue pour satisfaire ses besoins énergétiques et on la laisse se nourrir, avant de la séparer de l’eau traitée à l’aide d’un clarificateur. Les filières les plus modernes peuvent aujourd’hui compter jusqu’à 10 étapes de traitement successives, jusqu’aux ultra-violets (UV).

    Plus coûteux et bien moins répandu, le traitement membranaire repose sur le même principe, mais au lieu d’utiliser un clarificateur les membranes filtrent la liqueur mixte.

    Avec la REUT, il s’agit de mobiliser des traitements complémentaires pour améliorer la qualité de l’eau usée. L’objectif n’est plus de la rejeter dans le milieu naturel mais de l’utiliser pour l’irrigation, l’arrosage des espaces verts, des golfs ou la réalimentation des nappes phréatiques, des captages ou des réserves qui servent à produire de l’eau potable, comme Veolia l’expérimente à grande échelle en Vendée.

    Revers de la médaille, c’est... autant d’eau qui ne revient pas au milieu, qui en a pourtant besoin, les rivières comme les nappes phréatiques, pour le maintien du cycle naturel - sans négliger les inquiétudes suscitées par le contrôle sanitaire des eaux ainsi « réutilisées » par ses usagers. Sur ce terrain, les expérimentations citées en exemples par les défenseurs de l’usage de la REUT pour l’irrigation dans le sud de l’Espagne ou en Italie (jusqu’à 10% des eaux usées y sont retraitées) montrent plutôt le chemin à éviter : les systèmes hydrologiques concernés y ont été gravement dégradés par un recours intensif à la REUT…

    On retrouve ici encore les mêmes à la manœuvre. Car pour Veolia, Suez et Saur, nouveaux usages « non conventionnels » veut dire d’abord et surtout nouvelles filières, nouvelles technologies, donc nouveaux marchés… Ces lobbies ont déjà convaincu le gouvernement qu’il fallait « faire sauter les entraves règlementaires qui pénalisent le développement des projets ». Comme en atteste le décret publié le 11 mars 2022, censé encadrer cette pratique, réputée « incontournable » pour répondre aux tensions qui se font jour sur la disponibilité des ressources en eau.
    Construire des bassines ?

    La question de l’irrigation de l’agriculture est devenue sensible à l’aube des années 2000, dans plusieurs grandes régions françaises - la Charente, le Sud-Ouest, la Beauce, la Picardie, terres d’élection des grandes cultures irriguées. Alors que le changement climatique affecte déjà le cycle hydrologique, la fuite en avant d’un modèle agricole productiviste délétère va dès lors entrer en contradiction avec une gestion soutenable de la ressource en eau.

    L’impasse s’est faite jour dans le courant des années 80 quand l’Etat a considéré que tout prélèvement au-dessus d’un certain seuil devait faire l’objet d’une déclaration à ses services, après avoir délivré des autorisations au coup par coup, sans aucune limite, pendant des décennies. Une situation intenable.

    Chaque été, les préfets d’une vingtaine de départements prennent de manière récurrente des arrêtés sécheresse et 30% du territoire métropolitain est considéré en déficit structurel. « On a une quinzaine de départements, dont les Hautes-Alpes d’ailleurs, qui sont d’ores et déjà placés en vigilance », a rappelé le président de la République la semaine dernière. « On a ensuite une dizaine de départements qui sont d’ores et déjà en alerte ou alerte renforcée dans certaines zones », a-t-il encore ajouté.

    La récente actualité, avec le choc des images de Sainte-Soline, a définitivement popularisé le sujet des grandes bassines. Mais, au juste, qu’est-ce qu’une bassine ? Cet ouvrage de stockage d’eau pour l’irrigation est constitué de plusieurs hectares de bâches en plastique retenues par des remblais de 10 à 15 mètres. Mais il ne se remplit pas avec de l’eau de pluie en hiver : avec une pluviométrie moyenne de 800 mm par an, il faudrait... 15 ans pour la remplir. Elle n’est pas davantage alimentée par de l’eau de ruissellement, comme celle des crues - comme le sont les retenues collinaires. Les bassines sont donc remplies par l’eau des nappes phréatiques, ce à quoi s’opposent les militants mobilisés le 25 mars dernier dans les Deux-Sèvres. Il faut compter 2 mois pour remplir une bassine avec des pompes travaillant à 500m3/H.

    Une fois capturée, l’eau est exposée au soleil, à l’évaporation et à la prolifération bactérienne ou algale. Elle servira alors principalement à irriguer du maïs destiné à nourrir le bétail, dont une bonne partie sera exportée avant que nous réimportions le bétail qui s’en nourrit. On dénombre aujourd’hui une bonne quarantaine de sites avec des grandes bassines (ou des projets) sur le sol national.

    Depuis un demi-siècle, on se débarrassait au printemps de l’eau « excédentaire » pour pouvoir effectuer les semis. On a drainé prairies et zones humides, « rectifié » les rivières pour évacuer l’eau. Ces opérations ont eu pour résultat une diminution des prairies et une augmentation de l’assolement en céréales. Mais à force d’évacuer l’eau, on a commencé à subir les sécheresses et les irrigants ont commencé à pomper l’eau des nappes.

    La loi NOTRe à la poubelle ?

    Comme si ça ne suffisait pas, la loi NOTRe de 2015 - loi phare du mandat Hollande qui avait pour objectif de rationaliser l’organisation des 35 000 services d’eau et d’assainissement français jusqu’alors gérés par les communes, en transférant ces compétences aux intercommunalités - n’a cessé d’être détricotée par les élus locaux qui n’ont jamais accepté d’être privés de leurs prérogatives.

    Après trois premières lois rectificatives, une quatrième offensive est venue du Sénat : la chambre haute examinait le 15 mars une nouvelle proposition de loi qui prévoit que même si les compétences ont déjà été transférées il serait possible de revenir en arrière, même pour les interco ayant procédé à la prise de compétences ! « On ne pourrait rêver pire pour créer un bordel ingérable », soupire un haut responsable de la direction générale des collectivités locals du ministère de l’Intérieur.

    Dans son rapport annuel 2023, la Cour des comptes a posé le dernier clou au cercueil, dans le chapitre qu’elle consacre à la politique de l’eau en France. Conclusion d’une enquête d’ampleur menée avec les treize chambres régionales, le texte n’y va pas de main morte pour dénoncer cette mascarade : « Elle est incohérente [et ] inadaptée aux enjeux de la gestion quantitative de la ressource », fulmine-t-elle. Cette politique, telle qu’elle est menée, souffre de « la complexité et du manque de lisibilité de son organisation », constatent les sages.

    La Cour fustige, les lobbies dansent...

    Exemple ? Près de la moitié des sous-bassins hydrographiques ne sont pas couverts par un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (Sage), dont l’élaboration... conditionne pourtant la mise en œuvre concrète des orientations du Sdage.

    « Lorsqu’ils existent, le contenu de ces schémas n’est pas toujours satisfaisant en raison de leur durée moyenne d’élaboration, proche d’une dizaine d’années, de l’ancienneté des données sur lesquelles ils s’appuient et de l’absence d’objectifs de réduction des consommations d’eau », pointent les magistrats financiers. Face à ces constats d’une sévérité sans précédent, la Cour des comptes demande donc de la « clarifier » en suivant mieux la géographie de l’eau et recommande de la (re)structurer autour du périmètre des sous-bassins versants.

    Mais qu’importent ces sombres augures et leurs appels... Le 22 mars, on se réjouissait, c’est bien là l’essentiel : Canalisateurs de France - les marchands de tuyaux qui réclament de 3 à 4 milliards d’euros d’investissements supplémentaires chaque année - organisaient un grand raout : une « matinée de l’eau » avec pour « grand témoin » l’incontournable Erik Orsenna, l’homme... qui se vantait de faire commerce de son entregent dans un portrait criant de vérité publié en 2016 par M le Monde. Le ton était donné.

    Dans ces conditions, après avoir observé pendant des mois ce qui se passait en coulisses, et constaté l’omniprésence de lobbies toujours plus offensifs, on ne pouvait s’attendre qu’au pire à l’annonce du fameux plan eau du gouvernement. A la lecture du document diffusé dans la foulée du discours d’Emmanuel Macron, on doit le dire, on n’a pas été déçu. Entre énièmes déclarations d’intention (jamais suivies d’effets), camouflage du réel, empilement de gadgets ineptes - le baromètre de ceci, le thermomètre de cela... -, le président de la République s’est fait le VRP d’un « plan waouh ». Présenté comme la « modernisation sans précédent de notre politique de l’eau », il tient en réalité du concours Lépine et du catalogue de la Redoute.

    À la sortie, une (seule) chose est acquise : l’été sera chaud. Et l’exercice d’esbroufe ne règlera rien.

    https://www.blast-info.fr/articles/2023/macron-le-grand-plan-eau-qui-fait-flop-lojNnq91RhyU46bCLV9S0w

    #eau #plan_eau #lobbies #Macron #plan #mesures #sécheresse #plan_sécheresse #REUT #réutilisation_des_eaux_usées_traitées #FP2E #télérelève #Veolia #Suez #Saur #lobby #FNCCR #Comité_national_de_l’eau #Comité_de_bassin_Seine-Normandie #RIM #irrigation #bassines #changement_climatique #irrigation_agricole #agriculture #Compagnie_d’aménagement_des_coteaux_de_Gascogne (#CACG) #zéro_artificialisation #dépolitisation #politique #politique_de_l'eau #technostructure #gouvernance #SDAGE #SAGE #schéma_d'aménagement_et_de_gestion_des_eaux #schéma_directeur_d'aménagement_et_de_gestion_des_eaux #politique_publique #libéralisme #comité_d’anticipation_et_de_suivi_hydrologique (#CASH) #inaction #réseau #investissements #sous-investissement #Aquaprêt #collectivités_locales #Canalisateurs_de_France #fuites #eaux_usées #épuration #bassines #nappes_phréatiques #industrie_agro-alimentaire #loi_NOTRe

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    voir aussi :
    https://seenthis.net/messages/997687

  • Le #coût faramineux du #stationnement automobile pour la collectivité
    http://carfree.fr/index.php/2023/04/03/le-cout-faramineux-du-stationnement-automobile-pour-la-collectivite

    Cette étude réalisée par Bruno CORDIER du bureau d’études ADETEC pour le compte de l’association Qualité Mobilité porte sur les dépenses publiques occasionnées par le stationnement automobile en #france métropolitaine. Lire la suite...

    #Fin_de_l'automobile #collectivités_locales #économie #parkings #société

  • La métropole comme horizon ? Décidément oui !
    https://metropolitiques.eu/La-metropole-comme-horizon-Decidement-oui.html

    Les #Débats actuels sur la #métropolisation interrogent notamment le rôle de l’expertise dans l’élaboration des #politiques_publiques. Martin Vanier explicite ici sa vision de la métropolisation et revient sur l’articulation entre ses positions de chercheur en sciences sociales et d’expert auprès des collectivités. Dans son article du 26 mai 2022 consacré aux « experts du fait métropolitain », Christophe Parnet critique la pensée, l’action et les interventions d’un ensemble d’universitaires engagés comme Débats

    / #métropole, métropolisation, #collectivités_locales, #expertise, politiques publiques

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_vanier3.pdf

  • Finances communales : un bilan du quinquennat Macron en clair-obscur
    https://metropolitiques.eu/Finances-communales-un-bilan-du-quinquennat-Macron-en-clair-obscur.h

    À l’aube d’un nouveau quinquennat, Olivier Wolf, praticien et expert des questions de #finances_locales, dresse le bilan de celui qui s’achève, et pointe un ensemble de contradictions et de défis en matière de fiscalité et de démocratie. Les relations entre les édiles communaux et le président de la République nouvellement élu n’avaient pas commencé sous les meilleurs auspices, marquées par son accueil houleux lors de son premier congrès de l’Association des maires de France en novembre 2017. Il est vrai #Débats

    / fiscalité, #décentralisation, #taxe_d'habitation, #taxe_foncière, #collectivités_locales, finances locales, (...)

    #fiscalité #impôt
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_dossier-presidentielle_wolf.pdf

  • En #Guadeloupe, l’#eau_courante, potable, est devenue un luxe

    En Guadeloupe, des milliers d’habitants vivent au rythme des « #tours_d’eau », des #coupures programmées, ou n’ont tout simplement pas d’eau au robinet depuis plusieurs années. Les habitants subissent des coupures prolongées, même en pleine pandémie de Covid-19. Face à la catastrophe sanitaire, les pouvoirs publics sont accusés d’#incurie. Premier volet de notre série.

    https://www.mediapart.fr/journal/france/120721/en-guadeloupe-l-eau-courante-potable-est-devenue-un-luxe
    #eau_potable #eau_de_robinet #eau

    by @wereport photos @albertocampiphoto

  • Après un an de Covid, l’heure des choix pour les #finances_locales ?
    https://metropolitiques.eu/Apres-un-an-de-Covid-l-heure-des-choix-pour-les-finances-locales.htm

    La crise sanitaire a fortement pesé sur les budgets locaux en 2020. Françoise Navarre pointe ici les incertitudes auxquelles les collectivités sont confrontées, entre impératifs de « relance » et de « maîtrise » des dépenses publiques. Depuis le printemps 2020, les propos alarmistes prolifèrent : les difficultés résultant de la Covid provoqueraient un choc sans précédent pour les budgets locaux, suscitant leur dérapage, voire les conduisant dans une impasse. De fait, les finances de toutes les #Essais

    / finances locales, #collectivités_locales, #collectivités_territoriales, #investissement, #services_publics, (...)

    #dette
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met-navarre2.pdf

  • Penser la propreté urbaine hors contexte électoral
    https://metropolitiques.eu/Penser-la-proprete-urbaine-hors-contexte-electoral.html

    La propreté urbaine, critère déterminant de la qualité de vie, n’est évoquée qu’à l’occasion d’élections. Sara Bellamine, Sabine Bognon et Daniel Florentin observent cependant l’émergence de cadres structurels d’action et de gouvernance, renouvelant ainsi sa prise en charge par les collectivités. La question de la propreté urbaine est enserrée dans un triptyque étroit. D’abord, chaque scrutin municipal est l’occasion de refrains électoralistes dénonçant la saleté de telle ou telle ville. Ensuite, la mise en #Terrains

    / propreté, #collectivités_locales, #politiques_urbaines, #élections

    #propreté
    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_bellaminebognonflorentin.pdf

  • Quand les #communes_rurales suppléent l’#Éducation_nationale
    https://www.banquedesterritoires.fr/quand-les-communes-rurales-suppleent-leducation-nationale

    C’est l’histoire d’une petite commune rurale. Ou plutôt de deux. Non, en fait, elles sont trois. Ou quatre. À la vérité, elles sont des centaines. Voire des milliers. Des milliers de communes rurales qui ont perdu leur #école. Ces quinze dernières années, le nombre d’établissements publics a baissé de quelque six mille. Par #décisions_comptables. Prises là-haut, au ministère. À Paris. Les enfants de ces communes vont toujours à l’école. Mais plus loin. Ailleurs. Seulement, la fermeture d’une école rurale ne se résume pas à une équation où l’on ferait entrer un car de ramassage et le forfait communal. « Chaque fermeture a un effet dévastateur. » C’est David Djaïz, directeur de la stratégie et de la formation de l’Agence nationale de la #cohésion_des_territoires, qui le dit lors du séminaire « Nos #écoles_rurales ont de l’avenir ! » organisé par la fondation Kairos pour l’innovation éducative à l’Institut de France le 27 janvier 2021. À l’inverse, rouvrir une école, c’est faire revivre un village. Attirer de nouveaux habitants. Retisser du lien social. Enclencher une dynamique économique même. Une véritable résurrection. Lors du même séminaire, de nombreux élus ont témoigné de la résurrection de leur commune rurale grâce à la réouverture d’une école. Leur point commun ? Ils se sont tous débrouillés sans l’Éducation nationale.

    […] Élus, habitants, associations. Sur les territoires ruraux, tout le monde fait bloc. Mais le succès de ces entreprises attirent un invité surprise. Pas le bienvenu. Le #PLUI. Plan local d’urbanisme intercommunal. Sophie Gargowitsch : « La seule chose que nous n’avions pas mesurée a été l’incidence sur l’habitat. Tout ce qui était disponible a été complété. Nous ne pouvons plus construire et nous sommes bloqués par le PLUI, une compétence sur laquelle je n’ai plus la main. Les grandes communes ont tendance à tirer la couverture à elles en matière de construction. Dans les zones rurales, nous avons parfois la sensation d’être des habitants de seconde zone. » Gilbert Chabaud abonde : « On n’a plus de parcelles à vendre. Toutes les maisons ont été réhabilitées. Et dans le cadre du PLUI, il ne faut pas rêver, on n’aura rien. » Valentin Josse résume l’inquiétude des élus ruraux : « Il faudra faire très attention à la façon dont sera traitée l’idée du ’zéro #artificialisation nette’ (ZAN). Cela risque d’être un nouveau coup de poignard et une fracture entre les métropoles et le monde rural. Si on applique strictement ce ZAN, on tue la ruralité. »

    En attendant de régler cette question, les revendications des maires ruraux en quête d’école portent d’abord sur le droit à la différentiation en matière scolaire. Anne Coffinier, fondatrice de la Fondation Kairos et présidente de l’association Créer son école : « Nous avons de plus en plus d’appels de maires ruraux qui veulent créer des écoles et désirent être accompagnés. L’Éducation nationale doit accepter plus de dérogations et d’expérimentations, et renoncer à des approches du haut vers le bas pour contractualiser et accepter que les #collectivités_locales ne soient pas simplement des payeurs. » Elle réclame deux évolutions. Assouplir la règle des cinq ans d’expérience dans l’enseignement pour pouvoir diriger une école hors contrat : « Dans une école à classe unique de quelques élèves, ce qui compte est d’ouvrir avec quelqu’un qui soit compétent académiquement. » Et revenir sur l’interdiction de financement par la collectivité : « Nous sommes dans une logique de substitution. Il est absurde de payer 50 à 60.000 euros de forfait communal pour scolariser des enfants dans une commune voisine. Avec cette somme, on peut ouvrir une école. Si on veut que la ruralité vive, il faut faire preuve de souplesse. »

    #montesori #ANCT

  • Les monnaies locales peuvent-elles répondre à la crise économique #post-Covid ?

    Après le #déconfinement la #consommation reprend lentement et timidement. Dans ce contexte de crise sanitaire et économique, comment redonner confiance aux français, comment relancer les commerces et les petites entreprises ? Les monnaies locales reviennent en force dans les territoires.

    https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-economique/la-chronique-eco-du-mercredi-27-mai-2020

    #monnaies_locales #monnaie_locale #crise_économique #économie #covid-19 #coronavirus

    • Pour relancer l’économie, choisissons les monnaies locales

      « Contribuer au développement d’une entreprise locale ou faire prospérer une multinationale » ? Pour l’auteur de cette tribune, les monnaies locales, complémentaires à la monnaie nationale, permettent aux consommateurs de contribuer à « stimuler l’économie locale ».

      La crise que nous traversons a rappelé d’une manière violente et douloureuse à ceux qui l’avaient oublié que la mondialisation contient des risques : risque sanitaire, car les maladies circulent plus facilement dans un monde où tout se déplace (personnes et marchandises notamment), risque alimentaire puisque l’interdépendance agricole s’est traduite par des rayons vides dans nos supermarchés après la fermeture des frontières, risque économique, de manière générale, puisque la rupture des chaînes de production dans un pays révèle notre dépendance aux importations.

      L’idée de relocaliser une partie de la production en France pour réduire ces risques fait donc son chemin en cette période de confinement. Mais comment engager la transition quand les entreprises privées prennent leurs décisions de manière autonome ? Si elles souhaitent continuer à produire à bas coûts dans un pays éloigné, personne ne semble pouvoir les en empêcher.

      Les consommateurs tendent à l’oublier, mais ils possèdent en ce sens un outil d’une valeur bien supérieure à ce qu’ils imaginent : la monnaie. En économie, les dépenses des uns sont les revenus des autres. En dépensant son argent dans une entreprise, on assure à celle-ci la capacité de payer les salaires, de rembourser ses fournisseurs, ou encore de payer ses impôts. Or, dans de nombreux cas, nos dépenses font vivre des entreprises ayant délocalisé tout ou partie de leurs productions à l’étranger — où a été fabriqué le pantalon que vous portez ? la table dans votre salon ? D’autres entreprises, que nos achats font vivre, exportent leurs revenus dans des pays où l’impôt est plus faible, réduisant d’autant leur contribution au développement du pays où elles sont implantées.

      Les monnaies locales complémentaires sont de puissants outils pour limiter ces effets et pour stimuler l’économie locale. Le principe est de payer sa consommation en utilisant la monnaie locale dans les points de vente qui l’acceptent. En retour, les commerces qui la récupèrent peuvent également l’utiliser pour payer les fournisseurs qui l’acceptent aussi. Pour en obtenir, il faut en faire la demande auprès de l’organisme émetteur (une association, par obligation légale depuis 2014) et sa valeur est à parité avec l’euro. Ainsi, puisque les grandes entreprises et groupes internationaux ne font des transactions qu’en monnaie nationale, ils sont de facto exclus de ce système.

      Relancer l’économie, localement

      Les monnaies locales sont une véritable opportunité pour relancer l’économie en période de crise. Parmi les entreprises fortement touchées par le confinement, c’est sans nul doute les TPE, PME, commerçants et artisans qui sont plus durement frappés par la baisse de leur chiffre d’affaires. En manque de liquidités, la banqueroute est au coin de la rue. Par le déploiement de ces monnaies locales, on incite les consommateurs d’un quartier, d’une ville, d’une région, à dépenser leur argent en priorité dans les entreprises locales. Pour déjeuner le midi, avec seulement de la monnaie locale en poche, on ira consommer dans la brasserie du coin plutôt que dans une chaîne de restauration rapide. Multipliées par le nombre de consommateurs d’une zone géographique, ces « petites dépenses » sont la différence pour les entreprises locales entre rester en vie et faire faillite.

      De plus, il a été démontré que la vitesse de circulation de ces monnaies était sept fois supérieure à celle de la monnaie nationale. [1] Par conséquent, un euro local crée plus de richesses car il permet de réaliser plus de transactions sur une même période donnée. En retour, ce sont également plus d’emplois créés dans ces structures et donc tout un écosystème composé de petites entreprises qui se développe et prospère. Comme la conversion en monnaie nationale a généralement un coût — 5 % pour la monnaie basque eusko, les consommateurs sont incités à en faire usage, ce qui renforce l’effet d’entraînement sur l’écosystème local.
      Reconstruire un tissu industriel local par la monnaie

      Mais ça ne s’arrête pas là. L’une des critiques courantes à l’encontre des monnaies locales est que leur mise à l’échelle est impossible – entendre : elles servent la librairie du quartier mais pas au-delà. Au contraire, elles servent aussi à organiser les rapports marchands entre entreprises. Certaines monnaies locales agissent comme de véritables réseaux, les entreprises les utilisant tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement au sein d’un même territoire : du papier, pour fabriquer des livres, au bois, pour fabriquer des meubles, de l’exploitant agricole, qui fournit commerces et cafés, aux entreprises de services à la personne, les monnaies locales facilitent la construction de chaînes d’approvisionnement locales. Ainsi, plus de la moitié des entreprises utilisant l’eusko au pays Basque ont changé de fournisseurs après avoir adopté cette monnaie.

      Et ça ne s’arrête toujours pas là. À l’inverse des monnaies traditionnelles, les monnaies locales ne reposent que marginalement sur le principe de l’intérêt. Dans sa forme la plus courante, il n’est pas possible d’emprunter de la monnaie locale quand on est consommateur. Le crédit aux entreprises en monnaie locale peut s’organiser à un très faible coût. La banque Wir, en Suisse, propose des emprunts en monnaie wir à des conditions défiant toute concurrence (taux bas, échéance de long terme, absence de frais) car la structure bancaire est moins coûteuse que celle des banques traditionnelles et qu’elle repose sur un système de dépôts en monnaie wir qui assure sa pérennité. En Suisse, une PME sur cinq utilise cette monnaie pour régler ses factures.

      Les monnaies locales, outil de résilience

      Ainsi, avec des entreprises qui échangent entre elles sur un même territoire et des consommateurs qui sont incités à dépenser leur argent dans certains points de vente, on contribue à relocaliser progressivement l’ensemble de la chaîne de production d’un territoire en se focalisant sur les solutions existantes ici et non ailleurs. En stimulant l’économie locale, on contribue à la création d’emplois dans un contexte où de nombreux secteurs licencient du fait des délocalisations stimulées par la concurrence de la main-d’œuvre à l’échelle internationale.

      Ces monnaies n’ont pas vocation à remplacer la monnaie nationale. Toutes les entreprises ne peuvent pas les utiliser pour répondre à l’ensemble de leurs besoins d’achat. Mais il est grand temps que les consommateurs prennent conscience que notre économie est à une très grande majorité une économie de petites structures : plus de 99 % des entreprises, employant 47 % de la main-d’œuvre et générant 43 % du PIB marchand. Certains choix de consommation font la différence : contribuer au développement d’une entreprise locale ou faire prospérer une multinationale. Nous ne pourrons pas faire l’économie d’une monnaie nationale et des grandes entreprises pour répondre à certains de nos besoins. Mais si nous pouvons faire le choix du local à chaque fois que la possibilité se présente, nous aurons contribué à recréer une économie résiliente.

      La monnaie circule. Nous pouvons décider au profit de qui.

      https://reporterre.net/Pour-relancer-l-economie-choisissons-les-monnaies-locales

    • Les collectivités locales peuvent nous sauver de cette crise

      Plutôt que la planche à billets ou la monnaie hélicoptère, l’une des solutions serait de faire évoluer le fonctionnement de la zone euro dans le sens d’un #fédéralisme_monétaire, en déléguant aux #collectivités_locales le droit d’émettre massivement une monnaie locale complémentaire dont la valeur sera partout et toujours assurée par la BCE.

      Pour faire face à la crise économique que nous allons traverser, les banques centrales vont déverser massivement de la monnaie dans l’économie, l’inonder de liquidités. La Banque Centrale Européenne (BCE) nous annonce qu’elle va injecter 750 milliards d’euros en rachetant de la dette des États et d’entreprises afin de soulager les banques. De son côté, l’administration américaine annonce vouloir donner des chèques aux Américains, à hauteur de 850 milliards de dollars, soit un chèque de 1.000 dollars par Américain. Dans ce cas, il s’agit de faire décoller l’hélicoptère monétaire pour sauver l’économie.

      Ce concept de monnaie hélicoptère fut rendu célèbre par l’économiste Milton Friedmann dans un article intitulé « The Optimum Quantity of Money » [1]. Pour illustrer les principes de base de sa théorie monétaire, Friedmann recourt à la métaphore d’un hélicoptère volant au-dessus d’une communauté pour larguer 1.000 dollars en billets depuis le ciel.

      De là est né le développement de l’idée selon laquelle créer de la monnaie et la distribuer directement aux ménages et entreprises sans aucune contrepartie est plus efficace pour relancer l’économie que les politiques monétaires non conventionnelles de rachat de la dette [2].

      L’idée est séduisante mais comporte néanmoins quelques écueils et autres difficultés de mise en œuvre. Lesquelles ?

      Premièrement, la banque centrale n’a pas d’accès direct aux agents économiques que sont les ménages. Deuxièmement, certains ménages pourraient plutôt choisir d’épargner ou de thésauriser la monnaie reçue. Enfin, cette politique monétaire risque avant tout de bénéficier, d’une part, aux produits importés en dehors de la zone euro et, d’autre part, aux États membres les plus compétitifs. En somme, les gains générés par la relance de l’activité économique ne seraient pas répartis de manière optimale.
      Fédéralisme monétaire

      Dès lors, comment pleinement mettre en œuvre les avantages de cette politique tout en contournant ses écueils ?

      L’une des solutions serait de faire évoluer le fonctionnement de la zone euro dans le sens d’un fédéralisme monétaire, en déléguant aux collectivités locales, selon le principe de subsidiarité, le droit d’émettre massivement une monnaie locale complémentaire dont la valeur sera partout et toujours assurée par la banque centrale [3].

      Dans ce sens, les collectivités locales, partenaires privilégiés de la BCE pour la diffusion massive d’une monnaie hélicoptère, peuvent nous sauver de la crise.
      Lire plus

      Le principe ? Une Région émet et donne de la monnaie aux ménages ou aux entreprises sur son territoire, sans aucune contrepartie. Cette monnaie locale ne peut être dépensée que dans les « entreprises » qui ont adhéré à une charte introduisant les critères auxquels elles doivent répondre, comme, par exemple, la dimension locale des produits vendus.

      Cette monnaie intrinsèquement liée à des critères déterminés ne peut par conséquent pas être épargnée ou bénéficier à la vente de produits qui ne sont pas locaux. Elle se déversera directement dans l’économie réelle locale et, dopant le pouvoir d’achat, encouragera l’investissement, l’augmentation de l’offre et in fine la relance de l’activité économique et de la croissance.

      En somme, la BCE pourrait faire de ce système de soutien à l’économie réelle, locale et durable l’un des piliers de sa politique monétaire européenne.

      [1] FRIEDMAN, M., « The Optimum Quantity of Money », Macmillan, 1969, London, pp.4-5.

      [2] François CHEVALLIER, cité in https://www.challenges.fr/economie/la-monnaie-helicoptere-derniere-arme-pour-la-croissance_17876, 17 mars 2016.

      [3] Je tiens ici à remercier Wojtek Kalinowski pour ses articles parus dans la revue Alternatives économiques, «  Réinventer la monnaire », mai 2016, qui m’ont inspiré ces propos.

      https://www.lecho.be/opinions/carte-blanche/les-collectivites-locales-peuvent-nous-sauver-de-cette-crise/10219354.html

    • Un maire italien imprime sa propre monnaie locale pour aider les habitants pendant la crise

      Une initiative destinée à aider les résidents de la petite commune italienne de #Santa_Marina pendant cette « période extrêmement difficile », selon son maire Giovanni Fortunato.

      C’est une mesure sociale originale en pleine crise économique et sanitaire. Comme le rapporte The Independent, le maire de Santa Marina, une petite commune de la province de Salerne dans la région de Campanie, en Italie, a décidé d’imprimer et de distribuer ses propres billets pour une valeur totale d’environ 87.800 euros. Une monnaie locale destinée à venir en aide à ses administrés les plus précaires, alors que l’Italie est très durement frappée par le coronavirus. « Cet argent peut être utilisé au sein de la commune et fonctionnera comme des billets classiques », a déclaré le maire dans un post Facebook.

      La commune a assuré que cette monnaie pouvait être utilisée pour des achats dans les supermarchés, de médicaments et pour tout autre bien de première nécessité. L’initiative vise à soutenir « les personnes qui ont besoin d’un soutien supplémentaire pour traverser cette période extrêmement difficile », a déclaré Giovanni Fortunato, ajoutant qu’environ 4.400 euros iraient également à un hôpital local alors que les structures hospitalières sont débordées face à l’afflux de patients dans le pays.

      >> À lire aussi - Clap de fin pour la monnaie locale des Ardennes

      Les billets de 50 cents, 1, 5 et 10 euros présentent chacun une image différente de la région du sud de l’Italie selon le maire. Pour rappel, Giuseppe Conte, le Premier ministre italien, a récemment approuvé un nouveau train de mesures comprenant des colis alimentaires et des bons d’achat pour ceux qui luttent financièrement pendant la pandémie de coronavirus, qui a ralenti l’activité économique dans le pays.

      https://www.capital.fr/economie-politique/un-maire-italien-imprime-sa-propre-monnaie-locale-pour-aider-les-habitants-p
      #Italie

    • Utiliser les monnaies locales pour relancer l’économie du pays

      C’est une idée qui fait son chemin depuis maintenant plusieurs semaines. Alors que la crise sanitaire du Covid-19 tend à se transformer en crise économique et financière mondiale, de plus en plus de régions, villages et associations souhaitent promouvoir l’utilisation des monnaies locales.

      Il en existe des dizaines en France et des milliers dans le monde. Les monnaies locales ont depuis quelques années séduit de nombreux Français. Créées au départ dans le but de supporter les industries et les commerces d’une même région, elles pourraient aujourd’hui être la solution concernant la crise économique à venir.

      En effet, certains maires, comme celui de Santa Marina, une petite commune de la province de Salerne en Italie, ont décidé d’imprimer leur propre monnaie et de la distribuer gratuitement aux plus précaires. Ces derniers peuvent ainsi acheter grâce à cet argent des biens de première nécessité.

      De plus, inconsciemment, l’utilisation de ce type de monnaie permet de relocaliser certaines productions. Le consommateur peut acheter avec cette monnaie des biens dans les commerces qui l’acceptent. Ces derniers l’utilisent ensuite pour payer leurs fournisseurs, qui à leur tour, ne peuvent dépenser cet argent que localement. La boucle est bouclée !

      À l’instar de certaines communes, une partie non négligeable d’experts économiques croient au fait qu’une relance nationale passe d’abord par une relance plus locale.

      https://www.terradarwin.com/post/utiliser-les-monnaies-locales-pour-relancer-l-%C3%A9conomie-du-pays

    • Sortie De Crise : Les Monnaies Locales Sont-Elles Une Solution ?

      L’ampleur inédite de l’actuelle crise du COVID-19 a des incidences tout à la fois à l’échelle mondiale et sur nos quotidiens, notamment en matière de consommation. Dans ce contexte bouleversé qui a directement affecté nos chaînes habituelles d’approvisionnement, les offres locales reviennent sur le devant de la scène. Toutefois, il est légitime de se questionner sur la solidité de ce modèle de consommation locale qui, hors contexte de crise, peine à s’affirmer face à une mondialisation souvent perçue comme un mal nécessaire. Par Laurence Fort-Rioche et Ronan de Kervenoael, professeurs de Marketing et chercheurs au sein de Rennes School of Business.

      Après un mois de confinement, les statistiques confirment les bouleversements dans le paysage de la distribution française. Parallèlement au repli des ventes des grandes surfaces et du e-commerce sur le non alimentaire, les initiatives fleurissent pour faciliter les approvisionnements de proximité (marchés de plein air, plateformes regroupant des producteurs locaux, livraisons, etc.). Alors, cette crise du COVID-19 agirait-elle comme un cruel révélateur des faiblesses d’un système essentiellement centré sur la globalisation ? Nous montrerait-elle aussi que les acteurs d’un modèle local sont là, déjà en place, garde-fous que l’on appelle au secours lorsque les repères habituels de la consommation de masse se fissurent ?

      Nombre d’entre nous ont dû revoir, face à la crise actuelle, leurs modes de consommation : le « local » se retrouve ainsi plébiscité et revient au cœur des débats. A sa suite, les questions relatives aux monnaies locales complémentaires citoyennes comme levier du dynamisme des échanges locaux reprennent plus que jamais leur sens.

      Que sont exactement les monnaies locales complémentaires citoyennes (MLCC) ?

      Au Moyen-Âge, il était assez usuel qu’une ville émette de la monnaie. Toutefois, le concept contemporain de monnaie locale complémentaire citoyenne a fait surface à partir de la crise de 1929. Dans le contexte de la Grande Dépression, l’une des premières initiatives de ce type a été l’initiative de Wörgl, en Autriche, durant laquelle, pour faire face à l’explosion du chômage, le gouvernement local a décidé d’émettre des bons-travail destinés aux seuls échanges locaux. Pour éviter la thésaurisation, cette monnaie, convertible en schillings mais « fondante », perdait chaque mois 1% de sa valeur si elle n’était pas utilisée. Les habitants devaient donc la faire circuler. Très vite, le Wörgl a montré ses effets sur la re-dynamisation de l’économie locale amenant à une baisse du chômage de 25% alors que le reste du pays s’enfonçait dans la crise. Près d’un siècle plus tard, ce sont des milliers de monnaies locales qui sont en circulation dans le monde.

      Reconnues légalement, en France, dans la loi Économie Sociale et Solidaire promulguée en août 2014, les monnaies locales complémentaires citoyennes ont vu leur nombre se démultiplier ces dernières années. Comme l’Eusko au pays basque, le Soudicy en Auvergne, le Stück en Alsace, la Roue en région PACA ou encore le Galléco en Bretagne, ce sont près de 80 monnaies locales qui se répartissent, aujourd’hui, sur l’Hexagone. Ces monnaies sont gérées par des associations qui organisent leur émission et leur circulation sur un territoire donné (bassin de vie, ville, département ou région). Leurs principaux objectifs sont de promouvoir les circuits courts, de renforcer l’économie locale mais également de porter des valeurs sociales, durables, éthiques et solidaires tout en se réappropriant des mécanismes monétaires non spéculatifs. Car les monnaies locales complémentaires citoyennes, qui ne peuvent être déposées sur des comptes bancaires, sont destinées aux seuls échanges de biens et services entre les adhérents du réseau : consommateurs, d’un côté, et commerçants, entreprises ou prestataires de services de l’autre. Cela suppose donc, pour les utilisateurs de monnaies locales, de faire régulièrement du change, de s’informer et d’adapter leur parcours d’achat à la liste des partenaires du réseau. Moins simple, certes, que de dépenser ses euros en grande surface ou dans un centre commercial mais différent, aussi, en termes d’engagement.

      Or, aujourd’hui, à l’instar de leurs prédécesseurs utilisateurs de monnaies locales complémentaires citoyennes, la majorité de nos compatriotes a dû revoir à la fois la nature de ses achats et son parcours de consommateur. Avec la crise sanitaire, faire ses courses est devenu plus compliqué. Certes, mais…

      Le résultat ? Des parcours de consommation plus complexes mais aussi des actes d’achat et une expérience plus riche de sens.

      La situation actuelle nous pousse à des parcours d’achat plus fragmentés : supérettes, groupements de producteurs, marchés de plein air, commerces alimentaires spécialisés, drive, etc. sont autant d’options ouvertes pour couvrir les besoins alimentaires en restant proche de son domicile. Pour la majorité des consommateurs, le parcours se complexifie. Les étapes de pré-achat reprennent de l’importance : réfléchir à ce qui manque, à ce qui est réellement nécessaire, à ce qui sera disponible ou non, s’informer, anticiper les temps d’attente, prévoir des équipements (masque, gants ou gel hydro-alcoolique), remplir son attestation, préparer éventuellement des contenants (bocaux, bouteilles, sacs, boîtes à œufs, etc.). Durant leurs achats, et face à de possibles ruptures de stock, les consommateurs doivent souvent considérer de nouveaux produits, regarder les étiquettes, comparer. Ils découvrent ou redécouvrent aussi leurs commerçants de proximité, les producteurs locaux. On retrouve, ici, des schémas déjà connus des utilisateurs de monnaies locales complémentaires citoyennes : un parcours souvent plus rationalisé et qui demande plus d’efforts mais, au final, plus engageant et porteur de plus de sens.

      Anticiper, s’organiser, s’informer, faire des efforts supplémentaires, prendre plus de temps, peut-être, mais reprendre aussi un rôle actif dans ses achats, voilà maintenant ce que vivent la grande majorité des consommateurs. Des notions devenues lointaines pour nombre d’entre nous, et plus encore pour des produits alimentaires et de première nécessité ! Car simplifier et fluidifier au maximum le parcours d’achat, supposément source d’une expérience positive, amener à passer plus de temps dans les surfaces de vente ou encore favoriser les achats d’impulsion, sont depuis longtemps des objectifs au cœur des préoccupations des décideurs du marketing traditionnel. Or, dans le contexte actuel, et lorsque l’on met en perspective les parcours de ces consomm’acteurs déjà portés par une dynamique responsable, notamment via l’usage des monnaies locales, la question de l’expérience d’achat réfléchie, plus complexe mais plus engagée soulève de nouvelles questions.

      L’une d’elles est de savoir si cette crise du COVID-19 va effectivement reposer les bases d’une prise de conscience généralisée autour de l’importance de l’économie locale et de ses acteurs. Opter pour des circuits de distribution locaux, fragmenter ses achats, faire des choix raisonnés, cela demande des efforts. Les utilisateurs de monnaies locales complémentaires citoyennes, notamment, en font depuis longtemps l’expérience. Pour ces derniers, la crise actuelle n’a d’ailleurs que très peu d’incidences sur leurs habitudes d’achat. C’est un des éléments-clés qui émerge, aujourd’hui, de notre étude : pour redonner sa force à notre économie locale, il faut avant tout reprendre la main sur un engagement actif dans nos actes d’achat. Cela suppose de retrouver le goût des efforts, levier d’action en tant que consommateurs et, plus largement, en tant que citoyens.

      Les temps tourmentés que nous traversons ouvrent donc une fenêtre pour réintégrer pleinement les circuits de nos économies locales et redevenir partie prenante de nos choix de consommation. Parallèlement, les monnaies locales complémentaires citoyennes, dont certaines peinent à se faire connaître, ont aussi une carte à jouer si elles veulent s’affirmer plus encore comme catalyseurs de l’économie locale dans un contexte qui semble leur être actuellement favorable.

      Cette crise du COVID-19 est une expérience inédite qui marquera les esprits à différents niveaux. Peut-être, en bouleversant nos repères de consommation, nous redonne-t-elle, en partie au moins, notre pouvoir de consommateur ? Peut-être sème-t-elle aussi les graines d’un futur qui se recentrera autour de nouvelles valeurs, notamment au travers de la réappropriation des circuits, acteurs et offres de nos bassins de vie.

      https://www-forbes-fr.cdn.ampproject.org/c/s/www.forbes.fr/finance/sortie-de-crise-les-monnaies-locales-sont-elles-une-solution/amp

    • Les monnaies locales, de soutien à la consommation à moteur de transition ?

      La crise sanitaire et économique dans laquelle la pandémie de COVID-19 nous a plongés a donné lieu à des plans de soutien à la consommation d’une ampleur inédite dans une grande partie des pays du Nord confinés. Ce soutien est particulièrement impressionnant en Amérique du Nord, avec la mise en place de la Prestation canadienne d’urgence de 2000$/mois pour toute personne ayant perdu sa source de revenus en raison de la pandémie ou encore l’augmentation de 600$ US par semaine de l’allocation emploi aux États-Unis. En plus d’aider les ménages concernés, ces mesures permettent de prévenir un effondrement de l’économie en évitant la faillite massive et simultanée des ménages, des entreprises et des banques du fait de l’arrêt quasi total de l’activité.

      LES LIMITES DU SOUTIEN À LA CONSOMMATION

      Cependant, pour que les montants envoyés aux ménages québécois aident pleinement l’économie nationale, il faut s’assurer que leur consommation cible des entreprises et des produits québécois. En effet, si l’argent débloqué est uniquement dépensé en produits importés, la politique de soutien à la consommation actuelle pourrait provoquer une détérioration rapide des comptes internationaux. Les effets multiplicateurs de l’injection de fonds dans l’économie pourraient être diminués par la préférence des consommateurs pour les biens offerts par des entreprises extérieures, du fait de leurs prix plus faibles ou de leur plus grande diversité. La relance aiderait alors les pays exportateurs ayant maintenu leur activité, mais peu les entreprises locales.
      LES MONNAIES LOCALES : UNE INCITATION À CONSOMMER LOCAL

      Les monnaies locales complémentaires sont créées afin de circuler dans une zone définie en parallèle à une monnaie nationale. Elles sont mises en place par des regroupements de citoyens, parfois structurés en organismes à but non lucratifs ou par des coopératives et réseaux de producteurs locaux. Elles sont acceptées comme moyen de paiement par des entreprises membres d’un réseau et sont émises par l’échange de monnaie nationale en monnaie locale par leurs utilisateurs. Si elles sont assez discrètes au Québec, avec un projet en circulation à Québec, un en préparation à Montréal et quelques projets de petite taille en région (le Demi en Gaspésie, le Grosleau à Ripon, etc.), il en existe plusieurs de par le monde, dont par exemple près de 82 en France de différentes envergures.

      Ces dispositifs communautaires pourraient être une solution intéressante parmi d’autres pour éviter la fuite des revenus de la relance hors des économies locales. En effet, la plupart de ces monnaies disposent de chartes stipulant que les entreprises membres doivent avoir un ancrage local fort ainsi qu’un engagement vers un mode de production durable. La monnaie locale ne circulant qu’au sein d’un réseau fermé, elle fonctionne comme une barrière à la fuite de la consommation des ménages et des entreprises en dehors du territoire. Les revenus versés sont conservés dans la communauté et doivent circuler en son sein. Ils ne peuvent donc plus être dépensés auprès d’entreprises extérieures ou placés sur les marchés financiers. En diminuant la demande pour les importations, la monnaie locale fait en sorte qu’une injection de fonds par un gouvernement sera davantage à même de stimuler l’activité économique d’une communauté. Certaines monnaies locales permettent aux entreprises participantes d’échanger l’argent qu’elles reçoivent en monnaie locale contre de la monnaie nationale, mais cette possibilité est souvent accompagnée de barrières tarifaires et éthiques, du fait de l’adhésion à la philosophie du projet, afin de décourager ces comportements.
      UN OUTIL POUR ASSURER L’EFFICACITÉ DE LA RELANCE ?

      S’il existait une monnaie locale d’une certaine envergure, on pourrait imaginer qu’une portion de l’aide de l’État, disons un quart ou un cinquième, soit versée directement dans cette monnaie. Cela assurerait qu’une partie de cet argent soit consommée auprès d’entreprises locales engagées dans des démarches d’économie durable, mais également que ces entreprises dépensent une partie de leurs revenus auprès d’autres entreprises du territoire. Une telle politique favoriserait donc le maintien de l’activité et d’emplois locaux, ainsi que le développement de nouvelles filières de production territorialisées. L’aide massive déployée actuellement irait donc plus loin qu’un simple filet de sécurité pour assurer la survie des ménages impactés par l’arrêt de l’activité économique ; elle pourrait devenir un formidable outil de développement rapide des économies locales orienté vers la transition écologique.

      Les unités de monnaies nationales échangées en monnaie locale sont dans les modèles existants souvent placées auprès de banques communautaires ou s’accompagnent d’engagements éthiques forts. Il existe des partenariats avec certaines d’entre elles afin d’assurer que l’argent des livrets de monnaie locale soit utilisé comme levier pour financer les projets d’entreprises du territoire et/ou avec un impact écologique affiché. Si une partie de l’aide gouvernementale venue soutenir la consommation des ménages était versée en monnaie locale, ces fonds seraient gonflés d’autant et pourraient aller soutenir massivement le financement des entreprises du territoire engagées dans des démarches durables.
      QUELLES POSSIBILITÉS AU QUÉBEC ?

      Cette proposition rencontre un défi de taille : le faible nombre de monnaies locales au Québec et la complexité d’un développement soudain de monnaies communautaires pendant une crise sanitaire. De plus, le développement de tels dispositifs requiert généralement une bonne période de mobilisation et plusieurs rencontres, ce que la situation de confinement rend complexe.

      Cependant, les territoires québécois ont la chance de disposer d’un réseau important de caisses populaires ainsi que d’organismes communautaires de développement régional sur lesquels ces projets pourraient prendre appui, au moins le temps d’un démarrage précipité durant la crise. Ils pourraient par la suite se stabiliser à long terme dans des formes communautaires plus autonomes et démocratiques. De même, l’échelle territoriale pertinente est à définir par la pratique sur le long terme. Si une mise en place rapide peut s’appuyer sur des territoires préétablis offrant une suffisamment grande diversité de produits pour répondre à une partie de la demande locale, la définition des territoires d’intervention des monnaies locales devra par la suite être discutée et redéfinie avec les acteurs.

      D’un point de vue pratique, il faudrait que l’administration de l’aide soit régionalisée. L’État pourrait effectuer les transferts aux caisses populaires qui transformeraient une partie de l’aide en monnaie locale avant de la redistribuer aux ayants droit. Le système serait particulièrement simple pour les monnaies locales numériques auprès desquelles les ayants droit pourraient ouvrir un compte et se faire créditer automatiquement cette partie de leur aide. Pour les monnaies avec des dispositifs papier, les associations devraient disposer d’un registre et recevoir les ayants droit pour leur transmettre leur part d’allocation.

      En cas d’un lancement rapide de nouvelles monnaies locales, il faut prendre garde à conserver l’esprit de ces dispositifs. En effet, l’un des atouts des monnaies locales est la sélection précautionneuse des entreprises membres, assurant la qualité de leur production et leur engagement pour le territoire. Un développement trop rapide des réseaux pour leur faire atteindre une taille suffisante pour répondre à la demande massive qui résulterait de cette politique pourrait mettre en péril cette dimension essentielle.
      FAIRE DU SOUTIEN À LA CONSOMMATION UN MOTEUR DE LA TRANSITION

      L’ampleur des structures à mettre en place peut paraître décourageante. Pourtant, la période actuelle pourrait être le bon moment pour élaborer certains de ces projets également utiles à long terme pour le développement et à la résilience territoriales. Cette idée s’inscrit en effet dans une dynamique plus large de relocalisation des économies, déjà observable au Québec par l’engouement pour le Panier bleu et les marchés locaux mettant en lien direct les producteurs et les consommateurs du territoire. Plutôt que d’attendre que la crise passe en espérant que tout reprenne comme avant à la sortie, il devient urgent de proposer des solutions et de réorganiser la production. Cette injection monétaire pourrait ainsi constituer une occasion rare de modifier rapidement et radicalement la structure de la consommation des ménages et des filières de production afin d’aller vers une économie plus autonome, plus résiliente et plus écologique. Bien entendu, les monnaies locales n’ont pas à elles seules le pouvoir de transformer profondément le fonctionnement de l’économie mondialisée, mais elles peuvent y participer en combinaison avec d’autres politiques publiques orientées dans la même direction.

      Et si l’horizon temporel de la crise s’avère trop court pour utiliser immédiatement des monnaies locales, il demeurera intéressant de lancer la dynamique afin que ces nouveaux instruments monétaires soient disponibles dans le futur, pour l’accompagnement quotidien de la transition et comme soutien en cas de nouvelles crises.

      https://iris-recherche.qc.ca/blogue/les-monnaies-locales-de-soutien-a-la-consommation-a-moteur-de-tran

  • If mayors ruled migration : Promises and gaps

    On 8th December 2018, two days before the UN Intergovernmental Conference to Adopt the Global Compact for Safe, Orderly and Regular Migration, some 80 cities around the world convened in Marrakech for the 5th Mayoral Forum on Human Mobility, Migration and Development. The cities signed a Mayors’ Declaration, identifying common priorities in the follow up and review process of the Global Compact. On that same occasion, a new initiative called the Mayors Migration Council was launched, to support cities’ engagement in international deliberations and policies concerning refugees and migrants. A couple of months afterwards, on February 9th, 2019, the mayors of the main Spanish and Italian cities launched an alliance to oppose the ‘closed harbours’ policy of the Italian Minister of the Interior Matteo Salvini and to denounce the incapacity of the EU to address the situation appropriately.

    These are just two recent examples that show how city policies and mobilisation on migration can resonate well beyond municipal and national walls. Can cities’ international mobilisation rescue states (and the EU) from their failure in dealing with migration issues? Cities’ enthusiasts like Benjamin Barber, founder of the Global Parliament of Mayors, have no doubts about the governance capacity of city networks (CN henceforth): ‘Mayors can rule the world because cities represent a level of governance sufficiently local to demand pragmatism and efficiency in problem solving but sufficiently networked to be able to fashion cooperative solutions to the interdependent challenges they face’. Pragmatism and cooperative interaction are presented as the key assets of mayors, cities and, by extension, city networks’ mode of governing global challenges. On the basis of – the still scarce – existing research on city global mobilisation on migration-related issues and of the preliminary results of the MinMUS Project, we can identify the promises and challenges of transnational city networks for the building of a new multilevel governance of international migration.

    Is local policy more pragmatic?

    The idea that local governments must deal with the situation ‘as it is’, therefore taking distance from abstract – and presumably ineffective – ideological recipes, has underpinned the development of research on local migration policy. However, evidence is contradictory and, especially in the US, studies seem to show that pragmatic attitudes and accommodative solutions are just as likely to occur as decisions aiming at excluding migrants or simply ignoring the issue altogether. What a ‘pragmatic solution’ is cannot be easily established a priori, but will depend on policymakers’ interests, perceptions, and definitions of the situation.

    Data collected by the Cities of Refuge project on 27 transnational city networks in Europe show that the most networked cities are leaning towards the centre-left, progressive-side of the political spectrum. And even if membership usually outlasts political shifts, this might not correspond to active participation, as pointed out by research in the field of climate change mitigation. Furthermore, according to Cities of Refuge, cities that adhere to international networks have an average population of 1.5 million, meaning that they are primarily large cities. However, as noted by OECD, while nearly two-thirds of migrants settle in metropolitan and densely populated regions, asylum seekers are more spread across urban-rural areas.

    Territorial dispersal of asylum seekers reflects evidence on reception policies collected by the CeasEVAL Project. To face the sense of pressure generated by increasing inflows since 2011, national governments in both federal/regional countries (Germany, Italy and Spain) and centralised ones (Finland, Luxemburg, Greece and Bulgaria), have redistributed asylum seekers all over their territory, including small municipalities in rural and mountains areas. Even though the reaction of local populations has not necessarily been negative, CeasEVAL points out a high level of heterogeneity in the type of accommodation and quality of services provided, as well as in opportunities for effective integration. Policy learning and exchange of best practices would probably be of great interest to these ‘new immigrant destinations’; however, they often do not have the financial, human and political resources required to participate in international network activities.

    Hence, the international arena is a highly selective one, which risks excluding those – especially small – cities that might be more in need of accessing knowledge and other – mainly financial – resources in order to deal effectively with the challenges of migration and asylum. Modes of inclusion will also depend on the goals of city networks, which are extremely diverse.

    Cities as key players in the multilevel governance of migration?

    City networks gather together on a voluntary basis local authorities in order to pursue perceived collective interests or purposes. They lack authoritative power, and therefore have to rely upon horizontal coordination and mutual cooperation to carry out and implement their initiatives. As such, city networks are organisations which aim at realising quintessential multilevel governance policy processes: on the vertical dimension, they interact with institutions operating at different – local, regional, national and supra-national – territorial scales; on the horizontal dimension city networks establish new relations between cities and with non-public actors mobilised at a city level.

    To assess these hypotheses, the MInMUS project (website) has carried out an in-depth analysis of four transnational networks on migration, i.e.: the Migration and Integration Working Group of Eurocities, the European Coalition of Cities Against Racism (ECCAR), the Intercultural Cities Programme (ICC) and Welcoming America. Results show that these networks: 1) pursue different agendas and 2) are engaged in different types of policymaking processes.

    Regarding agendas, ECCAR and ICC are focused on the promotion of a specific type of local policy, i.e. anti-discrimination and interculture respectively; Eurocities seeks to represent main cities vis-á-vis the European Commission, being involved primarily in lobbying activities; whereas Welcoming America is concerned with soliciting grassroots participation and community partnerships. As for policymaking processes, Welcoming America prioritizes relations with actors such as NGOs, CSOs and private business, whereas Eurocities is more focused on relations with the European Commission and national governments. A more balanced pattern of multilevel political dynamics can be discerned in the other two cases. In particular ICC, starting from 2016, has adopted an explicit multilevel governance approach aimed at promoting cooperation and coordination both on the vertical, i.e. between different levels of government, and on the horizontal, i.e. with non-public actors, dimensions of policy-making.

    Multilevel governance, far from being the essence of city networking initiatives, is only one possible mode of policymaking interactions and it is not even the most relevant one. City networks may well find it more convenient or appropriate to pursue other types of policy interactions, centred on a vertical dimension as in the case of Eurocities or on the horizontal dimension as in that of Welcoming America. Multilevel governance seems easier to pursue in the case of networks that are already established as multilevel organisations. This is the case of ECCAR, launched by Unesco in 2004, and of ICC, officially started in 2008 as a joint initiative of the Council of Europe and the European Commission. Patterns of relations and modes of policymaking seem to reflect to a large extent the genesis of city networks and their distinctive policy agenda.

    Getting back to our initial question: Can cities’ international mobilisation rescue states (and the EU) from their failure in dealing with migration issues? While one cannot deny the key role played by cities in the managing of migration crises as well as in supporting integration and community cohesion more generally, city networks’ skewed membership that consists mainly of larger and politically progressive cities should make us cautious about their impact on improving migrants’ living conditions at a grassroots level. Furthermore, evidence suggests that the initiative of supranational institutions ‘from above’ has played a key role in favouring cities’ collaboration around specific policy issues such as interculture and anti-discrimination. Indeed, cities and their networks represent a new actor in the multilevel political dynamics around migration; yet whether and to what extent they will be effective in promoting collaborative multilevel governance relations and influencing national government and EU agendas on migration remains to be seen.

    https://blogs.eui.eu/migrationpolicycentre/mayors-ruled-migration-promises-gaps
    #municipalisme #migrations #villes #collectivités_locales #asile #migrations #réfugiés #gouvernance

    Ajouté à la métaliste sur les #villes-refuge :
    https://seenthis.net/messages/759145

    ping @karine4

  • Amiante à l’école : « Une bombe sanitaire à retardement » (Libération)
    https://www.liberation.fr/france/2019/03/19/amiante-a-l-ecole-une-bombe-sanitaire-a-retardement_1716225

    Plus de vingt ans après le premier scandale, rien ou presque n’a été fait dans la plupart des établissements. L’usure du parc scolaire demande des solutions urgentes que personne ne semble disposé à prendre, mettant en danger élèves et personnel.

    Amiante à l’école : « Pour la sieste, les matelas sont posés sur des dalles amiantées » (FranceInfo)
    https://www.francetvinfo.fr/sante/affaires/scandale-de-l-amiante/amiante-a-lecole-pour-la-sieste-les-matelas-sont-poses-sur-des-dalles-a

    Ce matériau cancérogène est interdit en France depuis 1997. Pourtant de nombreux établissements scolaires seraient encore infestés. Des associations dénoncent une bombe sanitaire à retardement.

    Amiante dans les écoles : Jean-Michel Blanquer réagit à l’enquête de Libé (Libération)
    https://www.liberation.fr/direct/element/amiante-dans-les-ecoles-jean-michel-blanquer-reagit-a-lenquete-de-libe_95

    « […] Notamment parce qu’il doit y avoir un diagnostic technique amiante dans chaque établissement (construits avant 1997, ndlr). [...] Nous vérifions ça », dit le ministre. Vraiment ? Alors comment expliquer que, selon l’enquête de l’observatoire national de la sécurité des établissements scolaires (la seule donnée publique à ce jour), de 2016, un tiers des écoles primaires n’avait toujours pas de diagnostic amiante ?

    #éducation #amiante #santé_publique #collectivités_locales #locaux_scolaires

  • Le nombre des intercommunalités passe en dessous de 1.260, celui des communes en dessous de 35.000 | Banque des Territoires
    https://www.banquedesterritoires.fr/le-nombre-des-intercommunalites-passe-en-dessous-de-1260-celui-

    Selon un bilan de l’intercommunalité que la direction générale des #collectivités_locales (#DGCL) vient de mettre en ligne, la France compte en ce début d’année 1.258 #EPCI à fiscalité propre, soit cinq de moins qu’il y a un an. 1.001 d’entre eux (soit près de 80%) relèvent de la catégorie des communautés de communes, tandis que 223 (soit près de 18%) appartiennent à celle des communautés d’agglomération. Enfin, les autres (moins de 3%) se répartissent entre 21 métropoles et 13 communautés urbaines. […] Toujours selon ce bilan, le nombre des #communes françaises est passé sous la barre des 35.000. Au 1er janvier 2019, il s’élève exactement à 34.970. C’est 387 de moins qu’il y a un an. Après s’être tassé en 2017, le mouvement de création de communes nouvelles a donc connu une forte reprise l’an dernier. Le rapprochement avec la période précédant les élections municipales, pendant laquelle les projets sont gelés, a sans doute encouragé certains élus locaux à franchir le pas.

    Le bilan : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/statistiques/brochures/bilan-statistique-2019_diffusion_2.pdf

    #géographie_administrative

  • #depecage #en_regle #hydroelectrique : #Privatisation des #barrages français : un acte de #haute_trahison | Le Club de Mediapart
    https://blogs.mediapart.fr/bertrand-rouzies/blog/160618/privatisation-des-barrages-francais-un-acte-de-haute-trahison

    « les barrages français, avec leur excédent brut de 2,5 milliards d’euros par an, dont la moitié revient aux #collectivités_locales, leur masse salariale faible (21 000 salariés) et leurs installations amorties depuis des lustres, sont une proie de choix. La bête, de surcroît, a été techniquement #affaiblie dès avant que la Commission ne revînt à la charge, par un certain… Emmanuel Macron : une de ses premières grandes décisions comme ministre de l’économie aura été d’autoriser l’investissement de l’Américain General Electric dans #Alstom. »

  • Piscine, garderie, cantine... comment les collectivités locales font flamber la note _ Sandrine Trouvelot - 20 Avril 2018 - capital
    https://www.capital.fr/economie-politique/piscine-garderie-cantine-comment-les-collectivites-locales-font-flamber-la-n

    Certes, les élus ont limité les hausses d’impôts cette année. Mais ils vont se rattraper en facturant leurs services.

    Pas étonnant que les parents vivant à Saint-Julien-en-Genevois, en Haute-Savoie, soient inquiets. Fin décembre, ils ont reçu une lettre signée du maire expliquant que les coûts de la restauration scolaire – dont les tarifs s’échelonnent de 1,30 euro à 7,20 euros selon les revenus – avaient beaucoup augmenté, notamment à cause de la suppression des emplois aidés, et qu’il devra prochainement « arbitrer sur la répartition de ces coûts entre les usagers et les contribuables ». « On n’a pas de nouvelles, mais on nous a laissé entendre qu’il faudrait au minimum relever le prix des repas au niveau de leur coût de revient, soit 3 euros », se désole-t-on à la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves).

    Décidément, les collectivités locales sont de plus en plus nombreuses à se lâcher sur les prix de leurs services. Si certaines limitent les horaires d’ouverture, voire suppriment des prestations – la mairie de Paris, par exemple, a récemment annoncé la fermeture des colonies de vacances Arc-en-ciel, qui ont permis à 4.200 enfants de partir l’an dernier –, la plupart préfèrent raboter leurs subventions.

    Résultat : de la cantine à la garderie en passant par les piscines ou les conservatoires, les tarifs ne cessent de flamber pour les usagers. « Les élus n’ont plus tellement le choix, et cette tendance va nécessairement se poursuivre », assure Pierre-Olivier Hofer, directeur du cabinet Exfilo.

    Il est vrai que les collectivités locales sont confrontées à une situation inédite. Non seulement elles reçoivent moins de dotations de l’Etat – au total, elles ont perdu plus de 10 milliards d’euros depuis 2013 et Emmanuel Macron leur a demandé 13 milliards d’économies supplémentaires sur le quinquennat –, mais elles peuvent difficilement augmenter encore les impôts vu le ras-le-bol fiscal des Français. Or, malgré les nombreux gaspis, elles ont du mal à tailler dans leurs dépenses – les trois quarts de ces dernières concernant le personnel, ce n’est pas toujours simple.

    Pour boucler leurs fins de mois , elles font donc payer les citoyens. Avec des choix politiques divergents selon les collectivités : certaines choisissent de mettre à contribution tout le monde, d’autres de concentrer les augmentations sur les plus aisés. En utilisant parfois un prétexte tout trouvé : l’harmonisation des tarifs découlant des fusions d’intercommunalités.
    Centres de loisirs, piscines, cantines… un peu partout, les tarifs valsent

    Le centre de loisirs à Bourgtheroulde : + 100%
    Pas étonnant que les habitants du territoire de Bourgtheroulde, en Normandie, l’aient mauvaise. Leur centre de loisirs est désormais deux fois plus cher, car la communauté de communes dont ils dépendent (Roumois-Seine) a relevé les tarifs le 1er janvier 2018.

    La piscine de Caen : + 40% 
C’est une sacrée douche froide pour les Caennais. Depuis septembre dernier, le prix d’entrée au centre nautique Eugène-Maës a grimpé de 40% (4 euros pour un adulte, contre 2,90 euros avant). Idem pour les activités qui y sont proposées : + 27% pour l’aquagym et même + 64% pour l’aquabike.

    La cantine à Montesson : + 45% 
Normal que les parents de cette commune des Yvelines râlent. Depuis septembre, les tarifs de la cantine, qui étaient l’an dernier de 4,41 euros pour tous, varient entre 3,85 et 6,41 euros. « Cela représente une hausse de 30 à 45% pour 71% des familles ! », dénonce la FCPE.

    La restauration à Venette : + 217% 
Plutôt salée l’addition de la cantine dans cette ville de l’Oise ! En septembre 2017 , la facture a bondi de 38% pour les plus aisés (de 5 à 6,90 euros) et de 0,46 à 1,46 euro pour les familles modestes. Soit, pour ces dernières, une hausse annuelle par enfant de près de… 200 euros.

    Le conservatoire de Lille : + 270% 
Fini la générosité avec les élèves musiciens résidant en dehors de la ville ! Dans un contexte budgétaire tendu, la mairie a fixé pour eux un tarif unique de 1.866 euros à partir de septembre 2017. Jusque-là, la facture ne dépassait pas 500 euros, et pouvait même tomber à… zéro.

    Les concessions à Quesnoy-sur-Deûle : + 10% 
Sous prétexte qu’elle a investi près de 50.000 euros dans son cimetière, cette commune proche de Roubaix a relevé de 2% le prix de ses concessions funéraires. La hausse atteint même 10% pour une niche dans un columbarium (désormais à 386,87 euros pour une durée de cinquante ans).

    La location de salles à Saint-Pair-sur-Mer : + 55% 
Certes, la plupart des tarifs municipaux de cette ville normande n’ont quasiment pas bougé. Mais la location des salles a, elle, flambé comme jamais. Les habitants devront désormais payer 155 euros pour réserver la salle polyvalente, soit 55% de plus qu’en 2017 !

    Les internats dans l’Aube : + 10% 
Mauvaise surprise pour les familles. Sous prétexte d’harmonisation, la région Grand Est a décidé une hausse des tarifs dans les lycées de l’Aube d’ici 2020 (+ 10% pour l’internat et jusqu’à + 22,5% pour la cantine). « Comme c’est sur trois ans, on a failli ne rien voir ! », râle-t-on à la FCPE.

    Les piscines de Paris : + 16% 
Après avoir alourdi en 2014 les tarifs des cantines et des conservatoires (+ 115,6% pour les plus hauts revenus), la capitale a relevé ceux de ses 39 piscines en juillet 2017. La hausse s’élève à 16,6% pour une entrée normale et même à 17,6% pour les jeunes.

    La garderie à Etouy : + 154% 
Colère dans cette commune de l’Oise. Depuis le 1er janvier, les repas scolaires coûtent en effet 5,50 euros (+ 37%), et la garderie 3,30 euros pour tous, soit pour certains parents une envolée de 154% ! « Les emplois aidés ont été supprimés, et la qualité est meilleure », se défend le maire.

    La place dans le port de Bordeaux : + 157% 
Certes, des travaux, actuellement en cours, permettront de doubler, d’ici l’été, la capacité d’accueil du port de plaisance de la ville de Juppé. Mais les usagers devront aussi payer plus cher. Pour un bateau de 10,50 mètres, par exemple, il faudra alors débourser 1.800 euros, contre 700 auparavant.

    #collectivités_locales #communes #mairies #Cantine #Musique #Piscine

  • A Bouaye, le #caoutchouc du #terrain de #football synthétique sera remplacé par du #liège
    https://www.caissedesdepotsdesterritoires.fr/cs/ContentServer/?pagename=Territoires/Articles/Articles&cid=1250280829529&nl=1

    Le plastique, ça n’est plus fantastique. Tel pourrait être le refrain repris en choeur par les élus de Bouaye (Loire-Atlantique), qui ont décidé de bannir le caoutchouc pour la rénovation de leur terrain de football en pelouse synthétique.

    #terrain_synthétique #principe_de_précaution #collectivités_locales #santé

  • La fin des #communes en #France ?

    Avec la baisse des dotations pour les communes et la réforme de la #taxe_d’habitation, l’État français a-t-il décidé de sacrifier les mairies sur l’autel de l’austérité ? Échelon administratif le plus proche des habitants, elles sont vent debout. Les maires décrivent une impasse financière mettant en danger les #municipalités.


    https://www.lacite.info/politiquetxt/communes-france
    #administration #administration_française #Macron #collectivités_locales

  • #quartiers_prioritaires : « Il faut en finir avec l’assignation à résidence »
    https://www.mediapart.fr/journal/france/111117/quartiers-prioritaires-il-faut-en-finir-avec-l-assignation-residence

    Julien Denormandie. © Reuters Face à l’inquiétude des #associations et la colère des élus locaux, confrontés aux coupes budgétaires et au désengagement du gouvernement sur les contrats aidés, #Emmanuel_Macron se rend dans les Hauts-de-France pour parler de la #politique_de_la_ville. Entretien avec l’un de ses proches, le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires, #Julien_Denormandie.

    #France #ANRU #collectivités_locales #Edouard_Philippe #emplois_aidés

  • Exonération de la #taxe_d'habitation : quels seront les vrais gagnants ?
    https://www.mediapart.fr/journal/economie/130917/exoneration-de-la-taxe-dhabitation-quels-seront-les-vrais-gagnants

    Le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin a précisé ce matin les futurs seuils d’exonération de la taxe d’habitation. Mais l’efficacité économique de cette mesure, lissée sur trois ans et dans un contexte austéritaire, est incertaine.

    #Economie #baisse_d'impôts #budget_2018 #collectivités_locales #fiscalité #politique_économique

  • Exonération de la #taxe_d'habitation : quels seront les vrais gagnants ?
    https://www.mediapart.fr/journal/france/130917/exoneration-de-la-taxe-dhabitation-quels-seront-les-vrais-gagnants

    Le ministre de l’action et des comptes publics Gérald Darmanin a précisé ce matin les futurs seuils d’exonération de la taxe d’habitation. Mais l’efficacité économique de cette mesure, lissée sur trois ans et dans un contexte austéritaire, est incertaine.

    #France #Economie #baisse_d'impôts #budget_2018 #collectivités_locales #fiscalité #politique_économique

  • Les #collectivités_locales au régime sec
    https://www.mediapart.fr/journal/france/170717/les-collectivites-locales-au-regime-sec

    Le gouvernement demandera sur le quinquennat un effort de réduction des dépenses de 13 milliards d’euros, trois de plus que prévu par le candidat Macron. L’équation sera rendue plus périlleuse par l’exonération de la #taxe_d'habitation et le financement des promesses du nouveau président.

    #France #Economie #austérité #politique_budgétaire

  • La #décentralisation au #Sénégal, ou comment réformer pour mieux maintenir le statu quo

    La décentralisation au Sénégal est un processus très mouvementé. Elle connaît des temps forts et des périodes difficiles. Les textes sont en général très ambitieux mais la réalité est plus complexe. Cette décentralisation fortement affirmée par la loi et dans le discours officiel rencontre beaucoup de difficultés. En effet, le pouvoir central transfère certaines de ses prérogatives aux #collectivités_locales, tout en essayant de garder la mainmise sur ces dernières. Le #découpage_politico-administratif est tout aussi préoccupant. On assiste à une prolifération de communes le plus souvent sans viabilité territoriale et économique. Dans l’ensemble, les collectivités peinent à trouver des ressources pour financer leurs investissements. Les dotations de l’Etat sont insuffisantes, le recouvrement des impôts et des taxes est déficient, le partenariat avec des collectivités étrangères du Nord est désorganisé et comporte des risques. L’Etat tente de réformer mais fondamentalement sans remettre en question le #découpage_territorial qui est pourtant considéré comme l’une des sources des dysfonctionnements et du manque de moyens des collectivités locales.

    http://cybergeo.revues.org/27845
    #cartographie #visualisation #réforme_territoriale

  • #Open_data et droit de la donnée : les collectivités à l’épreuve des réglementations européennes

    Les institutions européennes ont promu l’#harmonisation, le #partage et la réutilisation des #données_publiques et en particulier des #données_géographiques avec plusieurs directives entre 2003 et 2013. Mais au cours des 10 dernières années, cette harmonisation et cette ouverture des données s’est révélée être un processus lent et nécessitant un important effort de la part de l’ensemble des acteurs publics, à différentes échelles. Et les collectivités locales semblent être « en retard » au regard des autres échelons européens. Cet article fait l’hypothèse que le choix de la thématique environnementale correspondait à une stratégie de mobilisation des acteurs sur une dimension porteuse pour les citoyens européens, mais que ce choix n’était pas le plus adapté pour les collectivités territoriales. L’article propose d’interroger à différentes échelles les difficultés réglementaires, techniques et politiques de mise en œuvre des réglementations européennes, d’harmonisation et d’ouverture des données géographiques. Il s’appuie sur une enquête auprès des #collectivités_locales pour comparer les situations à l’échelle la plus fine en #Espagne, en #France, au #Portugal et au #Royaume-Uni.

    https://cybergeo.revues.org/27750
    #données #lois #règlementations

  • Le tournant des #finances_locales | Les Économistes Atterrés
    http://www.atterres.org/article/le-tournant-des-finances-locales

    Le secteur public local a longtemps constitué une sorte d’îlot influencé davantage par la démocratie territoriale que par le néolibéralisme qui s’est répandu depuis les années 1980. Le projet néolibéral, qui vise à libérer la logique du profit des contraintes sociales et politiques, a porté sur la libéralisation des marchés (finance, biens et de services), avant de s’attaquer à l’État social (protection sociale et services publics notamment) en réduisant les budgets publics et la pression fiscale. Le secteur local a été durablement épargné par la trajectoire néolibérale. Les dépenses locales ont crû fortement de 1978 à 2008 (3,3% par an en volume en moyenne, passant de 7,7% à 11,3% du PIB, soit +3,6 points), davantage en fonctionnement (+2,8 points de PIB) qu’en investissements (+0,3 point). La décentralisation n’est responsable que de 1,6 point sur les 3,4 points de hausse de 1980 à 2008 ; la progression de la part des dépenses locales dans le PIB à champ constant a été de 1,8 point de PIB. Les dépenses locales à champ constant ont augmenté en volume de 2,7% par an, un rythme plus rapide que celui des dépenses de l’État (1,9%). De 1996 à 2007, la #fonction_publique_territoriale s’est accrue de 440 000 agents, dont moins de 50 000 au titre des compétences transférées. Les élus locaux ont privilégié la satisfaction des besoins en services et en équipements publics au prix d’une progression de la fiscalité. L’expansion budgétaire a été favorisée par le différentiel de pression des électeurs sur les dépenses et sur les impôts, par le dynamisme des bases fiscales, par la marge de liberté sur le taux d’imposition et par la politique de l’État. Cette expansion s’est déroulée dans le respect de l’orthodoxie financière favorisée par la règle de l’équilibre budgétaire réel qui s’impose aux administrations publiques locales. Leur besoin de financement est resté faible (0,36% du PIB en moyenne de 1982 à 2008) de même que l’encours de leur dette (entre 7% et 9% du PIB).

    Mais la politique de l’État envers le secteur public local a changé de cap, marquée par une austérité d’inspiration néolibérale. Sous la présidence Sarkozy, la réforme de la fiscalité économique a relevé de la logique de l’économie de l’offre et la politique des dotations est devenue plus restrictive. Sous la présidence Hollande, on passe à l’austérité pour les concours aux #collectivités_locales qui sont fortement réduits, avec l’objectif d’obtenir à terme une « inversion de la courbe » de la part des dépenses publiques locales dans l’économie (I).

    Des préoccupations d’équité territoriale entre les collectivités locales accompagnent cette politique restrictive. L’État cherche à limiter les inégalités territoriales par le renforcement de la péréquation verticale et surtout de la péréquation horizontale, ainsi que par la future réforme de la dotation globale de fonctionnement du secteur communal reportée à 2017. En revanche, l’objectif d’équité sociale entre les contribuables semble être passé au second rang (II).

    La nouvelle politique de l’État provoque les tensions financières dans la gestion locale en dépit d’une certaine capacité de résistance. Depuis 2011, le ralentissement des ressources de fonctionnement entraîne un « effet de ciseau » impliquant une baisse des soldes d’épargne brute et nette, ce qui signifie une réduction de la marge de manœuvre des collectivités qui réagissent d’abord par la baisse de l’investissement. Mais le prolongement des tensions va appeler des changements plus fondamentaux. La politique d’austérité de l’État contribue à la pénétration du néolibéralisme dans le secteur public local (III).

    La note complète : http://www.atterres.org/sites/default/files/Le%20tournant%20des%20finances%20locales%2C%20juin%202016.pdf

  • Refondation de l’école : vers une territorialisation de l’éducation (Le Mammouthologue)
    http://blog.educpros.fr/le-mammouthologue/2016/05/02/refondation-de-lecole-vers-une-territorialisation-de-leducation

    Contraintes d’organiser les activités périscolaires, d’investir symboliquement les cours d’école, les gymnases et les salles de classe, les collectivités sont désormais des partenaires éducatifs du quotidien. Et cette implication locale, visible de tous, a des conséquences très concrètes sur l’offre éducative, différente d’un territoire et d’une ville à l’autre. Sans être tout à fait une nouveauté, ces dernières années ont rendu visible par le plus grand nombre cette forme de territorialisation de l’éducation. Et cela ne s’arrête pas aux écoles : la réforme territoriale, la création de grandes régions aux compétences élargies, la nomination de « supers recteurs » aux pouvoirs élargis sont autant de signes du poids des territoires dans une Education nationale de plus en plus éclatée. […] De la même façon, la réforme du collège, qui acte une plus grande autonomie des établissements officialise aussi l’idée d’une offre éducative variable selon les territoires, les villes et les établissements. En témoigne le maintien de classes bilangues à Paris et dans l’académie de Strasbourg…
    […]
    Au fond, l’idée d’une organisation à tête unique, gérant 800 000 enseignants et 12 millions d’élèves de manière totalement centralisée a définitivement vécu. Le quotidien de l’école se construit désormais dans un dialogue et un partage de responsabilités plus ou moins apaisé entre les autorités académiques et les collectivités.
    […]
    Que faut-il attendre de cette lente #territorialisation ? Le niveau local, celui de l’établissement, va gagner en autonomie et en agilité, loin des logiques centralisatrices. La puissance de transformation du numérique éducatif, en grande partie financé par les collectivtés, va accélérer ce mouvement. Les logiques horizontales vont progressivement supplanter les logiques pyramidales et descendantes. Cette forme de contournement des rigidités et des blocages de l’Education nationale a été pensée de longue date -dès les premières vagues décentralisatrices des années 80- par des experts et des haut fonctionnaires, tous conscients du caractère irréformable de la machine.

    #éducation #système_éducatif #territoires #décentralisation #collectivités_locales